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Réalisé par les membres de Youth Diplomacy Gregor Troubat, Pierre-Hernan Rojas, Tomomitsu Maruta, Maud Haynau Page 1 Rencontres Annuelles du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale Du 08/10/12 au 14/10/12 Télégramme diplomatique de Tokyo

Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

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Réalisé par les membres de Youth Diplomacy Gregor Troubat, Pierre-Hernan Rojas, Tomomitsu Maruta, Maud Haynau Page 1

Rencontres Annuelles du Fonds

Monétaire International et de la Banque

mondiale

Du 08/10/12 au 14/10/12

Télégramme diplomatique de Tokyo

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Avant propos – Que sont les rencontres annuelles ?

Lors des rencontres annuelles, les deux

premières institutions de Bretton Woods, le

Fonds Monétaire International et la Banque

mondiale, se rencontrent pour échanger leurs

positions sur des sujets communs. C'est aussi

lors des rencontres annuelles que se tiennent les

assemblées annuelles, soit les réunions des

responsables des deux institutions ainsi que des

groupes de pays impliqués dans le processus

décisionnel.

Les rencontres annuelles sont donc un forum de

discussion entre les institutions et d'autres

acteurs, ainsi que des réunions où sont décidées

les orientations de ces institutions pour l'année

à venir.

Les rencontres de printemps ressemblent aux

rencontres annuelles à moindre échelle: elles

permettent de réajuster en cours d'année et de

préparer les rencontres annuelles en automne.

Ces rencontres de printemps ont lieu à

Washington DC, où les deux institutions ont

leur siège et où les rencontres annuelles ont

également lieu, deux automnes sur trois. Tous

les trois ans, une ville différente est choisie

pour accueillir les rencontres annuelles. Cette

année les rencontres annuelles ont au lieu à

Tokyo du 8 au 14 octobre 2012.

Introduction

L'agenda était dominé par le risque souverain

déjà avant les rencontres et ce fut par

conséquent un thème central tout au long de

cette semaine. Bien qu'il s'agisse d'un problème

principalement européen, les pays asiatiques

ont également été touchés par les répercussions

des crises européennes. Ainsi, le Japon avait

déjà pris position par rapport à ces problèmes

lors du G8 de cette année.

Les questions de l'emploi prirent également une

place importante lors des rencontres annuelles.

Dans un monde bouleversé

démographiquement et frappé par un taux de

chômage alarmant, quelle est la place pour des

jeunes? Qu'en est-il des questions de parité dans

ce contexte ? Le Japon connaît bien ces deux

problèmes.

En tant qu'hôte, le Japon a également mis en

avant la problématique qui le préoccupe le plus:

la gestion du risque. Les risques naturel et

industriel furent traités lors du dialogue de

Sendai, qui a invité à une réflexion sur la

prévention des accidents.

Ainsi, cette conférence a permis un échange sur

les problèmes des pays développés, dans un

pays qui faisait partie des émergents en 1964,

lorsqu'il accueillait les rencontres annuelles.

Aujourd'hui partageant les symptômes des pays

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les plus riches, le Japon observe des

bouleversements en Asie, où c'est aujourd'hui

au tour d'autres pays d'émerger. Les questions

de développement ont ainsi souvent été traitées

d'un point de vue asiatique, par un continent

jeune, dynamique, mais aussi instable.

Une autre caractéristique de cette conférence

est son ancrage dans la dynamique amorcée lors

des années précédentes. Les rencontres

annuelles se sont progressivement ouvertes à la

société civile et ont fait émerger un véritable

dialogue entre les acteurs. Maintenant est venu

le moment de s'ouvrir à la jeunesse. Cette

ouverture a été accomplie par les deux

institutions cette année. C'est dans cette

dynamique que s'est inscrite notre action et la

délégation de Youth Diplomacy aux rencontres

annuelles 2012.

I. Contextualisation des rencontres annuelles du FMI et de la Banque

mondiale à Tokyo

Alors que les rencontres annuelles sont

généralement organisées en moyenne trois ans à

l’avance, les rencontres annuelles de 2012 à

Tokyo ont été organisées seulement en un an.

En dépit de ce fait, le Japon s’est montré très

accueillant et a parfaitement orchestré cette

semaine chargée.

En contrepartie, il a personnalisé les rencontres,

tout particulièrement avec le dialogue de

Sendai, événement organisé dans la ville qui a

été la plus affectée par le tsunami de mars 2011.

La gestion des risques naturels a ainsi acquis

une position centrale dans les discussions.

Ces rencontres annuelles ont donc été

l’occasion pour le Japon, quarante-huit ans

après les dernières rencontres annuelles à

Tokyo, de se montrer encore une fois puissant,

dynamique et capable de se rétablir après une

catastrophe.

Séminaire “Avoiding a lost generation: The Challenges and Opportunities for Expanding Youth Employment”

Bien qu'étant d’accord sur les grands thèmes à

aborder pendant la rencontre, le FMI et la

Banque mondiale se sont souvent distingués

dans leur approche. La Banque mondiale s’est

montrée plus proche de la société civile et a

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porté une attention particulière aux questions de

gestion des ressources dans les pays en voie de

développement. Quant au FMI, il a mis l’accent

dans sa participation sur les thèmes de l’emploi

et de la jeunesse.

Malgré une tentative d'inclusion de la société

civile, en réalité, cette politique rencontre vite

ses limites. Malgré les tentatives d'ouverture du

nouveau président charismatique de la Banque

mondiale, Jim Yong Kim, le ton des

discussions était néanmoins plus celui de la

demande de conseil que celui du débat. Leur

manque de représentativité et la faible

transparence sur leur identité expliquent peut-

être ce fait. En effet, parmi les représentants de

la société civile, on trouve aussi bien des

organisations importantes et célèbres que des

organisations petites et méconnues ; certaines

travaillent sur les droits de l'Homme, d'autres

sur la pauvreté, l'environnement ou la santé.

Parmi ces organisations plus ou moins connues,

il y avait aussi quelques autres dont le secteur

d’activités était inconnu. Autre fait surprenant :

une écrasante majorité d'organisations venaient

de pays en voie de développement, les pays

développés n'étant pas représentés.

A. Organisation et Structure

1. Les assemblées annuelles

Les rencontres annuelles reposent sur des

réunions décisionnelles. Bien que les rencontres

annuelles aient évoluées vers un forum

d'échange entre les représentants des différents

secteurs, elles servent avant tout à la prise de

décision concernant la politique économique du

FMI et de la Banque mondiale. Ainsi, les

assemblées annuelles composent l'essentiel des

rencontres annuelles. Dans le cadre des

assemblées, les Conseils des gouverneurs du

groupe de la Banque mondiale et le Conseil des

gouverneurs du FMI se réunissent chacun pour

décider des grandes orientations des deux

institutions.

Le Comité Financier et Monétaire International

(CFMI) et le Comité du Développement (CD)

se rencontrent également pour donner des avis

aux conseils des gouverneurs.

Plusieurs réunions de groupes de pays ont

également lieu lors des rencontres annuelles, tel

le groupe des vingt-quatre, des réunions

préparatoires pour le groupe des vingt et le

Commonwealth.

a. Les Conseils des gouverneurs FMI et

BM

Les Conseils des gouverneurs sont les organes

de décision suprêmes du FMI et de la Banque

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mondiale. Tout au long de l'année, ils délèguent

la majorité de leurs pouvoirs au Conseil

d'administration, mais examinent le travail de

leur institution une fois par an lors de leurs

assemblées annuelles. Chaque pays membre de

l'une des deux institutions y est représenté par

un gouverneur ainsi que par un gouverneur

suppléant. C'est en principe le ministre des

finances ou bien le gouverneur de la banque

centrale qui remplit la fonction de gouverneur.

b. CMFI et Comité du Développement

Les Conseils des Gouverneurs sont conseillés

par deux comités. Le Comité Financier et

Monétaire International (CFMI) donne des avis

au Conseil des gouverneurs du FMI et fait un

communiqué donnant des recommandations au

Conseil d'administration du FMI. Ce

communiqué oriente l'agenda du FMI pour les

six mois à venir, jusqu'aux rencontres de

printemps. Le CMFI est composé de vingt-

quatre gouverneurs élus par les pays membres

du FMI.

Le Comité du développement est, quant à lui,

un comité conjoint des Conseils des

gouverneurs du FMI et de la Banque mondiale.

Il donne son avis aux deux Conseils des

gouverneurs sur les grandes questions de

développement. Il est composé des gouverneurs

des pays représentés aux Conseil

d'administration du FMI et au Conseil

d'administrateurs de la Banque mondiale.

c. Groupes de pays

Les rencontres annuelles sont l'occasion pour

des groupes de pays de se retrouver de façon

formelle ou informelle. Ainsi, ces rencontres

annuelles ont accueilli une réunion préparatoire

du G20 et une réunion du Commonwealth. Un

des groupes les plus importants lors des

rencontres annuelles est celui des vingt-quatre.

Le G24 cherche a coordonné les positions des

pays en voie de développement pour les faire

peser dans les négociations.

2. Rencontres entre les acteurs: les

séminaires et les réunions de la société

civile

Les assemblées annuelles ne sont pas que des

assemblées décisionnelles, mais aussi un forum

d'échange d'idées et de pratiques, en particulier

sur les questions de développement. Acteurs du

secteur privé, public et de la société civile se

retrouvent ainsi autour de thèmes communs,

dans différents formats de réunions. C'est dans

ce cadre que nous avons participé aux

discussions.

a. Séminaires

Un programme de séminaires permet aux

décideurs politiques, cadres du secteur privé,

membres d'institutions académiques et de la

société civile d'échanger sur des questions

économiques, financières et sociales.

Participant en un premier temps aux réunions

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politiques, les responsables du FMI et de la

Banque mondiale ainsi que les représentants

des États sont également invités à entrer en

discussion avec des personnalités d'autres

secteurs lors de ces événements.

Séminaire “Avoiding a lost generation: The Challenges and Opportunities for Expanding Youth Employment”

Certains séminaires sont des discussions entre

hauts responsables, excluant la participation

d'autres acteurs, ne serait-ce qu'à travers des

questions. D'autres ouvrent le débat au public et

permettent parfois un véritable échange, plutôt

que les premiers qui servent surtout de

présentation médiatique. Les organisations

participantes dont invitées à organiser leur

propre panel de discussion, ce qui constitue une

troisième forme de séminaire. Ces derniers sont

de plus petite taille mais permettent un véritable

échange d'idées.

b. Réunions de la société civile

Depuis quelques années, les deux institutions

s'ouvrent à la société civile en proposant des

réunions spécifiques pour les organisations.

C'est l'occasion d'un échange entre les

responsables du FMI, de la Banque mondiale et

de ces organisations.

La table ronde qui fut organisée à l'ouverture

des rencontres annuelles de cette années

permettait aux représentants des deux

institutions de prendre la parole sur leur aire de

travail et de discuter ensuite avec les

organisations. Elles pouvaient ainsi poser des

questions sur chaque thématique des

institutions.

Le townhall fut l'occasion pour plusieurs

organisations de s'exprimer à un public très

large, dans le cadre d'une discussion avec la

directrice générale du FMI et le président de la

Banque mondiale. Ainsi, un grand nombre de

problèmes ont pu être traité à partir de plusieurs

points de vue.

Première rencontre avec la société civile

Plusieurs réunions destinées spécifiquement à

la jeunesse ont également vu le jour cette

année. Des représentants d'organisations jeunes

pouvaient ainsi prendre la parole sur des

questions les concernant, tel l'emploi des

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jeunes. Comme c'était la première fois que ces

réunions étaient organisées, l'échange était

souvent peu structuré et rares étaient les

réunions qui ont vraiment eu des résultats.

c. Conférences de presse

Bien que chaque conférence internationale ait

de nombreuses conférences de presse, elles

méritent d'être mentionnées dans le cas des

rencontres annuelles. Les conférences de presse

permettaient bien souvent de faire le lien entre

séminaires, réunions de la société civile et

assemblées annuelles. Les gouverneurs,

représentants d'institutions ou d'États,

présentaient ainsi leurs résultats et répondaient

aux questions de journalistes, membres

d'institutions académiques et d'organisations de

la société civile.

B. Acteurs principaux: secteur public, secteur privé et société civile

Lors des rencontres, un intérêt particulier est

accordé aux invités issus du secteur public, du

secteur privé et à la société civile. À chaque fin

de séminaire et de conférence, un temps

considérable est accordé aux questions et aux

remarques des participants. Le contenu des

conférences et des séminaires repose sur deux

volontés: informer et former. A chaque

rencontre, les intervenants parlent des progrès

réalisés, définissent les problèmes et les

obstacles qui demeurent et encouragent les

membres de la société civile à participer en leur

suggérant des moyens et en les invitant à parler

des solutions qu’ils ont trouvés. Le séminaire «

Une bonne gestion des ressources naturelles :

leçons et opportunités pour les pays à faibles

revenus » en est un bon exemple. Les

conférences sont aussi l’occasion pour ceux qui

travaillent sur les mêmes sujets dans des pays

différents de se rencontrer, de confronter leurs

méthodes d’actions et parfois de commencer à

élaborer des projets ensemble. C'est une

dynamique qui va dans le sens des deux

institutions qui souhaitaient en effet élargir ce

qui n'étaient au départ que des assemblées

annuelles à des véritables rencontres annuelles.

Le FMI et la Banque mondiale veulent donc

faire des rencontres un forum de coopération et

d'échange. Ils ont ainsi invité à participer aux

débats et à proposer des idées pour le

développement à travers une campagne internet

parallèle, sur twitter. #whatwillittake a ainsi

mobilisé les intéressés sur les réseaux sociaux.

Des efforts avaient été faits pour que la société

civile sente qu’elle a bien une place et une voix

dans la prise de décision. Certes, elle ne peut

pas négocier, mais influencer les décisions des

deux institutions en faisant peser davantage les

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problèmes qui lui tiennent à cœur. Cependant,

si le FMI et la Banque mondiale encouragent le

dialogue avec la société civile, les deux

institutions ont souligné que l’impact de ces

rencontres dépendait de la capacité de la société

civile à « ramener l’esprit des discussions chez

soi ». L'inclusion de la société civile prend bien

en compte la nécessité de coordonner les

différentes initiatives pour le progrès à travers

le monde. On s'éloigne donc d'une simple

couverture médiatique pour une inclusion de la

société civile de façon réfléchie

C. Programme chronologique et thématique

Les thèmes annoncés étaient : l’économie

globale, l’emploi et la compétitivité du travail,

la santé mondiale, la croissance inclusive, la

croissance de moyen et de long terme en Asie,

les problèmes auxquels les pays à PIB faibles

font face, le risque souverain et la zone euro.

Le FMI et la Banque mondiale ont exprimé,

respectivement à travers Christine Lagarde et

Jim Yong Kim, leurs priorités. Pour le FMI et

dans l’ordre chronologique, les priorités sont de

mettre un terme à la crise d’abord, de compléter

la réforme du système financier ensuite et enfin

de construire un nouveau type de croissance qui

fait face aux inégalités. Sans croissance

économique, la dette publique ne se résorbera

pas et l’économie globale est en danger. Le

FMI a souligné l’importance de la redirection

de la demande globale vers les marchés

émergents. En ce qui concerne le secteur

financier, les thèmes abordés sont la nécessité

d’un changement de culture du système

financier, une amélioration de la régulation, de

la supervision, des incitations afin d’arriver à

une croissance plus équilibrée et plus durable.

Les priorités de la Banque mondiale sont

triples : la sécurité, la justice et l’emploi. Jim

Yong Kim a évoqué la réforme de la Banque

mondiale pour passer d’une banque de

connaissances à une banque de solutions dont

l’objectif est de mettre fin à la pauvreté et

d’assurer une croissance partagée. Le FMI et la

Banque mondiale placent donc la croissance et

le développement durable comme étant leurs

priorités.

A ces thèmes, la société civile a ajouté très tôt

celui de la place et du le rôle des femmes ainsi

que celui de la jeunesse. Deux séminaires

étaient organisés sur ces sujets (« Women in the

Private Sector: Good for Development and

Business » et « Avoiding a Lost Generation:

The Challenges and Opportunities for

Expanding Youth Employment ») ainsi qu’un

« youth dialogue ». Ces deux thèmes ont

également été abordés au travers de la majorité

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des conférences sur d’autres thèmes.

II- Analyse du contenu

A. Problématiques soulevées lors de la conférence

Les rencontres annuelles du FMI et de la

Banque mondiale eurent lieu dans un contexte

d’incertitude économique, certes, mais aussi

politique et sociale. La crise économique est

protéiforme : touchant à l’origine le marché du

crédit immobilier américain (les fameux crédits

subprimes ou monétisation des actifs par

titrisation des crédits immobiliers), la crise s’est

étendue de la sphère bancaire, financière aux

sphères monétaire et réelle. A cet égard, les

institutions internationales ont un rôle à jouer

dans l’analyse et la résolution des problèmes

économiques mondiaux. Via les financements

aux pays développés et aux pays en

développement, l’intervention des instituions

dépassent le cadre national et tentent de tracer

un chemin de retour à la croissance mondiale.

Ainsi, plusieurs sujets furent débattus pendant

ces rencontres, nous avons décidé d’en retenir

quatre, considérant qu’ils incarnent les

problèmes auquel les pays, quel que soit leur

niveau de développement, doivent faire face.

1. La stabilité financière : l’interconnexion

entre les dettes souveraines et les

marchés de capitaux

L’une des premières problématiques soulevées

lors de ces rencontres fut bien évidemment la

stabilité financière. Comment arbitrer entre la

souveraineté économique des pays et les

anticipations pessimistes des marchés

financiers, principaux financeurs des déficits

budgétaires des États ?

La crise des dettes souveraines renvoie à la

probabilité qu’un État ne puisse rembourser le

montant de la dette contractée auprès des

investisseurs étrangers. Etant donné le montant

de la dette publique dans les pays de l’OCDE –

en moyenne 100% du PIB -, le risque de défaut

est sous-jacent aux débats, d’autant plus que

des pays comme la Grèce sont incapables

d’assurer le service de leur dette. D’un côté, la

crise économique a poussé la majorité des États

à proposer des plans de relance, censés éviter

les erreurs des années 1930 ; cette relance a

mobilisé les marchés de capitaux et accru le

montant de la dette publique. D’un autre côté,

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les marchés sont désormais réticents à prêter à

certains États de peur que la dette souveraine ne

puisse être assumée. Les pays sont donc dans

une impasse : la croissance économique ne

permet pas de dégager suffisamment de

ressources pour rembourser la dette et la peur

du risque souverain créée des spreads

d’intérêts, notamment en Europe, où ces

derniers peuvent varier fortement entre les

pays.

Ce débat est d’autant plus légitime que la crise

des dettes souveraines dépasse le cadre strict de

la gestion du budget étatique et des marchés

financiers. Comme l’a souligné justement

Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de

France, dans la zone euro, « il existe un lien

particulier entre le marché des dettes

souveraines et le système bancaire ; ce lien

existe partout ». En effet, les banques de second

rang achètent des obligations étatiques pour

financer les investissements des États, et en

temps de crise, il est admis que l’État se doit

d’intervenir pour assurer les banques en cas de

crise de liquidité. Cette intervention est censée

être coordonnée avec la banque centrale, bien

entendu. La question porte donc tout autant sur

les moyens de pallier à ces anticipations

pessimistes que sur la régulation des marchés

financiers. L’objectif ultime est le retour à la

confiance des investisseurs ; le pouvoir

politique a un rôle crucial à jouer comme nous

le verrons.

2. La croissance pour tous, ou comment le

retour sur le chemin de la prospérité

doit-il éviter l’accroissement des

inégalités ?

Les débats sur les bienfaits de la croissance

économique, c'est-à-dire l’accumulation de

capital en vue de dégager un profit, sont

houleux depuis le XVIIIème siècle. Sans

revenir sur la théorie de la croissance, il est

admis dans la pensée économique que le

processus de croissance profite à tous : de par

l’accumulation du capital, des biens

supplémentaires sont vendus, permettant de

dégager des revenus pour payer les participants

au processus de production. Mais la réalité du

fonctionnement du système capitaliste est plus

complexe ; certes, le revenu global s’accroît

ainsi que la richesse par tête, mais les inégalités

entre les couches de la société augmentent

aussi. Cette paupérisation relative, pour

reprendre le terme de Marx, ne faisait pas

polémique puisque l’enrichissement des pays

était une donnée centrale : chacun profitait des

fruits de la croissance mais dans des

proportions différentes. Les difficultés

auxquelles font face les pays en développement

depuis plusieurs décennies, et les conséquences

de la crise économique, ont poussé les

instituions internationales à promouvoir un

nouveau modèle de croissance : la croissance

inclusive. Ce concept pose comme central

l’équité de la distribution des revenus issus de

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la croissance économique. Au-delà de

l’approche statistique et agrégée, la croissance

inclusive doit permettre de promouvoir la

justice sociale, la paix et la stabilité politique.

Plutôt complexe comme objectif à atteindre !

Cette volonté d’inclure toutes les sphères de la

société est défendue au plus haut point par Jim

Yong Kim, président du groupe Banque

mondiale : lors de la conférence « fighting

poverty in times of crisis », il a répété que le

seul moyen pour les pays pauvres de sortir la

tête de l’eau était de raisonner en termes

inclusifs. Les pauvres, les femmes, doivent être

impliquées dans le développement de pays. Il

est pertinent de souligner que depuis une

dizaine d’années, les analyses des institutions

internationales ont tenu compte des autres

sphères des sociétés que celles purement

économiques. Comme le souligne Jim Yong

Kim, l’expérience de la société civile est

précieuse pour les politiques de développement.

3. La santé mondiale

« La santé n’est pas seulement une dépense,

mais aussi un investissement », Akihiko

Tanaka, Président de l’Agence Japonaise de

Coopération Internationale. Cette citation

résume très bien la manière dont la question de

la santé mondiale fut abordée lors des

rencontres annuelles. Les débats portaient sur

deux points précis : les investissements dans la

santé sont nécessaires dans une perspective de

développement de long terme, la mise en place

d’une couverture maladie universelle est de

plus en plus urgente.

Réception donnée par le ministère des finances japonais sur le thème de la santé globale

Tout d’abord, l’amélioration de la santé des

populations est un vecteur de développement

des pays, notamment à travers la gestion de la

main d’œuvre. Mais c’est un problème

complexe : comment dégager des ressources

pour assurer un système de soins cohérent et

efficace ? De quelle manière augmenter le

pouvoir d’achat des populations pour que ces

dernières aient les moyens de se soigner ? Quel

doit être le partenariat entre le secteur public et

les acteurs privés ? La question sanitaire

concerne ainsi toutes les sphères, économiques,

politiques et sociales.

L’autre questionnement porte sur les choix des

agents, le raisonnement étant ici

microéconomique. Comment forcer les agents à

satisfaire les besoins sanitaires basiques ?

Doivent-ils faire un choix entre se nourrir, se

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loger et se soigner ? Quel système doit être mis

en place pour assurer une redistribution des

richesses, entre les riches et les pauvres, entre

les sains et les malades ?

Toutes ces questions ont été posées et les

différentes parties prenantes ont pu participer à

la réflexion. Alors que Chrisopher Murray, de

l'Université de Washington, soulignait les

retombées positives des améliorations sanitaires

dans le monde, la ministre des finances de

l’Ouganda, Maria Kiwanuka, insistait sur les

choix draconiens des pays Africains : faut-il

privilégier les investissements dans

l’agriculture ou dans la santé ? Les débats ont

soulevé quelque chose de fondamental, à savoir

le manque de moyens disponibles dans les pays

pauvres pour résoudre une multitude de

problèmes. Bien entendu, les pays développés

ne sont pas exempts de ces problématiques :

comme le notait Martin Hirsch, Président de

l’Agence du Service Civique, les pays ayant un

système de protection sociale doivent s’adapter

aux changements économiques,

démographiques et technologiques. Le sujet

porte donc à la fois sur les choix (manger ou se

soigner ? système privé ou public ?) mais aussi

sur les enjeux sanitaires pour l’amélioration des

fondamentaux des économies.

4. La gestion des ressources naturelles par

les pays à faibles revenus

Contrairement à ce que suppose la théorie

économique, l’existence de ressources

naturelles n’est pas un gage assuré de

développement. Il y a plusieurs raisons à cela :

l’appropriation des ressources par une frange

infime de la population, exploitation par des

entreprises étrangères, les seules possédant le

capital nécessaire pour les investissements

initiaux, forte volatilité des cours mondiaux

induisant une tension à la baisse sur les prix de

certaines matières premières, une forte opacité

du circuit économique soulignant l’intensité de

la corruption dans ces secteurs…

Séminaire "The Energy Challenge of Africa: Energy Infrastructure Development in Africa - Toward TICAD V in 2013" Cependant, comme le souligne Paul Collier,

directeur du Centre d’Etude des Economies

Africaines, la détention de ressources naturelles

n’est pas une fatalité mais une opportunité.

Mais il apparait nécessaire que soit mise en

place des infrastructures publiques pour

permettre l’extraction des ressources. Un

système de taxe transparent semble être

primordial, ce qui renforcerait la légitimité des

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représentants politiques.

Les institutions internationales ont aussi un rôle

à jouer en favorisant l’établissement de

structures publiques ; l’objectif final est la

redistribution des revenus, issus de

l’exploitation des ressources, à l’ensemble de la

population. Nous verrons que cette solution

d’investissement public est plus complexe : Est-

il intéressant de se spécialiser dans une branche

productive sachant que les ressources sont

épuisables et les revenus sur ces marchés,

volatils ? Pour Naoyuki Shinohara, Directeur

Général adjoint au FMI, la soutenabilité d’un

tel modèle de développement réside dans la

politique fiscale.

Quoi qu’il en soit, la gestion des ressources

naturelles est problématique dans une économie

mondiale en berne ; il s’agira d’accompagner la

diversification des activités.

B. Solutions retenues

La délégation de Youth Diplomacy a choisi de

vous présenter dans le cadre de ce compte-

rendu analytique des rencontres annuelles de

Tokyo les solutions retenues par deux comités

du Fonds monétaire international: le Comité

monétaire et financier international (CMFI) et

le Comité du Développement (CD).

Nous détaillerons également les solutions

privilégiées par le Groupe intergouvernemental

des vingt-quatre pour les questions monétaires

internationales et le développement.

En novembre 2012, les Conseils des

Gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI

n’avaient pas encore fait paraître leurs positions

définitives.

a. Les solutions préconisées par le Comité

monétaire et financier international

De plus, de nombreux dirigeants

d'organisations internationales, telles que la

Banque mondiale, la BCE, l'OMC et l'OCDE

étaient présents en tant qu'observateurs.

Dans le but de rétablir la confiance dans

l'économie mondiale et d'instaurer une

croissance forte, équilibrée, et durable, le CMFI

a retenu plusieurs solutions exprimées en

recommandations envers plusieurs catégories

d'Etats: les pays avancés, les pays émergents, et

les pays à faible revenu.

Pour les pays avancés, il s'agit de mettre en

place des plans de redressement budgétaires

crédibles sur le moyen terme, en favorisant la

croissance autant que faire se peut. Saluant les

avancées réalisées du Mécanisme européen de

stabilité, de la décision de la BCE relative aux

transactions financières, le Comité invite à

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réaliser des réformes structurelles pour

favoriser la croissance et l'emploi, à mettre en

œuvre une union bancaire efficace, et une union

budgétaire renforcée afin d'accélérer la

résilience de l'union monétaire. Concernant les

Etats-Unis, il leur est fortement conseillé de

résoudre le problème du précipice budgétaire,

de rehausser le plafond d'endettement, et de

concevoir un nouveau modèle pour assurer la

viabilité budgétaire. Le CMFI recommande au

Japon, le pays hôte, de financer son budget de

cette année et de poursuivre l'assainissement de

ses finances publiques à moyen terme.

Le Comité constate un ralentissement de

l'activité dans les pays émergents et en

développement, lié à la diminution de la

demande intérieure et extérieure, et parfois au

durcissement de la politique monétaire visant à

endiguer les risques inflationnistes. Les pays

frappés par la chute des cours des produits de

base non alimentaires et l'envolée des prix de

produits alimentaires devront garder une marge

de manœuvre nécessaire à la croissance dans le

contexte du rééquilibrage mondial. Il convient

également d'anticiper d'éventuelles

conséquences des mouvements de capitaux

transnationaux. Par ailleurs, le FMI soutient et

appelle à soutenir les politiques des pays arabes

en transition ayant pour objectif la croissance

solidaire et la création d'emplois.

Les pays à faible revenu sont incités par le

CMFI à reconstituer les soupapes de sécurités

des finances publiques, même si la croissance

demeure importante. Le FMI ayant reçu des

assurances pour utiliser 1,1 milliard de dollars

provenant de ventes d'or pour alimenter la

Facilité en vue de réduire la pauvreté et

favoriser la croissance (FRPC, guichet par

lequel le FMI accorde des prêts à taux d'intérêt

faible aux pays à faible revenu), le CMFI

demande aux pays membres de débloquer ces

fonds le plus tôt possible.

Après ces recommandations destinées à des

pays en particulier, le CMFI a préconisé des

actions par thématique: plan d'action mondial,

surveillance, ressources, réformes des quotes-

parts de la gouvernance de 2010, et réexamen

de la formule de calcul des quotes-parts.

En vue d'un plan d'action mondial, il encourage

les politiques ayant pour but de stimuler

l'emploi et la croissance, d'assurer la viabilité

de la dette, à redresser les systèmes financiers

et à contrebalancer les déséquilibres globaux.

Le comité a affirmé sa volonté de renforcer les

sources intérieures de la croissance dans les

pays en excédent, son désir de dynamiser

l'épargne sociale en augmentant la compétitivité

des exportations dans les pays déficitaires. Le

rejet du protectionnisme a été réitéré, en

matière de commerce comme d'investissements.

Se félicitant du renforcement du système de

surveillance du FMI par l'adoption d'une

Page 15: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

15

décision intégrée sur la surveillance, d'une

stratégie de surveillance financière et le

lancement à titre expérimental d'un rapport sur

le secteur extérieur, le CMFI attend la mise en

œuvre équitable du système.

De même, s'il se réjouit de la réforme des

quotes-parts et de la gouvernance de 2010,

celle-ci n'est toujours pas mise en place, le

Comité enjoint fortement les pays membres à

prendre les mesures nécessaires, si elles ne sont

pas déjà prises.

Le Comité accueille avec joie les promesses de

contributions augmentant les ressources

d'emprunt à 461 milliards de dollars, et invite

vivement les pays à conclure des accords

d'emprunt avec le FMI s'ils ne l'ont pas encore

fait.

Enfin, le CMFI appelle l'ensemble des Etats

membres à aboutir sur un consensus en janvier

2013 concernant le réexamen de la formule de

calcul des quotes-parts, en considérant

notamment son avis pour le travail du Conseil

d'administration. Elle s'exprime en faveur de la

quinzième révision générale des quotes-parts

d'ici à janvier 2014.

En somme, de nombreuses décisions et accords

ont été réalisés, toutefois, il s'agit désormais de

les concrétiser. Nous constatons que le

communiqué du CMFI est beaucoup plus précis

dans ses conseils envers les pays développés

qu'envers les autres pays. Ceci est

probablement dû à la localisation des crises de

l'emploi, des finances et de l'économie dans les

pays les plus avancés.

b. Les solutions retenues par le Comité du

Développement

Le 13 octobre 2012, le CD a dressé un constat

similaire à celui du CMFI: vulnérabilité de

l'économie mondiale, persistance de la crise

dans les pays développés, et ralentissement

dans les pays émergents. Dans ce sens, le

Comité du Développement encourage la

poursuite des efforts budgétaires, financiers et

structurels. Voici brièvement les solutions

qu'elles proposent.

En rappelant son engagement pour la

croissance, le développement, et une économie

mondiale ouverte, les objectifs du Millénaire

pour le développement sont réaffirmés. Ont été

souligné la nécessité de créer des emplois pour

réduire la pauvreté, et l'absence de "formule

magique" pour en créer, chaque pays ayant des

difficultés spécifiques. Ainsi, le CD encourage

le Groupe de la Banque mondiale à continuer

de soutenir les pays dans leur effort de mise en

place d'un cadre plus propice à la création

d'emplois, ajustés à leurs conditions

particulières. Le CD met en avant l'action de la

Société financière internationale et l'Agence

Page 16: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

16

multilatérale de garantie des investissements

dans leur soutien au secteur privé. De plus, le

Comité exhorte le Groupe de la Banque

mondiale à une mise à profit et un partage des

analyses et des synthèses intersectorielles.

Le CD se réjouit des avancées réalisées en

matière de réduction des inégalités entre les

hommes et les femmes, notamment grâce aux

programmes du groupe de la Banque mondiale,

dont le Comité encourage la continuation.

Remerciant les enseignements donnés par le

Japon concernant les catastrophes naturelles, à

l'instar de son apport dans le dialogue de

Sendai, le CD invite le Groupe de la Banque

mondiale à intégrer les problématiques de

gestion des risques dans la perspective du

développement durable dans ses travaux avec

les pays.

La volatilité des prix des denrées se perpétuant

ainsi que la crise humanitaire au Sahel, le

Comité invite vivement le Groupe de la Banque

mondiale à intensifier ses travaux menés avec

d'autres bailleurs de fonds et organisations

multilatérales pour concevoir une approche

régionale intégrée. L’objectif est de sortir la

région du Sahel du cycle d'aide d'urgence et

s'assurer à moyen terme de son développement

résilient et durable.

Encouragé par les discussions de Rio +20 et par

l'arrivée de nouveaux membres au sein du

Partenariat mondial pour les océans, le Comité

préconise un appui du Groupe de la Banque

mondiale aux pays désirant intégrer le capital

naturel dans leur comptabilité afin de les aider

dans leur définition de leur plan de

développement.

Le Président du Groupe de la Banque mondiale,

M. Jim Yong Kim, s'est vu accueillir

chaleureusement par le CD, qui lui apporte son

soutien dans sa volonté de centrer ses efforts

sur une évolution de l'institution visant à

accélérer l'accomplissement de son objectif

fondamental d'éradication de la pauvreté et de

promotion d'une prospérité partagée. Ensuite, le

CD apporte son appui a M. Kim dans sa

conception du Groupe de la Banque mondiale

dont les préoccupations concernent l’impact de

son action, de l'aide aux États-membres, basée

sur des données d'observation ainsi que des

solutions de croissance inclusive, et de

promotion des biens publics mondiaux.

Favorable à davantage de transparence et

d'ouverture, le CD milite pour une évolution de

la culture institutionnelle vers une focalisation

sur la performance et la mise en œuvre.

Nous pouvons remarquer que la majorité des

recommandations du CD s'adresse logiquement

au Groupe de la Banque mondiale, davantage

tourné vers les problématiques de

développement et de politiques économiques

que le FMI. C'était la première venue du

Page 17: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

17

nouveau Président du Groupe de la Banque

mondiale aux rencontres annuelles du FMI et

de son Groupe, cette déclaration du Comité du

Développement lui adresse un message fort.

D'autre part, les suggestions du Comité

s'inscrivent dans la continuité des actions déjà

menées, réparties de manière équilibrée entre

les problématiques directement liées au

développement économique durable et

responsable de l'environnement.

Les solutions proposées par le Groupe

Intergouvernemental des Vingt-quatre pour les

questions monétaires internationales et le

développement (G-24)

Le G-24 a établi un constat préoccupant et

identique à ceux dressés par le CMFI et le CD

concernant la situation économique et

financière mondiale. Les solutions soutenues

par le G-24 concernent trois domaines: la

gestion des risques et la consolidation de la

reprise, le financement du développement, et le

rôle ainsi que la réforme des institutions

financières internationales.

Au sujet de la gestion des risques et de la

consolidation de la reprise, le G-24 propose

trois solutions.

Tout d'abord, les pays avancés doivent

s'attaquer aux incertitudes relatives à leur

action, freinant le retour de la confiance. Ainsi,

des actions immédiates et concertées sont

nécessaires pour réveiller la croissance

mondiale grâce à des politiques

macroéconomiques appropriées, au

développement d'un commerce ouvert et de

l'investissement, à la restauration de secteurs

financiers sains et à une profonde refonte

structurelle, tout en initiant un rééquilibrage

budgétaire crédible à moyen terme, une fois la

reprise amorcée. Le G-24 appelle les pays

avancés à diminuer la volatilité des flux de

capitaux et la spéculation sur les cours des

produits de base d'une part, et à lutter contre le

protectionnisme et à supprimer les subventions

à l'export, d’autre part.

Ensuite, convenant que l'emploi est le moyen le

plus performant pour supprimer la pauvreté,

responsabiliser les individus, et promouvoir la

cohésion social, les membres du G-24

s'accordent sur cette priorité et l'établissement

de filets de sécurité sociale efficace et viable

sur le plan budgétaire, protégeant les plus

faibles.

Enfin, se réjouissant des réformes visant à la

réglementation financière mondiale, le Groupe

insiste sur l'urgente nécessité de les appliquer

immédiatement et rigoureusement.

A propos du financement du développement,

les membres du G-24 prônent quatre actions.

Avec pour engagement d'accélérer la réalisation

d'ici à 2015 des objectifs du Millénaire pour le

développement, et en vue de relever les défis du

développement durable, préoccupé par le déficit

d'aide, le G-24 exhorte tous les donateurs

Page 18: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

18

d'honorer leurs engagements intégralement et

en temps voulu.

D'une part, notant la conjugaison de la crise à la

nécessité d'une forte mobilisation des

ressources et de l'investissement,

principalement concernant les infrastructures,

pour le développement, la solidarité et

l'environnement, le Groupe propose de

renforcer l'architecture des institutions

financières en vigueur, et de multiplier les flux

de ressources privées, à l'aide notamment de

partenariats publics-privés et de coopération

Sud-Sud. De plus, le G-24 souhaite orienter

l'épargne mondiale vers le financement

d'infrastructures des pays émergents et en

développements, et guider ses membres vers le

développement de nouveaux circuits favorables

à un engagement sur le long terme du privé

dans les investissements d'infrastructures.

D'autre part, inquiet de l'écart croissant entre les

besoins de financements dans le domaine du

changement climatique et le décaissement des

ressources que les pays avancés se sont engagés

à fournir, le G-24 rappelle l'importance du

Fonds vert pour le climat de la CCNUCC et

invite à sa pleine mise en œuvre.

Aussi, en tant que partisan de la solidarité

financière car elle contribue à la

responsabilisation des pauvres, à l'amélioration

de leur niveau de vie, et à une croissance

inclusive, le G-24 salue la décision de créer

l'Alliance pour l'inclusion financière, réseau

permanent piloté par les pays émergents et les

pays en développement en vue de créer du

savoir, d’échanger et de dialoguer sur les

actions à engager.

Pour les enjeux de la réforme des institutions

financières internationales, le G-24 invite à

mettre en place huit solutions principales

touchant à l'organisation et à l'action des deux

institutions issues des accords de Bretton

Woods.

En premier lieu, comme le CMFI, le G-24

estime important de respecter les engagements

pris concernant les réformes de 2010 des

quotes-parts et de la gouvernance du FMI; il

s'agit de réexaminer la formule de calcul des

quotes-parts avant janvier 2013 et de conclure

la quinzième révision générale des quotes-parts

avant janvier 2014. Considérant que la

modification des quotes-parts doive refléter la

nouvelle position des pays membres du FMI

dans l'économie mondiale, sans que certains

pays émergents ou en développement en

pâtissent, le G-24 appelle à augmenter le poids

du PIB exprimé en PPA dans la formule, tout

en luttant contre le biais issu de la taille par une

compression appropriée, et à s’attaquer aux

défauts des mesures de l’ouverture et de la

variabilité. Il faudra également observer

comment la formule de calcul des quotes-parts

peut garantir une représentation équitable de

tous les membres, surtout pour les pays

pauvres.

Page 19: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

19

Ensuite, préoccupé par la recomposition du

Conseil d'administration du FMI, le G-24

réitère avec force et conviction sa demande de

troisième siège pour l'Afrique subsaharienne,

sans retirer de siège détenu par un pays

émergent ou en développement.

De plus, tout en constatant les contraintes

pesant sur l'offre de ressources concessionnelles

et l'impérieuse nécessité de la viabilité du

FRPC, le Groupe Intergouvernemental

préconise la poursuite de la mobilisation des

donateurs, et suggère d'établir un mécanisme

régulier de mobilisation de fonds pour rendre le

FRPC davantage auto-suffisant.

En outre, face à la baisse des prêts de la Banque

mondiale et au besoin de financement accru, à

plus long terme et à un coût abordable, le G-24

appelle à trouver des solutions innovantes pour

consolider les capacités financières de la

Banque mondiale et de la SFI, notamment par

un examen de l’adéquation de leurs fonds

propres par les actionnaires.

Aussi, pour inventer des solutions dans le but

de soutenir les pays clients et promouvoir avec

eux les objectifs mondiaux de réduction de la

pauvreté et de développement durable, le G-24

demande de manière pressante à la Banque

mondiale de perfectionner la souplesse de ses

instruments et de ses politiques.

D'une part, comme le CD, le Groupe

Intergouvernemental demande au FMI et à la

Banque mondiale d'apporter une aide

appropriée aux régions touchées par des

catastrophes, alimentaires et autres, comme au

Sahel. Pour résoudre le problème sur le long

terme, le G-24 plaide notamment pour

l'investissement dans l’agriculture durable.

D'autre part, à l'instar également du CD, le G-

24 invite la communauté internationale à

fournir un soutien plus important aux efforts de

réforme des pays arabes, et au FMI et à la

Banque mondiale d'accentuer leurs

recommandations, leur apport technique et

financier, leurs travaux analytiques, et leur

formation à destination des pays arabes en

transition, afin de restaurer la confiance et de

dynamiser la croissance.

Enfin, pour renforcer la légitimité et l’efficacité

des institutions financières internationales, le

G-24 appelle à redoubler d’efforts pour

favoriser les initiatives en matière de diversité

afin d’accroître le pourcentage du personnel

originaire des régions sous-représentées.

Le G-24 et le CMFI s'accordent sur les

réformes au sujet des quotes-parts du FMI. Les

liens entre les propositions du CD et du G-24

sont de l'ordre de l'évidence concernant le

soutien à la région du Sahel, aux pays arabes en

transition, et au développement en général, sauf

que les conseils du G-24 ciblent logiquement

majoritairement le FMI, qui lui fournit un

soutien administratif. Jouissant d'une certaine

indépendance vis-à-vis du FMI, le G-24 a osé

une rhétorique et des propositions plus incisives

Page 20: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

20

envers les pays avancés. De plus, le G-24 a

choisi un auditoire plus vaste pour certaines de

ses solutions.

Nous pouvons remarquer la cohérence et la

synergie des solutions proposées par le CMFI,

le CD et le G-24. La coopération a porté ses

fruits, du moins en termes de communication, il

importe maintenant de transformer les mots en

actes.

III- Conséquences sur les thèmes de l’agenda

1. La stabilité financière : asymétrie des

reproches

« Les banques centrales ont comme mission

fondamentale d’assister les marchés financiers

qui sont devenus inopérants ». Voici comment

Toshiro Mutoh, Président de l’Institut de

Recherche Daiwa, inaugure la réflexion sur la

stabilité financière. Tout le monde semble

s’accorder sur ce principe d’interventionnisme

des banques centrales ; heureusement !

La politique discrétionnaire des autorités

monétaires ne suffit évidemment pas ; il faut

redonner confiance aux marchés financiers.

Comment ? En approfondissant la consolidation

fiscale, si défendue par Angela Merkel, la

Chancelière Allemande, et François Hollande,

le Présidentf rançais. Ce terme barbare renvoie

à l’ensemble des mesures visant à réduire les

déficits publics, ainsi que la dette. Comme le

souligne Christine Lagarde, Directrice Générale

du FMI, le rôle des autorités politiques est de

redonner confiance aux investisseurs à moyen

terme ; pour se faire, il faut réduire les dettes et

déficits publics. À terme, il y a risque non

négligeable d’éviction de l’épargne pour

rembourser les emprunts publics : ce qui est

prêté aux États n’est plus disponible pour les

investissements privés, à l’origine du processus

de croissance économique. « La dette publique

n’est pas soutenable à long terme », martèle

Christine Lagarde !

Cependant, il semblerait que les critiques sur

l’état des finances publiques n’est que partiel.

En effet, Christian Noyer, Gouverneur de la

Banque de France, admet que la zone euro

traverse des difficultés structurelles. David

Lipton, Directeur Général adjoint au FMI, n’a

cesse de répéter que les ajustements fiscaux

sont nécessaires pour la zone euro. Il n’a pas

tort, le service de la dette ampute les budgets

nationaux ; le remboursement du capital ne se

fera pas via une augmentation pure et simple

Page 21: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

21

des impôts, ce qui risquerait d’imputer

négativement les activités productives. Les

plans de consolidation fiscale doivent être un

savant mélange entre baisse des dépenses

publiques et réduction de certaines niches

fiscales. Si les choses ne changent pas, les

investisseurs resteront frileux : « Les marchés

ne croient pas les décisions politiques »,

déclare Laurence Fink, PDG de BlackRock.

La tension est palpable lorsque les discussions

abordent le cas de la zone euro ; cette dernière

cristallise les griefs qu’ont les investisseurs vis-

à-vis du pouvoir politique, notamment

incarnées par Laurence Fink.

Mais, les États-Unis ne sont pas mis au même

rang d’accusation que la zone euro ! Pourtant,

Janet Yellen, vice-présidente de la Fed, est

présente lors des débats. Alors que les chiffres

américains sont nettement plus alarmants qu’en

zone euro, cela ne semble pas suffisant pour

attaquer directement les États-Unis sur l’état de

leurs politiques de résorption des déséquilibres.

Pour illustrer cet état de fait, appuyons-nous sur

les chiffres : dans la zone euro, la moyenne des

déficits publics atteint 6.2% du PIB et la dette

publique, 87.4% du PIB ; aux Etats-Unis,

même si le montant du déficit reste

sensiblement le même (6.9% du PIB), le

montant de la dette publique explose (107% du

PIB).

Débat télévisé (NHK) “Globalization at a crossroads: From Tokyo to Tokyo”

Pourquoi les deux zones ne sont pas mises au

même pied d’égalité ? La raison est sans doute

à trouver dans la profondeur du marché des

bons du Trésor américain, qui fournit en

liquidités les marchés mondiaux de capitaux,

sans égratigner la confiance en l’avenir des

fondamentaux de l’économie américaine. Les

choses sont en train de changer : certaines

agences de notation menacent la notation des

bons du Trésor américain, le FMI met en garde

le pays contre les effets de telles déséquilibres.

Mais aux rencontres annuelles, il faut croire que

seule la crise de la zone euro semble attirer

l’attention. Ceci est sans doute lier en partie au

manque de coopération et de synergie des pays

européens quant à la résorption des problèmes

fondamentaux d’une zone monétaire unifiée.

2. Croissance inclusive et indépendance

économique : un chemin long et

douloureux

Comme nous l’avons souligné, la croissance

Page 22: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

22

inclusive est le fer de lance des nouvelles

politiques des institutions internationales.

Quelles conséquences sur l’état des débats et

des futures politiques ?

Tout d’abord, les rencontres annuelles ont faire

la part belle aux représentants de pays africains,

qui ont pu s’exprimer sur leurs difficultés.

L’Afrique concentre toutes les

inégalités économiques, sociales et politiques.

La pauvreté relative du continent constitue un

enjeu perpétuel pour ses dirigeants, ainsi que

pour le FMI et la Banque mondiale. Les

politiques de développement reconnaissent que

les femmes ont un rôle à jouer. La réduction du

« gender gap » est l’un des moyens pour

favoriser la croissance inclusive.

Petit bémol : comme le souligne Ellen Johnson

Sirleaf, présidente du Libéria, 70% des pauvres

sont des femmes. Elles sont partiellement

exclues du système productif pour se retrouver

dans les secteurs de l’économie informelle.

Mais cette branche des forces productives est

cruciale pour la croissance économique ; il a été

démontré que les femmes étaient sous-utilisées

alors qu’elles pourraient constituer une main

d’œuvre créatrice de richesse. Les principales

barrières sont d’ordre social et politique,

propres à chaque pays, mais ayant des

conséquences négatives sur le développement

de leurs potentialités. Par exemple, il leur est

impossible d’accéder aux crédits commerciaux

traditionnels pour des investissements de base

dans quelque activité que ce soit. Ce frein au

financement ne leur permet pas de

s’autonomiser (« empowerment ») des

structures sociales et surtout mentales dans

lesquelles elles sont imbriquées. Pour Caroline

Anstey, Directrice Générale de la Banque

mondiale, « Les femmes constituent le nouveau

marché émergent ».

Même si cette problématique concerne à la fois

les pays en développement et les pays

développés, les pays pauvres sont gangrénés

par ce gender gap, du simple fait que les

principales activités économiques sont liées à

l’agriculture ; cette barrière supplémentaire est

difficilement franchissable souligne Ellen

Johnson Sirleaf. Cependant, il faut retenir que

des solutions ont été tracées pour favoriser ce

mécanisme de croissance inclusive : il faut

approfondir les politiques de développement

qui permettent aux femmes d’avoir accès aux

activités productives. L’un des moyens d’y

arriver étant le microcrédit, un système qui a

déjà fait ses preuves en Afrique et en Asie.

Le précédent développement s’inscrit dans une

perspective plus large : Comment permettre aux

pays subissant la mondialisation de générer des

flux de revenus constants, nécessaires à leur

croissance économique et aux améliorations

sociales ? Cette question porte notamment sur

les pays qui ont des ressources naturelles mais

qui n’arrivent pas à en tirer suffisamment

Page 23: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

23

bénéfice. Les rencontres annuelles ont permises

de soulever ce problème.

Les pays concernés font face à un dilemme :

d’une part, les revenus issus de l’exploitation

des ressources naturelles sont volatils du fait de

l’instabilité des cours des marchés mondiaux,

d’autre part, ces ressources sont épuisables.

L’enjeu pour ces pays est non pas de se

spécialiser dans des productions présentant ces

deux faiblesses, mais de tirer profit de ces

productions pour favoriser la diversification des

activités. Comment cela est-il possible ?

Tout d’abord, et c’est ce sur quoi insiste

Naoyuki Shinohara, Directeur Général adjoint

au FMI, les institutions internationales doivent

aider les pays concernés à renforcer les

infrastructures permettant la bonne exploitation

des ressources. Autrement dit, il faut éviter

l’appropriation, par les sociétés privées, de ces

revenus futurs. L’intérêt est que le circuit

économique soit contrôlé par la sphère

publique, censée redistribuer de manière

équitable les fruits de la croissance. Les États

ont l’obligation d’être transparents, explique

Clare Short, présidente de l’organisation

« Initiative pour la transparence dans les

industries extractives » : Qui paye ? Quels sont

les montants en jeu ? Quels sont les revenus

bruts et nets ? etc… Cette assertion est un pavé

dans la marre sachant le manque total

d’informations publiques dans ces secteurs,

dont le potentiel corruptif est élevé ! Miguel

Castilla, Ministre de l’Economie et des

Finances du Pérou, nous explique presque

naïvement que le manque de transparences et

d’institutions légitimes dans son pays est un

frein pour garantir une bonne redistribution des

ressources.

Ce premier ensemble de mesures ne suffit pas,

le second enjeu a trait à la politique fiscale :

l’une des prérogatives des pays à faibles

revenus et possédant d’importantes ressources

naturelles, est l’instauration d’un bon système

de taxes sur la production et la circulation de

cette production, pour éviter l’enrichissement

de certains au détriment de tous (Paul Collier,

directeur du centre d’étude des économies

africaines). Comment s’assurer que les

ressources profitent aux générations futures ?

Comme dans toute politique fiscale, il faut

inciter plus que décourager les activités

productives. Sur cette question précise, les

protagonistes du débat n’ont pas approfondi. A

quel moment de la chaîne les états doivent-ils

prélever sans contraindre trop fortement les flux

de richesses ? Techniquement, comment les

prélèvements se réalisent-ils ? De quelle

manière utiliser ses ressources fiscales pour

avoir des retombées positives sur l’économie et

favoriser la transition économique vers d’autres

secteurs ?

Toutes ces questions n’ont trouvé aucune

Page 24: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

24

réponse malheureusement… La politique du

FMI n’était pas forcément favorable à

l’indépendance économique il y a encore 10

ans : les expériences ont montré que son

intervention dans les pays ont toujours favorisé

la privatisation des secteurs moteurs au

détriment de la société (le cas argentin en est

une illustration).

Néanmoins, il faut reconnaitre que les

rencontres annuelles, sur cette question, ont

permis de saisir quel devait être le rôle des

institutions : il faut accompagner et non

contraindre les États dans la diversification de

leurs revenus.

3. La santé mondiale : la santé n’a pas de

prix…mais elle a un coût !

Tous se sont accordés à dire que la base d’un

bon système de soins consiste en l’intervention

des pouvoirs publics : ces derniers, par leurs

politiques, sont essentiels pour garantir l’accès

de tous aux soins dits « fondamentaux ». Le

premier enjeu est donc la question du

financement des ces politiques publiques : les

choix des pays à faibles revenus sont

draconiens, ce qui est investit dans le secteur de

la santé ne le sera pas dans d’autres secteurs

tout aussi fondamentaux comme l’agriculture

ou l’industrie.

Doit-on mettre les populations sous perfusion

économique via des fonds extérieurs et

permettant aux populations d’avoir accès aux

soins basiques ? Ou doit-on mener des

politiques publiques favorisant la croissance

économique et la hausse des revenus des

individus ? L’intérêt de cette question est

l’autonomie des pays pauvres dans le

financement de leur système de soins.

Haruo Naito, Président et Directeur Général

d’Eisai (laboratoire pharmaceutique), indique

qu’il est nécessaire de penser les politiques de

santé sur le long terme. Le souci aujourd’hui est

la difficile coexistence entre le courtermisme

des politiques, notamment concernant la gestion

des comptes publics, et le longtermisme des

investissements sanitaires.

Quelle est donc la voie à emprunter ? Margaret

Chan, Directrice Générale de l’Organisation

mondiale de la Santé, a été claire : les pays

doivent fournir à leur population une couverture

maladie universelle, notamment dans les pays

pauvres. Cet accès pour tous aux soins de base

est un moyen pour réduire la pauvreté, qui est le

but ultime des politiques de développement,

souligne Margaret Chan. Les vaccinations des

populations pauvres constituent l’enjeu

principal de cette couverture maladie. Les

institutions internationales ont un rôle à jouer :

elles doivent favoriser l’implantation de telles

politiques dans les pays pauvres.

Mais comment instaurer un réel système de

soins comprenant des infrastructures, des

Page 25: Rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale (octobre 2012)

25

équipes compétentes, des moyens mis à

disposition ? Ceci est du ressort national.

Pour Martin Hirsch, Président de l’Agence du

Service Civique, la logique de la redistribution

est le nerf d’un bon système de protection

sociale ; « Seuls les gouvernements ont la

légitimité politique pour redistribuer les

richesses », souligne-t-il. Le coût économique

d’un système redistributif, c'est-à-dire dans

lequel les riches payent pour les pauvres, les

sains pours les malades, n’est pas plus onéreux

qu’un système ciblé, où les pauvres ont une

assurance maladie universelle basique et les

riches sont couverts pour tous les risques via

des assurances privées. Margaret Chan

approuve: le secteur de la santé est stratégique

pour les pays en développement. Le système

doit donc être obligatoire ; il faut obliger les

gens à s’assurer, à s’affilier au système public

de soins.

Cet enjeu relève de la politique du long terme :

pour financer un tel système public de prise en

charge, il faut d’abord avoir une croissance

économique suffisante pour transférer une

partie des ressources au financement des

politiques sanitaires. Voilà la clef de voûte du

système ! Pour Margaret Chan, il n’est pas

acceptable de construire un système de

protection sociale à partir des fonds d’aide de

l’OMS ou de la Banque mondiale, ni de le

financer à crédit. Les États doivent conserver en

partie leur indépendance dans le financement de

leur système sanitaire.