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LE'I-FRES A LA RC:DACTION 399 Reponse cette lettre appelle ~ notre avis plusieurs commen- taires. En premier lieu, pour plusieurs auteurs [1, 5], la tachypn6e semble faire partie int6grante du tableau d'hypophosphor6mie dont elle n'est parfois pas 1'616- ment inaugural [2], ce qui exclut alors sa responsabllit6 dans la gen6se de l'hypophosphor6mie. MOSTELLAR et coll. [3] observent une hypophosphor6mie chez des patients hyperventilant et la rapportent `5 l'alcalose gazeuse r6sultante, mais cette derni~re est s6v6re puisque le pH avoisine 7,60 et la Pcoz est inf6rieure ,5 20 mmHg. Si POURRAT et coll. [4] rendent l'alcalose responsable de la majorit6 des hypophosphor6mies qu'ils rencontrent, leur travail manque cependant de donn6es cliniques et biologiques pour pouvoir dtre g6n6ralis6. Dans l'observation que nous rapportons, il parah difficile de retenir la responsabilit6 de la tachypn6e, et ce pour plusieurs raisons: l'alcalose mod6r6e qui l'accompagne (pH : 7,45 et Pco2 : 32,5 ~ j3; pH 7,43 et Pco2:37,4 ~ j4) n'est en rien comparable avec les chiffres rapport6s plus haut; par ailleurs, dans les 24 h suivant l'apparition de cette tachypn6e, le tableau clinique est pratiquement complet; or, si les manifesta- tions cliniques de l'hypophosphor6mie sont les plus remarquables, leur installation est toujours post6rieure celles des anomalies biologiques [5], qui existaient donc vraisemblablement lors de l'apparition de la tachypn6e, cette derni~re pouvant en &re une r6sultante. En second lieu, la fr6quence des hyperventilations s6v~res dans les suites d'une chirurgie abdominale lourde semble surestim6e, les techniques actuelles d'anesth6sie et de r6animation postop6ratoire nous paraissant en limiter consid6rablement la survenue. Ace propos, quelques donn6es pr61iminaires issues d'un travail r6alis6 darts les suites d'une chirurgie visc6rale lourde nous confortent dans notre opinion sur la responsabilit6 primordiale des apports glucidiques dans la gen~se des hypophosphor6mies : l'hypophosphor6mie est constante en p6riode postop6ratoire chez les patients soumis ~t une alimentation parent6rale exclusive ~t haut taux calorique et apparait alors que l'6quilibre acidoba- sique n'est pas perturb6; le protocole anesth6sique (anesth6sie g6n6rale vs anesth6sie p6ridurale prolong6e) n'influe pas sur la survenue de cette anomalie; or cette derni~re technique procure une analg6sie efficace, am6- liore les conditions de circulation tissulaire et de ventilation mais n'abolit pas, en chirurgie haute, la r6action hyperglyc6miante postop6ratoire. Enfin, nous partageons l'avis des auteurs sur la n6cessit6 d'une correction premiere des facteurs 6tiologi- ques (r6duction de la charge caloricoazot6e chez le patient), qui peut effectivement suffir g normaliser la phosphorEmie. Cependant, sur un plan curatif, il nous parait indispensable d'associer d~s la survenue de signes cliniques une charge phosphor6e par voie intraveineuse. Les risques relatifs inh6rant ~ cette th6rapeutique ne peuvent, selon nous, 6tre mis en parall~le avec le potentiel 6volutif gravissime de ce type d'anomalie. La notion que l'hypophosphor6mie peut se normaliser et que le tableau clinique continue g 6voluer pour son propre compte dolt toujours ~tre pr6sente `5 l'esprit. [1] DELIGNE P. et coil_ Ann. Anesthdsiol. Fr., 18 : 975, 1977. -- [2] MANELLI J.C. Ann. Anesthdsiol. Fr., 18 : 992, 1977. -- [3] MOSTELLAR et coll. J. Clin. Invest., 43, 138, 1964. -- [4] POURRAT O. et coll, Nouv. Presse Mdd., 10 : 2520, 1981. [5] TRAVlS et coll. N. Engl. J. Med., 285 : 763, t97t. J.P. DELALANDE D6partement d'Anesth6sie-R6animation CHR de Brest F 29200 Brest ANN. FR. ANESTH. RI~ANIM., 5, 1984. 42

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LE'I-FRES A LA RC:DACTION 399

Reponse

cette lettre appelle ~ notre avis plusieurs commen- taires. En premier lieu, pour plusieurs auteurs [1, 5], la tachypn6e semble faire partie int6grante du tableau d'hypophosphor6mie dont elle n'est parfois pas 1'616- ment inaugural [2], ce qui exclut alors sa responsabllit6 dans la gen6se de l'hypophosphor6mie. MOSTELLAR et coll. [3] observent une hypophosphor6mie chez des patients hyperventilant et la rapportent 5̀ l'alcalose gazeuse r6sultante, mais cette derni~re est s6v6re puisque le pH avoisine 7,60 et la Pcoz est inf6rieure ,5 20 mmHg. Si POURRAT et coll. [4] rendent l'alcalose responsable de la majorit6 des hypophosphor6mies qu'ils rencontrent, leur travail manque cependant de donn6es cliniques et biologiques pour pouvoir dtre g6n6ralis6. Dans l'observation que nous rapportons, il parah difficile de retenir la responsabilit6 de la tachypn6e, et ce pour plusieurs raisons: l'alcalose mod6r6e qui l 'accompagne (pH : 7,45 et Pco2 : 32,5 ~ j3; pH 7,43 et P c o 2 : 3 7 , 4 ~ j4) n'est en rien comparable avec les chiffres rapport6s plus haut; par ailleurs, dans les 24 h suivant l'apparition de cette tachypn6e, le tableau clinique est pratiquement complet; or, si les manifesta- tions cliniques de l'hypophosphor6mie sont les plus remarquables, leur installation est toujours post6rieure celles des anomalies biologiques [5], qui existaient donc vraisemblablement lors de l'apparition de la tachypn6e, cette derni~re pouvant en &re une r6sultante.

En second lieu, la fr6quence des hyperventilations s6v~res dans les suites d'une chirurgie abdominale lourde semble surestim6e, les techniques actuelles d'anesth6sie et de r6animation postop6ratoire nous paraissant en limiter consid6rablement la survenue. A c e propos, quelques donn6es pr61iminaires issues d'un travail r6alis6 darts les suites d'une chirurgie visc6rale

lourde nous confortent dans notre opinion sur la responsabilit6 primordiale des apports glucidiques dans la gen~se des hypophosphor6mies : l'hypophosphor6mie est constante en p6riode postop6ratoire chez les patients soumis ~t une alimentation parent6rale exclusive ~t haut taux calorique et apparait alors que l'6quilibre acidoba- sique n'est pas perturb6; le protocole anesth6sique (anesth6sie g6n6rale v s anesth6sie p6ridurale prolong6e) n'influe pas sur la survenue de cette anomalie; or cette derni~re technique procure une analg6sie efficace, am6- liore les conditions de circulation tissulaire et de ventilation mais n'abolit pas, en chirurgie haute, la r6action hyperglyc6miante postop6ratoire.

Enfin, nous partageons l'avis des auteurs sur la n6cessit6 d'une correction premiere des facteurs 6tiologi- ques (r6duction de la charge caloricoazot6e chez le patient), qui peut effectivement suffir g normaliser la phosphorEmie. Cependant, sur un plan curatif, il nous parait indispensable d'associer d~s la survenue de signes cliniques une charge phosphor6e par voie intraveineuse. Les risques relatifs inh6rant ~ cette th6rapeutique ne peuvent, selon nous, 6tre mis en parall~le avec le potentiel 6volutif gravissime de ce type d'anomalie. La notion que l'hypophosphor6mie peut se normaliser et que le tableau clinique continue g 6voluer pour son propre compte dolt toujours ~tre pr6sente 5̀ l'esprit.

[1] DELIGNE P. et coil_ Ann. Anesthdsiol. Fr., 18 : 975, 1977. - - [2] MANELLI J .C. Ann. Anesthdsiol. Fr., 18 : 992, 1977. - - [3] MOSTELLAR et coll. J. Clin. Invest., 43, 138, 1964. - - [4] POURRAT O. et coll, Nouv. Presse Mdd., 10 : 2520, 1981. [5] TRAVlS et coll . N. Engl. J. Med., 285 : 763, t 9 7 t .

J.P. DELALANDE

D6par tement d 'Anes th6s ie -R6an imat ion CHR de Brest F 29200 Brest

ANN. FR. ANESTH. RI~ANIM., 5, 1984. 42