11
RÉSUMÉ - S. Khlifi. Effet d’un ancien aménagement antiérosif de banquette sur la production d’orge dans la région de Siliana (Tunisie centrale). Agrosolutions 19 (2) : 34-44. Depuis plu- sieurs décennies, de vastes programmes de conservation du sol et des eaux ont été implantés afin de contrecarrer la dynamique éro- sive, d'augmenter la production agricole et d'améliorer et/ou de maintenir la fertilité des sols dans la région de Siliana (Tunisie centrale). Le présent travail vise l'évaluation de l'impact des ban- quettes antiérosives sur le rendement de la culture d'orge relative- ment au développement végétatif et à la production de la matière sèche. Ainsi, au cours de la campagne agricole 2002-2003, exceptionnellement pluvieuse en hiver, un essai a été réalisé au site d'El Mansourah au sud du gouvernorat de Siliana en Tunisie centrale, milieu semi-aride avec environ 320 mm/an et où les banquettes sont largement répandues. Les ouvrages de la zone d'observation, sont totalement emblavés de sorte qu'aucune perte de superficie n'est associée à l'emprise des ouvrages. L'orge implanté au niveau du site correspond à un mélange de variétés communes à paille haute et peu feuillée. Les résultats montrent que la croissance et le développement végétatif des cultures céréalières au niveau de la zone aménagée sont supérieurs à ceux correspondant à la zone de contrôle. La production de matière sèche au niveau de la parcelle aménagée en banquettes est égale- ment supérieure à celle de la zone témoin et les rendements les plus élevés sont obtenus au niveau du canal des ouvrages et à l'aval du bourrelet. Après plus de trois décennies de l'aménagement, l'ac- croissement du rendement attribué à la mise en œuvre des ban- quettes a été évalué à 33 % à proximité du bourrelet et à près de 10 % en intégrant la superficie de l'ensemble de l'inter-banquette. Mots clés : banquettes, évaluation, impact, production, Tunisie ABSTRACT - S. Khlifi. Effect of an old contour ridge bench, erosion control measure, on barley yield at Siliana region (Central Tunisia). Agrosolutions 19 (2): 34-44. For several decades, large pro- grams of soil and water conservation have been established in order to control erosion, to increase agriculture production and to improve and/or maintain soil fertility. This work aims to evaluate the effects of the contour ridge benches on barley yield through its vegetative development and its dry matter production. During the 2002-2003 season, with an exceptionally rainy winter, a trial was carried out at the site of El Mansourah in the south of Siliana governorate located in Central Tunisia. This site is located in lower semi-arid mediterranean climate with 320 mm/year as mean precipitation and where contour ridge benches are largely widespread. These erosion control structures were entirely under cereal production and no loss of area resulted from their imple- mentation. The barley crop grown on the study site, corresponded to a combination of common varieties with long straw and small leaf. Results show that growth and development of barley observed in the plot with contour ridge benches, are improved compared to those observed on the managed-plot. Data also showed that dry matter yield in the bench plot was higher than that measured on the control plot. Highest production was observed in the contour ridge benches channel and on the downstream ridge side. After more than three decades of erosion control, increase in yield as a result of their implementation is estimated at 33 % near the con- tour ridge benches and nearly 10 % over the entire benched area. Keywords: Contour ridge bench, assessment, impact, yield, Tunisia 1. Département aménagement et équipement, École supérieure des ingénieurs de l’équipement rural, Route du Kef, Km 5, Medjez el Bâb, Tunisie 9070 *Auteur pour la correspondance : téléphone : +216 97 674 580, télécopie : +216 78 561 700, courriel : [email protected] Effet d’un ancien aménagement antiérosif de banquette sur la production d’orge dans la région de Siliana (Tunisie centrale) *S. KHLIFI 1 Ressources AGROSOLUTIONS DÉCEMBRE 2008 VOL. 19 N o 2

Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

RÉSUMÉ - S. Khlifi. Effet d’un ancien aménagement antiérosif debanquette sur la production d’orge dans la région de Siliana(Tunisie centrale). Agrosolutions 19 (2) : 34-44. Depuis plu-sieurs décennies, de vastes programmes de conservation du sol etdes eaux ont été implantés afin de contrecarrer la dynamique éro-sive, d'augmenter la production agricole et d'améliorer et/ou demaintenir la fertilité des sols dans la région de Siliana (Tunisiecentrale). Le présent travail vise l'évaluation de l'impact des ban-quettes antiérosives sur le rendement de la culture d'orge relative-ment au développement végétatif et à la production de la matièresèche. Ainsi, au cours de la campagne agricole 2002-2003,exceptionnellement pluvieuse en hiver, un essai a été réalisé ausite d'El Mansourah au sud du gouvernorat de Siliana en Tunisiecentrale, milieu semi-aride avec environ 320 mm/an et où lesbanquettes sont largement répandues. Les ouvrages de la zoned'observation, sont totalement emblavés de sorte qu'aucune pertede superficie n'est associée à l'emprise des ouvrages. L'orgeimplanté au niveau du site correspond à un mélange de variétéscommunes à paille haute et peu feuillée. Les résultats montrentque la croissance et le développement végétatif des culturescéréalières au niveau de la zone aménagée sont supérieurs à ceuxcorrespondant à la zone de contrôle. La production de matièresèche au niveau de la parcelle aménagée en banquettes est égale-ment supérieure à celle de la zone témoin et les rendements lesplus élevés sont obtenus au niveau du canal des ouvrages et à l'avaldu bourrelet. Après plus de trois décennies de l'aménagement, l'ac-croissement du rendement attribué à la mise en œuvre des ban-quettes a été évalué à 33 % à proximité du bourrelet et à près de10 % en intégrant la superficie de l'ensemble de l'inter-banquette.

Mots clés : banquettes, évaluation, impact, production, Tunisie

ABSTRACT - S. Khlifi. Effect of an old contour ridge bench, erosioncontrol measure, on barley yield at Siliana region (Central Tunisia).Agrosolutions 19 (2): 34-44. For several decades, large pro-grams of soil and water conservation have been established inorder to control erosion, to increase agriculture production and toimprove and/or maintain soil fertility. This work aims to evaluatethe effects of the contour ridge benches on barley yield through itsvegetative development and its dry matter production. During the2002-2003 season, with an exceptionally rainy winter, a trial wascarried out at the site of El Mansourah in the south of Silianagovernorate located in Central Tunisia. This site is located inlower semi-arid mediterranean climate with 320 mm/year as meanprecipitation and where contour ridge benches are largelywidespread. These erosion control structures were entirely undercereal production and no loss of area resulted from their imple-mentation. The barley crop grown on the study site, correspondedto a combination of common varieties with long straw and smallleaf. Results show that growth and development of barley observedin the plot with contour ridge benches, are improved compared tothose observed on the managed-plot. Data also showed that drymatter yield in the bench plot was higher than that measured onthe control plot. Highest production was observed in the contourridge benches channel and on the downstream ridge side. Aftermore than three decades of erosion control, increase in yield as aresult of their implementation is estimated at 33 % near the con-tour ridge benches and nearly 10 % over the entire benched area.

Keywords: Contour ridge bench, assessment, impact, yield, Tunisia

1. Département aménagement et équipement, École supérieure des ingénieurs de l’équipement rural, Route du Kef, Km 5, Medjez el Bâb, Tunisie 9070

*Auteur pour la correspondance : téléphone : +216 97 674 580, télécopie : +216 78 561 700, courriel : [email protected]

Effet d’un ancien aménagement antiérosif debanquette sur la production d’orge dans larégion de Siliana (Tunisie centrale)

*S. KHLIFI1

Ressources

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

Page 2: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

Introduction

Les aménagements antiérosifs ont concernéessentiellement les zones hautement dégra-dées présentant de faibles potentialités deproduction. Le plus souvent, les terres enpente sont aménagées par les travaux deterrassement. Les banquettes sont des le-vées, ou des ados, en terres disposées selonles courbes de niveau auxquelles sontassignés divers objectifs de lutte antiéro-sive, de maintien de la fertilité des sols, demise en valeur agricole, d’accroissementdes rendements, etc. (Achouri et Viertman1984, D/CES 1993, Hizem 1994). Cesouvrages en courbes de niveau, techniquesantiérosives correspondant à un bourreleten remblai d’un mètre de hauteur, seprésentent comme une cascade de rupturede la longueur de la pente accompagnéed’un canal évacuant l’excès de ruisselle-ment. Les banquettes sont parmi lesaménagements les plus utilisés au niveaudes terres de cultures en conditions semi-arides, surtout des terrains en pente, pourpréserver le sol contre l’érosion et dans cer-tains cas pour faire face au déficit pluvio-métrique chronique. Il s’agit ainsi deréaliser des ouvrages mécaniques depetites hydrauliques au niveau des terresde cultures dans l’objectif de lutter contrel’érosion hydrique et d’améliorer la produc-tion des cultures (Hamza 1989). Ellesconstituent l’aménagement de conservationdes eaux et du sol le plus utilisé durant lesdernières décennies. Ce type de traitementantiérosif, largement répandu en Tunisiecentrale, couvre une superficie de plus de600 000 ha remontant à différentes dates

de mise en œuvre (Dridi 2000). Ce type detraitement permet la protection des solscontre l’érosion (Aubert 1986, Roose 1991,Herweg et Ludi 1999, Nyssen 1998, Troehet al. 1999). Par le biais de la rétention deseaux de ruissellement, les aménagementsde conservation des eaux et du sol sont effi-caces dans la protection contre les inonda-tions (Poncet 1970). Sur un autre plan, letraitement en banquettes réduit le taux deruissellement selon la hauteur et la naturedes précipitations (Nasri et coll. 2006). Laréalisation des terrasses de culturesaméliore l’infiltration en réduisant lesvitesses de ruissellement au niveau descanaux d’écoulement des ouvrages (Ungeret Jones 1998).

Dans des conditions où les faibles pluvio-métries ne permettent pas une productionagricole conventionnelle, le recours à dessystèmes de collecte des eaux de ruisselle-ment est indispensable. En effet, la réalisa-tion de cuvettes individuelles, au niveau dechaque plant « minicatchment » d’unvolume d’au moins 1 500 l en permet l’ins-tallation, la croissance et la production debiomasse dans le cas des plantations deCallitris, de Prosopis, de Pinus, deCeratonia et de Pistacia en milieu aridedont la pluviométrie moyenne est de 94 mm(Tenbergen et coll. 1995). En Tunisie,depuis l’adoption de la stratégie nationalede conservation des eaux et du sol par leministère de l’Agriculture tunisien (D/CES1993 et DG/ACTA 2 2002), l’améliorationdes rendements a été retenue parmi lesobjectifs des aménagements antiérosifs(Hizem 1994). Il s’agit de l’avantage le

plus important pour les paysans bénéfi-ciaires des interventions des pouvoirspublics. À notre connaissance, l’étude etl’expérimentation de l’effet des ouvrages deconservation des eaux et du sol en Tunisiesont insuffisantes comparativement auxdivers programmes de mise en œuvre àgrande échelle de ces aménagements.

Des travaux de recherche antérieurs mon-trent que les actions de conservation deseaux et du sol permettent l’amélioration dela production agricole même dans les con-ditions de pluviométrie élevée. En effet,l’aménagement par des cordons en pierressèches permet d’accroître la production descéréales aussi bien à l’amont des ouvragesque sur l’ensemble du versant dans larégion de Tigray, au nord de l’Éthiopie(Gebremedhim et coll. 1999). Ces auteursrapportent une augmentation de 100 % dela production à l’amont des cordons en pier-res sèches par rapport au témoin, et ce, entenant compte des pertes des superficieslabourables correspondant à l’emprise del’aménagement. Selon ces mêmes auteurs,la différence entre les avantages en termesde rendement dépasse ceux de notreexpérimentation et pourrait être attribuée àl’aménagement technique lui-même (descordons pierreux par rapport des ban-quettes) en plus des conditions de milieu(pluviométrie, conduite culturale, sols…).Par ailleurs, en conditions de sols dégradés,d’érosion intense, du faible niveau tech-nique des paysans manquant de moyensfinanciers et du surpâturage des résidus descultures dans la même région d’Éthiopie,l’évaluation de l’impact des terrasses decultures sur l’accroissement du rendementvarie de 8 à 16 % selon les cultures(Vancampenhout et coll. 2006). Hussein etcoll. (1999) ont également montré que lesproductions de maïs et de soja sontaméliorées en ayant recours à la culturesans labour (no Till) comparativement ausystème de labour conventionnel pour desdensités de cultures moins importantes.

L’évaluation de l’impact de ces ouvrages surles composantes du rendement des céréalesnous semble peu étudiée en milieu semi-aride tunisien. Le présent travail se proposede répondre aux deux interrogations sui-vantes : la croissance et le rendement descéréales sont-ils améliorés par l’aménage-ment en banquettes? Cette amélioration

35

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCEMBRE

2008 VOL. 19 N

o2

Figure 1. Localisation du périmètre d'El Mansourah du gouvernorat de Siliana (extrait à partir de la carted'État major de Haffouz à l'échelle 1 : 50 000, nouvelle édition).

Page 3: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

varie-t-elle selon l’emplacement par rapportà l’ouvrage? Ainsi, notre objectif est decontribuer à quantifier l’impact des ban-quettes, largement répandues en Tunisiecentrale, sur les composantes de rendementde l’orge, culture céréalière souvent pra-tiquée par les exploitants de la région enmilieu semi-aride.

Matériel et méthodes

Site de l’étude

La présente expérimentation a concernéune exploitation agricole localisée dans lazone d’El Mansourah au sud du gouverno-rat de Siliana en milieu semi-arideinférieur (figure 1). Les observations pré-sentées concernent la campagne agricole2002-2003 avec des précipitations rela-tivement abondantes. Il s’agit d’une saisonagricole exceptionnellement humide durantla période hivernale bien que les précipita-tions aient été tardives. Pour atteindrel’objectif de quantification de l’impact desaménagements en banquettes sur le rende-ment, un dispositif expérimental sur l’éva-luation des indicateurs de croissance et deproduction a été mis en œuvre à traversl’interbanquette au niveau d’un site ayant

bénéficié de l’implantation de banquettesdepuis près de 35 ans. Le site d’ElMansourah a été aménagé en banquettesmécaniques en 1967, dans le cadre del’aménagement du bassin versant del’oued Marguellil afin de protéger contreles inondations la ville de Kairouan, enTunisie centrale, située à environ 60 km àl’aval et pour résorber le chômage dans larégion. Comme pour l’ensemble de cetterégion naturelle, le site est couvert de cul-tures céréalières de subsistance, le blé etsurtout l’orge implantés sur des solssablo-limoneux.

Les banquettes sont du type à rétentionpartielle, et ce, malgré l’absence d’exutoirele long des ouvrages. Toutefois, la pentelongitudinale permet d’évacuer l’excès deruissellement vers les voies d’eau limitro-phes. L’écartement varie de 90 à 120 mpour une pente moyenne de 2,5 % (tableau1). Les ouvrages paraissent complètementamortis et sont régulièrement labourés parles propriétaires, pour l’ensemble de larégion. En effet, les banquettes se présen-tent actuellement comme des ados dont lahauteur ne dépasse pas 10 cm, pour uneélévation initiale la plus souvent supérieureau mètre. Par endroits, des ruptures sontvisibles et aucun travail d’entretien ou desauvegarde n’a été apporté à ces ouvrages.

À proximité du périmètre aménagé, uneparcelle témoin ne présentant aucun traite-ment antiérosif a été identifiée afin devalider les mesures. Lors de l’identificationde la zone témoin, on a veillé à respecter lavaleur de la pente du terrain naturel et lanature du sol. Il s’agit du même type deculture installée à la même période etappartenant au même propriétaire.

La pluviométrie moyenne à la station dubarrage Lakhmes, localisée à près de 30 kmau nord du périmètre d’El Mansourah, estde 380 mm/an (tableau 2). Celle de l’an-née 2002-2003, au niveau de la station ElGueria, localisée à moins de 5 km du sitede mesure, est de 505 mm, dépassant deprès du tiers la moyenne annuelle. En plus,les enregistrements mensuels montrent uneforte variabilité. En effet, durant le moisd’octobre 2002, aucune précipitation n’a étéenregistrée. Également, les enregistrementsmontrent des précipitations mensuelles plusfaibles que les moyennes pour les mois dedécembre (2002), de mars et de mai(2003). Le bilan hydrique est déficitairedurant tous les mois, à l’exception des moisde novembre (2002) et de janvier (2003),se traduisant par un déficit de plus de1 000 mm/an. Ces précipitations défici-taires ont été compensées par des précipita-tions diluviennes au mois de janvier 2003,dépassant quatre fois la pluviométrie de cemois, avec près de 176 mm et dans unemoindre mesure par celle du mois de février2003, avec 55 mm. Cette répartition de lapluviométrie, durant la campagne demesure, n’est pas sans conséquence sur ledéveloppement de la végétation.

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

36

Source :

1. Annuaires pluviométriques de la Tunisie (1985-1995), DG/RE (MARH) 2. Annuaire pluviométrique de la Tunisie, année 2002-2003-DG/RE (MARH), page 313. Calculé par rapport à la pluviométrie moyenne annuelle 4. Calculé par rapport à la pluviométrie moyenne mensuelle5. Annuaire hydrologique des lacs collinaires 2002-2003

Page 4: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

Dispositif d’observation et indicateurs utilisés

Pour la culture de l’orge, la préparation dusol, du ressort du paysan comme pourl’ensemble du système cultural, consiste enun labour profond suivi de deux passagescroisés. Le semis à la volée et dont la pé-riode dépend des précipitations, a eu lieuau mois de novembre 2002 pour la saisonconcernée par la présente étude. Aucunapport de fumier, ni d’engrais n’a pas étépratiqué (selon les propos du propriétaire).Le propriétaire n’adopte aucun assolementet les cultures se présentent comme unesuccession de céréales; blé/orge lors dessaisons à précipitations excédentaires ouorge/orge lors des années à pluviométriesdéficitaires. Le dispositif de mesure est

formé par deux interbanquettes consécu-tives correspondant à la partie médiane dupérimètre aménagé (Khlifi 2007). Desplacettes de 1 m2 (Dercon et coll. 2003a,Vancampenhout et coll. 2006), en troisséries parallèles le long de la plus grandepente du terrain naturel, ont été utiliséespour la quantification des composantes durendement (figure 2). Le dispositif d’obser-vation correspond à 12 placettes par séried’observations (ou transect), soit au total36 unités d’observation. Malgré que la par-tie centrale de l’interbanquette représentela situation de référence avant l’implanta-tion des ouvrages (Dercon et coll. 2003a,Dercon et coll. 2006, Vancampenhout etcoll. 2006), le dispositif d’observation a étécomplété par six placettes, égalementéchantillonnées de façon aléatoire, au ni-veau de la zone témoin qui est localisée à

proximité de la zone aménagée et apparte-nant au même paysan. Au niveau de l’inter-banquette de la zone aménagée, les placettesont été disposées au niveau du canal de labanquette (à 3 m en amont de la crête dubourrelet), à l’aval de la banquette (à 3 m àl’aval de la crête du bourrelet), à une dis-tance égale à 20, 40, 60 et 80 % del’écartement interbanquette, soit six placet-tes par interbanquette (tableau 3). Lesséries de placettes ont été disposées defaçon aléatoire, tout en évitant les dépres-sions et les crêtes à l’intérieur de la parcelle.

Le faible nombre de répétitions trouve sajustification dans la variation de la topogra-phie, la nature du sol et les pratiquesculturales des propriétaires. En effet, on aveillé à ce que tous les échantillons soientrapprochés (les deux parcelles sont dis-posées de part et d’autre d’une piste) etrelèvent du même propriétaire pour lamême culture. On a opté au recours à unseul exploitant malgré les difficultés quel’expérimentation soit peu représentativedu fonctionnement du système. Ce disposi-tif permettrait toutefois d’éviter des biaisrelatifs aux pratiques paysannes qui ris-quent d’interférer avec l’effet des banquet-tes, et par conséquent de masquer l’impactdes ouvrages antiérosifs. Pour quantifierl’impact des banquettes mécaniques sur lerendement de la culture d’orge, on a eurecours à l’utilisation des indicateurs decroissance et de développement végétatifd’une part, et à ceux relatifs à la productionde la matière sèche et de grains d’autrepart. Le nombre de talles par plant, le nom-bre d’épis par pied et la hauteur des tallesà l’épiaison constituent les paramètrespermettant d’apprécier le développementvégétatif des céréales. Ces mesures ont étéeffectuées à la fin du mois d’avril, à la finde la période de croissance et au début dela maturité des graines. À ce stade, la den-sité de la culture a été déterminée. Laproduction totale de matière sèche, le ren-dement en paille, le rendement en grains, lepoids par épi, le poids de mille grains et lenombre de grains par épi ont été utiliséspour quantifier la production. L’évaluationde ces paramètres a eu lieu au cours de latroisième semaine du mois de juin, corres-pondant à la période de moisson de l’orgedans la région.

37

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCEMBRE

2008 VOL. 19 N

o2

Figure 2. Localisation des placettes d'observation, en trois séries, par rapport aux banquettes dans lesite d'El Mansourah à Siliana.

* Le numéro désignela localisation parrapport à labanquette (1 : localisée à 3 m à l'aval du bourrelet; 2 : à 20% del'écartement, … et 6 : localisée à 3 m à l'amont de la crêtedu bourrelet)

Page 5: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

On s’est inspiré du protocole de mesureadopté pour l’évaluation de l’impact desterrasses sur le rendement des céréales(Dercon et coll. 2003b, Vancampenhout etcoll. 2006). Ainsi, le relevé des observa-tions concerne 20 plants par échantillonou placette pour évaluer les données de lacroissance végétative. Au moment de larécolte, on a procédé à la coupe de la par-tie aérienne à 5 cm de la surface du sol dela totalité de la placette pour évaluer lesparamètres de la production. Ainsi, lepoids total de la matière sèche au niveaude la placette a été déterminé. Cette étapea été suivie par le battage et l’évaluationdu poids des grains. Pour évaluer le nom-bre de grains par épi et leur poids, 20 épisont été considérés de façon aléatoire àl’intérieur de chaque placette. Ces obser-vations ont par ailleurs été utilisées pourdéterminer le poids spécifique de millegrains, le nombre de grains par épi et lepoids des grains par épi.

Analyses statistiques

Étant donné que l’aménagement est anté-rieur au présent essai, le dispositif d’obser-vation adopté pour l’expérimentation a étéconsidéré en blocs; les répétitions sontassimilées à des blocs. Ainsi, après avoireffectué les diverses mesures, l’analyse dela variance a été réalisée en faisant recours

à la procédure GLM (General LinearModels Procedure) à l’aide du logiciel SAS(SAS Insitute Inc., Cary NC USA) pour tousles paramètres. La procédure GLM, pour lesvariables où le test de F est significatif, aété suivie par une comparaison multiple desmoyennes en ayant recours au test deStudent-Newman-Keuls, afin de déceler desdifférences significatives au seuil de 5 %.

Résultats

Croissance et développementvégétatif

Densité de la culture

Les analyses statistiques montrent que lavariation de la densité de la culture d’orgene dépend pas de l’emplacement par rap-port à la banquette (tableau 4). Ce para-mètre varie de 86 plants/m2 à plus de 110plants/m2 respectivement, à près de 20 m etde 60 m en amont du bourrelet. En outre,aucune différence significative n’a étéobservée entre la densité de la culture dansl’interbanquette et celle de la zone témoin(figure 3A). Étant donné que le semis est àla volée, le coefficient de variation apparaîtrelativement élevé. Par conséquent, l’em-placement par rapport aux ouvrages semble

ne pas avoir d’incidence sur ce paramètre etsemble justifier que l’exploitant agricole neprenne pas en considération la présence desbanquettes dans les activités culturales.

Nombre de talles

À long terme, l’aménagement en banquettesaffecte de façon significative la croissanceet le développement végétatif de la culturede l’orge. Le nombre de talles varie selonl’emplacement par rapport aux ouvrages(figure 3B). Le nombre de talles, par piedde la culture d’orge, observé au niveau ducanal de la banquette est le plus élevé avecprès de 4,2 talles/plant alors que celuiobservé au niveau de la zone témoin est de2,8 talles/plant. En effet, l’évaluation dunombre de talles montre que les plantslocalisés au niveau du canal dépassentceux de la zone témoin de près de 30 %.Les données montrent aussi que le nombrede talles par plant diminue en s’éloignantdu canal des banquettes. Sur l’ensemble del’interbanquette, l’accroissement du nom-bre de talles par plant de la culture d’orgeest supérieur de 5 % en comparaison aveccelui de la zone non aménagée. Cette aug-mentation est néanmoins non significative.

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

38

DL : degrés de liberté α: seuil de probabilité SC : somme des carrés des écartsR² :coefficient de détermination MC : moyenne des carrés des écarts CV : coefficient de variationF : valeur de F calculée

Page 6: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

Nombre d’épis

La proportion du nombre d’épis par rapportau nombre de talles demeure constanteindépendamment de la position par rapportaux ouvrages et est évaluée à près de 80 %.Comme pour les talles, le nombre d’épispar plant le plus élevé, soit de l’ordre de3,8 épis/plant, est observé au niveau desplants situés dans le canal suivi par ceuxdéveloppés en aval du bourrelet (figure3C). Le nombre d’épis par plant au niveaudu reste de l’interbanquette, avec près de2,6 épis/plant, n’est pas significativementdifférent de celui observé au niveau de lazone témoin, soit 2,4 épis/plant. Ainsi, lesdifférences significatives n’ont été déceléesqu’à proximité de l’ouvrage. En somme, lesdonnées montrent un accroissement dunombre d’épis par plant de l’ordre de 50 %en comparant les plants situés à proximité

du canal par rapport à ceux de la zonetémoin. Ce gain n’est que de 13 % à traversl’ensemble de la zone aménagée comparéeau témoin.

Hauteur à l’épiaison

La hauteur des talles à l’épiaison, consi-dérée comme indicateur de la bonnevigueur des cultures céréalières, présentedes différences significatives selon la local-isation par rapport aux ouvrages (figure 4).La hauteur à l’épiaison la plus élevée estobservée chez les plantes situées au niveaudu canal de la banquette avec 91 cm (figu-re 3D). La hauteur des talles au niveau dela parcelle témoin est de l’ordre de 73 cm,soit l’équivalent de ce qui a été mesuré auniveau de la partie médiane de l’interban-quette. Ainsi, l’aménagement se traduit parun gain en développement végétatif de

l’orge de l’ordre de 25 % au niveau du canalet près de 10 % à l’aval du bourrelet. Toute-fois, en examinant la hauteur des talles, onnote l’absence de différence significativeentre les plantes situées à l’aval du bour-relet et celles qui se localisent à 80 % àl’aval des banquettes.

Production de la matière sèche

L’analyse de la variance montre des diffé-rences significatives au niveau de la locali-sation par rapport aux ouvrages en termesde production de matière sèche et de poidspar épi pour la culture de l’orge (tableau 5).L’examen du reste des indicateurs du rende-ment de cette culture, soit l’indice derécolte, le nombre de grains par épi et lepoids spécifique, ne révèle aucune diffé-rence significative. Sur un autre plan, onnote des coefficients de variation de plus de25 %, indiquant une forte variabilité pourles deux derniers paramètres et ne permet-tant pas d’apprécier l’impact des ban-quettes. L’augmentation du nombre derépétitions permettrait de mieux dégager detels effets.

Rendement en matière sèche

Les quantités totales de matière sèche lesplus élevées, avec près de 823 et 808 g/m2

(8,23 et 8,08 t/ha), sont observées pour lesplantes cultivées, respectivement au niveaudu canal de la banquette et à l’aval du bour-relet (figure 5A). Elles sont significativementdifférentes de celles observées au niveau dutémoin et de l’interbanquette variant entre670 et 546 g/m2 (6,7 et 5,46 t/ha). Ainsi,l’augmentation de la production en matièresèche en aval du bourrelet et au niveau ducanal est de l’ordre du tiers comparée àcelle de l’interbanquette et celle de la zonetémoin. À travers l’ensemble de la zoneaménagée, l’accroissement de la productionen matière sèche de la culture de l’orge estde 12 % comparé au témoin. On remarque,une légère réduction, non significative, dela production en matière sèche au niveaude la zone localisée à 20 % de l’écartementinterbanquette à l’amont du bourrelet com-parée à celle située en aval du bourrelet.

Les rendements en grains (figure 5B) et enpaille (figure 5C) présentent des dif-férences significatives selon la localisationpar rapport aux banquettes. Les données nemontrent pas de différence significative

39

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCEMBRE

2008 VOL. 19 N

o2

Figure 3. Variation de la densité de la culture en plants/m² (Fig. 3A), du nombre de talles par plant (Fig.3B), du nombre d'épis par plant (Fig. 3C) et hauteur des talles à l'épiaison en cm (Fig. 3D) selon l'em-placement par rapport aux banquettes.N.B. Chaque valeur représente la moyenne de six observations. Les valeurs affectées par la même lettre ne sont passignificativement différentes pour α 0,05 selon le test de Student-Newman-Keuls.

Figure 4. Vigueur de la culture de l'orge à la récolte au milieu de l'interbanquette (gauche) et dans lecanal (droite) au site d'El Mansourah.

Page 7: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

entre les plants cultivés dans le canal de labanquette, ceux à l’aval du bourrelet ainsique ceux à une distance de l’ordre de 20 %de l’interbanquette à l’aval du bourrelet(80 % de l’écartement) pour ces deuxparamètres, avec respectivement 2,85,2,81 et 2,36 t/ha pour la production engrains, et 4,9, 4,8 et 3,8 t/ha pour la pro-duction de la paille. Les rendements lesplus faibles sont observés pour les plantssitués à une distance de plus de 20 % et demoins de 40 % de l’écartement avecrespectivement 1,85 et 2,03 t/ha pour lerendement en grains, et 3,1 et 3,6 t/hapour le rendement en paille. Au niveau dela parcelle témoin, les rendements de laculture de l’orge sont de 2,1 t/ha pour lesgrains et 3,6 t/ha pour la paille. Les résul-tats de la présente expérimentation mon-trent des gains de production de l’ordre de33 % à proximité de l’ouvrage comparative-ment à la parcelle témoin et de l’ordre de10 % pour l’ensemble de l’interbanquette

de la zone aménagée par rapport au témoin.L’indice de récolte, exprimé par le pour-centage du rendement en grains par rapportà celui en paille, est homogène au niveaude l’interbanquette et ne présente aucunedifférence significative avec celui dutémoin (figure 5D). La proportion du poidsdes grains par rapport au total de la matièresèche est de l’ordre de 35 %.

Taille des épis

Le rendement a également été apprécié àtravers l’évaluation de la taille des épis, lenombre de grains par épi et le poids spéci-fique de mille grains de la culture d’orge.Les analyses statistiques montrent des dif-férences significatives en termes de poidsde l’épi et ne révèlent pas de différencesignificative pour les deux derniersparamètres pour la culture de l’orge auniveau de la zone aménagée et la parcelletémoin (tableau 5). Le poids par épi le plus

élevé de toute la zone d’observation estobtenu au niveau des plants situés à proxi-mité du canal avec 4,8 g/épi, alors que ceparamètre au niveau des plants localisésdans la zone non aménagée est de 3,8 g/épi(figure 5E), soit un accroissement de 27 %.Les analyses statistiques montrent des dif-férences significatives entre les plantssitués à l’aval du bourrelet et ceux corres-pondant au reste de l’interbanquette en ter-mes de taille des épis. Les épis ayant le plusfaible poids sont observés au niveau desplants installés au tiers aval de l’écartement(entre 20 et 40 % de l’écartement en amontdu bourrelet). À travers l’ensemble del’interbanquette de la zone aménagée,l’accroissement de la taille des épis est de8 % comparé au témoin.

Le nombre de grains par épi le plus faibleest observé au niveau des plants installés àune distance de 80 % de l’écartement enamont du bourrelet avec 17 grains/épi et

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

40

DL : degrés de liberté α: seuil de probabilité SC : somme des carrés des écartsR² :coefficient de détermination MC : moyenne des carrés des écarts CV : coefficient de variationF : valeur de F calculée

Page 8: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

ceux de la zone témoin (figure 5F), alorsque le nombre de grains le plus élevé estobservé au niveau des plants localisés àune distance de 20 à 40 % de l’écartementen amont du bourrelet avec 22 grains/épi.Il s’agit de différences non significatives etprésentant une forte variabilité relative, telqu’indiqué par un coefficient de variationde 26 %.

Poids spécifique

Le poids spécifique de mille grains indiquela qualité des graines. Les données nemontrent pas de différence significativepour ce paramètre au niveau de la culturede l’orge à travers l’ensemble de l’interban-quette et celle située dans la zone témoin(figure 5G). Le poids spécifique varie de210 g, poids le plus faible, pour les plantslocalisés à 20 % de l’écartement à l’amont

du bourrelet, à 260 g, poids spécifique leplus élevé, pour ceux implantés au niveaudu canal de la banquette. Il importe desouligner la variabilité importante de ceparamètre.

Discussion

Les données relatives à l’impact d’unancien aménagement en banquettes sur lacroissance et le rendement de la culture del’orge dans un environnement semi-aridemontrent que la mise en œuvre des ouvra-ges antiérosifs se traduit par un accroisse-ment du développement végétatif indiquépar un meilleur tallage et une hauteur plusélevée de la culture examinée du cotéamont et du coté aval des bourrelets desbanquettes. Également, les composantes durendement révèlent des effets bénéfiquesliés à l’emplacement par rapport auxbanquettes. Les impacts positifs des ban-quettes sur la production des céréales pour-ront être attribués à leur effet sur le bilanhydrique (Mechergui 2000, Nasri 2002) etaux incidences des ouvrages sur le contrôlede l’érosion (Aubert 1986, Troeh et coll.1999). Aussi, l’accumulation des sédimentsau niveau des canaux des banquettes con-tribue à l’amélioration des rendements setraduisant par des sols de plus en plus pro-fonds; ceci confirme les observations deterrain indiquant que la réponse des cul-tures est la meilleure dans la zone d’accu-mulation de sédiments résultant de la con-fection des cordons pierreux(Vancampenhout et coll. 2006) ou de ban-quettes en Tunisie centrale (Khlifi 2007).

La création d’une oasis linéaire le long debourrelets, réalisation menée dans le cadred’aménagements en banquettes de péri-mètres dans les gouvernorats de Kairouan,Zaghouan et Siliana en Tunisie centrale, aidentifié les secteurs où la sécurité de pro-duction est assurée même lors de saisons àpluviométrie déficitaire. De telles pratiquespermettent même d’accroître la productionsur près de 30 % de la parcelle aménagée(Roose 2002). La réalisation d’un réseau debanquettes dans le bassin versant ElGouazine (Kairouan) a permis la mobilisa-tion des eaux de ruissellement évaluées à20 mm (Nasri et coll. 2006). Roose (2002)a alloué l’amélioration du rendement del’olivier et la création d’une oasis linéaire

41

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCEMBRE

2008 VOL. 19 N

o2

Figure 5.Variation des composantes du rendement de la culture de l'orge selon la position par rapport aubourrelet des ouvrages par unité de surface : Matière sèche totale (Fig. 5A), rendement en grains (Fig. 5B),rendement en paille (Fig. 5C), ratio grains/paille (Fig. 5D), rendement par épi (Fig. 5E), nombre de grainspar épi (Fig. 5F) et poids spécifique de 1000 grains (Fig. 5G).

N.B. Chaque valeur représente la moyenne de six observations. Les valeurs affectées par la même lettre ne sont passignificativement différentes pour α 0,05 selon le test de Student-Newman-Keuls.

Page 9: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

au ruissellement ayant lieu à partir de l’es-pace interbanquette, soit 25 % des précipi-tations annuelles, et qui vont être restituésà l’espace se trouvant à proximité du fossédes ouvrages.

L’évaluation de différentes techniques deconservation du sol réalisées dans les terrainsen pente en Tanzanie (bandes enherbées,terrasses de cultures, techniques tradition-nelles antiérosives en comparaison de par-celles témoins) montre que les meilleursrendements sont obtenus en adoptant lesterrasses pour la culture de maïs et en utili-sant les méthodes traditionnelles pour laculture de haricots (Tenge et coll. 2005). Lerecours aux haies vives isohypses, dans larégion des Andes en Équateur, se traduitpar une amélioration du rendement de laculture du blé variant de 9 à 29 % selon laposition par rapport à ces structuresantiérosives (Dercon et coll. 2003b, Derconet coll. 2006). L’ensemble de ces travauxdémontre hors de tout doute l’effet positifdes aménagements antiérosifs sur le rende-ment des cultures. Néanmoins, lavariabilité spatiale et l’importance desaccroissements enregistrés sont fortementinfluencées par la technique utilisée.

L’utilisation des terrasses de cultures, etd’une façon générale des traitementsantiérosifs, se traduit par l’amélioration durevenu des exploitants agricoles même enannée à pluviométrie déficitaire (Holmberg1990, Carrasco et Witter 1993, Hanrahanet MacDowell 1997). En considérant leurscoûts de réalisation, l’utilisation destechniques antiérosives permet un accrois-sement net de 20 % du revenu agricole despaysans en Tanzanie dans le cas de la cons-truction des terrasses et d’environ 6 % dansle cas d’adoption des bandes enherbées(Tenge et coll. 2005). Par ailleurs,Countryman et Murrow (2000) ont mis enévidence les avantages économiques durevenu agricole en fonction de l’utilisationdes techniques antiérosives adoptées parles exploitants agricoles. Ces auteurs onttrouvé que la valorisation préférable desterres marginales devrait se faire à partir deplantations de chênes ou de noyers dontles usages sont multiples. Pour les solsprésentant un meilleur potentiel de produc-tion, leur mise en valeur pourrait êtreassurée à partir de bandes enherbées dis-posées selon les courbes de niveau ouencore en faisant intervenir des rotationset/ou des assolements antiérosifs.

L’absence de différence significative auniveau de l’ensemble des paramètres rela-tifs au rendement de l’orge, entre la cultureinstallée au milieu de l’interbanquette etcelle correspondant à la zone témoin, peutêtre attribuée à un écartement excessif deplus de 30 % par rapport aux prescriptionsde ce type d’aménagement d’une part, et aumanque de travaux d’entretien et de sauve-garde nécessaires à la pérennité des ban-quettes d’autre part. Avec ces valeurs del’écartement des banquettes, comme dansle cas des terrasses de cultures, en plus dudéplacement du sol résultant du labour,l’érosion dans l’interouvrage serait simi-laire à une parcelle non aménagée(Turklboom et coll. 1999, Dercon et coll.2003a, Vancampenhout et coll. 2006). Parailleurs, le rendement des cultures cor-respondant à la zone médiane de l’interban-quette est considéré similaire à celui de lazone témoin étant donné que l’érosion ennappe reste active à cause de l’écartementélevé et que l’érosion aratoire est non négli-geable. Également, la hauteur des précipi-tations de la campagne agricole 2002-2003,à pluviométrie relativement excédentaire, acontribué à masquer en partie l’impact desouvrages à travers l’ensemble de l’interban-quette. Par ailleurs, d’autres travaux ontmontré que les conditions climatiquesaffectent l’effet des systèmes de labour surle rendement des cultures. En effet, l’ac-croissement de la production de la culturedu maïs durant les années à pluviométriedéficitaire est plus important que celuiobservé au cours des saisons à pluviométrieplus abondante (Eckert 1984).

L’étude menée sur la spatialisation de l’effetdes terrasses de cultures (Dercon et coll.2003b, Vancampenhout et coll. 2006) etdes haies vives (Dercon et coll. 2006) mon-tre qu’il n’y a aucune différence significa-tive entre la zone médiane de l’interou-vrage et la parcelle non aménagée (témoin)pour les composantes du rendement descéréales. La possibilité que la parcelletémoin de notre travail soit initialement dif-férente de celle traitée a été écartée du faitque le niveau du rendement obtenu enmilieu de l’interbanquette est similaire àcelui observé pour la parcelle témoin,garantissant ainsi son authenticité (de laparcelle témoin) et indiquant que les solsétaient probablement comparables aumoment ou l’aménagement a été réalisé.

L’absence de différence significative auniveau du nombre de grains par épi et dupoids spécifique des grains selon la locali-sation par rapport aux ouvrages pourra êtreattribuée aux précipitations relativementabondantes durant la campagne 2002-2003et à la variété de culture de l’orge adoptéepar le propriétaire, à faible potentialité deproduction, mais adaptée aux conditions dumilieu. Avec l’application d’une fertilisa-tion adéquate, il est possible que l’impactdes banquettes sur les composantes du ren-dement puisse mieux s’exprimer. Finale-ment, le bourrelet des banquettes occupedes espaces non cultivables avec des pertesde superficies labourables de 5 à 15 %(Roose 2002), qui risquent de compromettreles effets positifs recherchés par l’aménage-ment. Au niveau du site El Mansourah(Siliana), toute la parcelle est cultivée, ycompris le bourrelet ressemblant à des adospeu élevés, et par conséquent la perte de lasuperficie due à l’aménagement n’est pasconsidérée.

Conclusion

Les données montrent la variabilité spatialede l’impact des banquettes antiérosives surla culture de l’orge. En effet, l’aménagementen banquettes se traduit par un meilleurdéveloppement végétatif de la culture del’orge en milieu semi-aride au niveau de lazone située à l’amont du canal et celle cor-respondant à l’aval du bourrelet dans lepérimètre ayant bénéficié d’un ancientraitement antiérosif du type banquette.Également, les composantes du rendement àproximité du canal sont améliorées par lamise en place des banquettes 35 ans plustard, et ce, malgré le manque d’entretien etde sauvegarde des ouvrages et l’absenced’application d’engrais. Ces effets béné-fiques de l’aménagement en banquettes,relativement limités dans l’espace, peuventêtre attribués à l’impact des ouvragesantiérosifs sur le bilan hydrique, la fertilitédu sol, l’accumulation des sédimentsarrachés par l’érosion en nappe ou l’érosionaratoire de l’espace interbanquettes, setraduisant par l’accumulation des sédi-ments au niveau du canal et le contrôle del’érosion à l’aval du bourrelet. Des travauxcomplémentaires sont nécessaires pour con-firmer ces hypothèses. Il importe de souli-gner que la culture de l’orge située au

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

42

Page 10: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

milieu de l’interouvrage, représentant envi-ron 80 % de l’espace aménagé, n’a pas étésignificativement affectée par l’aménage-ment. Ceci signifie que l’accroissement descomposantes du rendement se limite à envi-ron 20 % du versant bénéficiant de laréalisation des banquettes. La productionde la culture de l’orge est améliorée de prèsde 50 % et de 10 % par rapport à la par-celle témoin respectivement aux plantsd’orge situés au niveau du canal et ceux del’ensemble de l’interbanquette. Pourgénéraliser les effets des banquettesantiérosives, il conviendrait de valider cesrésultats dans d’autres sites en faisant vari-er les conditions du milieu y compris lapluviométrie étant donné que la présenteexpérimentation s’est limitée à un seul sitepour une seule saison agricole.

Remerciements

Ce travail a été réalisé dans le cadre de laconvention de recherche intitulée« Contribution à l’étude d’impact des amé-nagements antiérosifs sur la fertilité des solsen Tunisie centrale » entre l’ESIER Medjezel Bab et la DG/ACTA, financé par l’Unioneuropéenne dans le cadre du projet CES II.L’auteur remercie vivement M.I. Anatar dela DG/ACTA et M.K. Dridi de l’A/CES deSiliana pour leur assistance lors de la col-lecte des données et M.M. Ameur pour lesanalyses statistiques.

Référencesbibliographiques

Achouri, M. et W. Viertman. 1984. Les aménagements anti-érosifs recommandés par le projet TU81/14 : leurs caractéristiques et les possibilités deleur application. Note de la D/CES. 65 p.

Aubert, G. 1986. Réflexion sur l’utilisation de certains types de banquettes DRS enAlgérie. Cahiers de l’ORSOM, Série Pédol.XXII : 147-151.

Corrasco, D.A. and S.G Witter. 1993.Constraints to sustainable soil and waterconservation: A Dominican Republic example. Ambio 22: 347-350 p.

Countryman, D.W. and J.C. Murrow. 2000.Economic analysis of contour tree bufferstrips using present net value. J. Soil andWater Cons. 55: 152-160.

D/CES. 1993. Stratégie nationale de la Conservation des eaux et du sol (1990-2000). Copie revue et modifiée. Note de la Direction de la CES, Ministère de l’Agriculture. 53 p.

Dercon, G., J. Deckers, G. Govers, J. Poesen, H. Sánchez, R. Vanegas, M. Ramírez and G. Loaiza. 2003a. Spatial variability in soil properties on slow-forming terraces in the Andes region of Ecuador. Soil & Tillage Research 72: 31-41.

Dercon, G., J. Deckers, J. Poesen, G. Govers, H. Sánchez, M. Ramírez, R. Vanegas, E. Tacura and G. Loaiza. 2003b. Spatialvariability in crop response under contourhedgerow systems in the Andes region ofEcuador. Soil & Tillage Research 72: 32-41.

Dercon, G., J.Deckersa, J. Poesen, G. Govers,H. Sánchez, M. Ramírez, R. Vanegas, E. Tacurib, and G. Loaiza. 2006. Spatialvariability in crop response under contourhedgerow systems in the Andes region ofEcuador . Soil and Tillage Research 86: 15-26

DG/ACTA. 2002. Stratégie nationale de laConservation des eaux et du sol (2002-2011). Copie revue et modifiée. Note de la Direction générale de l’aménagement et de la conservation des terres agricoles.Minsitère de l’Agriculture 33 p.

Dridi, B. 2000. Impact des aménagements sur la disponibilité des eaux de surface dans le bassin versant du Marguellil(Tunisie centrale). Thèse de Doctorat del’Université de Louis Pasteur (Strasbourg I),France 194 p.

Eckert, D.J. 1984. Tillage system planting dateinteractions in corn production. Agronomy J. 76: 580-582.

Gerbremedhin, B., S.M. Swinton and Y.Tilahun. 1999. Effects of stone terraces oncrop yields and farm profitability: Results of on-farm research in Tigray, northernEthiopia. J. Soil and Water Cons. 54: 568-573.

Hamza A. 1989. Contribution de l’approchegéomorphologique à la connaissance duphénomène « inondation » en Tunisie. Revuetunisienne de géographie 17: (107-117) p.

Hanrahan, M.S. and W. McDowell. 1997. Policyvariables and program choices: Soil andwater conservation results from Cochabambahigh valleys. J. Soil and Water Cons. 52:252-259.

Herweg, K. and E. Ludi. 1999. The performance of selected soil and watermeasures – case studies from Ethiopia andEritrea. Catena 36: 99-114.

Hizem H. 1994. National strategy of soil andwater conservation in Tunisia. Proc. Water harvesting for improved agricultural production. p. 96-107.

Holmberg G. 1990. An economic evaluation of soil conservation in Kitui District, Kenya.In: by Dixon J.A., James D.E. and ShermanP.B. (Eds) Drayland management: economiccase studies. Earthscan Publications LtdLondon. p. 56-71.

Hussain I., K.R. Olson and S.A. Ebelhar. 1999.Impacts of tillage and no-till on productionof maize and soybean on an eroded Illinoissilt loam soil. Soil & Tillage Research 52:37-49.

Khlifi S. 2007. Analyse du fonctionnement de quelques aménagements de conservationdes eaux et du sol : Cas des banquettes enTunisie centrale et des lacs collinaires dansla Haute Vallée de Medjerda. Thèse deDoctorat, Faculté des Sciences, Universitélibre de Bruxelles, Belgique. 237 p.

Mechergui M. 2000. La petite hydraulique et son impact sur la vie du paysan, les eauxde ruissellement, la conservation en eau et en sol et les ressources en eau vers l’avaldans un bassin versant : cas de deux bassinsversants de Siliana et du Kef en Tunisie.Atelier électronique de la FAO intitulé « Relations terre-eau dans lesbassins versants ruraux » du 18 septembreau 27 octobre 2000. 5 p.

43

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCEMBRE

2008 VOL. 19 N

o2

Page 11: Ressources Effet d’un ancien aménagement antiérosif de

Nasri S. 2002. Hydrological effects of waterharvesting techniques: A study of tabias,soil contour ridges and hill reservoirs inTunisia. Doctoral thesis-Lund, Institute ofTechnology, Lund University, Sweden.

Nasri S., M. Laaroussi et H. Habaeib. 2006.Impacts hydrologiques des banquettes anti-érosives sur un versant semi-aride en Tunisie centrale. 14th International SoilConservation Organization Conference,WaterManagement and Soil Conservation in Semi-Arid Environments. Marrakech, Morocco,May 14-19, 2006 (ISCO 2006). 4 p.

Nyssen J. 1998. Soil and water conservationunder changing socio-economic conditionsin the Tembien Highlands (Tigray, Ethiopia).Bull. Soc. Géogr. Liège 35: 5-17.

Poncet J. 1970. La catastrophe climatique de l’automne 1969 en Tunisie. Annales de géographie 25-26: 581-595.

Roose E. 1991. Conservation des sols en zonesméditerranéennes. Synthèse et propositiond’une nouvelle stratégie de lutteantiérosive : la GCES. Cahiers del’ORSTOM, Série Pédol. XXVI: 145-181.

Roose E. 2002. Analyse du système des banquettes mécaniques : Propositionsd’amélioration, de valorisation et d’évolutionpour les gouvernorats de Kairouan, Siliana et Zaghouan Tunisie. Rapport du projetGCP/TUN/028/ITA – FAO 27 p.

SAS. 2000. SAS System for Windows. SASInstitute Inc., Cary, NC, USA.

Tenbergen B., A. Günster and K.F. Schreiter.1995. Harvesting runoff: the minicatchmenttechnique – An alternative to irrigated treeplantations in semiarid regions. Ambio 24:72-76.

Tenge A.J., J. De Graaff and J.P. Hella. 2005.Financial efficiency of major soil and waterconservation measures in West Usambrahighlands, Tanzania. Applied Geography 25: 348-366.

Troeh F.R., J.A. Hobbs and R.L. Donahue. 1999. Soil and water conservation: productivity and environmental protection.Third Edition Prentice Hall Inc. New Jersey.610 p.

Turkelboom F., J. Poesen, I. Ohler and S. Ongpraert. 1999. Reassessment of tillage erosion rates by manual tillage on steep slopes in northern Thailand. Soil & Tillage Research 51: 245-259.

Unger, P.W. and O.R. Jones. 1998. Long-termtillage and cropping systems affect bulk density and penetration resistance of soilcropped to dryland wheat and grainsorghum. Soil & Tillage Research 45: 39-57.

Vancampenhout, K., J. Nyssen, D. Gebremichael, J. Deckers, J. Poesen, M. Haile and J. Moeyersons. 2006. Stonebunds for soil conservation in the northernhighlands: Impacts on soil fertility and cropyield. Soil & Tillage Research 90: 1-15.

AG

RO

SOLU

TIO

NS

DÉCE

MBR

E20

08

VO

L. 1

9

No

2

44