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1 LES CHRONIQUES DU DPA Revue Juridique du Master Droit Privé Approfondi d’Amiens MÉMOIRES Paul Bassinet « La responsabilité pénale conditionnée des personnes morales » Aurore Bouffel « La bonne foi en droit des contrats français et anglais » Candy Costa « La protection de la caution en droit français et portugais » Sarah Delval « L’erreur sur le droit - Étude de droit pénal » Valentine Forré « Le seuil de quinze ans en droit pénal » Lucie Lavigne « L’exploitation numérique des œuvres » Soledad Leblond « La résolution unilatérale du contrat » Pauline Marquès « Le titulaire de l’action en nullité en procédure pénale » Jeanne Thibault « Les œuvres transformatives » Elise Truchot « Le cautionnement, étude de droit comparé franco-belge » Clotaire Zengomona « De la limitation de la peine privative de liberté aux infractions violentes » RAPPORTS DE STAGE Noé Aggoune « La réalité des mesures de personnalisation des peines » Mikael Asoian « Impératif de célérité, exigence du procès équitable et réforme du Ministère public » Simon Dalmaz « Les nouvelles obligations des entreprises depuis la loi pour une République numérique du 9 octobre 2016 » Bastien David « Le rôle du cautionnement dans le recouvrement des créances par les établissements de crédit » Ophélie Lecocq « Les missions du procureur de la république » François Mauger « Le congé du bail rural » Numéro SPÉCIAL Juin 2017 MÉMOIRES & RAPPORTS DE STAGE 2017

Revue Juridique du Master Droit Privé Approfondi …©ro... · Un sondage mené auprès des professionnels notaires, huissiers de justice et avocats révèle que ... C’est notamment

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LES CHRONIQUES DU DPA

Revue Juridique du Master Droit Privé Approfondi d’Amiens

MÉMOIRES

Paul Bassinet « La responsabilité pénale conditionnée des personnes morales » Aurore Bouffel « La bonne foi en droit des contrats français et anglais » Candy Costa « La protection de la caution en droit français et portugais » Sarah Delval « L’erreur sur le droit - Étude de droit pénal » Valentine Forré « Le seuil de quinze ans en droit pénal » Lucie Lavigne « L’exploitation numérique des œuvres » Soledad Leblond « La résolution unilatérale du contrat » Pauline Marquès « Le titulaire de l’action en nullité en procédure pénale » Jeanne Thibault « Les œuvres transformatives » Elise Truchot « Le cautionnement, étude de droit comparé franco-belge » Clotaire Zengomona « De la limitation de la peine privative de liberté aux infractions violentes » RAPPORTS DE STAGE Noé Aggoune « La réalité des mesures de personnalisation des peines » Mikael Asoian « Impératif de célérité, exigence du procès équitable et réforme du

Ministère public » Simon Dalmaz « Les nouvelles obligations des entreprises depuis la loi pour une République numérique du 9 octobre 2016 » Bastien David « Le rôle du cautionnement dans le recouvrement des créances par les établissements de crédit » Ophélie Lecocq « Les missions du procureur de la république » François Mauger « Le congé du bail rural »

Numéro SPÉCIAL

Juin 2017

MÉMOIRES &

RAPPORTS DE STAGE

2017

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Contributeurs

(par ordre alphabétique)

Comité scientifique

Hélène CHANTELOUP Directrice du Master DPA Professeur à l’UPJV

Morgane DAURY-FAUVEAU Directrice de l’IEJ Professeur à l’UPJV

Sophie PELLET Co-Directrice du Master de droit des affaires Professeur à l’UPJV

Sommaire général

Mémoires Présentation – Hélène Chanteloup 3 La responsabilité conditionnée des personnes morales – Paul Bassinet 4 La bonne foi en droit des contrats anglais et français – Aurore Bouffel 5 La protection de la caution en droits français et portugais – Candy Costa 6 L’erreur sur le droit (Étude de droit pénal) – Sarah Delval 7 Le seuil de quinze ans en droit pénal – Valentine Forré 8 L’exploitation numérique des œuvres – Lucie Lavigne 9 La résolution unilatérale du contrat – Soledad Leblond-Duniach 11 Le titulaire de l’action en nullité en procédure pénale – Pauline Marquès 12 Les œuvres transformatives – Jeanne Thibaut 13 Le cautionnement – Etude de droit comparé franco-belge – Élise Truchot 15 De la limitation des peines privatives de libertés aux faits de violence – Clotaire Zengomona 15

Rapports de stage Présentation – Hélène Chanteloup 18 La réalité de la personnalisation des peines – Noé Aggoune 19 Impératif de célérité, Exigence du procès équitable et Réforme du Ministère public – Mikael Asoian 20 Les nouvelles obligations des entreprises depuis la loi « RN » du 9 octobre 2016 – Simon Dalmaz 22 Le rôle du cautionnement dans le recouvrement des créances par les établissements de crédit – Bastien David 23 Les missions du procureur de la république – Ophélie Lecocq 25 Le congé du bail rural – François Mauger 26

   

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DOSSIER Première partie : Mémoires de Master 2 DPA (2016-2017)

1 – Présentation

Par H. Chanteloup Au titre de leur formation, les étudiants en Master 2 DPA ont l’obligation de rédiger un mémoire s’ils n’effectuent pas de stage. On entend par mémoire une étude structurée portant sur un thème juridique sélectionné, et rédigée sous la direction d’un enseignant. Si les étudiants choisissent librement le domaine d’étude (droit pénal, droit des obligations, procédure civile etc.), le sujet précis de leur étude est essentiellement défini par l’enseignant de la matière. Un bon mémoire de master 2 suppose de solides connaissances sur le thème et une véritable capacité d’analyse. Il est l’occasion pour son auteur de mener une démonstration, de prendre du recul, d’effectuer des comparaisons et, bien entendu, de défendre une position. Un mémoire est une œuvre personnelle. Comme tout travail de rédaction juridique, l’étude est construite sur une trame cohérente, élaborée en considération de la démonstration que souhaite faire l’auteur. Les développements suivent une logique, un fil rouge. Nul doute qu’il s’agit là d’un travail de construction et de rédaction relativement difficile mais ses vertus sont nombreuses. Au-delà de l’immense fierté qu’il procure à son

auteur, le mémoire est sur le fond un exercice de réflexion approfondie et sur la forme, un épreuve rédactionnelle nouvelle. Contrairement aux préjugés, le mémoire n’est pas un travail théorique déconnecté de la pratique juridique. Il peut être exploité à des fins professionnelles, être mis au service des projets de chacun et valorisé dans un curriculum vitae. S’il se veut professionnalisant, le mémoire portera sur un thème en rapport avec le métier convoité et abritera une étude ciblée d’une difficulté éprouvée par les professionnels. Le mémoire pourra, par la suite, être adressé à toutes les structures en vue de l’obtention d’un emploi. Un sondage mené auprès des professionnels notaires, huissiers de justice et avocats révèle que les mémoires présentés lors des candidatures fournissent des informations utiles pour les professionnels qui y voient là l’occasion de s’assurer, entres autres, des capacités d’analyse et de synthèse, des qualités rédactionnelles et de l’aptitude à disposer de convictions. Il n’était pas envisageable de publier l’intégralité des mémoires présentés et soutenus cette année en Master 2 DPA, mais il nous a semblé instructif de reproduire les résumés de ces travaux et quelques extraits. Le lecteur aura ainsi un aperçu de thèmes actuels et susceptibles d’être approfondis. On précisera qu’aucune note de bas de page n’a été reproduite dans ce numéro spécial. Ces mémoires sont mis à la disposition de tous et peuvent être consultés à la bibliothèque des doctorants située au 3ème étage de l’UFR de droit.

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2 – « La responsabilité pénale conditionnée des personnes morales »

Par Paul Bassinet

sous la direction de Mme Élise Letousey

I – Résumé par l’auteur

« Principal apport du nouveau code pénal de 1994, la responsabilité pénale des personnes morales n’a cessé de défrayer la chronique judiciaire depuis sa consécration. La plume du Législateur avait pourtant été claire et concise. Sans doute un peu trop…. Car derrière la simplicité se cache souvent l’imprécision, et dans l’imprécision le doute prolifère. Les interprétations contradictoires se multiplient. Doit-on rappeler, par exemple, qu’une infraction ne peut être imputée à une personne morale que si elle est commise pour son compte par son organe ou son représentant ? Or aucune de ces deux conditions fondamentales n’est définie dans le code. Il appartient alors aux juges et aux auteurs de soutenir leur propre conception de la responsabilité pénale des personnes morales et du droit dans une plus large mesure. La thèse défendue dans le mémoire est celle d’un droit particulièrement flexible, susceptible de garantir une répression pénale. L’analyse suppose, entre autres, le rejet de certaines immunités pénales, une définition plus large des organes et des représentants et, peut-être même la promotion d’une véritable autonomie de la responsabilité pénale des personnes morales ».

II - Extrait

« (…) II/ Les avantages de la faute autonome

L’avantage fréquemment mis en avant par les défenseurs de la thèse de la responsabilité directe repose sur la « rationalisation répressive » qui en découle. En effet, considérer que la personne morale puisse commettre une infraction de manière tout à fait indépendante permet de réduire grandement l’importance du facteur humain dans le processus. Par conséquent, cela revient à s’affranchir, au moins en partie, d’une des deux conditions d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales. L’imputation d’une infraction à un être fictif s’en trouve de facto facilitée. Cette thèse n’est donc pas sans rappeler le modèle organisationnel, lequel préconise de se détacher de la notion d’organe ou de représentant pour se concentrer sur la commission de l’infraction pour le compte de la société.

De plus, bien que l’accent soit mis sur la personne morale, rien ne s’oppose à un cumul entre la responsabilité pénale de la personne morale et de son organe ou représentant. La condition n’en serait alors plus déterminante, seulement facultative.  

Néanmoins, si aujourd’hui le système juridique français n’a pas ouvertement consacré cette théorie, c’est que celle-ci souffre de quelques inconvénients.  

III/ Les inconvénients de la faute autonome

Toute rose ayant ses épines, la théorie de la faute autonome n’est donc pas exempte de vices. Le fait d’engager trop facilement la responsabilité pénale de la personne morale risque de toucher les associés et a fortiori les salariés n’ayant pas participé à la faute commise par l’organe ou le représentant. Ce risque existe également concernant la thèse de la responsabilité par ricochet mais il est en quelque sorte amoindri du fait de la plus grande complexité avec laquelle il est possible

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de poursuivre pénalement la personne morale. Plus précisément, les lourdes conséquences pécuniaires pouvant découler d’une sanction pénale97 conduiront tout opérateur économique rationnel à compenser la perte en ayant recours à des licenciements ou à des hausses de ses prix plus ou moins importantes. Faut-il pour autant alléger la responsabilité pénale des personnes morales ? Le fait qu’une sanction puisse porter préjudice à l’entourage du condamné n’est pas une spécificité de la pénalisation des personnes morales, loin s’en faut. L’important pourrait donc être de favoriser la prévention sans pour autant négliger la répression. Pour être tout à fait pragmatique, des répercutions ponctuelles et injustes, opérées par un opérateur économique souhaitant amortir le choc pénal, sont moins néfastes pour la société que l’impunité permanente de ce dernier.  

Avant de délaisser le thème des conditions rationae personae, il peut être important de tempérer cette approche binaire de la responsabilité pénale des personnes morales. En effet, tous les auteurs ne s’accordent pas sur la pertinence de ces modèles. Pour preuve, certains perçoivent une division tripartite. C’est notamment le cas de Juliette Tricot qui les présente en ces termes : « de l’examen des systèmes pénaux prévoyant la responsabilité des personnes morales pour la commission d’une infraction pénale, émergent trois principaux modèles d’engagement de la responsabilité : le modèle « vicarial », qui s’apparente à une responsabilité du fait d’autrui, le modèle « identificatoire », qui repose sur une responsabilité du fait personnel au moyen d’une fiction et le modèle « organisationnel », qui s’appuie sur la faute propre de l’entité morale tirée de la défectuosité du fonctionnement de la structure ».  

Pourquoi ne pas avoir dès lors présenté les choses de la sorte ? Pour la simple raison que les législations ne semblent pas verser dans l’idolâtrie dogmatique en adoptant en bloc un

modèle étanche. Un système juridique ne peut se résumer en un unique courant de pensée. Au contraire, les réformes et les revirements de jurisprudence l’auront démontré, le droit français est théoriquement hétérogène. Les thèses de la faute autonome et de la responsabilité par ricochet semblent dès lors plus appropriées en ce qu’elles sont davantage malléables. En effet, avant d’être un dogme, elles sont une source d’inspiration ».  

3 – « La bonne foi en droit des contrats français et anglais »

Par Aurore Bouffel

sous la direction de Mme Sophie Pellet

I – Résumé par l’auteur

« La bonne foi a quelque chose de rassurant. Elle est tout aussi évocatrice pour le néophyte que pour le juriste chevronné. Cette sensation est pourtant trompeuse tant la bonne foi se révèle insaisissable pour celui qui en vient à l’étudier de façon plus approfondie. En droit des contrats, la bonne foi exerce son influence avant même que le lien contractuel ne soit noué entre les parties. Du temps de la construction du contrat, en passant par le temps de sa réalisation et ce jusqu’à son extinction, la bonne foi est omniprésente tout au long de la vie du contrat.

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Outre-manche, la place accordée à la bonne foi est bien plus limitée. Le droit anglais des contrats s’est construit au fil des décisions jurisprudentielles, sans prendre appui sur des principes généraux. En cela, son approche est bien différente de celles des systèmes continentaux. Le sujet de la présente étude invite ainsi à mener une analyse comparative entre ces deux systèmes juridiques. Une telle démarche, soutenue par l’actualité de la réforme permet de mieux apprécier les forces et les faiblesses de notre système juridique français mais aussi de le découvrir sous un jour nouveau ». II - Extrait

« Fidèle à son aversion pour les grands principes trop vagues et trop éloignés des réalités de la pratique, le droit anglais propose des solutions ciblées pour des problèmes spécifiques. Le droit français tout au contraire affectionne les règles générales, ce qui se vérifie avec celles relatives à la période précontractuelle. Une conception est-elle meilleure que l’autre ? C’est une question de point vue. Si les textes à l’état brut posent des règles générales et impersonnelles, le juge français est là pour assurer la transition vers le particulier. Finalement, les règles générales sont une boussole. La common law ne dispose pas d’un tel instrument. Son approche pragmatique est aussi intéressante qu’imprévisible dès lors qu’il n’est pas certain qu’une solution valable dans un cas le soit dans l’autre et ce malgré des similitudes entre les deux.

Par ailleurs, l’étude comparative entre le droit français et le droit anglais met en exergue la conception plus libérale de ce dernier. Cela se traduit par une intrusion minimale au cours des négociations aux fins de préserver au mieux la liberté de chacun alors que le droit français fait le choix de restreindre la liberté pour une plus grande sécurité. Cette fois-ci, l’approche anglaise semble plus opportune.

Imposer un cadre trop rigide, c’est prendre le risque d’entraver les initiatives ».

4 – « La protection de la caution en droit français et portugais »

Par Candy Costa

sous la direction de M. Damien Grimaud

Extrait

« De multiples manifestations de l’accessoirité existent dans le régime du cautionnement portugais : Le cautionnement ne peut excéder l’obligation principale ni être contracté dans des conditions plus onéreuses et, s’il l’est, il devra être réduit aux « termes précis » de celle-ci (article 631 n° 1 et 2 du Código civil). Rien n’empêche, pour autant, au contraire, que le cautionnement soit contracté pour une quantité moindre ou dans des conditions moins onéreuses que l’obligation principale (article 631 n° 1 du Código civil).

L’invalidité de l’obligation principale, tout comme son inexistence atteignent le propre du cautionnement. Il est à souligner que, l’obligation principale étant annulable, le cautionnement, lui, reste maintenu. Ce dernier peut même rester valable malgré l’annulation de l’obligation principale pour incapacité ou manque ou vice de consentement du débiteur si la caution connaissait déjà la cause d’annulabilité de l’obligation principale quand

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elle a prêté caution (article 632 n° 2 du Código civil). La solution est entendue par la garantie implicite que la caution concéderait au créancier sans que le débiteur ne fasse annuler l’affaire, source de l’obligation garantie.

La caution peut opposer au créancier les moyens de défense qui appartiennent au débiteur, exceptés ceux qui ont été incompatibles avec son obligation de caution (article 637 n° 1 du Código civil).

L’extinction de l’obligation principale conduit à l’extinction du cautionnement qui en est son accessoire (article 651 du Código civil).

La nature civile ou commerciale du cautionnement, dépend du caractère civil ou commercial de l’obligation principale (article 101 du Código comercial).

La forme de l’obligation principale commande la forme du cautionnement (article 628 n° 1 du Código civil) ».

5 – « L’utilité de l’erreur sur le droit. Etude de droit pénal »

Par Sarah Delval

sous la direction de Mme Morgane Daury-Fauveau

I – Résumé par l’auteur

« L’erreur sur le droit est une cause d’irresponsabilité pénale figurant à l’article 122-3 du nouveau Code pénal depuis 1994, date de son entrée en vigueur. Elle constitue un tempérament à l’adage traditionnel ancré dans le droit français selon lequel « Nul n’est censé ignorer la loi » puisque dans cette hypothèse, le prévenu argue d’une méconnaissance du droit applicable. Comme toute cause d’irresponsabilité pénale, celle-ci est appréciée de manière assez stricte et in fine, admise de manière restrictive. Mais plus particulièrement, l’erreur sur le droit se trouve rarement reconnue au profit des prévenus et semble être systématiquement rejetée, contrairement à l’erreur de fait. Les juges répressifs hésitent entre plusieurs appréciations de l’erreur, rendant les décisions non uniformes et ajoutant un aléa à la solution du procès pénal. Enfin, la reconnaissance de l’erreur sur le droit entraine intrinsèquement une remise en cause du principe de légalité des délits et des peines imposé, notamment, par la Cour européenne des droits de l’Homme au sujet des qualités substantielles du texte pénal. L’enjeu de ce mémoire est donc d’appréhender l’utilité de l’erreur de droit ainsi que ses perspectives d’évolution ».

II - Extrait

« L’adage « Nul n’est censé ignorer la loi » est ancré depuis des décennies dans le système juridique français et bien qu’il ne semble manifestement plus adapté à la réalité, il est possible de remarquer la volonté des juges de conserver la place de cette maxime dans l’ordre juridique et de ne laisser aucune place au doute en la légalité d’un acte. Parler d’une relativité de connaissance de la loi paraît peu probable puisque le faible nombre de décisions reconnaissant l’erreur de droit témoigne de l’exigence pesant sur chacun des citoyens de se renseigner avant d’agir.

En définitive, le maintien de cette maxime s’avère indispensable pour les nécessités de la

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répression, l’égalité de chacun face à la justice répressive. Pourtant l’erreur sur le droit permet une meilleure protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles en ce qu’elle ne laisse pas présager de la volonté d’enfreindre la règle de droit en s’assurant que le prévenu a bel et bien eu connaissance d’enfreindre les prescriptions légales. Mais la présomption de connaissance de la loi ne saurait se justifier dès lors que les règles ont pour but de mettre en œuvre une certaine politique sociale. Laisser demeurer une présomption absolue de connaissance de la loi reviendrait à réappliquer le système des délits contraventionnels qui laissaient présumer l’élément moral de l’infraction par la seule constatation de la matérialité factuelle. Admettre que la simple connaissance de la loi est présumée reviendrait, d’une certaine façon, à établir l’élément moral tenant à la conscience, la connaissance et la volonté d’enfreindre la règle, par la simple violation des prescriptions légales. D’une certaine façon, les juges répressifs ne seraient-ils pas en train de ressusciter les délits à intention présumée ? Ce phénomène amènerait ainsi à une dispense pour les juges pénaux d’établir l’élément moral d’une infraction et faciliterait davantage leur tâche en matière de motivation ».

6 – « Le seuil de quinze ans en droit pénal »

Par Valentine Forré

sous la direction de Mme Morgane Daury-Fauveau

I – Résumé par l’auteur

« Ce mémoire a pour étude le seuil de quinze ans en droit pénal. Ce dernier est un seuil intermédiaire de minorité qui constitue un seuil de protection du mineur victime. Pour instaurer cette protection, le législateur apprécie le discernement que le mineur acquiert au fil des années. Ce seuil intermédiaire permet de renforcer la répression pénale des actes commis envers les mineurs considérés comme plus fragiles en raison de leur manque de discernement.

Apparue en 1810 dans les infractions à connotations sexuelles, la protection du mineur devient un seuil de minorité reposant sur l’âge, la majorité sexuelle. Lors de la promulgation du nouveau Code pénal de 1994, ce seuil de minorité devient la présomption de vulnérabilité du mineur victime. Cette présomption va au fil des réformes pénales s’étendre à de multiples dispositions, notamment en dehors des infractions à connotations sexuelles. L’extension de ce seuil de minorité va faire de celui-ci le seuil de protection du mineur ».

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II - Extrait

« Au vu des différentes études entreprises au sein de ce mémoire, il a pu être constaté que la minorité de quinze ans était un élément de protection du mineur satisfaisant concernant les atteintes sexuelles. Cependant, son extension au sein du Code pénal a posé plus de difficultés en raison des dispositions fragmentaires et a induit un problème de cohérence dans la répression pénale. Les hypothèses où le seuil de quinze ans est inscrit, permettant ainsi une meilleure protection des victimes, ne sont pas clairement identifiables. On ne retrouve pas une telle incohérence dans la législation pénale des mineurs délinquants. Il importe donc de créer un droit des mineurs victimes d’une réelle efficacité pour attester de l’application qu’on apporte à la répression des actes commis sur les mineurs. L’absence de rationalité dans l’établissement des circonstances aggravantes atteste de la difficulté que le législateur rencontre lors de la mise en œuvre de la minorité de quinze ans. Il importe donc d’harmoniser le seuil de quinze ans dans le Code pénal pour que sa caractérisation soit plus efficace.

L’application de ce seuil de minorité manque d’une certaine prévisibilité. En effet, le législateur « doit rédiger des textes aussi précis que possible afin de neutraliser la tentation de certains juges de les étendre au-delà de leur esprit ou de l’intention de leurs auteurs». L’insertion de la minorité de quinze ans n’étant pas uniforme, elle provoque certaines confusions lors de son application par les juges.

Une proposition est envisagée pour permettre au législateur de répondre à ces critiques. Dans un premier temps il serait opportun de reprendre le seuil de quinze ans dans l’intégralité du Code pénal pour obtenir une vision d’ensemble. À partir de cette étape, il semble judicieux de rendre lisible les dispositions ayant comme condition préalable la minorité de quinze ans et les dispositions

consacrant la circonstance aggravante du mineur de quinze ans. Pour trouver des solutions efficaces il est intéressant de reprendre la section relative à la mise en péril du mineur. En effet, cette section permet la clarté de la présomption de vulnérabilité du mineur. Comme la doctrine l’a précisé à de multiples reprises, il est regrettable d’éparpiller la législation du mineur dans les diverses parties du Code pénal. Le droit des mineurs victimes étant un droit relativement primordial dans la société actuelle, sa mise en œuvre doit être des plus efficace. Le législateur doit clarifier les circonstances aggravantes, notamment concernant l’accumulation de la circonstance de minorité, la circonstance du mineur de quinze ans et la circonstance de la particulière vulnérabilité due à l’âge de la victime ».

7 – « L’exploitation numérique des œuvres

Par Lucie Lavigne

sous la direction de Mme Valérie Varnerot

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I – Résumé par l’auteur

« Le numérique demeure un nouveau support d’exploitation des œuvres. Ainsi, sont engendrées des œuvres numérisées mais également des œuvres créées numériquement. Par ce biais, la diffusion est largement encouragée, qu’elle soit légale ou illégale. La problématique de cette nouvelle exploitation est alors de préserver les prérogatives des titulaires de droits sur l’œuvre. Alors que les éléments du droit d’auteur français trouvent leurs limites, les titulaires de droits envisagent des réponses contractuelles afin de préserver leurs prérogatives sur l’œuvre. Ainsi, le droit d’auteur dans sa conception initiale visait une propriété de l’œuvre fermée alors que le numérique envisage aujourd’hui une propriété ouverte. Les libertés sur l’œuvre sont donc plus accrues et le numérique constitue le lieu d’expression de la liberté créatrice. La difficulté de l’exploitation numérique réside donc dans la confrontation entre libertés permissives des usagers et propriété fermée du droit d’auteur ». II - Extrait

« Au-delà de ces mesures, des éléments de protection sont à la charge du titulaire de l’accès Internet : « la Para-contrefaçon ». Celle-ci ne vient pas sanctionner la contrefaçon elle-même mais le comportement négligeant. Ainsi, l’abonné voit peser sur lui une obligation de surveillance de son accès Internet au titre de l’article L.336-3 CPI. Celui-ci doit s’assurer que son accès internet ne permet pas de violer le droit d’auteur à travers des actes contrefaisants. C’est tout particulièrement le cas des peer-to-peer qui permettent de faire circuler l’œuvre sans l’autorisation préalable de l’auteur à travers des téléchargements en réseaux. Lorsque l’utilisateur produit un téléchargement descendant, il s’approprie l’œuvre. C’est le cas pour les logiciels peer-to-peer en download où les utilisateurs s’approprient l’œuvre comme l’auteur en ce qu’ils en

permettent une diffusion massive. Les intérêts de l’auteur sont alors gravement mis en danger puisqu’il ne peut plus maîtriser l’exploitation de son œuvre. Les logiciels peer-to-peer permettent également un téléchargement en émission : dans ce cas, l’utilisateur met à disposition l’œuvre au public ce qui porte également une atteinte au droit d’auteur. Dans ce dernier cas, l’utilisateur pourrait se prévaloir de l’exception de copie privée. Néanmoins, il serait dangereux d’admettre une telle exception dans cette occurrence puisque l’œuvre diffusée ne provient pas de l’auteur mais d’un tiers, ce que l’utilisateur ne peut ignorer. D’autant plus que, comme le soulignent certains auteurs, l’utilisateur doit consentir à partager ses fichiers dans le cadre d’un peer-to-peer et ne peut donc nier qu’il met des œuvres protégées à disposition des autres utilisateurs. En d’autres termes, à travers l’exception de copie privée l’appropriation de l’œuvre serait permise en ce qu’elle permettrait à un tiers de se prévaloir des prérogatives de l’auteur. Les tribunaux ne semblent pas s’accorder sur la réponse à apporter à cette problématique. Certains estiment que l’exception de copie privée peut être retenue si elle se limite strictement au cadre familial. D’autres assimilent cela à du téléchargement de contrefaçon en ce qu’il est nécessaire d’obtenir en aval l’exercice du droit de représentation et « les internautes doivent en tenir compte ». Cette dernière solution semble la meilleure à envisager pour la protection du droit d’auteur puisqu’il empêche une appropriation de l’œuvre par les contrefacteurs et condamne une appropriation des prérogatives propres à l’auteur initial de l’œuvre ».

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8 – « La résolution unilatérale du contrat »

Par Soledad Leblond-Duniach

sous la direction de Mme Sophie Pellet

I – Résumé par l’auteur

« Le but du présent mémoire est de traiter de la résolution unilatérale du contrat mais aussi d’apprécier l’opportunité de sa consécration en droit interne. En effet, ce mécanisme contractuel a longtemps été inconnu du droit français.

C’est pourquoi le choix a été fait d’expliquer l’hostilité originaire que suscitait la résolution unilatérale chez les juristes français avant de s’intéresser à sa reconnaissance par la jurisprudence.

L’ordonnance du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations l’ayant définitivement consacré en droit français, le régime de la résolution unilatérale, tel qu’il ressort de cette réforme, sera étudié tout comme les questions qu’il suscite ».

II - Extrait

« Le dernier alinéa de l’article 1226 du code civil dispose que « le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution ». Il s’agit en quelque sorte d’une reprise de la jurisprudence antérieure qui estimait que la résolution unilatérale intervenait « aux risques et périls » du créancier ce qui impliquait que la responsabilité du créancier puisse être judiciairement retenue en cas de rupture abusive de sa part. Il est heureux que le contrôle judiciaire soit maintenu car le supprimer aurait abouti à un véritable mécanisme de justice privé risquant de remettre en cause le principe de force obligatoire du contrat et de mener à une véritable insécurité contractuelle. En effet, si chaque contractant pouvait résoudre le contrat sans jamais risquer de voir sa responsabilité retenue en cas de rupture abusive, il serait hautement probable que l’exigence « d’inexécution suffisamment grave » reste en pratique lettre morte.

En ce qui concerne le rôle du juge, on a vu que la nature de la sanction encourue par le créancier fautif suscite de nombreuses interrogations et controverses doctrinales. Dès lors, on ne sait pas très bien si le juge pourra prononcer l’exécution forée du contrat ou devra se contenter d’indemniser le débiteur victime d’une résolution unilatérale abusive ou s’il pourra éventuellement cumuler les deux sanctions.

Si la question de la nature de la sanction encourue par le créancier fautif fait débat et devra être tranchée par la jurisprudence, il est en revanche clair, au terme de l’article 1226 du code civil, que, si une action en résolution unilatérale abusive est intentée en justice, il reviendra au créancier de rapporter la preuve de la gravité de l’inexécution du débiteur ».

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9 – « Le titulaire de l’action en nullité en procédure pénale »

Par Pauline Marques

sous la direction de Mme Élise Letousey

I – Résumé par l’auteur « La théorie des nullités en procédure pénale est avant tout jurisprudentielle. En effet, les textes consacrés à cette matière sont peu nombreux et flous. Le titulaire de l’action en nullité est donc difficile à identifier. Pour essayer de comprendre qui est le titulaire de l’action en nullité, il faut tout d’abord déterminer les personnes concernées. Le titulaire doit avoir intérêt et qualité pour agir. Ces deux éléments soulèvent plusieurs difficultés. La notion de partie est également au cœur du sujet puisqu’en effet, le parquet dispose d’une place particulière au sein des nullités. La principale difficulté soulevée par ce sujet est celle du tiers à la procédure. En effet, le code de procédure pénale n’évoque pas l’hypothèse du tiers à la procédure titulaire de l’action en nullité. La jurisprudence est, actuellement, fluctuante sur le sujet même si elle tente de mettre en œuvre un régime des nullités stable et clair ».

II - Extrait

« La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné « sèchement » la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant la régularité des actes de procédure, et plus précisément, le fait qu’une partie n’a la possibilité de demander l’annulation d’un acte que lorsque celui ci porte atteinte directement à ses intérêts. Les faits de la décision en cause se rapportaient à des écoutes téléphoniques. La Cour européenne rappelle expressément que les écoutes téléphoniques sont un mode de preuve constituant une intrusion dans la « vie privée » et dans les « correspondances ». Elles contreviennent à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme disposant que : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». En l’espèce, « La Cour européenne souligne l'idée selon laquelle le requérant doit disposer d'un « contrôle efficace » pour contester les écoutes téléphoniques dont il a fait l'objet et conclut à la violation de l'article 8 de la Convention ». Dans cette affaire, la Cour de cassation estimait que la chambre de l’instruction n’avait pas à se positionner sur le fait qu’une enquête étrangère au dossier soit régulière ou au contraire, entachée d’irrégularité. Jean Pradel rappelle à juste titre que « Le gouvernement français considérait que le fait que les écoutes téléphoniques aient été ordonnées par un magistrat et réalisées sous son contrôle était suffisant pour que soit assuré un contrôle, et il est vrai que les opérations d'écoute sont « effectuées sous son autorité et son contrôle » (art. 100, al. 1er, in fine c. pr. pén.) ». Toutefois pour la Cour européenne « Un tel raisonnement conduirait à considérer que la qualité de magistrat de celui qui ordonne et suit les écoutes impliquerait, ipso facto, la régularité des écoutes et leur conformité avec l'article 8, rendant inutile tout recours pour les intéressés». La Haute juridiction se voit contrainte d’exercer un contrôle de plus en plus large.

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Cet arrêt milite en faveur de la possibilité pour une personne de «solliciter un contrôle d'écoutes téléphoniques ordonnées dans une procédure dans laquelle elle n'est pas partie, mais ultérieurement jointes dans une procédure dans le cadre de laquelle elle se trouve mise en examen ». La chambre criminelle a par la suite décidé de s’aligner sur la position de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est désormais possible de soulever l’irrégularité d’un acte de procédure ne touchant pas de manière directe le requérant. Dans un arrêt du 18 janvier 2006, la Cour de cassation considère ainsi que : « même si elle est surprise à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, la conversation entre un avocat et l'un de ses clients ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s'il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ; que la violation de ce principe doit être relevée, même d'office, par la chambre de l'instruction chargée d'examiner, en application de l'article 206 du code de procédure pénale, la régularité de la procédure qui lui est soumise ». La Haute juridiction revient donc sur le nécessaire intérêt direct en matière de nullité et semble admettre la possibilité pour le requérant de n’avoir qu’un intérêt indirect à demander la nullité d’un acte ».

10 – « Les œuvres transformatives »

Par Jeanne Thibault

sous la direction de Mme Valérie Varnerot

I – Résumé par l’auteur « Remix, mashup, fan-fiction, il y a bien des façons d’utiliser l’œuvre d’un autre pour sa propre création. Cependant, être en mesure matériellement de le faire ne signifie pas en avoir juridiquement le pouvoir. Une réforme du droit d’auteur est réclamée par certains acteurs afin de libérer les pratiques, l’obligation d’obtenir une autorisation préalable étant présentée comme excessivement contraignante. La question fait l’objet de plusieurs études en France comme à l’étranger : comment garantir l’exploitation paisible de l’œuvre transformative dans le respect des droits de l’auteur de l’œuvre première ? La piste des exceptions au droit d’auteur est sinueuse, trop incertaine. Afin de rassurer chacune des parties, la voie contractuelle apporte des réponses concrètes sans appeler à une réforme profonde du droit d’auteur ».

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II - Extrait

« La jurisprudence semble encline à libéraliser l’utilisation d’une œuvre, dans le cadre d’un «juste équilibre» entre les intérêts de chacune des parties. Selon les interprétations développées antérieurement, qu’il s’agisse d’un renversement du système fermé des exceptions ou un constat d’inconventionnalité, la législation est remise en cause. Dans le cadre de la révision de la directive DADVSI, la réflexion est permise sur une évolution du droit d’auteur. Il s’agirait de réduire le monopole de l’auteur, par exemple à l’aide d’une formule générale indiquant qu’il s’exerce en considération de la liberté de création des tiers. L’invitation implicite à « sortir de l'opposition principe – exception »

nécessiterait alors de préciser que si la création et la diffusion sont libres, la création de richesse par l’utilisation d’une œuvre existante implique une rémunération de l’auteur originel. En effet, comme le précise Pierre Henaff « la liberté d'expression ne saurait ainsi déborder sur la question de l'exploitation de l'œuvre transformative car elle n'est alors d'aucun secours sur un terrain qui n'a plus rien à voir avec la création proprement dite ». L’opposabilité de la libre création parait tout de même remettre en question le monopole du droit d’auteur pour y substituer ce qui s’apparenterait à une priorité de marché. Outre que la distinction entre la diffusion et l’exploitation n’est pas limpide sur les réseaux numériques, le Code la propriété intellectuelle confère à l’auteur d’une œuvre le droit d’en autoriser « la communication au public » directe ou indirecte à travers les droits de représentation et de reproduction. Sans nier la liberté d’expression « ô combien précieuse »

des créateurs d’œuvres

transformative, l’atrophie de la liberté contractuelle de l’auteur est indéniable.

Dans cette occurrence, il reviendrait aux juges d’apprécier au cas par cas le juste milieu entre la liberté de créer à partir d’une œuvre existante et le droit de l’auteur d’en choisir les

utilisations. La disposition légale proposée ne serait dès lors qu’une légitimation de la décision Klasen contre Malka, en pratique la solution dégagée par l’arrêt serait applicable. La balance des intérêts et la recherche d’un juste équilibre sont des notions proches de la vision du droit par Aristote, considéré comme le juste milieu dans les choses. Le rattachement au « juste » permet alors de se référer au fair use qui se pratique de longue date aux États-Unis. Toutefois, l’aléa judiciaire une nouvelle fois n’offre pas la sécurité juridique réclamée aux auteurs d’œuvres transformatives et porte atteinte au droit d’exclure les tiers des auteurs d’œuvres premières. Partant, une intervention législative en faveur de la liberté de création aurait pour principal effet d’offrir un fondement juridique spécial aux œuvres secondes, sans apporter de réponse certaine ni même nouvelle.

Dans le but de limiter les contentieux et l’incertitude des potentiels créateurs, la volonté des auteurs concernant l’utilisation de leurs œuvres devrait être prépondérante, clairement exprimée et accessible. Plutôt qu’une suppression de l’autorisation préalable à la création, une réforme pourrait consister en un aménagement du régime contractuel du droit d’auteur ».

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11 – « «Étude de droit comparé du cautionnement entre la France et la Belgique »

Par Élise Truchot

sous la direction de M. Emmanuel Netter

Extrait « (…) il faut constater qu'en dépit d'une base textuelle commune, certaines différences existent entre les deux droits. Ces différences proviennent parfois de dispositions législatives propres au droit belge et au droit français. C'est le cas, par exemple, de la loi DUTREIL et de la loi belge du 3 juin 2007 relatives, entre autres, à la proportionnalité du cautionnement, devoir pesant sur le créancier lors de la formation du contrat. C'est le cas également de toute la matière du droit des procédures collectives.

Différemment, ces différences sont parfois issues des fondements textuels. C'est le cas de la protection du conjoint de la caution sous l'angle du devoir d'informer la caution pesant sur le créancier lors de la formation du contrat. La Cour de cassation française a refusé de reconnaître que le bénéficiaire du cautionnement puisse être débiteur d'un devoir de mise en garde envers le conjoint de la caution. En droit belge, ce dernier peut obtenir l'annulation du cautionnement s'il prouve que ce contrat met en péril les intérêts de la famille conformément à l'article 224 du Code civil

belge (…).

Ces différences peuvent également provenir d'une interprétation plus ou moins extensive des textes. Il est, à cette occasion, important de souligner que la Cour de cassation française adopte une interprétation relativement extensive des articles du Code civil et procède parfois pas à des constructions jurisprudentielles sur la base de textes qui n'envisageaient pas une telle possibilité. Il est possible de citer, comme exemple, lors de la formation du contrat, la reconnaissance prétorienne d'un devoir de mise en garde pesant sur le créancier. A l’opposé, les hauts magistrats belges ne reconnaissent qu'une simple obligation d'information ».

12 – « De la limitation de la peine privative de liberté aux infractions violentes »

Par Clotaire Zengomona

sous la direction de Mme Morgane Daury-Fauveau

I – Résumé par l’auteur

« Il est surprenant pour un juriste de citer l’un des plus grands scientifiques du XXème

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siècle, Albert Einstein. Pourtant, c’est bien ce célèbre physicien, rempli de sagesse, qui énonça qu’« on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». La peine privative de liberté n’a de cesse de faire l’objet de vives critiques : surpopulation carcérale, échec de l’endiguement de la violence et de la récidive, resocialisation relativement peu efficace. Force est de constater que les politiques pénales souffrent de réelles lacunes et sombrent inexorablement dans une perspective ultra-sécuritaire, au détriment de l’esprit humaniste du droit pénal. Afin de donner une nouvelle jeunesse à la peine privative de liberté, son champ d’application doit être redéfini. Brisant l’harmonie sociale, le délinquant s’inscrit fondamentalement dans une démarche violente. Néanmoins, l’appel trop systématique au mot violence fait perdre le sens de cette notion essentiellement subjective, si bien qu’elle semble être partout et nulle part à la fois. Pour autant, le législateur s’est efforcé de définir par le passé une catégorie d’infractions particulières : les infractions de violence. Aujourd’hui et plus que jamais, une nouvelle approche de cette catégorie se révèle utile afin de déterminer s’il est possible de limiter la peine privative de liberté aux seules infractions violentes. A fortiori, une limitation aux infractions les plus violentes n’est-elle pas envisageable quand il est possible de recourir à une palette de peines davantage adéquates pour les infractions les moins violentes et les infractions non violentes ? La peine privative de liberté ne pourrait-elle pas devenir enfin l’ultima ratio ? Les changements de perspective poursuivis par la présente étude ne peuvent s’insérer dans le réel que si, en complémentarité, est adoptée une vision plus concrète des protagonistes du procès pénal, favorisant l’apaisement et le rétablissement de

l’Harmonie sociale. En somme, une valorisation de la justice restaurative doit accompagner limitation de la peine privative de liberté aux infractions les plus violentes ». II - Extrait

« Limiter la peine privative de liberté aux infractions les plus violentes n’est pas une hérésie : c’est un objectif. Dans un contexte où « les prisons sont un moyen onéreux de rendre des délinquants plus délinquants encore », un changement de rhétorique en matière de politique pénale doit émerger.

Les coûts de la prison sont pourtant bien connus : récidive, insalubrité de certains établissements pénitentiaires, lacunes en termes d’accompagnement par les SPIP ou les associations. Comme l’énonce Norman Bishop : « plutôt que de se demander comment faire pour absorber l'augmentation de la population détenue, le gouvernement français devrait réfléchir aux moyens de réduire la demande en places de prison ». La philosophie du « tout punitif » et du « tout carcéral », au détriment d’un accompagnement efficace, est le reflet d’une volonté d’évitement du problème de la délinquance et de la violence. La peine privative de liberté ne saurait être la réponse exclusive à l’ensemble des infractions. Quand il s’avère nécessaire, un accompagnement soutenu, individualisé et efficace, dans des conditions décentes, devrait exister : que la prison cesse d’être une « humiliation pour la République ». Rendre la peine encourue adéquate au comportement criminel est aussi une nécessité, notamment pour les infractions rusées à dimension patrimoniale, afin de ne pas rendre la sanction encourue inconcevable pour le délinquant. Enregistrée le 15 novembre 2016 à la Présidence du Sénat et adoptée par les sénateurs le 25 janvier 2017, la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale énonçait diverses propositions en vue de redonner à la justice pénale sa crédibilité perdue. La cible est clairement

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définie : la réforme pénale de 2014. Il est notamment envisagé la suppression de la contrainte pénale et le rétablissement des peines planchers pour les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans. Battant en brèche la vision humaniste du droit pénal, ces propositions feront-elles l’objet d’un vote au cours de la prochaine législature ? Les parlementaires préféreront-t-il se tourner vers les propositions de la Commission Cotte ? Il existe finalement deux choix : donner la primauté aux aspirations sécuritaires, faisant primer la rétribution et le passé de l’acte, ou prendre la voie d’une vision humaniste qui envisage, outre le passé de l’acte, l’avenir apaisé et le retour du délinquant dans une Cité plus préventive, créant un équilibre dans le système pénal. Si deux choix étaient annoncés, en réalité, il n’en existe qu’un seul. Le chemin de la dépénalisation est dorénavant un enjeu évident, afin de recentrer le droit pénal sur sa mission première : combattre les atteintes les plus fondamentales à la cohésion du groupe social. Il n’est pas question d’une banalisation de certains comportements mais d’une appréhension de sanctions extra-pénales tout aussi efficaces. A cet égard, le rapport de la mission d’information sur le redressement de la justice en date du 4 avril 2017 formule 127 propositions, dont « [l’instauration] des sanctions administratives en matière de droit de l’environnement, de droit de la construction et de l’urbanisme, de droit de la consommation et de droit de la concurrence, où l’intervention d’une juridiction pénale apparaît coûteuse et peu efficace », ainsi que « [la réalisation d’un] inventaire exhaustif de l’ensemble des infractions faisant l’objet d’un contentieux de masse […] ».  L’accent doit également être mis, en amont, sur la prévention et, en aval, sur la responsabilisation. L’immense poète Guillaume Apollinaire n’énonçait-il pas poétiquement, parlant de la prison dans laquelle il était et de sa prison intérieure : « J’écoute les bruits de la ville / Et prisonnier sans horizon / Je ne vois rien qu’un ciel hostile / Et les murs nus de ma prison / Le jour s’en va

voici que brûle / Une lampe dans la prison / Nous sommes seuls dans ma cellule / Belle clarté Chère raison »   ?S’il est peu envisageable que le système pénal français s’approprie prochainement les velléités hulsmaniennes d’abolition du système pénal, il est beaucoup plus vraisemblable que la philosophie restaurative soit l’avènement d’une nouvelle approche. Belle promesse humaniste, la justice restaurative ne demande qu’à être appliquée de manière effective par l’ensemble des acteurs de la Justice, qui doivent se donner les moyens matériels de respirer pleinement ce parfum restauratif. Certains diront que l’application de la justice restaurative n’est qu’une utopie au sein de notre système pénal. Pourtant, l’utopie n’est pas que l’outopia, c’est-à-dire un « sans lieu ». Elle est aussi l’eutopia, c’est-à-dire le « lieu du Bon ». Et c’est dans notre réalité que la justice restaurative s’est inscrite en 2014. Aujourd’hui et plus que jamais : puisse la justice pénale « passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage » ; puisse le législateur tirer les leçons d’expériences étrangères alliant humanisme et efficacité ; puisse la Justice cultiver son jardin et récolter, dans un avenir prochain, les fruits de l’arbre restauratif ».

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Seconde partie : Rapports de stage de Master 2 DPA (2016-2017) 1 – Présentation

Par Hélène Chanteloup Le Master 2 DPA est un master mixte. Il cesse d’être un master recherche et revêt un caractère professionnel lorsque l’étudiant inscrit choisit d’effectuer un stage de fin d’études au lieu et place du mémoire. Nombreux sont ceux qui envisagent cette voie en début d’année et moindre sont les chanceux qui parviennent à obtenir un stage professionnel intéressant et en accord avec la formation. On se permettra, dans ce propos introductif, de regretter la frilosité des certains professionnels, les obstacles administratifs divers et le manque général de fluidité du marché qui, combinés les uns aux autres, paralysent les projets de nos étudiants et freinent leurs premières ardeurs d’un contact sérieux et compétitif avec le monde professionnel. A l’inverse, on remerciera ceux qui leur ouvrent leurs portes, font confiance et leur offrent de précieuses opportunités de tester leurs compétences. A de nombreuses reprises, l’investissement et la compétitivité des étudiants du Master DPA ont été récompensés par la signature d’un contrat de travail attestant, si besoin était, de l’impact possible d’un simple stage d’études. Le stage nécessaire à la validation du master doit être effectué sur une période minimale de trois mois, entre le 1er mars et le 31 mai de l’année universitaire d’inscription. Lorsque, pour des raisons administratives, la structure d’accueil n’est pas autorisée à délivrer des stages de plus de deux mois, l’étudiant est autorisé à convertir le mois manquant en un travail de rédaction commandé et remis par son maître de stage. Ce travail à visée purement professionnelle est distinct du rapport de stage mais doit être produit en annexe de celui-ci. A

titre d’exemple, l’an passé, un étudiant ayant effectué son stage en juridiction avait rédigé un rapport sur « l’application des barèmes par les juges » qui lui a été commandé par son maître de stage. Le document avait été joint au rapport. La rédaction d’un rapport de stage n’est pas un exercice facile. La raison en est principalement qu’il doit à la fois rendre compte des activités juridiques effectivement exercées dans la structure professionnelle tout en étant expertisé et évalué par l’équipe pédagogique universitaire qui est extérieure à ladite structure. Il importe alors de bien comprendre que le jury de soutenance recherchera dans le rapport de stage les éléments lui permettant de vérifier l’acquisition des compétences juridiques et l’aptitude du candidat à les mettre utilement au service des dossiers qu’il a eu à traiter. Le rapport de stage ne saurait donc, et en aucun cas, être une simple description de la mission ou une présentation de la structure et du déroulé des journées en entreprise ou cabinet. Il doit abriter des raisonnements juridiques approfondis et, si possible, l’analyse d’une problématique générale et transversale en relation avec la mission confiée. L’objectif du rapport est donc subtil et complexe et suppose, à l’instar du mémoire, un suivi mené conjointement par le maître de stage et l’un des enseignants du Master. Cette année, six étudiants du Master 2 DPA ont réalisé un stage de fin d’études dans des structures professionnelles différentes (établissements bancaires, tribunaux, cabinets d’avocat). Chacun d’eux a pris soin de consacrer son rapport à une thématique précise. Leurs rapports de stage peuvent être consultés à la bibliothèque des doctorants au 3ème étage de l’UFR de droit.

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2 – Stage réalisé à la Maison de Justice et du droit de Roubaix : « La réalité des mesures de personnalisation des peines »

Par Noé Aggoune

I – Résumé par l’auteur « À travers l’étude de quatre dossiers, l’application du principe d’individualisation de la peine par les juridictions répressives, sera analysée sous le prisme historique, jurisprudentiel et doctrinal. La peine d’enfermement a connu des évolutions. Véritable peine de nos jours, elle fut durant de nombreux siècles, un préalable au jugement. Préférant ainsi, les supplices et les châtiments corporels. Toutefois, l’Eglise a joué un rôle majeur dans l’acceptation de la privation de liberté comme peine à part entière. Le juge simple distributeur de peine, s’est vu confier un nouvel objectif. Il s’agit d’apprécier l’infraction en fonction de la personnalité de son auteur. Nécessitant une prise en compte de la personnalité et de son environnement social. Pour cela, le législateur a institué des outils permettant aux juridictions répressives d’apprécier en amont de la décision ou au stade de l’exécution de la peine, l’auteur en tant qu’individu. Quant aux mineurs, ils ont été dès le XIXème siècle au cœur de débats concernant leurs traitements judiciaires. Aujourd’hui cet objectif se concrétise par les mesures éducatives et répressives énoncées à

l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. La prison comme sanction a été remise en cause, appelant le législateur à favoriser d’autres modes de sanctions, ce qu’il fit par le biais de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Enfin, souhaitant une réinsertion sociale, le condamné dispose d’un véritable droit à l’oubli institué par le législateur ».

II – Extrait n°1 : « une atteinte au principe d’individualisation et aux objectifs de la peine » - (page 63) « En effet, l’individualisation de la peine requière que le juge dispose d’éléments utiles afin de prononcer une peine adéquate la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur de l’infraction. Mais également, le juge doit selon l’article 130-1, alinéa 1, du Code pénal « assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime (...) ». Or, en l’espèce, l’individu dispose de trois mesures d’aménagements prononcés par trois juridictions différentes. Ainsi, l’effet de dissuasion et de sanction peut s’avérer inefficace en présence d’un cumul d’aménagement de peine. Le rôle de la peine se voit donc fragilisé à travers l’absence de vérification des aménagements de peine en cours. Il est fort possible qu’en connaissant les autres aménagements de peine, les juges puissent refuser de prononcer un aménagement de la peine.

De plus, l’un des principaux objectifs des aménagements de peine est de limiter la récidive. Toutefois, il peut y avoir un sentiment d’impunité dans la mesure où la situation carcérale nécessite un assouplissement des sanctions prononcées.

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Mais encore, les mesures prononcées sont de nature différentes appelant ainsi à une gymnastique d’exécution de la peine. De sorte que, le service de probation devra jongler entre les mesures afin de respecter ce cumul. Ce qui limite la possibilité réinsertion de l’intéressé puisqu’il ne pourra pas bénéficier d’un réel accompagnement approfondi.

Ainsi, une forme de désuétude de la sanction pénale est à observer. Il est donc nécessaire que le législateur intervienne afin d’organiser le cumul des aménagements de peine. Le fait de vouloir mettre fin à la surpopulation carcérale par le biais d’un aménagement de peine pour les courtes peine a fait perdre le caractère dissuasif de la peine.

À travers l’étude de ce dossier, le but louable de l’aménagement de la peine se voit entacher par un manque de coordination entre les juridictions. Il est souhaitable que le juge de l’application des peines puisse intervenir dans un futur proche en cas de cumul d’aménagement de peine ».

II – Extrait n°2 : Conclusion générale - (page 78) « La diversité des intervenants au sein de la Maison de Justice et du Droit a permis d’acquérir un regard élargit concernant la pratique judiciaire. Les rencontres avec les différentes structures telles que le SPIP de Lille ou la PJJ de Lille, contribuent à une mise en pratique des connaissances acquises durant les années universitaires.

Mais également, les différentes interventions menées durant la période de stage ont favorisé l’obtention d’une certaine maturité professionnelle. Ainsi, il a été indispensable de s’adapter à diverses problématiques juridiques dont le domaine varie en fonction des personnes reçues. Passant ainsi de la procédure civile via la conciliation de justice, à la mise en œuvre d’une enquête de

personnalité en partenariat avec le SCJE, ou encore, l’étude d’une demande d’effacement d’un casier judiciaire.

Le travail de recherche juridique élaboré tout au long du stage, met en perspective les capacités attendues d’un juriste expérimenté. Par ailleurs, les interventions réalisées auprès de mineurs délinquants, constituent un élément marquant du stage, nécessitant un travail de fond et une certaine pédagogie.

De plus, le fait d’avoir pu participer aux contrôles judiciaires, à l’élaboration d’enquête sociale rapide et à des enquêtes de personnalités, ont permis de consolider de solides connaissances concernant le droit pénal et la procédure pénale ».

3 – Stage réalisé au Tribunal de grande d’instance d’Amiens : « Impératif de célérité, exigence du procès équitable et réforme du Ministère public : le quotidien des juridictions »

Par Mikaël Asoian

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I – Résumé par l’auteur « De son apparition sous la dynastie des Capétiens jusqu'à son perfectionnement napoléonien, le Ministère public s'est inscrit comme une figure incontournable de l'instance pénale. Exerçant l'action publique et requérant l'application de la loi, le Parquet est en charge de garantir l'effectivité de la politique pénale.

Dans ce contexte, la récente généralisation du ''traitement en temps réel'' des procédures pénales témoigne de l'avènement de l'immédiateté de la riposte pénale. Or, cette célérité du rythme procédural n'est pas sans susciter des interrogations quant à la qualité des décisions rendues mais aussi s'agissant de l'impact sur les différents acteurs du procès pénal (auteur, victime, magistrats, etc).

Par ailleurs, fort de l'importance de ses multiples attributions (directeur d'enquête, partie au procès pénal, contrôleur de l'exécution des peines), la nécessaire indépendance du Ministère public s'avère être une problématique aussi prégnante que controversée. Promues par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, l'indépendance et l'impartialité trouvent de multiples traductions juridiques en droit interne. En dépit de ces injonctions supra-nationales, le corps des magistrats du parquet se singularise statutairement par son étroite proximité avec le pouvoir exécutif. Or, cette porosité statutaire est directement à l'origine de la saga jurisprudentielle européenne disqualifiant le Ministère public du rang des ''autorités judiciaires''.

II – Extrait n°1 – « Illustrations relatives à l’usage du guide de politique pénale » – (page 26) « Le guide politique pénale est un instrument au service du traitement en temps réel. La rapidité de la procédure pénale se fonde donc sur la clarté de ce recueil sanctionnateur. Il n'est néanmoins pas synonyme d'automaticité

de la répression. Pour confirmer ce propos, illustrons cela par un exemple dans le cadre du ''T.T.R''.

Le code de la route réprime l'excès de vitesse de plus de cinquante kilomètre par heure par une contravention de cinquième classe. Les textes prévoient une variété de sanctions : une amende maximale de mille cinq cent euros, la possibilité d'un stage de sensibilisation routière, le retrait obligatoire de six points du permis et une éventuelle suspension du permis. Le texte d'incrimination rajoute qu'en cas de récidive légale dans un délai de trois ans, la contravention laisse place à une qualification délictuelle. Dans ce cas, l'amende s’élèvera par suite à trois mille sept cent cinquante euros.

Dès lors, la lettre du texte légal ne doit pas occulter qu'il est nullement interdit aux parquets locaux d'axer les sanctions sur un type particulier de mesures parmi le large panel mis à disposition. A ce titre, en vertu de la politique pénale du Tribunal de Grande Instance d'Amiens, les parquetiers orientent bien souvent la procédure vers certaines sanctions en priorité. Pour preuve, durant la permanence du ''T.T.R'', les parquetiers confirment la suspension provisoire du permis décidée par la préfecture. A posteriori, les magistrats du Ministère public orientent la procédure vers la comparution immédiate en requérant activement le suivi d'un stage de sensibilisation routière ainsi qu'une longue suspension du permis pour éviter la recrudescence du phénomène dans la Somme ».

III – Extrait n°2 – « L’indivisibilité du Ministère public : l’accusation publique, un ensemble uniforme » – (page 65)

« La présence au sein de la juridiction amiénoise a été l'occasion d'observer la traduction pratique de l'indivisibilité du Ministère public. C'est notamment durant les

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phases d'orientation des procédures pénales qu'il a été possible de voir la concrétisation de cette unité des représentants de l'accusation publique. De même, cette interchangeabilité des magistrats du Ministère public a été également prégnante lors des pénuries circonstanciées de parquetiers.

Quelle est la justification expliquant ce principe d'indivisibilité propre aux magistrats du Ministère public ?

Il s'agit véritablement d'un apanage statutaire propre aux parquetiers. L'indivisibilité désigne l'unité pleine et entière d'un Ministère public formant un tout indissoluble autour d'une éminence représentative. Au niveau du Tribunal de Grande Instance, le Ministère public n'est ni plus ni moins que le procureur de la République. Plus encore, l'intégralité des diligences accomplies le sont au nom et pour le compte du procureur par l'ensemble des parquetiers œuvrant au sein de la juridiction. Cependant, en raison l'impossibilité matérielle et physique pour ledit procureur de la République de se démultiplier, l'existence de l'indivisibilité se justifie. Il est donc clair que le procureur de la République agit soit personnellement soit par le biais de ses substituts.

Dès lors, le Ministère public s'entend plus largement d'un groupement formant l'accusation publique au sens large. Le Parquet s'inscrit ainsi dans un cadre collectif, organisé et hiérarchisé de la répression des crimes, délits et contraventions à la législation nationale. Or, bien évidemment il n'y aura jamais assez de parquetiers pour toutes les infractions. Dès lors, le législateur a prévu l'interchangeabilité des parquetiers entre eux pour le traitement des procédures pénales. Ainsi, une seule et même affaire pénale peut être traitée par plusieurs parquetiers, puisqu'ils ne sont que des représentants de l'accusation publique ».

4 – Stage réalisé au Crédit agricole : « Les nouvelles obligations des entreprises depuis la loi pour une République numérique du 9 octobre 2016 »

Par Simon Dalmaz

I – Résumé par l’auteur « La protection des données est actuellement régie par la directive du 24 octobre 1995 et la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978. Toutefois, ces textes datent des débuts d’internet et ne permettent plus une protection suffisante compte tenu de l’ampleur des collectes de données et du développement des technologies numériques. Afin de remédier à ce retard législatif, deux textes majeurs font leur apparition. A ce titre, la Loi pour une République Numérique (LRN), entrée en vigueur le 9 octobre 2016, vient poser les bases d’une protection plus efficace en anticipant sur l’arrivée prochaine du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) le 25 mai 2018. Ces textes étendent les pouvoirs de contrôle et de sanctions de la CNIL, prévoient de nouveaux droits en faveur des personnes et incidemment ajoute de nouvelles obligations pour les entreprises qui vont devoir se mettre en conformité. Pour aider les entreprises à mettre en place cette nouvelle réglementation, le RGPD impose la mise en place d’un DPO qui sera chargé de la conformité CNIL.

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La difficulté pour les entreprises est de cerner leurs nouvelles obligations ainsi que l’articulation qui sera faite entre la loi pour une république numérique et l’arrivée prochaine du règlement européen ». II – Extrait – Conclusion du rapport – (page 50) « Ma mission au sein du service m’a fait prendre conscience du poids de la réglementation de plus en plus contraignante, notamment dans le domaine du droit bancaire. La protection du consommateur est un enjeu crucial pour notre législateur et le renforcement des droits par la LRN et le RGPD en est un exemple flagrant. Cette protection des consommateurs doit s’articuler avec les obligations bancaires en termes de connaissance client. En effet avec les règles KYC (Know Your Customer) qui impose la collecte de certaines données client indispensables à la réalisation des contrôles anti-fraude et à la lutte contre le blanchiment d’argent, il est parfois difficile de concilier cette réglementation avec la protection des données et de la vie privée des clients. Parallèlement à ma mission, j’ai pu constater que les champs d’intervention du service juridique étaient très larges et nécessitaient des connaissances dans différents domaines : bancaire, moyens de paiement, immobilier, institutionnel, crédit…de l’importance du juridique dans les entreprises. L’assistance juridique permet aussi d’aider les conseillers ou les services internes qui n’ont pas forcément les connaissances requises pour gérer une situation inhabituelle. Parfois, il faut prendre le temps d’expliquer à notre interlocuteur, qui peut voir le juridique comme un obstacle, pourquoi il ne peut pas faire telle ou telle chose et quels sont les enjeux pour le Crédit Agricole. Tout cela fait que le juriste d’entreprise doit savoir s’adapter, être à l’écoute et trouver une solution conciliant la règle de droit et les procédures internes de la banque tout en accompagnant le développement commercial de l’entreprise.

Ce stage a été très enrichissant car il m’a permis de découvrir dans le détail la pratique du droit dans un milieu professionnel et plus particulièrement en banque. Connaissant les bases du droit bancaire, mes cours de Master I droit des affaires ont facilité ma prise de fonction. J’ai apprécié les échanges au sein de l’équipe sur les questions qui pouvaient être sujet à interprétation mais également la sensation d’avoir été utile en aidant les collaborateurs qui sollicitaient notre avis juridique. La variété des thèmes juridiques abordés est professionnellement stimulante et a permis d’entretenir mon enthousiasme tout au long du stage. De plus, j’ai pu découvrir que le travail en open space n’était pas un problème mais plutôt un moyen de favoriser les échanges. Ces trois mois dans une équipe soudée confirment mon projet professionnel et mon intention de trouver un emploi au sein d’un établissement bancaire ».

5 – Stage réalisé à la Société Générale : « Le rôle du cautionnement dans le recouvrement de créances par les établissements bancaires »

Par Bastien David

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I – Résumé par l’auteur « Ce rapport de stage se veut une présentation du processus de recouvrement à travers le prisme des problématiques liées au cautionnement les plus rencontrées dans la pratique bancaire. En tant que sûreté personnelle engageant directement le patrimoine de la caution, le cautionnement est un acte qui fait l’objet d’un encadrement rigoureux. Désireuse de se libérer d’un engagement que l’on qualifie parfois de contre nature, la caution mettra en œuvre les moyens de défense mis à sa disposition par le législateur et la jurisprudence. Si la législation relative aux procédures collectives limite de façon importante l’action du créancier contre les cautions, lorsque celui-ci sera libre d’agir, la disproportion du cautionnement et le formalisme contraignant de ce dernier constitueront le fer de lance des cautions, prêtes à tout pour se libérer ». II – Extrait n°1 : « un obstacle insurmontable pour le chargé de recouvrement » - (page 25) « Dans l'un des dossiers que le service recouvrement des créances, affecté à la clientèle professionnelle a eu à traiter, la situation était la suivante. Suite à des poursuites initiées contre la caution, cette dernière a adressé une lettre au service recouvrement afin de démontrer qu'elle n'était tenue par aucun engagement de caution. Dans la lettre, la caution soulignait dans une première partie le fait qu'elle avait, 2 ans auparavant, cédé sa société. En effet cette dernière était gérante de la société au moment de la conclusion de l'acte de cautionnement et estimait que par la cession de la société elle n'était plus tenue par son engagement de caution. La situation est récurrente au sein du service recouvrement. Il est fréquent que des personnes physiques, gérantes de société se soient portées cautions solidaires de la société

lors de l'obtention d'un crédit auprès de l'établissement financier. Puis lorsque celles-ci se voient appeler en paiement, alors qu'elles ont cédé leurs sociétés, elles estiment ne plus être tenues de leurs engagements de caution. En réalité la situation est plus compliquée mais bien souvent ignorée par les cautions. Dans la majorité des cas la cession de la société ne fait intervenir que deux parties dans l'acte de cession : le cédant et le cessionnaire. La difficulté qui se pose est celle de l'accord de l'établissement de crédit. La cession de la société n'emportera révocation de l'engagement de caution du cédant que si l'établissement bancaire donne expressément son accord. Or en pratique il est rare que cet accord soit sollicité, et le gérant reste par conséquent tenu par son engagement de caution malgré la cession. La force obligatoire de contrat prévu par l'article 1134 du code civil devenu l'article 1103 du même code depuis la réforme du droit des obligations du 10 févier 2016 justifie pleinement cette solution. L'établissement bancaire ne saurait perdre l'engagement qu'il a obtenu de la caution lors de la conclusion du contrat de prêt de par un simple accord entre le cédant et le cessionnaire. Il serait effectivement trop aisé pour la caution de se libérer de son engagement si cette possibilité lui était accordée. Par ailleurs, un arrêt récent de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est venu préciser que la cession de titres postérieurement au cautionnement est « sans influence sur l'objet de cette obligation ». Et que dès lors le cédant ne saurait se libérer de son engagement de caution par la seule cession de titre. Cette première partie de la lettre ne permettait donc aucunement de justifier la révocation de son engagement de caution ».

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III – Extrait n°2 – Conclusion du rapport – (page 49) « Non, je ne vis jamais d’animal si tenace » : il n’est probablement pas meilleure citation que celle tirée des propos de Jean-François Regnard pour caractériser l’image attachée aux créanciers. Mission bien souvent mal perçue par l’opinion publique, le recouvrement des créances constitue pourtant un pôle important et nécessaire pour tout établissement bancaire. Un stage au service recouvrement de la Société Générale permet de comprendre les rouages du processus de recouvrement d’une créance et la fermeté ainsi que l’opiniâtreté avec laquelle le chargé d’affaires en recouvrement doit aborder ses dossiers ; des caractéristiques justifiant assurément l’image qu’on lui prête. Le recouvrement est un métier caractérisé par la grande variété des missions confiées au chargé d’affaires. Bien que la finalité du recouvrement soit toujours la même, celle de recouvrer ce qui est dû par le débiteur principal, il nécessite une polyvalence du chargé d’affaires notamment d’un point de vue juridique. Le recouvrement repose ainsi sur l'adaptabilité du recouvreur au cas d'espèce et doit être envisagé comme un enchaînement d’étapes cohérent qui permettra d'une part de maximiser le gain de temps et les chances de recouvrement et d'autre part de minimiser le coût de ce recouvrement. La formation par un personnel affecté spécifiquement à la tâche tout au long du stage permet par ailleurs un apprentissage optimal du processus du recouvrement, et une maîtrise rapide des logiciels et applicatifs informatiques, quotidien du chargé de recouvrement. De par cette formation de qualité et la confiance manifestée au stagiaire, ce stage constitue avant tout une première expérience professionnelle enrichissante mais également un tremplin idéal pour poursuivre l’aventure professionnelle dans le milieu bancaire. Une expérience qui m’a permis de mettre en pratique mes acquis universitaires et de les compléter par des connaissances

professionnelles. En outre, de par la collaboration avec les chargés d’affaires, sur l’étude de nombreux dossiers, ma capacité d’adaptation à une équipe s’est accrue. Ce rapport intervenant à la moitié de ce stage au service recouvrement de la Société Générale, il est inéluctable que les trois prochains mois seront encore source d’un apprentissage riche et approfondi. La poursuite de ce stage me permettra assurément de pénétrer un peu plus le cœur du métier et d’adopter davantage de réflexes pratiques ».

6 – Stage réalisé au Tribunal de grande instance d’Arras : « Les missions du procureur de la république »

Par Ophélie Lecocq

I – Résumé par l’auteur « Le ministère public a un pouvoir d’enquête et peut prendre des mesures en vue de l’engagement des poursuites, mesures qui permettront d’éclaircir les circonstances de l’infraction et la participation de l’auteur. Il exercera alors son pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites en qualifiant juridiquement les faits de l’infraction. Cette qualification peut parfois être retenue en considération de l’opportunité des poursuites. On pense par exemple à la volonté de

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correctionnalisation qui est majoritairement présente dans les dossiers relatifs aux agressions sexuelles. Enfin le procureur de la République a un rôle tant dans la prise de décision provisoire avant le jugement que dans la distribution des poursuites afférentes aux dossiers ». II – Extrait – « Le placement provisoire des enfants mineurs dans le cadre de l’enquête– (page 37) « Dans le cadre d’une enquête pénale dans lesquelles sont impliquées des victimes mineures, une mesure de placement provisoire peut être ordonnée aux fins de les protéger. En l’espèce, le procureur de la République a reçu une information préoccupante provenant des services de l’enfance qui avaient eu connaissance de faits de violences physiques et verbales auxquels les enfants étaient parfois confrontés. La transmission de l’information avait été faite sur le fondement de l’article L.226-2-1 du code de l’action sociale. Suite à cette information, le procureur de la République a décidé de placer les enfants de manière provisoire en motivant sa décision selon les critères imposés par l’art 375 du Code civil selon lequel « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées ». En l’espèce, le procureur de la République a ici motivé le placement provisoire des mineurs par le fait que ces derniers étaient victimes de la part de leur père d’insultes répétitives compromettant leur honneur. Il y a donc ici un préjudice affectif qui leur est causé compte tenu de la relation filiale. Par ailleurs, les alcoolisations répétées de leur père ainsi que son comportement agressif étaient susceptibles de nuire à leur sécurité. Enfin, le contexte de violence conjugale était nocif au bon

développement des enfants. Ces différents éléments justifiaient donc en plus de l’enquête pénale en cours à l’égard du mis en cause qu’une mesure de placement provisoire soit prononcée à l’égard des enfants ».

7 – Stage réalisé dans un cabinet d’avocat : « Le congé du bail rural »

Par François Mauger

I – Résumé par l’auteur « Les années passées sur les bancs de la faculté et le stage sont les deux faces d’une même pièce. Différentes mais pourtant complémentaires. Le stage est une expérience des plus enrichissantes. Il permet de sortir du milieu protégé qu’est l’université pour se confronter au monde de la pratique du droit. Cette brève incursion dans le quotidien d’un avocat a été l’occasion de conforter un projet professionnel : l’étude du droit rural.  Cette matière n’est pas la plus connue, ni la plus courue par les étudiants en droit. Pourtant elle gagnerait assurément à être davantage enseignée et pratiquée. Le droit rural exige de la polyvalence de la part de ses praticiens car il se situe aux carrefours de différentes branches du droit. Entre le droit privé et le droit public d’une part, car il emprunte aux deux pour mieux les lier

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dans des affaires longues et complexes. L’exemple topique reste le contrôle des structures. A la frontière de toutes les branches du droit privé d’autre part, car toutes sont présentes et ont un rôle à jouer dans cette immense et complexe machinerie qu’est le droit rural. Bien souvent, le droit rural rime avec droit des agriculteurs pour des observateurs extérieurs. Si cette matière traite de l’agriculteur et de ses rapports à la terre, c’est pour mieux les déborder afin de réglementer au sens large le monde rural dans toute sa diversité. Ce stage a été l’occasion de se pencher sur un contrat assurément connu du plus grand nombre, le bail. Cependant le bail rural présente des spécificités qui le rendent d’autant plus intéressant à analyser, notamment au moment de son extinction. Le thème de la présente étude porte sur le congé rural qui est au cœur de très nombreux litiges entre bailleurs et preneurs ». II – Extrait – « B – La perte de spécificité du congé rural » – (page 13) « Le congé rural est strictement encadré et prévu par la loi. Les dispositions le concernant sont contenues à l’article L.411-47 du code rural. Ce texte prévoit les mentions obligatoires devant être inscrites sur le congé, et ce à peine de nullité de l’acte. La contestation des congés par le preneur en place est quasi-systématique. Cependant la nullité de l’acte ne pourra être prononcée « si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur ». L’idée d’un acte devant faire grief rejaillit ici, le preneur doit démontrer avoir subi un préjudice du fait de l’omission ou de l’inexactitude de la mention contenue dans le congé. Le droit rural prévoit des dispositions concernant les mentions devant figurer dans le congé à peine de nullité. Cependant le régime de cette action en nullité n’est pas complet. La question a pu se poser de savoir si le droit commun de la procédure civile devait

s’appliquer dans la procédure de contestation du congé. Dans le cadre du dossier, l’affaire a été une première fois présentée devant la Cour de cassation. La décision des juges d’appel a été censurée et l’affaire renvoyée à la Cour d’appel de Reims. La Cour de cassation a de nouveau fait usage de son pouvoir de censure pour renvoyer l’affaire devant une troisième Cour d’appel. Ce chapitre ne portera que sur l’étude de l’arrêt de la Cour d’appel de Reims et l’arrêt de la Cour de cassation, les demandes présentées devant la Cour d’appel d’Amiens après le renvoi étaient différentes.

1/ L’argumentation développée par les preneurs    Devant la Cour d’appel, les preneurs, qui étaient les clients du cabinet ont développé, une nouvelle argumentation ayant pour fondement un arrêt rendu par la Cour de cassation en 2014. Ils ont fait valoir une nullité pour vice de forme du congé. Ce dernier ne contenait pas la mention selon laquelle le repreneur des parcelles les mettrait à la disposition d’une société. L’exigence de cette nouvelle mention est jurisprudentielle. Elle sera développée car elle s’inscrit parfaitement dans le thème général du rapport de stage. En effet le chapitre 1 est dédié aux conditions de forme du congé rural abordées grâce à un dossier traité. On aurait pu penser que la liste de l’article L.411-47 était limitative, ce n’est pas le cas. Dans cet arrêt de 2014 les Hauts Juges ont rajouté une cause de nullité de l’acte de congé à celles prévues par l’article L.411-47 du code rural. Dans l’hypothèse où les terres faisant l’objet d’une reprise ont vocation à être mises à disposition d’une société, alors le congé doit l’indiquer expressément, à peine de nullité. Cette condition de validité du congé n’était pas prévue par le texte, le bailleur voyant son congé annulé a mobilisé le principe selon lequel « pas de nullité sans texte. » Il est fait

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grief à la Cour d’appel d’avoir statué ultra legem, c’est-à-dire qu’elle a rajouté arbitrairement une condition qui n’était pas prévue par le législateur. Sur le plan de la sécurité juridique cette décision est contestable, car les bailleurs ne peuvent pas uniquement se fier aux dispositions légales, ils doivent scruter la jurisprudence afin de découvrir les mentions devant figurer dans le congé. La Cour de cassation se fonde sur un double visa, l’article L.411-47 et l’article L411-59 du code rural pour « privilégier le plein sens à donner au texte». Il est vrai que la ratio legis du texte est de protéger le preneur en place, les mentions lui permettant d’être informé «sur le bien-fondé de la décision de reprise du bailleur et surtout sur l’opportunité de contester le congé ». Le dernier alinéa de l’article L.411-47 du code rural prévoit que le congé ne sera pas annulé si l’omission n’a pas induit le preneur en erreur. Le bailleur a tenté d’invoquer cet alinéa pour soutenir que l’absence de mention n’était pas susceptible d’induire le preneur en erreur. En d’autres termes même si le bailleur aurait dû mentionner le mode d’exploitation, cela ne portait pas à conséquence étant donné que le preneur n’a pas subi de grief. Or la Cour de cassation a considéré que le preneur était induit en erreur, car il aurait « pu croire que le seul bénéficiaire indiqué n'obtiendra pas l'autorisation d'exploiter et, par voie de conséquence, ne réunira pas une des conditions de fond posées pour l'exercice de la reprise ». Le dernier alinéa de l’article L.411-47 ne sera d’aucun secours pour le bailleur essayant de mettre fin au bail. L’argument invoqué par les clients du cabinet ayant été présenté, il convient d’étudier les positions adoptées par les juridictions.

2/ Les solutions jurisprudentielles du dossier

Dans l’affaire étudiée, La Cour d’appel de Reims a accueilli cette nouvelle argumentation et elle a autorisé les preneurs à rependre les terres. Pour ce faire les juge du fond ont considéré que « le congé ne constituait pas un acte de procédure dont les mentions seraient soumises au régime des nullités de l’article 112 du code de procédure civile ». Par un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 juillet 2016 , les hauts juges censurent l’arrêt d’appel. Ils rappellent au visa de leur décision qu’ « attendu qu'il résulte de ces textes que la nullité du congé rural obéit aux règles de nullité des actes de procédure et que cette nullité est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. » La Haute Juridiction a donc recours au droit commun de la procédure civile pour prononcer la cassation. Il est vrai que l’article L.411-47 est muet sur la question de l’articulation entre les défenses au fond et les exceptions de nullité. Le droit spécial ne prévoit rien, il parait donc opportun de mobiliser le droit commun pour résoudre le litige. La solution parait justifiée en droit, d’autant plus que les dispositions des articles 112 et suivants du code de procédure civile étaient déjà appliquées aux congés commerciaux. L’alignement des solutions est positif. Appliquée au cas d’espèce, la décision n’est pas favorable aux clients du cabinet car, s’ils n’ont pas contesté le congé sur la forme, c’est parce que la Cour de cassation n’avait pas encore pris position sur la mention de l’exploitation dans une société. Sous cette réserve l’articulation entre le droit commun et le droit spécial ne pose pas de difficultés, elle permet de policer les débats”.