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HAL Id: hal-01972150 https://hal.parisnanterre.fr//hal-01972150 Submitted on 24 Jan 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Régime juridique des droits d’accès au capital Marine Michineau To cite this version: Marine Michineau. Régime juridique des droits d’accès au capital. La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2016, 978-2-7314-1026-6. hal-01972150

Régime juridique des droits d'accès au capital

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Page 1: Régime juridique des droits d'accès au capital

HAL Id: hal-01972150https://hal.parisnanterre.fr//hal-01972150

Submitted on 24 Jan 2019

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Régime juridique des droits d’accès au capitalMarine Michineau

To cite this version:Marine Michineau. Régime juridique des droits d’accès au capital. La protection des droits desporteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2016,978-2-7314-1026-6. �hal-01972150�

Page 2: Régime juridique des droits d'accès au capital

UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLEFaculté de Droit et de Science Politique

ColleCtion de l’institut de droit des AffAires

Marine Michineau

La PROTecTiOn DeS DROiTSDeS PORTeuRS De VaLeuRS MOBiLiÈReS

DOnnanT accÈS au caPiTaL

PréfaceHervé LE NAbASqUE

Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Prix André IsoréPrix de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris

puam

Presses Universitairesd’Aix-Marseille

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Page 4: Régime juridique des droits d'accès au capital

LA PROTECTION DES DROITS DES PORTEURS DE VALEURS MOBILIÈRES

DONNANT ACCÈS AU CAPITAL

Page 5: Régime juridique des droits d'accès au capital

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a) d’une part que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

© PRESSES UNIVERSITAIRES D’AIX MARSEILLE - PUAM - 2016 29, avenue Robert Schuman - 13621 Aix-en-Provence Cedex 1

Page 6: Régime juridique des droits d'accès au capital

PRESSES UNIVERSITAIRES D’AIX-MARSEILLE - 2016 -

UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLE

ColleCtion de l’institut de droit des affaires

Marine Michineau

LA PROTECTION DES DROITS DES PORTEURS DE VALEURS MOBILIÈRES

DONNANT ACCÈS AU CAPITAL

Préface

Hervé Le NabasqueProfesseur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Prix André Isoré Prix de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris

Page 7: Régime juridique des droits d'accès au capital

PUAM – Presses Universitaires d’Aix-MarseilleMaison de la Recherche29 avenue Robert Schuman, 13621 Aix-en-Provence Cedex 1.

[email protected]://presses-universitaires.univ-amu.fr________________________________________

Titre : La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital ________________________________________

© PUAM, 2016ISBN : 978-2-7314-1026-6

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE LES FONDEMENTS DE LA PROTECTION

Titre 1 La nature ambigüe des valeurs mobilières donnant accès au capitalChapitre I Régime juridique des droits d’accès au capitalChapitre II Objet et nature des mesures de protection

Titre 2 Les opérations susceptibles d’affecter les droits des porteursChapitre I Opérations réglementéesChapitre II Opérations non réglementées et dispositions protectrices d’origine

conventionnelle

SECONDE PARTIE LES INSTRUMENTS DE LA PROTECTION

Titre 1 Instruments de protection propres aux promesses d’accès au capitalChapitre I Mesures de protection spécifiques aux valeurs mobilières complexesChapitre II Protection spécifique en présence de stock-options ou en cas d’émission

intragroupe

Titre 2 Emprunt aux mécanismes de protection des intérêts des actionnairesChapitre I Représentation collective des porteurs inspirée de l’assemblée des

actionnairesChapitre II Protection issue de la force obligatoire des contrats et de l’ordre public

sociétaire

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PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

ABSA Action à bon de souscription d’actionAct. prat. Actes pratiques et ingénierie sociétaireAFEP Association française des entreprises privéesAGE Assemblée générale extraordinaireAGO Assemblée générale ordinaire Al. AlinéaAMAFI Association française des marchés financiersAMF Autorité des marchés financiersAnc. AncienANSA Association nationale des sociétés par actionsAss. plén. Assemblées plénièresArt. ArticleBSA Bon de souscription d’actionBSAA Bon de souscription ou d’achat d’actionBSAAR Bon de souscription ou d’achat d’action remboursableBSAR Bon de souscription d’action remboursableBull. civ. Bulletin des arrêts de la chambre civile de la Cour de cassationBull. Joly bourse Bulletin Joly BourseBull. Joly Bulletin Joly SociétésCA Cour d’appelCAC Commissaire aux comptesCAA Cour administrative d’appelCass. Cour de cassationCC Conseil constitutionnelCc. Code civilC. com. Code de commerceCE Conseil d’ÉtatCEDH Cour européenne des droits de l’HommeCESR Comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières

(Committee of European Securities Regulators) Civ. Chambre civile (de la Cour de cassation)CMF Conseil des marchés financiersCNCC Compagnie nationale des commissaires aux comptesCOB Commission des opérations de bourseCom. Chambre commerciale (de la Cour de cassation)Concl. ConclusionsContra En sens contraireD. DécretD. Recueil DallozD. aff. Dalloz affairesDefrénois Répertoire du notariat Defrénois

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14 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

Dir. Sous la direction deDPS Droit préférentiel de souscriptionDr. et patrimoine Revue Droit et patrimoineDr. sociétés Revue Droit des sociétésEd. EditionESMA Autorité européenne des marchés financiers (European Securities

and Markets Authority)Fasc. FasciculeGaz. Pal. Gazette du PalaisIbid. Ibidem (au même endroit)In DansInfra Ci-dessousJ.-Cl. Juris-classeurJCP éd. E Juris-classeur périodique (semaine juridique), édition entrepriseJCP éd. G Juris-classeur périodique (semaine juridique), édition généraleJCP éd. N Juris-classeur périodique (semaine juridique), édition notarialeJO Journal officielJur. JurisprudenceL. LoiLamy dr. aff. Revue Lamy droit des affairesMEDEF Mouvement des entreprises de FranceN° NuméroObs. ObservationsOBSA Obligation assortie d’un bon de souscription d’actionOCA Obligation convertible en actionOCEANE Obligation convertible ou échangeable en action nouvelle ou

existanteODIRNANE Obligation à durée indéterminée à option de remboursement en

numéraire et/ou en action nouvelle ou existanteOEA Obligation échangeable en actionOp. cit. Cité précédemmentOption fin. Option financeORA Obligation remboursable en actionOrd. OrdonnanceOSRA Obligation subordonnée remboursable en actionsOSRANE Obligation subordonnée remboursable en action nouvelle ou

existanteP. PagePetites aff. Les petites affichesRapp. RapportRDBF Revue de droit bancaire et financierRDC Revue des contratsRép. civ. Dalloz Encyclopédie juridique Dalloz, répertoire de droit civilRép. soc. Dalloz Encyclopédie juridique Dalloz, répertoire des sociétésReq. Chambre des requêtes (de la Cour de cassation)Rev. banque Revue banqueRev. int. services fin. Revue internationale des services financiersRev. jur. com. Revue de jurisprudence commerciale

Page 12: Régime juridique des droits d'accès au capital

Principales abréviations 15

Rev. proc. coll. Revue de procédure collectiveRev. soc. Revue des sociétésRJDA Revue de jurisprudence de droit des affairesRTD civ. Revue trimestrielle de droit civilRTD com. Revue trimestrielle de droit commercialRTD fin. Revue trimestrielle de droit financierS. Recueil SireySAS Société par actions simplifiéeSic Ainsi retranscrisSoc. Chambre sociale (de la Cour de cassation)Somm. SommaireSupra Ci-dessusT. TomeTC Tribunal de commerceTGI Tribunal de grande instanceV° VerboVMDAC Valeur mobilière donnant accès au capitalVol. Volume

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AVERTISSEMENT

La présente thèse a été soutenue le 26 septembre 2013, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puis a fait l’objet d’une mise à jour prenant notamment en compte l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, ayant retouché le régime d’émission et de protection des valeurs mobilières complexes, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi « Macron ») ou l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 47

CHAPITRE 1 RÉGIME JURIDIQUE DES DROITS D’ACCÈS

AU CAPITAL

La classification est l’opération de l’esprit qui consiste à répartir un ensemble d’éléments par classes, suivant un ordre méthodique. Appliquée à la matière juridique, il s’agit de « regrouper systématiquement les éléments homogènes ou hétérogènes d’un ensemble en un tableau rationnel comportant une division majeure fondée sur un critère dominant et des sous-distinctions fondées sur divers critères combinés, afin de proposer à l’analyse, dans l’abstrait, une référence élaborée » 131. F. GENY 132 rappelait que cette gymnastique ne doit pas seulement servir à mettre un ordre artificiel dans des concepts juridiques. La classification doit révéler les convergences et divergences d’éléments qu’elle vise à regrouper ou dissocier d’après les caractères partagés ou non.

C’est l’exercice auquel se sont soumis les rédacteurs de l’ordonnance 2009 133. Nous pouvons légitimement présumer qu’ils se sont employés à appliquer les concepts propres à ce procédé. Or, l’affiliation des valeurs mobilières donnant accès au capital à la catégorie des « titres de capital » rompt avec les fondements de la méthode de la classification. Des éléments homogènes ne sont désormais plus regroupés dans un ensemble cohérent. En revanche, des composantes hétérogènes semblent désormais rassemblées au sein de la subdivision des titres de capital. Nous sommes donc invités à apprécier les sources qui motivent cette classification ainsi qu’à appréhender ses conséquences pratiques (Section 1).

Il existe un lien indéniable entre qualification et régime juridique : de la première découle le second. C’est donc d’après les caractéristiques qui fédèrent la définition d’une situation que la loi établit un régime juridique et les effets qui lui sont associés. L’effort de dénomination et de classification apparaît donc comme le paramètre précurseur et décisif en vue de la détermination des règles de droit applicables à une situation. Ce n’est que postérieurement à cet examen que la description des caractères concrets qui dominent l’émission des valeurs mobilières complexes devient opportune. C’est pourquoi nous nous soumettrons à cet aperçu dans un second temps. À cette occasion, nous examinerons l’étendue de la liberté dont disposent les émetteurs lors de la rédaction de contrats d’option sur actions (Section 2). Nous observerons que si le législateur œuvre en faveur d’une libéralisation de la matière, son objectif n’est que partiellement atteint.

131 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Assoc. H. CAPITANT, PUF, 9ème éd., 2011, V° Classification.132 F. GENY, Science et technique en droit privé positif, nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, Sirey, 1914, p. 154.133 Ord. n° 2009-15 du 8 janvier 2009.

Marine Michineau

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48 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

Section 1 claSSification parMi leS titreS de capital

13. - Les étapes de l’intégration. Traditionnellement, nombre d’auteurs 134 s’opposaient à l’appartenance des valeurs mobilières complexes à la catégorie des titres de capital. Ils leur préféraient la qualification de titre de créance, excepté à l’égard des configurations d’accès direct au capital, telle l’ABSA 135. Rompant avec cet héritage, en 2003, le Groupe de travail de Paris Europlace proposait la définition suivante : « Sont considérés comme des titres de capital les actions et autres titres négociables donnant ou pouvant donner accès directement ou indirectement, immédiatement ou à terme, au capital de l’émetteur, ainsi que les démembrements de ces mêmes titres » 136. Le Groupe de travail se donnait pour mission de simplifier le régime de ces titres et d’établir un cadre unique de leur émission. Parallèlement, en 2005, Euronext publiait une instruction relative à l’admission aux négociations de titres de capital 137, aux termes de laquelle : « pour l’application de la présente instruction, sont considérés comme des titres de capital les actions ordinaires ou privilégiées, […] et de façon générale, tous les autres titres, simples ou composés, donnant accès au capital ».

Finalement, bien que présagée par la loi du 2 juillet 1996 138, la classification proposée (notamment par le groupe Paris Europlace) a été adoptée en 2009. Celle-ci s’appuie désormais sur la division contrats financiers/titres financiers (ces derniers incorporant les titres de capital). D’autres 139, parmi lesquels le Conseil des Marchés Financiers 140, s’étaient également essayés à cet exercice de qualification ou d’énumération, aujourd’hui codifié. Dorénavant, aux termes de l’article L. 212-1-A du Code monétaire et financier, les titres de capital « comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote ». Ce rattachement à la catégorie des titres de capital n’est pas sans susciter le doute. Il éveille la curiosité en raison des imperfections qu’il génère (§1). Ainsi, nous verrons que cette affiliation n’emporte pas notre totale adhésion au motif qu’elle est, parfois, source d’incohérences.

Par principe, l’exercice de classification vise à regrouper sous un ensemble cohérent des éléments homogènes qui se voient soumis à un régime unitaire. Théoriquement donc, le transfert des valeurs mobilières donnant accès au capital, de

134 A. REYGROBELLET, « L’évolution de l’environnement juridique des titres de capital au cours des cinq dernières années », RDBF janv.-févr. 2003, n° 1, p. 50. Aussi, en 2000, la COB considérait que « toutefois, un tel titre [une OCEANE] n’est pas un titre de capital même s’il peut, sous certaines conditions y donner accès » (Rapp. COB, R. BARBIER DE LA SERRE (dir.), « L’introduction en France des actions traçantes », juil. 2000, p. 26).135 Action à bon de souscription d’action.136 Livre Blanc, Comité de droit financier, Paris Europlace, « Proposition pour une classification rationnelle des instruments financiers, déc. 2003, p. 26, accessible sur http://www.paris-europlace.com.137 Instruction N 3-01 applicable au marché Eurolist, « relative à l’admission aux négociations des titres de capital », avis n° 2005-693 du 16 février 2005.138 L’art. 1er de la loi énonçait en effet : « les instruments financiers comprennent : 1° Les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription en compte ou tradition ». 139 Ch. GOYET, « Les titres de créance : une catégorie nouvelle, à mi-chemin entre valeurs mobilières et instruments financiers », Petites aff., n° 63, 28 mars 2003, p. 4.140 CMF, décision n° 2000-03, relative à la classification des instruments financiers pour l’application de l’article 4-1-32 du Règlement général du Conseil des Marchés Financiers.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 49

la catégorie des titres de créance vers celle des titres de capital devrait s’accompagner d’un changement de régime. Or, nous verrons que la situation est inverse. Le régime juridique de ces titres n’est nullement altéré par cette nouvelle qualification (§2). Ainsi, nous observerons que l’application rétroactive du régime du titre secondaire demeure exclue. En outre, la jurisprudence fondatrice « Métrologie International » continue de déployer ses effets.

§1 - Un rattachement fictif

Outre diverses « malfaçons » textuelles, lesquelles témoignent l’absence de totale immersion des valeurs mobilières complexes au sein de la catégorie des titres de capital, nous verrons que le législateur n’a pas tiré toutes les conséquences de ce rattachement (II). En outre, si certains y percevaient un pas vers l’intégration des contrats d’option destinés aux salariés et dirigeants parmi les valeurs mobilières donnant accès au capital, l’administration fiscale ne leur a pas donné raison. Ces titres réservés au monde du travail demeurent « assimilés » aux valeurs mobilières complexes, sans pour autant en partager la qualification ou le régime.

À bien y regarder, il nous apparaîtra que le droit des sociétés n’a ni digéré ni intégré la classification des valeurs mobilières donnant accès au capital parmi les titres de capital. Ce rattachement fait figure de pis-aller, face à l’alternative, inadaptée, proposée par le droit financier (I).

I - Un palliatif à la classification parmi les titres de créance

Bien qu’elle soit négligée par le droit des sociétés, l’affiliation des valeurs mobilières donnant accès au capital à la catégorie des titres de capital n’est pas sans conséquences. Elle porte atteinte aux fondements même des valeurs mobilières, à leur philosophie, manifestée par la summa divisio titres de capital/titres de créance (A). L’interférence de cette classification, propre au droit financier, sur le droit des sociétés retiendra notre attention dans un premier temps.

En particulier, nous observerons que le Code de commerce continue de distinguer les titres de capital et les valeurs mobilières donnant accès au capital. De telles différenciations, confrontant deux notions – dont l’une forme le contenant et l’autre une fraction du contenu – nous 141 amènent à considérer que l’article

141 Au lendemain de la publication de l’ordonnance de 2004, plusieurs auteurs concluaient que faute d’appartenir à la catégorie des titres de capital, l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital n’entrainait pas la mise en œuvre de l’article L. 228-99. Voir en ce sens A. COURET, H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 662, p. 269 et Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, n° 53. En marge de cet avis, une minorité de la doctrine considérait que, avant l’ordonnance de 2009, bien que le terme « titre de capital » recouvrait les seules actions ordinaires et de préférence, il convenait de « garder à l’esprit qu’une émission nouvelle d’ORA entraînera pour la société une augmentation de capital. En conséquence, il nous semble que le terme “nouveaux titres de capital” doit comprendre aussi bien l’émission de titre primaire que celle du titre secondaire. Dès lors, à notre opinion, les mesures de protection doivent être appliquées » (M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-P. DOM, S. GAILLET, F. LE ROQUAIS et M. SUPIOT, « Unification des procédures d’émission - Le régime et l’émission des valeurs mobilières après l’ordonnance de 2004 : les valeurs mobilières », Actes prat. sept.-oct. 2004, n° 80-81). Dès 1998, la COB incluait l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital parmi les opérations réglementées dès lors qu’elle considérait que certaines opérations, parmi lesquelles l’émission de titres donnant accès au capital, « modifient la

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50 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

L. 228-99 142 (se limitant à viser l’émission de titres de capital) passe sous silence la protection exigée en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital. Nous ne sommes pas de cet avis. Si le droit financier invite à considérer que les émissions de titres de capital intègrent tant les augmentations de capital immédiates que différées, ce rattachement est extérieur au droit commun des sociétés. Outre cette maladresse, non évacuée par l’ordonnance du 31 juillet 2014, nous chercherons à savoir s’il est d’autres effets attachés à cette classification « contre-nature » (B).

A. Des titres inadaptés à la summa divisio titres de capital/titres de créance

Traditionnellement, les outils de financement des sociétés par actions sont classés selon une summa divisio qui oppose les titres de capital aux titres de créance. Pour les différencier, la doctrine et la pratique 143 cherchent à déterminer la nature fondamentale de la ressource consacrée à la société : là où le titre de capital confère à la société une ressource stable et en principe permanente 144 (qualifiée de fonds propres) le titre de créance, lui, constitue une source de financement éphémère (destinée à être remboursée à terme). Les valeurs mobilières donnant accès au capital concourent à affaiblir la frontière qui sépare ces titres (1), à tel point qu’il en remet parfois en cause les fondements (2).

1) Brèche portée à la summa divisio titres de capital/titres de créance

14. - Constat d’une frontière « poreuse » entre les notions de titres de capital et de titres de créance. L’évolution de ces dernières décennies a rendu pour le moins « poreuse » 145 la frontière entre ces deux catégories, figurées par l’action et l’obligation. Cette distinction traditionnelle 146 permet d’établir – sinon la qualité des

structure des capitaux propres immédiatement ou à terme. Pour ces opérations, la protection des intérêts des actionnaires potentiels est assurée non par leur interdiction formelle mais soit en permettant à ces actionnaires potentiels de souscrire à titre irréductible ou de recevoir des espèces ou des titres distribués dans les mêmes quantités ou proportions, soit par un ajustement » (AMF, Communiqué, 14 janv. 1998, p. 32). 142 Art. L. 228-99, 1er al. C. com. : « La société appelée à attribuer les titres de capital ou les valeurs mobilières y donnant accès doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des titulaires des droits ainsi créés si elle décide de procéder à l’émission, sous quelque forme que ce soit, de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, de distribuer des réserves, en espèces ou en nature, et des primes d’émission ou de modifier la répartition de ses bénéfices par la création d’actions de préférence ».143 V. en ce sens F.-X. LUCAS, « La distinction des titres de capital et des titres de créance », in Quel avenir pour le capital social, Dalloz, p. 23.144 Le caractère permanent des ressources affectées au financement de l’activité est assuré par la règle de principe selon laquelle les titres de capital sont destinés à n’être remboursés qu’à l’occasion de la liquidation de la société.145 V. F.-X. LUCAS, op. cit., p. 21, selon qui « la matière s’est enrichie d’innovations qui rendent bien poreuses les frontières entre ces deux catégories ». Monsieur F. PELTIER constatait : « un effacement de la frontière entre actions et obligations, par les possibilités offertes aux sociétés d’émettre des valeurs mobilières composées » (F. PELTIER, « Les obligations remboursables en actions », Bull. Joly bourse nov. 1994, n° 6, p. 590. V. dans le même sens B. GRELON, « La consultation des créanciers obligataires dans le cadre d’une procédure collective d’insolvabilité », Rev. soc. 2008, p. 25 et M. BALI, « Le renforcement des fonds propres des entreprises françaises », Petites aff. 24 févr. 2009, n° 39, p. 8.146 F.-X. LUCAS, « La distinction des titres de capital et des titres de créance », in Quel avenir pour le capital social, Dalloz, p. 21. V. Monsieur J.-P. BERTREL qui rappelle que « les juristes ont, dans le même

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Partie I – Titre I – Chapitre I 51

parties 147 – leur intention vis-à-vis de la société : les titulaires de titres de capital sont parties au contrat de société alors que les titulaires de titres de créance participent à un contrat de prêt. Ainsi, on a pu lire que « la différence fondamentale entre l’action et l’obligation tient à ce que la première est un titre d’associé, donc à revenu variable, alors que l’obligation, titre de créance, procure, en principe du moins, un revenu fixe. Cette position explique la faveur alternée de l’épargne, selon la conjoncture, soit pour les placements en actions, soit pour les obligations » 148.

Si la classification des titres de financement n’a pas toujours été aisée 149, le recours aux valeurs mobilières donnant accès au capital accentue d’autant plus ce besoin de qualification 150. Aussi, nous relevons que la frontière entre titres de capital et titres de créance a été sensiblement fragilisée par la faculté, offerte aux sociétés, d’émettre des titres de capital dépourvus de prérogative politique 151. Les anciens certificats d’investissement et les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, supplantés par les actions de préférence, ont eu pour effet de brouiller encore davantage les pistes

temps, vu s’altérer des clivages bien établis, qui leur avaient toujours servis de points de repère (comme celui opposant traditionnellement les actions et les obligations) et apparaître des catégories innommées de titres, suscitant moult incertitudes », (J.-P. BERTREL, « Liberté contractuelle et sociétés », RTD com. oct.-déc. 1996, p. 599).147 V. F.-X. LUCAS, op. cit., p. 27 : « l’opposition des titres de capital et des titres de créance ne résiste pas à cet assaut qui fait apparaître que certains actionnaires ne sont pas des associés, qualité qu’il est peut-être en revanche tentant de reconnaître à certains titulaires de titres de créance ».148 J. HAMEL, G. LAGARDE et A. JAUFFRET, Droit commercial, sociétés, groupements d’intérêt économique et entreprises publiques, t.1, vol. 2, 2ème éd., Dalloz, 1980, n° 521, p. 223.149 V. G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial-Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, 19ème éd., LGDJ, mis à jour par M. GERMAIN), 2009, n° 1779, p. 565 : « Chaque obligataire a une créance ferme contre la société pour le paiement de l’intérêt promis et le remboursement du capital prêté ; il s’oppose par-là à l’actionnaire. Mais cette créance ne doit pas être considérée seulement comme un droit individuel contre la société […]. Le capitaliste qui souscrit des obligations a un droit dont la valeur dépend de l’existence et de la solvabilité de la personne morale, et il contribue par l’apport d’un capital, à la vie de cette personne. Bien qu’il ne soit pas associé, il a des droits dans la société qui sont reconnus de plus en plus nettement par les lois modernes ». Voir aussi G. RIPERT et R. ROBLOT, op. cit., n° 1797, p. 573 : « Ce droit [le droit de créancier dont dispose l’obligataire] a un caractère économique dont il faut tenir compte. […] L’opposition classique entre l’action et l’obligation est établie d’un point de vue juridique : l’actionnaire est un associé (d’où la nature originale de ses rapports avec la société), l’obligataire est un créancier. D’un point de vue économique, l’un et l’autre sont des capitalistes qui placent leurs fonds en valeurs mobilières ».150 V. P. GOUTAY, « La notion de valeur mobilière », D. 1999, p. 227. Voir aussi H. CAUSSE, « Les titres négociables », Litec, 1993, n° 765, p. 387, selon lequel : « il [peut] parfois être délicat de discerner si une valeur mobilière composée appartient à la famille des actions, ou à celle des obligations. Entre les deux couleurs majeures de l’action et de l’obligation, on devine une palette de tons qui les unit ». Dans le même sens, F. PELTIER, « La nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP éd. E., 1992, n° 155, p. 281 ; A. COURET, J.-L. GUILLOT, F. PELTIER, « Les emprunts obligataires assortis d’un mécanisme d’accès au capital d’un filiale de l’émetteur », RDBB janv.-févr. 1993, n° 8, p. 1 ; F.-X. LUCAS, « Les actionnaires ont-ils tous la qualité d’associé ? », RDBF juil.-août 2002, n° 4, p. 217. V. aussi, G. ELIET et A. GAUVIN, « Paris Europlace tente une classification rationnelle des instruments financiers », RDBF mai-juin 2004, n° 149, p. 201 selon lesquels « la créativité des professionnels a conduit au développement d’instruments hybrides à mi-chemin des actions et des obligations, fragilisant ainsi la summa divisio fondatrice des catégories des valeurs mobilières et nécessitant parfois l’intervention des tribunaux pour connaître le régime qu’il convient d’appliquer aux titres nouvellement créés par la pratique ».151 V. notamment Monsieur Y. GUYON, selon lequel « elles [les valeurs mobilières mixtes] marquent une nouvelle étape dans la diversification en accordant aux sociétés la faculté d’émettre des titres qui, à un même moment, confèrent à leur titulaire qui n’est ni tout à fait celle d’un actionnaire ni tout à fait celle d’un obligataire. La notion d’associé n’a plus désormais un contenu précis » (Y. GUYON, Les sociétés-Traité des contrats, 5ème éd., LGDJ, 2002, n° 71, p. 133).

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usuelles de distinction entre les titres de capital et les titres de créance 152. En somme, « la diversification des produits financiers, en bouleversant le paysage immuable des valeurs mobilières, fait exploser cette classification binaire » 153.

2) Remise en cause de la classification traditionnelle des valeursmobilières complexes

15. - La rupture de la summa divisio. Nombreux 154 étaient de ceux qui – bien quesoulignant la particularité de ce type de produits de financement – intégraient les valeurs mobilières complexes au sein de la catégorie des titres de créance. Et pour cause, dans une grande majorité des situations 155, le titre hôte se révèle être un titre de créance (à savoir une obligation ou un bon). Faute de qualification légale, cette vision se trouvait confortée par une jurisprudence ancienne qui conférait aux investisseurs – avant échange, conversion ou remboursement – la qualité d’obligataire 156. Onnotera cependant que si cette qualification paraissait légitime en matière d’obligations convertibles et échangeables 157, un certain doute planait quant aux obligations remboursables en actions, dont la voie vers le capital était tracée 158.

152 La formule américaine des « prefered shares », dont s’inspirent les actions de préférence, témoigne de cette nature intermédiaire. En effet, ces titres forment une catégorie singulière, à cheval sur les actions ordinaires et les obligations, selon les droits qui y sont attachés. Sur cette comparaison, voir A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 406, p. 224.153 A. PIETRANCOSTA, Le droit des sociétés sous l’effet des impératifs financiers et boursiers, th. Paris 1, 1999, n° 308, p. 166.154 V. en ce sens M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, 16ème à 20ème éd., 2003 à 2010, Litec, qui dans leurs diverses éditions intègrent les bons secs à un paragraphe consacré aux « titres de capital », lesquels sont séparés des développements relatifs aux obligations convertibles, échangeables ou remboursables et aux obligations à bons de souscription d’actions, lesquelles sont intégrées dans un paragraphe consacré aux « titres de créance ». Voir A.-L. ARCHAMBAULT, La nature juridique des valeurs mobilières, th. Paris 1, 1998, n° 536, p. 157, laquelle, au sujet des BSA, affirmait : « dès lors les bons, qui ne sont pas des titres de capital, seraient inévitablement des titres de créance, sans pour autant être des titres d’emprunt ». Voir aussi H. LE NABASQUE, « La fin de la connexion apports/capital ? », in Quel avenir pour le capital social, Dalloz, p. 113, selon lequel : « contrairement aux bons secs, les obligations, en effet, ont une existence “autonome” : quoique convertibles en actions, remboursables en actions, ou assorties de BSA, elles sont d’abord et avant tout, dans leur première vie, des obligations, donc des titres de créance et non des titres de capital ». Voir aussi dans le même sens A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 686, p. 281. Voir F.-X. LUCAS, op. cit., p. 28 : « l’on pourrait imaginer de voir dans certains titulaires de titres de créance, sinon des associés (l’audace nous manque pour qualifier ainsi celui qui ne détient aucun titre de capital...) mais des quasi-associés. Il suffit de constater que la condition de l’actionnaire en puissance qu’est celle du titulaire d’obligations remboursables, échangeables ou convertibles en actions est bien proche de celle d’un associé. L’idée paraît d’ailleurs en filigrane dans les mesures de protection de ces actionnaires en puissance ». Ce même auteur posait le constat suivant : « qu’y a-t-il de commun entre un titulaire d’OBSA et un titulaire de billets de trésorerie ou de bons de caisse ? Pourtant, tous sont des titulaires de créance ».155 À l’exception des ABSA (actions à bon de souscription d’actions).156 Versailles 17 nov. 1994, JCP éd. E 1995, n° 7, p. 447, obs. A. VIANDIER ; Bull. Joly bourse 1995, n° 6, p. 37, obs. Th. BONNEAU et Cass. com. 13 juin 1995, Rev. soc. 1995, p. 736, obs. P. DIDIER ; Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 21, p. 259, obs. P. LE CANNU ; Quotidien juridique sept. 1995, n° 76, p. 8, obs. Ph. MERLE.157 En matière d’obligations convertibles ou échangeables en actions, l’accès au titre secondaire constitue une véritable option entre les mains du porteur.158 En effet, cette obligation présente la particularité, d’être remboursée en actions et non pas en numéraire. En effet, la voie vers le capital est tracée pour le porteur d’obligation remboursable, à moins qu’il ne cède ce

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Partie I – Titre I – Chapitre I 53

Ainsi, nombreux étaient les arguments 159 qui incitaient à cette qualification. Finalement, par l’effet de la loi, le doute est levé : les titres de capital « comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote ». Bien que la loi ne dispose pas que les titres donnant accès au capital « sont » des titres de capital, il ne fait plus de doute qu’ils intègrent cette catégorie. Il ne convient dès lors plus de distinguer entre les titres de créance donnant accès au capital et les autres. Toutes appartiennent désormais à la catégorie générique des titres de capital.

Néanmoins, on remarquera la contradiction du législateur qui assoie sa volonté de rompre avec la démarcation traditionnelle (distinguant entre les valeurs mobilières complexes reposant sur un titre de créance ou un titre de capital) tout en préservant, sous certains aspects, cette dichotomie. On relèvera à cet égard la formule pour le moins étonnante, sinon antinomique, de l’article L. 228-103 du Code de commerce :

« Les titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital après détachement, s’il y a lieu, des droits du titres d’origine en application de la présente section sont groupés de plein droit pour la défense de leurs intérêts communs, en une masse qui jouit de la personnalité civile et est soumise à des dispositions identiques à celles qui sont prévues, en ce qui concerne les obligations, par les articles L. 228-47 à L. 228-64, L. 228-66 et L. 228-90 […].Lorsque les valeurs mobilières émises en application de la présente section sont des obligations destinées à être converties ou remboursées en titres de capital ou échangées contre des titres de capital, les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent article sont applicables à la masse créée en application de l’article L. 228-46. »

Selon l’article précité, dans le premier cas (alinéa 1er), celui du droit commun des valeurs mobilières complexe, la protection des droits des porteurs est assurée par le jeu d’une masse créée sur le fondement de celle instituée en matière d’obligations simples, par l’effet d’un renvoi textuel partiel. En revanche, en matière de valeurs mobilières intercalaires à base obligataire (OCA, ORA, OEA), la masse en charge de la défense des intérêts des porteurs est celle-là même qui est élaborée au profit des obligations simples. À l’égard des titulaires d’OCA, ORA ou OEA, l’application des règles relatives à la masse des titulaires d’obligations simples semble pleine et entière 160 là où, pour les autres titres hybrides, elle est limitée à certains articles (listés au premier alinéa de l’article L. 228-103). Or, ce fractionnement n’est pas sans conséquence 161. Cette dichotomie témoigne l’artifice de la classification des valeurs mobilières donnant accès au capital parmi les titres de capital.

Une telle différenciation constitue une atteinte à l’unité, pourtant saluée, du régime protecteur des valeurs mobilières donnant accès au capital. On regrettera que

titre avant son échéance ou qu’une procédure collective soit déclenchée à l’encontre de l’émetteur, laquelle permettra le remboursement en numéraire du porteur par le jeu d’une éventuelle clause de sauvegarde.159 Sans chercher l’exhaustivité, on rappellera que les droits de vote des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital étaient et demeurent régis sur le modèle de la masse des porteurs d’obligations ordinaires. Aussi, le droit d’information de ces porteurs se limite à un droit de communication et de présence du représentant de la masse, à l’instar des mesures retenues en matière d’obligations simples.160 Sur la nuance à formuler s’agissant des OBSA, v. infra n° 386.161 Pour une présentation détaillée des enjeux liés à la brèche portée à l’unité du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital en matière de représentation collective, voir infra n° 388.

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les rédacteurs de l’ordonnance de 2004 ne se soient pas limités aux quatre premiers paragraphes de l’article L. 228-103, sans distinguer les cas dans lesquels les valeurs mobilières donnant accès au capital sont, ou non, à base obligataire. En somme, nous déplorons que les rédacteurs n’aient pas profité de l’ordonnance de 2004, projetant d’unifier le régime de ces titres, pour supprimer ces distorsions. Le vœu d’unification appelé par les praticiens s’avère dont partiellement inachevé.

16. - Conclusion. La classification des valeurs mobilières complexes parmi les titresde capital manifeste davantage un pis-aller qu’une qualification consacrée. La formule adoptée par le législateur illustre ce choix par défaut : sans directement qualifier les valeurs mobilières complexes de titres de capital, l’article L. L. 212-1-A énonce que les titres de capital « comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote ». Cette formulation témoigne du caractère atypique des valeurs mobilières complexes et de leur inadaptation aux subdivisions offertes par le droit financier. L’article L. 211-1 du Code monétaire et financier fractionne en effet les titres financiers en deux sous-catégories que sont les titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance. Compte tenu de la vocation des porteurs de valeurs mobilières complexes à intégrer le capital social (donc à détenir un titre de capital), l’esprit cartésien exprimé par l’ordonnance de 2009 devrait emporter notre adhésion. Toutefois, le rattachement aux titres de capital ne cesse de surprendre. L’hypothèse d’un titre hôte de nature obligataire, dont l’option d’accès au capital ne serait pas exercée, suscite l’embarras. Selon ce schéma, des capitaux propres ne se voient jamais substitués à des capitaux d’emprunt. L’investisseur jouira d’un remboursement en numéraire, dans des conditions similaires 162 à celles offertes aux obligataires ordinaires. En cette circonstance, le rattachement à la catégorie des titres de capital paraît des plus factices. Toujours est-il qu’il s’impose en droit financier. Cependant, à défaut d’être naturel et légitime, il intègre le cercle 163 des qualifications « par l’effet de la loi », illustrant le forçage « contre-nature » dont il procède.

B. Effets limités du rattachement quant au régime des valeurs mobilières complexes

17. - Impact de l’ordonnance du 8 janvier 2009. La filiation des valeurs mobilièresdonnant accès au capital à la catégorie des titres de capital s’inspire 164 d’une ordonnance de 2009 165. Pourtant en 2016, le Code monétaire et financier comprend une sous-section 2 intitulée « les titres de capital et les titres donnant accès au capital » 166. Une

162 Si ce n’est que l’option d’accès au capital dont dispose l’investisseur justifie le versement d’un intérêt inférieur à celui dû au titre d’une obligation dépourvue d’option.163 Nous verrons plus loin l’exemple des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, dont le régime est emprunté à celui des valeurs mobilières donnant accès au capital, par l’effet de la loi. Voir infra n° 19.164 On notera que la loi n° 96-597 du 2 juill. 1996 de modernisation des activités financières présageait cette classification. Aux termes de son art. 1er : « les instruments financiers comprennent : 1° Les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription en compte ou tradition ». 165 Ord. n° 2009-15 du 8 janvier 2009.166 V. en ce sens le livre VII (relatif au régime de l’outre-mer), chapitre II, sous-section III du Code monétaire et financier.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 55

telle formule, opposant deux notions – dont l’une forme le contenant et l’autre une fraction du contenu – témoigne l’artifice de la classification opérée par l’ordonnance de 2009. D’ailleurs, à ce jour, nombreux sont les textes qui opposent, ou distinguent à tout le moins, ces deux notions 167. Et pour cause, le rattachement des valeurs mobilières complexes parmi les titres de capital « n’ayant pas vocation à produire le moindre effet en dehors du Code monétaire et financier qui s’intéresse moins aux caractéristiques de ces titres qu’à leur vie une fois émis » 168.

En outre, le Code de commerce n’a pas tiré les conséquences de ce rattachement. L’article L. 228-91 illustre doublement ce constat.

Premièrement, aux termes du Code de commerce, « si le titre émis à l’origine est un titre de capital, celui-ci ne relève pas d’une catégorie déterminée au sens de l’article L. 225-99 du Code de commerce » 169. Il ne fait pas de doute que cette formule vise les hypothèses où le titre primaire est une action (par exemple, dans le schéma de l’ABSA) ; hypothèse à laquelle il faut opposer celle où le titre primaire est une obligation (telle la figure de l’OBSA) ou un bon sec (par exemple un BSAR). Pour autant, au sens strict, en cas d’indivisibilité 170 de la valeur mobilière complexe, le « titre émis à l’origine » constitue un titre de capital aussi bien dans le cas d’une ABSA que dans ceux de l’OBSA ou du BSAR, l’article L. 212-1-A intégrant toutes « valeurs mobilières donnant accès au capital » dans la catégorie générique des « titres de capital ».

L’essence monolithique de ces titres, telle qu’énoncée par le Code monétaire et financier, n’est pas sans conséquence. La formulation de l’article précité supposerait, si elle était étendue au droit commun des sociétés, l’adoption d’une vision globale et non plus une acception séquentielle (à savoir décomposée selon que l’on analyse le titre primaire ou ses autres particules).

Sous cet angle, une lecture stricte de l’article L. 228-91 conduirait à un non-sens, dans l’hypothèse d’une valeur mobilière composée à base obligataire, emportant la qualification de « titre de capital ». En effet, nul ne pourrait défendre que le législateur ait arrêté le principe sibyllin suivant : « [une valeur mobilière complexe à base obligataire] ne relève pas de la qualification d’actions d’une catégorie déterminée ». Voilà encore de quoi nous convaincre que le rattachement des valeurs mobilières complexes parmi les titres de capital « n’[a] pas vocation à produire le moindre effet en dehors du Code

167 V. en ce sens : art. L. 225-102-1, L. 225-138-1, L. 225-143, L. 225-147, L. 225-149-1, L. 228-24, L. 631-10, L. 631-19-1, R. 225-14, R. 225-15, R. 225-116, R. 228-117, R. 228-118, R. 228-19, R. 631-14 du Code de commerce et L. 214-36, L. 214-38-1, L. 518-8, L. 621-8, R. 214-73-2 du Code monétaire et financier et 299 octies A du Code général des impôts et L. 3332-23 du Code du travail. Voir aussi « Les titres de capital et les titres donnant accès au capital » (intitulé sous-sect. 2, chapitre II, titre IV, livre VII, partie législ. du Code monétaire et financier). Voir aussi Circ. inter. 6 avr. 2005, relative à l’épargne salariale, dossier « les droits des salariés actionnaires », fiche 3, p. 209, JO 1er nov. 2005, p. 17179.168 J.-M. MOULIN, Droit de l’ingénierie financière, Broché, 2013, n° 144, p. 91.169 Art. L. 225-99 1er et 2ème al. C. com. : « Les assemblées spéciales réunissent les titulaires d’actions d’une catégorie déterminée. / La décision d’une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une catégorie d’actions n’est définitive qu’après l’approbation par l’assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie ».170 Le quatrième alinéa de l’article L. 288-91 du Code de commerce vise spécifiquement l’hypothèse d’indivision de la valeur mobilière en ces termes : « le contrat d’émission peut prévoir que ces valeurs mobilières et les titres de capital ou de créances auxquels ces valeurs mobilières donnent droit ne peuvent être cédés et négociés qu’ensemble ». L’article poursuit « Dans ce cas [en cas d’indivision], si le titre émis à l’origine est un titre de capital, celui-ci ne relève pas d’une catégorie déterminée au sens de l’article L. 225-99 ».

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monétaire et financier qui s’intéresse moins aux caractéristiques de ces titres qu’à leur vie une fois émis » 171.

Il est un autre domaine qui trouble le juriste, a fortiori depuis la réforme de 2009 : celui des produits encadrés par le droit du travail et offrant, eux-aussi, un accès différé au capital.

II - Indifférence du rattachement sur les contrats d’option réservés aux dirigeants et salariés

La ressemblance est troublante entre la figure proposée par l’article L. 228-91 du Code de commerce et le mécanisme d’accès différé au capital destiné aux salariés et dirigeants d’un groupe. Le rattachement en droit financier des valeurs mobilières composées à la catégorie des titres de capital accentue davantage leur parenté (A). Pour autant, pouvons-nous véritablement parler de « valeurs mobilières » donnant accès au capital ?

Nous verrons que l’incessibilité qui caractérise les titres réservés au monde du travail fait obstacle à une telle qualification (B). C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à leur qualification parmi les valeurs mobilières donnant accès au capital. Bien que présentant des caractéristiques communes, nous verrons que certains critères essentiels à cette qualification sont absents du régime des stock-options et des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise. En conséquence, les titres dédiés à la sphère du travail sont « assimilés » aux valeurs mobilières complexes, sans en partager les attributs.

A. Emprunts aux fondements des valeurs mobilières complexes

18. - Droits d’accès différés au capital enfermés dans les stock-options. Les options de souscription ou d’achat d’actions ont été créées afin de permettre aux cadres dirigeants de profiter de l’accroissement de la valeur de leur entreprise ; hausse à laquelle ils ont contribué par leur travail.

L’option de souscription ou d’achat (d’origine américaine, d’où le terme de « stock-options » qui s’est généralisé) confère un droit individuel réservé aux salariés et dirigeants. Elle leur permet de souscrire à des actions nouvellement émises ou d’obtenir des actions auto-détenues (acquises par l’émettrice dans le cadre d’un programme de rachat d’actions 172), pour un montant arrêté lors de la remise des options. La fixité du prix d’exercice de l’option 173 constitue l’originalité et l’intérêt de ce produit. Ainsi, en cas de bonne santé financière de l’entreprise, l’option permet à son bénéficiaire de souscrire ou d’acquérir des actions (qui auront profité de la hausse de la valeur du titre) mais au prix fixé lors de la remise des options 174. La tentation est forte d’intégrer ces titres dans la catégorie des valeurs mobilières donnant accès au capital, dans la mesure

171 J.-M. MOULIN, Droit de l’ingénierie financière, Broché, 2013, n° 144, p. 91.172 Le mécanisme du programme de rachat d’actions autorise une société à racheter ses propres actions, dans les limites et conditions exposées aux articles L. 225-209 et suivants du Code de commerce.173 Hors cas particuliers d’ajustements légaux ou de la formulation d’un prix déterminable, voir infra n° 301.174 L’avantage retiré de la hausse du cours de bourse peut être renforcé par l’application d’un rabais sur le prix d’exercice, autorisé dans la limite de 0 à 5 % du cours de bourse au jour de l’attribution, et ce, sans conséquence fiscale.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 57

où ils concourent à l’accès différé au capital. Les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise invitent au même constat.

19. - Les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, un autre mode d’accès différé au capital. Ces titres résultent d’une création d’origine fiscale. Ils reposent sur l’octroi aux salariés et dirigeants, à l’instar des stock-options, d’une option sur la hausse de la valeur du titre de leur entreprise. La finalité des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (ci-après « BSPCE ») s’inspirait du constat suivant : certaines entreprises en croissance, qui souhaitaient attirer des collaborateurs de qualité, ne disposaient pas nécessairement des moyens de les rémunérer attractivement 175.

Après une première reconduction 176, la loi du 15 mai 2001 177 a finalement pérennisé ce dispositif. Concrètement, le BSPCE est un bon de souscription d’actions accordé gratuitement aux dirigeants et/ou aux salariés. Il permet à ses bénéficiaires d’acquérir des titres de leur entreprise ou groupe, à l’issue d’une période de conservation. Le prix d’exercice du BSPCE est fixé à l’occasion de sa remise. Ainsi, leur titulaire profitera d’une éventuelle hausse du cours du titre sous-jacent. Le caractère irrévocable de l’engagement de l’émetteur confère aux titulaires de BSPCE un « droit propre et autonome » 178, ayant pour effet de proscrire la remise en cause unilatérale de ses conditions. Certains 179 considèrent que le droit du titulaire de BSPCE, qui lui assure une « affectation anticipée d’une fraction du capital de la société émettrice », constitue une « fiction de droit réel ». L’article 163 bis G du Code général des impôts, socle juridique de ces produits, impose leur incessibilité. En cas de décès de leur bénéficiaire, seul est autorisé l’exercice des bons par les héritiers 180.

En outre, l’incorporation des BSPCE dans la catégorie des valeurs mobilières donnant accès au capital interpelle en raison de « la filiation naturelle » que le Code général des impôts crée entre ces titres 181. L’article 163 bis G dispose que « les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, incessibles, [sont] émis dans les conditions prévues à l’article L. 228-91 et L. 228-92 du Code de commerce ». Des auteurs se sont interrogés sur la pertinence de ce renvoi à la section consacrée aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Selon Monsieur R. FOY 182, il s’agit d’un rapprochement « habile politiquement » mais « contre nature ». Néanmoins, bien que ce rattachement à la catégorie des valeurs mobilières semble fictif, il convient d’en tirer toutes les conséquences, « sans faire de tri » 183. Par exemple, les bons devront être

175 E. DOLLEY, « Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise – écueils juridiques et fiscaux d’application », Bull. Joly oct. 2001, comm. 221, n° 10, p. 953.176 L. n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’Innovation et la Recherche.177 L. n° 2001-420 du 15 mai 2001.178 E. DOLLEY, op. cit., n° 7.179 E. DOLLEY, op. cit., n° 2.180 Modification apportée par la L. n° 2008-776 du 4 août 2008 de Modernisation de l’Economie, JO 5 août 2008.181 Prenant position sur l’exclusion des BSPCE de la catégorie des valeurs mobilières, voir : P.-L. PERIN, C. BAERT, « Valeurs mobilières donnant accès au capital : questions pratiques (1ère partie) », RDTF sept. 2006, p. 84 ; A. GRENOT DEVEDJIAN, Les valeurs mobilières composées, th. Paris 1, 2009, n° 45, p. 69 ; PH. RAIMBOURG, M. BOIZARD, Ingénierie financière, fiscale et juridique, Dalloz, 2009-2010, n° 14-62, p. 222 et Droit du financement, « Valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de capital ou de créance », Lamy, 2011, n° 480.182 R. FOY, art. préc., n° 132, p. 23.183 R. FOY, « Bon de souscription d’action », Rép. soc. Dalloz févr. 2007, n° 133, p. 24.

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inscrits en compte, chez la société émettrice s’il s’agit de titres nominatifs ou chez un intermédiaire financier habilité s’il s’agit de titres au porteur.

B. Effets de l’incessibilité sur la qualification

20. - Incidence de l’incessibilité de ces titres sur leur qualification. Depuis quelques années, la notion de valeur mobilière (propre au droit des sociétés) est concurrencée par celle d’instrument financier (notion de droit des marchés financiers 184). La disparition de cette première au profit de celle d’instruments financiers était même annoncée 185. La réforme de 2004 porte selon certains 186 une dimension d’inachèvement en raison du maintien de ces deux notions.

La notion de valeur mobilière, toutefois, conserve son intérêt 187 eu égard au nombre important de règles commerciales et fiscales 188 s’y référant. La réglementation des « valeurs mobilières donnant accès au capital » en constitue un exemple. Une telle coexistence accentue le besoin d’éclaircissement : « La superposition de textes, le défaut d’harmonisation, l’absence d’articulation entre les notions d’instrument financier et de valeur mobilière, sont sources d’incertitudes » 189.

La doctrine s’est attachée à définir la notion de valeur mobilière. Si elle a longtemps reproché au législateur son manque de pragmatisme (en n’apportant à ces titres 190

184 Th. BONNEAU, « Commentaire de l’ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers », JCP éd. E 29 janv. 2009, n° 1105 et J-P. BORNET et H. DE VAUPLANE, « Les marchés financiers : le défi de la transposition de la DSI », Bull. Joly bourse juil.-août 1996, § 68, p. 355. Selon le Comité de Paris Europlace, c’est autour de la notion de valeurs mobilières que s’articulent les règles d’émission ainsi que les règles de protection des investisseurs. En revanche, la notion d’instruments financiers constitue le pivot du droit financier et permet d’en définir les principaux éléments parmi lesquels figurent les notions de marché et de services d’investissement (Livre Blanc, Comité de droit financier Paris Europlace, « Proposition pour une classification rationnelle des instruments financiers, déc. 2003, p. 23, accessible sur http://www.paris-europlace.com). Monsieur B. ZABALA rappelle qu’il « n’est pas moins aisé de procéder à l’articulation entre les deux notions caractéristiques de notre droit financier, la notion de valeurs mobilières, d’une part, et la notion d’instruments financiers, d’autre part, qui font du droit financier français un droit bicéphale » (B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 56).185 M. FAVERO, « Pour une réforme ambitieuse des instruments financiers », Actes prat. janv.-févr. 2004, p. 3. Monsieur B. GRELON relève que malgré la fin annoncée des valeurs mobilières, « elles renaissent et s’enrichissent de nouvelles catégories » (B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. juil.-sept. 2004, p. 247.186 V. B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 53.187 Madame F. AUCKENTHALER consacre le maintien de cette notion en rappelant qu’« elle est au cœur de la détermination de règles spécifiques d’émission, de la protection des souscripteurs organisée par le Code de commerce et aussi de certaines opérations contractuelles réglementées par ce même code » (F. AUCKENTHALER, Droit des marchés de capitaux, LGDJ, 2004, n° 106, p. 41). Dans le même sens, B. ZABALA, op. cit., p.55 et V. MERCIER« Valeurs mobilières », Dict. Joly soc. oct. 2008, n° 015, p. 1.188 V. A. REYGROBELLET, La notion de valeur mobilière, th. Paris 2, 1995, n° 111, p. 99.189 Livre Blanc, Comité de droit financier Paris Europlace, op. cit., p. 40. Monsieur B. ZABOLA considère que l’appréhension de la notion de valeurs mobilières suscite « malaise et inconfort » (B. ZABOLA, op. cit., p. 55).190 Voir Y. GUYON, « Liberté contractuelle et droit des sociétés », RJ com. avril 2003, n° 4, p. 151 : « Cette libéralisation a facilité le financement des sociétés. Mais elle n’a pas eu que des conséquences favorables car on ne sait plus ce qu’est une valeur mobilière et l’extraordinaire désordre de cette branche du droit appelle une harmonisation ». Voir V. ALLEGAERT, « De la propriété des valeurs mobilières », Bull. Joly mars 2005, p. 339 ; F.-X. LUCAS, « Contribution doctrinale au droit des titres », Bull. Joly sept. 2009, n° 9, p. 721 :

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Partie I – Titre I – Chapitre I 59

aucune définition 191), elle s’accorde sur l’idée que la négociabilité constitue le critère fondamental des valeurs mobilières 192, si bien qu’il n’est pas de définition doctrinale sans référence expresse à ce concept 193.

Certains auteurs ont proposé que la notion de valeur mobilière soit complétée par un critère formel « qui serait l’admission aux négociations » 194. Cette suggestion, bien que fortement discutable 195, témoigne du caractère déterminant de la négociabilité, définie comme le mode de transfert par virement de compte à compte, sans impliquer le formalisme de l’article 1690 du Code civil 196 ou, en d’autres termes, comme l’aptitude d’un titre à être cédé par un procédé simplifié du droit commercial 197.

« Les valeurs mobilières restent entourées d’un flou notionnel qui les nimbe d’un mystère peu propice à la construction d’un régime juridique cohérent ». Voir aussi B. OPPETIT, « La notion de valeur mobilière », in L’Europe et le droit, éd. Banque et Droit, n° hors série, 1991, p. 4 ; P. LE CANNU, op. cit., p. 397.191 Hormis quelques définitions, desquelles on ne peut tirer les conclusions souhaitées en raison de leur champ d’application limité. V. notamment : « Pour l’application du présent règlement général, le terme de valeur mobilière s’entend d’un ensemble de titres de même nature cotés ou susceptible de l’être, issus d’un même émetteur et conférant par eux-mêmes des droits identiques à tous détenteurs » (art. 3, Règl. SICOVAM, homologué par l’arrêté du 23 mai 1984). Voir aussi : il faut entendre par valeurs mobilières « les actions et autres valeurs assimilables à des actions, les obligations et autres titres de créance, négociables sur le marché des capitaux et toutes autres valeurs habituellement négociées permettant d’acquérir de telles valeurs mobilières par voie de souscription ou d’échange ou donnant lieu à un règlement en espèces, à l’exclusion des moyens de paiement » (Directive 92/22/CEE, 10 mai 1993, concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières », définition à laquelle renvoie notamment la Directive 2003/71/CE, dite Prospectus, du 4 novembre 2003). Voir également la définition proposée par l’article 1er de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, relative aux organismes de placement collectif en valeur mobilière et portant création des fonds communs de créance.192 P. LE CANNU, op. cit., n° 9, p. 399. Selon Monsieur M. GERMAIN, « la négociabilité est liée à la forme du titre qui matérialise le droit. Elle constitue un caractère commun à toutes les valeurs mobilières » (voir G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial-Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, 19ème éd., LGDJ, mis à jour par M. GERMAIN, 2009, n° 1520, p. 317). Dans le même sens, le Comité juridique de l’ANSA considère que « la négociabilité est le criterium de l’action : si le droit [formant rompu] est négociable, l’action l’étant, il est assimilable à une valeur mobilière ; s’il n’est pas négociable, il ne saurait être assimilable à une valeur mobilière, et il ne peut être cédé comme une valeur mobilière (ANSA, « Attribution d’actions gratuites : transmission par un actionnaire de droits formant rompu non négociables », n° 30-89, 7 févr. 2001, p. 3). Du même avis, voir H. CAUSSE, « Valeurs mobilières, un concept positif », Petites aff. 21 oct. 1994, n° 126 ; A. REYGROBELLET, « Le droit de propriété du titulaire d’instruments financiers dématérialisés », RTD com. 1999, n° 23, p. 305 ; P. GOUTAY, « La notion de valeur mobilière », D. 1999, n° 21, p. 226 ; F.-X. LUCAS, « Retour sur la notion de valeur mobilière », Bull. Joly août 2000, p. 765 ; J.-F. ARTZ, « Action », Rép. soc. Dalloz juin 2002, n° 42, p. 10 ; Livre Blanc, Paris Europlace, op. cit., p. 26 ; V. ALLEGAERT, « De la propriété des valeurs mobilières », Bull. Joly mars 2005, p. 339 ; Y. PACLOT, « L’introuvable notion d’instrument financier », Dr. soc. janv.-févr. 2009, n° 1 ; C. MAISON-BLANCHE, F. JUNGELS, « Le sort des actions gratuites dans le cadre d’un retrait obligatoire », RTDF mars-avril 2010, n° 2, p. 44 ; C. DE WATRIGANT, « Instrument financier et valeur mobilière », Petites aff. 28 avr. 2010, n° 84, p. 6.193 A.-L. ARCHAMBAULT, La nature juridique des valeurs mobilières, th. Paris 1, 1998, n° 193, p. 53.194 C. MERKIN, « Le Conseil des bourses de valeurs, autorité de définition de la valeur mobilière ? », RD bancaire et bourse janv.-févr. 1991, p. 43 et P. GOUTAY, op. cit., p. 230.195 La négociabilité, comme fondement ou critère de l’appartenance d’un titre à la catégorie des valeurs mobilières, reviendrait à nier cette qualification aux actions, par exemple, non admises aux négociations sur un marché règlementé. Or, la cotation, qui découle de la volonté de l’émetteur, ne modifie en rien la « nature » de l’action, elle en facilite seulement la transmission (voir en ce sens P. GOUTAY, op. cit., p. 230). 196 H. CAUSSE, « Valeurs mobilières, un concept positif », Petites aff. 21 oct. 1994, n° 126.197 D. R. MARTIN, « Du titre et de la négociabilité, à propos des pseudo-titres de créance négociables », D. 1993, p. 20 ; P. GOUTAY, op. cit., p. 229 et F. NIZARD, La notion de titres négociables, th. Paris 2, 2000, n° 6, p. 5.

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60 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

Aux termes de l’article L. 225-183 du Code de commerce, propre aux stock-options, les « droits résultant des options consenties » sont « incessibles » jusqu’à leur exercice. Etant accordées à titre personnel (en raison de l’intuitu personae qui leur est attaché), elles ne sont pas négociables. En cas de décès, ce ne sont pas les options elles-mêmes qui sont transférées mais ce sont les droits conférés, par elles, qui peuvent être exercés par les héritiers 198. Ainsi, la classification au sein de la catégorie des valeurs mobilières composées divise la doctrine et pour cause : il résulte de ce qui vient d’être énoncé que le caractère négociable d’un titre conditionne, semble-t-il, son statut de valeur mobilière 199 ; critère non rempli par les stock-options, selon toute apparence.

Pour la majorité de la doctrine 200, à défaut d’être cessibles ou négociables, les stock-options sont nécessairement exclues de la catégorie des valeurs mobilières et par voie de conséquence de celle des valeurs mobilières donnant accès au capital. Les partisans de cette doctrine ne manquent pas de s’appuyer sur un avis du Gouvernement, aux termes duquel les droits attachés aux stock-options sont incessibles 201 et constituent des biens personnels 202. Aussi, on notera que le renvoi opéré par l’article L. 225-181 203 (relatif à la protection des bénéficiaires de stock-options) vers l’article

198 F. MARTIN LAPRADE, « Les engagements pris en vue de réaliser une augmentation de capital », Dr. soc. Actes prat. juil.-août 2008, p. 9.199 L’article L. 228-1 du Code de commerce ne définit pas la notion de valeur mobilière mais procède par renvoi. Au terme de cet article, « les valeurs mobilières sont des titres financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier ». Aux termes de l’article L. 211-14 du Code monétaire et financier : « À l’exception des parts de sociétés civiles de placement immobilier mentionnées à l’article L. 214-50 et des parts de société d’épargne forestière, mentionnées à l’article L. 214-85, les titres financiers sont négociables ».200 Ph. BISSARA, J.-P. BOUERE, « Les propositions du CNPF de modernisation du régime des émissions de titres de capital », Bull. Joly janv. 1994, p. 16 ; S. GAILLET, « Quelle protection pour les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital ? », Option fin. 29 nov. 2004, p. 27 ; R. FOY, « Stock-options », Rép. soc. Dalloz janv. 2004, n° 11, p. 4 ; R. FOY, « Bon de souscription d’action », Rép. soc. Dalloz févr. 2007, n° 132, p. 23 ; D. OHL, « Valeurs mobilières », Rép. soc. Dalloz 2005, n° 17 ; Livre Blanc, Paris Europlace, op. cit., p. 26 ; H. LE NABASQUE, P. PORTIER, « La nouvelle nomenclature des instruments financiers issue de la directive MIF du 21 avril 2004 », Bull. Joly bourse sept. 2007, n° 5, p. 550 ; A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 516, p. 293 ; Droit du financement, « Complément d’une offre publique de retrait », Lamy, 2011, n° 1702, Droit du financement, « Valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de capital ou de créance », Lamy, 2011, n° 480 et J.-L. MEDUS, « Le salarié ou le dirigeant actionnaire : réflexions sur la fiscalité des management packages », Bull. Joly. mai 2012, n° 215, p. 453. Pour un avis plus nuancé, nous renvoyons aux interrogations de Monsieur A. COURET, ainsi formulées : « Faut-il envisager aussi le cas des titulaires de stock-options ou de bons de créateurs d’entreprise (BCE) ? A priori non. Ils ne sont pas porteurs de titres de capital mais titulaires d’options, ce qui n’est pas la même chose. Mais, en réalité, on voit bien qu’une approche aussi restrictive n’est pas totalement satisfaisante. Certes, les bénéficiaires de stock-options ne sont pas à proprement parler “porteurs de titres” ; le droit qui leur est reconnu est un droit de créance. Toutefois, ce droit est un droit potestatif qui peut être transformé unilatéralement en droit réel portant sur un titre à créer » (A. COURET, « Les droits des porteurs de titres de capital différé », Petites aff., n° 89, 4 mai 2001, n° 3, p. 13)201 Relevons toutefois que le législateur se révèle, d’une manière générale, peu scrupuleux sur les termes employés pour qualifier les restrictions faites à la libre négociabilité. Les statuts des sociétés par actions peuvent comprendre des clauses d’« inaliénabilité » (art. L. 227-13 et art. L. 229-11). En revanche, les stock-options sont, elles, « incessibles » par l’effet de la loi. Le conseil d’administration peut aussi les assortir d’une clause « d’interdiction de revente immédiate » (L. 225-177 C. com.).202 Sénat, Ph. MARINI, quest. n° 31920, 23 août 2001, p. 2721. 203 Art. L. 225-181, dernier al. C. com. : « Toutefois, lorsque la société réalise un amortissement ou une réduction du capital, une modification de la répartition des bénéfices, une attribution gratuite d’actions, une incorporation au capital de réserves, bénéfices ou primes d’émission, une distribution de réserves ou toutes émission de titres de capital ou de titres donnant droit à l’attribution de titres de capital comportant un droit

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Partie I – Titre I – Chapitre I 61

L. 228-99 (afférent à la protection des porteurs de valeurs mobilières composées), suggère que ces premières n’appartiennent pas à la catégorie de ces dernières. Ce renvoi serait justifié par leur classification au sein de deux catégories juridiques distinctes.

Toutefois, certains 204 relèvent que les stock-options, bien que n’étant pas des valeurs mobilières par nature, font néanmoins l’objet d’une traduction scripturale sous la forme de « titres » inscrits en compte. Par ailleurs, les options de souscription ou d’achat d’actions, tout comme les BSPCE, relèvent d’un régime singulier, exposé aux articles L. 228-177 et suivants du Code de commerce, auquel est associé un dispositif spécifique dit « de faveur » 205. Afin de bénéficier d’un régime fiscal et social plus souple 206, leurs bénéficiaires et la société émettrice se voient imposer un certain nombre de contraintes. Concrètement, l’administration fiscale considère que l’irrespect du délai d’« indisponibilité » 207, d’« incessibilité » 208, de « détention » 209 ou de « conservation » 210 des stock-options conduit automatiquement à la disqualification du plan 211. En dépit de ce vocable épars, la sanction retenue par l’administration fiscale en pareille hypothèse est, elle, unique : les plans seront considérés comme « non qualifiés » et assimilés fiscalement à des éléments de rémunération. Une solution identique régit les BSPCE 212. De la violation de l’une des conditions d’attribution de ces titres s’ensuit une disqualification, dont découle une imposition fondée sur le droit commun des revenus du travaiL. D’aucuns pourraient conclure de ces sanctions que l’incessibilité n’est pas véritablement attachée aux produits mais à leur régime fiscal et social, dont elle conditionne le bénéfice 213. Sous cet angle, l’incessibilité de l’option pourrait être rapprochée de clauses d’inaliénabilité portant sur des titres de

de souscription réservé aux actionnaires, elle doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des bénéficiaires des options dans les conditions prévues à l’article L. 228-99 ».204 F. MARTIN LAPRADE, « Attribution gratuites d’actions », J.-CL. Crédit-Banque-Bourse, fasc. 1866, nov. 2010, n° 105.205 Selon les termes de l’administration fiscale (voir DB 1154, « Dispositif d’épargne salariale et d’actionnariat salarié », 11 févr. 1999, n° 94).206 Par comparaison avec la fiscalité des revenus du travail.207 BOI, 5 F-1-09, 5 janv. 2009, n° 40, 52 à 87 et DB, 5 F-1154, 10 févr. 1999, n° 103, 104, 112, 113.208 BOI, 5 F-1-09, 5 janv. 2009, n° 73.209 DB, 5 F-1154, 10 févr. 1999, n° 93.210 Ancien., BOI, 4 N-3-88, Inst. 6 mai 1988, n° 2.2, p. 2.211 A la différence des stock-options (dont l’irrespect du délai d’incessibilité fait échec au régime fiscal et social de faveur), l’irrespect de la clause d’inaliénabilité attachée à une action serait simplement sanctionné par l’inopposabilité à la société et aux associés de la cession faite en violation d’une telle clause. Le traitement fiscal et social des stock-options semble ainsi constituer l’élément déterminant de ces titres, lequel est conditionné par le strict respect des conditions posées par les articles L. 225-177 et suivants du Code de commerce.212 Inst., 5 F-13-98, 6 juil. 1998, n° 4 et suivants. Voir aussi, selon une interprétation a contrario, la formulation de l’article 163 bis G du CGI : « le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II et III est imposé dans les conditions et aux taux prévus à l’article 150-0-A, ou au 2 de l’article 200 A ».213 Ainsi, sans tirer de telles conclusions, Messieurs Ph. BISSARA et F. BOUERE considéraient que « la première caractéristique du régime unique serait l’étendue de son champ d’application. Ce régime concerne toutes les valeurs mobilières qui donnent droit immédiatement ou de manière différée à des titres de capital. Il ne s’étend toutefois pas aux émissions réservées aux salariés, ni à celles qui sont effectuées par le jeu d’options de souscription attribuées aux salariés ou aux mandataires sociaux : ces émissions, qui sont subordonnées à des conditions spécifiques et soumises à des modalités particulières, relèvent en effet par nature de dispositions d’exception » (Ph. BISSARA, J.-P. BOUERE, « Les propositions du CNPF de modernisation du régime des émissions de titres de capital », Bull. Joly janv. 1994, p. 16).

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62 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

capital. Il est en effet courant que les valeurs mobilières soient temporairement 214 incessibles et non-négociables. L’ANSA 215, par exemple, considère que les restrictions temporaires à la libre négociabilité de valeurs mobilières donnant accès au capital 216, fréquentes en pratique 217, ne mettent nullement en échec leur caractère intrinsèquement négociable.

Toutefois, il est à noter que si l’application des mesures de protection dictées par les articles L. 228-98 et suivants s’impose 218 aux sociétés émettrices de BSPCE 219, une telle conclusion est écartée vis-à-vis des stock-options. À la différence de la solution retenue en matière de BSPCE, l’article L. 225-181 ne renvoie pas au régime des valeurs mobilières donnant accès au capital (dont il aurait fallu tirer toutes les conséquences). L’article L. 225-181 relatif aux options se limite à soumettre la réalisation de diverses opérations aux mesures de protection 220 visées à l’article L. 228-99 du Code de commerce. Ainsi, par exemple, à la différence des titulaires d’« authentiques » valeurs mobilières donnant accès au capital ou par opposition aux BSPCE (qui profitent d’un renvoi 221), les bénéficiaires de stock-options ne bénéficient pas de l’intervention de la masse 222. De nouveau 223, nous pouvons regretter que l’effort d’unification demeure inachevé, en dépit de l’impulsion du groupe Paris Europlace. Nous verrons 224 ultérieurement les

214 A. GRENOT-DEVEDJIAN relève que, « en raisonnant pas analogie avec les solutions dégagées pour les clauses d’inaliénabilité dans les pactes d’actionnaires, la limitation de la libre négociabilité des bons serait admise lorsqu’elle est simplement contractée pendant une durée limitée. Cette restriction temporaire devrait en outre être justifiée par un intérêt sérieux ». L’auteur poursuit ainsi, « la validité d’une restriction contractuelle justifiée et limitée à la libre négociabilité des bons semble admise sans qu’elle ne vienne troubler leur qualification de valeurs mobilières », in Les valeurs mobilières composées, th. Paris 1, 2009, n° 32, p. 56 et 59.215 ANSA, « Offres publiques d’acquisition : clauses de réciprocité – autorisation d’émettre des bons de souscription d’actions (« Bons d’offre ») », n° 06-023, 5 avr. 2006, p. 6.216 Les valeurs mobilières donnant accès au capital constituent des titres négociables par nature. Par conséquent, l’exclusion légale de l’application de l’article L. 228-10 du Code de commerce, relatif à l’interdiction de la négociation des promesses d’actions, a permis de lever une difficulté dont les effets, faute de précision légale, auraient abouti à « frapper les titres primaires d’inaliénabilité alors qu’ils sont, par construction, des valeurs mobilières négociables » (A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 661).217 V. note d’opération, société ORPEA, visa AMF n° 09-225, 15 juil. 2009, n° 4.2.1, p. 29 et contrat d’émission, société Photosol Invest Energie 2009, p. 1.218 Cette sujétion résulte du renvoi opéré par l’article 163 bis G du Code général des impôts au régime des valeurs mobilières composées.219 V. en ce sens l’ANSA : « le renvoi à la procédure d’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital suppose l’application aux BSPCE de l’ensemble du régime de ces titres » (ANSA, « Émission de BSPCE : faut-il protéger les bénéficiaires en cas d’opérations financières ? », n° 12-069, 5 déc. 2012). 220 Quoique l’applicabilité des trois mesures de sauvegarde suscite le doute. Sur ces questions, v. infra n° 299 et s.221 De cet avis, v. ANSA, « Émission de BSPCE : faut-il protéger les bénéficiaires en cas d’opérations financières ? », n° 12-069, 5 déc. 2012. Le Comité juridique conclut en ce sens et relève que « l’usage est en effet d’appliquer le régime des VMDAC en son entier, sous réserve des spécificités prévues par l’article 163 bis G du CGI ». Contra, un auteur, en marge de la doctrine dominante, considère cependant que les porteurs de BSPCE ne bénéficient pas de la compétence de la masse (voir S. GAILLET, « Quelle protection pour les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital ? », Option fin. 29 nov. 2004, p. 27).222 Par exception, une masse pourra cependant être créée sur une base contractuelle. Sur la régularité des masses de source conventionnelle, voir infra n° 213.223 Sur les imperfections de la réforme en matière d’unification du régime des valeurs mobilières complexes, voir infra n° 388.224 V. infra n° 299 et s.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 63

motifs qui ont encouragé les rédacteurs de l’ordonnance à maintenir ces divergences, parfois sources d’incohérences, entre le régime de protection des valeurs mobilières complexes et les stock-options.

21. - Effets relatifs de l’affiliation des stock-options et des BSPCE à la catégorie des titres de capital. Outre les renvois opérés par les articles relatifs aux stock-options et aux BSPCE, vers le régime des valeurs mobilières donnant accès au capital, un argument normatif nous invite à douter de leur altérité.

Le Code monétaire et financier comprend, dans sa section 3, deux sous-sections relatives aux « options de souscription ou d’achat d’actions » et aux « bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise ». Ces deux sous-sections figurent dans une section 3 intitulée « Régimes particuliers d’accès au capital en faveur du personnel salarié » appartenant à un chapitre II consacré aux « Titres de capital ». Si nous pouvons légitimement douter de l’appartenance des stock-options et des BSPCE à la catégorie des valeurs mobilières composées, leur affiliation à la catégorie des titres de capital est, elle, entérinée. Or, conformément à ce même code, les titres financiers, parmi lesquels figurent les titres de capital, sont négociables. Par l’effet d’un syllogisme, nous pourrions conclure que les stock-options et les BSPCE (qui appartiennent à la catégorie des titres de capital, qui eux-mêmes sont des titres financiers) sont négociables. Toutefois, conclure ainsi reviendrait à maltraiter les principes généraux qui gouvernent les valeurs mobilières, dont la négociabilité constitue le critère fondamental 225.

22. - La position explicite de l’administration fiscale : la fin d’un débat ? L’administration fiscale semble clore le débat dans une instruction du 13 octobre 2010 226. La direction générale des finances publiques est on ne peut plus claire : « Attribués aux bénéficiaires intuitu personae, les bons sont incessibles et ne constituent pas des valeurs mobilières [...]. Enfin, nonobstant le fait qu’ils ne constituent pas des valeurs mobilières, les BSPCE sont soumis aux dispositions qui les régissent ».

225 P. LE CANNU, op. cit., n° 9, p. 399. Selon Monsieur M. GERMAIN, « la négociabilité est liée à la forme du titre qui matérialise le droit. Elle constitue un caractère commun à toutes les valeurs mobilières » (voir G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial-Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, 19ème éd., LGDJ, mis à jour par M. GERMAIN, 2009, n° 1520, p. 317). Dans le même sens, le Comité juridique de l’ANSA considère que « la négociabilité est le criterium de l’action : si le droit [formant rompu] est négociable, l’action l’étant, il est assimilable à une valeur mobilière ; s’il n’est pas négociable, il ne saurait être assimilable à une valeur mobilière, et il ne peut être cédé comme une valeur mobilière » (ANSA, « Attribution d’actions gratuites : transmission par un actionnaire de droits formant rompu non négociables », n° 30-89, 7 févr. 2001, p. 3). Du même avis, v. H. CAUSSE, « Valeurs mobilières, un concept positif », Petites aff. 21 oct. 1994, n° 126 ; A. REYGROBELLET, « Le droit de propriété du titulaire d’instruments financiers dématérialisés », RTD com. 1999, n° 23, p. 305 ; P. GOUTAY, « La notion de valeur mobilière », D. 1999, n° 21, p. 226 ; F.-X. LUCAS, « Retour sur la notion de valeur mobilière », Bull. Joly août 2000, p. 765 ; J.-F. ARTZ, « Action », Rép. soc. Dalloz juin 2002, n° 42, p. 10 ; Livre Blanc, Paris Europlace, op. cit., p. 26 ; V. ALLEGAERT, « De la propriété des valeurs mobilières », Bull. Joly mars 2005, p. 339 ; Y. PACLOT, « L’introuvable notion d’instrument financier », Dr. soc. janv.-févr. 2009, n° 1 ; C. MAISON-BLANCHE, F. JUNGELS, « Le sort des actions gratuites dans le cadre d’un retrait obligatoire », RTDF mars-avril 2010, n° 2, p. 44 ; C. DE WATRIGANT, « Instrument financier et valeur mobilière », Petites aff. 28 avr. 2010, n° 84, p. 6.226 BOI, 13 oct. 2010, n° 5 F-15-10, n° 37 et suivants.

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Traditionnellement, les droits négociables sont conçus comme des instruments de financement par appel de fonds sur les marchés de capitaux où se confrontent l’offre et la demande des acteurs économiques 227. Assurément, les stock-options et les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise ne concourent pas à cette fonction. Ainsi, nombreux sont les arguments nous incitant à exclure le caractère négociable de ces titres, et par voie de conséquence leur qualité de valeurs mobilières donnant accès au capital 228.

23. - Conclusion. La classification des stock-options et des BSPCE (à l’instar des valeurs mobilières complexes) parmi les titres de capital témoigne l’inaptitude de l’alternative (entre les titres de capital et les titres de créance), proposée par l’article L. 211-1-A du Code monétaire et financier, à traduire fidèlement l’essence de ces titres. La filiation des stock-options et des BSPCE, incessibles par nature, à la catégorie des titres de capital repose sur une fiction. Il nous semble donc illégitime de tirer de ce rattachement légal un quelconque lien de parenté avec les valeurs mobilières donnant accès au capital. Si le concept qui fonde les droits réservés aux salariés et dirigeants, à savoir une option d’accès au capital, confère une illusion d’appartenance aux valeurs mobilières complexes, l’incessibilité qui les caractérise exclut une telle conclusion. Ainsi, l’analyse selon laquelle les stock-options et les BSPCE constituent des valeurs mobilières donnant accès au capital d’un genre nouveau ne peut retenir notre faveur.

227 B. OPPETIT, « La notion de valeur mobilière », in L’Europe et le droit, éd. Banque et Droit, n° hors série, 1991, p. 5 ; D. R. MARTIN, « Du titre et de la négociabilité, à propos des pseudo-titres de créance négociables », D.1993, p. 20 ; A. REYGROBELLET, La notion de valeur mobilière, th. Paris 2, 1995, n° 1372, p. 20 ; A.-L. ARCHAMBAULT, th. préc., n° 833 et s., p. 246 ; F.-X. LUCAS, « Retour sur la notion de valeur mobilière », Bull. Joly août 2000, p. 765 ; P. GOUTAY, op. cit., p. 227 et 230, F. NIZARD, La notion de titres négociables, th. Paris 2, 2000, n° 1, p. 2.228 Contra, v. F. MARTIN LAPRADE, « Les engagements pris en vue de réaliser une augmentation de capital », Dr. soc. Actes prat. juil.-août 2008, n° 100, p. 9. Selon cet auteur, le Code général des impôts exige l’incessibilité des BSPCE ; notion qu’il faut distinguer de celle de « non-négociabilité ». En effet, la négociabilité permet l’opposabilité d’une cession à l’émetteur ainsi qu’aux tiers alors que la cessibilité ou la « libre négociabilité » s’applique aux cessions entre parties. En d’autres termes, « la négociation s’oppose à la cessibilité, qui est le procédé de transmission de parts émises par les SARL, les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles. Les différences entre la cession et la négociation sont importantes, notamment quant à leur forme et leurs effets » (Y. GUYON, Droit des affaires, t. 1, 12ème éd., Economica, 2003, n° 277, p. 277). Sur la distinction entre ces deux notions, v. aussi divers auteurs selon lesquels : « on pourrait imaginer une société par actions dont les actions seraient librement cessibles sans être négociables ; la jurisprudence en relève quelques exemples » (J. HAMEL, G. LAGARDE et A. JAUFFRET, Droit commercial, sociétés, groupements d’intérêt économique et entreprises publiques, t.1, vol. 2, 2ème éd., Dalloz, 1980, n° 521, p. 223). En d’autres termes, Monsieur Y. GUYON rappelle que « la négociation s’oppose à la cessibilité, qui est le procédé de transmission de parts émises par les SARL, les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles. Les différences entre la cession et la négociation sont importantes, notamment quant à leur forme et leurs effets » (Y. GUYON, op. cit., n° 277, p. 277). V. sur ce point : H. CAUSSE, « Valeurs mobilières, un concept positif », Petites aff. 21 oct. 1994, n° 126 ; D. OHL, « Valeurs mobilières », Rép. soc. Dalloz 2005, n° 17. De son côté, le Comité juridique de l’ANSA estime « qu’il faut clairement distinguer les concepts de négociabilité et de cessibilité. Selon le “Vocabulaire juridique” de Cornu (PUF) : la négociabilité est la qualité attachée à certains titres représentatifs d’un droit ou d’une créance, qui en permet une transmission plus rapide et plus efficace que les procédés de droit civil ; la cession est la transmission entre vifs du cédant au cessionnaire d’un droit réel ou personnel, à titre onéreux ou gratuit » (ANSA, « Attribution d’actions gratuites : transmission par un actionnaire de droits formant rompu non négociables », n° 30-89, 7 févr. 2001, p. 2). Monsieur F. MARTIN LAPRADE (op. cit., n° 100, p. 9) ajoute que la formulation de l’article L. 225-130 semble exclure l’interchangeabilité de ces deux notions : « les droits formant rompu ne sont ni négociables ni cessibles ».

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Partie I – Titre I – Chapitre I 65

§2 - Un régime juridique non altéré par le rattachement aux titres de capital

S’il n’est pas aisé de comprendre la classification, bien que limitée au droit financier, des valeurs mobilières donnant accès au capital parmi les titres de capital, la problématique du régime applicable à ces premières suscite, elle aussi, bon nombre d’interrogations. Nous sommes invités à nous demander si cette nouvelle qualification altère le régime juridique associé aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Ainsi, après avoir déterminé qu’elles sont « assimilées » à des titres de capital par le Code monétaire et financier, il convient d’appréhender la mise en œuvre du ou des régimes propres aux éléments composites qui caractérisent ces titres et leur articulation. Concrètement, nous chercherons à savoir si les valeurs mobilières hybrides sont régies par les seules mesures prévues aux articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce ou si elles sont encadrées, au surplus, par les règles applicables à ses particules, et dans quelle mesure.

La formulation de l’ordonnance de 2004 (non contredite par celle de 2014) ne permet pas de statuer. Si la doctrine s’accorde pour exclure l’application du dispositif afférent au titre secondaire, par effet rétroactif (I), le doute persiste quant à la mise en œuvre du régime du titre primaire. La solution dégagée par l’affaire « Métrologie International » 229 reste l’unique point de repère auquel nous pouvons nous référer, ce qui nécessite qu’elle soit toujours d’actualité (II).

I - Consensus sur l’exclusion de l’application rétroactive du régime du titre secondaire

24. - Motifs du rejet. Le Code de commerce est muet sur le régime applicable aux titres composés. De prime abord, rien ne semble exclure l’application du régime associé au titre promis, à savoir le droit commun des actions en cas d’émission d’ORA, OCA, BSA... Une telle vision présente l’avantage d’exhumer l’intention initiale des parties, à savoir la vocation du porteur à acquérir la qualité d’actionnaire. Une telle interrogation, ayant parfois donné lieu à une réponse positive 230, paraît d’autant plus

229 Cass. com. 13 juin 1995, Rev. soc. 1995, p. 736, obs. P. DIDIER ; Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 21, p. 259, obs. P. LE CANNU ; Quotidien juridique sept. 1995, n° 76, p. 8, obs. Ph. MERLE.230 Monsieur H. HOVASSE proposait de prendre en considération l’effacement de la distinction entre action et obligation en présence d’une obligation remboursable en actions. Selon cet auteur, le régime des actions devait être préféré à la nature obligataire des ORA au motif que ces titres constituent un mécanisme de « libération anticipée » d’actions à émettre. Cet auteur constatait que l’ORA constitue « une étape » d’une augmentation de capital, voire une modalité de celle-ci et qu’en conséquence « le dénouement nécessaire de l’opération par une augmentation de capital ne peut pas ne pas retentir sur la qualification de la convention qui la prépare » (H. HOVASSE, « Les obligations remboursables en actions », in Droit et gestion de l’entreprise, MéL. PERCEROU, Vuibert, 1993, p. 105). Voir dans le même sens S. SYLVESTRE-TOUVIN, Le coup d’accordéon ou les vicissitudes du capital social, th. Aix-Marseille, 2003, n° 518, p. 376. On retrouve, en filigrane, les mêmes conclusions tenues par Monsieur F. PELTIER, lequel considère que « l’ORA constitue pour son émetteur un moyen de se procurer des fonds […] non pas au titre d’un emprunt comme la dénomination du titre conduirait à le penser, mais au titre d’une souscription à une augmentation de capital ultérieure dont le prix de souscription est d’ores et déjà libéré par le souscripteur, alors même que les actions seront émises et donc livrées ultérieurement. L’ORA est en conséquence un titre de transition qui matérialise cette libération anticipée d’actions à émettre, une sorte de quittance d’un paiement anticipé » (voir F. PELTIER, « La nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP éd. E. 1992, n° 31 à 37, p. 286). Néanmoins, nous saluons la conclusion de Monsieur F. PELTIER selon lequel bien que les ORA constituent des créances de souscription représentatives d’actions futures, ces titres ne sont pas pour

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66 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

légitime sous l’angle de l’obligation remboursable en actions, dont la voie vers l’accès au capital est assurée 231. C’est d’ailleurs pourquoi certains qualifiaient ces titres de « libération anticipée d’actions à émettre », d’« avance sur libération d’actions » ou encore d’« action future » ou de « quasi-action ».

Cette approche nous conduit à nous interroger sur la qualification de contrat conditionnel. Aux termes de l’actuel article 1181 du Code civil, l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend de la réalisation d’un événement « futur et incertain ». L’événement en question résulterait de la volonté du porteur d’accéder au capital, matérialisée en présence d’une OCA par l’exercice de l’option de conversion. L’idée ne semble pas totalement absurde. La condition suspensive 232 suppose en effet un événement dont on ne sait, lors de la conclusion du contrat, s’il se réalisera ou non et qui, dans cette attente, suspend jusqu’à sa survenance l’existence de l’obligation (dans notre hypothèse, l’obligation de remboursement). Notre interrogation sur le bien-fondé de la qualification de promesse sous condition suspensive est d’autant plus légitime qu’en pratique 233, il n’est pas rare que des contrats d’émission lient l’ouverture de la faculté d’accès au capital à la réalisation d’un ou plusieurs événements 234.

La mise en œuvre du régime de l’action à l’égard de l’ensemble du titre composé serait justifiée par l’effet rétroactif qui accompagne la réalisation de la condition (automatiquement ou conventionnellement par application de l’article 1304 6 cc issu de la réforme du 10 février 2016). En cette hypothèse, pendant la durée de l’option, les éléments de formation du contrat sont considérés comme réunis mais le contrat ne peut produire ses effets, dans l’attente de la réalisation de la condition. Lorsqu’elle survient, le contrat et les effets associés sont réputés exister, non pas à dater de la réalisation de la condition mais rétroactivement au jour de la rencontre des volontés 235. Une telle

autant soumis au régime de ces dernières. Voir aussi S. DANA-DEMARET, Le capital social, th. Lyon, 1988, n° 211, p. 258 : « il est d’ailleurs manifeste que le législateur a davantage raisonné par rapport à des futurs actionnaires que par rapport à d’actuels obligataires, ce qui montre bien que dans son esprit, ces titres ont vocation à devenir une quote-part du capital social. Cette incorporation dans le capital social explique par exemple la compétence de l’assemblée générale extraordinaire, alors que l’émission d’obligations classiques relève d’une simple assemblée ordinaire ».231 À moins qu’il ne cède le titre avant son échéance ou qu’une procédure collective soit déclenchée à l’encontre de l’émetteur, laquelle permettra le remboursement en numéraire du porteur par application d’une clause de sauvegarde.232 Sur la question de la qualification de condition suspensive appliquée à une promesse de contrat, v. Ch. LARROUMET, Droit civil-Les obligations-Le contrat, t. 3, 5ème éd., Economica, 2003, n° 312, p. 278.233 Un contrat d’émission peut conditionner l’ouverture de la période d’accès au titre secondaire par la réalisation d’événements ou d’objectifs initialement fixés. Ce que la doctrine envisageait (voir H. HOVASSE et J. PRIEUR, « Titres complexes et capitaux propres des sociétés non cotées », Dr. soc., n° 31, janv.-févr. 1997, n° 33, p. 12), la pratique l’a concrétisé. À titre d’exemple, les sociétés Unibail-Rodamco et Gécina (visa AMF n° 09-014, 21 avr. 2009, p. 44 et visa AMF n° 10-079 du 31 mars 2010) soumettent l’ouverture de la période d’exercice d’ORNANE à la survenance d’un certain nombre d’événements parmi lesquels figurent le dépôt d’une offre publique sur la société émettrice, la distribution au-delà d’un certain seuil de dividendes, de réserves ou de primes... De manière toute aussi originale, la société LAFARGE a conçu une émission subordonnée au succès d’une offre publique (visa COB n° 00-147, 9 févr. 2000). La note d’opération prévoyait que, en fonction de la réussite ou non d’une offre publique inamicale de son initiative, l’émetteur remettrait à son choix des actions nouvelles ou existantes ou, en cas d’échec de l’opération, des espèces. 234 Monsieur A. GAUDEMET relève que si la promesse de contrat n’est pas un contrat conditionnel, elle est souvent complétée d’une condition suspensive. V. A. GAUDEMET, Contribution à l’étude juridique des dérivés, th. Paris 2, 2008, n° 61, p. 38.235 Ce principe est affirmé à l’article 1179 du Code civil selon lequel « la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté ». Voir aussi sur l’effet rétroactif de la condition

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Partie I – Titre I – Chapitre I 67

solution, appliquée au mécanisme de l’obligation convertible, reviendrait à considérer que le consentement en vue de l’accès au capital existerait, non pas à dater du jour de l’exercice de l’option de conversion, mais dès la souscription des OCA, matérialisant la rencontre des volontés de l’émetteur et du porteur 236. En effet, dans le contrat conditionnel, le contrat définitif est déjà formé, mais l’exigibilité de l’obligation est suspendue à la réalisation d’une condition extérieure aux parties. Lorsque la condition est remplie, le débiteur ne peut renoncer à s’exécuter.

Incontestablement 237, la qualification d’obligation sous condition suspensive, entraînant le régime rétroactif du droit commun des actions à l’ensemble du titre de capital, doit être écartée. Et ce, tellement manifestement semble-t-il qu’aucun auteur, sauf erreur, ne s’est attaché à exclure cette hypothèse. En outre, selon Monsieur D. OHL, une telle solution emporterait « les plus graves perturbations » 238. Deux arguments, au moins, nous incitent à proscrire cette analyse. Premièrement, l’application du droit commun des actions doit être écartée au motif de l’insécurité juridique engendrée par cette thèse 239. Nous ne pouvons en effet concevoir que la détermination du régime applicable à un titre soit suspendue à la réalisation ou non d’un événement, générateur d’effets rétroactifs. Une telle vision reviendrait à considérer que, préalablement à l’accès au capital, le régime du titre serait « indéterminable » puis, rétroactivement, le régime applicable serait celui du titre secondaire. Ainsi, en cas d’accès au capital, les porteurs seraient bien-fondés à revendiquer les attributs 240 attachés à la qualité d’actionnaire, y

Monsieur J.-M. VERDIER, lequel rappelle que « la condition accomplie obligerait à considérer comme né dès la passation de l’acte conditionnel le droit engendré » (J.-M. VERDIER, Les droits éventuels-Contribution à l’étude de la formation successive des Droits, th. Paris, Rousseau & Cie, 1955, n° 221, p. 187).236 Le consentement des parties est manifesté par la rencontre de l’offre de l’émetteur et la souscription par l’investisseur des titres émis. Par sa souscription, le porteur adhère au contrat d’émission. 237 Trois auteurs, semble-t-il, n’ont pas écarté cette voie. Premièrement, dans les travaux qu’il a consacrés aux obligations convertibles, Monsieur P. MUGUET adopte une telle vision (P. MUGUET, Les obligations convertibles en actions, th. Paris, 1956, p. 267). Ensuite, s’appuyant sur des considérations textuelles, Monsieur Th. BONNEAU attache à l’accès au capital du porteur un effet rétroactif qu’il qualifie de fiction légale. En effet, selon cet auteur, « l’obligation convertible en action est une obligation qui est transformée en actions lors de l’exercice du droit de conversion. Le porteur perd ainsi sa qualité d’obligataire pour acquérir, d’ailleurs avec rétroactivité, la qualité d’actionnaire ». Monsieur Th. BONNEAU rappelle à cet effet que l’article 195, al. 6 de la loi du 24 juil. 1966, réputait le porteur de l’obligation convertible être actionnaire dès la date de l’émission de l’obligation, en raison de la réduction des droits des porteurs « comme s’ils avaient été actionnaires dès la date d’émission des obligations » en cas de réduction du capital motivée par des pertes. Voir Th. BONNEAU, « La diversification des valeurs mobilières », RTD com. 1988, n° 24, p. 550. Voir dans le même sens Monsieur S. SYLVESTRE-TOUVIN, selon lequel le coup d’accordéon entraine un appauvrissement de « tous ceux qui ont une relation avec le capital, qu’elle soit directe par la qualité d’actionnaire actuel, ou indirecte par la faculté de devenir rétroactivement actionnaire à la suite de la conversion » (S. SYLVESTRE-TOUVIN, Le coup d’accordéon ou les vicissitudes du capital social, th. Aix-Marseille, 2003, n° 486, p. 355). Nous n’adhérons pas à cette conception, laquelle ne nous semble d’ailleurs pas découler de la formulation de l’article 195 de la loi de 1966. En effet, si la réduction du capital non motivée par des pertes doit être traitée vis-à-vis des porteurs « comme s’ils avaient été actionnaires », c’est justement parce qu’ils ne sont pas des actionnaires par l’effet d’une rétroactivité ; seulement, le traitement des porteurs est calqué sur celui de ces actionnaires par l’effet de la loi.238 D. OHL, Droit des sociétés cotées, 3ème éd., Litec, 2008, n° 323, p. 198.239 Reconnaître, par effet rétroactif, la qualité d’actionnaire aux porteurs, reviendrait à leur reconnaître un droit d’accès aux assemblées d’actionnaires à compter de leur souscription aux ORA. Ainsi, faute d’y avoir été convoqués, les porteurs seraient en droit de réclamer la nullité de l’ensemble des assemblées tenues en leur absence.240 De même, les intérêts versés aux porteurs à base obligataire seraient confrontés à l’interdiction des clauses d’intérêts fixes, réputées non écrites. Voir en ce sens D. OHL, op. cit., n° 323, p. 199.

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compris l’accès aux assemblées générales 241. Faute d’y avoir été convoqués, l’intégralité des assemblées des sociétés émettrices, à compter de la création des valeurs mobilières donnant accès au capital, seraient entachées de nullité.

De plus, une telle position reviendrait à traiter différemment un titre (fongible par nature) en considération de ce qu’il aura été exercé ou non par le porteur, ce qui ne peut être admis. En outre, les emprunts donnant accès au capital produisent des effets avant la levée de l’option. Par comparaison, en présence d’une promesse soumise à une condition suspensive, lorsqu’elle est pendante, l’obligation n’existe pas 242 ; son créancier « conditionnel » ne jouit d’aucun droit préalablement à la réalisation de la condition, sous réserve d’un nombre limité de prérogatives dites « éventuelles » 243, aux effets restreints. Or, tel n’est pas la situation, par exemple, du porteur d’OCA : avant la conversion de son titre, il jouit des prérogatives dont dispose tout obligataire 244.

Deuxièmement, retenir la qualification de promesse d’accès au titre secondaire sous condition suspensive revient à assimiler l’événement activant la condition avec le consentement de l’une des parties au contrat. Or, à l’instar de la promesse de vente (soumise à la levée de l’option de l’acheteur), la promesse d’accès à une quotité du capital est conditionnée par l’exercice de la faculté de conversion ou de tout autre mode d’accès au capital. Doit donc être écarté le raisonnement selon lequel l’objet de la condition suspensive résulterait du consentement de l’une des parties au contrat 245. En effet, la condition ne peut résulter d’un élément essentiel à la formation du contrat 246,

241 D. OHL, op. cit., n° 323, p. 199.242 V. H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de droit civil-Obligations-Théorie générale, 9ème éd., Montchrestien, 1998, n° 1030, p. 1087 : « Puisque, pendente conditione, l’obligation n’existe pas encore, il semble que le créancier conditionnel n’ait aucun droit jusqu’à l’arrivée de la condition suspensive ».243 Sur la nature et les effets du droit éventuel du créancier conditionnel, voir H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS, op. cit., n° 1033, p. 1087.244 Nous songeons au remboursement de son emprunt, à la sauvegarde de ses intérêts par l’intermédiaire de la masse... 245 Pour une approche similaire en matière de promesse unilatérale de contrat, voir Ch. LARROUMET, op. cit., n° 313, p. 279 : « dès lors que l’objet de la condition est le consentement d’une des parties au contrat, il est impossible de considérer la promesse unilatérale de contrat comme un contrat sous condition suspensive. En effet, le consentement d’une des parties au contrat est une condition essentielle de la validité du contrat […]. Il est impossible de considérer que le contrat existe rétroactivement avant le moment où le débiteur accepte de s’engager ». Dans le même sens, Monsieur E. BECQUE rappelle le caractère de la condition sur l’obligation qu’elle accompagne : « toute condition a un caractère adventice, accidentel et on ne peut transformer en condition un des éléments constitutifs du contrat, car ce serait alors confondre cause et condition » (Cass. civ. 19 janv. 1942, JCP 1942, II, n° 1815, obs. E. BECQUE). Dit autrement, Monsieur P. FIESCHI-VIVET considère que « le bénéficiaire de la promesse unilatérale ne s’engage pas à passer le contrat définitif ; celui-ci n’est donc pas formé, même sous condition. Le consentement du bénéficiaire au contrat définitif est une condition de validité de ce contrat et non “une condition-modalité” qui en affecte seulement l’exécution » (P. FIESCHI-VIVET, La promesse de contrat, th. Lyon II, 1973, n° 46, p. 69). Voir également J. DESCHAMPS, De la promesse de contrat, th. Bourges, Imprimerie Tardy-Pigelet et Fils, 1914, p. 36.246 H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS, op. cit., n° 1039, p. 1092 : « l’évènement doit être extrinsèque au rapport de droit. Le rapport de droit doit pouvoir exister sans la condition, qui n’en est qu’une modalité : un élément essentiel du contrat ne constitue donc jamais une condition. La vente sous la condition que le prix sera payé, n’est pas une vente conditionnelle mais une vente pure et simple ; le paiement du prix est un élément de la vente, une condition intrinsèque ». Voir aussi Ch. LARROUMET, op. cit., n° 313, p. 279 et A. BORIES, « Condition, terme et potestativité, à propos d’une promesse unilatérale d’achat », D. 2005, p. 1009. V. dans le même sens Monsieur J.-M. VERDIER qui exprime ainsi cette idée : « l’incertitude, ici, pèse non pas sur l’obligation qui résulte de la vente, mais sur le contrat lui-même, l’une des deux volontés de s’engager faisant défaut. On confondrait avec condition suspensive, à laquelle aurait été subordonnée

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Partie I – Titre I – Chapitre I 69

tel le consentement 247. La condition suspensive constitue une modalité de l’obligation et non une condition de sa validité 248. Par conséquent, l’OCA et les autres valeurs complexes ne peuvent être analysées comme des promesses d’accès au capital soumises à une condition suspensive. Ainsi, l’application du régime du titre promis à l’ensemble du titre de capital doit être écartée, faute d’effet rétroactif attaché à la levée de l’option d’accès au capital.

II - Pérennité de la solution dégagée par l’arrêt « Métrologie International »

En 1995, la Cour de cassation a rendu un arrêt phare, constituant à ce jour l’unique point de repère quant au régime applicable aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Afin de saisir la portée de cette décision, sa présentation s’impose (A).

L’ordonnance de 2004, contre toute attente, n’a pas véritablement fait sienne la solution dégagée par la Haute juridiction. Dès lors, il convient de s’interroger sur son maintien et d’en cerner les conséquences (B). Nous verrons que les enseignements dérivés de cette affaire sont maintenus et impliquent la mise en œuvre du régime du titre primaire aux ramifications de la valeur mobilière complexe, jusqu’à l’accès du porteur au capital social. Toutefois, une telle conclusion est source d’interrogations qu’il conviendra de lever. Notamment, la problématique de l’articulation du régime du titre primaire avec celui propre aux valeurs hybrides retiendra notre attention.

A. Contentieux « Métrologie International »

25. - Présentation des faits. En 1989, la société Métrologie International émet des obligations remboursables en actions (ORA). Les titres sont stipulés remboursables soit (i) en totalité le 1er janvier 1997 soit (ii) à tout moment au gré des porteurs, suivant une parité d’une action Métrologie International pour une obligation.

La mauvaise santé financière de l’émetteur l’a conduit à élaborer un plan de restructuration de son bilan. Une assemblée des porteurs d’ORA fut convoquée afin de requérir leur accord sur la modification de deux aspects déterminants des conditions de remboursement des obligations : à savoir la date d’échéance des ORA et leur parité de remboursement.

Certains porteurs, regroupés au sein d’une Association de défense des porteurs d’ORA « Métrologie International », ont cherché en vain à obtenir l’ajournement de l’assemblée. Les porteurs ont approuvé l’ensemble des résolutions soumises à leur vote, dont le remboursement anticipé des ORA au 1er août 1994. L’Association de

une vente d’ailleurs parfaite, un élément nécessaire à l’existence même de la vente » (J.-M. VERDIER, Les droits éventuels-Contribution à l’étude de la formation successive des Droits, th. Paris, Rousseau & Cie, 1955, n° 123, p. 104). Sur l’exclusion d’une condition tenant à la correction de l’incapacité du promettant, voir O. BARRET, « Promesse de vente », Rép. civ. Dalloz janv. 2011, n° 123, p. 24. 247 En revanche, Monsieur J.-M. VERDIER conçoit que la promesse de vente participe d’une opération juridique complexe, dont la promesse n’est que le premier acte. Une telle conception doit selon cet auteur « conduire à considérer ses effets comme étant ceux-là mêmes de la vente définitive, affectés seulement du caractère éventuel, tenant à l’imperfection du consentement » (J.-M. VERDIER, op. cit., n° 125, p. 105).248 V. C. LAPOYADE DESCHAMPS, L. BLOCH, S. MORACCHINI-ZEIDENBERG, Le droit des obligations, 2ème éd., Ellipses, 2008, p. 295, selon lesquels la condition de l’obligation « ne doit pas être confondue avec la “condition” de validité d’un acte juridique, qui en est un élément constitutif et non une modalité ».

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70 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

défense des porteurs d’ORA a alors saisi la justice 249. Elle contestait à titre principal la nature obligataire ou « obligationnelle » 250 des ORA et par conséquent la légitimité et la compétence de la masse à autoriser l’anticipation du remboursement des obligations.

En première instance, le Tribunal de commerce de Nanterre 251 a rejeté les prétentions des porteurs. Bien que non remboursables en espèces, les titres litigieux présentaient les caractéristiques d’obligations simples et devaient être considérés comme telles.26. - Les solutions explicites retenues par la Cour d’appel et la Cour de cassation. L’attendu de principe adopté par la Cour de cassation 252, confirmant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles 253, est on ne peut plus clair : « outre les dispositions particulières des articles 339-1 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 par application desquelles elles sont créées, les ORA sont avant leur remboursement, soumises aux dispositions des articles 284 et suivants de ladite loi, que la Cour d’appel a jugé à bon droit que les porteurs d’ORA jouissent des droits liés à la propriété d’obligations, et notamment de celui d’être groupés de plein droit dans la masse ».

Deux observations liminaires s’imposent. Premièrement, la Cour de cassation a préféré procéder par renvoi plutôt que de qualifier : la Cour de cassation ne dit pas que, avant leur remboursement, les ORA sont des obligations (contrairement à ce que l’on a pu lire 254) mais qu’elles sont soumises aux règles applicables aux obligations. Aux dires de Monsieur F.-R. DANNENBERGER, « si la Cour de cassation avait considéré que les ORA sont, avant leur remboursement, des obligations, elle n’aurait pas manqué de l’indiquer » 255. Deuxièmement, les décisions précitées affirment

249 TC Nanterre 13 sept. 1994, « Association de défense des porteurs d’ORA Métrologie International c/ SA Métrologie International », Bull. Joly bourse, nov. 1994, n° 6, p. 590, obs. F. PELTIER.250 Utilisant ce terme, v. P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, p. 251.251 T. com. Nanterre, 13 sept. 1994, « Association de défense des porteurs d’ORA Métrologie International c/ SA Métrologie International » : « Mais attendu que les droits de créance attachés aux obligations ne sont pas nécessairement des droits à remboursement en argent et que précisément dans le cas de ces autres valeurs mobilières […], le législateur de 1985 a expressément prévu leur remboursement en une quotité de capital » et enfin que les ORA « sont considérées comme des obligations relevant du régime légal de ces valeurs mobilières ».252 Cass. com. 13 juin 1995, Rev. soc. 1995, p. 736, obs. P. DIDIER ; Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 21, p. 259, obs. P. LE CANNU ; Quotidien juridique sept. 1995, n° 76, p. 8, obs. Ph. MERLE.253 Versailles 17 nov. 1994, JCP éd. E 1995, n° 7, p. 447, obs. A. VIANDIER ; Bull. Joly bourse 1995, n° 6, p. 37, obs. Th. BONNEAU.254 Voir par exemple Monsieur Th. BONNEAU, qui, lorsqu’il dresse un bilan de la réforme de 2004, s’interroge ainsi : « doit-on en conclure qu’il [le renvoi au droit commun des augmentations de capital lors de l’émission de VMDAC] consacre les analyses doctrinales niant l’existence de l’emprunt obligataire en raison du droit donnant accès au capital et qu’il condamne la jurisprudence selon laquelle les obligations remboursables en actions sont des actions jusqu’à leur remboursement ? Une réponse négative doit être donnée car les règles de l’alinéa dernier de l’article L. 228-103 admettent expressément que le titre primaire peut être une obligation » (Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, p. 27). Dans le même sens, voir D. OHL, Droit des sociétés cotées, 3ème éd., Litec, 2008, n° 323, p. 198. Voir également A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 261, p. 253, laquelle intitule un paragraphe consacré aux décisions d’appel et de cassation dans l’affaire Métrologie International : « Des titres qui “sont” des obligations » (« sont » entre guillemets dans le texte).255 F.-R. DANNENBERGER, La liberté de créer des valeurs mobilières donnant accès au capital, th. Strasbourg, n° 52, p. 52. Monsieur F. PELTIER formulait ainsi cette problématique à l’occasion d’un commentaire de la décision de première instance : « en fait, la question de savoir si les ORA sont des obligations au sens de l’article 284 de la loi du 24 juillet 1966 n’est pas la bonne question […]. En

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Partie I – Titre I – Chapitre I 71

que la réglementation des valeurs mobilières composées et celle du titre primaire sont complémentaires 256.

B. Reflet du titre primaire sur le régime des valeurs mobilières complexes

27. - Consensus actuel. Le législateur n’a pas pris le soin d’indiquer explicitement le ou les régimes applicables aux titres hybrides. Singulièrement, aux termes du rapport adressé au Président de la République 257, le renvoi aux règles de compétence et de délégation en matière d’émission tend à « rappeler que la décision de l’assemblée générale extraordinaire d’émettre des valeurs mobilières composées est une décision d’augmentation de capital, même si elle est réalisée postérieurement ». Certains 258 en ont conclu que ce rapport niait l’existence de l’emprunt obligataire, au profit du droit d’accès au capital. Toutefois, la référence au titre primaire dans la formulation du dernier alinéa de l’article L. 228-103 soutient la thèse selon laquelle la jurisprudence « Métrologie International » ne doit pas être définitivement abandonnée 259.

De même, à notre sens, la formulation de l’article L. 228-91 conforte cette position. Aux termes de celui-ci, « dans ce cas [le cas où le titre primaire et ses particules ne peuvent être cédés et négociés qu’ensemble], si le titre émis à l’origine est un titre de capital, celui-ci ne relève pas d’une catégorie déterminée au sens de l’article L. 225-99 ». Ainsi, par l’effet d’une exception légale, le titre « indivisible » 260 de nature capitalistique n’est pas soumis au régime afférent aux catégories d’actions. Cette exception légale nous semble guidée par la volonté du législateur d’écarter, en pareille circonstance et elle seule, les effets du régime du titre primaire sur le titre monolithique. Ainsi, par principe – et à l’exception du dispositif singulier propre aux catégories d’actions qui est exclu – le régime des valeurs mobilières donnant accès au capital reflétera donc celui du titre primaire.

Nombre d’auteurs 261 se sont prononcés sans ambiguïté aucune sur l’application du régime du titre primaire aux ramifications des valeurs mobilières hybrides, jusqu’à

revanche, la bonne question, face à l’incohérence des textes, à laquelle le tribunal répond par l’affirmative sans ambiguïté, est de savoir si le contrat d’ORA peut se placer sous le régime des obligations classiques et/ou des obligations convertibles ou à bons de souscription » (F. PELTIER, « Les obligations remboursables en actions », Bull. Joly bourse nov. 1994, n° 6, p. 590).256 Cette observation résulte de la formule adoptée par la Cour de cassation : « outre les dispositions particulières des articles 339-1 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 par application desquelles elles sont créées ». Une même conclusion doit être retenue à l’égard du droit commun des valeurs mobilières, qui n’est pas exclusif de l’application des règles propres aux obligations et de la mise en œuvre des règles d’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital.257 Rapp. au Président de la République, « relatif à l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales », p. 10.258 F. PELTIER, « La nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP éd. E. 1992, p. 155 et H. HOVASSE, « Les obligations remboursables en actions », in Mélanges R. PERCEREAU, 1993, p. 105. 259 V. en ce sens Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, p. 27. 260 Sur cette qualification, v. P. LE CANNU, note sous Cass. com., 15 juil. 1992, Rev. soc., 1992, n° 752, Y. GUYON, Les sociétés-Traité des contrats, 5ème éd., LGDJ, 2002, n° 72, p. 135261 Ainsi, on a pu lire « les OCA sont une valeur mobilière unique et complète (l’obligation) qui peut se transformer en une autre valeur mobilière également complète mais de nature différente (une action) » (C. DAVID, « Obligations convertibles en actions et obligations à bons de souscription d’actions du point de vue fiscal », Banque et dr. nov.-déc. 1991, n° 20, p. 215) ou « en vertu du principe que l’accessoire suit le principal pour la qualification d’un titre et compte tenu que les deux composantes de l’obligation convertible,

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72 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

l’accès à une quotité de capital. Ces auteurs transposent cette analyse à l’ensemble des valeurs mobilières complexes à base obligataire 262. De même, les porteurs de droits à base capitalistique sont avant tout des actionnaires 263. Le régime du titre primaire – des actions ordinaires ou de préférence – est donc voué à s’appliquer. 28. - Articulation du régime du titre primaire avec celui propre aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Divers auteurs 264 rappellent fort justement que,

titre principal et droit conditionnel, sont indissociables, l’obligation convertible a, juridiquement, la nature d’un titre obligataire » (N. MOURGUES, Capitaux propres et quasi-fonds propres, Economica, 1996, p. 56). De même, Messieurs A. COURET et H. LE NABASQUE considèrent que « à chaque fois que la composante première est une obligation, le régime de base des obligations trouve à s’appliquer pour autant qu’il n’y est pas dérogé par un régime spécifique » (A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 625, p. 254). Voir dans le même sens : P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 18 et s., p. 258 ; M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-Ph. DOM, S. GAILLET, F. LE ROCQUAIS et M. SUPIOT, « Unification des procédures d’émission - Le régime et l’émission des valeurs mobilières après l’ordonnance de 2004 : les valeurs mobilières », Actes prat. sept.-oct. 2004, n° 80 ; Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, n° 30 et ANSA, « Les dispositions de l’article L. 228-39 sont-elles applicables en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance lorsque la valeur primaire est une obligation ? », n° 05-037, 11 mai 2005, p. 2. Dit autrement, « les titres composant la valeur mobilière composée obéissent au régime juridique lié à leur nature. Ainsi, si le titre primaire est une action, on appliquera le régime des actions et, s’il s’agit d’une obligation, on appliquera le régime des obligations. Toutefois, ces régimes s’appliquent, sous réserve des dispositions régissant les valeurs mobilières donnant accès au capital » (V. MERCIER, « Valeurs mobilières », Dict. Joly soc. oct. 2008, n° 805, p. 24). L’article poursuit : « les porteurs de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de créance bénéficient de la protection liée à leur titre primaire. Ainsi, s’il s’agit d’une obligation, le régime des obligations doit leur être appliqué et si c’est une action, le propriétaire est alors un actionnaire bénéficiant de la protection et des droits de tout actionnaire ». Voir aussi A COURET, « Les droits des porteurs de titres de capital différé », Petites aff., n° 89, 4 mai 2001, n° 6, p. 14 ; T. NGUYEN, La protection des créanciers sociaux dans les opérations emportant transmission universelle de patrimoine, th. Paris 2, 2003, n° 240, p. 192 ; A. BAYDOUN, L’obligation alternative, th. Paris 2, 2005, p. 173. De même, Madame A. GRENOT-DEVEDJIAN souligne que « le principe de l’application du régime du titre primaire, défini par la jurisprudence en matière d’obligations remboursables en actions est théoriquement transposable à l’ensemble des valeurs mobilières composées » (v. th. précit., n° 204, p. 201). 262 V. Monsieur Ph. MERLE selon lequel « la solution consacrée par la Cour de cassation, si elle ne concerne que les ORA, a en fait un intérêt général pour tous les titres dont le support premier est une obligation » (P. MERLE, note sous Cass. com. 13 juin 1995, Quotidien juridique sept. 1995, n° 76, p. 8) ou Messieurs A. DESCLEVES et J. MOUGEL selon lesquels « cet arrêt, tout en levant l’incertitude du régime des ORA, consacre l’applicabilité des articles 284 et suivants à tous les produits, qui, même temporairement seulement, sont assimilables à des obligations » (A. DESCLEVES et J. MOUGEL, « Obligations complexes : les nouveaux mécanismes d’accès au capital de l’émetteur ou des sociétés du groupe », Banque et dr. sept.-oct. 1999, n° 67, p. 14).263 Dans ce sens, v. A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 210, p. 206 et le Comité juridique de l’ANSA selon lequel « les ABSA sont indiscutablement des actions mais elles comportent un élément complémentaire qui lui n’est pas une action » (ANSA, « Possibilité d’attribuer des ABSA selon le régime des stock-options ou des attributions gratuites d’actions », n° 11-604, 6 avr. 2011). 264 V. Messieurs A. COURET et H. LE NABASQUE, selon lesquels : « chaque fois que la composante primaire est une obligation, le régime de base des obligations trouve à s’appliquer pour autant qu’il n’y est pas dérogé par un régime spécifique » (A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 625, p. 254). Voir aussi H. HOVASSE, et J. PRIEUR, « Titres complexes et capitaux propres des sociétés non cotées », Dr. soc., n° 31, janv.-févr. 1997, n° 36, p. 13, lesquels considèrent que les valeurs mobilières complexes, « sous réserve de leur régime propre, restent soumises au droit commun des obligations ». De même, A. TRAORE, « Les incidences de la diversification des valeurs mobilières sur le droit de vote dans les sociétés par actions », th. Clermont-Ferrand, 2010, n° 149, p. 204, rappelle que

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Partie I – Titre I – Chapitre I 73

en cas de conflit entre deux dispositions, le spécial l’emporte sur le généraL. A titre d’exemple, certains confrontent 265 les prévisions des articles L. 228-40 et L. 228-92 du Code de commerce 266. Ce premier article, issu du droit commun des obligations simples, attribue au conseil d’administration, au directoire ou au gérant, la compétence pour autoriser l’émission d’obligations, là où l’article L. 228-92 confie ce rôle à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires en matière d’obligations donnant accès à des actions à émettre 267. Ces auteurs préconisent l’application du droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital, dont le caractère spécial l’emporte sur le régime, à vocation générale, des obligations simples.

Aussi flagrante est la distorsion entre l’article L. 228-72, propre aux obligations simples, et l’article L. 228-98, fondateur de la protection des droits attachés aux titres hybrides. Selon ce dernier :

« À dater de l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, la société appelée à attribuer ces titres ne peut modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 [...] ».

En somme, deux solutions se font face en cas d’émission de valeurs mobilières composées à base obligataire : premièrement, le régime des valeurs mobilières donnant accès au capital contraint l’émetteur à abandonner tout projet de modification de sa forme ou de son objet, à défaut d’autorisation des porteurs (L. 228-98 C. com.), alors que le régime propre aux obligations simples offre à l’émetteur la faculté de passer outre un refus des obligataires, en proposant le remboursement des investissements (L. 228-72 C. com.). Selon nous, s’il convient d’appliquer le régime du titre primaire pour toutes les questions irrésolues par les articles L. 228-91 et suivants, en revanche, en cas de conflit, nous accordons notre préférence au régime propre aux valeurs mobilières donnant accès au capital, faisant figure de règle spéciale, prévalant sur celles générales applicables aux obligations simples. Ainsi, l’émetteur de valeurs mobilières hybrides à base obligataire ne sera pas en mesure d’invoquer la faculté de passer outre, laquelle est mise en échec par les préconisations, à vocation dérogatoire, de l’article L. 228-98.

« les règles applicables au produit de base sont indispensables. Mais, ces régimes ne s’appliquent que sous réserve des dispositions régissant le titre composé lui-même ».Voir dans le même sens et dégageant une telle conclusion aux valeurs mobilières à base non obligataire, A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 206, p. 203.265 Le Comité juridique de l’ANSA considère que l’article L. 228-91 ne déroge pas au régime général d’émission des obligations. Voir ANSA, « Les dispositions de l’article L. 228-39 sont-elles applicables en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance lorsque la valeur primaire est une obligation ? », n° 05-037, 11 mai 2005.266 Ces deux dispositions semblent les seules qui présentent un conflit non explicitement dissout par le Code de commerce. On évoquera cependant, une réforme souhaitée et attendue par les praticiens, susceptible d’entraîner un conflit entre les mesures applicables aux valeurs mobilières donnant accès au capital et celles applicables aux obligations simples. Les acteurs économiques réclament depuis quelques années la suppression de l’obligation d’annulation des droits attachés aux titres composés après leur utilisation ou leur rachat par la société émettrice (art. L. 225-149-2 C. com.). Cette éventuelle suppression est susceptible d’entrer en conflit avec les prévisions de l’article L. 228-74, lequel prévoit que « les obligations rachetées par la société émettrice, ainsi que les obligations sorties au tirage et remboursées, sont annulées et ne peuvent être remises en circulation ».267 V. art. L. 228-92 C. com., issu de l’ord. 31 juill. 2014.

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74 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

Toutefois, le contrat d’émission, conformément à la liberté ouverte par l’article L. 228-98 268, pourra réintroduire le « passer outre » de l’article L. 228-72 du Code de commerce. En pratique, diverses sociétés ont entériné cette lecture dans la rédaction de leur contrat d’émission 269.

La rédaction de l’article L. 228-106 vient conforter l’analyse de la complémentarité de ces régimes et non soutenir leur altérité. Selon nous, c’est en raison de cette ambivalence de régimes (spécial et général) que le législateur a pris le soin d’écarter explicitement l’application de l’article L. 228-65, propre aux obligations simples dans le domaine des restructurations 270. À défaut de l’exclusion explicite inscrite à l’article L. 228-106, la masse des titres de nature intermédiaire (OCA, ORA, OEA) serait consultée sur tout projet de fusion ou de scission de la société. L’évitement de l’article L. 228-65, pourtant déjà explicitement écarté par l’article L. 228-103 en matière de titres non intercalaires (OBSA, BSA…), atteste (s’il est besoin de le démontrer davantage) la juxtaposition d’un régime applicable à la masse 271 des porteurs d’obligations de nature intercalaire, qu’il convient de distinguer de celui, plus restrictif, réservé aux titulaires des autres natures de valeurs mobilières donnant accès au capital.

En définitive, il conviendra d’appliquer le droit commun des titres primaires pour toutes les questions que ne règlent pas le droit commun des valeurs mobilières complexes ; ce dont il résulte notamment, pour l’émetteur, la nécessité de justifier de deux bilans régulièrement approuvés et d’un capital intégralement libéré lors de l’émission de valeurs mobilières composées à base obligataire (art. L. 228-39, al. 2 C. com.) 272.

268 Art. L. 228-98, 1er al. C. com. : « À dater de l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, la société appelée à attribuer ces titres ne peut modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 ». 269 Note d’opération, société S.T. Dupont, visa AMF n° 09-059, 17 mars 2009, n° 4.11, p. 27 ; note d’opération, société Unibail-Rodamco, visa AMF n° 09-104, 21 avr. 2009, n° 4.11, p. 36 ; note d’opération, société Foncière des Régions, visa AMF n° 11-155, 13 mai 2011, n° 4.17.7, p. 45.270 Contra : En 2005, Monsieur Th. BONNEAU s’interrogeait sur la pertinence de la mise à l’écart de l’article L. 228-65 dans la mesure, nous dit cet auteur, où cet article « ne fait pas partie des dispositions auxquelles renvoie l’article L. 228-103 » (Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, n° 56). Certes, il n’est pas renvoyé à cet article s’agissant de la masse constituée au profit des porteurs à base capitalistique ou fondée sur un bon. En revanche, la masse constituée au profit des porteurs à base obligataire bénéficie d’un renvoi plein et entier vers le régime de la masse des titulaires d’obligations simples, y compris donc l’article L. 228-65. À défaut de mise à l’écart explicite de cet article, un doute planerait sur son application en présence de titres complexes à base obligataire ; celle-ci nous apparait donc utile.271 Sur les brèches portées à l’unité du régime de la masse, et ses conséquences, voir infra n° 388.272 Sur cet avis, voir : A. DESCLEVES et J. MOUGEL, op. cit., p. 14 ; P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 19, p. 258 et A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 520, p. 295. Ces mêmes auteurs, tirant les conséquences de ce constat, poursuivent et considèrent que « toutes les valeurs mobilières composées sans exception sont visées par le dispositif spécial des articles L. 228-91 et suivants, de sorte qu’il sera nécessaire de se tourner vers les règles applicables aux titres primaires nommés (obligations ou actions) que pour combler les interstices laissés libres par le législateur » (v. A. COURET, H. LE NABASQUE, op. cit., n° 520, p. 295) Aussi, Madame A. GRENOT-DEVEDJIAN conclut à « la nécessité de recourir au régime du titre primaire pour toutes les questions que le régime légal des titres composés ne règle pas » (th. précit., n° 206, p.204). Voir dans le même sens ANSA, « Les dispositions de l’article L. 228-39 sont-elles applicables en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance lorsque la valeur primaire est une obligation ? », n° 05-037, 11 mai 2005, p. 3.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 75

29. - Difficultés de transposition de la jurisprudence « Métrologie International » à l’ensemble des émissions. À la différence des obligations simples et des actions, le bon de souscription ne dispose pas de droit commun 273. Dès lors, quel régime appliquer aux valeurs mobilières donnant accès au capital dont le titre primaire est un bon ? Il résulte de ce qui vient d’être exposé que si le bon est attaché à une obligation ou à une action (OBSA ou ABSA), le titre dans son ensemble se verra appliquer le droit commun du titre primaire. Par ailleurs, une fois l’accès au capital matérialisé 274, le régime du titre secondaire s’imposera, l’actionnaire disposant ainsi des attributs 275 qui découlent de cette qualité.

En 1988, un auteur formulait ainsi la difficulté considérée, sans véritablement y apporter de réponse : « avant la loi de 1985, les bons de souscription ne pouvaient pas être créés sans être rattachés à un titre, dont ils devenaient en quelque sorte l’accessoire. Par application de cette théorie de l’accessoire, ils participaient de la même nature juridique que leurs titres de rattachement, c’est-à-dire des valeurs mobilières. Mais, dès lors que les bons de souscription acquièrent une totale autonomie dès leur création, la théorie de l’accessoire ne peut plus s’appliquer. Il convient donc de s’interroger sur leur nature juridique intrinsèque » 276. Si le bon n’est attaché ni à une action ni à une obligation, il nous semble que, faute de droit commun du bon de souscription, le titre sera soumis aux dispositions communes à toutes valeurs mobilières 277 ainsi qu’au droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital 278.

La création de titres surcomposés soulève de nouvelles difficultés 279. En pareille hypothèse, la doctrine 280 considère que seul le régime du titre primaire 281 trouvera à

273 Monsieur A. PIETRANCOSTA dresse le constat suivant : « certes, lorsque le titre primaire de créance est une obligation, renvoi sera fait au régime général de la protection des obligataires ; mais il n’en va pas toujours ainsi, comme dans le cas des titulaires de bons donnant accès à d’autres titres de créance, qui font figure d’oubliés de la réglementation » (A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », Dr. soc. janv. 2005, p. 5).274 Sur la matérialisation du droit d’accès au capital, Monsieur P. LE CANNU considère, au sujet des obligations convertibles, qu’« il est raisonnable de penser que le droit de conversion permet à l’obligataire d’acquérir immédiatement les actions correspondantes ; dès qu’il a déclaré son intention de convertir, la qualité d’actionnaire lui appartient, même si elle n’est pas encore constatée » (voir P. LE CANNU, « L’acquisition de la qualité d’actionnaire », Rev. soc. juil.-sept. 1999, n° 26, p. 527).275 Ce n’est qu’après l’exercice de ses droits d’accès au capital que le porteur, devenu actionnaire, dispose des droits et obligations attachés à cette qualité : le droit aux bénéfices, aux réserves et au boni de liquidation, l’accès aux assemblées d’actionnaires, le bénéfice d’un droit préférentiel de souscription, la contribution aux pertes...276 S. DANA-DEMARET, Le capital social, th. Lyon, 1988, n° 216, p. 254.277 L. 228-1 à L. 228-6-3 du Code de commerce.278 L. 228-91 et suivants du Code de commerce.279 Sur la question de l’application du régime du titre primaire au titre composé avant l’ordonnance, par exemple du régime des BSA en présence d’une ABSOCA, nous renvoyons le lecteur aux réflexions suivantes : A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 211 et suivants. L’auteur consacre une part significative de ses recherches au régime applicable aux valeurs mobilières composées.280 Ainsi, Madame A. GRENOT-DEVEDJIAN considère que seule la valeur mobilière émise chronologiquement la première détermine le régime du titre, par nature indivisible (voir th. précit., n° 213, p. 209). Contra Th. BONNEAU, M. ANDREATOS, « Valeurs mobilières composées », Actes prat. mars-avr. 2005, n° 29, p. 9, selon lesquels « les titres composant la valeur mobilière composée obéissent au régime lié à leur nature. Ainsi, si le titre primaire est une action, on appliquera le régime des actions, et si c’est une obligation, on appliquera le régime des obligations ; il en va de même pour le titre secondaire ». Dans le même sens, voir A. TRAORE, Les incidences de la diversification des valeurs mobilières sur le droit de vote dans les sociétés par actions, th. Clermont-Ferrand, 2010, n° 149, p. 204.281 Il faut relever que des difficultés peuvent survenir à l’occasion de l’exercice d’identification du titre primaire. Comme le relève très justement Madame A. GRENOT-DEVEDJIAN, le « titre primaire » (une

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s’appliquer, préalablement à l’accès du porteur au capital. Tirant les conséquences de la jurisprudence « Métrologie International » et du souffle d’unification issu de l’ordonnance de 2004, l’AMF a écarté l’application en chaîne des régimes des titres surcomposés, par voie d’avertissements inclus dans diverses notes d’opération 282. Dans le même sens, et s’appuyant sur cet arrêt cardinal, l’ANSA 283 considérait au sujet des OCEANES « qu’en tout état de cause, le droit commun des obligations est applicable. Le Comité juridique, unanimement, considère que les OCEANES sont des valeurs mobilières composées relevant du régime général applicable à ces titres, prévu aux articles L. 228-91 et suivants. En conséquence, les OCEANES ne sont pas soumises aux dispositions spéciales applicables aux seules obligations convertibles ou échangeables ». Cette position, que nous accueillons favorablement, est légitimée par deux notions phares du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital : la nature monolithique 284 de ces titres et la volonté d’unification portée par les rédacteurs de l’ordonnance de 2004.

Ce souhait d’unification fut complété par un vœu de libéralisation des valeurs mobilières donnant accès au capital. L’association de ces paramètres avait pour objectif de favoriser l’essor des valeurs mobilières donnant accès au capital. Nous proposons de nous consacrer désormais à ce second pan de la refonte de 2004.

valeur mobilière simple) sur lequel repose le régime du titre composé ne doit pas être confondu avec le « titre composé du support » (par exemple un bon de souscription dans le cadre d’un BSOCA).282 V. les avertissements de l’AMF, avant et après l’ordonnance de 2004, sur l’exclusion de l’application des règlementations des obligations échangeables et des obligations convertibles en actions en cas d’émission d’OCEANE : Cegid, visa COB, n° 99-1322 du 25 oct. 1999 ; Pernaud-Ricard, visa COB n° 02-103 du 5 févr. 2002 ; Publicis Group SA, visa AMF n° 03-646 du 8 juil. 2003 ; Accor, visa AMF, n° 03-902 du 16 oct. 2003 ; SR.Teleperformance, visa AMF n° 03-1069 du 3 déc. 2003 ; Club Méditerranée, visa AMF n° 04-860 du 27 oct. 2004 ; Ausy, visa AMF n° 05-120 du 25 févr. 2005 ; Groupe Finuchem, visa AMF n° 05-124 du 2 mars 2005 ; Air France, visa AMF n° 05-259 du 14 avr. 2005 ; Ingenico, visa AMF n° 05-313 du 27 avr. 2005 ; Cap Gemini, visa AMF n° 05-564 du 16 juin 2005. 283 ANSA, « OCEANES (sic) : quel régime juridique, quelle protection des droits des porteurs », n° 04-045, 5 mai 2004. Sous le régime antérieur à la réforme de 2004, Messieurs A. COURET et H. LE NABASQUE considéraient cependant qu’« était au moins applicable le droit commun des obligations (art. L. 228-38 à 228-90) et plus généralement devait s’appliquer cumulativement les règles de droit commun auxquelles étaient soumises chacune des composantes de la valeur mobilière complexe » et qu’à la suite de l’ordonnance, « il n’y aura plus désormais qu’un régime unifié » (A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 625, p. 254).284 Cette vision est confortée par la récente réforme qui conduit à intégrer les valeurs mobilières donnant ou pouvant donner accès au capital à la catégorie juridique autonome des « titres de capital ». Selon l’ordonnance de 2009, c’est bien le titre hybride, dans son ensemble, qui constitue un titre de capital. Préalablement à cette réforme, un nombre important d’auteurs défendaient le caractère intrinsèque des valeurs mobilières composées. Voir par exemple Monsieur Y. GUYON, Les sociétés-Traité des contrats, 5ème éd., LGDJ, 2002, n° 74, p. 139, selon lequel « ces titres ont une nature juridique originale sinon déconcertante car, bien que comprenant plusieurs éléments disparates, ils constituent, lors de leur émission, un produit unique et indivisible. L’éclatement n’a lieu que postérieurement, au gré du titulaire ».

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Partie I – Titre I – Chapitre I 77

Section 2 liberté de créer deS valeurS MobilièreS donnant accèS au capital

La pratique est source du droit financier 285, à tel point que certains doutent qu’il y ait une place pour d’autres sources 286. Le domaine des valeurs mobilières donnant accès au capital est particulièrement imprégné de l’innovation des agents économiques. Alors que certaines d’entre elles s’inspirent directement de l’imagination des émetteurs, nous proposons de porter notre attention sur l’étendue de la liberté dont ils disposent (I). En particulier, les constructions en marge des articles L. 228-91 à L. 228-93 du Code de commerce retiendront notre attention. Nous sommes en effet invités à apprécier la validité des promesses d’actions à émettre d’une société tierce, irrespectueuses de la condition de détention majoritaire du capital de la société dans laquelle les droits sont appelés à être exercés 287. Nous verrons que trois courants doctrinaux se font face. Un premier conclut au caractère illicite de telles émissions, faute d’encadrement légal. Certains auteurs considèrent en revanche qu’à défaut de satisfaire aux articles précités, l’émission serait régie par le droit commun des obligations. Enfin, selon un troisième courant, plus libéral, de telles opérations seraient admises en vertu de la liberté contractuelle. Nous apprécierons tour à tour ces trois analyses, lesquelles appellent une approche actualisée au regard de la réécriture de l’article L. 211-2 du Code monétaire et financier. En effet, l’ordonnance de 2009 a supprimé l’ancienne exigence imposant que les valeurs mobilières donnent accès « à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine ». En outre, l’ordonnance du 31 juillet 2014 invite à une nouvelle approche de la problématique, en raison de la faculté offerte, depuis lors, d’émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital d’une société tierce, avec laquelle la condition de détention de la majorité du capital n’est pas satisfaite, voire avec laquelle il n’existe aucun lien en capital.

Ces développements mettront en exergue la diversification des créations de la pratique depuis 2004. Nombreuses sont celles qui reposent désormais sur la remise à terme de titres existants. Nous serons conduits à nous demander si cette circonstance ne mériterait pas un traitement singulier, en termes de protection, par comparaison aux contrats d’option portant sur une augmentation de capital (§2). Dans ce premier cas, la situation des porteurs s’apparente à celle de bénéficiaires d’une option de cession à terme. En revanche, dans la configuration d’une émission différée, l’émetteur s’engage

285 Sur cette observation, voir notamment Monsieur A. PIETRANCOSTA, selon lequel la régulation s’impose comme un concept clé. Il s’agit désormais, moins de prendre directement en charge et de gérer les activités concernées, que d’encadrer ou de relayer l’initiative privée. Voir A. PIETRANCOSTA, « La modernisation des voies de l’harmonisation européenne du droit boursier », Petites aff., n° 200, 6 oct. 2004, p. 3. Le même auteur considère : « la plume a visiblement changé de mains : les juristes se sont effacés derrière les financiers, le ministère de la justice, dans l’initiative des réformes et l’élaboration des normes, derrière celui de l’économie et des finances, plus ouvert, dit-on, à des “constructions peu orthodoxes” et libérales ». V. A. PIETRANCOSTA, Le droit des sociétés sous l’effet des impératifs financiers et boursiers, th. Paris 1, 1999, n° 7, p. 4.286 Sur ce constat, voir F. DRUMMOND et Y. SCHMIDT, « Les manifestations en droit financier », Petits aff., n° 237, 27 nov. 2003, n° 2, p. 22. 287 V. art. L. 228-93, 1er al. C. com., issu ord. 31 juill. 2014 : « Une société par actions peut émettre des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre par la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou par la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital ».

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à créer les actions promises. Cette divergence opérationnelle ne justifierait-elle pas un traitement individualisé de la sauvegarde des droits sous option ?

§1 - Portée de la liberté

L’ordonnance du 24 juin 2004 288 a permis le franchissement d’une étape primordiale : elle autorise la création de toute valeur mobilière donnant accès au capital en supprimant les références antérieures, bien que non limitatives, au mode d’accès au titre secondaire. Aux yeux d’une large partie de la doctrine, cette liberté est restreinte par la seule frontière de l’imagination des acteurs économiques.

Nous proposons, dans un premier temps, d’apprécier l’étendue de cette liberté (I). Sa portée constitue un enjeu de taille pour les agents financiers, lesquels pourraient solliciter la nullité d’une émission non circonscrite aux prévisions des articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce. À cette occasion, nous aborderons la problématique de la création de valeurs mobilières donnant accès à des actions nouvelles d’une société n’appartenant pas au groupe de l’émetteur. Nous sommes invités à apprécier la validité de ces émissions, laquelle est tributaire de l’étendue de la liberté concédée aux émetteurs.

Sous l’angle de la sauvegarde des droits promis, notre éventuelle adhésion à ces émissions appelle quelques développements. Faute d’être encadrées par le régime d’émission des articles L. 228-91 à L. 228-94, de telles émissions jouissent-elles des mesures de protection orchestrées par l’article L. 228-99 ? En outre, les interdictions absolue et relatives régies par les articles L. 228-98 et L. 228-99 sont-elles vouées à s’appliquer ? Voici autant de questions auxquelles nous tâcherons de répondre (II).

I - Consécration de la liberté d’émettre

30. - Degré de liberté conféré par l’ordonnance du 24 juin 2004 289. Dans une première approche, la doctrine 290 a vu dans l’ordonnance de 2004 la levée des freins à la liberté de créer toute valeur mobilière donnant accès au capital. Encore faut-il

288 Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004.289 Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004.290 Dans ce sens, voir F. DRUMMOND, « Un nouveau principe : la liberté d’émettre toutes valeurs mobilières », RDBF sept.-oct. 2004, n° 3, p. 361 : « L’ordonnance met un terme au débat de manière radicale. Le législateur ne desserre pas le carcan réglementaire, il n’octroie pas de nouvelles autorisations, il n’ouvre pas davantage les existantes : il renverse le principe, réintroduit la liberté contractuelle : l’émetteur ne pouvait émettre que dans le cadre des autorisations légales, celles-ci sont supprimées, il peut aujourd’hui émettre “toutes valeurs mobilières”. “Tout type de valeurs mobilières” précise le Rapport au Président de la République. Le gouvernement fait ainsi droit aux revendications des associations professionnelles qui réclamaient la consécration du droit pour les sociétés commerciales d’émettre des valeurs mobilières de “toute nature”. Le saut est qualitatif plus que quantitatif, le changement de nature plus que de degré ». V. F. DRUMMOND, « Un nouveau principe : la liberté d’émettre toutes valeurs mobilières », RDBF sept.-oct. 2004, n° 3, p. 361. V. Monsieur H. HOVASSE, selon lequel, avec la loi de 1985, « la direction est clairement tracée : c’est la liberté de concevoir toutes valeurs mobilières, manifestation plus générale du renouveau de la liberté contractuelle en droit des sociétés », in H. HOVASSE, « La diversification des valeurs mobilières émises par les sociétés », Dr. soc. 2000, n° 12, p. 26. Monsieur Th. BONNEAU fait, lui, référence à une liberté de création qui « paraît ainsi totale » (Th. BONNEAU, « Titres donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance », Dr. soc. août-sept. 2004, p. 27). Voir aussi B. ZABALA, op. cit., p. 56 et A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 99, p. 124 pour lesquels la suppression de la liste énumérative ou indicative des modes d’accès au titre secondaire révèle la volonté du législateur de laisser aux émetteurs

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Partie I – Titre I – Chapitre I 79

rappeler 291 que les mesures d’ordre public continuent de fixer les contours de cette liberté. Citons à ce titre, notamment, la prohibition des clauses léonines (art. 1844-1 du Code civil), le droit à une préférence à l’occasion d’une augmentation de capital (art. L. 225-132 du Code de commerce), le droit pour l’associé de participer aux décisions collectives (art. 1844 du Code civil), la faculté de révoquer librement les dirigeants (art. L. 225-18, L. 225-55 et L. 225-61 du Code de commerce)...

Une fois le cadre de l’ordre public rappelé, il semble que le législateur ait confié aux acteurs économiques la sphère de liberté qu’ils sollicitaient (A). Faisant usage de ce périmètre de liberté, certains vont jusqu’à considérer que l’obtention d’un titre secondaire n’est pas l’unique inspiration du régime des valeurs mobilières composées 292. Aussi, la doctrine 293 a imaginé un schéma selon lequel le titre primaire serait une valeur mobilière ordinaire qui, à compter d’une certaine date ou d’un certain événement, portera un bon de souscription. Selon Monsieur P. LE CANNU, dans cette hypothèse, le titre sera « transformé », sans faculté pour le porteur de ne pas recevoir le bon s’il détient le titre en portefeuille lors de l’arrivée du terme ou de la survenance de l’événement. Face à la libéralisation consacrée, il convient de s’interroger sur les éventuelles limites faites à cet espace de liberté afin d’en apprécier l’étendue (B).

A. Étapes de l’unification et de la libéralisation des émissions

31. - Approche historique des étapes vers la libéralisation 294. Les premières valeurs complexes furent réglementées dès 1953 295. Il s’agissait des obligations convertibles en actions, reposant alors sur un mécanisme novateur 296. D’autres configurations audacieuses ont ensuite été proposées, à l’instar des obligations échangeables en actions 297. Postérieurement, ont été imaginés des mécanismes au travers desquels le

toute liberté quant au choix du mode d’accès au titre secondaire, sous réserve seulement de l’interdiction de décapitalisation. Voir aussi V. MERCIER, « Valeurs mobilières », Dict. Joly soc. oct. 2008, n° 730, p. 22.291 V. notamment Monsieur Y. GUYON, dressant le constat de réactions qui « paraissent témoigner d’une conception assez inquiétante du droit des sociétés, selon laquelle tout ce qui ne serait pas autorisé par la loi serait interdit et où les sociétés cotées ne pourraient pas prendre la moindre initiative sans avoir l’accord de la COB, du CBV ou même du législateur. Or, la situation est exactement inverse. Même si les dispositions législatives et réglementaires contraignantes sont nombreuses – trop nombreuses même – le principe demeure que les statuts d’une société peuvent contenir toutes les stipulations qui ne dérogent pas à l’ordre public » (Voir notamment ANSA, « Dividende majoré en faveur des actionnaires stables - L’avis de Monsieur Y. GUYON », n° 2648, mai-juin 1993, p. 4).292 Ainsi, Monsieur Th. BONNEAU se demande si l’obtention d’un titre secondaire est l’unique dessein poursuivi par les valeurs mobilières donnant accès au capital. Ainsi, pourrait-on imaginer une valeur mobilière donnant accès à une option, en titre et espèce ? (Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, n° 19).293 P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 21, p. 259.294 Pour un historique complet des évolutions législatives, voir P. DIDIER, Droit commercial, La monnaie-Les valeurs mobilières-Les effets de commerce, t. 3, PUF, 1999, p. 112 et s et Y. GUYON, Les sociétés-Traité des contrats, 5ème éd., LGDJ, 2002, n° 71, p. 133 et s. Nous renvoyons également à notre présentation, supra n° 1.295 L. n° 53-148 du 25 févr. 1953.296 L’emprunteur est redevable des obligations traditionnelles qui incombent à l’emprunteur obligataire, à savoir le service de l’intérêt et le remboursement du capital dans les conditions fixées dans le contrat d’émission. Mais, à ces obligations traditionnelles viennent s’ajouter, à terme, une promesse d’émettre des actions nouvelles, laquelle s’accompagne d’une obligation de les proposer à la souscription des obligataires.297 L. du 24 juil. 1966.

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80 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

titre primaire, « hôte » 298 du titre secondaire dérivé, ne serait pas supprimé 299 par voie de conversion, de remboursement ou d’échange. La pratique des affaires a débouché sur la création d’innovants mécanismes conférant à leur titulaire des droits donnant accès au capital. Jusqu’en 1985, le législateur conserva le monopole de la création de ces titres, contraignant les émetteurs à opérer un choix entre des titres nommés 300, dont les régimes juridiques étaient juxtaposés, créant ainsi un véritable « capharnaüm juridique » 301.

Par pragmatisme, la loi du 14 décembre 1985 302 a instauré un régime dit « par défaut », auquel toute création était soumise en l’absence d’encadrement juridique spécial. Ainsi, « la loi du 14 décembre 1985 a marqué une étape essentielle dans cette évolution en ouvrant une large fenêtre d’autorisation de création de titres composés innommés » 303. La loi confère aux émetteurs « un espace de libre création » 304 des valeurs mobilières donnant accès au capital. Confirmant les attentes des acteurs économiques, les émissions de valeurs mobilières donnant accès au capital ont connu un véritable essor à compter des années 1980 305. Les sociétés marquent ainsi leur préférence pour le « sur mesure » plutôt que le « prêt à émettre » 306. Néanmoins, cette accumulation successive de textes, sans effort d’harmonisation, fut très critiquée, car considérée comme source d’insécurité juridique 307. Paradoxalement, en marge de la création d’un régime par défaut, la loi de 1985 a introduit une nouvelle variété de titres nommés : les bons de souscription d’actions. Il était donc légitime de s’interroger sur la portée de la

298 D. OHL, Droit des sociétés cotées, 3ème éd., Litec, 2008, n° 320, p° 197.299 Ce dispositif présente l’avantage, judicieux, de ne pas contraindre son titulaire au choix entre la qualité d’obligataire et d’actionnaire pendant la vie du titre. Il profitera ainsi de la hausse éventuelle des obligations ou des actions ainsi que de la répartition de ses risques financiers. De son côté, l’émetteur profite également des avantages de l’opération en réalisant deux opérations de financement : un emprunt obligataire et une augmentation de capital qui lui procure des fonds propres.300 F. DRUMMOND, « Un nouveau principe : la liberté d’émettre toutes valeurs mobilières », RDBF sept.-oct. 2004, n° 3, p. 361.301 A. COURET, « La loi n° 85-1321 du 14 décembre 1985 modifiant diverses dispositions du droit des valeurs mobilières, des titres de créance négociables, des sociétés et des opérations de bourse », Bull. Joly 1986, p. 18.302 L. n° 85-1321, JO du 14 déc. 1985.303 F. DRUMMOND, op. cit., n° 3, p. 361. Dans le même sens, Monsieur A. COURET relevait « l’extrême importance » de la réforme, illustrant « la vision très libérale du droit des sociétés » (A. COURET, op. cit., p. 18).304 A. PIETRANCOSTA, Le droit des sociétés sous l’effet des impératifs financiers et boursiers, th. Paris 1, 1999, n° 291, p. 156.305 N. MOURGUES, Capitaux propres et quasi-fonds propres, Economica, 1996, p. 54 ; H. HOVASSE, « La diversification des valeurs mobilières émises par les sociétés », Dr. soc. 2000, n° 181 ; A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 620, p. 252 ; A. PIETRANCOSTA, « Révision des procédures de contrôle de l’information financière et de la délivrance du visa à l’occasion des appels publics à l’épargne », RDBF, n° 5, sept. 2002, p. 205 ; D. OHL, Droit des sociétés cotées, 3ème éd., Litec, 2008, n° 319, p. 196 et Ph. MERLE, Droit commercial-sociétés commerciales, 14ème éd., Dalloz, 2010, n° 346, p. 412.306 Usant de ces expressions, fort à propos, voir A. PIETRANCOSTA, Le droit des sociétés sous l’effet des impératifs financiers et boursiers, th. Paris 1, 1999, n° 290, p. 155.307 Etablissant ce constat, en avril 1993, la Commission juridique du CNPF, a présenté un rapport sur la réforme des procédures d’émission des titres de capital et du régime des valeurs mobilières. Voir aussi sur cette problématique Messieurs H. HOVASSE et J. PRIEUR, lesquels relevaient en 1997 que « l’élaboration de la législation sur les titres complexes, marquée par des étapes successives, a fait naître des sources de complexité, d’incohérence voire de contradictions » (H. HOVASSE et J. PRIEUR, « Titres complexes et capitaux propres des sociétés non cotées », Dr. soc., n° 31, janv.-févr. 1997, n° 24, p. 10). V. également A. COURET, H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, p. 157.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 81

liberté de création offerte aux émetteurs : s’agissait-t-il d’une liberté consacrée ou alors d’une simple faculté de constituer de nouveaux titres sur la base d’une combinaison de titres existants et réglementés 308 ?

B. Liberté consacrée par l’ordonnance du 24 juin 2004

32. - Une liberté au service de la modernisation. À défaut de régime d’émission et de protection uniforme, les dirigeants sociaux se sont montrés prudents en s’imposant l’application de mesures détaillées, prévues en matière d’obligations avec bons de souscription d’actions 309. Dans la continuité de cette unification de fait, l’ordonnance du 24 juin 2004 310 a finalement instauré un régime légal de droit commun, principalement imprégné des règles relatives aux OBSA, OCA et OEA. Ce tronc commun permet désormais aux émetteurs d’imaginer des outils de financement sui generis 311. Le décret du 11 décembre 2006 312 a poursuivi cet effort d’unification en mettant fin à l’essentiel du droit spécial qui régissait antérieurement la protection des bénéficiaires d’options de souscription ou d’achat d’actions. Aux règles propres aux options qui, par leur caractère spécial concouraient à la complexité, sont désormais préférées les règles plus générales applicables aux valeurs mobilières composées 313. Ainsi, l’ambitieuse réforme du 24 juin 2004 a été conçue comme celle permettant aux acteurs économiques de « créer les titres dont ils ont besoin tout en disposant d’une sécurité juridique quant à leur régime » 314.

308 Sur cette problématique, v. A. REYGROBELLET, La notion de valeur mobilière, th. Paris 2, 1995, p. 320 ; Th. BONNEAU et M. ANDREATOS, « Valeurs mobilières composées », Actes prat. mars-avr. 2005, n° 26, p. 9 et F.-D. DANNENBERGER, La liberté de créer des valeurs mobilières donnant accès au capital, th. Strasbourg, 2007, n° 106, p. 82.309 F. PELTIER, « Les emprunts obligataires assortis d’un mécanisme d’accès au capital d’un filiale de l’émetteur », RDBB janv.-févr. 1993, n° 35, p. 44, selon lequel « les émetteurs, sous l’impulsion de la COB, ont fait des dispositions légales propres aux obligations à bons de souscription, obligations convertibles et échangeables, une sorte de standard en matière de protection des droits de l’actionnaire potentiel dans une valeur mobilière composée, quelle qu’elle soit ». Voir aussi du même auteur, « La nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP éd. E 1992, n° 155, p. 181 ; A. COURET, J.-L. GUILLOT, F. PELTIER, « Les emprunts obligataires donnant droit à des actions », Actes prat. janv. 1993, n° 8, p. 1 ; H. HOVASSE et J. PRIEUR, « Titres complexes et capitaux propres des sociétés non cotées », Dr. soc., n° 31, janv.-févr. 1997, n° 24, p. 10 ; A. COURET, H. LE NABASQUE, op. cit., n° 653-2, p. 266 et A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », Dr. soc. janv. 2005, p. 5.310 Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004.311 F.-R. DANNENBERGER, th. préc., n° 105, p. 81.312 Décret n° 2006-1566 du 11 décembre 2006, JO du 12 décembre 2006.313 Sur l’articulation de ces deux régimes en matière de stock-options, voir infra n° 308.314 Rapp. au Président de la République, « relatif à l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales », p. 1. Voir sur cette question F. DRUMMOND, « Un nouveau principe : la liberté d’émettre toutes valeurs mobilières », RDBF sept.-oct. 2004, n° 1, p. 361. Voir également F.-R. DANNENBERGER, th. préc., n° 242, p. 143, selon lequel « la liberté de créer des titres de capital et des titres donnant accès au capital permet des combinaisons qui, selon toute vraisemblance, offriront aux émetteurs la possibilité de mettre en place les montages les plus complexes, de nature à favoriser une négociation faciale avec les partenaires de leur développement. Sur les marchés, le goût des investisseurs pour les produits sophistiqués pourra, lui aussi, être satisfait ». Voir aussi Monsieur B. ZABALA selon qui « l’ordonnance du 24 juin 2004 marque la libéralisation maîtrisée des conditions d’émission des valeurs mobilières composées, destinées à procurer la flexibilité et la souplesse réclamée par les émetteurs » (B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 50).

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Deux avancées remarquables se dégageaient de l’ordonnance de 2004. Premièrement, la réforme a été marquée par la volonté de supprimer toute catégorie de valeurs mobilières composées, pour ne retenir qu’une catégorie générique : celle des valeurs mobilières donnant accès au capital. L’objectif poursuivi était celui d’offrir un cadre juridique unifié 315 aux acteurs économiques qui sollicitaient le marché dans une perspective de renforcement de leurs fonds propres. Monsieur Y. GUYON 316 exprimait ainsi la nécessité d’un cadre général de liberté : « la mondialisation de l’économie et le progrès des techniques ont pour conséquence que les associés peuvent de moins en moins souvent se satisfaire de l’adoption de modèles sociétaires préétablis entre lesquels ils se bornaient à choisir, sans pouvoir les modifier ou les adapter ».

Aussi, la réforme de 2004 franchit un nouveau pas vers la libéralisation de la création des valeurs mobilières. La formulation de l’article L. 228-1 du Code de commerce consacre cette libéralisation : « les sociétés par actions émettent toutes valeurs mobilières dans les conditions de ce présent livre ». Ainsi, une quasi-infinie perspective de liberté est offerte aux émetteurs où, semble-t-il, tout ce qui n’est pas interdit est permis 317. Dit autrement, « la liberté est le principe et tout ce qui n’est pas contraire à l’ordre public est par conséquent permis » 318. Parallèlement, l’ordonnance de 2004 a supprimé la traditionnelle référence au mode d’accès au titre secondaire, rompant ainsi avec la formulation énumérative (et donc limitative) de la loi de 1985, qui encadrait les titres donnant accès au capital « par conversion, échange, remboursement, présentation d’un bon ou de toute autre manière ». On relèvera cependant que toute référence au mode d’accès au titre secondaire

315 Mettant en avant la complexité juridique due à la disparité des régimes juridiques avant l’ordonnance de 2004, voir le Livre Blanc, Comité de droit financier, Paris Europlace, « Proposition pour une classification rationnelle des instruments financiers », déc. 2003, p. 26, accessible sur http://www.paris-europlace.com et P. BISSARA et J.-P. BOUERE, « Les propositions du CNPF de modernisation du régime des émissions de titres de capital », Bull. Joly janv. 1994, p. 9. Sur l’effet d’unification consacré par l’ordonnance du 24 juin 2004, voir notamment : J.-M. LEPETRE et G. KELLNER, « La réforme du régime des valeurs mobilières : simplicité, souplesse et liberté au service des émetteurs », Option fin. 19 juil. 2004, n° 794, p. 26 : « Ce regroupement de l’ensemble des VMC au sein d’un seul et même régime était attendu de longue date et ne peut qu’être salué par les sociétés. Il aura le mérite de limiter les interférences juridiques dans le choix du type de valeurs mobilières à émettre, pour se concentrer sur les aspects financiers de l’émission ». Du même avis, voir M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-Ph. DOM, S. GAILLET, F. LE ROCQUAIS et M. SUPIOT, « Unification des procédures d’émission - Le régime et l’émission des valeurs mobilières après l’ordonnance de 2004 : les valeurs mobilières », Actes prat. sept.-oct. 2004, n° 64, p. 16 et B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, n° 676, p. 50.316 Y. GUYON, « Liberté contractuelle et droit des sociétés », RJ com. avril 2003, n° 4, p. 147.317 Sur cet avis, v. F. DRUMMOND, op. cit., n° 8, p. 362. ; J.-P. BERTREL, « Liberté contractuelle et sociétés », RTD com. oct.-déc. 1996, p. 609. Voir aussi sur cette question, ANSA, « OCEANES (sic) : quel régime juridique, quelle protection des droits des porteurs », n° 04-045, 5 mai 2004. Le Comité juridique de l’ANSA validait le principe des émissions des OCEANES avant l’ordonnance de 2004 au motif que « si aucun texte n’autorise expressément la création de valeurs mobilières complexes donnant droit à des titres existants, aucun texte ne l’interdit non plus : cette pratique doit être considérée comme licite ». V. aussi B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. juil.-sept. 2004, n° 7, p. 585.318 Y. GUYON, « Liberté contractuelle et droit des sociétés », RJ com. avril 2003, p. 147.

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n’a pas été supprimée de la réglementation 319. Or, cette survivance n’est pas sans conséquence 320.

L’ordonnance du 8 janvier 2009 321 a permis le franchissement d’une nouvelle étape dans le processus de libéralisation. Auparavant, l’article L. 211-2 du Code monétaire et financier disposait que « constituent des valeurs mobilières, les titres […] qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine ». Depuis l’ordonnance, toute référence au capital social ou au patrimoine de l’émetteur a été abandonnée. Si l’on pouvait considérer que les titres devaient impérativement donner accès au capital de l’émetteur lui-même 322, sauf prescriptions contraires auxquelles il fallait donc se conformer, depuis l’ordonnance de 2009, la voie de la liberté semble ouverte, ce qui nous amène à appréhender les émissions intragroupe.

II - Titres créés en marge des articles L. 228-92 à L.228-94

La réforme de 2004 a permis de lever certaines interrogations sur lesquelles nous ne nous étendrons pas. Nous pouvons toutefois rappeler la précédente condition d’admission aux négociations des titres de l’émetteur. Source de discrimination parmi les sociétés par actions, cette contrainte a été effacée par la refonte de 2004 323. La faculté d’émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital est désormais offerte à toutes les sociétés par actions, peu important qu’elles soient ouvertes ou fermées 324. Aussi, on relèvera que, pour laisser libre court à l’imagination des acteurs économiques,

319 On notera cependant que certains textes consacrent toujours le mode d’accès au titre secondaire tel l’article L. 228-103, selon lequel « Lorsque les valeurs mobilières émises en application de la présente section sont des obligations destinées à être converties ou remboursées en titres de capital ou échangées contre des titres de capital, les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent article sont applicables à la masse créée en application de l’article L. 228-46 ». On citera aussi l’article 219 du Code général des impôts, relatif au calcul de l’impôt sur les bénéfices, aux termes duquel : « Lorsque les actions ou parts cédées ont été reçues dans le cadre d’un échange, d’une conversion ou d’un remboursement d’un titre donnant accès au capital de la société, le délai de deux ans de détention des actions est décompté à partir de l’acquisition du titre donnant accès au capital ». Aussi, l’article L. 214-43 du Code monétaire et financier dispose que, « pour la réalisation de son objet, un organisme de titrisation peut détenir, à titre accessoire, des titres de capital reçus par conversion, échange ou remboursement de titres de créance ou de titres donnant accès au capital ».320 V. infra n° 388.321 Ord. n° 2009-15 du 8 janvier 2009, art. 1.322 Ainsi, l’on a pu lire : « Ainsi les valeurs mobilières visées à l’article L. 228-91 du code de commerce sont celles qui sont émises par la société émettrice et qui donnent accès au capital ou droit de créance général sur le patrimoine de cette même société […]. Par exception, l’article L. 228-93 étend le champ d’application de l’article L. 211-2 du Code monétaire et financier au groupe au sens étroit, en visant les titres donnant accès au capital d’une société contrôlante ou contrôlée au sens de la détention directe ou indirecte de plus de la moitié du capital » (ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 2).323 L’ancien régime d’émission des obligations échangeables en actions était réservé aux sociétés dont les titres étaient admis aux négociations sur un marché réglementé.324 On rappellera le point de vue différent de Monsieur Y. GUYON selon lequel : « En droit des sociétés, la situation est contrastée et évolutive en raison d’une opposition entre une aspiration à plus de liberté mais une nécessité tout aussi impérieuse de maintenir un ordre public minimum, même si celui-ci est compatible avec une dépénalisation. L’avenir passera probablement par une distinction plus marquée entre les sociétés fermées, où la liberté contractuelle pourrait être le principe, et les sociétés faisant publiquement appel à l’épargne qui

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l’ordonnance a supprimé les contraintes légales 325 temporelles qui encadraient l’option d’accès aux titres secondaires 326. On évoquera à ce titre, restreignant la liberté des émetteurs, que l’ancien article L. 228-95 du Code de commerce imposait l’émission des actions sous-jacentes dans les cinq années suivant la création de BSA avec suppression du DPS. En revanche, les limites posées à l’article L. 228-93 demeurent, elles, problématiques (A). Les acteurs économiques s’interrogent sur la faculté de s’en écarter, ce à quoi la doctrine et l’Autorité des marchés financiers répondent en partie (B). Nous consacrerons la seconde partie de notre étude à l’appréciation de leurs conclusions et recommandations.

A. Incertitudes soulevées par l’article L. 228‑93

33. - Émission de « titres » donnant accès au capital d’une société tierce. Profitant du cadre de liberté qui leur était offert, les acteurs économiques ont imaginé et envisagé la mise en place de mécanismes d’accès différé au capital d’une société distincte, appartenant au même groupe. L’article L. 228-93 du Code de commerce, avant la réforme de 2004, ouvrait cette voie 327 dans le seul sens ascendant et permettait ainsi l’émission de titres donnant accès au capital d’une société mère. La doctrine s’interrogeait légitiment sur le caractère réciproque de cette faculté et cherchait à savoir si, faute de prévision légale, la voie descendante devait être écartée. Depuis l’ordonnance du 24 juin 2004 328, qui a « bilatéralisme » 329 les émissions intragroupe, la société mère est autorisée à émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital de sa filiale. La formulation issue de l’ordonnance a ainsi permis de lever certaines incertitudes. Néanmoins, aujourd’hui – comme avant 2004 – la doctrine continue de s’interroger sur la validité des émissions intragroupe réalisées dans l’irrespect des prévisions posées par l’article L. 228-93. L’article précité prévoit que ces émissions ne sont autorisées que sous réserve d’une détention majoritaire du capital de la société dans laquelle les droits sont appelés à être exercés (la condition étant réservée, depuis l’ordonnance du 31 juillet 2014, aux valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre). Les émissions opérées dans l’irrespect de cette condition posent un nombre important

resteraient soumises à une réglementation plus contraignante » (Y. GUYON, « Liberté contractuelle et droit des sociétés », RJ com. avril 2003, n° 4, p. 158).325 L’ordonnance avait pour objectif notamment de soumettre les éventuelles contraintes temporelles à la sphère contractuelle, « pour permettre aux émetteurs de les prévoir dans les contrats d’émission et ainsi de les adapter à leurs besoins spécifiques » (Rapp. au Président de la République, « relatif à l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales », p. 10). Ainsi, par exemple, depuis l’ordonnance de 2004, il est possible de prévoir que la période d’exercice de bons excède la durée de vie des obligations (v. A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 540, p. 308).326 Sur la suppression des contraintes temporelles, v. F.-R. DANNENBERGER, La liberté de créer des valeurs mobilières donnant accès au capital, th. Strasbourg, 2007, n° 187, p. 119.327 Selon Monsieur F.-R. DANNENBERGER, les prévisions de l’article L. 228-93 constituent une « variation » par rapport au tronc commun posé à l’article L. 229-91. Selon cet auteur, la formulation de l’article L. 228-93 permet de déroger au droit commun des valeurs mobilières, lesquelles sont représentatives immédiatement ou à terme, dans une conception classique, du capital de l’émetteur (F.-R. DANNENBERGER, th. précit., n° 114, p. 86).328 Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004.329 Sur l’usage de ce vocable, v. notamment B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 52.

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de difficultés juridiques et pratiques, parmi lesquelles figure la problématique du régime associé à ces opérations.

La figure de l’émission de titres donnant accès à des actions à émettre d’une société n’appartenant pas au groupe de l’émetteur soulève de nouveaux écueils. De telles prévisions s’affranchissent du champ proposé par l’article L. 228-93, qui impose une détention d’au moins la moitié du capital de la société dans laquelle les droits sont appelés à être exercés. Cette condition est assurément non remplie lorsque le titre primaire donne accès à des actions nouvelles d’une société tierce.

B. Les approches de la doctrine et du régulateur

34. - Le point de vue de la doctrine. Dans un premier temps, nous proposons d’apprécier l’adéquation de telles émissions avec les prévisions de l’article 1841 du Code civil 330. Selon cet article, il est interdit aux sociétés, non autorisées par la loi, de procéder à une offre au public de titres financiers ou d’émettre des titres négociables, sous peine de nullité des contrats conclus ou des titres émis. Concernant les titres complexes – non régis par des textes législatifs préétablis mais encadrés par les recommandations des anciens COB et CMF – certains auteurs 331 ont fort justement écarté la nullité de l’article 1841 du Code civil. Celui-ci a pour finalité de sanctionner les opérations réalisées par des sociétés non autorisées (et nullement les opérations elles-mêmes non autorisées). L’objet de l’autorisation légale inscrite dans l’article précité porte sur la société et non sur l’opération d’offre au public ou l’émission de titres négociables. Dès lors, la sanction de l’article 1841 doit être écartée. Elle est inapplicable aux émissions de valeurs mobilières donnant accès au capital en dehors des prévisions de l’article L. 228-93 du Code de commerce.

D’autres auteurs 332 ont examiné la régularité des opérations s’exonérant des prescriptions de l’article L. 228-93 et ont conclu à leur caractère illicite à défaut de

330 L. 1978-01-04, JO 5 janv. 1978.331 V. A. REYGROBELLET, La notion de valeur mobilière, th. Paris 2, 1995, p. 316 ; Th. BONNEAU, « Valeurs mobilières composées », J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005 et Th. BONNEAU, M. ANDREATOS, « Valeurs mobilières composées », Actes prat. mars-avr. 2005, p. 9.332 A. COURET, « Les nouveaux titres représentatifs de fonds propres », Bull. Joly 1986, n° 104, p. 583, selon qui « singulièrement, alors que les titres permettent la souscription d’actions de la mère, ils ne permettent pas la souscription d’actions de la fille, ce pour des raisons qui restent obscures ». V. également H. HOVASSE, Les augmentations de capital à souscription conditionnelle, Economica, 1987, n° 217 et suivants ; RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial-Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, 19ème éd., LGDJ, mis à jour par M. GERMAIN, 2009, n° 1459, p. 1099, selon lesquels « une société mère ne peut pas procéder à une émission de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres représentatifs d’une quotité du capital d’une filiale ». Voir dans le même sens Ph. BISSARA et J.-P. BOUERE, « Les propositions du CNPF de modernisation du régime des émissions de titres de capital », Bull. Joly janv. 1994, p. 16 ; A.-L. ARCHAMBAULT, La nature juridique des valeurs mobilières, th. Paris 1, 1998, n° 1090, p. 323 ; Ph. MERLE, Droit commercial-sociétés commerciales, 14ème éd., Dalloz, 2010, n° 363, p. 414 ; J-P. BERTREL et M. JEANTIN, Droit de l’ingénierie financière, Litec, 1990, n° 177, p. 145 ; H. HOVASSE et J.-P. DELVILLE, « Warrants financiers », J.-CL. sociétés, fasc. n° 2030, sept. 2003. Voir aussi B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. juil.-sept. 2004, n° 23, p. 589, selon lequel, « il est vraisemblable que la référence au capital vise celui de la société émettrice. En second lieu, les articles L. 228-92 et L. 228-93, qui autorisent de manière limitative et sous des conditions strictes les émissions de titres donnant droit à des actions de sociétés mères ou filiales, seraient totalement inutiles, voire dépourvues de cohérence […]. Ainsi donc, sous réserve de l’hypothèse visée à l’article L. 228-93, l’émission de valeurs mobilières donnant droit à des titres de capital d’une société tierce devrait être exclue ».

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prévision et d’encadrement légal. Notamment, Monsieur H. HOVASSE déduisait, avant l’ordonnance de 2004, par un raisonnement a contrario dont nous connaissons la fragilité 333 que, si le Code de commerce autorisait expressément les figures ascendantes, il invalidait « assurément » celles descendantes. Madame S. DANA-DEMARET 334 justifiait cette interdiction par deux arguments : indépendamment du fait que les souscripteurs de valeurs mobilières composées risqueraient de se retrouver minoritaires dans le capital de la filiale 335, cet auteur suggère que le législateur a craint que la filiale ne puisse obtenir par ce biais les moyens d’une indépendance financière par rapport à la société mère.

Une proposition de loi 336, avortée, apparaissait conforter cette position. Ce projet – qui semblait combler un espace vierge 337 – avait pour finalité d’entériner l’attribution de titres représentant une quotité du capital d’une société tierce 338. Ce pas est franchi par la réforme du 31 juillet 2014. L’ordonnance de 2014 crée un nouvel article L. 228-94, qui orchestre les émissions de valeurs mobilières complexes en dehors de la condition de détention majoritaire du capital. Deux régimes se juxtaposent depuis lors. L’article L. 228-93 encadre les émissions de valeurs mobilières donnant accès à du capital « à émettre ». En cette hypothèse, la condition de détention majoritaire demeure. En revanche, l’ordonnance consacre l’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres existants, laquelle peut intervenir entre sociétés tierces ou sociétés liées sans détention majoritaire. La question demeure donc de savoir – à la lumière de la lecture a contrario à laquelle invite le nouvel article L. 228-94 – si les émissions de titres de capital à émettre, en dehors de la condition de détention majoritaire maintenue par l’article L. 228-93, sont régulières.

Afin d’apprécier la position défendue par Monsieur H. HOVASSE, encore faut-il rappeler que tout raisonnement a contrario, pour être accueilli favorablement, nécessite que la règle à laquelle il renvoie constitue une règle de principe 339. Or, bien que la loi de 1985 ait libéralisé la matière (en permettant l’accès au titre secondaire par

333 F.-X. LUCAS, « Traitement des ORA en cas de coup d’accordéon décidé par la société émettrice », Bull. Joly, n° 11, nov. 2012, comm. n° 423, p. 810. 334 S. DANA-DEMARET, Le capital social, th. Lyon, 1988, n° 214, p. 253. Dans le même sens, voir A.-L. ARCHAMBAULT, th. préc., n° 1091, p. 323.335 Cet auteur relève que ce premier argument n’est pas déterminant en soi, car applicable dans les figures descendantes au même titre que dans les figures ascendantes.336 AN, 3ème cession extraordinaire de 1985-1986, proposition J. OUDOT, n° 322.337 Monsieur F. PELTIER, ibid., rappelait que « l’exposé des motifs de cette proposition de loi indique que la loi du 14 décembre 1985, puisqu’elle autorise une filiale à émettre des valeurs mobilières donnant droit à des titres de sa société mère (art. 339-3), a emporté ipso facto l’interdiction de l’opération en sens inverse, à savoir que « désormais une société mère ne peut procéder à l’émission de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres représentant une fraction du capital d’une filiale. Restée sans suite, cette proposition de modification législative laisse subsister un doute sur la licéité » des émissions ascendantes.338 Le projet proposait de compléter l’article 339-5, 1er al., relatif aux bons secs par la mention suivante : « ou des bons qui confèrent à leurs titulaires le droit d’acquérir des titres détenus par la société émettrice et représentant une quote-part du capital d’une société tierce ».339 J. CARBONNIER, Droit civil-Introduction, 27ème éd., Thémis, 2002, n° 156, p. 312. Ainsi, après la réforme de 2004, Monsieur F. LEPLAT rappelait que « Une interprétation a contrario de cette condition [la condition de détention majoritaire du capital dans les formules de groupe] conduirait en effet à douter de la validité d’un titre ne respectant pas cette condition. Une telle interprétation n’est pas acceptable dès lors que la validité de tels titres est déjà admise et que l’ordonnance, loin de restreindre la possibilité de création de valeurs mobilières composées au sein d’un groupe, a bien au contraire pour objectif de l’étendre ». F. LEPLAT, « Les valeurs mobilières composées », Petites aff., n° 189, 22 sept. 2005, p. 66.

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tout moyen), l’ancienne version de l’article L. 211-2 340 du Code monétaire et financier conditionnait, elle, la qualification de valeurs mobilières par un accès au capital de l’émetteur lui-même (la lecture a contrario renvoyait alors à cette règle de principe). Ainsi, bien que contestable dans son cheminement, nous proposons de saluer, en partie, la lecture a contrario de l’article L. 228-93 proposée avant 2009, en ce qu’elle invalidait la qualification de valeurs mobilières de telles émissions et excluait le bénéfice du régime juridique applicable à ces titres. En revanche, selon nous, à défaut d’entrer dans la catégorie des valeurs mobilières stricto sensu, de tels titres pouvaient néanmoins être créés, selon un régime distinct de celui proposé aux articles L. 228-91 et L. 228-93 du Code de commerce.

Ensuite, selon nous, il convient d’exclure un deuxième vent doctrinal 341 selon lequel, faute de pouvoir être encadrée par les articles L. 228-91 à L. 228-93, l’émission d’obligations donnant accès au capital d’une société tierce serait régie par le droit commun des obligations. Selon nous, le régime général des obligations devait être écarté, à tout le moins avant 2009, en raison de la formulation de l’ancien article L. 211-2 du Code monétaire et financier, conditionnant la qualification de valeurs mobilières par l’accès aux titres de l’émetteur lui-même. Ainsi, avant 2009, faute d’appartenir à la catégorie des valeurs mobilières, ces titres ne pouvaient, semble-t-il, être encadrés par le droit commun des obligations.

Selon un troisième courant doctrinal, de telles opérations semblaient admises en vertu de la liberté contractuelle et du principe général de libre émission des droits donnant accès au capital 342. La condition relative au seuil de détention en capital constituerait un critère de qualification de valeurs mobilières composées et non pas une condition de validité de l’opération 343. La logique semble demeurer s’agissant des valeurs mobilières émises dans l’irrespect de la condition de détention majoritaire

340 V. anc. art. L. 211-2 du Code monétaire et financier : « Constituent des valeurs mobilières, les titres émis par des personnes morales, publiques ou privées, transmissibles par inscription en compte ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine ».341 Défendant cette position, voir Monsieur B. ZABALA selon lequel « la loi est silencieuse sur les émissions de tels titres hors d’un groupe, c’est à dire, par exemple, les émissions par une société d’obligations échangeables en actions d’une autre société dans laquelle l’émetteur détient une ligne de participation minoritaire. Il en résulte que l’émission de ces obligations échangeables en titres émis par une société tierce au groupe (ou plus généralement de valeurs mobilières donnant accès au capital d’une société tierce du groupe) relève bien du régime général d’émission des obligations » (B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 52). Voir dans le même sens B. MERCADAL et Ph. JANIN, Mémento F. Lefebvre, « Sociétés commerciales », éd. 2003, n° 21800, p. 1065 selon lesquels, avant l’ordonnance de 2004, les OCEANE étaient émises en marge du régime supplétif de l’ancien article L. 228-91 du Code de commerce. Faute d’être régies par le régime de droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital, les OCEANE étaient néanmoins soumises au droit commun des obligations. Contra, voir A. DESCLEVES et J. MOUGEL, « Obligations complexes : les nouveaux mécanismes d’accès au capital de l’émetteur ou des sociétés du groupe », Banque et dr. sept.-oct. 1999, n° 67, p. 15.342 Tel qu’il résulte de la loi du 15 décembre 1985 et surtout tel qu’il ressort de l’ordonnance du 24 juin 2004, qui permet l’émission de toute valeur mobilière et supprime toute énumération de catégorie de titres donnant accès au capital. Néanmoins, nous ne pouvions nous satisfaire pleinement de cette position avant l’ordonnance de 2009 ayant supprimé toute référence à l’accès au capital de l’émetteur lui-même.343 V. not. S. TORCK, « La timide réforme des valeurs mobilières composées par l’ordonnance du 31 juill. 2014 », Dr. soc., nov. 2014, comm. 150.

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inscrite à l’article L. 228-93, issue de l’ordonnance du 31 juillet 2014 344. Selon ses partisans, l’émission hors régime de l’article L. 228-93 ne heurte aucune règle d’ordre public du régime des valeurs mobilières ou des titres de capital en général. Selon Monsieur F. PELTIER 345, ces opérations, avant 2004, étaient d’autant plus admises qu’elles relevaient de la figure descendante par attribution de titres préexistants 346. Dans cette configuration, elles constituaient un reclassement du capital de la filiale par cession à terme. Dans un même ordre d’idées, avant 2009, l’ANSA 347 considérait que tous les titres susceptibles de donner accès au capital n’étaient pas régis par les articles

344 En effet, une lecture a contrario de l’article L. 228-94 (autorisant, sous conditions, les émissions entre deux sociétés dépourvues de lien de participation majoritaire) demeure à écarter, faute pour cette interprétation de renvoyer à la règle de principe. En effet, une lecture a contrario de l’article L. 228-94 reviendrait à juger irrégulières les émissions irrespectueuses de la condition relative au seuil de détention en capital posée à l’article L. 228-93. Une telle lecture fait obstacle au régime libéral d’émission, dès lors que le régulateur a supprimé toute référence à l’accès au capital de l’émetteur lui-même ou à un droit de créance sur son patrimoine par suite de l’ordonnance de 2009. Contra, S. TORCK, « La timide réforme des valeurs mobilières composées par l’ordonnance du 31 juill. 2014 », Dr. soc., nov. 2014, comm. 150, selon lequel : « alors que dans le silence de l’ancien article L. 228-93, l’on s’accordait à voir dans la condition relative au seuil de détention en capital un critère de qualification de valeurs mobilières composées et non pas une condition de validité de l’émission, ce qu’illustrait la pratique d’émission de warrants financiers et de bons d’options entre une société et une société tierce, qu’en est-il suite à la réforme du 31 juillet 2014, sachant qu’il n’est pas de raison objective – sauf à nous l’expliquer – de déroger dans une hypothèse et pas dans une autre ? ». 345 F. PELTIER, « Les emprunts obligataires assortis d’un mécanisme d’accès au capital d’un filiale de l’émetteur », RDBB janv.-févr. 1993, p. 42, selon lequel « l’absence de dispositions expresses dans la loi […] n’est pas un obstacle à l’émission de tels titres par des sociétés. La liberté contractuelle dans ce domaine ne se heurte à aucune règle d’ordre public du régime des titres de capital ou des valeurs mobilières en général ». Voir aussi, le même auteur in « La théorie générale des obligations à la rescousse de l’imprécision de la loi des sociétés : les obligations convertibles en actions de la société mère », Bull. Joly juin 1997, n° 6, p. 525, qui considère que « lorsque la loi sur les sociétés pêche dans son imprécision, le contrat est un bon recours. L’obligation convertible en action de la société mère est rendue possible par la théorie générale des obligations ». Pour une position plus nuancée, v. Monsieur H. LE NABASQUE selon lequel « il n’est pas certain qu’elle [l’émission intra-groupe dans le sens descendant] était interdite avant l’ordonnance de réforme » (H. LE NABASQUE, « Histoire d’une incongruité – L’émission par une société de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital détenus par elle en portefeuille ou « pourquoi faudrait-il exiger la réunion de deux assemblées générales ? », in Mélanges en l’honneur de J.-P. LE GALL, Fiscalité et entreprises : politiques et pratiques, Dalloz 2007, p. 197).346 L’auteur visait explicitement les émissions d’obligations échangeables en actions d’une filiale (OEAF), lesquelles n’entrainaient aucune augmentation de capital. Selon cet auteur, « il n’y a donc pas de création d’actions au profit des obligataires désirant exercer leur droit d’accès au capital de la filiale mais seulement un changement de propriété des actions […]. Aucun régime particulier n’est donc à organiser pour l’émission d’obligations assorties d’un droit d’accès au capital d’une filiale ».347 ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 3. V. dans le même sens : Monsieur H. LE NABASQUE selon lequel « Certaines opérations sont hors champ des textes et, notamment, à notre avis, celle qui consiste à émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital d’une société dont on ne détient pas plus de 50 % du capital » (H. LE NABASQUE, « Histoire d’une incongruité – L’émission par une société de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital détenus par elle en portefeuille ou « pourquoi faudrait-il exiger la réunion de deux assemblées générales ? », in Mélanges en l’honneur de J.-P. LE GALL, Fiscalité et entreprises : politiques et pratiques, Dalloz 2007, p. 204). V. également Monsieur F.-R. DANNENBERGER, pour lequel « Les titres présentant les caractéristiques des valeurs mobilières et conférant un droit de créance sur le patrimoine de l’émetteur, peuvent donc être émis sur le seul fondement de la définition des valeurs mobilières. Mais, la catégorie des titres de créance n’étant pas dotée d’un régime général, aucun régime légal n’organise de tels titres, lesquels seront régis par le seul contrat d’émission » (F.-R. DANNENBERGER, th. préc., n° 137, p. 95). Du même avis également, Monsieur F. LEPLAT considère que « la condition relative au lien de capital entre l’émetteur du titre primaire et secondaire apparaît moins

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Partie I – Titre I – Chapitre I 89

L. 228-91 et suivants « qui de toute évidence [visaient] uniquement les titres donnant accès à une quotité du capital ou droit de créance général sur le patrimoine de la société émettrice elle-même (valeurs mobilières “corporate”) et non pas par une société tierce : tel est le cas des warrants et des obligations donnant accès au capital d’une société tierce ; ces deux dernières catégories de titres se situent hors du champ d’application du code de commerce modifié par l’ordonnance du 24 juin 2004. Au demeurant, il a toujours été admis que de telles émissions relevaient exclusivement du contrat d’émission, en dehors du champ des régimes légaux ». L’ANSA poursuivait et précisait : « quant à l’article L. 228-93, étendant par exception le champ d’application de l’article L. 211-2 du code monétaire précité au groupe au sens étroit, il doit être interprété strictement : les sociétés parentes liées par un pourcentage simplement égal ou inférieur à la moitié du capital se trouvent exclues du champ d’application des articles L. 228-91 et suivants, y compris de l’article L. 228-93. Ainsi, les sociétés dans lesquelles la société émettrice détiendrait seulement des participations minoritaires se trouvent exclues de ce champ et relèvent de la seule sphère des contrats d’émission ».

La position de l’ANSA nous paraît d’autant plus justifiée aujourd’hui que le régulateur a supprimé toute référence à l’accès au capital de l’émetteur lui-même ou à un droit de créance sur son patrimoine. Cependant, il nous semble nécessaire de distinguer deux situations. Dans un premier cas, concernant les configurations antérieures à l’ordonnance de 2009, les émissions pouvaient s’exonérer des règles du Code de commerce relatives aux valeurs mobilières 348. Elles relevaient de la sphère contractuelle 349 et des règles boursières édictées par les autorités de marché 350, à l’instar des règles prévues en matière de bons d’achat et des titres de

comme une condition de validité que comme un critère de qualification des valeurs mobilières composées » (F. LEPLAT, « Les valeurs mobilières composées », Petites aff., n° 189, 22 sept. 2005, n° 189, p. 66).348 Messieurs A. COURET et H. LE NABASQUE concluent que la condition tenant au lien d’au moins la moitié du capital social doit s’analyser non pas comme une condition de validité de l’opération mais comme un critère de qualification et d’appartenance à la catégorie des valeurs mobilières composées (voir A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 528, p. 300).349 Voir Monsieur H. LE NABASQUE sur la question du recours, hors régime de l’article L. 228-91, à des titres auto-détenus avant l’ordonnance de 2004 : « Avant la loi de 1998, et depuis celle de 1985, on connaissait bien sûr, les valeurs mobilières donnant accès par remboursement ou échange, notamment, à des titres de capital existants. Mais, faute d’être précisément réglementées, ces pratiques se développaient sous un régime de semi-liberté contractuelle qui ne heurtait aucune disposition impérative de la loi (v. sur ce régime, les “Principes généraux relatifs aux bons d’option et aux titres de créance complexes” édictés dès 1991 par la COB et le CBV) » (H. LE NABASQUE, « Histoire d’une incongruité – L’émission par une société de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital détenus par elle en portefeuille ou « pourquoi faudrait-il exiger la réunion de deux assemblées générales ? », in Mélanges en l’honneur de J.-P. LE GALL, Fiscalité et entreprises : politiques et pratiques, Dalloz 2007, p. 203). Un raisonnement similaire pourra être adopté en matière d’émissions de valeurs mobilières donnant accès au capital de sociétés tierces, elles aussi exclues du régime général des articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce. Sur cette question, voir B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. juil.-sept. 2004, n° 17, p. 588.350 Sur l’application des règles de la COB et du CBV relatives aux obligations complexes, v. Monsieur F. PELTIER selon lequel les valeurs mobilières donnant accès au capital, émises hors régime des articles L. 229-91 et L. 228-93, sont régies par les principes généraux édictées par les autorités de marché. Cet auteur conclu « ainsi, les obligations assorties d’un droit d’accès au capital d’une filiale de l’émetteur semblent bien entrer dans la catégorie des obligations complexes » (F. PELTIER, op. cit., p. 45). V. aussi A. DESCLEVES et J. MOUGEL, op. cit., p. 16. Sur cette position et concernant la recommandation de l’autorité de marché de mise sous séquestre, voir F.-R. DANNENBERGER, La liberté de créer des valeurs mobilières donnant accès au capital, th. Strasbourg, 2007, n° 137, p. 95 : « Les autorités de place ne sauraient imposer des exigences

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créances complexes 351. Un auteur relevait, à juste titre selon nous, que « les articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce ne constituent ainsi qu’un régime parmi d’autres, auquel les parties sont libres d’adhérer ou non, indépendamment du contrôle exercé par l’autorité de marché au titre de l’appel public à l’épargne » 352. En revanche, selon nous depuis l’ordonnance de 2009, les émissions sui generis réalisées en dehors du champ de l’article L. 228-93 et, en particulier les émissions donnant accès à des actions à émettre d’une société tierce, doivent être considérées comme régulières par nature. Elles sont soumises aux règles communes à l’émission de toutes valeurs mobilières 353 et régies par la sphère contractuelle. Cependant, elles ont ceci de particulier qu’elles ne bénéficient pas du régime applicable aux valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance, inscrit aux articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce. Notamment, les mesures de protection (régies par les articles L. 228-98, L. 228-99, L. 228-103…) n’auront pas vocation à s’appliquer 354, le régime d’émission des titres étant intimement lié 355 au dispositif de protection. Une solution identique pourra être retenue, selon nous, en cas d’émission avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2014 de valeurs mobilières donnant accès à un « titre de créance » d’une société tierce 356. En effet, aux termes de l’ancien article L. 228-93, une société

que la loi ne prévoit pas. Elles ne sauraient, par conséquent, imposer l’obligation, non prévue par l’article L. 228-93, de séquestrer les titres sous-jacents. Au demeurant, les principes COB/CMF délimitent eux-mêmes leur champ d’application. Ils précisent qu’il convient d’entendre par titres de créance complexes, les valeurs mobilières et autres titres “qui ne font pas l’objet de dispositions législatives ou réglementaires particulières”. Par conséquent, ces principes ne s’appliquent pas à des titres relevant désormais du dispositif légal […]. Ainsi, continueraient-ils à régir des titres dont les sous-jacents seraient des titres de capital d’une société tiers absolu, c’est à dire qui ne serait pas la mère ou une filiale de l’émetteur au sens de l’article L. 228-93. En effet, il faut admettre avec l’ANSA, que de telles émissions demeurent possibles. De tels titres semblent devoir être rattachés à la catégorie des titres conférant un droit de créance sur l’émetteur (en l’occurrence, une obligation de délivrer le titre promis). De tels titres, d’origine purement contractuelle, demeurent soumis aux principes généraux des autorités de marché lorsque l’émetteur est coté ». Sur la question de l’unification apportée par l’ordonnance, voir Monsieur B. ZABALA selon lequel « l’ordonnance, en unifiant des régimes particulièrement disparates, n’a pas reconduit ce que la pratique dénomme l’obligation de séquestre des titres sous-jacents (qui juridiquement caractérise en réalité l’obligation de constitution d’un nantissement) au moment de l’émission d’obligations échangeables en actions. Cette contrainte d’immobilisation des titres, jugée dirimante par nombre d’émetteurs français, avait incité ces derniers à demander la cotation de tels titres au Luxembourg » (B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 51).351 V. sur cette problématique COB, « Principes généraux établis par la COB et le CMF relatifs aux bons d’option et aux titres de créance complexes », Bull. mens. mars 2002, n° 366, p. 41.352 A. GRENOT-DEVEDJIAN, Les valeurs mobilières composées, th. Paris 1, 2009, n° 58, p. 86. Voir du même avis Th. BONNEAU, J.-CL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1903, févr. 2005, n° 28.353 Première section du chapitre VIII consacré aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions.354 Sauf en cas de clause contraire du contrat d’émission. 355 Sur le lien qui soude les régimes d’émission et de protection, voir ANSA, « Émission de BSPCE : faut-il protéger les bénéficiaires en cas d’opérations financières ? », n° 12-069, 5 déc. 2012. L’ANSA tire de ce constat l’exigence de protection des porteurs de BSPCE, dont le régime d’émission est inscrit aux articles L. 228-91 et L. 228-92, par l’effet d’un renvoi.356 Pour un avis antérieur à l’ordonnance du 8 janvier 2009, et donc différent sur l’application du droit commun des valeurs mobilières, v. A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 64, p. 91. Selon cet auteur, « si elle n’est pas visée par l’article L. 228-93 du Code de commerce, l’émission de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution d’un titre de créance de la mère ou de la filiale de l’émetteur des titres primaires ne nous semble pas interdite, dès lors qu’elle est réalisée sur une base contractuelle ». L’auteur passe sous silence l’hypothèse de telles émissions au profit de sociétés véritablement tierces, sans lien de participation aucun. Une solution identique semble pouvoir être admise.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 91

par actions peut émettre des valeurs mobilières donnant accès « à des titres de capital à émettre » par la société qui possède plus de la moitié du capital de la société dans laquelle les droits ont vocation à être exercés. Par conséquent, avant l’ordonnance de 2014, les droits d’accès à un titre de créance d’une société tierce n’étaient pas encadrés par le régime des « valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de créance » (soit par les articles L. 228-91 à L. 228-97), mais étaient, en revanche, régis par la sphère contractuelle et le droit commun des valeurs mobilières. L’ordonnance du 31 juillet 2014 a mis fin à cette dichotomie, en orchestrant, à l’article L. 228-94, l’émission de valeurs mobilières donnant « droit à l’attribution de titres de créance d’une autre société », sans condition de détention majoritaire. 35. - Point de vue de l’Autorité des marchés financiers. Dans un premier temps, il y a lieu de rappeler l’approche flexible de l’autorité régulatrice en cas d’émission réalisée en dehors du régime prédéfini par le législateur. L’opération de la société Rhône-Poulenc 357 illustre cette souplesse. À cette occasion, la COB a autorisé l’émission d’obligations assorties de bons de souscription donnant droit à des titres participatifs, alors que l’article 339-1 de la loi ancienne imposait « l’attribution [...] d’une quotité de capital de la société émettrice », ce que ne constituent pas les titres participatifs 358.

Concernant les situations de groupe auxquelles nous nous intéressons, diverses opérations 359 ont été réalisées en dehors du champ de l’article L. 228-93 du Code de commerce. Certaines ont reçu l’aval des autorités de marché. En 1984, la COB relevait que « rien ne s’opposait formellement à la mise en œuvre de ces formules non prévues par les textes » 360. Relevons, ce qui semble conforter la thèse de Monsieur F. PELTIER, que les opérations réalisées avant la réforme de 2004 ont toutes été dénouées par la remise d’actions détenues en portefeuille dès l’émission, à titre de reclassement du capital de la société mère dans sa filiale.

357 COB, visa n° 84-253, 16 oct. 1984, cité par Th. BONNEAU, in « La diversification des valeurs mobilières », RTD com. 1988, n° 33, p. 558.358 Rapp. E. DAILLY, Sénat, n° 80, session ordinaire de 1985-1986, p. 18 : « une émission comme celle réalisée par Rhône-Poulenc, en octobre 1984, d’obligations avec bons de souscription de titres participatifs n’entre pas en revanche dans le cadre de la définition proposée puisque les titres participatifs ne constituent pas une quote-part du capital ».359 À titre d’exemple, peuvent être relevées les émissions citées par F. PELTIER, ibid., d’obligations THOMSON SA à bons d’acquisition d’actions de sa filiale Thomson CSF et la souscription proposée par Au Bon Marché de bons d’acquisition d’actions de sa filiale Conforama (COB, rapport pour 1984, p. 17). Voir aussi l’assemblée générale mixte de Canal +, 4ème résolution, en date du 28 mars 1997 autorisant l’émission d’obligations échangeables en actions de sa filiale Mediaset. Voir également l’émission de LAGARDERE d’obligations échangeables en actions de sa filiale T-Online (Rap. Annuel LAGARDERE pour 2002, p. 104). Aussi, l’émission par Vivendi Universel d’OEA de sa filiale Vinci (Doc. Réf. pour 2000, dépôt COB 17 avr. 2001, n° R01-116) ou celle d’ACCOR sur les titres de sa filiale Compass (Doc. Réf. pour 2002, p. 40) ou celle de Pathé sur sa filiale SbkyB (doc. Réf. pour 2002, p. 44) et celle d’Electrofina sur les actions de Lyonnaise des Eaux (Rap. Annuel GBL pour 2000, p. 5). Dans son rapport sur l’introduction en France des actions traçantes, la COB indiquait au marché avoir été saisie de projets prévoyant l’émission de bons d’acquisition d’actions existantes qui donneraient droit d’acquérir « une action d’une filiale du groupe, ou au choix une action ordinaire de l’émetteur ou encore un versement en numéraire » (Rapp. COB, R. BARBIER DE LA SERRE (dir.), « L’introduction en France des actions traçantes », juil. 2000, p. 26).360 COB, Rapport annuel, 1984, p. 17.

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92 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

Initialement, la COB 361 fondait la régularité des émissions, hors régime de l’article L. 228-93, par la technique civiliste de la dation en paiement 362. Cette justification du contournement des conditions de participation ascendante est habile. Et ce, d’autant plus que le régime et les effets de la dation en paiement sont tus dans le Code civil 363. Néanmoins, ce mécanisme, dans sa définition doctrinale 364 et prétorienne 365, repose sur la remise d’un bien autre que celui prévu ab initio par les parties. Or, tel n’est pas la situation qui ressort des notes d’opération visées par la COB. En effet, les parties conviennent dans le contrat d’émission que les titres remis émanent de la filiale. Ainsi, la problématique du fondement de ces opérations, avant la consécration de leur bilatéralisation, ne semble pas résolue.

On relèvera aussi que certains auteurs, selon un raisonnement similaire, ont qualifié l’ORA de promesse unilatérale de dation en paiement 366. L’idée sous-jacente de cette position est que l’obligation remboursable en actions se distingue d’un emprunt ordinaire par son mode de remboursement, non pas en numéraire mais en actions. Cette vision, à l’instar de ce qui vient d’être exposé concernant les émissions hors

361 Dans un rapport consacré à l’introduction des actions reflet en France, la COB s’interrogeait sur la régularité de l’opération de remboursement de l’action « catégorielle » ou « sectorielle » en titres de l’activité tracée dans une société tierce. À cet effet, la COB comparait ce mécanisme avec celui des valeurs mobilières donnant accès au capital d’une filiale. La COB se prononçait ainsi : « Quant à l’article 339-3, il n’autorise en principe l’émission que de titres donnant accès au capital de la mère et n’emporte pas la disparition du titre sous-jacent par conversion ou remboursement. La COB a toutefois visé, par le passé, des montages donnant accès au capital de la fille, dès lors que les actions de celles-ci étaient détenues en portefeuille au moment de l’émission et remise à titre de dation en paiement ». Voir aussi H. HOVASSE qui qualifie les obligations remboursables en actions de « promesse unilatérale de dation d’actions en paiement » (H. HOVASSE, Les augmentations de capital à souscription conditionnelle, Economica, 1987, n° 208, p. 121).362 La dation en paiement est constituée par le transfert de la propriété d’un bien au créancier d’une obligation sous réserve de l’acceptation par ce dernier de la remise du bien à la place et en paiement de la chose ou de la prestation due. Ainsi, les parties s’accordent pour écarter le principe d’identité du paiement et conviennent que le créancier recevra autre chose que l’objet de la dette. La dation en paiement doit relever d’un accord des parties. À défaut, la remise d’un autre bien contredirait l’article 1243 du Code civil, lequel dispose : « Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande ». Sur la notion de dation en paiement, v. F. BICHERON, La dation en paiement, éd. Panthéon-Assas, 2006 ; A. GHOZI, La modification de l’obligation par la volonté des parties, th. Paris 2, LGDJ, 1980 ou P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNK, Les obligations, 4ème éd. Defrénois, 2009, n° 1180, p. 659 ou encore P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, 11ème éd., Litec, 2010, n° 826, p. 651. 363 Le Code civil fait une allusion à la dation en paiement aux articles 1243 (cité ci-dessus) puis aux articles 1581 et 2315 en matière, réciproquement, de succession et de cautionnement. Dans un même esprit, l’avant-projet de loi CATALA prévoyait la faculté de faire exception au principe d’identité du paiement (art. 1223, al. 2), sans en encadrer le régime.364 V. par exemple, P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNK, op. cit., n° 1180, p. 659, selon lesquels « Dans la dation en paiement, le créancier reçoit une satisfaction différente de celle que l’obligation avait pour objet » et qu’« elle est un paiement anormal puisqu’elle porte sur autre chose que l’objet de l’obligation ». Voir aussi J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR et E. SAVAUX, Droit civil-Les obligations-3° Le rapport d’obligation, 5ème éd., Sirey, 2007, n° 450, p. 328 selon lesquels « la dation en paiement nécessite la remise d’une chose autre que celle initialement due : il n’y a pas dation lorsque l’objet du paiement correspond, en tout ou partie, à l’objet de l’obligation […] ou lorsqu’il a été initialement compris dans la définition de l’objet d’une obligation alternative ». 365 Cass. Ass. plein. 22 avr. 1974, n° 71-13450, JCP 1974 II, n° 17876, obs. A. BENABENT : « attendu qu’il y a dation en paiement, au sens de ce texte, lorsqu’il est remis au créancier autre chose que l’objet même de la dette ».366 V. H. HOVASSE, Les augmentations de capital à souscription conditionnelle, Economica, 1987, n° 208, p. 121.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 93

régime de l’article L. 228-93, doit être écartée 367 pour les mêmes motifs ; le mode de remboursement en actions étant stipulé ab initio 368.

Si la validité de telles opérations fait aujourd’hui peu de doute, le régime pose, lui, diverses difficultés et ce, notamment à l’égard de la mise en œuvre des mesures de protection prévues aux articles L. 228-98 et L. 228-99.

Ainsi que le rappellent certains auteurs 369, « ce n’est pas parce que des organismes s’arrogent un droit dont on peut douter qu’ils en soient bien titulaires, que l’on peut en déduire, sur le plan du droit, que les émetteurs sont libres de créer les titres qu’ils souhaitent ». Dès lors, il convient de s’interroger sur les éventuelles sanctions applicables en cas d’émission en dehors du régime prédéfini des articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce.

36. - Conséquences de l’émission hors champ des articles L. 228-93 du Code de commerce. Sont visées, depuis l’ordonnance du 31 juillet 2014, les hypothèses de création de titres donnant accès à des titres de capital « à émettre » par une société tierce ou entre sociétés appartenant au même groupe, dans l’irrespect de la condition de détention majoritaire du capital 370. La doctrine semble unanime sur la première conséquence à tirer de telles émissions. À défaut d’encadrement par les articles L. 228-91 et suivants, elles sont régies par la loi des parties. Nous sommes favorables à cette conclusion.

Aussi, à notre sens, une émission réalisée hors du cadre de la section VI consacrée aux « valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance » ne bénéficie pas de la garantie posée à l’article L. 228-91, ayant pour effet d’écarter la nullité attachée au non-respect de l’interdiction de négocier des promesses d’actions. En effet, l’article L. 228-91 dernier alinéa dispose que : « les valeurs émises en application du présent article ne peuvent être regardées comme constitutives d’une promesse d’action pour l’application du second alinéa de l’article L. 228-10 371 ». Pareille conclusion semble avoir été retenue par divers

367 En ce sens F. PELTIER, « La nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP éd. E. 1992, n° 155, p. 181 ; A. COURET, J.-L. GUILLOT, F. PELTIER, « Les emprunts obligataires assortis d’un mécanisme d’accès au capital d’un filiale de l’émetteur », RDBB janv.-févr. 1993, p. 7 ; P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 12, p. 255 ; A.-L. ARCHAMBAULT, La nature juridique des valeurs mobilières, th. Paris 1, 1998, n° 527, p. 154 et A. GRENOT-DEVEDJIAN, th. précit., n° 249, p. 243.368 V. P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, n° 12, p. 255 : « A fortiori, les arguments tirés de l’article 1243 du Code civil sont-ils sans portée. En effet, il ne s’agit nullement de contraindre le créancier, c’est à dire ici le porteur d’ORA, à “recevoir une autre chose que celle qui lui est due” ; au contraire, il reçoit exactement ce qui est prévu dans le contrat d’émission […] ; on applique tout simplement les termes du contrat d’émission, qui lie la société émettrice et chaque porteur ».369 Th. BONNEAU, M. ANDREATOS, op. cit., n° 27, p. 9.370 En effet, depuis l’ordonnance du 31 juillet 2014, un nouvel article L. 228-94 orchestre les émissions de valeurs mobilières donnant accès à du capital existant. Cet article prévoit en effet la faculté de créer de tels titres lorsque la société émettrice « ne possède pas directement ou indirectement plus de la moitié du capital ou dont plus de la moitié du capital n’est pas directement ou indirectement possédé par cette autre société ». 371 Art. 228-10, 2ème al. C. com. : « La négociation de promesse d’actions est interdite, à moins qu’il ne s’agisse d’actions à créer dont l’admission sur un marché réglementé a été demandée, ou à l’occasion d’une augmentation du capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un marché règlementé. En ce cas, la négociation n’est valable que si elle est effectuée sous la condition suspensive de la réalisation de l’augmentation de capital ».

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94 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

auteurs 372 à l’égard des bons d’acquisition d’actions. Avant l’ordonnance de 2004, leur émission n’était pas légalement encadrée, à la différence des bons de souscription d’actions émis conformément à l’ancien article L. 228-95. Ils supportaient donc le spectre de la prohibition de la négociation des promesses d’actions.

Aux termes de l’article L. 228-10, est en effet interdite la négociation des promesses d’actions nouvelles, c’est à dire des droits à délivrance d’actions qui seront créées 373. Toutefois, leur négociation est tolérée par exception en cas d’augmentation du capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un marché réglementé ou dont la cotation a été sollicitée. En pareille hypothèse, la promesse sera régulière. En définitive, si l’option repose sur l’émission d’actions nouvelles, non préalablement cotées ou dont la cotation n’a pas été demandée, l’interdiction de négocier une promesse d’action pourra être invoquée par toute personne ayant un intérêt à voir l’émission remise en cause 374.

Aussi, s’il est parfaitement clair 375 que le droit d’accès au capital conféré par le titre primaire ne relève pas des dispositions consacrées aux actions de préférence ou aux actions dites de catégorie, ces qualifications éveillent la curiosité lorsque les émissions considérées sont irrespectueuses de l’article L. 229-93 du Code de commerce. En effet, on relèvera que les actions de préférence sont régies par une section II figurant dans un chapitre VIII du Code de commerce consacré aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions. En revanche, faisant état d’une classification et d’une qualification distinctes, les valeurs mobilières donnant accès au capital sont régies par une section VI figurant dans ce même chapitre VIII. Ces régimes ne font l’objet d’aucun renvoi entre eux. Nous 376 considérons ainsi que rien ne s’oppose à ce que le régime des actions de préférence s’applique au titre primaire ou secondaire, dès lors qu’il est assorti d’un droit particulier de toute nature, autre que l’accès à une valeur mobilière.

En revanche, il paraît légitime de s’interroger sur l’affiliation des droits donnant accès au capital, émis dans l’irrespect de l’article L. 228-93, à la catégorie

372 A. COURET, J.-L. GUILLOT, F. PELTIER, « Les emprunts obligataires donnant droit à des actions », Actes prat. janv. 1993, n° 8, p. 3, selon lesquels « La pratique a au demeurant créé d’autres bons, et en particulier des bons d’acquisition qui pourraient être assimilés à des promesses d’actions ».373 V. sur la notion des promesses d’actions : G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial-Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, 19ème éd., LGDJ, mis à jour par M. GERMAIN, 2009, n° 1949, p. 659. V. F. BARRIERE, « Réflexions sur la législation sur la négociation des promesses d’actions », Rev. soc. oct.-déc. 2002, p. 658. Il définit la promesse d’actions comme « une action éventuelle, future, qui n’existe qu’en germe », à savoir « un droit à recevoir des actions qui ne sont pas encore émises et non encore libérées ».374 Art. L. 228-11 C. com.375 V. Th. BONNEAU et M. ANDREATOS, « Valeurs mobilières composées », Actes prat. mars-avr. 2005, n° 22, p. 8 ; A. GUENGANT, D. DAVODET (dir.), « Valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », JCP éd. E, n° 27, juil. 2005, n° 30, n° 1129, p. 1263 ; F. LEPLAT, « Les valeurs mobilières composées », Petites aff., n° 189, 22 sept. 2005, p. 68 ; F.-R. DANNENBERGER, La liberté de créer des valeurs mobilières donnant accès au capital, th. Strasbourg, 2007, n° 157, p. 105 et A. GRENOT-DEVEDJIAN, Les valeurs mobilières composées, th. Paris 1, 2009, n° 96, p. 118. Contra, Th. BONNEAU, « Titres donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance », Dr. soc. août-sept. 2004, p. 27. Dans une première approche, ultérieurement contredite, Monsieur Th. BONNEAU considérait que « la nouvelle définition des valeurs mobilières composées mérite d’être rapprochée de la notion d’action de préférence puisque celle-ci peut conférer un droit particulier de toute nature, ce qui peut viser un droit d’accès au capital ou un droit d’attribution à un titre de créance ».376 Voir notamment V. MERCIER, « Valeurs mobilières », Dict. Joly soc. oct. 2008, n° 775, p.23.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 95

particulièrement extensive 377 des actions de préférence. Dans l’hypothèse où le titre primaire est une action 378, il nous semble juridiquement justifié d’avancer que le titre en cause relève – faute d’appartenir à la catégorie des valeurs mobilières donnant accès au capital – du régime des actions de préférence. Dès lors, rien ne semble exclure la mise en œuvre des conditions d’émission des actions de préférence, notamment leur plafond d’émission 379 et l’obligation de définition dans les statuts des droits particuliers attachés aux actions. Bien souvent, les émetteurs n’auront pas conscience de l’applicabilité de ces conditions. Leur irrespect sera pourtant susceptible d’entraîner la nullité des émissions.

Après avoir relevé que les émissions irrespectueuses de l’article L. 228-93 du Code de commerce sont régies par la convention des parties, notamment en matière de protection des droits sous option, nous verrons qu’il est un autre domaine où cette solution semble à privilégier.

§2 - Alternative entre la remise d’actions nouvelles ou existantes et ses effets sur la protection

La réforme de 2004 a permis de lever diverses interrogations s’agissant de la conclusion de promesses portant sur la remise à terme d’actions existantes. Avant cette refonte, le Code de commerce s’en tenait à viser l’attribution de titres de capital émis ou à émettre. La régularité de promesses d’actions existantes divisait donc la doctrine 380. Dans le silence des textes, certains 381 admettaient toutefois leur validité. À l’issue de la réforme de 1998, autorisant le rachat par les émetteurs de leurs propres actions, ce mutisme continua de surprendre 382. Finalement, l’ordonnance de 2004

377 La définition des actions de préférence renvoie à la vaste notion de « droits particuliers de toute nature », attaché à l’action à titre temporaire ou permanent.378 Par exemple, dans le cadre d’une ABSA (actions à bon de souscription d’actions).379 Aux termes de l’article L. 228-11 du Code de commerce, les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social ou plus du quart dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.380 Divers auteurs se sont prononcés en faveur de la régularité des bons d’acquisition d’actions. Toutefois, à défaut d’être encadrés par l’ancien article L. 228-95, ils ne profitaient pas de l’exclusion de la qualification de promesse d’action, à la différence des bons de souscription d’actions émis conformément à l’ancien article L. 228-95. V. A. COURET, J.-L. GUILLOT, F. PELTIER, « Les emprunts obligataires donnant droit à des actions », Actes prat. janv. 1993, n° 8, p. 3, selon lesquels « La pratique a au demeurant créé d’autres bons, et en particulier des bons d’acquisition qui pourraient être assimilés à des promesses d’actions ».381 Le Comité juridique de l’ANSA s’était prononcé sur cette question et avait conclu que si aucun texte n’autorise expressément la création de valeurs mobilières complexes donnant droit à des titres existants, aucun texte ne l’interdit non plus et qu’en conséquence, « cette pratique doit être considérée comme licite » (Voir ANSA, « Le régime juridique des OCEANES », n° 2488, 4 oct. 1989 et ANSA, « OCEANES (sic) : quel régime juridique, quelle protection des droits des porteurs », n° 04-045, 5 mai 2004). On relèvera l’opération de la société Unibail, en 1999, laquelle prévoyait une faculté de rachat à cet effet, au profit des actionnaires, d’actions détenues par la société (note d’opération, société Unibail, « Émission d’actions assorties de bons à option d’acquisition d’actions existantes et/ou de souscription d’actions nouvelles par la société Unibail », visa COB n° 99-540 du 5 mai 1999).382 Sur la problématique du recours à des titres existants avant l’ordonnance de 2004 et sur le reproche fait au législateur de ne pas avoir tiré toutes les conséquences de la loi du 2 juillet 1998, voir Monsieur H. LE NABASQUE selon lequel : « logiquement, cette banalisation des titres autodétenus aurait dû entraîner (ou du moins aurait pu) la modification des articles L. 228-91 et suivants, pour tenir compte de ce que les titres de capital ainsi servis aux titulaires de valeurs mobilières composées pouvaient dorénavant ne plus être des titres neufs ou à émettre. Il n’en fut rien […]. Si des pratiques ont pu alors se développer de titres donnant accès au capital “existant” (par échange de titres primaire ou remboursement, par exemple) elles le faisaient

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96 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

mit fin aux incertitudes des praticiens. La formulation actuelle de l’article L. 228-91, « vaisseau amiral » 383 du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital, permet assurément la remise de titres tant nouveaux qu’existants 384. Les termes « valeurs mobilières donnant accès au capital », sans référence aux modalités d’accès aux titres secondaires, vise indistinctement le dénouement des promesses par la remise d’actions existantes ou nouvelles. Par ailleurs, l’ordonnance du 31 juillet 2014 est venue consacrer ces deux facultés. Depuis la réforme, l’article L. 228-93 encadre l’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital « à émettre » par une société mère ou filiale. En revanche, l’article L. 228-94 nouveau organise l’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital « existants » d’une société tierce.

Bien que les promesses puissent se dénouer alternativement par la remise d’actions nouvelles ou existantes, il est vrai que les concepts mis en œuvre, en ces circonstances, diffèrent. Dans l’hypothèse de valeurs mobilières donnant accès à du capital existant, la société s’engage à remettre à terme des titres préalablement rachetés (dans une configuration simple) ou détenus en portefeuille (dans le cadre d’émissions intragroupe ou en présence d’options d’échange). La levée des promesses n’entraîne donc aucune émission de titres de capital. En revanche, les promesses de souscription d’actions nouvelles consacrent une dilution.

Cette divergence structurelle devrait-elle être suivie d’effets du point de vue de la protection ? Dit autrement, la sauvegarde des investisseurs devrait-elle être strictement identique dans ces deux cas de figure ? Les exigences doivent-elles s’imposer avec la même ferveur dans un cas comme dans l’autre ? Nous consacrerons la seconde partie de notre étude à ces problématiques (II).

Afin de répondre à ces questions, nous sommes encouragés à envisager et apprécier les différences conceptuelles qui opposent ces deux procédés d’accès au capital (I).

I - Motifs de la distinction entre le capital nouveau ou existant

La compétence automatique de l’assemblée générale extraordinaire traditionnellement exigée à l’occasion de l’émission de toute valeur mobilière donnant accès au capital indisposait tant la doctrine que les praticiens. Les rédacteurs de l’ordonnance de 2004 semblaient avoir attaché un vif intérêt à l’intervention impérative

sous un régime de liberté contractuelle, laquelle n’appelait pas, en principe, la compétence de l’AGE », (H. LE NABASQUE, « Histoire d’une incongruité – L’émission par une société de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital détenus par elle en portefeuille ou « pourquoi faudrait-il exiger la réunion de deux assemblées générales ? », in Mélanges en l’honneur de J.-P. LE GALL, Fiscalité et entreprises : politiques et pratiques, Dalloz 2007, p. 197).383 P. LE CANNU, « L’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 et les valeurs mobilières composées : bref aperçu », RTD com. 2004, p. 761.384 Sur l’adhésion doctrinale considérant depuis l’ordonnance de 2004 que les termes « donnant accès au capital » visent aussi bien l’acquisition à terme d’actions nouvelles ou existantes, voir B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. 2004, p. 585 ; M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-Ph. DOM, S. GAILLET, F. LE ROCQUAIS et M. SUPIOT, « Le régime et l’émission des valeurs mobilières après l’ordonnance de 2004 », Actes prat., sept.-oct. 2004, p. 16 ; ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 4 et ANSA, « Émission par une société mère d’obligations donnant accès au capital de sa fille sans émission d’actions nouvelles : contenu des résolutions – proposition d’amendement », n° 10-009, 6 janv. 2010, p. 1.

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de l’assemblée extraordinaire, ce dont témoignait la nullité venant sanctionner l’irrespect de ce formalisme. Beaucoup 385 s’étonnaient du caractère mécanique, voire paradoxal 386, de l’intervention de l’AGE lorsque, pour divers motifs, la création de valeurs mobilières complexes n’emportait pas d’augmentation de capital au sein des sociétés concernées.

Le groupe de travail à l’origine de la réforme de 2014, constitué au sein de Paris Europlace, a consacré une partie de son étude au traitement des valeurs mobilières dépourvues d’effet dilutif 387. Le groupe s’est donné pour objectif de formuler des propositions inspirées d’une approche novatrice et circonstanciée de ces contrats d’option. Nous proposons d’exposer les arguments qui ont motivé la volonté de rationnaliser la compétence décisionnelle (A), consacrée par la récente réforme de 2014 qu’il convient alors de présenter (B).

A. Motivations de la rationalisation de la compétence décisionnelle

Certaines émissions de valeurs mobilières complexes n’emportent aucun effet dilutif, ni initialement, ni à terme. Il en est ainsi lorsque le titre primaire n’est pas un titre de capital 388 et à défaut d’accès au capital 389 (1) ou encore lorsque l’accès au capital se dénoue par remise d’actions existantes 390 (2). Pour ces titres, la compétence de l’assemblée générale extraordinaire n’allait pas de soi.

1) Titres de créance donnant droit à des titres de créance

37. - Incidence de l’absence d’augmentation de capital. Bien que l’alourdissement procédural 391 tenant à la convocation de l’AGE devait être relativisé 392 – compte tenu du mécanisme de la délégation qui trouve à s’appliquer 393 – son exigence romptait avec les principes qui cimentent notre droit des sociétés.

Lorsque le titre primaire, relevant de la catégorie des titres de créance, confère un droit sur un titre de créance (tant à l’échelle du groupe, qu’en dehors de ces configurations), la compétence décisionnelle commandée par l’ancien article L. 228-92 du Code de commerce ne se justifiait pas. Aux termes de cet ancien article

385 V. M. BOIZARD, « Droit des titulaires de bons de souscription en cas de distribution de dividendes imputée sur une prime d’apport », Dalloz aff., n° 170, 22 juil. 1999, p. 1246. Voir notamment ANSA, « Valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance : proposition d’amendement », n° 10-035, 2 juin 2010, p. 2 : « en réalité, on ne perçoit aucune cohérence, ni justification à cette contrainte de procédure qui généralise à l’excès l’obligation de réunir une AGE ».386 B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 51.387 H. LE NABASQUE, A. PIETRANCOSTA, « Propositions de modification des dispositions du code de commerce relatives au titres financiers complexes », RTDF, janv. 2014, p. 98. 388 L’intervention de la société émettrice des titres primaires peut surprendre, dès lors qu’elle n’est pas constitutive d’une augmentation de capital, par exemple, en cas d’émission d’obligations donnant accès au capital d’une filiale.389 Telle l’émission d’obligations donnant droit à des titres de créance de la société émettrice.390 Telle l’émission d’obligations à bon d’attribution d’actions existantes d’une société tierce.391 Les difficultés, théoriques, attachées aux convocations des AGE sont réservées aux sociétés qui ne parviennent pas à obtenir le quorum requis ou dont la majorité s’avère instable.392 M. BOIZARD, « Droit des titulaires de bons de souscription en cas de distribution de dividendes imputée sur une prime d’apport », Dalloz aff., n° 170, 22 juil. 1999, p. 1246.393 Sur renvoi de l’article L. 228-92 vers les articles L. 225-129 à L. 225-129-6 du Code de commerce.

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98 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

« les émissions de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance régies par l’article L. 228-91 sont autorisées par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires ». La loi ne distinguait pas selon que l’émission emportait une augmentation de capital, initiale ou à terme. Le Ministère de la Justice justifiait cette compétence par la complexité des titres émis et l’impératif de bonne information des actionnaires 394. Cette justification apparaissait toutefois en rupture avec les règles ordinaires de compétence qui régissent les assemblées générales extraordinaires, ce qui amenait à douter de son bien-fondé.

Il est donc apparu qu’à défaut d’emporter une modification statutaire et compte tenu de la nature « obligationnelle » 395 des titres créés (immédiatement ou à terme), les règles dévolues au paysage des émissions obligataires devaient trouver à s’appliquer.

2) Remise de titres existants

Dans une lettre adressée au MEDEF, le Ministère de la Justice a exposé que l’intervention de l’assemblée générale extraordinaire est motivée par un impératif de bonne information des actionnaires 396. Nous chercherons à savoir si, faute de modification statutaire, cet argument est légitime (a). Nous examinerons ensuite si ce formalisme se fonde sur d’autres motifs, à savoir les restrictions supportées par les actionnaires de la société promettante (b).

a) Exclusion du motif de la modification statutaire

38. - Une nouvelle approche des options d’accès au capital existant. Beaucoup 397 s’étonnaient du caractère mécanique de l’intervention de l’AGE lorsque, pour divers motifs, la création de valeurs mobilières complexes n’emportait pas d’augmentation de capital au sein de la ou des sociétés concernées. Il en allait ainsi lorsque l’accès au capital se dénouait par remise d’actions existantes 398, dans une configuration simple ou à l’échelle du groupe. Il apparaissait que l’AGE « a en tout état de cause de lege ferenda une compétence spéciale pour toute émission de valeurs “complexes”. Le texte de l’article L. 228-92 [auquel renvoyait l’article L. 228-93] est incontournable sur ce plan » 399. En effet, la formule « donnant accès au capital » comprenait une vocation générique et s’appliquait indifféremment, selon que l’accès s’opérait par souscription

394 Voir Lettre de réponse de Mme ARRIGHI DE CASANOVA au MEDEF, 9 juil. 2004, citée par ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 5.395 Selon le terme utilisé par P. LE CANNU, « Obligations remboursables en actions : les enseignements de l’arrêt Métrologie International », Bull. Joly bourse juil.-août 1995, p. 251.396 V. Lettre de réponse de Mme ARRIGHI DE CASANOVA au MEDEF, 9 juil. 2004, citée par ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 5.397 V. M. BOIZARD, « Droit des titulaires de bons de souscription en cas de distribution de dividendes imputée sur une prime d’apport », Dalloz aff., n° 170, 22 juil. 1999, p. 1246 ; B. ZABALA, « Libéralisation du régime des valeurs mobilières composées et ses enjeux », Rev. banque, n° 676, janv. 2006, p. 51. 398 Telle l’émission d’obligations à bon d’attribution d’actions existantes d’une société tierce.399 ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 4.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 99

d’actions nouvelles ou attribution d’actions existantes 400. C’est pourquoi l’ANSA 401 avança qu’« en réalité, on ne perçoit aucune cohérence, ni justification à cette contrainte de procédure qui généralise à l’excès l’obligation de réunir une AGE ». Dans les formules de groupe, l’association 402 considérait que la société mère devait pouvoir céder à tout moment les actions de sa filiale, qu’elle détient en portefeuille, sans avoir à convoquer l’AGE de cette dernière.

Une solution semblable retenait notre faveur en dehors du champ des émissions intragroupe. La société émettrice de titres de créance primaires devait être en mesure de céder ses actions propres, sans intervention de l’AGE. Dans la mesure où le programme de rachat d’actions, essentiel au dénouement des promesses, est autorisé par l’assemblée des actionnaires 403, leur approbation en AGE lors de l’émission des valeurs mobilières complexes n’emportant aucune modification statutaire semblait injustifiée. En outre, le règlement européen n° 2273/2003 (art.3), transposé en droit interne par l’article 631-5 du Règlement général de l’AMF, a entériné cette pratique qui profite aujourd’hui d’une « présomption irréfragable de légitimité » lorsque le rachat permet à l’émetteur d’honorer ses promesses d’accès au capital 404.

Sous cet angle, la justification du Ministère de la Justice, selon laquelle l’intervention de l’AGE était motivée entre autres par la bonne information des actionnaires 405 ne pouvait recevoir un accueil favorable. La réforme de 2014, restituant aux organes dirigeants la compétence spontanée commandée par l’émission de titres de nature obligataire ou par le reclassement de titres existants, doit donc être favorablement accueillie, sous réserve d’évacuer tout motif de compétence lié à la restriction de liberté supportée par les actionnaires de la société promettante.

400 B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. 2004, p. 585 ; M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-Ph. DOM, S. GAILLET, F. LE ROCQUAIS et M. SUPIOT, « Le régime et l’émission des valeurs mobilières après l’ordonnance de 2004 », Actes prat., sept.-oct. 2004, p. 16 ; ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 4 et ANSA, « Émission par une société mère d’obligations donnant accès au capital de sa fille sans émission d’actions nouvelles : contenu des résolutions – proposition d’amendement », n° 10-009, 6 janv. 2010, p. 1.401 ANSA, « Valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance : proposition d’amendement », n° 10-035, 2 juin 2010, p. 2.402 ANSA, « Émission par une société mère d’obligations donnant accès au capital de sa fille sans émission d’actions nouvelles : contenu des résolutions – proposition d’amendement », 6 janv. 2010, p. 5 et ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital d’une autre société du groupe – régime de protection des titulaires », n° 13-011, 6 févr. 2013, p. 1.403 V. art. L. 225-209 C. com.404 Sur la voie du rachat d’actions pour servir les droits d’accès au capital, voir notamment A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières-Augmentation de capital, F. Lefebvre, 2004, n° 636 ; B. GRELON, « Le nouveau droit commun des valeurs mobilières donnant accès au capital », Rev. soc. juil.-sept. 2004, n° 23, p. 579 ; ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004 ; ANSA, « Émission par une société mère d’obligations donnant accès au capital de sa fille sans émission d’actions nouvelles : contenu des résolutions – proposition d’amendement », n° 10-009, 6 janv. 2010.405 V. Lettre de réponse de Mme ARRIGHI DE CASANOVA au MEDEF, 9 juil. 2004, citée par ANSA, « Émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à des titres de créance : règles de compétence de l’AGE », n° 04-064, 6 oct. 2004, p. 5.

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100 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

b) Recherche d’autres motifs

39. - Recherche de motifs liés aux restrictions supportées par les actionnaires de la société promettante. Si la compétence de l’AGE ne pouvait s’expliquer par l’altération des statuts de la ou des sociétés intéressées par l’émission, peut-être d’autres motifs étaient susceptibles de pallier cette absurdité textuelle apparente. Nous verrons ultérieurement que l’émission de titres donnant accès au capital s’accompagne d’effets complémentaires à ceux liés à la remise d’actions à terme. Cette remise, satisfaite par voie d’augmentation de capital ou d’attribution de titres existants, constitue l’objet de la promesse. Elle s’accompagne d’accessoires, à la charge de la société débitrice.

Nous faisons allusion aux contraintes inscrites aux articles L. 228-98 et L. 228-99 du Code de commerce. S’agissant des émissions simples (en dehors des configurations de groupe), la création de valeurs mobilières complexes prive la société émettrice de modifier sa forme ou son objet, d’altérer la répartition de ses bénéfices ou encore d’amortir son capital, sans accord des actionnaires en puissance (art. L. 228-98 C. com.). De plus, l’émission des titres primaires l’assujettit à activer la sauvegarde des droits sous option (art. L. 228-99 C. com.), à l’occasion des opérations portant atteinte à ses fonds propres 406.

La compétence de l’assemblée générale extraordinaire aurait pu se trouver justifier par les restrictions supportées par la société débitrice. Messieurs H. LE NABASQUE et A. PIETRANCOSTA 407 ont soutenu cette position. Toutefois, à travers leurs propositions formulées à l’occasion du groupe d’étude formé au sein de Paris Europlace, ces auteurs ont été amenés à se demander si l’intervention de l’AGE était légitime dans l’hypothèse où les titres promis étaient auto-détenus par l’émetteur. Le dénouement des promesses par voie de remise de titres existants suppose une simplification procédurale, motivée par l’absence d’effet dilutif de l’opération sur le capital social. S’agissant d’une simple promesse de cession de titres, une approche utilitariste s’impose. Ainsi, Monsieur H. LE NABASQUE considère que « l’opération n’est finalement qu’un reclassement d’actions déjà émises, dont on ne voit pas qu’elle puisse appeler la compétence d’une AGE » 408. Faute d’impact dilutif, le carcan des règles propres aux augmentations de capital devait être écarté. En outre, une telle solution épouse davantage les standards internationaux 409.

40. - Recherche infructueuse de motifs en cas d’émissions intragroupe classiques. Lorsqu’une société A, mère de la société B, émet des valeurs mobilières donnant accès au capital de sa filiale, cette dernière s’engage à ouvrir à terme son capital. Lorsque

406 Nous consacrerons une étude ultérieure à l’identification des opérations génératrices des mesures de sauvegarde exposées à l’article L. 228-99. Voir infra n° 107 et s.407 V. en ce sens H. LE NABASQUE op. cit., p. 207 et Monsieur A. PIETRANCOSTA, selon lequel « dans le cadre des valeurs mobilières de groupe ou « familiales », nombre de ces mesures de protection pèsent directement sur la société appelée à attribuer les titres de capital sous-jacents, et non sur la société émettrice du titre primaire, ce qui explique aussi sans doute la raison pour laquelle il revient à l’assemblée générale extraordinaire de ses actionnaires d’autoriser ab initio l’émission de telles valeurs » (A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », Dr. soc. janv. 2005, p. 5.408 V. H. LE NABASQUE, « Pour une réforme des titres financiers complexes », RDBF, n°4, juil. 2013.409 H. LE NABASQUE, A. PIETRANCOSTA, « Propositions de modification des dispositions du code de commerce relatives aux titres financiers complexes », RTDF, janv. 2014, p. 98.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 101

les titres promis ne sont pas détenus en portefeuille par la société A, la filiale dispose de deux voies pour satisfaire les promesses : soit augmenter son capital au profit des candidats au capital 410, soit leur remettre des actions précédemment émises, auto-détenues par cette société. Au motif des contraintes supportées par la société B dans la gestion de ses affaires, il convient de s’assurer de la prise de conscience par celle-ci et ses actionnaires des engagements souscrits. En effet, par application de l’article L. 228-98, diverses opérations lui sont interdites par nature. Par exemple, elle ne peut modifier sa forme ou son objet sans l’aval des actionnaires en puissance, en tant que « société appelée à attribuer ces titres » de capital. Ces empêchements justifient-ils la compétence de l’AGE de la société B, dans laquelle les porteurs sont destinés à devenir actionnaires ? Assurément, lorsque les promesses sont dénouées par une augmentation de capital. En revanche, lorsque la société B s’engage à remettre des titres existants qu’elle aura préalablement rachetés, l’opération s’analyse en une simple promesse de cession de titres. Faute d’impact dilutif, le régime propre aux augmentations de capital n’était donc pas voué à s’appliquer.

41. - Recherche infructueuse de motifs lorsque les titres de capital sont détenus en portefeuille par la société émettrice des valeurs mobilières composées. Lorsque les titres promis (ceux de la société B) sont détenus par la société mère A, il revient à cette dernière – en qualité de société « appelée à attribuer » les titres secondaires 411 – de sauvegarder les droits des actionnaires potentiels 412. Ainsi, la société émettrice des titres primaires s’engage à activer l’une des mesures de protection inscrites à l’article L. 228-99 du Code de commerce toutes les fois que la société B procédera à une opération réglementée. Lorsque les actions promises ne sont pas à créer, l’opération s’analyse en un reclassement, par la société A, des titres de sa filiale. Elle manifeste une promesse de cession à terme, non éloignée des options sur actions bien connues des marchés dérivés. En cette hypothèse, l’ancienne compétence de l’AGE de la société A apparaît de nouveau superflue. Pire, elle créait une contrainte inutile, défavorable à l’attractivité de ces titres.

Compte tenu de ces incohérences, Paris Europlace – perfectionnant les travaux de l’ANSA 413 – a préconisé une refonte des articles L. 228-92 et L. 228-93 du Code de commerce, qu’il convient désormais de présenter.

410 Recourant à cette expression, v. A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », Dr. soc. janv. 2005, p. 5.411 Sur l’interprétation à tirer de la notion de « société appelée à attribuer » les titres de capital, voir infra n° 337 et s. À cette occasion, nous avons émis un souhait de réforme, compte tenu de l’éventuelle impossibilité matérielle rencontrée par la société émettrice des titres primaires. 412 V. Monsieur H. LE NABASQUE selon lequel « seule la société dominante (la société “appelée à attribuer les titres de capital” ainsi – d’ailleurs – ici que les “valeurs mobilières y donnant accès”) devrait être concernée par ce texte puisque les modalités destinées à permettre la protection des intérêts des souscripteurs consistent, schématiquement, à ajuster le nombre de titres de capital qu’ils ont vocation à recevoir à terme, lesquels (titres) sont détenus par elle en portefeuille ».413 Le Comité juridique de l’ANSA suggérait l’adoption de la formule suivante : « à peine de nullité, l’émission de ces titres doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société appelée à augmenter son capital. La décision de cette assemblée emporte de plein droit renonciation de ses actionnaires à leur droit préférentiel de souscription à ces titres » (ANSA, « Valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance : proposition d’amendement », n° 10-035, 2 juin 2010, p. 2). La proposition de Paris Europlace vient parachever celle de l’ANSA, passant sous silence la procédure spécifique applicable en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès à des actions

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102 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

B. La solution apportée par l’ordonnance de 2014

Ces arguments ont été entendus par les rédacteurs de l’ordonnance de 2014, du moins, en partie. Comme énoncé dans le Rapport au Président de la République qui accompagnait l’ordonnance, l’intervention de l’AGE est désormais limitée « aux seules émissions de valeurs mobilières constituées de titres de capital donnant accès à d’autres titres de capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance et aux émissions de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre » 414. L’objectif poursuivi fut alors de lier la compétence décisionnelle au potentiel dilutif ou non de l’opération.

42. - Compétence décisionnelle des émissions classiques. L’ordonnance du 31 juillet 2014 a eu pour conséquence la réécriture de l’article L. 228-92 du Code de commerce, qui distingue désormais deux hypothèses. L’alinéa premier vise les émissions qui impliquent une augmentation de capital. Il peut s’agir d’un titre de capital donnant accès à d’autres titres de capital émis ou à émettre (du type ABSA ou ABAA), d’un titre de capital donnant droit à l’attribution de titres de créance (par exemple l’ABSO) ou encore d’une valeur mobilière donnant accès à des titres de capital à émettre (du type OBSA ou OCA). Pour ces titres, la compétence décisionnelle correspond à celle anciennement consacrée aux émissions de toute valeur mobilière complexe 415.

La seconde hypothèse est désormais inscrite au troisième alinéa de l’article L. 228-92 et vise les émissions dépourvues d’effet dilutif, initialement comme à terme. Sont visés les titres de créance donnant droit à l’attribution d’autres titres de créance (telles les OBSO) et les titres de créance donnant accès à des titres de capital existants (telles les OEA). Ces émissions n’emportant aucune augmentation de capital, elles ne commandent plus la réunion de l’AGE. L’article précité donne compétence au conseil d’administration (sauf clause statutaire qui maintiendrait la compétence de l’assemblée), si le titre primaire revêt la forme d’obligations ou de titres participatifs 416. Toutefois, si le titre primaire revêt une autre forme, c’est-à-dire s’il s’agit d’un titre de créance innommé 417, il est renvoyé aux modalités inscrites dans les statuts de la société émettrice ou dans le contrat d’émission.

43. - Compétence décisionnelle des émissions intragroupe. La distinction, selon l’effet dilutif de l’opération, est transposée aux émissions intragroupe par les articles L. 228-93 et L. 228-94 du Code de commerce. Ces articles distinguent quatre hypothèses.

existantes d’une société tierce. Si elle limite la compétence de l’AGE aux promesses d’augmentation de capital, elle tait la procédure qui accompagne les promesses intragroupe de cession à terme. 414 Rapp. au Président de la Rép. relatif à l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juill. 2014 relative au droit des sociétés.415 L’AGE statue conformément aux articles L. 225-129 à L. 225-129-6 du Code de commerce (il s’agit des règles qui définissent le droit commun des assemblées appelées à autoriser une augmentation de capital). L’assemblée se prononce sur le rapport du conseil d’administration (ou du directoire) et sur le rapport du commissaire aux comptes. 416 L’article L. 228-92, al. 3 C. com. renvoie à l’article L. 228-40 C. com. 417 Selon le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, la notion de titres de créance innommés renvoie aux valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance, issues de la pratique boursière, tels les warrants financiers et les certificats de valeur garantie.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 103

Premièrement, lorsqu’une société émet des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital « à émettre », l’émission doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire des deux sociétés intéressées (art. L. 228-93, al. 1 et 2). Toutefois, cette nouvelle rédaction semble créer une incohérence 418. Il faut déduire de cette formulation que l’émission de toutes « valeurs mobilières » donnant accès à des actions à émettre implique la compétence des deux AGE. Cette solution semble donc s’imposer, peu importe que le titre primaire soit une action ou une obligation (la notion de « valeurs mobilières » recouvrant ces deux configurations). En conséquence, il semble donc que l’émission d’un titre de créance donnant accès à du capital à émettre d’une société tierce implique la réunion des assemblées des deux sociétés. On songe à la figure des obligations à bons de souscription d’actions d’une filiale ou encore d’obligations convertibles en actions d’une société tierce. Cette solution revient pourtant à faire autoriser en AGE l’émission d’un titre primaire de nature obligataire (en l’absence donc d’impact dilutif au moment de son émission). L’objectif de rationalisation de la compétence décisionnelle semble donc imparfaitement atteint.

La deuxième hypothèse renvoie aux émissions de titres de capital donnant accès à d’autres titres de capital existant (du type actions à bons d’acquisition d’actions) ou donnant droit à l’attribution de titres de créance (par exemple dans la configuration de l’ABSO). Dans ces deux hypothèses, l’effet dilutif est attaché à l’émission du titre primaire, de nature capitalistique. C’est pourquoi leur émission implique l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice des valeurs mobilières donnant accès au capital (art. L. 228-93, 3ème al. C. com.).

Troisièmement, lorsque le titre primaire est un titre de créance donnant accès à des titres de capital existants (par exemple dans la configuration de l’OEA) ou donnant droit à l’attribution d’autres titres de créance (du type OBSO) l’émission est autorisée dans les conditions de l’article L. 228-40 (dans le cas de titres primaires de nature obligataire ou de titres participatifs) ou de l’article L. 228-36-A (dans les autres cas, c’est-à-dire en présence de titres de créance primaires, innommés 419).

Enfin, précisons encore que s’il n’existe aucun lien capitalistique majoritaire entre la société émettrice du titre primaire et la société dans laquelle les investisseurs sont voués à devenir actionnaire, l’intervention de l’AGE de la société émettrice des titres primaires n’est commandée que si ceux-ci sont des titres de capital (par exemple dans l’hypothèse de l’émission d’actions à bons d’acquisitions d’actions de la société tierce). La compétence de l’AGE de la société émettrice des titres secondaires est écartée, l’article L. 228-94 nouveau du Code de commerce étant réservé aux émissions dépourvues de lien de participation majoritaire (elles-mêmes réservées aux émissions de valeurs mobilières dépourvues d’effet dilutif à terme 420).

44. - Les conséquences de la réforme sur le droit préférentiel de souscription. L’ordonnance du 31 juillet 2014 a consacré les propositions formulées par le groupe

418 A. REYGROBELLET, « La réforme des valeurs mobilières complexes par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés », Bull. Joly, nov. 2014, p. 564, spéc. n° 18.419 Selon le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, la notion de titres de créance innommés renvoie aux valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance, issues de la pratique boursière, tels les warrants financiers et les certificats de valeur garantie. 420 Sont visées les émissions de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital existants ou donnant droit à l’attribution de titres de créance d’une autre société.

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104 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

de travail Paris Europlace. Premièrement, il ne fait plus de doute que l’attribution d’un droit préférentiel de souscription n’est pas automatique, ce que confirme le Rapport au Président de la République qui accompagne l’ordonnance. Les règles qui régissent sa dévolution sont délogées de l’article L. 228-91 (qui a vocation à régir toutes les émissions de valeurs mobilières complexes), pour se nicher, désormais, à l’article L. 228-92 du Code de commerce. Comme proposé, seules s’accompagnent d’un DPS les émissions de valeurs mobilières dont le titre primaire est un titre de capital (l’effet dilutif est alors immédiat) et les émissions de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre (l’augmentation de capital intervient alors à terme). Ces innovations sont transposées aux émissions intragroupe 421.

En outre, on observera que le renvoi aux textes de droit commun régissant le DPS est plus large qu’il ne l’était sous l’ancien régime. Singulièrement, un renvoi est opéré aux articles L. 225-133 (lorsque les souscriptions à titre irréductible ne couvrent pas la totalité de l’augmentation de capital) et L. 225-134 (lorsque les souscriptions à titre irréductible et réductible n’ont pas absorbé toute l’augmentation de capital) 422.

II - Incidences sur la protection

45. - Poursuite de la conquête de la simplification et de la rationalisation. Une despropositions phares du projet de réforme 423 dévoilé en 2014 par le groupe de travail constitué au sein de Paris Europlace, tenait à l’exclusion, des valeurs mobilières donnant accès à du capital « existant », du champ impératif du dispositif de protection. Cette proposition s’inscrivait, en cohérence, dans l’objectif de simplification de la compétence décisionnelle et de rationalisation du sort du droit préférentiel de souscription 424. Selon cette logique, premièrement, seules les émissions emportant un effet dilutif (immédiatement ou à terme) implique la compétence de l’assemblée générale extraordinaire. Ensuite, seules ces émissions supposent l’octroi aux actionnaires d’un droit préférentiel de souscription. Enfin, elles seules exigeraient, impérativement, les outils de protection dictés aux articles L. 228-98 et L. 228-99 du Code de commerce. Sans que l’on puisse véritablement s’en expliquer, alors que ces deux premières propositions ont été consacrées par la réforme, cette dernière mesure de simplification et de cohérence n’a pas été retenue 425. L’activation du dispositif de protection tient donc, aujourd’hui comme hier, à l’atteinte portée à la substance de la promesse, sans considération de l’impact dilutif ou non de l’opération. Bien que non

421 Pour une présentation du sort du DPS en cas d’émission intragroupe, v. infra n° 353.422 A. REYGROBELLET, « La réforme des valeurs mobilières complexes par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés », Bull. Joly, nov. 2014, p. 564, spéc. n° 23.423 H. LE NABASQUE, A. PIETRANCOSTA, « Propositions de modification des dispositions du code de commerce relatives aux titres financiers complexes », RTDF, janv. 2014, p. 108.424 Sur ces apports, consacrés par l’ordonnance du 31 juillet 2014, v. P.-Y. CHABERT et R. ELINEAU, « Dispositions relatives à certaines valeurs mobilières », Rev. soc. 2014, p. 638 ; S. TORCK, « La timide réforme des valeurs mobilières composées par l’ordonnance du 31 juill. 2014 », Dr. soc., nov. 2014, comm. 150 ; A. REYGROBELLET, « La réforme des valeurs mobilières complexes par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés », Bull. Joly, nov. 2014, p. 564, spéc. n° 26, p. 564. 425 V. J.-M. DESACHE, B. DONDERO, « La réforme des valeurs mobilières (Ord. n° 2014-863, 31 juill. 2014), JCP ed. E, 7 mai 2015. 1216, exprimant le regret que les « conséquences naturelles » de la rationalisation de la compétence d’émission n’aient pas été suivies d’effets, en particulier en laissant lettre morte la proposition de laisser au contrat d’émission le soin de fixer les modalités d’ajustement dès lors que la valeur mobilière émise n’emporte pas immédiatement ou à terme d’effet dilutif.

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Partie I – Titre I – Chapitre I 105

consacré par les récentes retouches issues de l’ordonnance de 2014, nous demeurons favorables au traitement circonstancié des promesses de cessions à terme, dont nous exposerons ci-après les vertus.

46. - Motifs du traitement circonstancié. La prise en compte de la singularité associée aux promesses de titres existants, par comparaison aux promesses d’augmentation de capital, s’illustre en matière de protection. La différence de traitement s’inspire des motifs exposés ci-avant, à savoir les fondements sur lesquels reposent la promesse (une promesse de cession à terme) et l’absence d’impact dilutif.

S’agissant des interdictions relatives prescrites par l’article L. 228-98 du Code de commerce, nous considérons avec Paris Europlace qu’elles ne sont pas vouées à s’appliquer aux valeurs mobilières reposant sur la remise de titres existants. Dès lors que ces contrats d’options s’analysent en de simples promesses de cession à terme, la rédaction de l’article L. 228-98 (non modifiée en ce domaine par la réforme du 31 juillet 2014) ne nous apparaît pas opportune. L’attractivité de ces titres ne devrait pas en effet être freinée par des contraintes inadaptées aux opérations ne comportant aucun effet dilutif.

47. - Proposition de réforme. Il nous semble donc nécessaire de distinguer selon l’une ou l’autre des ramifications considérées. Nous appelons de nos vœux une réécriture partielle des articles L. 228-98 et L. 228-99 du Code de commerce, empruntée au groupe constitué au sein de Paris Europlace, et destinée à délimiter de champ de ces articles aux promesses d’augmentation de capital :

« À dater de l’émission des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre, la société appelée à émettre ces titres de capital ne peut modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 ».« La société appelée à émettre les titres de capital doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des titulaires des droits ainsi créés si elle décide de procéder à l’émission, sous quelque forme que ce soit, de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, de distribuer des réserves, en espèces ou en nature, et des primes d’émission ou de modifier la répartition de ses bénéfices par la création d’actions de préférence ».

La refonte proposée vise à soumettre la réalisation des opérations prohibées à l’autorisation préalable des candidats au capital si, et seulement si, la promesse implique une augmentation de capital. A défaut, la protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital serait assurée par le contrat d’émission 426. De même, la refonte vise à exposer la société débitrice à l’activation des mesures édictées à l’article L. 228-99, sous réserve que la promesse se dénoue par une émission de titres de capital.

Par cohérence, une retouche de la lettre de l’article L. 228-100 s’imposerait, afin d’écarter l’application automatique des articles L. 228-98 et L. 228-99. La rédaction actuelle expose en effet que « les dispositions des articles L. 228-98 et L. 228-99 sont applicables aussi longtemps qu’il existe des droits attachés à chacun des éléments des valeurs mobilières mentionnées à ces articles ». Afin d’évacuer la résurgence des articles

426 V. H. LE NABASQUE, « Pour une réforme des titres financiers complexes », RDBF, n°4, juil. 2013.

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106 La protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital

précités à l’égard des valeurs mobilières donnant accès à du capital existant, la formulation suivante, proposée par le groupe constitué auprès de Paris Europlace, retient notre faveur :

« Les dispositions des articles L. 228-98 et L. 228-99 sont applicables aussi longtemps qu’il existe des droits d’accès au capital attachés aux valeurs mobilières mentionnées à ces articles [à savoir les valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre] ».

Cette réécriture présente deux vertus essentielles. Parachever l’effort de simplification lié à la remise d’actions existantes et supprimer l’ancienne formulation tant sibylline qu’inutile faisant référence aux « droits attachés à chacun des éléments des valeurs mobilières ». L’hypothèse de particules détachables est en effet parfaitement couverte par la formulation proposée.

48. - Incidence d’une éventuelle future réforme vis-à-vis des promesses donnantalternativement accès à du capital existant ou nouveau. La liberté offerte aux émetteurs par l’ordonnance de 2004 s’illustre à travers l’option dont ils disposent entre la remise de titres anciens ou nouveaux. Les bons de souscription ou d’acquisition d’actions (BSAA) et les obligations convertibles ou échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANE) illustrent cette faculté. Dans ce second schéma, l’émetteur dispose d’une option essentielle : il arbitre souverainement entre la dilution du capital (manifestée par la conversion, génératrice d’une augmentation de capital) et un coût de trésorerie (illustré par la remise d’actions existantes) 427. Or, cet arbitrage peut être différé jusqu’à la levée des options d’accès au capital, intervenant au fil de l’eau.

Nous sommes donc invités à nous demander, dans l’hypothèse où la réforme proposée viendrait à être adoptée, si l’émission de ces titres appellerait la mise en œuvre de la protection offerte par les articles L. 228-98 et L. 228-99 ou si, au contraire, les émetteurs pourraient s’affranchir de ces dispositifs contraignants, à la faveur de prescriptions contractuelles. La réponse à cette problématique nous semble reposer sur la prise en compte temporelle des effets associés aux articles précités.

Nous constatons que l’approbation visée par l’article L. 228-98 doit précéder la réalisation de l’opération considérée. Prenons l’exemple de la modification de la forme de la société débitrice. Conformément à l’article précité : « la société appelée à attribuer ces titres ne peut modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 ». Nous exposerons ultérieurement 428 que les autorisations ab initio, inscrites dans le contrat d’émission, ne reçoivent pas nécessairement notre faveur. Nous préconisons, en certaines hypothèses, que la stipulation décrive « précisément » la teneur de la modification. Seraient ainsi sans effet les autorisations à caractère général. L’aval des porteurs réunis en masse sera donc parfois exigé. Celui-ci devra devancer la transformation.

En outre, les mesures de protection prescrites par l’article L. 228-99 marquent leur empreinte préalablement à la levée des options. Par exemple 429, la technique de la

427 A. COURET, « Les droits des porteurs de titres de capital différé », Petites aff., n° 89, 4 mai 2001, p. 19.428 Sur cette question, v. infra n° 108.429 La technique de la réservation commande, elle, des mesures concomitantes aux opérations dont elles tirent leur source. Par exemple, la distribution de réserves exige le virement sur un compte de réserves indisponibles des sommes destinées aux investisseurs. En outre, si une société procède à une opération

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Partie I – Titre I – Chapitre I 107

déchéance du terme implique l’ouverture d’une période exceptionnelle de souscription à l’intention des actionnaires potentiels 430.

Par prudence, si la réforme proposée venait à être consacrée, nous inviterions donc les émetteurs, bénéficiaires d’une alternative à la remise d’actions existantes ou nouvelles, à s’assujettir au respect des articles L. 228-98 et L. 228-99. S’agissant des interdictions relatives exposées à l’article L. 228-98, il serait en effet dangereux, et impropre à l’objectif de sécurité juridique, de soumettre la validité d’une opération à la condition suspensive de la cession différée d’actions anciennes. C’est pourquoi, faute de connaître le mode de dénouement des options d’accès au capital, la protection des actionnaires potentiels ne pourrait s’écarter des prévisions légales.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

49. - Longuement escomptées par les acteurs économiques, les ordonnances du 24 juin 2004 431 puis celle du 31 juillet 2014 432 ont modestement 433 répondu à leurs attentes. Si elles constituent un outil indéniable de simplification du régime d’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital, elles n’ont pas pleinement franchi le pas de la libéralisation, appelé des vœux des praticiens.

En particulier, malgré l’appétit d’unité manifesté par le législateur en 2004 (matérialisé par la suppression de l’énumération des modes d’accès au capital dans l’article fondateur du régime des valeurs hybrides), la survivance de références aux voies d’attribution du titre promis rétablit le doute. En particulier, le dispositif de la masse illustre ces contradictions et soumet les émetteurs à diverses incertitudes, de nature à freiner leur enthousiasme. En effet, les conflits issus de la juxtaposition du régime propre aux valeurs mobilières hybrides et de celui applicable, sur renvoi, aux obligations simples soulèvent de nombreux écueils. C’est pourquoi nous sommes favorables à une refonte partielle, afin d’évacuer toute dissociation (malvenue selon nous) fondée sur la nature obligataire ou non des titres primaires et pour mettre fin aux incohérences non levées par la réforme du 31 juillet 2014.

La suppression des disparités constatées d’un titre à l’autre ne constitue pas notre unique source de motivation en faveur d’une refonte du dispositif de protection. Nous avons également regretté le maintien du régime impératif de défense des promesses lorsque les valeurs mobilières donnant accès au capital n’emportent aucune émission

nécessitant l’application de l’article L. 228-99, elle en informe les titulaires des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital intéressées par un avis (R. 228-92 C. com.).430 Sur la mise en œuvre de cette mesure de protection, v. infra n° 227.431 Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004.432 Ord. n° 2014-863 du 31 juill. 2014.433 Pour une présentation et un bilan très mitigé de la réforme de 2014, v. P.-Y. CHABERT et R. ELINEAU, « Dispositions relatives à certaines valeurs mobilières », Rev. soc. 2014, p. 638 ; S. TORCK, « La timide réforme des valeurs mobilières composées par l’ordonnance du 31 juill. 2014 », Dr. soc., nov. 2014, comm. 150 ; A. REYGROBELLET, « La réforme des valeurs mobilières complexes par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés », Bull. Joly, nov. 2014, p. 564, spéc. n° 26 ; ANSA, « Régime d’autorisation des émissions de valeurs mobilières complexes », févr. 2015, n°15-004. V. égaL. J.-M. DESACHE, B. DONDERO, « La réforme des valeurs mobilières (Ord. n° 2014-863, 31 juill. 2014), JCP E, 7 mai 2015. 1216, faisant état d’une réforme « a minima ».

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de titres nouveaux. Sans que l’on puisse véritablement s’en expliquer, cette proposition n’a pas été retenue par l’ordonnance du 31 juillet 2014, alors qu’elle s’inscrivait, en cohérence, dans le prolongement de l’objectif de simplification de la compétence décisionnelle et de rationalisation du sort du droit préférentiel de souscription.

Nous rejoignons donc les conclusions du groupe de travail constitué au sein de Paris Europlace, plaidant pour une refonte des articles L. 228-98 et L. 228-99 du Code de commerce. Il apparaît en effet que les options d’augmentation de capital ou de remise d’actions existantes présentent des divergences conceptuelles manifestes. Ces dernières reposent sur une promesse de cession à terme d’actions anciennes. Les exigences exposées aux articles L. 228-98 et L. 228-99 ne devraient pas s’imposer avec la même rigueur que dans la configuration d’une promesse d’émission différée.

En outre, au dispositif inachevé de libéralisation des valeurs mobilières hybrides est juxtaposé un régime complémentaire : celui des titres de capital. Leur confrontation est source d’incertitudes. L’absence de refonte du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital à l’issue de l’ordonnance de 2009 appelle quelques commentaires. Ses rédacteurs ont raisonné comme si les valeurs composées emportaient cette qualification. Or, une analyse tant des écrits doctrinaux que de la jurisprudence fait état d’une approche opposée. Ainsi, plutôt que de lever certains doutes, la classification issue de l’ordonnance de 2009 incite au scepticisme. Elle semble remettre en cause la jurisprudence « Métrologie International », vouée à préserver sa force post-réforme du 24 juin 2004. C’est pourquoi, faute de convaincre véritablement, nous n’avons pu tirer de l’ordonnance de 2009 toutes les conclusions auxquelles elle invitait. Ainsi, il nous est apparu que les valeurs mobilières donnant accès au capital sont « assimilées » – du point de vue du droit financier – aux titres de capital ; sans pour autant que cette classification (ne s’agissant pas en effet d’une véritable qualification) emporte de solides répercussions dans le domaine du droit des sociétés. Un sentiment semblable d’inachèvement imprègne le régime des stock-options et des BSPCE. S’ils sont « assimilés » aux valeurs mobilières hybrides, ils n’en partagent ni les fondements, ni le régime. La négociabilité et la fongibilité 434 propres aux valeurs mobilières leur font défaut. C’est pourquoi la sauvegarde des droits associés à ces mécanismes d’accès au capital s’inspire d’un renvoi, partiel, au dispositif propre aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Sur ce terrain, à nouveau, la refonte du 31 juillet 2014 déçoit. Sont maintenues, en dépit de l’impulsion du groupe Paris Europlace, les différences de traitement dans la mise en œuvre de la protection des porteurs de valeurs mobilières complexes et des bénéficiaires de stock-options ou de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise. Pourtant, ces trois instruments d’accès au capital puisent leur source dans un mécanisme similaire : ils s’inspirent directement de la technique civiliste de la promesse de contrat 435, dont ils partagent les enjeux, à savoir l’altération de la substance de l’option consentie 436.

434 Lorsque les plans d’attribution sont subordonnés à des conditions de performance individuelle, la fongibilité de ces titres est manifestement écartée. Le fort intuitu personae consacré par ces titres fait obstacle aux critères de la négociabilité et de la fongibilité.435 En faveur de la qualification de promesse unilatérale appliquée aux stock-options, v. Cass., 2ème civ., 20 sept. 2005, n° 03-30709, JCP éd. E, janv. 2006, p. 1047, obs. R. VATINET. V. égaL. R. VATINET, « Le clair-obscur des stock-options à la française », Rev. soc., janv. 1997, n° 13, p. 31 ; L. Merland, Recherches sur le provisoire en droit privé, th. Aix-Marseille, PUAM, 2001, n° 103, p. 110 ; A. COURET, H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, 2ème éd., Dalloz, 2012, n° 516, p. 293. 436 Sur les obstacles, non infranchissables, à l’application aux stock-options et aux actions gratuites des mesures de protection propres aux valeurs mobilières complexes, v. les positions de l’administration fiscale, non opposée à l’instauration d’un régime conventionnel de protection des bénéficiaires d’actions gratuites :