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1 Résister par l’art et la littérature Concours national de la Résistance et de la Déportation 2015-2016 Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris 1/4/16

Résister par l’art et la littérature

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Résister par l’art et la littérature

Concours national de la Résistance et de la Déportation 2015-2016

Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris

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Pour beaucoup de Français, la Résistance représente les combats armés, les sabotages de voies ferrées et les destructions de ponts. Cette forme de résistance a bien entendu existé mais cette notion ne se réduit pas simplement à ces actes..

La Résistance a pris différentes formes et des visages variés tout au long des 5 années qu’ont duré la Seconde Guerre mondiale. Avec le sujet « Résister par l’art et la littérature », on abordera la Résistance des idées, des valeurs que l’on défend et de tous les modes d’expressions possibles, venant de personnes aux origines et sensibilités différentes.

Ce document propose une analyse du sujet et une étude détaillée des différentes formes artistiques et littéraires en s’appuyant sur les archives du musée afin de donner une dimension locale à ce thème universel.

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I - Art et littérature dans la Seconde Guerre mondiale L’art est une activité de création qui comprend différentes techniques pour arriver à une réalisation esthétique. Si la notion de beauté est propre à chacun, l’art tente d’exprimer des émotions ou des idées. Il cherche à toucher, émouvoir, faire réagir, interpeller voire choquer. Voici quelques formes d’art : • sculpture • cinéma • musique • arts graphique et plastique (peinture et dessin) • photographie

La littérature regroupe les différentes formes d’écriture ayant une dimension esthétique. Voici quelques exemples d’œuvres littéraires : • roman • poème • pièce de théâtre • conte philosophique • autobiographie

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Contexte culturel d’avant-guerreLe développement des moyens de communication, de l’imprimé, de la photographie, de la radio et du cinéma sont en plein essor dans la première moitié du 20e siècle. Beaucoup d’artistes ont été influencés par la Première Guerre mondiale, les tensions des années 1930 et la montée des régimes dictatoriaux en Europe. Certains ont produit des œuvres en réaction à des événements : Picasso peint Guernica après le bombardement du village basque en 1937 par l’aviation nazie. Dès le début de la guerre et d’avantage après la signature de l’Armistice, les artistes vont rencontrer des difficultés pour créer : - les écrivains et artistes engagés voient leur liberté d’action réduite à cause d’attaques de la presse collaborationniste. - les artistes juifs sont interdits d’exercer dans les milieux culturels - les restrictions matérielles vont rendre le processus de création très compliqué : pénurie de papier et d’encre… Dans ce contexte de contrôle, de censure et de manipulation de l’art comme outil de propagande par Vichy et les nazis, les artistes français adoptent différentes postures. Certains artistes vont s’exiler pour travailler librement (Jean Gabin part aux USA pour échapper au STO), certains restent neutres, d’autres décident de ne plus créer, d’autres collaborent avec l’Etat Français et les nazis pour gagner leur vie ou par idéologie. Nous allons nous pencher sur ceux qui ont résisté !

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II - Résister par l’art et la littérature en France

« Résister », c’est s’opposer à un système et agir. Les résistants se battent aussi bien contre les nazis que contre le régime de Vichy. « Entrer en Résistance », c’est faire un choix, celui de la désobéissance, du refus, de l’insoumission. C’est dire NON, être CONTRE, ne PAS se taire. Pour les premiers engagés, résister se résume à essayer de « faire quelque chose ». Ils doivent exploiter leurs compétences et leur imagination pour contourner les obstacles matériels, financiers et la répression. Les débuts sont difficiles, les initiatives peu nombreuses. Cela génère des actes spontanés, « artisanaux » comme écrire sur les murs, manifester, chanter la Marseillaise, lacérer des affiches de propagande. D’autres utilisent des chansons populaires, des poèmes, des prières qu’ils ont appris par cœur dans leur enfance ou à l’école. Ils les transforment, les détournent pour dire leur refus. Ils n’ont pourtant pas conscience de faire de la Résistance, ils ne le revendiquent pas.

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Les différentes formes de résistance artistiques et littéraires

• Les écrits clandestins  expriment les idées des résistants, dénoncent la répression, appellent à la solidarité, mobilisent la population, racontent la Résistance tout en conservant la beauté des mots. Les auteurs utilisent souvent des références littéraires ou culturelles célèbres et ont recourt à l’humour et la parodie en opposition à la répression.

Réécriture anti-allemande d’un célèbre poème qui est recopié selon le principe de la chaîne par des individus isolés durant la première année de guerre.

Ces tracts sont distribués pour faire prendre conscience à la population des enjeux politiques.

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En référence à l’article publié dans le journal l’Aurore par Emile Zola pour prendre la défense d’un militaire français de confession juive injustement accusé dans l’Affaire Dreyfus en 1898, des résistants membres des FTP-MOI publient clandestinement dès 1942, des tracts visant à informer la population des rafles et massacres des populations juives en France et dans les pays de l’Est. Grâce à ce Mouvement national contre le racisme, les Français sont invités à venir en aide aux Juifs et surtout aux enfants, victimes innocentes de la barbarie raciste.

«  Que chaque famille française accueille un enfant persécuté »

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Ce tract décrit ce qu'il nomme « l'hitlérisme » comme une maladie contagieuse et administre les différents traitements contre ce mal. Sur le ton de l’humour et des jeux de mots, l’auteur attaque les nazis et leurs alliés.

Ce tract rappelle cette planche de bande dessinée parue en zone occupée vers 1941 qui met en garde la population civile contre une épidémie de « Dingaullite ». S’appuyant sur le champ lexical de la maladie, la propagande de Vichy estime qu’il faut être fou pour suivre de Gaulle.

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Ce tract est, à première lecture, issu de la propagande allemande ou de Vichy.

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Pourtant, il emprunte un très vieux procédé consistant à lire le début des phrases pour découvrir le vrai message de l’auteur et ainsi déjouer la censure.

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Voici un autre exemple de texte crypté qui utilise les lettres de l’alphabet pour en faire une langue secrète. Cette forme de poème ressemble aux SMS d’aujourd’hui. Ce tract avait des variantes selon les auteurs et était parfois signé A.J.C.!

Ces quelques exemples de textes issus de la littérature française ou du langage français, montrent la vo l o n t é d e n e p a s l a i s s e r contaminer son esprit et sa culture par les envahisseurs.

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Tract artisanal reprenant la forme d’un texte religieux qui a pour but de donner de l’espoir sur les prévisions de guerre comme l’entrée en guerre de l’Amérique. Le tout en se ser vant de l’humour et de l’absurde, ce qui a pour effet de ridiculiser la guerre.

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Toujours dans le registre de la parodie, cette fausse lettre pastorale évoque les symboles de Noël sous forme de figures de style. Ainsi, les bergers deviennent réfractaires au STO et Hitler est désigné sous les traits d’une vache !

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Faux avis de décès d’Adolf Hitler non daté qui utilise l’humour pour ridiculiser le dictateur et ses alliés.

Rédiger un faux avis de décès montre bien à quel point les Français le haïssent.

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Dans le registre de la parodie testamentaire, nous trouvons ce faux testament avec une fausse signature, daté d’août 1944.

L’humour et la dérision y sont présents et font dire au dictateur, Dodofe Hitler, des horreurs sur son entourage.

On comprend surtout, à travers ce tract, que l’auteur est convaincu de la faillite des nazis face aux Alliés.

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• Dessins et caricatures en résistanceAvant guerre, la place de l’image et des représentations graphiques sont en pleine expansion avec la diversification des imprimés (journaux, magazines, revues, bandes dessinées). Le dessin est en effet un vecteur d’information important, accessible à tous. Dans la presse, il sert avant tout à illustrer l’actualité. Il est présent partout : sur les affiches et tracts, dans la publicité, dans les livres… Il touche donc un large public pour faire face à la censure et à la propagande nazie soutenue par le gouvernement français. Le dessin de résistance se trouve sur des tracts et dans les journaux clandestins afin de faire réagir, réveiller les consciences, dénoncer, maintenir le moral de la population. Ces dessins marquent les esprits grâce aux symboles utilisés. Ils sont souvent satiriques et utilisent la caricature.

Tract anti nazi et contre Laval incitant la population à manifester le

14 juillet 1943.

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Tract sous forme de billet de 50 Francs réalisé au lendemain de la signature de l’Armistice entre la France et l’Allemagne visant à expliquer, par la caricature, le pillage économique qu’exercent les forces d’occupation. Au dos du tract, les différentes exigences des nazis auxquelles la France est contrainte de se plier sont expliquées. Là encore, la caricature et la satyre sont utilisées pour désigner les acteurs de cette situation.

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Tract appelant la population à écrire lettres et pétitions pour envoyer le

maréchal Pétain à l’échafaud suite à son arrestation en avril 1945.

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Au maquis de Lorris, comme dans beaucoup d’autres, les hommes passent de longues heures à veiller sur la sécurité du camp et sont bien souvent coupés du monde.

Certains vont ainsi «  tuer le temps  » en couchant sur le papier leurs espoirs, leurs peurs, les événements dont ils sont témoins…

Le recueil Jeunesse ardente de Pierre Jérosme, publié en 1945, réuni ainsi plusieurs poèmes écrits dans les maquis du Loiret.

Cet ouvrage est également complété par des gravures de Pierre Dumas, résistant-déporté du Loiret.

• L’art et la littérature en Résistance

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Le poème ci-contre est écrit par le capitaine Roger Giry. Instituteur à Nibelle, soldat blessé en 1940, il entre très vite en clandestinité dans la forêt d’Orléans et devient l ’un des r e s p o n s a b l e s d u m a q u i s d e Chambon la Forêt. Activement recherché par les Allemands, il se cache dans des fermes et écrit cette ôde à la France. Capturé, il est fusillé au Carrefour d’Orléans le 14 août 1944.

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Ici, un dessin humoristique retrouvé dans le cahier de Serge Degrégny, maquisard de Lorris. Les dessins collectés dans son cahier montrent l’innocence et la joie de vivre de ses 22 ans. La guerre est toujours présente mais il préféra donner un ton léger à ses dessins.

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III - Survivre à l’enfermement et à la Déportation par l’art et la littérature

• Une nouvelle forme de résistance

Dès 1941, les résistants sont face à une répression intense et la population carcérale explose (18 000 prisonniers avant-guerre, 36 000 en 1941, 50 000 en 1942). C’est un choc pour ces femmes et ces hommes qui n’ont, pour beaucoup, jamais été privés de leur liberté. Ces personnes souvent très actives ne peuvent désormais plus lutter de la même façon contre l’ennemi. Ils doivent s’adapter à un environnement hostile. Apprendre à supporter le contact avec les détenus, le manque d’hygiène et de nourriture sont des épreuves quotidiennes d’autant plus difficiles quand le corps est déjà meurtri par les sévices liés à la torture, aux interrogatoires. Il s’agit désormais d’une résistance intellectuelle, pour sa propre survie mentale dans laquelle l’art et la littérature jouent un grand rôle.

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• Création artistique et littéraire en prison

Les créations artistiques et littéraires produites par des résistants lors de leur détention p e r m e t t e n t d e c o n t i n u e r l a l u t t e différemment, de résister à l’incertitude de son sort, de garder le moral alors que l’on est sans nouvelles de sa famille. Créer, écrire, composer, dessiner et sculpter parfois aident à oublier cet univers de violence et d’angoisse.

Dessins de Jean Chandezon, étudiant orléanais arrêté à Paris pour avoir aidé des réfractaires au STO. Il est emprisonné 2 mois avant d’être déporté à Mauthausen.

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Lorsque le résistant est isolé en cellule, mis au secret, il se retrouve seul face à lui-même et à ses souffrances. C’est aussi le cas de celui qui attend son exécution ou qui attend qu’on vienne le chercher pour un interrogatoire.

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Ces conditions difficiles n’empêchent pas la naissance d’amitiés et de solidarités entre les détenus. On tente de penser à autre chose. Des poèmes et chants sont récités, des moments de prières viennent briser la monotonie de l’enfermement. Selon la prison et la période, les prisonniers connaissent des conditions de détention plus ou moins dures. Certaines pratiques littéraires et artistiques sont donc clandestines, d’autres sont autorisées.

Courrier d'Émile Cousin, résistant communiste arrêté en 1941 à Montargis. Il

écrit et décore ses lettres depuis la centrale de Clairvaux où il est emprisonné avant d’être

déporté à Buchenwald.

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• Création littéraire et artistique dans les camps d’internement

Sous l’Occupation, la France utilise des camps pour enfermer sans jugement des opposants et des « indésirables ». Républicains espagnols, Allemands ou Autrichiens antinazis, résistants, syndicalistes, francs-maçons, Tziganes, juifs étrangers sont visés.

Dès 1941, les camps d’internement servent à « parquer » les juifs arrêtés avant qu’ils ne soient déportés vers les centres d’extermination en Pologne. Dans le Loiret, il y a eu trois camps d’internement : Pithiviers, Beaune la Rolande et Jargeau (population de nomades et de tsiganes).

Les opposants sont pour la majorité, regroupés au camp de Compiègne (Oise) avant leur déportation vers les camps de concentration d’Allemagne et d’Autriche.

Les conditions de vie sont très précaires pour les internés. Privés de leur liberté, des artistes parviennent quand même à créer avec les moyens du bord. Cette fois encore, l’art et la littérature sont encore une fois un moyen de s’évader un instant du camp.

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La revue littéraire Les Lettres françaises est une publication créée en France en 1941 par Jacques Decour et Jean Paulhan, écrivains résistants. Il s'agit d'une publication clandestine bénéficiant entre autre, du soutien de Louis Aragon ou Raymond Queneau. Dans ce numéro, est annoncée la mort de Max Jacob le 5 mars 1944 au camp de Drancy. Ce poète, romancier et peintre de confession juive converti au catholicisme passe de nombreuses années de retraite spirituelle à l’Abbaye de Saint Benoît sur Loire où il est arrêté le 24 février 1944. La revue lui rend hommage à travers un poème.

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Les internés ne sont pas systématiquement mis au travail et certains sont enfermés pendant de longues périodes. Les activités culturelles et artistiques, si elles sont autorisées, se développent donc pour occuper le temps (concerts, lectures, représentations théâtrales). C’est l’occasion de s’exprimer, de créer, de composer ; et pour les autres internés, d’écouter, de découvrir, d’apprendre.

Commission culturelle du camp d’internement de Pithiviers et photos des

différents groupes artistiques et expositions

réalisées par les détenus en 1941 et 1942.

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• Création artistique dans le système concentrationnaire nazi

La déportation, orchestrée par les nazis et avec la collaboration de l’Etat Français est le fait de déplacer des détenus (hommes, femmes et enfants) contre leur volonté hors de France. Ils sont transportés par le chemin de fer, dans des wagons à bestiaux vers les camps du système concentrationnaire nazi. Il existe deux grandes catégories de déportés : - Les déportés de répression. Ce sont les résistant(e)s et opposants au nazisme et au régime de Vichy. Parce qu’ils sont contre, ces femmes et ces hommes sont déportés vers des camps de concentration en Allemagne, en Autriche et en Pologne pour servir de main d’œuvre aux industries du IIIème Reich. Depuis la France, environ 89 000 personnes ont été déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. - Les déportés de persécution. Les juifs, les Tsiganes sont déportés pour ce qu’ils sont vers les centres d’extermination essentiellement en Pologne. Les nazis, mais aussi le gouvernement du maréchal Pétain, les considèrent comme « inférieurs », comme des ennemis et des « parasites à éliminer  ». Près de 76 000 hommes, femmes et enfants juifs ont été déportés pendant l’occupation depuis la France vers les centres d’extermination. La majorité est exterminée dès l’arrivée dans les chambres à gaz ; seulement 3% de ces déportés survivent après leur « sélection » pour le travail par les nazis.

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Des éléments d’une vie artistique existent dans les camps de concentration. Poèmes, pièces de théâtre, objets sculptés et dessins sont produits par des déportés alors que les pratiques artistiques sont interdites et que les nazis mettent tout en œuvre pour les rendre impossibles. Dès leur arrivée dans les camps, déportés de répression et de persécution ne sont plus considérés comme des êtres humains. Leur déshumanisation doit être totale. Leur quotidien est fait d’humiliations, de violence, de peur. Leur journée se résume à plus de douze heures de travail. Le temps manque donc aux déportés pour créer mais surtout l’énergie. La plupart d’entre eux ne peuvent surmonter l’épuisement qui les accable et les tue. Dans cet univers, certains trouvent tout de même la force de créer mais avec le risque, à tout instant, d’être découvert et exécuté. Pourtant, les motivations dépassent ces risques. Pour certains, il est nécessaire de reprendre une activité artistique ; pour d’autres, c’est une nouvelle façon de s’exprimer.

Vignettes fabriquées au camp de Bergen-Belsen par Renée Montembault

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Créer c’est aussi une façon de garder le moral, d’encourager ses camarades et de lutter contre la déshumanisation. Créer devient un réflexe de survie. Ici, divers objets fabriqués par Renée Montembault au camp de Bergen-Belsen à partir de papiers cartons récupérés. Il s’agit d’un art populaire proche du dessin que l’on retrouve souvent dans les camps car il emploie un langage commun et universel. Il permet de créer du lien entre les déportés souvent de nationalité et de langue différentes. Ces petits jeux leur permettaient aussi de s’évader du quotidien

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Les matériaux utilisés sont bien souvent volés et cachés puisque les déportés ne doivent rien posséder. Le minuscule bout de crayon ayant servi à écrire sur ce carnet était dissimulé dans la doublure de la tenue de Renée Montembault. Parfois, le déporté va même jusqu’à sacrifier sa ration de pain ou de soupe pour l’échanger ou la négocier contre du matériel.

Encore une fois, pour tuer le temps et occuper son esprit, certains déportés écrivaient des recettes de cuisine alors qu’ils souffraient atrocement de la faim. En s’inventant des festins, peut être parvenaient-ils à oublier le chaos qui les entourait? Le déporté crée aussi pour témoigner. S’il survit, il faudra qu’il puisse montrer, expliquer, représenter et donc transmettre aux autres. Le tout en apportant des preuves de ses souffrances et de cette terrible expérience.

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Les poèmes racontent le quotidien mais aussi la fraternité et la solidarité. Certains poèmes parlent des souffrances endurées, d’autres racontent un amour de jeunesse, la nostalgie du pays, des souvenirs heureux.

« J’ai tellement rêvé de toi J’ai rêvé tellement fort de toi, Tellement aimé ton ombre

Qu’il ne me reste plus rien de toi. Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres

D’être cent fois plus ombre que l’ombre D’être l’ombre qui viendra et reviendra

Dans ta vie ensoleillée. »

Dernier poème de Robert Desnos trouvé sur lui par un camarade après sa mort et écrit sur un emballage.

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Chanter est une activité importante pour les déportés. On chante des mélodies familières le soir dans les baraques. Pour se donner espoir et courage, on entonne La Marseillaise alors que c’est interdit. Des chants sont composés par les déportés comme Le chant des Marais. Créé en 1933, ce chant naît au camp de concentration de Börgermoor (Allemagne) où sont « rééduqués » les premiers opposants politiques allemands. Trois détenus le composent pour se donner du courage. Il évoque les souffrances et les espoirs des déportés mais aussi le travail forcé auquel ils sont soumis dans les marécages du camp. Par la suite, Le chant des marais est repris dans tous les autres camps, au gré des transferts de déportés. Il est alors traduit dans plusieurs langues. Aujourd’hui, il est l’hymne de la déportation.

« Loin vers l’infini s’étendent De grands prés marécageux Pas un seul oiseau ne chante Dans les arbres secs et creux

Ô terre de détresse Où nous devons sans cesse

Piocher ! Piocher ! »

Premier couplet et refrain du Chant des Marais

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L’étude de ce sujet montre que les résistants, artistes confirmés ou novices, ont trouvé dans l’art et la littérature un moyen de résister à l’oppression, aux interdits, à la déshumanisation. Grâce à une culture populaire ou élitiste, ces hommes et femmes ont su transmettre leurs œuvres pour dénoncer et combattre. Continuer à créer était alors la seule façon de survivre face à l’horreur. Comme le disait le grand résistant-déporté Stéphane Hessel : « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. » Certaines productions clandestines sont connues dès la Libération et témoignent de l’engagement dont les opprimés ont fait preuve en créant au péril de leurs vies.

Ce sujet « Résister par l’Art et la Littérature » invite à réfléchir sur la place de la liberté d’expression dans le monde de maintenant. Aujourd’hui encore, des artistes et des intellectuels luttent pour défendre leurs œuvres car ce droit en France et en Europe n’en est pas un dans tous les pays. Certains régimes dictatoriaux continuent à utiliser la répression et à faire des victimes. C’est le cas de l’artiste dissident chinois Ai Weiwei, du blogueur saoudien Raef Badawi…

« Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige J’écris ton nom. »

« Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître Pour te nommer

Liberté. »

Première et dernière strophe du poème Liberté écrit en 1942 par Paul Eluard. Poète engagé, il, distribue des tracts, héberge des résistants et participe au comité national des écrivains en zone occupée.

Ce poème clandestin est parachuté par la Royal Air Force dès avril 1943.

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Crédits photographiques

Tous les documents, objets et archives reproduits sont issus des collections du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris. Tous droits réservés pour l’ensemble des documents et des textes à l’exception de :

-Photographie de V : www.wikipedia.fr -Poème « la collaboration » : www.litsoc2.canalblog.com -Photographie Max Jacob : www.wikipedia.fr

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