Résumé d’article : « Les pratiques d’encadrement des

« tuteurs de stage » en masso-kinésithérapie »

Matthieu PLAZOLLES

1. Contexte La réingénierie de la formation en masso-kinésithérapie a eu lieu en 2015. Elle entre donc dans un cursus LMD et son projet porte sur l’acquisition des compétences à l’exercice professionnel. La nouvelle règlementation du 5 septembre 2015 (arrêté du 2 septembre 2015) [1] précise l’organisation et la durée des différents enseignements, théoriques et pratiques en institut ou pratique sur les terrains de stage. Le temps passé en stage par les étudiants représente plus de 40% du temps total de la formation. Les « tuteurs » encadrant les stagiaires ont un rôle capital dans ce processus de formation. « Le tuteur est l’interlocuteur privilégié de l’apprenant en stage. […] il établit des liens avec les éléments de théorie » [2]. Ils permettent la construction de compétences par les étudiants. Pour Gatto [3], « le tuteur de stage et le formateur en formation initiale et/ou continue est un expert de la formation. Il assure des missions d’animation, d’évaluation, d’enseignement, de régulation, de médiation, d’organisation de l’apprentissage et du projet ».

Une enquête a été réalisée dans un cadre universitaire en 2013 afin de connaitre le « profil » de ces tuteurs, leurs formations, leurs connaissances dans le domaine des Sciences de l’Education (SDE) et l’utilisation de ces connaissances en situation d’encadrement.

2. Méthode de recherche Deux enquêtes sont réalisées :

Une enquête quantitative dont l’outil choisi est un questionnaire. L’objectif est d’identifier les connaissances et l’utilisation de ces connaissances en situation des tuteurs de stage encadrant les étudiants durant leurs stages de masso-kinésithérapie. Les thématiques questionnées, théories de l’apprentissage, modèles de la formation, de l’évaluation et de la communication, appartiennent aux SDE.

La deuxième enquête est qualitative. Deux entretiens auprès de responsables d’Instituts de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK) sont réalisés afin de repérer les compétences attendues des tuteurs de stage encadrant les étudiants.

3. Outils d’enquêtes et populations Un premier outil d’enquête est un questionnaire composé de 29 questions qui a été renseigné par 92 tuteurs de stage encadrant des étudiants durant leur parcours de stage, après envoi à tous les IFMK de France et des DOM. Le recueil des réponses est réalisé via Google Drive® sur internet. Des statistiques ont ensuite été réalisées à partir d’un tableau de tri à plat.

Le deuxième outil est un entretien semi directif effectué auprès d’un directeur d’IFMK et d’un responsable pédagogique d’IFMK. Les entretiens ont été réalisés par le logiciel Skype® et par téléphone. Le traitement des entretiens a été réalisé par retranscription intégrale puis une indexation notionnelle et thématique a permis d’analyser le contenu.

4. Les résultats qui répondent à la question de recherche

Les tuteurs ayant répondu à cette enquête sont des professionnels jeunes (D.E. inférieur à 10 ans) et sont aussi de jeunes tuteurs (pratique du tutorat depuis moins de 10 ans). La population est légèrement féminisée (58 % de femme). Ils exercent préférentiellement en milieu hospitalier ou salarial. Bien qu’au moins une formation complémentaire ait déjà été réalisée depuis leur D.E. (82 %), seule une petite partie de la population étudiée a été formée au tutorat (22 %, n = 92).

Les tuteurs de stage présentent des compétences dans le domaine des SDE qui ont été repérées dans le cadre de leurs pratiques. Les connaissances théoriques des SDE des théories et des modèles convoqués sont peu conformes (conformités aux questions de connaissances : 30 %). Les questions de mises en situation montrent une conformité nettement plus importante (62 %).

Les résultats de conformité totale pour une population composée de tuteurs exerçant en milieu hospitalier sont similaires à ceux d’une population exerçant en milieu libéral. En revanche, les résultats obtenus par les tuteurs de notre population formés dans un cursus universitaire LMD sont plus conformes que ceux des non formés (Connaissances : 55 % vs 27 % ; Mises en situations : 71 % vs 61 %). Enfin, une population de tuteurs formés aux SDE montre de meilleurs résultats de conformités (Connaissances : 63 % vs 27 % pour les non-formés ; Mises en situation : 74 % vs 61 %). Ces résultats étant issus de petits échantillons, ils ne peuvent être confirmés statistiquement par des tests de corrélation.

Les compétences des tuteurs de stage attendues par les directions d’IFMK interviewés divergent selon le modèle de la formation choisi. Ainsi, l’un s’inscrit dans un paradigme phénoménologique et développe une formation de type Emancipation. Les compétences des tuteurs sont liées à la relation et à l’accompagnement (communication systémique, évaluation questionnement…) des étudiants et doivent leur permettre de développer des compétences d’autonomie, de réflexivité, de questionnement et de transposition des modèles en situation de soins.

L’autre institut s’inscrit dans un paradigme positiviste et développe une formation plus traditionnelle de type Instruction. Les compétences attendues sont de type relationnelle et surtout technique afin d’assurer la transmission de ces techniques aux stagiaires.

Cependant, malgré ces divergences, l’aspect relationnel prime pour les deux IFMK le volontariat, la motivation et l’envie d’encadrer des étudiants étant essentiels.

5. Discussion Ce « profil » des tuteurs montre aussi qu’ils ont su développer par la pratique des compétences spécifiques dans certains champs de l’encadrement malgré des connaissances insuffisantes en SDE. Ils se comportent en accompagnant, privilégiant la formation de type émancipation. Cependant, certaines compétences ne sont pas maitrisées : les modèles utilisés pour l’évaluation et la communication s’inscrivent dans le guidage. Ces premiers résultats sont confortés par une seconde recherche : « les professionnels MK libéraux montrent spontanément une forte motivation à accueillir des étudiants en stage. Bien que n’étant pas ou très peu formés aux Sciences Humaines et Sociales, ils ont su développer des compétences spécifiques dans les champs de l’évaluation questionnement et de la formation émancipation […]. Leurs connaissances théoriques en SDE restent néanmoins faibles et aléatoires (48%) » (Laborde) [4].

Le nouveau référentiel de formation professionnelle préconise désormais des conditions de qualifications des structures accueillant les stagiaires (chartre d’encadrement, convention

tripartite, livret d’accueil et d’encadrement, formation des tuteurs…) et un cahier des charges national de formation des tuteurs est en cours d’élaboration par la DGOS. Ce nouveau référentiel doit aussi permettre aux futurs professionnels l’acquisition de compétences d’encadrement, de formation, de supervision de situation d’apprentissage ou d’évaluation. Associées aux enseignements fondamentaux de Sciences Humaines et Sociales, les futurs masseurs-kinésithérapeutes seront à même d’être des « tuteurs » dès la fin de leur formation initiale. Mais avant qu’ils soient opérationnels sur le terrain, la formation des tuteurs actuels semble indispensable. Une redéfinition de leur nom et de leur statut semble aussi indispensable par les autorités décisionnaires afin de valorisation leurs rôles et leurs fonctions.

6.Bibliographie [1] Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute (JORF n°0204 du 4 septembre 2015). [Consulté le 5 septembre 2015]. Disponible à partir de : http://www.legifrance.gouv.fr/ [2] Grattard V. Le tutorat au service des compétences en masso-kinésithérapie : demain se prépare aujourd’hui. Mémoire : Cadre de Santé : Besançon : 2010 ; 29. [3] Gatto F. Stagiaire MK en cabinet libéral. Intérêts, limites et perspectives. Kiné point presse, 2010 ; 21 : 27-30. [4] Laborde, J. Contributions des Sciences de l’éducation à l’identification et à la valorisation des compétences tutorales des masseurs-kinésithérapeutes libéraux au regard des attentes des responsables de formation initiale. Mémoire de Master 2, Université Montpellier III, 2014.

Les pratiques d’encadrement des « tuteurs de stage »

en masso-kinésithérapie. Résultats d’enquête.

The supervision of the training-course tutors in physiotherapy. Survey results.

Matthieu PLAZOLLES, Masseur-Kinésithérapeute Libéral, Formateur à l’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Montpellier et de Fort de France, Formateur à l’EPK de Montpellier, Master 2 en Sciences de l’Education. L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt. Mail : mplazolles@free.fr Adesse postale : C.C La Cougourlude, Avenue de la Lironde, 34970 LATES Tèl : 04.67.22.33.38 Merci à Franck GATTO, Maître de Conférences en Sciences de l’Education. Habilité à Diriger les Recherches, SUFCO, Université de Montpellier 3, pour sa patience et son accompagnement. Mail : franck.gatto@univ-montp3.fr Pages 16 Mots 4092 Caractères (espaces non compris) 23754 Caractères (espaces compris) 27737 Paragraphes 156 Lignes 490

Une enquête sur les pratiques d’encadrement des tuteurs de stage a été réalisée dans le cadre d’une recherche universitaire effectuée en 2013. Un questionnaire a été envoyé à des tuteurs de stage par mailing. Cette enquête visait à identifier leurs connaissances en Sciences de l’Education et l’utilisation de ces connaissances lorsqu’ils encadraient des étudiants pendant leur parcours de stage en formation initiale. Des entretiens auprès de la Direction de deux IFMK ont aussi permis de connaitre les compétences attendues de ces tuteurs. Les résultats obtenus ont permis de mieux définir le « profil » des tuteurs, d’identifier leurs connaissances dans le domaine de recherche et de définir les attentes des institutions.

Dans le contexte actuel de réingénierie des études de masso-kinésithérapie, la question de la formation des tuteurs est posée. Leur place dans le dispositif de formation sera en effet capitale dans l’acquisition des compétences par les étudiants.

Summary

A survey concerning the supervision of the training-course tutors has been carried out as part

of a university research conducted in 2013. A questionnaire was emailed to the training course

tutors. It consisted in identifying their kwowledge as regard to Education Sciences and the use

of this knowledge when supervising the students during their initial training. Moreover, the

skills which are expected from these tutors were better determined thanks to interviews with

the management services of two IFMK. The results allowed us to better define the "profiles

"of these tutors, to identify their knowledge in the field of research and to define what is

expected by the institutions.

At a time when the studies in physiotherapy is being thought over, the question remains about

the training of the tutors. Their role in the training program will be central for the students to

acquire the necessary skills.

Introduction Depuis 1999, les accords signés lors de la conférence de Bologne avaient pour objectif l’uniformisation des diplômes en Europe, la mise en place du système universitaire Licence, Master, Doctorat (LMD) et du système européen de crédits (ECTS)1 [1]. La formation des professionnels de la santé a progressivement intégré ce système LMD (Infirmier en 2009, Ergothérapeute en 2010…). La réingénierie des études de masso-kinésithérapie, en cours de négociation depuis de nombreuses années, a désormais abouti. Une étape a été franchie avec l’arbitrage interministériel [2] signé le 9 décembre 2014. Elle a posé les bases de cette réforme qui a été finalisée le 2 septembre 2015 par la publication au journal officiel du référentiel de formation [3]. Entrant dans le cursus LMD, elle porte, comme pour les autres professions paramédicales auparavant, un projet de formation sur l’acquisition de compétences nécessaires à l’exercice professionnel.

La compétence « est composée d’un ensemble d’éléments en interaction dynamique les uns par rapport aux autres : connaissances, savoir-faire pratiques, savoir-faire relationnels » [4].

Grattard écrivait [5], « Nous sommes à la veille de la mise en place d’un nouveau programme national de formation (…) qui privilégie l’approche pédagogique par les compétences. Cette réforme va renforcer le rôle des stages sur le plan formatif et évaluatif par le biais de leur validation ».

Le programme des études de masso-kinésithérapie était règlementé par le Décret n° 89-633 du 5 septembre 1989 [6]. Il précisait une répartition temporelle de la formation entre cours théoriques, travaux pratiques, travaux dirigés et parcours de stage (Tableau I). Le temps du parcours de stage du second cycle (2ème et 3ème années) pouvait alors varier de 40 à 60 % du temps de la formation selon les choix des IFMK. La nouvelle règlementation du 5 septembre 2015 précise une répartition selon les premier et second cycles de formation (2 années chacun) avec un total de 1470 heures de formation pratique professionnelle (stages) sur un total de 3450 heures, soit 42% du temps total de formation (Tableau II). Durant ces stages, les étudiants sont au contact de professionnels appelés « tuteurs » ou « maitres de stage ». Le tuteur « est l’interlocuteur privilégié de l’apprenant en stage. (…) il établit des liens avec les éléments de théorie » [5]. Pour Lyonnaz [7], le rôle du tuteur est double : il doit assurer la production de soins de qualité auprès des patients et doit accompagner les étudiants à acquérir des compétences dont ils ont besoin pour devenir des praticiens autonomes et réflexifs.

Bien que l’article R.4321-13 du code de la santé publique précise qu’un masseur-kinésithérapeute (MK) puisse participer à des actions de formation initiale ou continue [8], il n’y a pas actuellement de formation spécifique reconnue à ces fonctions d’encadrement en formation initiale en masso-kinésithérapie. Or pour Gatto [9], « Le tuteur de stage et le formateur en formation initiale et/ou continue est un expert de la formation. Il assure des missions d’animation, d’évaluation, d’enseignement, de régulation, de médiation, d’organisation de l’apprentissage et du projet ».

1 ECTS : European Credits Transfer System : système de points ayant pour but de faciliter la lecture et la comparaison des programmes d’études des différents pays européens.

Dans un contexte de pré-réforme, nous avons effectué en 2013 une enquête auprès des tuteurs de stage [10] afin de mieux connaitre leur « profil », leurs formations, leurs connaissances dans le domaine des Sciences de l’Education (SDE) et l’utilisation de ces connaissances en situation d’encadrement des étudiants.

Méthode Deux enquêtes complémentaires constituaient ce travail de recherche.

La première enquête était quantitative. Le questionnaire a été l’outil d’enquête choisi. La diffusion de ce questionnaire s’est faite par l’intermédiaire de tous les IFMK de France et des DOM qui ont été contactés individuellement par téléphone. Ils ont ensuite relayé le questionnaire à leur propre réseau de tuteurs de stage, ceux-ci le remplissant en ligne.

Le questionnaire comprenait 29 questions organisées en 2 parties. Une première partie était axée sur des variables administratives afin de "catégoriser" la population (sexe, âge, cursus professionnel, 10 questions). Une deuxième partie était composée de tests de connaissances (6 questions), de tests de situations en formation (9 questions) et de questions généralistes (3 questions). L’objectif de ce questionnaire était de repérer les connaissances que possédaient les tuteurs dans le domaine de recherche ainsi que de l’utilisation de ces connaissances en situation d’encadrement des étudiants. Les thématiques choisies dans cette recherche appartiennent aux SDE (théories de l'apprentissage, modèles de la formation, de l'évaluation et de la communication).

Le recueil des réponses s’est fait en ligne, via le logiciel Google Drive®. Cette diffusion a permis de récolter 92 questionnaires répondus. La construction d’un tableau de tri à plat a facilité l’analyse des données. Des statistiques différentielles et inférentielles ont ensuite été effectuées.

La deuxième enquête était qualitative. Elle consistait à réaliser deux entretiens auprès de deux responsables d’IFMK (un directeur d’IFMK et un responsable pédagogique des étudiants d’un second IFMK). Les deux entretiens ont eu lieu selon un mode semi directif. Le même outil a été utilisé pour les deux interviews, la méthodologie est restée la même durant toutes les étapes du protocole de recherche. Les entretiens ont eu pour objectif de repérer les compétences des tuteurs de stage encadrant les étudiants attendues par les directeurs des instituts de formation initiale, en rapport à la règlementation en vigueur au moment de l’enquête. Les deux entretiens ont été enregistrés puis intégralement retranscrits sur un logiciel de traitement de texte. Une indexation notionnelle thématique a permis l’analyse du contenu de ces entretiens. Résultats Les tuteurs de stage ayant participé à cette enquête sont majoritairement des praticiens salariés hospitaliers ou de centre de rééducation (84 %, n = 92). Les femmes sont représentées à hauteur de 58 % (n = 92). Cette population de tuteurs est jeune, tant sur le plan de l’ancienneté de l’obtention du Diplôme d’Etat (D.E.) de Masseur-Kinésithérapeute (60 % ont leur D.E depuis moins de 10 ans) que dans l’ancienneté de la fonction de tuteur de stage (67 % encadrent des étudiants depuis moins de 10 ans) (Figure 1). Les questionnaires sont issus

de 20 départements répartis dans 10 régions françaises différentes (sur 22 régions existantes en 2013). Sur le plan de la formation, les tuteurs interrogés sont majoritairement formés dans des secteurs très variés. 82 % (n = 92) ont fait au moins une formation complémentaire depuis l’obtention de leur D.E. Celles-ci sont essentiellement axées sur des thématiques techniques ou théoriques en rapport direct avec les soins (Pneumo, Réa, Cardio, Thérapies manuelles, Ostéopathie…). Parmi ces formations complémentaires, 29 % des tuteurs (n = 76) ont suivi une formation dans le cursus universitaire LMD ou institutionnel de Cadre de Santé. Cependant, seulement 22 % (n = 92) ont fait une formation au tutorat (Figure 2).

Les connaissances théoriques en SDE des théories et des modèles convoqués sont peu conformes : la conformité aux questions de connaissances est de 30 %. Ces résultats varient de 22 % à 44 % de conformité selon les modèles ou les théories questionnés. Les questions de mises en situation montrent une conformité plus importante : 62 % (figure 3). Ces résultats varient de 37,5 % à 88 % de conformité selon les modèles et les théories questionnés. L’analyse de ces données prouve que dans leurs pratiques professionnelles, les tuteurs montrent des compétences liées à la pratique de l’encadrement des stagiaires en termes d’apprentissage, de formation et de traitement de l’information. Cependant, les compétences en termes d’évaluation et de communication sont moins bien maitrisées. Les résultats obtenus par les tuteurs de notre population formés dans un cursus universitaire LMD (n =10) (Figure 4) sont plus conformes que ceux des non formés (Connaissances : 55 % vs 27 % ; Mises en situations : 71 % vs 61 %). L’étude d’une population composée de tuteurs de stage exerçant en milieu salarié (n = 78) et en milieu libéral (n = 7) montre des conformités totales sensiblement identiques (Tableau III). Il existe cependant une différence surprenante au niveau des Connaissances (Salarié : 28 % ; Libéral : 50%). Une autre étude de population, les tuteurs formés aux SDE (n = 7) et ceux non formés aux SDE (n = 85) montre des différences de conformités notables. Les connaissances sont nettement mieux maitrisées par les formés (63 % de conformités vs 27 % pour les non formés) et bien que moins flagrants, les résultats en situation d’encadrement sont là encore en faveur des formés aux SDE : 74 % vs 61 % pour les non formés (figure 5). La petitesse des échantillons de population « LMD », « libéral » et « formés aux SDE » ne permet pas une confirmation statistique des résultats par des tests de corrélation. Les compétences repérées des tuteurs ne sont pas complètement en adéquation avec les compétences attendues du directeur et du responsable pédagogique des IFMK. De plus, l’analyse des entretiens réalisés a permis de montrer l’existence de divergences sur les compétences attendues, divergences essentiellement liées à l’orientation du modèle de formation que ces instituts avaient choisi. Ainsi, le premier interviewé décrit une formation basée sur l’acquisition des compétences des étudiants. Les compétences attendues des tuteurs s’inscrivent alors dans un paradigme phénoménologique (apprentissage de type socio-constructiviste, évaluation questionnement,

formation émancipation, communication systémique…) ; elles sont de types relationnelle et de qualité d’accompagnement avec les étudiants, de maîtrise du concept même de la compétence. Elles doivent permettre de développer des compétences d’autonomie, de réflexivité, de questionnement et de transposition des modèles appris en IFMK lors des situations de soins par les étudiants. Afin de développer ces compétences « nouvelles », peu ou pas présentées par les professionnels de terrain, l’IFMK a mis en place des formations internes. Pour le second interviewé, la formation est plus « traditionnelle », dans l’application du décret du 5 septembre 1989. Les compétences attendues des tuteurs sont essentiellement d’ordres techniques (maintien à jour des connaissances techniques) afin de s’assurer de leurs transmissions aux étudiants. La compétence relationnelle se traduit par une recherche de la qualité de la prise en charge des stagiaires (présence du tuteur tout au long du stage, échanges entre tuteurs et IFMK, évaluation des stages). Le paradigme dans lequel s’inscrivent ces compétences attendues est positiviste (formation instruction, évaluation contrôle). Cependant, quel que soit le choix du modèle de formation fait par ces instituts, l’aspect relationnel avec le volontariat, l’envie et la motivation d’encadrer des étudiants sont essentiels. Cela représente même le premier « critère de choix des tuteurs » avant les diplômes qu’ils possèdent ou les formations complémentaires effectuées. Discussion

Le nombre de MK encadrant des étudiants en formation initiale n’est pas connu. Le taux de réponse ne peut donc être déterminé. Malgré tout, l’analyse de 92 questionnaires, dont l’origine géographique est variée, permet d’avoir une étude « statistiquement fiable et reproductible ». Celle-ci pourrait être complétée dans l’avenir par une enquête à plus grande échelle organisée par les instances représentatives (ONDMK, Syndicats…) ou par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (DGOS, ARS…). Cette enquête préliminaire pourrait ouvrir une voie de recherche dans un domaine peu développé. En effet, il y a peu de données dans la littérature dans ce champ d’investigation.

Le profil type du « tuteur » montre donc majoritairement un professionnel diplômé depuis moins de 10 ans, exerçant sa fonction de tuteur depuis moins de 10 ans, plutôt féminin (58%), ayant déjà fait au moins une formation complémentaire bien que seulement 22% aient fait une formation spécifique au tutorat. Ses connaissances des Sciences de l’Education sont rares mais il a su développer des compétences spécifiques dans certains champs de l’encadrement : apprentissage, formation, traitement de l’information. Il se comporte en accompagnant, privilégiant la formation de type émancipation avec un apprentissage constructiviste ou socio-constructiviste et un discours non dogmatique. Cependant, il montre des compétences insuffisantes en termes d’évaluation et de communication qui l’inscrivent dans la guidance : sa communication est assez directive et son mode d’évaluation est mal adapté à la situation. Cela peut être expliqué par la probable reproduction des expériences vécues en formation initiale utilisant traditionnellement des modèles de communication linéaire et d’évaluation contrôle. Ce manque était attendu car cet enseignement des bases théoriques des SDE ne

faisait pas parti du cursus de formation initiale. De plus, ces thématiques étaient rarement présentes en formations complémentaires. Une meilleure connaissance des théories et des modèles utilisables en situation d’encadrement est nécessaire afin d’optimiser ce temps important de la formation initiale des stagiaires.

Bien que la majorité des kinésithérapeutes D.E. exercent en milieu libéral, ceux-ci (libéraux exclusifs) ne sont représentés qu’à hauteur de 8 % et les kinésithérapeutes non salariés (libéraux et mixtes) seulement à 15 % de la population étudiée. Comparée aux 84 % de salariés, cette représentation des professionnels libéraux est très faible. Il est donc délicat d’en faire une description statistique fiable. Cependant, une première analyse globale ne semble pas montrer de différence entre les résultats de conformité des salariés (conformité totale : 48 %) et des libéraux exclusifs (conformité totale : 52 %, conformité Connaissances : 50%), ceci pouvant lever certains doutes quant à la compétence d’encadrement des étudiants par des MK libéraux. Des résultats similaires sur une population de recherche plus étendue (n = 50), bien que décrits comme faibles et aléatoires, sont trouvés par Laborde [11] : « les professionnels MK libéraux montrent spontanément une forte motivation à accueillir des étudiants en stage. Bien que n’étant pas ou très peu formés aux Sciences Humaines et Sociales, ils ont su développer des compétences spécifiques dans les champs de l’évaluation questionnement et de la formation émancipation […]. Leurs connaissances théoriques en SDE restent néanmoins faibles et aléatoires (48%) ».

La modification de la règlementation sur le parcours de stage étant relativement récente (article 1 et 3 du décret du 23 mai 2011 modifiant le décret du 29 mars 1963 modifié) [12], il n’y a pas encore eu « prolifération » des sites libéraux accueillant des étudiants. Il n’y a pas non plus en milieu libéral la structure hiérarchique présente en milieu salarié (Cadre de santé, référent…) facilitant l’encadrement des stagiaires par des professionnels dans les services. L’absence de différence significative des résultats salariés / libéraux trouvée ci-dessus conforte le fait que ces derniers puissent accueillir des étudiants dans leurs cabinets de façon professionnelle.

Les agréments des stages, principalement libéraux, sont réalisés dans les IFMK selon des critères qui leurs sont propres (ancienneté du tuteur dans la profession, présence permanente de celui-ci aux côtés de l’étudiant, type d’activités proposées, locaux et localisations de l’activité, évaluation de la motivation du tuteur, de ses formations professionnelles…). La nouvelle règlementation précise désormais « les conditions de qualification des structures d’accueil pour les stages ». Certaines professions médicales ou paramédicales (médecin [13], pharmacien [14], infirmier [15]…) avaient déjà statué sur cette problématique en définissant les contenus d’une charte de tutorat : elle précisait des engagements éthiques, déontologiques, pédagogiques… des professionnels futurs tuteurs. Le nouveau Référentiel de formation professionnelle [3] préconise aujourd’hui la mise en place d’une charte d’encadrement, d’un

livret d’accueil et d’encadrement, l’établissement d’une convention tripartite (IFMK, établissement d’accueil et étudiant), la formation des tuteurs…

Ce dernier point parait capital pour atteindre les objectifs prévus par cette nouvelle réforme. Un cahier des charges national de cette formation des tuteurs est d’ailleurs en cours d’élaboration par la DGOS.

La réforme de la formation des MK concrétisée en septembre 2015 pour les MK présente désormais, dans son Référentiel de compétences, la compétence 11 « Former et informer les professionnels et les personnes en formation » ; celle-ci présente 8 items touchant à l’organisation de l’accueil, l’information, l’accompagnement et la formation d’étudiants (ou d’un professionnel), la préparation et l’animation de séances de formation et d’information en kinésithérapie, la supervision de situation et d’activités d’apprentissage des étudiants, l’évaluation des connaissances et des savoir-faire des stagiaires, le transfert de son savoir-faire et de ses connaissances aux stagiaires et la communication sur sa profession. Associée aux enseignements fondamentaux des Sciences Humaines et des Sciences Sociales, les générations de MK issues de la formation avec ce nouveau référentiel seront donc à même d’être des « tuteurs » de par les compétences acquises dès la formation initiale. Dans l’attente de ces futurs tuteurs opérationnels sur le terrain, la formation des tuteurs actuels semble être indispensable afin qu’ils puissent transmettre ces nouvelles compétences lors de leur encadrement en stage.

Environ 2000 étudiants sont admis chaque année dans les IFMK français [16] et sont formés par des tuteurs durant leur parcours de stage. D’autant plus avec la réingénierie de la formation « il semble (…) intéressant de questionner les institutions décisionnaires concernant la formation des tuteurs de stage, maillon indispensable dans le processus de formation des étudiants » [10]. Leur statut et leur dénomination doivent être définis. Le terme empiriquement utilisé de « tuteur » est en effet peu adapté à la fonction d’accompagnement qu’ils réalisent et impose trop l’image du piquet qui permet de guider la croissance d’une plante dans la direction que l’on souhaite ! Une redéfinition de ce terme et de sa fonction est indispensable. Quant au statut des tuteurs, les autorités décisionnaires sauront-elles valoriser leurs rôles et leurs fonctions ?

BIBLIOGRAPHIE

[1] MESR (Ministère de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche). Processus de Bologne…vers un espace européen de l’enseignement supérieur. [Consulté le 11/05/2013]. Disponible à partir de : http://www.mesr.public.lu/enssup/dossiers/bologne/processus_bologne.pdf

[2] Ministère de l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et de la recherche, Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Secrétariat d’état à l’enseignement supérieur et à la recherche. Arbitrage interministériel sur la réingénierie de la formation initiale de masseur-kinésithérapeute. [Consulté le 16/12/2014]. Disponible à partir de : http://www.fnek.fr/sites/default/files/Arbitrage%20 interministériel%20formation%20initiale%20des%20masseurs-kinésithérapeutes%20.pdf [3] Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute (JORF n°0204 du 4 septembre 2015). [Consulté le 5 septembre 2015]. Disponible à partir de : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031127778&categorieLien=id [4]Gilbert P, Parlier M. La compétence : du « mot-valise » au concept opératoire. Actualité de la formation permanente, 1992 ; 116 : 11-18. [5] Grattard V. Le tutorat au service des compétences en masso-kinésithérapie : demain se prépare aujourd’hui. Mémoire : Cadre de Santé : Besançon : 2010 ; 29.

[6] Légifrance. Décret n° 89-633 du 5 septembre 1989 (modifiant le Décret du 29 mars 1963). [Consulté le 22 août 2013]. Disponible à partir de : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=0EBB046363D8FF8EE3431C4FDC692D45.tpdjo17v_1?cidTexte=JORFTEXT000000882812&categorieLien=id

[7] Lyonnaz P. Les compétences du kinésithérapeute-tuteur hospitalier lors de l’évaluation d’un stagiaire par mise en situation clinique. Mémoire : Licence STS : Nantes : 2009.

[8] Légifrance. Article R.4321-13 du code de la santé publique. [Consulté le 22 août 2013]. Disponible à partir de :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;j sessionid=297A785BE228483C03C7491E87D77BC4.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006913995&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20070413

[9] Gatto F. Stagiaire MK en cabinet libéral. Intérêts, limites et perspectives. Kiné point presse, 2010 ; 21 : 27-30.

[10] Plazolles M. Les « tuteurs de stage » en masso-kinésithérapie : repérer, valoriser et améliorer les pratiques d’encadrement des stagiaires sur le terrain en formation initiale. Résultats d’enquête. Mémoire de Master 2, Université Montpellier III, 2013.

[11] Laborde, J. Contributions des Sciences de l’éducation à l’identification et à la valorisation des compétences tutorales des masseurs-kinésithérapeutes libéraux au regard des attentes des responsables de formation initiale. Mémoire de Master 2, Université Montpellier III, 2014.

[12] Légifrance. Arrêté du 23 mai 2011 relatif aux études préparatoires et au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute. [Consulté le 20 décembre 2013]. Disponible à partir de :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024060989&dateTexte=&categorieLien=id

[13] UPEC. Chartre des tuteurs, enseignants et maitres de stage universitaires des 2ème et 3ème cycles. (2012). [consulté le 16/12/2014]. Disponible à partir de : http://www.medecinegen-creteil.net/wp_creteil/wp-content/uploads/2011/10/VD_CHARTE_Enseignants_DUERMG-11.pdf [14] Ordre National des Pharmaciens. Rôle des conseils de l’Ordre des pharmaciens dans les stages officinaux. (Mise à jour le 26/02/2014). [Consulté le 16/12/2014]. Disponible à partir de : http://www.ordre.pharmacien.fr/Nos-missions/Le-role-de-l-Ordre-dans-les-missions-de-sante-publique/Les-maitres-de-stage [15] ARS Bourgogne. Guide pour les professionnels des terrains de stage accueillant des étudiants en soins infirmiers, 1ère partie (version 3, juillet 2010). [Consulté le 16/12/2014]. Disponible à partir de : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/partie_1_GUIDE_encadrement_etudiants_infirmiers.pdf [16] ONEM. Etude prospective des métiers de la fonction publique hospitalière : monographie masseur – kinésithérapeute. Paris : Ministère de la santé et des sports - DHOS, 2008.

Tableau I

Tableau I : Répartition et nombre d’heures de formation règlementaire par année (5 septembre 1989) :

Enseignements en

institut : Cours, Travaux

pratiques et Travaux

dirigés

Parcours de stage Total horaire par

année

1ère

année

(Cycle I) 900 heures 70 heures 970 heures

2ème

et 3ème

années

(Cycle II) 960 heures 980 à 1400 heures

1940 à 2360

heures

TOTAL 1860 heures 1050 à 1470 heures 2990 à 3830

heures

Tableau II

Tableau II : Durée et organisation temporelle de la formation après la réforme (2 septembre 2015) :

Répartition des ECTS et des

volumes horaires par cycle

(en heure)

ECTS COUR

magistraux

TRAVAUX

dirigés

CM + TD +

Formation

pratique

TEMPS

personnel

CYCLE 1 120 445 575 1650 1610

CYCLE 2 120 450 510 1800 1610

TOTAL CYCLE 1 ET CYCLE 2 240 895 1085 3450 3220

Dont formation pratique

Masso-Kinésithérapique 1470

Tableau III

Tableau III : Résultats des conformités aux questions en fonction du mode d’activité des tuteurs :

Mode d’activité Conformités

Mise en

Situations Connaissances Totales

Salariés/CRF

(n = 78) 62% 28% 48%

Libéraux

(n = 7) 61% 50% 52%

Figure 1 : Année d’obtention du D.E.années.

Année d’obtention du D.E.

Figure 2 : Les formations complémentaires (en %).

Types de formations complémentaires

29%

15% 16%

9% 8%

42%

13%

29%

16%

Autres LMD DU, DIU

Figure 1

Année d’obtention du D.E. de MK et ancienneté de l’encadrement

Ancienneté d’encadrement

Figure 2

: Les formations complémentaires (en %).

Types de formations complémentaires Répartition des tuteurs formés au tutorat

9%

14%40%

27%

13%

7%4% 2% 6% 1%

42%

DU, DIU CDS

22%

78%

ncienneté de l’encadrement des tuteurs en

d’encadrement (en années)

Répartition des tuteurs formés au tutorat

<5

6-10

11-15

16-20

21-25

26-30

>31

NR

OUI

NON

Figure 3 : Résultats de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation d’encadrement (en %).

62%

38%

Questions de situations

Figure 3

: Résultats de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation

30%

49%

38%

70%

51%

Questions de situations Questions de

connaissances

Totalité des questions

Conformes Non Conformes

Population totale

: Résultats de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation

51%

Totalité des questions

Figure 4 : Comparaison des résultats situation d’encadrement entre la population des tuteurs formée dans un cursus LMD et les tuteurs non formés (en %).

Questions de

situations

61%

71%

Conformité non formés

Population des tuteurs formés LMD / Non formés

Figure 4

: Comparaison des résultats de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation d’encadrement entre la population des tuteurs formée dans un cursus LMD et les

Questions de

situations

Questions de

connaissances

Totalité des

questions

27%

47%

71%

55%

65%

Conformité non formés Conformités formés LMD

Population des tuteurs formés LMD / Non formés

de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation d’encadrement entre la population des tuteurs formée dans un cursus LMD et les

Population des tuteurs formés LMD / Non formés

Figure 5 : Comparaison des résultats de conformité aux tests de connaisituation d’encadrement entre la population des tuteurs formée aux SDE et les tuteurs non formés (en %).

Situations

74%

61%

Populations de tuteurs formés aux

Figure 5

: Comparaison des résultats de conformité aux tests de connaissances et de mise en situation d’encadrement entre la population des tuteurs formée aux SDE et les tuteurs non

Connai. Totaux

63%70%

61%

27%

47%

Populations de tuteurs formés aux

SDE et non formés

Formés SDE (n = 7) Non SDE (n = 85)

ssances et de mise en situation d’encadrement entre la population des tuteurs formée aux SDE et les tuteurs non