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SURUNEILLUSION DANSLES THÉORIES PHILOSOPHIQUES DE L'ÉTENDUE Des physiologistes se sont posé un moment ce problème « Les images sont renversées sur la rétine; comment donc voyons- nous les objetsdroits? » S'ils ont renoncé à cette étrange question, c'est beaucoup parce qu'ils ont fini par comprendre les « coups de coude » charitables que les philosophes leur prodiguaient. Nous voudrions montrer que, sur un point d'une importance capitale la nature de l'étendue, les philosophes, en grand nombre—et d'autres n'évitent peut-être l'erreur que faute d'aper- cevoir le problème commettent exactement la faute qu'ils ont reprochée aux physiologistes. Parmi les thèses elles ne sont pas rares auxquelles se rallierait la grosse majorité des philosophes, on peut citer celle-ci « L'étendue ne saurait exister que donnée ». Pour citer le philosophe qui a été le plus conscient de la question, Lachelier « Ce n'est pas l'étendue qui devient en nous la perception ou l'idée d'elle-même, car il n'y a pas d'autre étendue possible qu'une étendue idéale et perçue1 ». Or, la thèse de l'étendue « donnée », « nécessaire perception d'un sujet », « représentation où se révèle un représentatif », résulte à notre avis de la confusion caractéristique qui crée le faux problème du renversement des images rétiniennes. En somme, les physiologistes critiqués devaient nécessaire- ment admettre, d'une façon vague, que, pour avoir une sensation visuelle, nous devons en quelque sorte regarder nos propres images mentales comme des objets, et percevoir notre sensation comme celle-ci « perçoit » l'objet. Supposons-nous devant une 1. Psychologie et Métaphysique, in « Le Fondement de l'Induction », Alcan, p. 130-131.

RUYER - ART04 - 1932 - Sur une illusion dans les théories de l'étendue

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SURUNEILLUSIONDANSLESTHÉORIESPHILOSOPHIQUES

DEL'ÉTENDUE

Des physiologistes se sont posé un moment ce problème « Lesimages sont renversées sur la rétine; comment donc voyons-nous les objetsdroits? » S'ils ont renoncé à cette étrange question,c'est beaucoup parce qu'ils ont fini par comprendre les « coupsde coude » charitables que les philosophes leur prodiguaient.Nous voudrions montrer que, sur un point d'une importance

capitale la nature de l'étendue, les philosophes, en grandnombre—et d'autres n'évitent peut-être l'erreur que faute d'aper-cevoir le problème commettent exactement la faute qu'ilsont reprochée aux physiologistes. Parmi les thèses elles nesont pas rares auxquelles se rallierait la grosse majorité des

philosophes, on peut citer celle-ci « L'étendue ne saurait existerque donnée ». Pour citer le philosophe qui a été le plus conscientde la question, Lachelier « Ce n'est pas l'étendue qui devient ennous la perception ou l'idée d'elle-même, car il n'y a pas d'autreétendue possible qu'une étendue idéale et perçue1 ». Or, la thèsede l'étendue « donnée », « nécessaire perception d'un sujet »,« représentation où se révèle un représentatif », résulte à notreavis de la confusion caractéristique qui crée le faux problème durenversement des images rétiniennes.En somme, les physiologistes critiqués devaient nécessaire-

ment admettre, d'une façon vague, que, pour avoir une sensationvisuelle, nous devons en quelque sorte regarder nos propresimages mentales comme des objets, et percevoir notre sensationcomme celle-ci « perçoit » l'objet. Supposons-nous devant une

1. Psychologieet Métaphysique,in « LeFondementde l'Induction », Alcan,p. 130-131.

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affiche représentant un personnage en pieds et collé, par hasard,la tète en bas. Cela signifie évidemment quelque chose de direque l'affiche est à l'envers elle est à l'envers relativement à unpassant, à notre propre corps notre corps, le passant, le person-nage de l'affiche étant des éléments de notre sensation. Mais notresensation elle-même n'est pas pareille à l'affiche elle ne peutdonc être ni à l'envers ni à l'endroit, car alors- on pourraitdemander « Relativement à quoi ? »Si l'on nous accorde cela, on nous accordera encore ce qui va

suivre. En même temps que nous voyons l'affiche, nous nousvoyons, ou nous nous entrevoyons nous-même devant l'affiche,nous entrevoyons nos mains, nos vêtements, etc. De même quenous pouvons légitimement parler d'une affiche à l'envers, nouspouvons de même parler d'une affiche située à quelque intervallede nous-même, d'une affiche qui nous est donnée et que nouspercevons, puisque ce « nous », jusqu'ici, désigne un des élémentsde la sensation. Mais avons-nous le droit de dire de la sensationextensive elle-même, dans son ensemble, qu'elle est donnée, etque l'étendue quelle implique doit, pour exister, être perçue« par un sujet réellement distinct d'elle » ? Assurément non.Nous n'avons pas plus le droit d'inventer une référence imagi-naire, décorée de quelque nom qu'il nous plaira, pour déclarerla sensation elle-même donnée ou présentée, que pour la décla-rer l'envers. Nous n'avons pas le droit d'attribuée à la sensationdans son ensemble ce qui n'a un sens que dans la modalité interne dela sensation. La sensation de l'affiche n'est pas l'objet d'une sensa-tion comme l'affiche. L'étendue sensible n'a pas' à être perçue àson tour, comme un objet étendu elle est, simplement, elle n'estofferte à personne. Le sujet tout métaphysique que l'on pourraitforger à ce propos pour recevoir le « don » n'est qu'une sorte dequintessence inconsciente de notre corps, de même que le' phy-siologiste imagine une sorte de rétine spirituelle pour percevoirles images de notre rétine organique.Pour se convaincre encore mieux de ce dernier point, il est

possible de recourir à une sorte d'expérience mentale, puisqu'ilne faut pas songer, par définition, à une expérience réelle. Nousregardons, la tête renversée, un ciel sans nuage. Aussitôt jouel'illusion ici analysée. L'étendue sensible nous apparaît commedonnée, comme vue par un être, nous-même, qui la contemple

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du dehors. Mais exerçons-nous sincèrement à supprimer par lapensée tout ce qui n'est pas la pure sensation de l'étendue colorée;éliminons la vision vague et à demi consciente de notre person-nage physique, de nos joues, de nos cils et de nos sourcils, nousaurons éliminé du même coup le prétendu sujet philosophique.La nappe bleue existe toujours, mais elle n'est plus en face denous et nous ne sommes plus en face d'elle. Elle existe toujours,car nous n'avons supprimé, par hypothèse, ni nos yeux,, ni lescellules cérébrales de l'aire visuelle nous n'avons supprimé quel'addition parasite des autres sensations.Le « sujet », le « représentatif » de l'étendue, n'est jamais

qu'un nom donné au groupe de sensations que nous fournitnotre corps. Dans l'état de conscience total, nous mettons à part cegroupe de sensations, et nous en faisons le récepteur du reste del'état de conscience, après l'avoir sublimé et transposé en sujetmétaphysique. Mais ce sujet, si employé par les philosophes,trahit ses origines toutes physiologiques et matérielles par le rôlemême que l'on prétend lui faire jouer, au mépris de toute logique;on le place, en effet, en dehors de l'étendue sensible, pour que cetteétendue puisse lui être présentée or, être en dehors d'une sur-face, c'est être dans l'espace. En ce sens encore, le sujet desphilosophes est un produit aussi hybride et aussi monstrueuxque la « superrétine » dont ils reprochent si justement l'imagina-tion aux physiologistes.La physique, aussi bien que la physiologie de la vision,

impliquent incontestablement que « l'observateur » notreorganisme est en dehors de l'objet étendu. Pour apercevoircommodément tous les détails de l'affiche, il faut se placer àbonne distance, de façon à permettre aux rayons lumineux deconverger sur notre retire. Si nous voulons avoir la vue généraled'une ville, il faut grimper sur un monument élevé. Nous nepourrions voir l'affiche si nous nous placions trop près d'ellenosyeux seraient impuissants à accommoder et les bords fuiraientsous un angle trop aigu. Mais, encore une fois, toute cette méca-nique de la perception, toutes ces manœuvres organiques neconcernent pas notre sensation une fois obtenue. Il faut, parmibien d'autres conditions, nous placer en dehors de l'objet étendupour obtenir une sensation c'est de la physique, non de lapsychologie; une fois atteint le plan de la psychologie, il n'y a

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pas lieu d'exiger de nouveau cette même condition. Elle ne

signifie quelque chose que dans l'espace de la science et de la

perception élaborée, où l'on peut marquer un point d'arrivée et

un point de départ. Ce n'est que par une métaphore grossièreet trompeuse que l'on parlerait d'une sorte de centre de pers-

pective psychologique, qui permettrait la considération d'une

étendue et empêcherait cette étendue de se réduire en un point.A mesure que nous nous rapprochons d'un mur, notre regard en

embrasse une partie de plus en plus réduite à la limite, au con-

tact, nous n'en percevrions plus qu'un point. Mais il ne faut pasnous figurer, par une transposition naïve, qu'en supprimant le

« sujet », le centre de perspective imaginaire de l'esprit auquelserait présentée l'étendue sensible, on nous fait tomber sur un

point particulier de cette surface, ce qui aurait pour effet de nous

confondre avec lui, en supprimant pour nous, du même coup,tous les autres. Devant une gravure représentant un homme quinous vise avec un revolver, on s'étonne toujours malgré soi de

voir la direction de l'arme nous « suivre » même quand nous

nous déplaçons. Cet étonnement vient évidemment de notre

habitude des scènes à trois dimensions. C'est de même notre

habitude de la mise en scène de la perception qui nous fait croire

faussement à l'impossibilité pour la surface colorée de nos sensa-

tions visuelles, d'être indépendante de tout « point de vue » et

d'exister absolument par elle-même.Il est curieux que l'on ne tire pas de la distinction, pourtant

bien banale et ressassée, de la sensation et de la perception, les

conséquences qu'elle comporte relativement à l'étendue sensible.

Les mêmes psychologues qui viennent d'insister sur le caractère

absolument neutre de la sensation brute n'hésitent pas à admettre

que la vision à une certaine distance, sinon l'appréciation de la

distance, est primitive La prévention est si forte que l'on refuse

d'admettre, sur ce sujet, le témoignage des aveugles opérés. A

quoi pourrait tenir cette prévention, sinon à l'idée qu'une sur-

face plane ne serait plus une surface si un « sujet » ne se tenait

pas en dehors du plan, à quelque distance? Aussi les aveuglesont beau dire 2, on ne les croit pas. La confusion de la manière

1. Cf.Bourdon,Laperception visuellede l'espace,p. 384.2. L'aveugle opéré de Franz, notamment, qui précisaitqu'il voyait les cou-

leurs « tout contre ses yeux ».

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d'être de la sensation avec la mécanique de la vision est flagrante.On embarrasserait bien les psychologues en leur demandant àpartir de quoi, dans la sensation brute, la prétendue distance estcomptée. Il nous semble à peu près incontestable que la notionde distance est, sinon une abstraction, comme le dit Berkeley, dumoins une sorte de construction « scientifique », analogue,disons à la notion de masse ou d'accélération. C'est dire quenous n'en contestons pas la valeur objective; seulement il fautrendre au monde de la science et de la perception élaborée ce quilui appartient.

Voyons maintenant les conséquences philosophiques quipeuvent être tirées, une fois l'illusion découverte. Elles seronttrès importantes, s'il est vrai que toute philosophie sérieuse doiveaujourd'hui s'appuyer sur une théorie de l'espace. La premièrechose à faire, c'est évidemment d'admettre, si paradoxalementque sonne la formule à nos oreilles, qu' « être étendu » et « avoirune sensation extensive » ne sont pas deux choses essentielle-ment différentes. Si la surface colorée de notre sensation brutepeut exister par elle-même, sans qu'il faille logiquement supposerun à côté, quel qu'il soit, pour rassembler en quelque sorte tousles points de la surface de façon à en faire une surface, nouspouvons dire que l'étendue est « une donnée' immédiate de laconscience » aumême titre que la durée, et nous serions mêmetenté d'écrire bien plus que la durée. Ce n'est que par uneabstraction bien artificielle que l'on pourrait définir « la spatia-lité parfaite » par « une parfaite extériorité des parties les unespar rapport aux autres, c'est-à-dire en une indépendance réci-

proque complète2 ». Notre propre réalité mentale prouve quel'étendue sensible n'a pas des « parties absolument indépen-dantes », puisque nos sensations visuelles et tactiles possèdentune unité immédiate. Il serait illogique de partir d'une définition

1. Inutile de préciser que nous n'employonslemot «donnée» queparce queBergson l'emploie. L'étendue n'est donnée à personne, elle est c'est celamômeque nous voulons démontrer. L'usage de ce mot par Bergsonmontrebien à quel point l'illusion « perceptive» a vicié toute la philosophie.Nousvoulonsabsolumentque tout ce qui est réelnoussoit «présenté », «offert».2. Bergson.

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de fantaisie de l'espace pour refuser ensuite à notre étenduesensible après tout le seul domaine d'espace qui soit réalitéimmédiate le vrai caractère spatial, ou pour l'appuyer sur une

réalité d'un autre genre, ainsi que le fait Lachelier. Encore, si

l'espace de la science correspondait à la définition de Bergson, il

faudrait y regarder de très près avant de le déclarer artificiel.Mais il n'en est rien. L'espace de la physique est toujours un

espace « lié ». Les physiciens ne pourraient rien faire d'un espacedont toutes les parties seraient parfaitement indépendantes lesunes des autres une onde ne saurait y circuler, ni une action de

gravitation s'y faire sentir. Quelques philosophes seront tentésd'en conclure que cela prouve le caractère au fond idéal, mêmede l'espace des physiciens. Mais précisément notre analyse leurenlève tout droit de conclure ainsi. Si l'étendue sensible elle-même existe sans être posée comme l'objet d'un sujet, la questionne se pose plus de refuser ce même mode d'existence à l'espaceen dehors de nos sensations.

L'espace physique n'est pas fait de points, il est fait de formes.C'est cette grande vérité, sans doute, que Whitehead exprimed'une façon bizarre, en rejetant ce qu'il appelle, la théorie maté-rialiste de la « localisation unique ». Les savants, en fait, n'ont

jamais cru que du bout des lèvres à l'espace des matérialistes.

Pratiquement, ils étaient bien obligés d'user de l'espace « lié »ils étaient bien obligés de définir des structures, c'est-à-dire des« ensembles ». Notre analyse de l'étendue sensible se case doncon ne peut mieux dans le système de la science. Une surfacecolorée est un ensemble par nature; elle n'a pas à être reconnue

comme telle du dehors. Une sensation étendue peut être consi-dérée comme un domaine particulier et sans doute privilégié de

l'espace. Dans le monde physique, malgré l'unité de l'espaceunité qui est un grand fait primordial il y a des systèmes par-ticuliers, formés par la superposition des modes de liaisons un

végétal est à la fois en équilibre avec tout l'univers et en équilibreavec lui-même, en ce sens qu'il forme un petit monde dans le grand.Pourquoi ne pas admettre que l'étendue dite consciente est un sys-tème de ce genre, lié d'une manière particulière, une sorte d'îlot,rattaché au continent sous-marin, à l'ensemble du monde spatialet temporel, par des relations physiques ordinaires sans doutefournies par le corps mais possédant une individualité d'un

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autre ordre, située sur un autre étage, faite d'inter-liaisons nou-velles ? Le « représentatif », le « sujet », la « conscience », deLachelier et d'lIamelin, loin d'être des conditions de l'étendue, nesont que des abslraits de l'ilot d'espace qu'est la sensation éten-due.Une dernière précision, enfin. En découvrant l'illusion du

sujet » nécessaire de l'étendue, noussommes conduits à rejeterun monisme de l'esprit, tel que celui de Lachelier. Mais cela nesignifie pas que nous devions adopter un dualisme réaliste.L'étendue sensible est réelle par elle-même elle n'est pas poséeet construite par un x, mais elle n'est pas non plus trouvée,rencontrée par un x. La conclusion à laquelle nous sommesamenés est beaucoup plus radicale. Il n'est pas inutile de le spé-cifier à une époque où tant de philosophes, aussi bien néo-tho-mistes que néo-réalistes, insistent sur la distinction de laconscience et de l'objet, de l'acte mental et de l'objet de l'actemental, de la sensation et du sensum, sur « l'intentionnalité » dela pensée. L'idée de perception, et de connaissance par percep-tion, est une idée très confuse. Confuses donc les métaphysiques,plus ou moins inspirées de Leibniz, qui voient dans la nature toutentière une sorte d'entrelacements de perceptions ou de perspec-tives. Une perception ne peut qu'être quelque chose. Quand unphilosophe se met à nous expliquer ce qu'il entend par perception,il est tout de suite amené à décrire une réalité particulière lanotion d'un « point de vue sur une chose » n'est qu'une métaphoregéométrique. L'image d'une chose, c'est une autre chose. Lamoindre analyse est tellement fatale à l'idée de perception que l'onne peut que refuser d'analyser en renvoyant au sentiment naïfJe suis ici, et je connais ce qui est là' ».Mais cette impression n'est qu'une illusion. Il n'y a, dans la

sensation prise en elle-même, aucun dédoublement. Nous avonsvérifié, en tout cas, que, « percevoir l'étendue », c'est une façond'être étendu. L'étendue est la véritable chose en soi. Elle n'estpas connue, elle est.

R. RUYER.

1. Cf.Whitehead,La Scienceet le Mondemoderne,p. 96.Payot.