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S A R D O U REGARDS BASTIEN KOSSEK

S A R D O U R EGA R D S - hors-format.nethors-format.net/wp-content/uploads/2018/01/SARDOU-REGARDS-2018… · porter ma – minuscule et ... Le jouet extraordinaire) à Sheila

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S A R D O UR E G A R D S

BASTIEN KOSSEK

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l e t t r e d ' i n t e n t i o n Pourquoi un livre sur Michel Sardou ?

Si j’avais le talent de créer des chansons à sa mesure, je l’aurais fait. Si j’avais la légitimité de le manager – si tant est que l’on puisse manager Michel Sardou –, je le ferais. Mais je ne suis ni Pierre (pas plus Billon que Delanoë), ni Paul (Meurisse, son parrain, qui lui avait conseillé de se diriger vers le théâtre – « un vrai métier ! » – dès ses débuts), ni Jacques (Revaux ou Veneruso). Là, on ne parle pas de n’importe qui. Je n’ai pas, non plus, les qualités pour l’accompagner sur scène, lui écrire une pièce, ou même la produire.

Et pourtant, du haut de mes vingt-six ans, mon rêve est de concevoir un projet autour de Michel Sardou. D’ap-porter ma – minuscule et modeste – pierre à l’immense édifice qu’il bâtit depuis plus de cinquante ans. Très vite, l’idée d’un livre – au contenu singulier et nouveau – m’est venue…

Pourquoi Regards ?

Au début de l’été 2017, j’ai envoyé un premier jet à son entourage professionnel. Dans les semaines qui suivent, coup de fil : « Allo, c’est Michel Sardou. Je ne veux plus de livre sur moi ! On en a assez fait ! ». Forcément, ça se-coue. Malgré tout, quelques jours plus tard, il accepte de me recevoir : « Il faut que tu trouves un biais original. Tu peux y arriver. Creuse-toi la tête, ça vaut le coup ! ». Sardou tel qu’en lui-même : cash et bienveillant.

Pendant cette conversation, il m’a répété la mise en garde de Louis Jouvet au jeune homme qui souhaitait devenir comédien : « Le théâtre, ce n’est pas ce qu’on croit ». Tout comme Sardou n’est pas – j’en ai l’intime conviction – celui qu’on croit, ou que certains se figurent. Je le devine multiple, parfois déroutant, souvent in-saisissable, et c’est ce que je souhaite montrer, sans toutefois briser certains mystères, ni dévoiler son intimité. J’aimerais simplement révéler, par le biais de témoignages inédits, des aspects méconnus de son parcours.

D’oublis (volontaires) en contradictions (délibérées), Michel Sardou a finalement peu livré de lui-même, eu égard aux innombrables interviews consenties tout au long de sa carrière. D’ailleurs, je ne crois pas que l’on puisse la résumer en quelques qualitatifs (ou en chiffres), pas plus d’ailleurs que sa personnalité. Les deux sont trop riches, forcément complexes. Un portrait définitif semble donc illusoire : il a tant d’activités, de passions, d’envies...

Puisqu’il n’apprécie pas se confier, j’ai pensé qu’il serait original de proposer à ceux qui l’ont accompagné – dans des circonstances diverses – de poser leur regard sur lui – à travers des souvenirs, des anecdotes... – pour former, ainsi, un immense portrait, riche et pluriel : le plus fidèle de tous. J’ai donc imaginé ce projet sous la forme d’interviews, regroupées par thèmes.

Pourquoi cette démarche ?

Si le consentement de Michel Sardou m’apparaît capital, le retour des lecteurs potentiels l’est tout autant. Pour ce faire, je vous propose de découvrir ce projet à travers trois interviews : Vline Buggy (sa parolière des débuts), Laurent Spielvogel (son « porte-bonheur » au théâtre) et Willy Gruhier (son ins-tructeur d’aviation, qui évoque un élève d’une extraordinaire humilité).

En recueillant ces premiers témoignages, constellés d’anecdotes aussi drôles que touchantes, j’ai dé-couvert un Sardou inédit, que j’estime encore davantage. J’espère que ses admirateurs partageront ce sentiment. Quant aux autres, il se pourrait bien qu’ils changent d’avis à son sujet…

Ce projet, qui m’anime plus que tout, ne pourra exister qu’avec votre concours. Soutien et encourage-ments garantiront son aboutissement. Alors, si vous êtes séduits, je vous invite à me faire part de vos messages et partager votre enthousiasme sur les réseaux sociaux, auprès de vos proches...

Excellente lecture,

Bastien

LES CHANSONS

LA SCÈNE

LES MÉDIAS

LA FAMILLE

LES DÉBUTS

L’ACTEUR

LES PASSIONS

les dEbuts« C’est elle et personne d’autre qui m’a appris à écrire »

Michel Sardou

V L I N E B U G G Y

les dEbuts

LES DÉBUTS

En 1968, voilà déjà trois ans que Michel Sardou a entamé une carrière discogra-phique aux ventes plutôt confidentielles. Bien sûr, certaines de ses chansons ont connu un réel succès d’estime (Petit, Le centre du monde). Bien sûr, quelques autres ont déjà suscité la controverse (Les Ricains, Si j’avais un frère), comme un préambule aux tourbillons des années soixante-dix. Seulement, aucune n’a en-core véritablement atteint le grand public. L’impétueux s’impatiente, se déses-père même, lorsqu’Eddie Barclay lui lance qu’il n’est « pas fait pour ce métier » en lui rendant son contrat. Pour autant, Sardou ne repart pas d’une page blanche. Reste, donc, quelques bonnes chansons. Persiste, aussi, une collaboration avec Régis Talar et Jacques Revaux, deux hommes qui croient en lui. Enfin, subsiste le souvenir d’une rencontre avec Vline Buggy, croisée lors d’un séminaire organisé par la maison de disques. Si depuis le début des années soixante, elle est deve-nue la grande sœur des yéyés - de Claude François (Belles, belles, belles, Si j’avais un marteau, Le jouet extraordinaire) à Sheila (La pluie), en passant par Johnny Hallyday (Le pénitencier) -, elle demeure, avant tout, une parolière aussi rigou-reuse qu’efficace, doublée d’une femme perspicace, à l’instinct redoutable. Un demi-siècle après sa rencontre avec le jeune - il lui rend dix-huit printemps - Mi-chel Sardou, Vline se souvient de leur collaboration… avec émotion, et précision.

VLINE BUGGY VLINE BUGGY

LES DÉBUTS

LES DÉBUTS

/ Avant de croiser sa route, au cours de la deuxième moitié des années soixante, connaissiez-vous Michel Sardou ?

Je le connaissais, car, même si Michel vendait très peu de disques, il avait déjà écrit de très belles chansons, comme Petit, qui est une splendeur, sur une musique de Guy Magenta. Dans la foulée, il avait également signé Les Ri-cains, autre chef-d’oeuvre ! À la période où je l’ai rencontré, il était complètement démoralisé, et répétait  : « Ça doit être nul, ce que je fais ! ». Il se trompait, évidemment. Moi, je le trouvais mignon, marrant, et mon père (NDLR  : Géo Ko-ger, également auteur) connaissait bien ses pa-rents, pour avoir écrit une opérette, On a volé une étoile, que Jackie et Fernand avaient chan-tée en 1947, l’année de naissance de Michel.

/ Dans quelles circonstances votre premier contact a-t-il eu lieu ?

C’était lors d’un séminaire organisé par Barclay. Là, je lui ai demandé de me chanter tout ce qu’il avait écrit  : « Fais-le, et je te donnerai quelques conseils  ». Les démarrages étaient formidables mais, selon moi, il se perdait dans une fausse poé-sie. De fait, ses textes manquaient d’efficacité. Je lui demandais : « Pourquoi tu t’évades, pourquoi tu t’éparpilles ?  Quand tu veux dire quelque chose, dis-le ! Sois plus direct ! ». Là-dessus, je lui ai pro-posé de m’appeler et de me rejoindre chez moi, s’il souhaitait que l’on débute une collaboration.

/ Ensemble, vous avez écrit une première chanson, América, América, sortie en 1969.

On en a vendu trente mille  ! Il était content comme tout  : « Tu vois, ça démarre  ! » m’avait-il dit. À vrai dire, je n’ai pas fait grand-chose sur cette chanson, car le thème ne m’inspirait pas vraiment. Mais je crois qu’on a bien rigolé, et que ça lui a donné envie que l’on continue ensemble.

/ Michel est venu travailler chez vous, dans l’Oise...

Avec mon mari, nous habitions un petit château à Pontarmé, près de Senlis. Michel m’avait rejointe pour la séance d’écriture de ce qui allait devenir Et mourir de plaisir. Après un début de journée fructueux, il s’était allongé dans le canapé de mon bureau, et avait fini par s’endormir. Pour le réveiller, je l’avais gentiment sermonné, tout en lui jetant un peu d’eau : « Allez, debout ! Faut faire le deuxième couplet, maintenant ! » (rires). Quand on a trouvé les derniers vers, il s’est mis à sauter de joie  ! Il était très excité. Au-delà des chansons qui se créaient, je crois qu’il était très enthousiaste à l’idée d’être papa pour la première fois. Il n’arrêtait pas de me répéter : « Tu sais Vline, quand j’aurai mon fils, je l’emmènerai à tel en-droit, on fera ceci, cela… ». Une nuit, il m’a appe-lée, la voix un peu lasse : « Buggy, c’est une fille... ».

LES DÉBUTS

/ Quelque temps plus tard, vous vous êtes retrouvés chez Jacques Revaux…

Avec Régis Talar, ils étaient très contents de nos premières chansons, mais ils espéraient quelque chose de plus populaire. Michel, fougueux comme on le connaît, s’était agacé : « Vous faites chier avec vos trucs populaires  ! Qu’est-ce que vous voulez me faire chanter ?! Les soupes po-pulaires ?! Les marchés populaires ?! Et pourquoi pas les bals populaires, tant qu’on y est  ! ». Ins-tinctivement, Revaux a saisi sa guitare, très ins-piré par le thème. Michel, quant à lui, n’était pas du tout convaincu ; c’est le moins que l’on puisse dire  ! Après de longues minutes, il avait fini par céder aux sommations de ses producteurs : «  Allez, viens Vline, on va leur torcher un texte de merde à ces deux cons  !  ». On l’a fait, et la chanson a eu un grand succès, même si je crois pouvoir dire qu’il ne l’aimait pas trop, celle-là.

/ Malgré tout, il l’a régulièrement chantée sur scène…

C’est amusant, il y a quelques années, mon ne-veu, qui adore Michel, m’avait demandé de l’em-mener à l’un de ses spectacles. Déjà, quand je suis entrée dans la salle, on m’a reconnue et pho-tographiée ! Moi qui suis si discrète, j’étais gênée pour mon neveu (rires)  ! Sardou commence et, après quelques chansons, il s’arrête pour s’adres-ser au public. Dans un silence presque religieux, il présente la chanson qu’il s’apprête à interpré-ter, raconte qu’il ne voulait pas la sortir, qu’elle le barbe prodigieusement, mais que c’est grâce à elle qu’il a connu le succès : Les bals populaires. Ça a été un triomphe dans la salle, et ça m’a fait plaisir. Ce même soir, il avait également chanté Et mourir de plaisir, dans un arrangement qui était vraiment très particulier. Il m’avait prévenue mais, sur le coup, je n’ai pas reconnu la chanson. Après le spectacle, il m’a demandé  : «  Alors, tu as aimé l’arrangement ? ». Je lui ai répondu avec malice que je n’avais rien entendu (rires). Ce soir-là, j’ai sympathisé avec Anne-Marie, son épouse. Une femme formidable  ; la seule, je crois, avec laquelle Michel ait été heureux.

ll y a quelques années, je l’avais eue au télé-phone, et elle m’avait dit  : « Vous savez, Michel ne veut pas voir grand monde, mais il parle sou-vent de vous, et je crois que ça lui ferait très plaisir de vous voir  ». J’avais été très touchée.

/ Vous avez également cosigné J’habite en France, un autre succès. Et deux chansons dites d’album  : La neige et Quelques mots d’amour.

Je pense que ces deux-là avaient moins d’im-pact, au niveau du texte et de la musique. Une chanson réussie, c’est de l’alchimie. De jolies paroles sur une musique ratée, ça ne marche pas. Un texte moyen avec une bonne mélodie, ça peut faire un succès, mais pas très grand. Si ces deux ingrédients, portés par un bon inter-prète, sont de qualité et s’unissent, vous pouvez y aller. Michel, lui, est un grand interprète. Et, je dois le dire, c’est également l’artiste le plus intel-ligent que j’aie rencontré. Tout jeune, il avait une profondeur, et une structure dans la réflexion que n’avait pas Claude François, par exemple.

/ Vous avez grandement contribué à l’éclo-sion de Michel Sardou, mais vous n’avez plus collaboré par la suite...

Les artistes, on les aide, mais ça s’arrête là. Son succès, Sardou ne le doit qu’à lui-même. Et puis, il ne faut pas oublier que nous avions vingt ans d’écart ! Pour travailler avec Michel, il fallait l’ac-compagner dans ses virées nocturnes, et avoir des idées « couillues », comme il disait (rires) ! Il fallait aussi, comme l’explique Jacques Revaux, qu’il ait du répondant face à lui, quelqu’un avec qui il pouvait s’engueuler, comme ce fut le cas avec Pierre Delanoë, que j’aimais beaucoup. Moi, j’étais une femme, je vivais à la campagne, avec des enfants, et un mari chirurgien, qui était aussi le maire de la ville. Ça rendait les choses un peu plus compliquées, même si ça ne m’a jamais em-pêchée d’écrire (rires). Au départ, entre nous, ça a fonctionné car peu de gens du métier croyaient en Michel, il faut bien le dire. Ensuite, il a eu du succès, et de nombreuses perspectives de col-laboration se sont ouvertes à lui, c’est normal.

LES DÉBUTS

/ Vous avez continué à le suivre, ensuite ?

J’ai toujours suivi sa carrière avec un grand plaisir, et le revoir m’a toujours procuré beau-coup d’émotion. Lorsque nous avions connu un immense succès, Herbert Léonard, Julien Lepers, et moi, avec Pour le plaisir, je l’avais croisé dans le Midi. Il m’a prise dans ses bras, m’a fait tourner, et m’a lancé : « Bah dis-donc ! Là, t’as fait fort  ! ». Michel a toujours été adorable avec moi. Il y a quelques années, des journalistes de l’équipe de Mireille Dumas m’avaient contactée, et expliqué qu’ils aimeraient venir m’interviewer dans le cadre d’un documentaire consacré à Michel Sardou. Un peu interloquée, j’avais demandé : « Qui vous a parlé de moi ? ». On m’avait répondu : « C’est Monsieur Sardou. Il a dit qu’il fallait abso-lument que l’on vienne vous voir, car vous étiez pour beaucoup dans le démarrage de sa carrière ». Alors, j’ai dit oui, et j’ai vu tous ces gens débarquer avec une tonne de matériel dans mon salon (rires). J’étais surtout touchée de son attention, et très heureuse de pou-voir évoquer nos souvenirs…

L'ACTEUR« Laurent, c’est mon porte-bonheur »

Michel Sardou

L A U R E N T S P I E LV O G E L

L’ACTEUR

Au théâtre, Michel Sardou considère Laurent Spielvogel comme son porte-bonheur. Ils se sont rencontrés sur Bagatelle(s), et ne se sont jamais vraiment quittés. Ensemble, ils ont parta-gé succès et fou-rires, avec une complicité que rien ne prédestinait. Spielvogel, enfant biberonné à Brassens et Montand, devenu fervent admira-teur de Barbara, n’a jamais vraiment écouté Sardou. Il ne le découvre que dans les mois suivant leur première collaboration, en smoking et nœud papillon dé-fait, arpentant la scène ronde, au centre de Bercy. Quelques minutes après la fin du show, retrouvailles dans la loge. Le chanteur, épaté : « Ah, mais t’es venu !? C’est gentil, parce que je sais que je ne suis pas trop ton rayon… ». La surprise change alors de camp : « Vous vous rendez compte, se souvient le comédien, le mec venait de chanter devant dix-huit mille personnes, et il arrivait à s’étonner de ma petite présence ». À la lumière de cette anecdote, personne ne s’éton-nera, en revanche, d’entendre Spielvogel louer l’humilité de son partenaire…

LAURENT SPIELVOGEL

L’ACTEUR

L’ACTEUR

/ En 1996, vous vous retrouvez sur la scène du Théâtre de Paris aux côtés de Michel Sar-dou. Dans la foulée de ses six mois – un re-cord ! – à l’Olympia, il réalise son rêve de tou-jours : monter sur les planches pour y jouer la comédie, avec Bagatelle(s). Quel regard posiez-vous sur lui, avant le début de cette aventure ?

Je le voyais comme une immense icône de la chanson, évidemment. C’était la première fois qu’il jouait au théâtre, et donc la première fois que je le rencontrais, par l’intermédiaire de Pierre Mondy, le metteur en scène, qui m’avait engagé pour cette pièce. Lors des premières représentations, l’ambiance était vraiment par-ticulière  : certains spectateurs déposaient des cadeaux sur scène, d’autres l’apostrophaient pendant la représentation. Moi, comme les autres comédiens, j’avais l’impression d’être l’un de ses musiciens à la fin d’un concert (sourire). Le climat était assez incroyable…

/ J’imagine que ce sont des témoignages qui ne lui plaisaient pas beaucoup…

Non, et pas davantage aujourd’hui, d’ailleurs. La grande différence, c’est que, comme il est beaucoup plus à l’aise maintenant, il fait un re-cadrage immédiat (rires). Pendant la tournée de Représailles, il s’est arrêté de jouer pour in-terpeller un mec qui prenait des photos. Un autre soir, durant une scène où il se retrouve pris au piège par son épouse, interprétée par Marie-Anne Chazel, un type lui a lancé : « Lâche-rien, Michel  !  ». Il a un public très fidèle, vous le savez, et ce public a la culture des concerts, et a conservé certains réflexes qui vont avec. Cela dit, c’est de plus en plus rare. Mais, quand ça arrive, bien sûr que ça l’agace, d’autant qu’il vient du théâtre et qu’il a le plus grand res-pect pour la discipline, pour les comédiens…

/ Plus les années passent, et plus je ressens chez lui la volonté de révéler le comédien, quitte à faire oublier le chanteur…

Il y a certaines choses contre lesquelles on ne peut rien. Michel est un très bon ac-teur, mais c’est aussi une immense star

de la chanson, et c’est ainsi, d’abord, que les gens l’appréhendent. On est qui on est, voilà. Je crois que, comme la plupart des artistes, il est un homme multiple. Bien sûr, c’est une énorme star, mais il est extrêmement intelligent, très cultivé, et il n’est dupe de rien. Il a beau-coup de distance par rapport à son succès, qui est pourtant colossal. Vous savez, j’ai travaillé avec des artistes qui « se prennent pour ce qu’ils sont » ou qui jouent les intellos, alors qu’ils n’ont ni la finesse, ni la culture, ni la tolérance de Michel  ! Mais tout ça, il se fout que les gens le sachent  ! Bon, ceux qui sont un peu subtils, forcément, s’en aperçoivent. Si vous regardez Michel en interview, vous voyez que c’est un mec brillant. Lui, il se moque que certains continuent à le prendre pour un beauf ou un vieux réac, alors que c’est l’un des types les plus cultivés que j’aie connu. Encore aujourd’hui, quand des gens du métier apprennent que je joue avec lui, ils me disent  : «  Ah, Sardou…  » en sous-entendant  : « Ah, ce vieux con, ce réac de droite… ». Il est tel-lement joueur, qu’au fond, cette image l’amuse, et je pense même qu’elle l’arrange. D’une cer-taine façon, grâce à elle, on lui fout la paix.

/ Dès vos premiers contacts, vous avez res-senti ce décalage entre l’image que certains lui attribuent, et ce qu’il est réellement ?

J’ai un souvenir qui, pour moi, symbolise Michel. Les gens l’imaginent hâbleur, vantard, alors que c’est tout l’inverse. Dans Bagatelle(s), sa première pièce, je jouais donc son valet de chambre. Nous partagions des scènes de comédie, et dès les répétitions, une certaine complicité s’installait entre nous. Un jour, il m’avait demandé  : « Dis-moi, Laurent, toi qui es un acteur professionnel, tu trouves que je souris assez sur scène ? On me dit que je suis un menhir… ». Michel Sardou qui me demandait, à moi, un avis, un conseil ?! Je me souviens lui avoir répondu : « Tu sais, Michel, on a toujours intérêt à sourire sur scène… ». Parmi les types qui ont une telle aura – et ils ne sont pas nombreux ! –, je n’en connais pas beaucoup qui ont l’humilité de demander des conseils…

/ Qu’avez-vous découvert chez lui, que beau-coup ignorent ?

Une forme de mélancolie, c’est d’ailleurs ce qui me touche chez lui. Je pense qu’il est resté un enfant, et qu’il a la mélancolie de beaucoup de choses. Et puis, il y a ce destin qui lui est tom-bé dessus, mais qui n’était peut-être pas tout à fait son rêve de gosse. Aussi, il n’y a pas plus contradictoire que lui. Souvent, quelques mi-nutes avant le lever de rideau, il me dit  : « Bon, faut encore y retourner… ». Il bougonne un peu, bien sûr, mais je crois que, quand il n’est pas sur scène, il est comme un poisson hors de l’eau. Peut-être que c’est sa façon à lui de se mettre en état de jeu, de trouver de l’enjeu, de l’énergie. Monter sur scène tous les soirs, c’est difficile, ça ressemble à un premier rendez-vous  où il faut assurer. Il faut être totalement présent, dégagé de tous ses problèmes, parce que les gens sont venus et qu’ils attendent ce moment…

/ Jouer tous les soirs peut-il engendrer, chez lui, une forme de lassitude ?

C’est quelqu’un de rapide, qui comprend vite, et qui, par conséquent, supporte difficilement la routine. C’est un autre paradoxe  : le théâtre est une discipline assez fastidieuse, qu’il semble pourtant aimer plus que tout. Un jour, je lui ai de-mandé quelle était la différence entre chanter et jouer sur scène, et il m’a répondu que pendant une chanson, il pouvait lui arriver de penser à autre chose, ce qui est impossible au théâtre où il faut être en état de jeu à chaque instant.

Au théâtre, il n’y a pas de place pour la méca-nique  : il faut être dedans, comme si c’était la première fois qu’on jouait. Michel, bien sûr qu’il peut être moins bien et qu’il peut moins mettre le turbo certains soirs, mais il sait que ça fonc-tionnera sur son charisme. J’ai souvent consta-té ce phénomène avec amusement  : dans les coulisses, il n’est pas en pleine forme, et puis, il met un pied sur scène, et ce truc rare qu’il a – le charisme – s’allume. C’est assez saisissant...

/ L’état d’alerte permanent, le rythme de la comédie : ce sont des éléments qu’il a vite in-tégrés ?

Comme il le dit lui-même, au départ, il était un peu menhir, pas tout à fait libéré. Maintenant, des gens du métier viennent, et me disent  : « Ah, il est très bon, en fait  ! ». Bien sûr, qu’il l’est. Sur Bagatelle(s), je crois qu’il avait le trac, tout simplement. Pour lui, c’était un tel enjeu avec, en filigrane, la promesse faite à son père. Quand on s’est retrouvés, douze ans plus tard, pour Secret de famille, il n’était déjà plus le même comédien. Et avant Repré-sailles, je l’avais revu dans la pièce d’Éric-Em-manuel Schmitt (NDLR  : Si on recommençait), où, dans un registre différent, il était très bon. Je crois que Michel a toujours eu l’intelligence de se laisser diriger – ce qui ne l’empêche pas d’avoir des idées  ! – bien qu’au music-hall, il ait toujours été son propre metteur en scène.

L’ACTEUR

Aujourd’hui, il est évidemment plus décontracté, même si je ne crois pas qu’il échappe à une forme d’appréhension. Un jour, je lui avais dit  : «  T’as l’air d’avoir aucun trac…  ». Il m’avait répondu  : « Bah non, je l’ai pas ! ». Malgré tout, je pense qu’il est tellement perfectionniste, qu’il ne peut pas s’y soustraire totalement. Au théâtre, il y a, déjà, l’angoisse d’être en forme. Fatigué, on joue mal.

/ Comme vous venez de le souligner, vous avez joué trois pièces à ses côtés. Comment expliquez-vous cette fidélité, très marquée, qu’il vous témoigne ?

Je me le demande aussi, parce que vous savez, on ne se voit jamais en dehors. Une fois, je le lui ai proposé, et il m’a répondu  : « Tu sais, moi, je suis un ours, je ne vois personne ». Je crois qu’il a vu tellement de gens dans sa vie… Un jour, il m’a dit : « Tu te rends compte, j’ai fait cinquante ans de tournées…  ». Ça rejoint les raisons qui le poussent à arrêter la chanson  ; cette sen-sation d’avoir tout fait. Pour en revenir à votre question, je pense que ça s’explique par la complicité naturelle qu’on a nouée sur scène…

/ Cette complicité, il en joue…

C’est bien simple ; si j’ai le malheur de lui

parler d’un truc privé, il va me le ressortir sur scène (rires)  ! Pendant Bagatelle(s), j’en étais absent pendant trois-quarts d’heure. J’avais profité de ce laps de temps, lors d’une représentation en matinée, pour me rendredans une boutique que j’avais repérée, à deux pas du Théâtre de Paris. Chez moi, j’avais un vieux lavabo 1930 dont le robinet était cas-sé. Je m’étais donc rendu dans ce magasin, rue Blanche, qui vendait des copies de robinets an-ciens. Bon, quand une pièce se joue, on n’est pas censé sortir du théâtre (sourire). Michel, qui était en coulisses au moment de mon retour, m’a vu revenir de l’extérieur : « Qu’est-ce que t’as été foutre ? ». Je lui raconte mon histoire, il me regarde avec des yeux complètement effarés, et me sort  : «  T’es complètement dingue, mon pauvre vieux ! » (rires). Juste après, on se retrouve sur scène, et il me lance  : «  Au fait, Fred, vous avez réglé votre problème de robinet ?! ». Dans la salle, les gens rigolaient sans trop comprendre. Quant à nous deux, vous imaginez le fou rire…

/ Entre vous, il n’est jamais loin, d’ailleurs…

Michel adore ça, puisqu’il adore voir où se situe la limite. Sur Secret de famille, il y avait une scène où nous étions très proches, face à face, et où je le menaçais physiquement. Jour après jour, il se rapprochait encore de moi, jusqu’à ce que

L’ACTEUR

nos nez finissent par se toucher. Ajoutez à cela qu’il me regardait en louchant ! Ce soir-là, j’ai été pris d’un fou rire incontrôlable, et lui, s’en est amusé, prenant le public à témoin : « Regardez un peu dans quel état il est ! ». Sortir du chemin, il adore  ! Michel, c’est un mélange de rigueur et de liberté. D’un côté, vous avez ce mec hy-per consciencieux, qui connaît son texte sur le bout des doigts  ; et de l’autre, cet enfant qui a toujours, au fond de lui, l’envie de faire le con…

/ Michel Sardou s’est distingué dans des co-médies de boulevard, mais il a également joué des pièces différentes, peut-être plus exigeantes (L’homme en question, Si on recommençait). Et puis, il aime les grands textes, les grands auteurs. Ressentez-vous, chez lui, l’envie de diversifier les rôles, les re-gistres ?

L’envie existe, bien sûr. Cette année, il me disait : «  J’ai envie qu’on joue L’Entretien de M. Des-cartes avec M. Pascal le jeune, la pièce de Jean-Claude Brisville ! ». Il était très enthousiaste, vou-lait acheter les droits, se sentait prêt à jouer dans une salle de capacité plus modeste. Et puis, il est passé à autre chose. Michel avait beaucoup d’admiration pour son beau-père, François Pé-rier, et comme lui, je pense qu’il aimerait pas-ser d’un registre à un autre, jouer du Boulevard comme du Sartre. Aussi, comme vous l’avez sou-ligné, c’est un fin lettré, qui a le goût des grands textes. J’imagine que parmi les pièces de Molière, quelques-unes doivent lui faire envie. Cela dit, dans la chanson comme dans les comédies plus légères, Michel a toujours connu le succès. Il a un public très populaire, qui a surtout envie de rire ; de lui et avec lui. Il y a quelques jours, je regardais un documentaire consacré aux shows des Car-pentier. Déjà, dans les sketchs qu’il interprétait, on voit son œil qui frise, sa nature comique… et ça, les gens le ressentent.

/ Au music-hall, il a souvent évoqué « la so-litude du chanteur de fond ». Au théâtre, il s’est vite imprégné de l’esprit de troupe ?

C’est aussi pour ça qu’il aime le théâtre, parce qu’il n’est pas tout seul. Il aime la troupe, même si on ne dîne pas ensemble tous les soirs.Au fond, c’est un solitaire qui n’aime pas être seul. Encore une fois, c’est paradoxal, mais c’est lui. J’ai remarqué que nous avions beaucoup de points communs, lui et moi. On ne se l’est jamais dit, mais Michel est un médium, il ressent extrê-mement bien les gens. Récemment, je repensais à ce parcours commun, à cette fidélité qu’il a en-vers moi, et je me disais que c’était assez mysté-rieux. Bon, je ne vais quand même pas aller le voir pour lui demander  : «  Dis, Michel, pourquoi tu m’aimes ? », mais ça m’interroge (sourire). C’est comme l’amitié, en fait. On rencontre des gens, on les revoit, on devient amis, le tout dans une forme d’évidence. Et je crois qu’entre nous, c’est une évidence. J’ai beaucoup d’affection pour lui, j’aime jouer avec lui, et je crois qu’il apprécie de jouer avec moi. Comme des gosses, en fait…

L’ACTEUR

les passions« L’avion, le plus beau des jouets »

Michel Sardou

W I L LY G R U H I E R

LES PASSIONS

Animateur au Musée de l’Air et de l’Espace à la fin des années quatre-vingt, Willy Gruhier se découvre alors la passion de l’enseignement. Une passion qui, de-puis trente ans, ne l’a pas quitté. Rodé à l’aviation d’affaires et à la formation de personnalités publiques, Gruhier reconnaît que les pilotes issus du « show-biz » ne sont pas les plus agréables : « D’ailleurs, si votre demande avait concerné quelqu’un d’autre que Michel, je ne pense pas que j’y aurais répondu favorablement. C’est sans doute celui avec lequel je garde les meilleurs souvenirs ». Et d’ajouter, avec un léger regret : « Comme il s’est un peu éloigné de l’aviation, nous n’avons pas pu faire le tour de voltige que je lui avais promis. Cela dit, il n’est jamais trop tard… ».

WILLY GRUHIER

LES PASSIONS

LES PASSIONS

/ Avant de le rencontrer, quel regard po-siez-vous sur Michel Sardou ?

Celui d’un enfant qui a été massacré par ses chan-sons (rires) ! Comme je n’étais pas scolarisé de manière classique, ce sont mes parents qui me faisaient étudier à la maison, et ils se servaient de ses chansons pour mes dictées ! Alors, même si j’aimais l’artiste, je dois dire qu’il m’a aussi laissé des souvenirs douloureux. Quand, bien des an-nées plus tard, je le torturais en salle de théorie, j’avais un peu l’impression de me venger (rires) !

/ Quels sont les textes de chansons qui, du-rant votre enfance, se sont transformés en dictées ?

Une bonne partie des chansons des années soixante et soixante-dix, jusqu’aux Lacs du Connemara. Je me souviens, notamment, de Danton…

/ Un bon moyen de travailler à la fois l’ortho-graphe et l’histoire…

Exactement. Je faisais d’une pierre, deux coups…

/ On imagine que, vingt ans plus tard, la ren-contre a eu une saveur très particulière. Dans quelles circonstances s’est-elle déroulée ?

C’était dans la deuxième partie des années 2000, alors que Michel était déjà pilote breveté. Il se trouve qu’il volait sur le même terrain que moi, et qu’un jour, la personne qui s’occupait de parquer les avions m’avait confié qu’il souhaitait passer son IFR, une qualification de vol aux instruments. À l’époque, je faisais passer cette qualification, qui est un très gros morceau, auquel très peu – entre un et cinq pour cent des pilotes privés qui volent pour leur loisir – se risquent…

/ Que requiert-elle ?

De la rigueur, de l’envie, de la passion, et tout un tas de qualités dont il disposait. On voyait qu’il avait déjà fait de l’avion, et qu’il s’était

sûrement fait avoir une fois ou deux par des mecs qui lui avaient vendu des appareils pas vrai-ment adaptés, ni à son niveau, ni à son utilisa-tion. Instantanément, il a posé les bonnes ques-tions, et je le sentais demandeur de conseils. De plus, contrairement à la majorité des pilotes issus de son milieu, ce n’était pas un illuminé : il avait totalement conscience de la charge de travail que cette qualification représentait. J’avais face à moi un pilote normal, un passion-né, qui savait que, pour voler au-dessus, il lui fallait aussi passer une étape supplémentaire.

/ C’est dans ce processus que vous l’avez ac-compagné…

Dans un premier temps, avec de la théorie, ce qui constitue peut-être le plus gros morceau. Là, en salle de cours, je l’ai torturé pendant une cinquan-taine d’heures (rires) ! Et puis, il était également très investi dans le travail personnel. À chaque nouveau cours, il revenait avec une liste de ques-tions – fait rarissime chez les élèves –, des notes manuscrites, et les résultats des examens blancs qu’il passait en ligne. J’étais assez frappé par sa rigueur, son sérieux, et son efficacité. Des qua-lités sur lesquelles, j’imagine, il s’appuyait dans son métier. En revanche, dès qu’on prenait une pause et qu’on franchissait la porte de la salle, il se transformait en gros déconneur (sourire). En-suite, pendant la deuxième phase, il est passé au simulateur, assez complexe à prendre en main. Il était toujours aussi assidu, et totalement ouvert aux remarques, aux critiques. Je pouvais tout lui dire ; il prenait les choses de manière très calme. J’ai souvent eu des problèmes avec les pilotes privés qui passaient l’IFR, la plupart ayant un ego surdimensionné. Il faut prendre pas mal de précautions pour leur dire que leur vol était nul, ou que leur préparation était catastrophique. Avec Michel, c’était beaucoup plus direct. Sincè-rement, c’est l’un des élèves les plus agréables avec lesquels j’ai eu la chance de travailler…

/ Ensuite, il y a eu la phase de vol…

La plus sympa, forcément. À ce moment-là, il a tenu à m’accompagner sur un stage de voltige. Les gars de mon équipe, ce sont des dingues !

Comme, avec eux, je dormais dans un vieux châ-teau délabré, j’avais prévenu Michel : « Ça me fait plaisir que tu veuilles venir, mais on va être au fin fond de la Creuse, et je ne crois pas qu’il y ait un hôtel où tu puisses dormir… ». Ça n’avait pas du tout refroidi ses ardeurs : « Non, non, je dors avec vous ! ». En effet, il est venu, et il a dormi dans son sac de couchage ! C’était assez formi-dable. Il était complètement intégré à l’équipe, et très heureux d’être traité comme un pilote. Vous savez, on a beaucoup de « faux pilotes » qui viennent du show-biz, mais lui, c’était un « vrai pilote ». D’ailleurs, puisqu’on parle de show-biz, à cette même époque, je formais un humo-riste qui, quelques années plus tôt, avait fait un sketch anti-Sardou. Je précise que ce n’est pas Bedos, avec qui, je crois, Michel est très ami. Ma difficulté était donc que les deux hommes ne se croisent pas. Manque de pot, un jour, c’est arri-vé ! Et là, le mec, comme écrasé par le charisme de Sardou, s’était comporté comme une lavette (rires) ! En repartant, Michel m’avait demandé : « Au fait, c’est pas lui qui avait fait un truc sur moi ? Bon, c’était un peu violent, mais plutôt bien écrit ». Il était beau joueur, en plus d’être un élève remarquable pour l’instructeur que j’étais…

/ Quelles étaient, selon vous, ses sources de motivations ?

Il avait fait de la course automobile, de la moto, du bateau, alors c’était comme un cheminement logique. Ce sont des activités où on ne peut pas tricher, où on ne peut pas faire semblant, et où personne ne vient vous chercher s’il se passe quelque chose. J’ai le sentiment que Michel fait partie de ces personnes qui ont besoin de challenges, et qui aiment aussi se faire plaisir sans être dépendantes de qui que ce soit. Et puis, on voyait qu’il aimait réellement voler. Il adorait ça.

/ Dans son autobiographie (NDLR : Et qu’on n’en parle plus, XO), il écrit : « Tant qu’à voler, volons haut et vite ». Existait-il, chez lui, la volonté d’aller toujours plus loin ?

Il y avait, surtout, celle de ne pas faire les choses à moitié. Les ULM ou les tours d’avions, avec pour seul but d’observer les châteaux d’un peu plus haut, ce n’était pas son truc. Il voulait faire les choses à fond, et ça passait par l’IFR, qui est la qualification nécessaire pour devenir pilote

LES PASSIONS

de ligne. D’ailleurs, ça représente quatre-vingts pour cent du cheminement pour y parvenir.

/ En 2010, il a écrit Voler (NDLR : interprétée en duo avec Céline Dion) pour ses copains pi-lotes, parmi lesquels vous comptiez…

Le titre était presque trop facile, mais la chanson était vraiment réussie. Dans les airs, on ressent plusieurs sensations, dont le plaisir de voler, qui est très bien décrit dans la chanson. D’ailleurs, il en avait écrit une autre, Un motel à Keeseeme, qui ne parlait pas du tout d’aviation. L’histoire amusante, c’est qu’il y était retourné, quelques années plus tard, pour y passer son test IFR.

/ Il a pris quelques distances avec l’aviation, sans doute pour des raisons familiales, en-suite…

C’est vrai, mais je me souviens que l’une de nos dernières conversations, il y a quelques années, portait sur l’achat d’un avion…

/ L’un de ceux d’Harrison Ford…

Il ne m’avait pas dit à qui il voulait l’ache-ter, mais comme il m’avait donné le type d’avion dont il s’agissait, j’avais deviné. Il

faut dire qu’il n’en existe que deux ou trois dans le monde (sourires). D’ailleurs, comme l’avion vole toujours du côté de Santa Moni-ca, j’imagine que Michel n’a pas pu l’acquérir…

/ Que retenez-vous de lui, en tant que pilote ?

Quelqu’un de très sûr, un très bon pilote. Et s’il était bon, c’est justement parce qu’il ne comptait pas que sur ses qualités de pilote. Un bon pilote, c’est celui qui va savoir quand ne pas piloter, ce-lui qui va avoir l’humilité de se dire : « Aujourd’hui, je ne suis pas suffisamment en forme ». Michel était d’une grande modestie, notamment vis-à-vis des éléments. La célébrité n’a jamais ouvert les montagnes ou dégagé le ciel, et il le savait. Je crois pouvoir dire que c’est un milieu dans lequel il se sentait bien, et s’il a été aussi bien accep-té par tout le monde, notamment lors du stage de voltige que j’évoquais tout à l’heure, c’est grâce à son attitude, sa modestie, sa volonté de progresser. Vous savez, d’un côté, il y a l’avia-tion aéroclub, où chacun se regarde le nombril ; et de l’autre, il y a le vrai cercle des aviateurs. Dans celui-ci, il était considéré comme l’un des nôtres, et ça lui plaisait. Pour nous, il n’était pas un chanteur, mais bien un pilote à part entière. Il était content qu’on lui demande : « Sur quoi tu veux voler ? » plutôt que : « Qu’est-ce que tu vas chanter dans ton prochain spectacle ? » (rires).

LES PASSIONS

@sardouregards

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CRÉDITS

• Photos : Olivier Denis, Richard Melloul, Marianne Rosenstiehl, Willy Gruhier (collection personnelle), Michel Sardou (collection personnelle), Vline Buggy (collection personnelle), Bertrand Rindoff-Petroff

• Corrections (indispensables) et remarques (aiguisées) : Nicole Syssau

• Conception graphique et mise en page : Victoire Wuilmart

Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur