20
Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 163 Revue internationale du Travail , vol. 138 (1999), n o 2 Copyright © Organisation internationale du Travail 1999 Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 John WEEKS* D epuis environ une décennie, les économies d’Amérique latine ont radi- calement changé de cap. Avant la crise de la dette, dont on peut situer le début à la mi-1982 lorsque le Mexique envisagea un moratoire sur ses rembour- sements, la plupart des gouvernements de la région menaient des politiques autocentrées, privilégiant pour l’essentiel les marchés intérieurs plutôt qu’in- ternationaux. Les instruments de cette politique consistaient en un ensemble de réglementations et de contrôles sur les mouvements de capitaux, les importa- tions et les exportations 1 . Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, pratiquement tous les gouvernements – à l’exception de Cuba – ont levé les barrières commerciales et le contrôle des capitaux 2 . Ce mouvement de dérégle- mentation a été étroitement associé à celui de l’intégration régionale dont l’une des pièces maîtresses est l’ALENA (Accord de libre échange nord-américain) entré en vigueur en 1994. Parallèlement, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay constituaient le «marché commun du Sud« (MERCOSUR), auquel le Chili et la Bolivie se sont associés. Cet article a pour objet d’examiner les conséquences de ce double mouvement sur les marchés du travail d’Amérique latine 3 . Plusieurs facteurs ont modelé les tendances économiques et sociales * Directeur du Centre de recherche et de politique de développement, Université de Londres. Le présent article est tiré d’une étude réalisée pour le Dé partement de l’ emploi et de la formation du BIT. 1 Pour qualifier la similitude supposé e des politiques é conomiques mené es dans la ré gion, on utilise, presque toujours à tort, l’expression de «substitution d’importation«. De fait, la substitution d’ importation est une politique industrielle qui va bien au-delà d’une simple limita- tion des importations. Comme l’a démontré Liang (1992), cette dernière peut très bien être en contradiction avec la substitution d’importation, si elle est appliquée dans une situation où l’incitation principale se porte sur la production de biens non échangeables. 2 Cette déréglementation fait partie des conditions posées par le FMI et la Banque mon- diale dans le cadre de ce qu’ il est convenu d’ appeler le Consensus de Washington (Weeks, 1989, 1995a et 1995b). 3 Dans cet article, nous considérerons que la région est composées des dix-huit pays suivants: Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, République dominicaine, Equateur, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela.

Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 163Revue internationale du Travail, vol. 138 (1999), no 2

Copyright © Organisation internationale du Travail 1999

Salaires, emploi et droitsdes travailleurs en Amérique latine,

1970-1998

John WEEKS*

D epuis environ une décennie, les économies d’Amérique latine ont radi-calement changé de cap. Avant la crise de la dette, dont on peut situer le

début à la mi-1982 lorsque le Mexique envisagea un moratoire sur ses rembour-sements, la plupart des gouvernements de la région menaient des politiquesautocentrées, privilégiant pour l’essentiel les marchés intérieurs plutôt qu’in-ternationaux. Les instruments de cette politique consistaient en un ensemble deréglementations et de contrôles sur les mouvements de capitaux, les importa-tions et les exportations 1. Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix,pratiquement tous les gouvernements – à l’exception de Cuba – ont levé lesbarrières commerciales et le contrôle des capitaux 2. Ce mouvement de dérégle-mentation a été étroitement associé à celui de l’intégration régionale dont l’unedes pièces maîtresses est l’ALENA (Accord de libre échange nord-américain)entré en vigueur en 1994. Parallèlement, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay etl’Uruguay constituaient le «marché commun du Sud« (MERCOSUR), auquelle Chili et la Bolivie se sont associés. Cet article a pour objet d’examiner lesconséquences de ce double mouvement sur les marchés du travail d’Amériquelatine 3. Plusieurs facteurs ont modelé les tendances économiques et sociales

* Directeur du Centre de recherche et de politique de développement, Université deLondres. Le présent article est tiré d’une étude réalisée pour le Département de l’ emploi et de laformation du BIT.

1 Pour qualifier la similitude supposée des politiques é conomiques mené es dans la région,on utilise, presque toujours à tort, l’expression de «substitution d’importation«. De fait, lasubstitution d’ importation est une politique industrielle qui va bien au-delà d’une simple limita-tion des importations. Comme l’a démontré Liang (1992), cette dernière peut très bien être encontradiction avec la substitution d’importation, si elle est appliquée dans une situation oùl’incitation principale se porte sur la production de biens non échangeables.

2 Cette déréglementation fait partie des conditions posées par le FMI et la Banque mon-diale dans le cadre de ce qu’ il est convenu d’ appeler le Consensus de Washington (Weeks, 1989,1995a et 1995b).

3 Dans cet article, nous considérerons que la région est composées des dix-huit payssuivants: Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, République dominicaine,Equateur, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou,Uruguay et Venezuela.

Page 2: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail164

associées à la libéralisation et à l’intégration régionale; en particulier: 1) lasortie de l’endettement désastreux des années quatre-vingt et les politiques decompression de la demande dont il s’est assorti (De Piniés, 1989); 2) l’in-flexion de l’idéologie économique en faveur des instruments monétaires et audétriment de la politique budgétaire active 4; et 3) la modification du rapport deforce économique entre le travail et le capital, au bénéfice de ce dernier, due enpartie à des réformes législatives.

La question posée ici est de savoir si les salariés ont gagné ou perdu auchangement de politique économique qui s’est produit au cours des deux der-nières décennies. La théorie économique néoclassique prévoit que les travailleursdevraient y gagner: la libéralisation des échanges et la flexibilité du marché dutravail devraient accroître l’emploi; la déréglementation généralisée devrait sti-muler la croissance; et celle-ci devrait faire augmenter les salaires (voir Horton,1994; Horton, Kanbur et Mazumdar, 1994). En vertu du théorème de Stolper-Samuelson, le facteur travail étant plus abondant dans ces pays, les salairesdevraient augmenter et les profits diminuer. Si tel était le cas, ce pourrait êtreun argument contre la législation protectrice des travailleurs ainsi que leur droitfondamental d’organisation. Toutefois, les résultats ont été contraires aux pré-visions de la théorie néoclassique: sur les vingt-cinq dernières années, ils ontété pour le moins contrastés dans le cas des travailleurs; et même dans lesannées quatre-vingt-dix, alors que la croissance économique s’accélérait, lesgains de ces derniers ont été maigres voire négatifs dans certains pays.

La situation du marché du travail, 1970-1998En cette fin de XXe siècle, la population de l’Amérique latine est essen-

tiellement urbaine. Sur les dix-huit pays étudiés, trois seulement comptent unepopulation majoritairement rurale 5. Si l’emploi rural est resté relativementimportant dans la plupart des pays 6, la main-d’œuvre de la région est urbaine àprès de 80 pour cent et elle est composée de salariés plutôt que de travailleursindépendants. Ces caractéristiques différencient l’Amérique latine des autresrégions sous-développées telles que l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud etdu Sud-Est où la main-d’œuvre est à dominante rurale 7.

4 A la fin des années quatre-vingt-dix, la politique monétaire active a été, elle aussi,déconseillée conformément à la conception orthodoxe de l’ajustement. La «nouvelle« politiquemonétaire a été appliquée en Argentine avec la mise en place d’un «conseil monétaire« et d’undispositif selon lequel l’ offre intérieure de monnaie est lié e aux réserves en devises de la Banquecentrale (c’ est-à-dire en dollars des Etats-Unis). De ce fait la politique moné taire est non discré -tionnaire puisque l’offre de monnaie varie en fonction des réserves en devises.

5 Tous trois se situent en Amérique centrale – il s’agit d’El Salvador, du Guatemala et duHonduras – et leur population urbaine représente tout de même 40 pour cent du total.

6 Cela n’est toutefois pas vrai partout, en effet l’emploi rural n’était que de 15 pour cent,voire moins, de l’emploi total en Argentine, au Chili, en Uruguay et au Venezuela.

7 L’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et quelques pays d’Asie de l’Est font égalementexception à la règle. Les pays d’Europe centrale et orientale sont aussi essentiellement urbainsmais leur situation de transition en fait une catégorie spécifique, ce qui n’apparaît pas si on lesclasse sous l’appellation générale de «moins développés«.

Page 3: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 165

Le tableau 1 contient les données de base sur la répartition de la main-d’œuvre en Amérique latine. On y constate l’importance de l’emploi salarié,tant public que privé, dans sept pays de la région, dont les quatre plus peuplés.En 1992, le salariat représentait bien plus de 60 pour cent de la main-d’œuvrenon agricole dans chaque pays, proportion qui atteint presque 70 pour cent dansl’ensemble de la région. Toutefois, depuis 1980, la part de l’emploi salarié abel et bien perdu 6 points de pourcentage. Thomas (1996) interprète cela commeun phénomène d’«informalisation« lié à la libéralisation des marchés du travail(voir également Orellana G. et Avila Avila, 1989). Cette chute sensible pourraitbien révéler un accroissement du sous-emploi, la rubrique «emploi indépen-dant« comprenant alors des personnes qui travaillent, involontairement et dansdiverses proportions, à temps partiel. Le travail indépendant a sérieusementaugmenté en Argentine et au Costa Rica (Gindling et Berry, 1994), mais c’estau Mexique que cet accroissement a été le plus marqué, sa part passant de 18 à30 pour cent; au point que l’on peut supposer un changement de définition ouune erreur de mesure. L’hypothèse selon laquelle l’accroissement de l’emploiindépendant dans toute la région décèle une augmentation du sous-emploi estrenforcée par l’évolution des taux officiels de chômage et des salaires réels,comme on peut le voir ci-dessous. S’agissant du premier, on ne peut toutefoisle considérer comme une mesure toujours précise du niveau réel de chômagepour diverses raisons: problèmes conceptuels, méthodes de collecte des don-nées et, dans certains cas, minimisation des chiffres pour des raisons politiques.

Tableau 1. Répartition de la main-d’œuvre non agricole en Amérique latine, 1980 et1992

Page 4: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail166

Emploi et salaires réelsLes tableaux 2 à 5 présentent les données brutes relatives à l’emploi et aux

salaires réels dans les zones urbaines de la région au cours de la période 1971-1998 8. Dans le tableau 6 figure une synthèse des statistiques de base disponiblespour ces deux indicateurs. Le Chili, qui représente environ 4 pour cent dusalariat de la région9 est le seul des dix-huit pays où l’on constate une amélio-ration à long terme des salaires réels comme des chiffres du chômage. Dansonze pays, il y a eu une détérioration statistiquement significative soit des deuxindicateurs soit de l’un d’entre eux, la tendance manifestée par le second n’étantpas significative (ces onze pays représentent environ 30 pour cent du salariat dela région). Il s’agit là d’un résultat impressionnant: la détérioration que l’onconstate sur les marchés du travail de onze des dix-huit pays n’est pas cyclique,elle se manifeste sur la longue durée en dépit des bouleversements de la politi-que économique. Dans cinq de ces pays (Argentine, Nicaragua, Panama10,Pérou et Venezuela), le salariat a é té doublement affecté: au cours du temps lenombre de chômeurs a augmenté et ceux qui avaient du travail ont vu leurssalaires réels baisser. Dans cinq autres pays où le marché du travail s’est dé-gradé (Bolivie, Equateur, Guatemala, Honduras et Uruguay), il n’existe pas detendance longue concernant le chômage (c’est-à-dire qu’il a évolué de façoncyclique), et les salaires réels ont chuté. Les résultats sont inversés pour ledernier pays de ce groupe, le Paraguay, où le chômage a augmenté de façonsignificative sans qu’aucune tendance ne soit décelable pour les salaires réels.La situation du marché du travail s’est sans doute aussi globalement dégradéeen République dominicaine, mais on ne dispose de données que pour les annéesquatre-vingt-dix, où le chômage a baissé. Dans les cinq derniers pays, les résul-tats sont contrastés: augmentation des salaires sans tendance significative quantau chômage (Brésil, Colombie et Costa Rica) ou bien décroissance du chômageet des salaires réels (El Salvador et Mexique).

Les données sur le long terme montrent que les salaires réels n’ont aug-menté que dans quatre pays d’Amérique latine, le taux d’augmentation dessalaires réels ne dépassant celui du revenu par habitant qu’au Chili 11. En d’autrestermes, la position relative du travail au regard de la répartition des revenus

8 Pour l’ensemble des pays analysés, les données sur le chômage et les salaires réels neconcernent que les zones urbaines et l’ensemble du salariat urbain seulement en Equateur, enUruguay et au Venezuela; dans les autres pays, elles sont limité es à certains secteurs d’ activité ouen fonction d’autres critères, de sorte que les conclusions ne peuvent faire l’objet d’extrapola-tions à l’échelle nationale. Des précisions sur les sources et les définitions sont disponibles auprèsde l’auteur.

9 La part de la main-d’œuvre salariée est une approximation tirée de la part de la main-d’œuvre urbaine.

10 Pour une étude de la pauvreté et du chômage au Panama, voir Camazón, Garcia-Huidobro et Morgado (1989).

11 Telle est également la conclusion de la CNUCED: «{...} on a assisté , entre 1980-1985 et1985-1992, à une diminution générale de la part moyenne des salaires dans tous les paysd’Amérique latine {dans l’industrie manufacturiè re}« (CNUCED, 1997, vol. III, p. 11).

Page 5: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 167

s’est dégradée dans tous les pays sauf un 12. Les commentateurs ont soulignél’extrême détérioration des salaires réels en Afrique subsaharienne au cours desannées quatre-vingt et quatre-vingt-dix 13, plusieurs pays d’Amérique latinepourraient être placés à la même enseigne. Au Pérou, les salaires réels de 1998étaient inférieurs de 40 pour cent à leur niveau du début des années quatre-vingt. Sur à peu près la même période, ils sont tombés au quart de leur ni-veau initial en Equateur, ce chiffre étant de 20 pour cent au Nicaragua et auVenezuela. Une telle chute des salaires réels est probablement sans précédentdepuis le début du siècle en Amérique latine14.

La subdivision en périodes, telle qu’elle apparaît au bas du tableau 6, mon-tre que les situations d’augmentation et de baisse du chômage ne se répartissentégalement entre les pays au cours de la période 1971-1981. En outre, dans ladécennie de la «reprise«, les années quatre-vingt-dix, le chômage a augmenté oun’a pas manifesté de tendance significative dans douze pays et baissé dans sixd’entre eux seulement, tandis que les salaires augmentaient dans onze pays etdiminuaient dans quatre. Selon la conception néoclassique, la «flexibilité« desmarchés du travail implique que ceux-ci tendent à l’équilibre du fait que lessalaires réels s’ajustent en fonction des excédents ou des déficits de main-d’œuvre,on devrait donc constater une augmentation des salaires associée à une chute duchômage et réciproquement. Pourtant, la comparaison entre pays et entre pério-des fait apparaître cette relation inverse avec une fréquence qui n’est guère diffé-rente de ce que donnerait le hasard. Ce résultat suggère une segmentation desmarchés du travail qui ne tient pas à la réglementation publique15. Dans pratique-ment tous les pays étudiés, les réformes du marché du travail ont été effectuéesdans les années quatre-vingt pour accroître la flexibilité. Or, il n’apparaît pasd’après les données que la flexibilité ait été plus grande dans les années quatre-vingt-dix que dans les deux décennies précédentes.

Dans la plupart des pays, le manque de flexibilité ne peut être imputé aux«distorsions« du marché du travail causées par les politiques publiques16. AuBrésil, au Chili, en Colombie, au Costa Rica, au Nicaragua, au Paraguay eten Uruguay, les salaires réels ont augmenté dans les années quatre-vingt-dixsans que ne se manifeste un déclin du chômage; de fait, celui-ci a augmentédans trois de ces sept pays, à savoir le Brésil, le Costa Rica et l’Uruguay. Sans

12 Même au Chili, la part du travail à la fin des années quatre-vingt-dix est considérable-ment inférieure à ce qu’elle était dans les années soixante.

13 Pour une étude d’ensemble, voir Jamal et Weeks (1993). Voir également Mazumdar etBasu (1997, pp. 222ss).

14 Nous écrivons «probablement« parce qu’il n’existe pas de données strictement compa-rables pour la première moitié du siècle.

15 Une démonstration de la segmentation du marché du travail, fondée sur des études decas, figure dans Jatobá (1989, pp. 50-51).

16 En Argentine, au Chili et en Uruguay, qui sont sans doute les pays les plus développésde la région, la protection des travailleurs a é té considérablement réduite (Marshall, 1997). Celaa également été le cas au Mexique (Moreno-Fontes, 1996). Pour une vue d’ensemble despolitiques du marché du travail en Amérique latine dans le contexte de l’ajustement structurel,voir Plant (1994, pp. 84-90 et chap. 6).

Page 6: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail168

doute les institutions et les réglementations relatives au travail sont-elles trèsdifférentes dans ces pays (Larudee, 1997). Il est d’ailleurs remarquable que cesdifférences sont plus grandes encore entre les quatre pays où l’on constate laconjugaison prévue d’une hausse des salaires et d’une baisse du chômage (àsavoir la Bolivie, la République dominicaine, le Guatemala et le Panama). L’exis-tence ou non de ces tendances donne à penser que les caractéristiques du secteurprivé ont influencé les résultats. Une des possibilités est que les salaires aientaugmenté dans les secteurs exportateurs tout en stagnant dans les autres (voirAlarcon et McKinley, 1997), mais les données désagrégées qui permettraient detester cette hypothèse font défaut. Une conclusion d’ensemble s’impose: lesrésultats obtenus sur les marchés du travail dans les années quatre-vingt-dixdécoulent de processus bien plus complexes que le simple enchaînement d’unecroissance de la production, d’une baisse du chômage et d’une augmentationdes salaires.

Tableau 2. Taux de chômage urbain dans les pays du MERCOSUR et du Pacte andin,1973-1998

Page 7: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 169

La conception néoclassique orthodoxe selon laquelle le chômage est dû auniveau trop élevé des salaires ne résiste pas à l’examen des faits. Ceux-ci mon-trent que les salaires se comportent sur des marchés du travail déréglementés dela façon dont ils se comporteraient, selon les économistes néoclassiques, sur desmarchés réglementés et dominés par des syndicats puissants. Or, comme nous leverrons, le syndicalisme s’est affaibli dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

Comment expliquer ces résultats?Les résultats contrastés que l’on constate sur les marchés du travail de-

mandent une analyse plus rigoureuse des relations entre les trois variables quesont la croissance, l’emploi et les salaires réels. Pour cela, nous avons utilisé un

Tableau 3. Salaires réels dans les pays du MERCOSUR et du Pacte andin, 1971-1998(indice 100: 1982)

Page 8: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail170

modèle du marché du travail où le chômage ne s’ajuste que partiellement à sonniveau d’équilibre à chaque période. Le taux de variation du chômage estdéfini comme le rapport entre le taux d’équilibre d’une période donnée (t) et letaux effectif de la période précédente (t–1). Un coefficient d’ajustement ex-prime la probabilité que le taux chômage d’une période ne s’ajuste pas complè-tement à sa valeur d’équilibre17. Le taux d’équilibre du chômage est déterminépar le niveau des salaires réels et celui de la production. La définition de cha-cune de ces deux variables demande quelques précisions.

17 Le taux de variation du taux de chô mage prend donc la forme u(t)

= (U*(t)

/U(t–1)

) j où U*(t)

est le taux d’équilibre de la période courante, U(t–1)

le taux effectif de la période précédente,et j un coefficient d’ajustement, supé rieur à zéro et infé rieur à un. Si le taux de chômage se situeà l’équilibre, j est alors é gal à l’unité. En formulation algé brique, le taux de variation du taux dechômage est u

(t) – 1. Lorsque u

(t) est exprimé en logarithme, sa valeur est le taux logarithmique

de variation.

Tableau 4. Taux de chômage urbain en Amérique centrale et au Mexique, 1973-1998

Page 9: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 171

Le mécanisme de fixation des salaires est fondé sur l’hypothèse que toutesles entreprises opèrent à coefficients fixes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de subs-titution entre capital et travail. Dans un secteur donné, la part de la valeurajoutée attribuée aux salaires diffère d’une entreprise à l’autre du fait des diffé-rences d’ancienneté des techniques employées. Toutes choses égales par ailleurs,lorsque les salaires augmentent, les entreprises à plus forte intensité de main-d’œuvre subissent une perte de profit par rapport à celles qui ont une faibleintensité de main-d’œuvre. Il s’ensuit que certaines entreprises sont exclues dumarché et que l’emploi diminue. S’agissant de la production, l’hypothèse descoefficients fixes implique que l’élasticité de l’emploi par rapport à la produc-tion est égale à 1 en l’absence de gains de productivité. Pour intégrer au modèle

Tableau 5. Salaires réels urbains en Amérique centrale, en République dominicaineet au Mexique, 1971-1998 (indice 100 en 1982)

Page 10: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail172

Tableau 6. Tendances des marchés du travail urbains dans dix-huit pays, 1971-1998(variations en pourcentages)

Page 11: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 173

les variations de productivité, la variable production est exprimée par une va-riable de remplacement du niveau d’utilisation des capacités de production 18.

Les résultats de l’estimation sont présentés au tableau 7. Pour l’ensembledes pays, le modèle rend compte de presque 30 pour cent des variations du tauxde chômage sur la période 1971-1997. La variable de l’utilisation des capacitésde production (écart à la tendance du PIB) a un coefficient du signe prévu et estfortement significative. Le coefficient indique qu’une augmentation de l’utili-sation des capacités de 1 pour cent réduit le taux de variation du chômage deprès de 2 pour cent. Toutefois, la variable «fictive« pour les années quatre-vingt-dix (D90) a un coefficient positif, ce qui implique qu’au cours de cette

Tableau 7. Estimation des déterminants du chômage dans les pays d’Amériquelatine, 1971-1997 (méthode des moindres carrés ordinaires, toutes lesvariables sont exprimées en logarithmes à l’exception de D90)

18 On a estimé la tendance du produit pour chaque pays sur la période 1971-1997. Lavariable de remplacement exprimant le niveau d’utilisation des capacités de production (GDPT

(t))

est le rapport entre le PIB effectif et la tendance du PIB. Il s’ensuit que:

U*(t)

= U(W(t)

, GDPT(t)

)

où W(t)

est la variable des salaires ré els.

U*(t)

= (W(t)

)ß1(GDPT(t)

)ß2

où ß1 est positif et ß

2 négatif. Ainsi, l’ augmentation des salaires ré els élève le taux d’ équi-

libre du chômage et l’accroissement de l’utilisation des capacités de production le réduit. On adonc:

u(t)

= {(W(t)

)ß1(GDPT(t)

)ß2/U(t–1)

}j

Sous forme logarithmique cela donne:

ln(u(t)

) = j ß1ln(W

(t)) + j ß

2ln(GDPT

(t)) – j ln(U

(t–1))

Le modèle est estimé de la façon suivante:

ln(u(t)

) = a0 + a

1ln(W

(t)) + a

2ln(GDPT

(t)) + a

3ln(U

(t–1)) + a

4D90 + e

où l’on prévoit que a1 > 0, a

2 < 0, et 0 < a

3 < 1, sans prévision de signe pour a

4. La

variable D90 est binaire et prend la valeur de l’unité pour chaque année de la décennie 1990.Elle est ajoutée pour tester l’hypothèse suivant laquelle la déréglementation du marché dutravail a provoqué une évolution à la baisse (négative) du chômage quel que soit le taux decroissance de la production et l’évolution des salaires réels (c’est-à-dire que le marché estdevenu plus «flexible« du fait des réformes).

Page 12: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail174

décennie à tout niveau donné des salaires réels et de l’utilisation des capacités acorrespondu un accroissement du taux de chômage de plus de 5 pour cent parrapport aux années soixante-dix et quatre-vingt. Deux interprétations, qui nes’excluent pas forcément, sont possibles: 1) il s’agit là d’une conséquence de laréduction des effectifs dans les secteurs privé et public, facilitée par les réfor-mes du marché du travail; 2) cela peut découler d’un accroissement des inves-tissements étrangers dans les années quatre-vingt-dix, investissements impli-quant des technologies normalisées et économes de main-d’œuvre. La premièreinterprétation impliquerait que la déréglementation des marchés du travail ades effets manifestes sur la hausse du chômage en facilitant les licenciements.

Le coefficient de la variable pour les années quatre-vingt-dix (D90) peutêtre comparé au taux tendanciel de croissance de la productivité qu’implique laconstante. Si l’utilisation des capacités et les salaires réels restaient inchangés,le taux de chômage croîtrait de 12 pour cent par an. Du fait que, sur l’ensembledes pays, le taux de chômage moyen pour toute la période a été de 8,2 pourcent, cela suppose un taux de croissance tendanciel (ou autonome) de la pro-ductivité du travail légèrement supérieur à 1 pour cent.

Le coefficient de la variable salaire ré el présente le signe prévu (positif),mais il n’est pas significatif. Il apparaîtrait donc que les salaires réels, comptetenu de toute l’ampleur de leur variation dans les périodes et les pays considé-rés, n’ont guère eu d’influence déterminante sur les variations du taux de chô-mage. Un tel résultat serait prévisible d’un point de vue théorique keynésien(ou structuraliste): le chômage est déterminé par la demande effective (utilisa-tion des capacités) et l’ajustement des salaires réels suit le niveau du chômage.Enfin, le coefficient du taux de chômage de la période précédente a le signeprévu et de façon significative. Son coefficient qui, selon le modèle, est leparamètre d’ajustement au taux de chômage d’équilibre n’est pas significa-tivement différent de moins 1. Cela signifie que sur chaque période (année)l’ajustement du marché du travail à l’équilibre a été pratiquement parfait. End’autres mots, cela implique un marché du travail «flexible« sur lequel existeun chômage structurel persistant.

Les résultats de ce modèle permettent de douter du bien-fondé de l’hypo-thèse selon laquelle une politique privilégiant les exportations serait, plus quetoute autre, avantageuse pour les travailleurs d’Amérique latine car elle aug-menterait leurs salaires réels. Dans l’ensemble des pays étudiés, la part desexportations dans le PIB était plus importante dans les années quatre-vingt-dixqu’elle ne l’était au cours des deux décennies précédentes. La Banque mondialeavance que «au cours des deux dernières décennies, les salaires réels ont aug-menté à un taux annuel moyen de 3 pour cent dans les pays en développementoù la croissance des échanges (part des exportations dans le produit nationalbrut) était supérieure à la moyenne mais qu’ils ont stagné dans les pays où leséchanges se sont moins développés« (1995, p. 10). Toutefois, notre modèle neconfirme pas cette hypothèse. Si l’on prend la variable proposée par la Banquemondiale (la part des exportations dans le PNB) pour expliquer l’évolution dessalaires réels, la corrélation est proche de zéro et le coefficient, négatif, n’estpas significatif. On ne peut exclure la possibilité que, en utilisant des spécifica-

Page 13: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 175

tions différentes, la relation entre le commerce extérieur et les salaires se révèlesignificative, mais cela reste à démontrer. En se fondant sur la méthode demesure proposée par la Banque mondiale, l’hypothèse selon laquelle le déve-loppement des échanges augmenterait, plus que toute autre politique, les salai-res réels des travailleurs d’Amérique latine doit être rejetée.

Peut-être plus encore que le développement des exportations, la crois-sance économique considérée seule apparaît comme un moyen faible et limitépour améliorer la situation des travailleurs 19. Cela est particulièrement vrai enAmérique latine parce que la croissance économique n’y est guère soutenue 20.Par définition, la croissance est une condition préalable de l’amélioration géné-rale du niveau de vie, mais la façon dont cette amélioration se répartit entre lesclasses sociales dépend de leur rapport de force dans la négociation et de leurinfluence sur les décisions politiques. Pour que les travailleurs retirent des avan-tages d’une libéralisation des échanges et d’une plus grande mobilité des capi-taux, encore faut-il agir à cet effet en établissant l’équilibre qui convient entrele pouvoir du capital et celui du travail.

Dans son rapport, le Président de la Banque interaméricaine de dévelop-pement a clairement déclaré que la croissance ne suffit pas à améliorer le ni-veau de vie des travailleurs, donc de la grande majorité de la population d’Amé-rique latine:

On reste toujours étonné de constater {...} que l’on tire si peu de leçons del’expérience passée. {...} L’expérience devrait nous avoir appris depuis long-temps que des taux élevés de croissance économique sont une conditionnécessaire et non suffisante pour atteindre les objectifs sociaux que sont lacréation d’emplois productifs en plus grand nombre, l’atténuation de la pau-vreté, l’amélioration de la qualité des services d’éducation et de santé, lapréservation de la qualité de la vie dans les centres urbains, etc. (BID, 1994,p. 1; c’est l’auteur qui souligne).

La capacité de négociation des travailleursComme l’a montré l’étude de la situation sur les marchés du travail en

Amérique latine, les gains tirés de la croissance n’ont pas profité aux travailleursdans la plupart des pays. Le résultat contraire supposerait que ces derniers dis-posent d’un réel pouvoir de négociation. Le fonctionnement du marché dutravail est complexe, régi en partie par des forces économiques et en partie pardes rapports de force. Le rôle des syndicats est de rééquilibrer le rapport deforce entre le travail et le capital. La pensée néoclassique, qu’elle s’exprimedans le cadre de l’intégration mondiale ou régionale, se caractérise par sa pré-vention contre les syndicats. Un des exemples le plus manifeste en est le rapportde la Banque mondiale où figure la question suivante: «Quand les responsablespolitiques réussiront-ils à créer un environnement qui réduise au minimum les

19 Berry, Mendez et Tenjo (1997) sont arrivés à des conclusions identiques.20 Comme le souligne un ré cent rapport de la CNUCED, dans les anné es quatre-vingt-dix,

«la faible croissance de la production s’ est traduite par une monté e du chômage et par une baisseou une stagnation des salaires réels« (CNUCED, 1997, vol. I, p. 19).

Page 14: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail176

effets négatifs du syndicalisme tout en l’encourageant à contribuer à la crois-sance économique et à l’équité?« (Banque mondiale, 1995, p. 20).

Cette formulation révèle un préjugé implicite selon lequel, en l’absenced’une réglementation appropriée, le syndicalisme a des effets négatifs. On soup-çonne qu’une telle question ne figurerait pas dans un rapport de la Banquemondiale à propos des entreprises ou du monde des affaires. Pourtant, les effetsnégatifs de la recherche du profit par le secteur privé sont bien connus et éta-blis: dégradation de l’environnement lorsque les coûts sociaux ne coïncidentpas avec les coûts privés; violation des droits des travailleurs lorsqu’il n’existepas de législation protectrice efficace; recours au travail des enfants ou au tra-vail forcé; pratique de prix discriminatoires si la position sur le marché lepermet. Si le marché du travail doit être équitable, alors la protection des droitsdes travailleurs doit être équivalente à celle des droits du capital.

Le parti pris à l’encontre des syndicats en Amérique latine reflète les chan-gements de politiques de ces deux dernières décennies. Partout en Amériquelatine, comme d’ailleurs dans certains pays développés, les syndicats se sontconsidérablement affaiblis. Dans leurs analyses, les conservateurs considè rentgénéralement cette situation comme positive, compte tenu de ce qu’ils pensentde l’action collective des travailleurs. Ce préjugé tient à une conception indivi-dualiste des agents économiques qui, selon la conception orthodoxe, cherchenttous à maximiser leur utilité: ils sont tous consommateurs. Le désir des agentsd’augmenter leur consommation est considéré comme allant dans le sens del’intérêt général de la société. Cependant, en tant que producteurs, ces agentstravaillent dans divers secteurs et métiers et leur souhait d’améliorer leurs con-ditions de travail est considéré comme relevant d’un intérêt particulier. Il s’en-suit que le débat de politique économique est présenté comme un conflit entrel’intérêt général de la société formée de consommateurs et l’intérêt particulierdes producteurs. En se fondant sur cette interprétation, on considère que lelibre-échange profite à tous et que toute entrave au commerce privé, intérieurou international, est l’expression d’intérêts particuliers, expression antisociale.Sur ces bases, on peut effectivement affirmer que «les échanges internationauxprocurent des gains immédiats en rendant les importations meilleur marché«(Banque mondiale, 1995, p. 10).

Toutefois, le fonctionnement de la société est bien plus complexe quecela. L’idéologie du libre-échange ne tient pas compte des inégalités de capa-cité de négociation entre les individus considérés comme producteurs, inégali-tés qui induisent des pertes de revenu pour les uns, des gains pour d’autres. Encomparaison, les baisses de prix dont ils profitent en tant que consommateurspeuvent être négligeables. Si l’on prend en considération les gains et les pertesde revenu, les syndicats apparaissent comme le moyen qui permet aux tra-vailleurs, en tant que producteurs, d’accroître leur revenu afin de profiter desavantages potentiels d’une baisse de prix. Ne considérer les agents que commedes consommateurs occulte aussi les effets des conditions de travail sur le bien-être des travailleurs. A court terme, les «conditions de travail du capital« sontaméliorées par la dégradation des conditions de travail de la main-d’œuvre. Eneffet, l’allongement de la durée du travail, la plus grande intensité de celui-ci

Page 15: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 177

ainsi que des normes moins exigeantes en matière de santé et de sécurité ont engénéral pour effet de réduire les coûts de fonctionnement 21.

Cette idéologie qui privilégie l’individu en tant que consommateur, plutôtqu’en tant que producteur, a pour corollaire que l’action collective pour aug-menter les salaires et améliorer les conditions de travail ne va pas, de fait, dansl’intérêt des travailleurs. Deux arguments sont avancés à l’appui de cette con-clusion pour le moins paradoxale. Le premier est que cette action augmente lescoûts et les prix et que les travailleurs se retrouvent perdants en tant que con-sommateurs; le second étant que l’augmentation du coût de la main-d’œuvrefreine la croissance de l’emploi. Il en découle que, en l’absence de «distor-sions« provoquées par l’action collective, la concurrence entre les entreprisesd’une part, entre les entreprises et les travailleurs d’autre part, établira les con-ditions de travail, les salaires et les prix à leur niveau optimal. Toutefois, cetteargumentation comporte plusieurs failles. En premier lieu, il apparaît évidentque, dans un secteur donné de l’économie, les avantages que les travailleursretireront d’une baisse des prix dépendront de l’évolution parallèle de leurssalaires dans le secteur en question. En deuxième lieu, la théorie ne peut dé-montrer qu’une baisse du coût salarial débouchera forcément sur une élévationdu niveau de l’emploi ou une accélération de sa croissance 22. En troisième lieu,et peut-être plus important encore, le plaidoyer pour le libre marché ne faitaucun cas des rapports de force entre le travail et le capital.

Les droits des travailleurs et l’exercice de ces droits sont indispensables àune répartition plus équitable des fruits de la croissance en Amérique latine.Délibérément ou non, les travaux sur la mondialisation ont tendance à suresti-mer les droits et la capacité de négociation des syndicats en Amérique latine.Dans son étude de 1995 sur le marché du travail en Amérique latine, la Banquemondiale suggère que le pouvoir des syndicats est considérable dans cetterégion et que les droits que leur garantit la loi sont disproportionnés par rap-port à ceux du capital dans la négociation collective:

L’essentiel du droit du travail en Amérique latine est antérieur aux réformesmises en œuvre dans la région pour libérer les marchés {...} la négociationcollective est trop déconnectée des forces du marché. {...} Les syndicats pro-posent de négocier une convention collective et les employeurs doivent ré-pondre. L’Etat participe aux négociations dès le début et l’accord final s’ap-plique à tous les travailleurs représentés. {...} Dans la plupart des cas en Amé-rique latine {...} la grève coûte moins cher aux salariés qu’aux employeurs {...}dans certains pays la législation prévoit que les travailleurs doivent être payésmême lorsqu’ils font grève, ce qui les incite à refuser tout compromis (Ban-que mondiale, 1995, pp. 19, 20 et 22).

Cette description laisse à penser que les syndicats auraient la haute mainsur les négociations, qu’ils en décideraient l’ouverture avec le soutien de l’Etatet que les travailleurs sont payés lorsqu’ils font grève. Or, si l’on considère les

21 Toutefois cela n’est pas forcément vrai à long terme. Standing, par exemple, montre,faits à l’appui, que l’ existence de syndicats peut contribuer à accroître la productivité et à baisserles coûts en revendiquant de meilleures conditions de travail (Standing, 1990).

22 Pour une discussion plus approfond ie de cet argument, voir Weeks, 1989, chap. 10, et 1991.

Page 16: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail178

effectifs syndicaux et le droit du travail dans la région, on constate exactementle contraire 23. Au milieu des années quatre-vingt-dix, le taux de syndicalisationde la main-d’œuvre non agricole ne dépassait 35 pour cent dans aucun paysd’Amérique latine; dans deux d’entre eux seulement, ce taux était de 40 pourcent de la main-d’œuvre salariée (voir BIT, 1997, tableau 1.2, p. 253). Surl’ensemble des pays, le taux moyen de syndicalisation de la main-d’œuvre nonagricole était inférieur à 15 pour cent. Les proportions de la main-d’œuvresalariée non agricole figurant au tableau 1 impliquent que le taux de syndica-lisation moyen devait être de 20 pour cent du salariat pour l’ensemble des pays.Dans plusieurs pays, le taux de syndicalisation était extrêmement bas dans lesannées quatre-vingt-dix, il se situait à moins de 10 pour cent de la main-d’œuvrenon agricole dans sept pays. En outre, il est caractéristique que la participationactive aux syndicats est inférieure à ce que suggèrent les effectifs répertoriés,sans compter les nombreux cas où les syndicats sont contrôlés par les em-ployeurs 24. Si les syndicats jouent un rôle relativement important sur les mar-chés du travail en Amérique latine, le faible taux de syndicalisation montrequ’il reste nécessaire d’améliorer la protection du droit d’organisation et denégociation collective.

De fait, les conditions dans lesquelles les travailleurs d’Amérique latinetentent d’exercer leurs droits apparaissent bien diffé rentes de ce que laisse en-tendre la Banque mondiale. Dans de nombreux pays de la région, les restric-tions à l’activité syndicale sont importantes. En outre, le développement del’emploi dans les zones franches – qui a été particulièrement marqué dans lespays d’Amérique centrale – s’est accompagné de limitations des protections etdes droits fondamentaux des travailleurs (voir BIT, 1996). Le faible niveaud’organisation de la main-d’œuvre en Amérique latine est à la fois une cause etun effet des violations généralisées des droits des travailleurs 25. Sans doute nefaut-il pas exagérer l’ampleur de la répression de l’activité syndicale, mais ledroit de grève est limité par la loi dans la plupart des pays, notamment dans lesecteur public mais aussi dans le secteur privé. Lors des arrêts de travail, lesgrévistes peuvent s’attendre à des confrontations violentes, soit avec des per-sonnes recrutées par les employeurs, soit avec les forces de l’ordre. Le faitd’être syndiqué expose à la discrimination et dans bien des cas au licenciement.En outre, dans de nombreux pays il est très difficile, si ce n’est dangereux, decréer de nouveaux syndicats.

23 Sur la question de la rémunération des jours de grève, un tableau figurant dans lerapport de la Banque mondiale montre que cela n’était le cas que dans deux pays sur dix(Banque mondiale, 1995, p. 21) et que dans l’un des deux (le Nicaragua) la loi n’était pasappliquée. En outre, «la négociation collective {...} reste donc encore un instrument de régula-tion sociale d’utilisation limitée« (BIT, 1997, p. 171).

24 Par exemple, la CISL signale que «du fait que le droit du travail au Mexique ne contientguère de dispositions sur les droits individuels des syndicalistes, les travailleurs peuvent se voirdénier le bénéfice d’une convention collective {...} et n’ont guère de recours {...} de tels abusconduisent à l’existence de syndicats contrôlés par les employeurs« (CISL, 1997e, p. 2).

25 Pour une présentation des restrictions et des violations dont font l’objet les droits destravailleurs en Amérique latine, voir CISL (1997a, pp. 38-63, 1997d, 1997e et 1997f); Fédéra-tion internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (1994); et BIT (1996).

Page 17: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 179

En conclusionLa plupart des travailleurs d’Amérique latine n’ont pas eu leur part des

fruits de la croissance économique, que ce soit par la diminution du chômageou par l’augmentation des salaires réels. Le problème est celui de l’équilibreentre le capital et le travail. Partout dans la région, le capital est libre de s’or-ganiser en association, d’employer ses ressources pour peser sur les politiquesgouvernementales et, grâce à la possession des moyens de communication, d’ex-poser ses points de vues au public. A côté de cela, les droits fondamentaux destravailleurs ont été réduits, faute d’une protection appropriée à l’échelle natio-nale, dans la plupart des pays de la région. Font partie de ces droits celui decréer des syndicats, celui de ne pas être l’objet d’intimidation lorsque l’on sesyndique, celui de choisir ses représentants de façon démocratique, et le droitpour lesdits représentants de négocier avec les employeurs du secteur publiccomme du secteur privé, à quoi s’ajoute le fait que les employeurs devraientnégocier de bonne foi. Ces droits fondamentaux sont consacrés par les conven-tions de l’OIT qui ont été ratifiées par une écrasante majorité d’Etats d’Améri-que latine 26. Ces droits sont également protégés par la convention américainerelative aux droits de l’homme dont les procédures et organes de contrôle ga-rantissent l’exercice concret. Si l’on veut rétablir l’équilibre des forces entre lecapital et le travail, il faut renforcer l’efficacité de ces garanties multilatéralesafin que les dispositions des instruments internationaux soient pleinementappliquées (pour une vue d’ensemble, voir CISL, 1997b et 1997c).

Au-delà des droits fondamentaux des travailleurs, qui relèvent essentielle-ment des droits civils et des droits de l’homme que toute démocratie devraitgarantir à ses citoyens, des mesures sont nécessaires pour établir des normesminimales au travail. Ces normes se justifient à deux égards. En premier lieu, sil’objectif de la libéralisation des échanges est d’améliorer le bien-être de lapopulation dans son ensemble, il faut assortir le commerce de règles qui dissua-dent un alignement des normes sociales sur celles du pays où elles sont le plusbasses, au nom de la concurrence 27. En second lieu, l’amélioration des condi-tions de travail procure des bénéfices sociaux que l’entreprise ne perçoit pas par

26 Parmi les plus ré centes de ces ratifications figure, en février 1999, celle du Chili concer-nant les conventions (n o 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et(no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. De ce fait, le Brésil et ElSalvador sont désormais les seuls Etats de la région qui n’ont pas ratifié la convention n o 87, leMexique et El Salvador étant les seuls à n’avoir pas ratifié la convention n o 98.

27 Selon Campbell, les règles actuelles de l’ALENA favorisent une concurrence entre lesgouvernements qui a des effets sociaux destructeurs: l’ALENA {...} accroît la pression sur {...}les autorité s nationales et ré gionales pour attirer et conserver les investissements en augmentantles subventions (dont la plupart restent possibles dans le cadre de l’ALENA) et en abaissant lesnormes et les réglementations. Il n’existe par de règles communes définissant quelles subven-tions sont acceptables ou ne le sont pas, ou bien limitant leur usage entre les gouvernements, etil n’existe que des protections inefficaces pour limiter l’ abaissement, pour des motifs de concur-rence, des réglementations relatives au travail ou à l’environnement {...} Ainsi, la nécessitéd’attirer des investissements cré e une double pression: une pression à la baisse sur les ré glemen-tations et les normes et une pression accentué e sur les ressources budgé taires (Campbell, 1997,p. 8).

Page 18: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail180

l’intermédiaire du marché. En réduisant l’incidence des accidents du travail etdes maladies professionnelles par exemple, l’application de normes accroît laproductivité des travailleurs et réduit les coûts de santé supportés par l’ensem-ble de la société.

En Amérique latine, la libéralisation des régimes commerciaux a été jus-qu’à présent associée à la réduction des droits des travailleurs et à la concentra-tion de la richesse. Pour que cette situation puisse changer à l’avenir, et pourque puisse s’instaurer de véritables négociations collectives, il faudrait un mou-vement syndical plus fort.

RéférencesAlarcon, Diana; McKinley, Terry. 1997: «The rising contribution of labour income to inequality

in Mexico«, North American Journal of Economics and Finance (Greenwich), vol. 8,no 2, pp. 201-212.

Banque mondiale. 1995: Regional perspectives on World Development Report 1995: Labor andeconomic reforms in Latin America and the Caribbean (Washington, DC).

Berry, Albert; Mendez, Maria Teresa; Tenjo, Jaime. 1997: «Growth, macroeconomic stabilityand the generation of productive employment in Latin America«, dans l’ouvrage publiésous la direction de Azizur Rahman Khan et M. Muqtada: Employment expansion andmacroeconomic stability under increasing globalization , ILO Studies Series (Londres,Macmillan/New York, NY, St. Martin’s Press), pp. 104-153.

BID (Banque interaméricaine de développement). 1994: Social tensions and social reform:Toward balanced economic, financial and social policies in Latin America (Washington,DC).

BIT. 1997: Le travail dans le monde 1997-98: relations professionnelles, dé mocratie et cohé sionsociale (Genève).

—. 1996: La situacion sociolaboral en las Zonas Francas y empresas maquiladoras del istmoCentroamericano y Republica Dominicana (Genève).

Camazón, Daniel; Garcia-Huidobro, Guillermo; Morgado, Hugo. 1989: «Labour market per-formance and urban poverty in Panama«, dans l’ouvrage publié sous la direction deGerry Rodgers: Urban poverty and the labour market: Access to jobs and incomes inAsian and Latin American cities (Genève, BIT), pp. 97-116.

Campbell, Bruce. 1997: «CUFTA/NAFTA and North American labour markets: A comparativeinquiry«, dans l’ouvrage publié sous la direction de Bruce Campbell, Andrew Jackson,Mehrene Larudee et Teresa Gutierrez Haces: Labour market effects under CUFTA/NAFTA,Cahiers de l’emploi et de la formation, no 29 (Genève, BIT), pp. 1-54.

CEPALC (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes). 1998: Economicsurvey of Latin America and the Caribbean 1997-1998 (Santiago, Nations Unies).

CISL (Confédération internationale des syndicats libres). 1997a: Rapport annuel des violationsdes droits syndicaux 1997 (Bruxelles).

—. 1997b: Code de conduite des pratiques du travail (Bruxelles).—. 1997c: Fighting for workers’ human rights in the global economy .<http://www.icftu.org/english/sclause/escl98whrs.htm> {consulté le 23 mars 1999}.—. 1997d: Internationally-recognized core labour standards in Chile, Report for the WTO

General Council review of the trade policies of Chile (Genève, 23-24 sept.). <http://www.icftu.org/english/sclause/escls97chile.html> {consulté le 23 mars 1999}.

—. 1997e: Internationally-recognized core labour standards in Mexico, Report for the WTOGeneral Council review of the trade policies of Mexico (Genève, 7-8 oct.). <http://www.icftu.org/english/sclause/escls97mex.html> {consulté le 23 mars 1999}.

—. 1997f: Internationally-recognized core labour standards in Paraguay , Report for the WTOGeneral Council review of the trade policies of Paraguay (Genève, 17-18 juillet). <http://www.icftu.org/english/sclause/escls97paraguay .html> {consulté le 21 avril 1999}.

CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dé veloppement). 1997: Rapportsur le commerce et le développement, 1997, Genève, CNUCED, UNCTAD/TDR/17(vol. I), UNCTAD/TDR/17 (vol. II), UNCTAD/TDR/17 (vol. III).

Page 19: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Salaires, emploi, et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970-1998 181

De Piniés, Jaime. 1989: «Debt sustainability and overadjustment«, World Development(Oxford), vol. 17, no 1 (janv.), pp. 29-43.

—. 1997: Economic survey of Latin America and the Caribbean 1996-1997 (Santiago, NationsUnies).

—. 1996: Economic panorama of Latin America, LC/G.1937-P (Santiago, Nations Unies).—. 1995: Preliminary overview of the economy of Latin America and the Caribbean 1995

(Santiago, Nations Unies).—. 1993: Economic Survey of Latin America and the Caribbean 1991 , deux volumes (San-

tiago, Nations Unies).—. 1992: Economic Survey of Latin America and the Caribbean 1990 , deux volumes (San-

tiago, Nations Unies).—. 1986: Economic survey of Latin America and the Caribbean 1984 , deux volumes (Santiago,

Nations Unies).Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie. 1994: Report on

mission to MERCOSUR countries (Argentina, Brazil, Paraguay, Uruguay) (Genève).Gindling, T. H.; Berry, Albert. 1994: «Costa Rica«, dans l’ouvrage publié sous la direction de

Susan Horton, Ravi Kanbur et Dipak Mazumdar: Labour markets in an era of adjustment– Volume 2: Case studies , EDI Development Studies Series (Washington, DC, Banquemondiale), pp. 217-259.

Horton, Susan. 1994: «Bolivia«, dans l’ouvrage publié sous la direction de Susan Horton, RaviKanbur et Dipak Mazumdar: Labour markets in an era of adjustment – Volume 2: Casestudies , EDI Development Studies Series (Washington, DC, Banque mondiale), pp. 99-141.

—; Kanbur, Ravi; Mazumdar, Dipak. 1994: «Labour markets in an era of adjustment: Anoverview«, dans l’ouvrage publié sous la direction de Susan Horton, Ravi Kanbur etDipak Mazumdar: Labour markets in an era of adjustment – Volume 2: Case studies , EDIDevelopment Studies Series (Washington, DC, Banque mondiale), pp. 1-59.

Jamal, Vali; Weeks, John. 1993: Africa misunderstood or whatever happened to the rural-urbangap? (Londres, Macmillan).

Jatobá, Jorge. 1989: «Urban poverty, labour markets and regional differentiation in Brazil«,dans l’ouvrage publié sous la direction de Gerry Rodgers: Urban poverty and the labourmarket: Access to jobs and incomes in Asian and Latin American cities (Genève, BIT),pp. 35-63.

Larudee, Mehrene. 1997: «NAFTA’s impact on the United States labour markets, 1994-1997« ,dans l’ouvrage publié sous la direction de Bruce Campbell, Andrew Jackson, MehreneLarudee et Teresa Gutierrez Haces: Labour market effects under CUFTA/NAFTA, Cahiersde l’emploi et de la formation, no 29 (Genève, BIT), pp. 77-104.

Liang, Neng. 1992: « Beyond import substitution and export promotion: A new typology of tradestrategies« , Journal of Development Studies (Londres), vol. 28, no 3 (avril), pp. 447-472.

Marshall, Adriana. 1997: State labour market intervention in Argentina, Chile and Uruguay:Common model, different versions , Cahiers de l’ emploi et de la formation, n o 10 (Genève,BIT).

Mazumdar, Dipak; Basu, Priya. 1997: «Macroeconomic policies, growth and employment:The East and South-East Asian Experience« , dans l’ouvrage publié sous la direction deAzizur Rahman Khan et M. Muqtada: Employment expansion and macroeconomic stabilityunder increasing globalization , ILO Studies Series (Londres, Macmillan/New York, NY,St. Martin’s Press), pp. 191-260.

Moreno-Fontes, Gloria. 1996: Wages and employment status flexibility in Mexican manufacturingindustry , Cahiers du marché du travail, no 17 (Genève, BIT).

Orellana G., René Arturo; Avila Avila, Ricardo. 1989: «Poverty and labour market access inGuatemala City« , dans l’ouvrage publié sous la direction de Gerry Rodgers: Urban povertyand the labour market: Access to jobs and incomes in Asian and Latin American cities(Genève, BIT), pp. 81-96.

Plant, Roger. 1994: Labour standards and structural adjustment (Genève, BIT).Standing, Guy. 1990: Do unions impede or accelerate structural adjustment? Industrial ver-

sus company unions in an industrialising labour market, Recherches pour le Pro-gramme mondial de l’emploi (Analyses du marché du travail et planification de l’em-ploi), document de travail no 47 (WEP 2-43/WP.47) (Genève, BIT).

Page 20: Salaires, emploi et droits des travailleurs en Amérique latine, 1970–1998

Revue internationale du Travail182

Thomas, Jim. 1996: «The new economic model and labour markets in Latin America«, dansl’ouvrage publié sous la direction de Victor Bulmer-Thomas: The new economic model inLatin America and its impact on income distribution and poverty , Institute of Latin AmericanStudies Series (Londres, Macmillan/New York, NY, St. Martin’s Press), pp. 79-102.

Weeks, John. 1995a: «The contemporary Latin American economies: Neoliberal reconstruc-tion«, dans l’ouvrage publié sous la direction de Sandor Halebsky et Richard L. Harris:Capital, power and inequality in Latin America (Boulder, Westview), pp. 109-136.

—. 1995b: «Macroeconomic adjustment and Latin American agriculture since 1980«, dansl’ouvrage publié sous la direction de John Weeks: Structural adjustment and the agriculturalsector in Latin America and the Caribbean , Institute of Latin American Studies Series(Londres, Macmillan/New York, NY, St. Martin’s Press), pp. 61-91.

—. 1991: «The myth of labour market clearing«, dans l’ouvrage publié sous la direction deGuy Standing et Victor Tokman: Towards social adjustment: Labour market issues instructural adjustment (Genève, BIT), pp. 53-77.

—. 1989: «Losers by reparations: How the Third World lost the lending war«, dans l’ouvragepublié sous la direction de John Weeks: Debt disaster (New York, New York UniversityPress), pp. 41-64.