40
Dossier actualité et dossier en santé publique 11 juin 1995 Visible sur de nombreux aspects de notre sys- tème de soins, cette opposition est assez arti- ficielle, elle est due à des procédures de gestion du système de soins inappropriées ; les nouveaux instruments de la planification tentent de combler une partie de cette lacune. Nous définissons ici dans une première partie le processus de planification-programmation de la santé. Puis nous décrivons son adapta- tion à la réorganisation de l’offre de soins hos- pitaliers, qui a constitué l’effort principal de l’État en matière de planification sanitaire. Compte tenu de la dimension limitée de ce dos- sier, nous nous sommes efforcés de présenter la construction juridique proposée ainsi que les principaux outils forgés par les professionnels pour réaliser un schéma régional d’organisa- tion sanitaire (Sros). Nous présentons ensuite un premier bilan des Sros réalisés dans diffé- rentes régions et en proposons une analyse en termes de régulation du système de soins. Pour finir, la perspective de projets régionaux de santé nous fournit l’exemple d’une approche rénovée de la programmation régionale à partir d’objectifs de santé compatibles avec l’organisation actuelle de notre système de soins. vent aussi bien signifier un processus d’action en santé publique, qu’une méthode de résolu- tion de problèmes ou qu’un moyen de régula- tion ou de maîtrise des dépenses. Nous avons pris le parti de présenter ici deux usages de la notion de « planification » en France : celui qui vise l’atteinte d’objectifs de santé et celui qui vise à la régulation du système de soins hos- pitaliers. On peut illustrer par un schéma (cf. page IV) les deux logiques suivies par ceux qui se revendiquent des méthodes de planification sanitaire : dans un cas, la mortalité évitable par le système de soins représente une part mino- ritaire des décès prématurés, dans l’autre, les efforts (donc les dépenses) consacrés aux soins représentent une fraction élevée de la dépense de santé. Dans la politique de santé publique proposée par le rapport La santé en France, la réduction de la mortalité évitable est un des buts prioritaires, mais l’analyse du sys- tème de santé et d’assurance maladie définie dans le Livre blanc montre que les dépenses consacrées aux soins ne sont pas mobilisées vers la recherche d’un état de santé optimal. a planification de la santé connaît de multiples définitions, variables selon les acteurs qui y sont impliqués. Elles peu- L Les nouveaux outils de planification sanitaire II Plans et planification, définition et histoire VI Planification et programmation des équipements VII La loi de 1991 IX Les outils de la planification XIX Centralisation et déconcentration XX L’élaboration des Sros : une méthodologie variée XXIII Régulation du système de soins XXVI Vers une programmation régionale de santé publique XXX Tribune XL Bibliographie Sommaire

santé publiquedossier en 11 Dossier juin 1995 · tion à la réorganisation de l’offre de soins hos- ... se revendiquent des méthodes de planification sanitaire : dans un cas,

Embed Size (px)

Citation preview

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page I

Dossieractualité et

dossier en

santé publique

11juin 1995

Visible sur de nombreux aspects de notre sys-tème de soins, cette opposition est assez arti-ficielle, elle est due à des procédures degestion du système de soins inappropriées ; lesnouveaux instruments de la planification tententde combler une partie de cette lacune.Nous définissons ici dans une première partiele processus de planification-programmationde la santé. Puis nous décrivons son adapta-tion à la réorganisation de l’offre de soins hos-pitaliers, qui a constitué l’effort principal del’État en matière de planification sanitaire.Compte tenu de la dimension limitée de ce dos-sier, nous nous sommes efforcés de présenterla construction juridique proposée ainsi que lesprincipaux outils forgés par les professionnelspour réaliser un schéma régional d’organisa-tion sanitaire (Sros). Nous présentons ensuiteun premier bilan des Sros réalisés dans diffé-rentes régions et en proposons une analyse entermes de régulation du système de soins. Pourfinir, la perspective de projets régionaux desanté nous fournit l’exemple d’une approcherénovée de la programmation régionale àpartir d’objectifs de santé compatibles avecl’organisation actuelle de notre système desoins.

vent aussi bien signifier un processus d’actionen santé publique, qu’une méthode de résolu-tion de problèmes ou qu’un moyen de régula-tion ou de maîtrise des dépenses. Nous avonspris le parti de présenter ici deux usages de lanotion de « planification » en France : celui quivise l’atteinte d’objectifs de santé et celui quivise à la régulation du système de soins hos-pitaliers. On peut illustrer par un schéma (cf.page IV) les deux logiques suivies par ceux quise revendiquent des méthodes de planificationsanitaire : dans un cas, la mortalité évitable parle système de soins représente une part mino-ritaire des décès prématurés, dans l’autre, lesefforts (donc les dépenses) consacrés auxsoins représentent une fraction élevée de ladépense de santé. Dans la politique de santépublique proposée par le rapport La santé enFrance, la réduction de la mortalité évitable estun des buts prioritaires, mais l’analyse du sys-tème de santé et d’assurance maladie définiedans le Livre blanc montre que les dépensesconsacrées aux soins ne sont pas mobiliséesvers la recherche d’un état de santé optimal.

a planification de la santé connaît demultiples définitions, variables selon lesacteurs qui y sont impliqués. Elles peu-L

Les nouveaux outils deplanification sanitaire

II Plans et planification,définition et histoire

VI Planification etprogrammation deséquipements

VII La loi de 1991

IX Les outils de la planification

XIX Centralisation etdéconcentration

XX L’élaboration des Sros :une méthodologie variée

XXIII Régulation du système desoins

XXVI Vers une programmationrégionale de santé publique

XXX Tribune

XL Bibliographie

Sommaire

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page II

Plans et planificationDéfinition et histoire

* Cette dernière est fonction de la fréquence , en tenant comptede l’accroissement éventuel dans le temps, de la gravité vitaleet/ou fonctionnelle, de l’impact socio-économique, de la per-ception sociale, de l’évidence de mesures efficaces et accepta-bles par la population concernée et en matière de coût.

La santé n’est apparue en tant que telle dans la planification que dans les années

60. L’approche de la planification sanitaire a varié au fil des plans, au gré des

conceptions politiques et des aléas économiques. La définition proposée ici est

celle d’un « processus d’aide à la décision ». Après concertation des acteurs

concernés, accord sur les finalités et définition des objectifs prioritaires, on

programme les moyens et activités nécessaires à la réalisation des objectifs.

responsables de prendre des décisions sur unebase plus rationnelle. Pour l’administrationchargée de répartir des ressources limitées et des’assurer que les services et institutions sontorganisés et dispensés de façon équitable, ellefournit l’aide pour prendre ses décisions.

Un processus d’aide à la décision

La planification est donc un processus d’aideà la décision qui vise, par concertation des ac-teurs concernés, à prévoir des ressources et desservices requis pour atteindre des objectifs dé-terminés, selon un ordre de priorité établi, per-mettant ainsi le choix d’une solution préféra-ble parmi plusieurs alternatives.

Ce choix prend en considération le contexteet les contraintes internes et externes connuesactuellement ou prévisibles dans le futur.

À travers cette définition, le processus lui-même peut être découpé en trois étapes :

• la première est la recherche d’un consen-

sus sur les buts ou finalités (par exemple dimi-nuer la mortalité évitable, améliorer la qualitéde vie des personnes handicapées, réduire lesinégalités en matière de mortalité et de handi-cap) ce qui sous-tend un accord sur des valeurs(équité, autonomie par exemple) (cf. p. V, Lasanté en France). Compte tenu de l’ampleur deschangements escomptés, cette étape se placegénéralement sur une durée de cinq à dix ans ;

• la seconde est la définition d’objectifsspécifiques prioritaires. Cette étape impliquel’identification des problèmes de santé et deleurs déterminants, les personnes concernées(populations cibles), la localisation géographi-que (nationale, régionale, communale, etc.) puisla hiérarchisation des problèmes*. À ce stade,on tient compte de l’évolution possible de cesdifférents facteurs (caractère prospectif). Lesobjectifs de réduction du problème de santé(ou d’amélioration d’un déterminant) sont

L a planification est essentiellement un ins-trument de gestion qui doit permettre aux

Processus gestionnairepour le développement sanitaire

national : principes directeurs.Genève : OMS, 1981, série Santé

pour tous, n° 5

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page III

Identification des problèmes

Établissement des priorités

Fixation des buts

Fixation des objectifsgénéraux et spécifiques

Détermination des actionspour atteindre les objectifs

Prévision des ressources requises

Fixation des objectifs opérationnels

Mise en œuvre du programme

Évaluation

Définition d'objectifs

spécifiquesprioritaires

Recherche d'un consensus sur les

buts ou finalités

Étape 1

Étape 2

Étape 3Programmation des moyens et des activités

quantifiés et rapportés à une période de cinq ansen général. Le choix des solutions doit s’ap-puyer sur des scénarios alternatifs en matièred’efficacité et de coût, mais aussi prendre encompte les situations socio-politiques natio-nales et locales : contraintes internes liées parexemple à une multiplicité d’acteurs aux inté-rêts contradictoires ;

• la troisième étape est la programmationdes moyens et des activités nécessaires à la réa-lisation des objectifs. Elle doit définir le calen-drier et les conditions permettant la mise enœuvre des actions décidées (s’attaquer notam-ment aux obstacles) et évaluer les actions entermes de procédures et de résultats.

Un processus de concertation sociale

À travers cette approche de la planification onvoit qu’il s’agit d’un processus continu et dy-namique de concertation sociale. Ce processusimplique la reconnaissance des acteurs clés, de

IVe planLa reconstruction

Ve planL’inscription

La planification mise en placevise à introduire de la cohérenceentre les objectifs et les moyens.Le Ve plan (1966-1970) a unmaître mot : l’inscription au plan,qui vaut subvention. Les deman-des sont nombreuses et lesbesoins déclarés sont considéra-bles (80 milliards de l’époque).Le budget ne peut fournir, et de80 milliards, l’enveloppe estramenée à 12,8 milliards defrancs. La Commission estchargée de répartir l’enveloppe :une priorité est donnée auxhôpitaux, CHU et à la santémentale. Une part va à la forma-tion des personnels sanitaires. Letaux de réalisation du plan pourles opérations subventionnéesest de 67,1 %. Le Ve plan metdonc en évidence une planifica-tion fruste, peu sophistiquée.

Le IVe plan (1962-65) avaitdonné priorité aux équipe-ments collectifs, faisantsuite aux plans antérieurs,qui concernaient la recons-truction de la France.

Approchehistorique de laplanification dela santé

L’histoire de la planificationéconomique et socialemontre que la planification dela santé implique des choix,qui ne sont pas toujours faits.D’une part, une lecturerétrospective indique que lespropositions de changementne sont pas toujours mises enœuvre. D’autre part, certainschangements majeurs nesont pas planifiés : passagede la croissance à la criseéconomique dans lesannées 70, changement demajorité présidentielle etparlementaire dans lesannées 80.

D’a

près

Pin

eaul

t

Le processus de planification

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page IV

VIe plan

ailleurs satisfaits. Il fautlimiter l’hébergement parl’hospitalisation à domicilepar exemple ;• il faut adopter unepolitique cohérente dupersonnel. La démographiemédicale inquiète (9 000étudiants seront autorisés às’inscrire en médecine aulieu de 11 000) ;• le maître mot est lamaîtrise de l’évolution desdépenses de santé (c’est lapremière fois qu’un telobjectif apparaît). Laréforme de la tarificationpréoccupe tout le mondesans voir le jour pourautant. On assiste à lacréation du tableau statisti-que d’activité du praticien(TSAP). On veut réduire les

leur(s) intérêt(s) respectif(s) puis l’organisationd’un débat démocratique à la recherche de con-sensus sur les objectifs, les priorités, les actions.Il faut alors rechercher une cohérence dans lastratégie des différents acteurs. Grâce à ce con-sensus, la planification peut aboutir au change-ment de la situation existante vers une meilleureréponse à des besoins par exemple. La planifi-cation est en effet pour certains une méthodepour conduire le changement social (Planingfor Health. Blum, 1974).

Les différents plans quinquennaux de déve-loppement économique et social des années60-70 répondent bien à cette définition. Ils ontété accompagnés de programmes finalisés enmatière de santé ou d’action médico-sociale.Les objectifs quantifiés étaient fixés d’après lesrecommandations d’un groupe de travail réu-nissant les partenaires sociaux, les experts dudomaine, les représentants des administrationsconcernées. Leur mise en œuvre s’est heurtéeà de nombreux obstacles (cf. encadré histori-que ci-dessus).

De 1976 à 1980, denouvelles perspectivesapparaisent du fait de lacrise. Il y a une rupture dela planification générale.L’horizon de la prévision seresserre. On prend uneoption plus libérale, moinsvolontariste. On élabore unConseil de la planification.Le plan devient moinsambitieux. Quatre optionssont prises :• les individus doivent seréapproprier la santé. Laprévention aidera l’individu.L’État veut se désengager.La santé devient un pro-blème individuel ;• pour les hôpitaux, il fautavoir une démarcherationalisatrice et huma-niste. Les besoins sont par

rationalisation des choixbudgétaires (RCB), ce quiinduit un développementdes actions préventives. Ilfaut rendre cohérents leséléments du système desanté en favorisant parexemple le lien entreétablissements publics etprivés. On détermine troisprogrammes finalisés(d’actions prioritaires) :humanisation des hôpitaux,programme de formationdes personnels, pro-gramme de périnatalité.Pour réaliser ces troisprogrammes, 15 milliardsde francs sont nécessaires,qui seront subventionnés àhauteur de 3,5 milliards defrancs. Ce plan sera réaliséà 98,2 %.

Le VIe plan (1971-1975) estle signe d’un véritabletournant dans l’état d’espritdu planificateur. La notionde fonction collectiveapparaît : on parle defonction santé. Il fautconsidérer ce qu’il y aautour des équipements etil convient de faire fonction-ner au mieux les investisse-ments déjà existants. C’estune idée neuve pourl’époque. Le VIe plan estl’occasion d’élaborer uneréflexion globale sur lesystème de santé. Enchoisissant des objectifs etdes actions prioritaires, onassiste à une vision nou-velle de la planification.Nous sommes égalementdans un contexte de

VIIe planLa fonction santé La crise

20 000

40 000

Dépensespour les maladies(soins hospitaliers et ambulatoires, biens médicaux, transports sanitaires, aides aux malades et subventions)

Dépenses de prévention

Part de la mortalité évitable dans la mortalité avant65 ans en 1991

16 138

Dépenses en faveurdu système de soins(recherche, formation)

26 472

682 482

La part des efforts consacrés à la prévention des risques individuels est nettement inférieure à la part des gains en mortalité prématurée qu'elle pourrait permettre.

Mortalité évitable par une prévention des risques individuels

Mortalité évitable par le système de soins

Millions de FDécès évitables

Structure de la dépense courante de santé en 1993

Les deux logiques du système de santéPoursuite d’objectifs et gestion des ressources

Sou

rces

: La

san

té e

n Fr

ance

, HC

SP

, 199

4.

Plans etplanification

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page V

dépenses en pharmacie.Trois programmes d’actionsprioritaires sont la poursuitemot pour mot des program-mes finalisés du planprécédent. Dès cetteépoque, planification etmaîtrise des dépenses vontse rapprocher.

La maîtrise des dépenses

Le Xe plan part d’unecritique de la situationactuelle : hausse desdépenses, résultats médio-cres, inégalités persistan-tes. Il faut donc recentrerl’action sur des objectifs desolidarité, et égalementréaffirmer les missions del’État. Les orientationsprises consistent en lamaîtrise des dépenses desanté, plutôt que de régulerpar de nouveaux acteurs(assurance privée parexemple), et en l’accroisse-ment de la capacitéd’expertise des responsa-bles. Il s’agit de légitimermédicalement les actionsde maîtrise des dépenses.Enfin, il faut se préparer àl’échéance européenne.

En 1984, c’est le IXe plan,avec une réforme de laplanification instituée pardeux lois (une sur lesorientations du plan et unesur les moyens). Il y a uneséparation entre l’aspectplanification et l’aspectprogrammation. La notionde contrat de plan appa-raît : il s’agit de lier l’octroide moyens supplémentai-res à l’acceptation desobjectifs nationaux. Lespriorités sont : mieuxconnaître et mieux gérer,réorienter le système desoins.

Le contrat de plan

Le VIIIe plan (1980-85) vas’arrêter en 1981 avec lechangement de gouvernement.Il s’agit d’un plan banal. Lasanté est réinsérée dans unensemble plus vaste, celui dela protection sociale. Entre1982 et 1983, un plan intéri-maire est dirigé par M. Rocard.

VIIIe planL’inachevé

IXe plan Xe plan

Les objectifs de La santé en FranceExtrait des objectifs pour les déterminants prioritaires

meurs réguliers et de fumeurs occa-sionnels chez les 12-18 ans ; dimi-nuer la proportion de femmes quicontinuent de fumer durant leurgrossesse.

Précarité, insertion et santéAssurer des conditions de vie dé-centes aux personnes en situationtrès précaire et favoriser leur réinser-tion sociale.

Difficultés d’accès aux soins et àla préventionAméliorer l’accès aux services mé-dicaux et sociaux des populationsdéfavorisées.

Les consommations d’alcoolD’ici l’an 2000, diminuer de 20 % laconsommation moyenne d’alcoolpur par adulte de plus de 15 ans ;réduire les conduites d’alcoolisationdommageables et leurs conséquen-ces sanitaires et sociales ; réduireles disparités régionales en amenantl’ensemble des régions au niveaudes régions les moins consommatri-ces.

L’usage du tabacD’ici l’an 2000, diminuer de 30 % laquantité de tabac vendue, diminuerde 25% la proportion de fumeursréguliers dans la population adulteet de 35% les proportions de fu-

Les quatre buts

Réduire les décès évitablesDonner des années à la vie

Réduire les incapacités évitablesDonner de la vie aux années

Améliorer la qualité de viedes personnes handicapées

ou maladesQuel que soit leur âge

Réduire les inégalités faceà la santé S

ourc

es :

La s

anté

en

Fran

ce, H

CS

P, 1

994.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VI

quement depuis les années 60. Les inégalités derépartition de l’offre de soins étaient telles quemême avec des méthodes de planification trèsfrustes on pouvait atteindre des objectifsd’équité dans l’accès aux services. L’idée de laplanification sanitaire a évolué depuis et à larégulation strictement quantitative s’est impo-sée petit à petit une réflexion sur l’efficience.La loi de juillet 1991 a demandé un long pro-cessus d’élaboration. C’est du travail mené enBasse-Normandie qu’est né véritablement leconcept de schéma régional d’organisationsanitaire. À l’occasion d’une révision de la cartesanitaire qui conduisait du point de vue prati-que à une impasse, la Drass a essayé d’expéri-menter une méthode de concertation de 1983 à1986, visant donc à dépasser la logiqueindiciaire pure et dure et à rationaliser l’offrede soins notamment en termes de contrats d’ob-jectifs État/établissement.

Ces évolutions se produisent aussi dans un

dizaine d’années en France. Les donnéesmacro-économiques du compte satellite de lasanté‚ montrent qu’une inflexion de la consom-mation médicale totale s’est produite dans lesannées 1982-83, passant d’un rythme annuelmoyen de l’ordre de 15 % à moins de 8 %. C’estl’hôpital public qui en est le vecteur essentiel,avec pour conséquence un report de certainesconsommations sur l’hôpital privé, les soinsambulatoires et les biens médicaux.

Un renouveau de la planification dansun contexte de néo-libéralisme

La planification sanitaire fut amorcée en Franceavec la loi hospitalière de 1970 instaurant lacarte sanitaire pour réguler et redistribuer unparc hospitalier qui s’était développé anarchi-

La nouvelle loi hospitalière fait suite à un mouvement de renouveau de la planification

dans les années 80, dans un contexte de maîtrise des dépenses et un courant de

pensée « hôpital-entreprise ». Elle prescrit un schéma de référence qui permettra

à l’État de gérer les demandes d’autorisation de structures nouvelles. La loi définit

les règles du jeu pour l’élaboration de ces schémas, laissant aux acteurs régionaux

le soin de forger les outils pour leur élaboration. Ainsi, une négociation décentralisée

s’est amorcée entre les Drass, les Cram et les établissements sur la base des

projets d’établissements. Mais l’absence de références nationales fut un obstacle

majeur particulièrement dans l’élaboration des schémas des urgences.

L a régulation du système de santé est de-venue un enjeu très important depuis une

Planification etprogrammation deséquipements

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VII

contexte idéologique en évolution. Le secteurhospitalier est traversé par un fort courant« hôpital-entreprise », cherchant à appliquer ausecteur public des modes de gestion et d’inci-tation dérivés du secteur privé. L’État est aucours de la même période à la recherche d’une« nouvelle administration » plus efficace, plussoucieuse des usagers et de la productivité deses actions. Le domaine de la santé connaît undéveloppement particulièrement actif deréflexion en ce sens avec les recherches sur lamédicalisation des systèmes d’information,l’établissement de nouveaux rapports conven-tionnels avec les professions de santé, desexpériences d’organisation administrative nou-velles (décentralisation, déconcentration, Driss).

C’est dans ce contexte qu’apparaît le schémarégional d’organisation sanitaire (Sros).

Alors que rien ne se passe pendant douzeans, la carte sanitaire constituant le seul outilde planification, on assiste à quatre éléments derenouveau de la planification entre 1982 et1991. Le premier est l’instauration du plangérontologique en 1982. Le second est la dé-centralisation qui donne naissance en 1986 auschéma départemental des équipements sociauxet médico-sociaux. Il étend la planificationgérontologique aux handicapés et à l’enfancemais en donne l’initiative aux servicesdépartementaux. Un an après est créé le schémadépartemental d’organisation en santé mentale,à l’initiative des services déconcentrés de l’État.Enfin la loi hospitalière de 1991 crée le schémarégional d’organisation sanitaire, transférant auniveau régional le pouvoir d’autorisation decréer des structures nouvelles.

Ces quelques éléments illustrent un renou-veau de la planification sanitaire et sociale. Lesrésultats ne sont pas toujours à la hauteur desespérances. Douze ans après le texte précurseursur les plans gérontologiques, 40 % des dépar-tements ne l’ont pas élaboré. Les professionnelsde santé publique opposent souvent une logi-que des besoins à une logique dite de rationne-ment et/ou à une logique de marché, accentuantparfois une coupure avec les directeurs d’éta-blissement qui se construisent une légitimitérenouvelée précisément sur ce terrain ou à par-tir de conceptions qui en sont dérivées. Auniveau local, les schémas, qu’ils soient dépar-tementaux ou régionaux, ont néanmoins déve-loppé des mécanismes de concertation trèsimportants entre les acteurs du système desanté, qui n’existaient pas auparavant.

La loi de 1991

La loi du 31 juillet 1991 n’est pas une révolu-tion : fidèle à l’esprit de celle de 1970, elle tireles leçons de son demi-échec. Elle comportecependant des innovations importantes. Plusque jamais, les pouvoirs publics s’efforcent dedépasser les clivages traditionnels de la méde-cine française (de ville/à l’hôpital ; libérale/publique ; non lucrative/lucrative), d’optimiserl’utilisation des installations et de maîtriser lescoûts. Il en résulte un alourdissement sensiblede leur contrôle de l’offre de soins.

Le pivot du système devient l’établissementde santé. La loi ne le définit pas, se bornant àen déterminer les missions et les objets. Elle lefait en termes si larges que les contours de cettenotion nouvelle sont incertains : elle « coiffe »les établissements publics et privés et dépasselargement le système hospitalier stricto sensu.Mais englobe-t-elle toutes les structures desoins, y compris les cabinets de ville ? Leministère semble considérer qu’il y a établis-sement de santé dès lors que ces structures com-portent un élément soumis à planification et àautorisation, ce qui est très large.

Or, l’enjeu est considérable : d’une part, laphysionomie de l’organisation française dessoins est en cause (jusqu’à la liberté d’installa-tion) ; d’autre part, les conséquences sont trèslourdes pour l’établissement de santé : partici-pation aux conférences sanitaires de secteur ;information du malade ; analyse de l’activité etévaluation ; et surtout soumission au régimed’autorisation. Ce dernier est unifié et concernedésormais dans les mêmes termes les établis-sements publics et privés.

Pour le reste, les grandes lignes du systèmeantérieur sont maintenues. Mais son champd’application, déjà élargi par les textes quiavaient modifié la loi de 1970 est encoreétendu : création, extension, conversion etregroupement d’établissements, équipementsmatériels lourds et structures alternatives àl’hospitalisation ; mise en œuvre ou extensiondes « activités de soins d’un coût élevé ounécessitant des dispositions particulières dansl’intérêt de la santé publique ».

Innovations très importantes : les demandesd’autorisations doivent être déposées au coursd’une période de réception ; les autorisationsont une durée limitée (5 à 10 ans), à l’issue de

Art. L 711-1et L 711-2 CSP

Art. L 713-1 et suivantsArt. L 710-2Art. L 710-4

Art. L 712-8

Directionrégionale etinterdéparte-mentale de lasanté et de lasolidarité

M. Frossard.Le schémadépartementalpersonnes âgées :vers une nouvellerégulationéconomique ? InHandicap etviellissement :politiques publiqueset pratiquessociales. Paris :Éditions de l’Inserm,1995.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page VIII

laquelle elles sont soumises à renouvellement.Ainsi, les pouvoirs publics contrôlent non plusseulement la constitution initiale du « parc »sanitaire (comme en 1970, dans la version d’ori-gine), mais aussi son évolution.

Ces autorisations restent délivrées dans lecadre d’une planification sanitaire. À lire la loide 1991, on pourrait croire qu’il y a peu dechangement : carte sanitaire et indices de besoindemeurent ; tout au plus, l’importance desrégions et secteurs sanitaires est-elle affectéepar l’apparition d’un nouveau cadre géographi-que de référence : la zone sanitaire.

Mais il y a les schémas d’organisation sani-taire : la loi limite leur objet à la répartitiongéographique des installations et équipementsde soins. Or, le décret d’application leur confieaussi la nature et l’importance des élémentssoumis à planification, y compris les équipe-ments matériels lourds, tous points qui, dans laloi, ne relevaient que de la carte sanitaire. Defait, la pratique fait des schémas (et de leurannexe « indicative ») les supports principauxde la planification et… les lieux d’affrontementsur le terrain.

Leur portée juridique demeure incertaine etnotamment le rapport de « compatibilité » queles projets d’établissement doivent entretenir

avec eux. Incertitude accrue avec l’institutiond’un schéma national, qui veille « à l’égalité desconditions d’accès (aux soins) sur l’ensembledu territoire et au maintien des établissementsde proximité », ce qui, en pratique, pourraitremettre en cause certaines options des schémasrégionaux.

La loi de 1991 conserve à la planification etaux autorisations leur caractère centralisé (maisdavantage déconcentré au profit du préfet derégion) et unilatéral. Une tendance à la contrac-tualisation apparaît cependant : contrats pluri-annuels entre les établissements et l’État, lasécurité sociale, voire les collectivités locales ;consultation systématique des comités nationalet régionaux de l’organisation sanitaire etsociale ; concertation à l’occasion de l’élabo-ration des schémas régionaux. Et un décret du1er mars prévoit une procédure expérimentalede délivrance contractuelle des autorisationsrelatives aux équipements matériels lourds.

Plus ample, plus souple, et donc moins« lisible » que son prédécesseur, le système de1991 paraît donc promis à de nouvelles évolu-tions. En son état actuel, son avenir dépendrade la volonté des établissements de « jouer lejeu », et de la capacité du ministère à le mettreen œuvre.

La planification sanitaire vise àassurer un développementharmonieux, tant géographique-ment que fonctionnellement descapacités hospitalières de laFrance. Les établissementspublics et privés de santé sontégalement concernés. L’articleL 712-2 définit les trois élémentsqui en font l’objet.

Les installationsCette notion n’a jamais été définie. De-puis 1970, la pratique l’a réduite, pourl’essentiel, aux lits. L’article R 712-1 an-nonce peut-être une acception plusample en parlant de : moyens d’hos-pitalisation ou structures de soins detoute nature, avec ou sans héberge-

Les éléments soumis à autorisationment, exprimés notamment en lits ouplaces. Les installations concernéescorrespondent aux six groupes de dis-ciplines suivants : médecine, chirurgie,obstétrique, psychiatrie, soins de suiteou de réadaptation, soins de longuedurée.

Les équipements matériels lourdsIl existe une définition législative de lanotion d’équipement lourd et une listeréglementaire qui varie au fil des pro-grès médico-techniques et figure dansl’article R 712-2-II :1. Appareil de circulation sanguine ex-tra-corporelle • 2. Caisson hyperbare• 3. Appareil d’hémodialyse • […] 10.Appareil d’imagerie ou de spectro-métrie par résonance magnétiquenucléaire à utilisation clinique •

11. Compteur de la radioactivité totaledu corps • 12. Appareil de destructiontranspariétale des calculs.

Les activités de soinsAllant plus loin ici que la loi de 1970,l’article L 712-2 fait entrer dans lechamp de la planification sanitaire, nonpas toutes les activités de soins, maiscelles qui ont un coût élevé ou qui né-cessitent des dispositions particulièresdans l’intérêt de la santé publique.1. Transplantation d’organes et greffesde moëlle osseuse • 2. Traitement desgrands brûlés • 3. Chirurgie cardiaque• 4. Neurochirurgie • 5. Accueil et trai-tement des urgences • 6. Réanimation• […] 11. Activités de procréation mé-dicalement assistée et diagnostic pré-natal • 12. Réadaptation fonctionnelle.

Art. R 712-9

Art. L 712-3

Article 21 de la loi du4 février 1995 sur

l’aménagement du territoire

D’après D. Truchet. Traité de droit médical et hospitalier. Paris : Litec, 1993.

Planification etprogrammation

des équipements

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page IX

Le schéma définit la structuration del’offre de soins par niveau et décrit salocalisation par secteur sanitaire.[…] Les services d’accueil des urgences(SAU) doivent être implantés dans un établis-sement de santé comprenant des servicesde médecine polyvalente ou médecine in-terne, cardiologie, chirurgie viscérale, chirur-gie orthopédique et de gynéco-obstétrique.Chaque discipline doit organiser des astrein-tes médicales opérationnelles […].• La masse critique est d’au moins 10 000passages chaque année.• Le délai d’accès ne doit pas excéder 30minutes.• Les obligations de ce type de service sontd’assumer la prise en charge, le traitementdes personnes accueillies et d’organiserl’orientation et le transport des patients versle service spécialisé requis.Dans chaque secteur sanitaire doit être im-planté au moins un SAU susceptible d’assu-rer au sein même de l’établissement, l’accueilet la prise en charge des urgences pédia-triques néonatales et psychiatriques. Le délaid’accès à ce SAU ne doit pas être supérieurà 1 heure. […]Localisation des trois SAU sur le secteursanitaire n° 1 : un à Bordeaux, siège d’unSamu-Centre 15 et d’un Smur ; deux à Arca-chon et Langon, sièges d’un Smur. […]

Les annexes décrivent les équipementsprévus par secteur sanitaire.Pour le secteur sanitaire n° 1 en Aquitaine• Obstétrique6 des 8 maternités implantées sur le pôle fontplus de 1 000 accouchements. Les 2 derniè-res […] font chacune plus de 300 accouche-ments. Compte tenu de l’offre globale enobstétrique sur le pôle de Bordeaux, il est tou-tefois proposé le regroupement de ces deuxmaternités avec la suppression sur ce siteregroupé de 10 lits d’obstétrique […].• RéanimationIl est proposé sur ce secteur, 6 services deréanimation médicale et polyvalente et 2 ser-vices de soins intensifs polyvalents :• au CHU Pellegrin, 32 lits de réanimation et31 lits de surveillance continue,• au CHU Hôpital Saint-André, 8 lits de réa-nimation […].

Le Sros et ses annexesLes outils de la

planification

Un Sros est une référence qui guidera l’évolu-tion de l’offre de soins dans le moyen terme. Ilcorrespond théoriquement à la phase de défi-nition des objectifs prioritaires citée dans notredéfinition de la planification. On s’intéressedonc ici à la planification en tant que méthoded’aide à la décision qui repose sur une concer-tation entre les acteurs, fondée sur un dossierdémo-médico-technique.

Comment élaborer un schéma ?

Il n’y a pas de méthode unique pour élaborerun schéma. Chaque région a suivi sa propredémarche, compte tenu de ses caractéristiquesgéographiques et démographiques, de l’état del’offre de soins, des ressources humaines dontelle disposait et surtout de la manière dont a étéconduite la concertation entre les acteurs. Onpeut néanmoins repérer deux grandes étapes :un bilan de prise en charge des besoins et uneanalyse prospective des changements à pro-mouvoir qui conduiront, après négociation, audocument final Sros et annexes.

Le bilan de prise en charge des besoins estun jugement d’ensemble sur une série dedossiers qui décrivent différentes dimensions dela notion de « besoin », appréciation d’un écartentre un état constaté et un état souhaitable parla collectivité à un moment donné. Ces diffé-rents dossiers ont pour titre :

• Caractérisation de la population cible :quelles sont les grandes catégories de popula-tion que l’on retiendra pour faire l’étude desbesoins de la collectivité (localisation géogra-phique, catégories sociales, bénéficiaires dessoins…) ?

• Système de finalités : quels sont les grandsobjectifs que l’on choisit de privilégier dans larégion : traiter un problème de santé prioritaire,améliorer l’accès au service public hospitalier,privilégier la qualité de soins spécialisés ?

• Normes quantitatives et référentiels dequalité : compte tenu de la population àdesservir, quels sont les moyens minimums enpersonnel et matériel dont il faut disposer pourassurer des prestations de qualité acceptable ?

Sro

s d

’Aq

uit

ain

e

Voir p. XLa notion d’approchepopulationnelle

Voir p. XVIILa méthode suiviepar l’Auvergne

Voir p. XIVLa notion deréférence

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page X

• Fonctionnement de l’existant : l’utilisationactuelle des services est-elle conforme d’unpoint de vue quantitatif aussi bien que quali-tatif ?

• Stratégies et projets des acteurs : quelleappréciation des besoins est faite par les acteurset sur quels objectifs une mobilisation est-ellepossible ?

En complément du bilan de prise en charge,l’analyse prospective doit permettre aux acteursde confronter leur vision des tendances quiaffecteront la demande de services à l’horizondu plan (généralement 5 ans) et proposer lestransformations à apporter.

Mais rappelons que la planification sanitaireen France se met en œuvre par la gestion desautorisations de création, extension, trans-formation, regroupement ou conversion desétablissements. L’élaboration d’un schémad’organisation sanitaire, dont il est question ici,est un outil d’aide à la décision qui procède parconfrontation entre le projet de l’État, censérésumer l’intérêt collectif étayé par les dossiersprécédents et soumis à la discussion de l’en-semble des partenaires. Le Sros final, quand ilest arrêté par le préfet, est différent du projetinitial, il devient la référence qualitative pourdécider du bien-fondé des demandes de créa-tion, extension, etc., de services de soins. Onentre alors dans la phase de programmation desmoyens et des activités.

Il n’y a pas de méthode unique pour élaborerun schéma car chacun des « dossiers » précé-dents a une importance plus ou moins grandeselon les régions. Peut-on imaginer que l’Île-de-France et le Limousin élaborent leur schéma ensuivant la même démarche méthodologique ?

Ainsi, les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) et Rhône-Alpes ont procédé àune approche populationnelle qui a consisté àdéfinir les zones géographiques homogènes dupoint de vue des relations sociales et économi-ques. En Paca, la comparaison entre les indi-ces d’équipement et le fonctionnement réel desstructures a permis une première appréciationdes moyens nécessaires pour répondre auxbesoins de la population du secteur. En Rhône-Alpes, ce sont les références fournies par descomités régionaux, appliquées à ces zones géo-graphiques qui ont permis de faire des propo-sitions pour la réorganisation de l’offre de soins.

L’Auvergne est partie d’un consensus régio-nal sur les grands objectifs du système de soins,dont le Sros doit permettre la mise en œuvre.

Voir p. XIIILa notion d’indice

Voir p. XVILe comité technique surle projet d’établissement

Ces objectifs sont mesurés par une batterie d’in-dicateurs fournis par les établissements, ce quipermet d’établir un diagnostic sur la quantitéet la qualité des services de soins actuels parsecteur sanitaire.

Autre exemple, la Haute-Normandie s’estinspirée du schéma d’aménagement du terri-toire pour définir des complémentarités entresecteurs sanitaires pour chacune des grandesspécialités.

Comment caractériser la populationcible ? Approche populationnelle ouapproche institutionnelle ?

R. Pineault et C. Daveluy ont utilisé ces deuxconcepts pour décrire la confrontation entre lesbesoins de la population et la logique del’organisation. Utiliser une approche popula-tionnelle, c’est partir des besoins de la popula-tion et adapter l’organisation de l’offre de soinsde façon à y répondre de manière optimale. Àl’inverse, l’approche institutionnelle ou encoreorganisationnelle considère que les offreurs de

R. Pineault, C. Daveluy.La planification de la santé.

Concept, méthodes etstratégies. Montréal :

Éditions Agence d’Arc, 1986.

La démarche de planificationCaractérisationdes besoinsPopulation-cible

Normes ou référentiels

de qualité

Fonctionnement de l'existant

Stratégieset projets

des acteurs

Prospective : délimitation du système, variables-clés,

scénarios

Analyse des alternatives, coût, faisabilité, acceptabilité

Programmation

Mise en œuvre

Évaluation

Choix politique

Bilan-diagnostic du dispositif de prise

en charge

Finalités

Planification etprogrammation

des équipements

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XI

demandes d’autorisation. Une déci-sion de refus de renouvellementd’autorisation ne peut être prise quepour l’un des motifs suivants :• non-respect des conditions techni-ques de fonctionnement ;• non-respect des conditions et en-gagements relatifs aux dépenses à lacharge des organismes d’assurancemaladie ou au volume d’activité ;• non-respect de l’engagement prispar les demandeurs de conclure uncontrat de concession ou un accordd’association au service public hos-pitalier ;• lorsque les résultats de l’évaluationpériodique ne sont pas jugés satis-faisants.On notera que la non-compatibilitéavec le Sros et la carte sanitaire nefigure pas comme motif de refus.

Les effets de l’autorisationArt. L 712.17

L’autorisation, une fois donnée, vautde plein droit autorisation de fonction-ner, sous réserve du résultat positifd’une visite de conformité et, saufmention contraire, autorisation de dis-penser des soins remboursables auxassurés sociaux (celle-ci, en vertu del’article L 712.12 alinéa 3, peut être re-fusée lorsque le prix prévu est horsde proportion avec les conditions defonctionnement du service).Les autorisations sont ainsi, avec lesdotations et la gestion des postes mé-dicaux pour le secteur public, un desmoyens de s’orienter par étapes versles objectifs du Sros. Leur analysepermettra annuellement d’estimer lestade de réalisation de ces objectifs.Les règles du jeu étant ainsi fixées,reste à définir le document de réfé-rence pour autoriser ou non cestransformations de structures. Unchoix méthodologique doit être faitentre une approche centrée sur la lo-calisation géographique des besoinsde la population et la localisation deslieux de soins.

La gestion des autorisations est unélément central de la loi de 1991.C’est par la réponse donnée auxdemandes de création, extension,transformation, regroupement ouconversion des structures que se meten œuvre le schéma d’organisationsanitaire, document de référence.Dans le domaine sanitaire, un régimed’autorisation existe depuis 1958puisqu’une ordonnance avait à l’épo-que imposé une autorisation pour lacréation des hôpitaux publics et unedéclaration préalable pour la créationou l’extension des cliniques privées.Un nouveau régime des autorisationsest mis en place par les articlesL 712.8 à L 712.20 de la loi du 31 juil-let 1991 et par les articles R 712.37 àR 712.46 du décret n° 91-1410 du31 décembre 1991.La loi unifie désormais les procédu-res d’autorisation applicables au sec-teur public et au secteur privé. Lesmêmes règles s’appliquent désor-mais à l’ensemble des établisse-ments de santé.

Le champ de l’autorisationArt. L 712.8 et R 712.2

Toujours à durée déterminée, lesautorisations sont nécessaires pour :1. les créations, extensions et trans-formations :• des installations• des équipements lourds• des structures de soins alternativesà l’hospitalisation2. le regroupement ou la conversiondes établissements3. la mise en œuvre et l’extensiondes activités de soins.

L’autorité compétente pourdonner l’autorisation

Art. L 712.16L’autorisation est donnée par le repré-sentant de l’État (préfet de région),après avis du comité régional de l’or-ganisation sanitaire et sociale, avantle début des travaux, de l’installation

de l’équipement matériel lourd ou dela mise en œuvre des activités desoins alternatives à l’hospitalisationprojetées.Cependant, pour certains établisse-ments, équipements, activités desoins ou structures alternatives àl’hospitalisation (liste fixée par dé-cret), l’autorisation est délivrée par leministre chargé de la Santé, aprèsavis du comité national de l’organisa-tion sanitaire et sociale.

Les conditions d’autorisationArt. L 712.9

Le projet, pour être autorisé doit ré-pondre à trois conditions cumulati-ves :• répondre, dans la zone sanitaireconsidérée (selon le cas, le ou lessecteurs, la région ou un groupe derégions, ou encore le territoire natio-nal) aux besoins de la population telsqu’ils sont définis par la carte sani-taire ;• être compatible avec les objectifsdu Sros ;• satisfaire à des conditions techni-ques de fonctionnement fixées pardécret.Il est possible de déroger à ces deuxpremières conditions (art. L 712.10 etL 712.11) en cas :• de création de structures de soinsalternatives à l’hospitalisation com-plète (décret du 2 octobre 1992) ;• de regroupement ou de conversionde tout ou partie des établissements(décret 92-1373 du 24 décembre1992).Enfin il convient de mentionner lerégime expérimental concernant leséquipements lourds mis en place parla loi DMOS du 18 janvier 1994.(L 716.1)

Le renouvellement et sesconditions

Art. L 712.12 et L 712.14Les demandes de renouvellementsuivent la même procédure que les

Les autorisations

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XII

soins, c’est-à-dire les établissements de santé,sont déterminants dans le processus de planifi-cation.

La mission sociale de l’hôpital public tellequ’elle est définie en France (soit l’accueil24h/24 de toutes les clientèles, pour toutes lespathologies) légitime en premier lieu l’appro-che populationnelle. La loi prescrit donc dedéterminer par le Sros l’offre de soins pertinentepour chaque zone géographique, sans préciserl’identité des établissements chargés d’ypourvoir. Cette approche est fondée sur uneconnaissance de la population et de ses lieux devie sociale. Les besoins en équipements ont été,et sont encore partiellement définis par l’appli-cation d’indices, ou de références techniquesproposés par les experts médicaux. Mais cetteméthode a ses limites en raison de l’impréci-sion des indices utilisés. On complète donc cetteapproche populationnelle par la description duchamp d’attraction des établissements, quicontribuent eux aussi à la structuration del’espace géographique, même si cette donnéeest instable car liée au savoir-faire des prati-ciens au jour de la mesure de l’attraction.

Un établissement public se doit de prendreen charge toutes les populations dans le cadrede sa mission de service public. Il se référeradonc plus fréquemment, au moins dans certai-nes disciplines, à une approche populationnelle.Un établissement privé s’inscrit plutôt dans unedémarche commerciale et sera plus enclin àdéterminer ses choix stratégiques à partir d’étu-des de marketing.

Ces deux approches de la planification nesont pas opposées car on assiste dans tous lescas à un compromis entre les besoins de lapopulation et le nécessaire ajustement avec lesstructures existantes et les ressources dispo-nibles.

Par exemple, la révision de la carte sanitaireen Rhône-Alpes a permis de confronter les deuxapproches. Les services de l’État ont utilisécomme dans d’autres régions, l’outil « villes etbourgs attractifs » produit par l’Insee pour pro-poser une définition de secteurs sanitaires deplus de 200 000 habitants reflétant la réalité devie et la distribution des populations au sein dela région.

Les services de l’assurance maladie ontchoisi quant à eux de partir à contre-courant decette logique populationnelle, et d’étudier parl’intermédiaire de Siam (système d’informationde l’assurance maladie) les liens entre domicile

Planification etprogrammation

des équipements

Carte sanitaire de Haute-Normandie

Sour

ce, I

nsee

. Réa

lisat

ion,

Pôles

Rou

en. A

dapt

atio

n, A

dSP.

H

H

E

P

P

L

H

H

H

H

H

P PP

P

P PP

PP

P

P

PPP

P

P

H

E

E

E

E

E

E

E

EE

E

E

E

E

P

P

H

H

H

H

H

H

L

L

LL

L

L

L

L

L

L

L

LL

Mantes

Elbeuf

AbbevilleEu

DieppeSt-Valéry-en-Caux

Neufchâtel-en-BrayFécamp

BolbecSt-Romain-de-Colbosc

Lillebonne

Honfleur

Le Havre

Pont-Audemer

Bourg-Achard

Lisieux

Bernay

l'AigleVerneuil-sur-Avre Dreux

É vreux

Vernon

Gisors

Pontoise

BarentinYvetot

Caudebec-les-Elbeuf

Gournay-en-BrayRouen

Petit-QuevillyHarfleur

Pont-de-l'Arche

Les Andelys

Le Neubourg

Pacy-sur-EureConches-en-ouche

Breteuil

Rugles

Louviers/Val-de-Reuil

Mont-St-Aignan

H

E

P

P

PP P P

P

PP

P

PP

E

Rouen

Petit-Quevilly

Bois-Guillaume

Centre hospitalierde référence

Établissementpublic de proximité

Établissement privé par-ticipant au service public

Clinique privée

Hôpital local

Centre hospitalierhors région

et lieux d’hospitalisation. Ayant mesuré les fluxd’hospitalisation prédominants, ils ont pu des-siner en médecine, chirurgie, obstétrique, leterritoire d’influence ou bassin d’attraction dessites hospitaliers. La définition des secteurssanitaires qui en a résulté divergeait en certainspoints avec celles des services de l’État maisconvergeait en d’autres endroits.

Cette confrontation des deux approches enenrichissant le débat, a permis certainement derendre plus opérationnel le découpage dessecteurs sanitaires dans une optique de déter-mination de filières et de réseaux de soins.

L’approche populationnelle est souvent con-sidérée comme prioritaire en matière de locali-sation des équipements lourds. Si dans unpérimètre d’accès de trente minutes, le bassinde population à desservir est jugé insuffisantcompte tenu notamment de la présence d’autresoffres concurrentes à proximité, on pourrarefuser, par exemple, à un établissement l’at-tribution d’un scanner.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIII

Définir le fonctionnement desstructures de soins existantes :usage des indices

Une fois définie la zone pertinente d’analyse dela population, on procède généralement àl’observation du fonctionnement des servicesexistants. À partir du découpage de la cartesanitaire, on observe le nombre d’entrées dansles hôpitaux et cela conduit à l’estimation deslits nécessaires, compte tenu de la durée deséjour et du taux d’occupation des lits souhai-tables. Nous présentons ici en exemple la mé-thode décrite par la circulaire du 28 septembre1992, qui a été l’objet de variantes.

La première opération consiste à calculer ladurée moyenne de séjour (DMS) dans la disci-pline considérée pour l’ensemble des établisse-ments publics et privés du secteur sanitaire(cette durée moyenne s’obtient en divisant lenombre de journées réalisées en un an par lenombre d’entrées). Dans un second temps, oncalcule les besoins en lits pour le secteur. Endernier lieu, les résultats obtenus permettent defixer les indices lits-population qui empêche-ront, le cas échéant, l’autorisation de lits dansdes secteurs excédentaires.

En pratique, on procède ainsi :• Si la DMS du secteur est inférieure à la

DMS nationale de la discipline, on retient cettepremière valeur dans le calcul, tenant comptedu meilleur résultat réalisé dans le secteur parrapport au niveau national. Le nombre de litsnécessaires s’obtient en divisant le nombre dejournées réalisées dans le secteur par le tauxcible multiplié par 365. Par exemple, dans unsecteur sanitaire de 200 000 habitants, on a re-censé 10 500 entrées, soit 63 000 journéesd’une durée moyenne de 6 jours pour chaqueentrée. Sur un an, il faut 63 000/365 lits occu-pés à temps plein pour répondre à ce besoin.Compte tenu de la nécessité de souplesse dansla gestion des services, ce sont 63 000/365x0,85lits qui sont nécessaires, soient 147 lits.

• Si la DMS du secteur est supérieure à laDMS nationale de la discipline, le nombre delits nécessaires s’obtient en multipliant le nom-bre d’entrées dans le secteur par la DMS cible(qui représente donc une valeur à ne pas dépas-ser), et en le divisant par le taux cible multipliépar 365.

L’application stricte de cette technique decalcul est une première base de discussion et deréflexion. Elle permet de voir comment se posi-

tionnent les nouveaux secteurs sanitaires les unspar rapport aux autres. Cette méthode permetde définir, toutes choses égales par ailleurs, descapacités de production de soins souhaitablespour une zone géographique donnée et déter-miner la réorganisation de ces capacités entresecteurs sanitaires.

La technique des indices est égalementemployée pour déterminer le besoin en équipe-ments lourds dans chaque secteur sanitaire. Levolume d’actes techniques destinés à lapopulation des secteurs sanitaires est relative-ment constant, cela justifie que l’on estime lesbesoins par le biais d’un indice peu différentselon les secteurs.

Mais les capacités d’accueil en lits et placesd’alternative à l’hospitalisation, ainsi que leurrépartition au sein d’un secteur, sont insuffisan-tes pour assurer une planification correcte deséquipements en raison de l’utilisation trèsinégale que les praticiens peuvent faire de ceslits. En dernière analyse, ce ne sont que dessommiers et des matelas, leur dénombrement nefournit donc aucune indication sur l’intensitédes soins qui y sont prodigués, ni sur les alter-natives à l’hospitalisation, par exemple.

D’autre part, ces lits sont regroupés dans deshôpitaux, leur plus ou moins grande concentra-tion peut être déterminante sur la qualité dessoins, compte tenu d’un effet de « masse criti-que » de soins à prodiguer.

Les références techniques constituent doncun autre outil utilisé couramment en matière deplanification. Élaborées par des groupes d’ex-perts, elles se fondent sur l’état de l’art et con-tribuent, dans la démarche de planification, audiagnostic sur la qualité des services existants.

Les indices de la carte sanitaireUn arrêté du 5 mai 1992 a fixé les fourchettes nationales dans les-quelles devaient s’inscrire les indices fixés par le préfet de régionsuite à la révision de la carte sanitaire (un indice maximum plus hautest prévu pour les secteurs sanitaires sièges d’un CHR).

Nombre de lits et places pour 1 000 habitants

Secteur sanitaireNon siège d’un CHR Siège d’un CHR

Médecine 1,0 à 2,2 1,0 à 2,5Chirurgie 1,0 à 2,2 1,0 à 2,5Gynéco-obstétrique 0,2 à 0,5 0,2 à 0,6

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIV

Planification etprogrammation

des équipements

Normes ou référentiels de qualité

Le système de références techniques et denormes joue un rôle important dans la program-mation des équipements au niveau de chaqueétablissement. En effet dans les différentsdomaines de l’activité hospitalière existent desnormes ou des références qui résultent soit detextes réglementaires émanant du ministère dela Santé, soit de recommandations édictées pardivers organismes ou groupes de travail natio-naux (Andem, Conférence de consensus, HautComité de la santé publique, rapport Steg surles urgences…). Au niveau régional, la com-mission régionale d’évaluation médicale(Creme), les différents comités techniquesmédicaux (Coterm) et les observatoires régio-naux de la santé ont souvent œuvré au fur et àmesure de l’élaboration des Sros pour fournirdans de nombreuses disciplines ou activités, desréférences régionales de bonne prise en chargedu patient ou de rationalité en matière de répar-tition des équipements.

Pour les maternités, la référence d’une acti-vité annuelle minimale de 300 accouchementspour assurer la qualité du service a été établie àpartir du rapport d’un groupe d’experts réunispar la direction générale de la Santé en 1986 et1987. Elle semble avoir été retenue dans la ré-flexion des Sros et de leurs annexes mais estutilisée avec d’autres critères d’appréciation telsque le personnel médical et paramédical pré-sent, l’accessibilité, le respect des normes tech-niques. Cette référence, qui peut arbitrairementconduire à la fermeture d’une petite maternité,sera parfois reconsidérée. Certaines régions ontchoisi de fixer ce seuil d’activité minimum à500 accouchements par an.

En matière de chirurgie cardiaque, desnormes de fonctionnement ont été imposées parle décret n° 91-78, notamment l’obligation dedisposer au moins de deux chirurgiens dechirurgie thoracique et cardio-vasculaire et dedeux anesthésistes-réanimateurs.

On peut enfin illustrer dans le domaine del’hygiène hospitalière, les différentes notionsévoquées. Le nombre d’infections nosocomia-les détectées dans un établissement étantconsidéré comme indicateur, la référence sedéfinit alors comme le taux de surinfection in-compressible, l’optimum à atteindre. La norme,elle, décide en fonction du taux observé de lanécessité de mettre en place un programme delutte spécifique. Le référentiel, enfin, pourrait

Dans le cadre de l’élaboration duSros de la région Rhône-Alpes,plus d’une douzaine de comitéstechniques régionaux (Coter) ontété mis en place. Composésessentiellement de profession-nels médicaux, ils avaient pourmission d’établir des recomman-dations de bonnes pratiquesmédicales, de bonne distributionde soins et de diffuser sur larégion leurs travaux.Chaque comité a élu en son seinun président et disposait d’unsecrétariat-rédaction assuré pardes cadres des services de l’Étatou de l’assurance maladie. Ainsi,pour ne citer que ces disciplines,la cardiologie, l’urgence, la réa-nimation, les soins de suite et de

réadaptation, la gériatrie, lachirurgie, l’imagerie, la cancéro-logie ont fait l’objet de recom-mandations formalisées et large-ment diffusées courant 1994.L’existence de ces comités sepoursuit sous différentes moda-lités allant de la simple veille à lacréation de nouveaux groupesde travail notamment pour la pla-nification en psychiatrie.C’est donc tout un mouvementde réflexion qui s’est installé enRhône-Alpes et qui valorise lesdifférents travaux en présence,associant le niveau institutionneldes conférences sanitaires desecteur et le niveau pragmatiquedes professionnels de la santé.

Comités techniques régionaux

prendre la forme d’un livret des « 100 recom-mandations pour la surveillance des infectionsnosocomiales » à l’usage de tout le personnel.

La connaissance de références techniquesappliquées à un établissement n’est pas suffi-sante elle-même pour avoir une vision correctedu système de soins. Il faut tenir compte descomplémentarités entre les différents niveauxdu système de soins, afin d’apporter une ré-ponse graduée aux besoins de la population.

Les niveaux du système de soins

Cette notion rappelle tout d’abord l’obligationde moyens. Les moyens n’étant pas réunis par-tout, il est nécessaire d’en appeler à un niveausupérieur, un niveau de référence. Ainsi leshôpitaux locaux – s’ils souhaitent poursuivreleur activité de médecine – doivent désormaispasser une convention avec un ou plusieurscentres hospitaliers de référence dotés d’unplateau médico-technique complet : réanima-tion, services spécialisés, imagerie, laboratoire.

La fonction de centre hospitalier universi-taire (CHU) confère en outre la responsabilitéde l’enseignement, de la recherche, de l’inno-vation, des techniques de pointe, des activitéshautement spécialisées, de certaines activitéstelles la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie,

Art. L 710-3 à L 710-5

Art. L 711-6

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XV

les transplantations. Dans ces domaines, leCHU se présente comme l’établissement de ré-férence.

La notion de référent suggère l’idée d’unehiérarchie formalisée entre les différents établis-sements. L’organisation fonctionnelle du sys-tème de santé doit reposer sur un réseau d’éta-blissements qui, selon l’importance de leurs pla-teaux techniques et de la population qu’ils ontà desservir, ne se retrouvent pas sur le mêmeplan. La hiérarchie fonctionnelle doit conduireà l’assistance mutuelle et à une définition del’utilisation en commun des moyens disponi-bles par zone de desserte. Sont donc définis,parmi les établissements de soins, les établis-sements de référence auxquels les autres fontappel lorsque leurs moyens propres sont dépas-sés : l’hôpital de référence a des obligations vis-à-vis des autres hôpitaux du secteur.

Deux conditions indissociables ont été po-sées, dans la plupart des régions, pour une tellereconnaissance : une population suffisante pourl’utilisation d’un plateau technique sophistiquéet un critère d’accessibilité pour assurer la priseen charge des urgences en toute sécurité.

Cette fonction hospitalière de référence secalque souvent sur les activités dites structuran-

tes (accueil des urgences, réanimation, obsté-trique) et repose donc sur un plateau techniqueimportant (service d’accueil de toutes les urgen-ces, Smur, réanimation, chirurgie et médecinespécialisée, gynéco-obstétrique, pédiatrie, ima-gerie [scanner, voire à terme IRM]).

La notion de référence oblige à définir uncahier des charges. Chaque secteur sanitaire sedoit d’assurer un certain nombre de fonctions :la médecine (et ses spécialités telles la cardio-logie, la cancérologie…), la chirurgie, l’obsté-trique et la néonatalogie, les soins de suite etde réadaptation, les soins de longue durée,l’imagerie, l’accueil et le traitement des urgen-ces et la réanimation.

Ces fonctions au sein du secteur ont été, danscertaines régions, organisées en trois niveaux :

• le niveau 1 est le niveau de référence,• le niveau 2 est dit de proximité relative,• le niveau 3 de proximité rapprochée.Toutes les fonctions ne s’organisent pas

obligatoirement sur les trois niveaux et unniveau peut être assuré par un seul établisse-ment du secteur ou plusieurs organisés enréseau. Le cahier des charges définit donc lesactivités par niveau et donne des recommanda-tions techniques de fonctionnement.

L’accréditation gage de qualité ?

Aujourd’hui les repères pour l’actionautour des conditions matérielles,humaines et organisationnelles surlesquelles devraient prendre appui lesétablissements et leurs partenairespour garantir a priori une certaine qua-lité d’offre de services sont parfoisencore trop instables pour donner nais-sance à de nouveaux outils réglemen-taires de planification.C’est parce qu’il lie la préoccupation del’excellence dans la qualité du servicerendu théoriquement au cœur de l’iden-tité professionnelle, et la possibilitéd’une rationalisation argumentée autourde la réorganisation des moyens hu-mains et matériels que le thème del’autorisation/accréditation s’offrecomme un excellent levier d’une recon-figuration de l’offre de soins et commeun excellent outil pour ouvrir le jeu dela régulation du système à de nouveaux

l’usager citoyen une accessibilité à unniveau de prestation suffisant et effi-cient, de l’autre il s’agit de faire expri-mer par des professionnels ce qu’ilsregardent comme étant les garantiesd’une excellence au quotidien.Tant que dans notre système de soinsles conditions de cette dialectique sub-tile ne seront pas réunies, il est fort pro-bable que l’intelligence et la mise enpratique de l’autorisation administrativeconcernant le développement ou lerenouvellement d’activités souffriront den’être que d’instables compromis.Au-delà du développement de l’autori-sation/accréditation comme instrumentde régulation, reste posée la questiondes entités autorisées/accréditées ?Établissements, unités de soins, pro-grammes, filières, réseaux…

partenaires et notamment les sociétéssavantes professionnelles.Même si çà et là quelques exemplesmontrent que l’alliance entre expertisemédicale et administration de la santépeut déboucher sur des réorganisa-tions fortement structurantes (le sys-tème d’urgence en France…), il n’estpas acquis à terme que ces dynami-ques de changement puissent se con-solider sans un vrai travail de créativitéinstitutionnelle qui mettrait en scène lacapacité de groupes professionnelsorganisés à assumer leurs responsabi-lités dans le cadre de la régulation dusystème de soins.Autrement dit la question de l’autorisa-tion administrative aujourd’hui estindissociable de la question de l’accré-ditation par les pairs. D’un côté il s’agitde s’assurer que les conditions plan-chers sont réunies pour garantir à

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVI

Stratégies et projets des acteurs

Les Sros constituent une référence pour jugerde l’opportunité de projets de transformation dusystème de soins. Mais cette référence ne seraitpas opérationnelle si elle ne trouvait pas d’échodans le projet collectif d’un établissement.L’une des conditions à remplir pour cela est queles promoteurs intègrent dans leur Sros la stra-tégie affichée par les établissements de soins.

L’expérience menée en Rhône-Alpes estintéressante à cet égard. Dans le cadre de l’éla-boration du Sros, plus d’une douzaine de co-mités techniques régionaux (Coter) ont été misen place. Composés essentiellement de profes-sionnels médicaux, ces Coter avaient pour mis-sion d’établir des recommandations de bonnespratiques médicales, de bonne distribution desoins et de diffuser leurs travaux sur la région.

L’un de ces comités était particulier. Com-posé de gestionnaires d’établissement, il s’estadjoint des experts universitaires appartenantau CNRS. Sa création traduisait le fait qu’au-delà des pratiques médicales, l’organisationd’ensemble de la santé nécessite des régulationsentre la planification régionale et les projetsstratégiques de chaque structure.

En effet, les instruments prévus par la loihospitalière (projet et Sros) dessinent une éco-nomie singulière et originale au sein des poli-tiques de régulation des dépenses de santé misesen œuvre dans les pays développés :

• instruments de type macro-économique, lacarte sanitaire et le schéma régional d’organi-sation sanitaire profilent sur le territoire régio-nal, à partir d’objectifs de santé publique, lesgrandes orientations de la politique à mettre enœuvre, compte tenu de la structure de l’offre desoins, de la demande de santé existante et desdifférents projets d’établissements ;

• instrument de type micro-économique, leprojet d’établissement et à l’intérieur de celui-ci le projet médical sont les moyens par lesquelsles établissements affirment et énoncent leurschoix stratégiques et leurs spécificités, comptetenu des besoins de la population desservie, desorientations du Sros, de la nature de la concur-rence à laquelle ils sont confrontés, des pers-pectives de développement et de coopérationainsi que l’évolution des techniques médicaleset des prises en charge.

Les confrontations Sros-projet d’établisse-ment sont prévues par la loi de façon expliciteet implicite, qu’il s’agisse de :

Planification etprogrammation

des équipements

En planification, à la partie ana-lyse et orientations succède unepartie programmation suivied’une partie mise en œuvre. Lesexpériences des différents paysmontrent diverses combinaisonsde ces éléments. Le modèleanglo-saxon a tendance à lesintégrer, le modèle français et/oulatin à les distinguer.Le modèle actuel auquel ren-voient le Sros et les schémasdépartementaux a tendance àposer différemment la question.Si l’on part de l’idée d’une régu-lation comme mise en cohérencede stratégies a priori non compa-tibles, apparaît une conceptionnouvelle d’une planification quiconsiste à fournir l’analyse d’unsystème et un référentiel ou en-semble de règles du jeu qui en-cadrent les propositions des pro-ducteurs de soins, les appelleplutôt qu’elle ne les propose. Aulieu d’une vision descendante,avec un centre qui définit les

Programmation etprojets d’établissement

orientations, les objectifs, les ac-tions, on a un système danslequel ce centre définit les con-ditions de cohérence, analyse,orientation, règles du jeu, quifournissent le cadre d’un appelà projets, qui sont ceux des éta-blissements ou de toute autrestructuration d’acteurs. La plani-fication n’est plus descendante,ni montante, mais procède parnégociation d’un cadre, et desprojets dans ce cadre, en réfé-rence à celui-ci. En ce sens, il nepeut y avoir de bonne planifica-tion s’il n’y a pas de bons projetsd’établissements ou d’acteurs.Les deux sont indissociables, àtel point qu’on peut avoir unedouble lecture de la loi hospita-lière : certains la comprennentcomme un développement del’autonomie des établissements,d’autres au contraire comme uninstrument directif aux mains del’État qui limite leur marge deliberté.

• la mise en œuvre d’autorisations limitéesdans le temps,

• l’approbation des projets d’établissements,• la possibilité de modifier le Sros à tout

moment,• la possibilité de réaliser des contrats tri-

partites entre l’État, l’assurance maladie et lesétablissements,

• l’analyse des possibilités financières desétablissements.

Se profilent enfin en toile de fond de cesconfrontations l’évaluation des établissements,des relations qu’ils établissent entre eux, despratiques qu’ils mettent en œuvre, qu’il s’agissedes modes de faire (évaluations centrées sur leprocessus, l’efficience et l’efficacité) ou desraisons de faire (évaluations centrées sur l’uti-lité et la pertinence de l’objet évalué).

Dès lors, il s’avérait nécessaire de formaliserune réflexion sur l’articulation projet-Sros et deproposer des modes de gestion des relationsvisant à atteindre une mise en cohérence opti-

Recommandations du Coterschéma régional et projetd’établissement : relationsréciproques. Drass Rhône-Alpes.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVII

male de ces deux démarches. C’est la missionque s’était assignée ce comité technique parti-culier.

Les finalités

Une dernière approche possible dans un proces-sus de planification consiste à s’intéresser auxfinalités du système de soins, aux grands butsqu’il doit atteindre. La prestation de soins dequalité en est un exemple, la recherche de l’éga-lité de santé, ou du meilleur service pour un coûtdonné en sont deux autres, tout aussi fonda-mentales dans notre organisation des soins.L’Auvergne a ainsi réalisé son bilan du fonc-tionnement des services existants à partir de lasélection de quelques finalités qui ont étémesurées par une série d’indicateurs opération-nels et dont le résultat a été discuté avec les res-ponsables d’établissements.

La qualité est une finalité qui, de l’avis detous, doit guider un processus de planification.Mais un examen plus approfondi de cette no-tion permet d’appréhender quelques-unes desdifficultés que l’on rencontre pour la rendre

opérationnelle. En matière de soins, l’Organi-sation mondiale de la santé définit la qualitécomme le critère permettant « de garantir à cha-que patient l’assortiment d’actes diagnostiqueset thérapeutiques qui lui assurera le meilleurrésultat en termes de santé, conformément àl’état actuel de la science médicale, au meilleurcoût pour un même résultat, au moindre risqueiatrogénique, et pour sa plus grande satisfactionen termes de procédures, de résultats et de con-tacts humains à l’intérieur du système desoins ». L’OMS ajoute que la « qualité est sansdoute le facteur qui contribue le plus à donnerconfiance dans le système de soins, chez lesprofessionnels comme dans le public ».

La notion de qualité est inscrite plusieurs foisdans la loi hospitalière en termes de soins dequalité, d’évaluation des pratiques et des pro-fessionnels pour une prise en charge globale dumalade afin d’en garantir la qualité, de mise enœuvre, dans les services ou départements, d’ac-tions pour développer la qualité et l’évaluationdes soins. Les conditions techniques de fonc-tionnement fixées par décret dans le cadre dela délivrance des autorisations présagent d’unminimum requis.

Art. L 710-3, L 710-4,L 712-1, L 714-23

Art. L 712-9

Les grands objectifs du dispositif de soins

• Disposer des capacités d'investissements

• Renforcer les capacités des personnels à évoluer

• Diversifier les modes de prise en charge

• Gradation et complémentarité des réponses

• Utilisation optimale des structures

• Utilisation optimale des moyens en personnel

• Plein emploi des équipements médico-techniques

• Examen des inégalités intra-régionales dans la répartition des moyens

• Bonne gestion du poste « dépenses médicales et pharmaceutiques »

• Respect des normes et références en personnel, équipements, procédures, locaux

• Développer l'évaluation interne

• Affectation de personnel qualifié dans les emplois correspondants

• Réduire les pathologies secondaires aux soins

Adéquation entre les patients et les structures

Correspondance de l'équipement aux besoins quantitatifs dans une zone« géo-démographique » donnée

Favoriser l'adaptation du

dispositif de soins

Optimiser les ressources

Répondre aux besoins

Améliorer l'accès équitable aux soins

Assurer la qualité des soins

• Correspondance entre offre de soins et morbidité et/ou mortalité

• Améliorer les délais de prises en charge dans la structure de soins

• Limiter les obstacles économiques et sociaux d'accès au système de soins pour la population

• Proximité et accessibilité des soins

D’après A. Lopez, Organiser le dispositif de soins. Une méthode et un processus.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XVIII

Phénomène étudié(variables internes)

Environnement général(variables externes)

RétrospectiveMécanismes, tendances,

acteurs moteurs

Situation actuelleGermes de changement,

projets des acteurs

Délimitation du système et

recherche des variables-clés

Variables externes motricesVariables internes dépendantes

Jeux d'hypothèses, probabilitéssur les variables-clés pour le futur

Stratégie des acteurs

Scénarios

De même, compte tenu du fait qu’une plainten’est recevable que lorsque le requérant peutattester d’un préjudice, la « qualité » appréciéepar les tribunaux correspond essentiellement auminimum exigible et renvoie à la notion desécurité (primum non nocere).

La qualité du service rendu et la qualité del’organisation des soins sont deux aspects àentrevoir dans l’évaluation des pratiques quepose la loi hospitalière.

Dans un document OMS de 1984, Vuoriprécise les différentes dimensions de la notionde qualité en santé publique :

« • l’efficacité qui se définit comme le rap-port entre l’impact effectif d’une prestation oud’un programme dans un système et son impactpotentiel total en situation idéale ;

« • la rentabilité qui considère les résultatsde la prestation par rapport à son coût de pro-duction ;

« • la qualité scientifique et technique, quiest le degré d’application, dans les soins, desconnaissances et des techniques médicales dumoment ;

« • la satisfaction des consommateurs et despersonnels soignants, c’est-à-dire la satisfactionque procurent aux consommateurs les presta-tions, les prestataires et les résultats des soins,et la satisfaction que procurent aux personnelssoignants leurs conditions de travail ;

« • la continuité que caractérise un traite-ment global du patient considéré comme uneentité humaine, sous la direction d’un respon-sable central. »

La qualité des soins et des services se me-sure donc en fonction des résultats obtenus,compte tenu des ressources investies et de cequ’il est possible de réaliser dans un contextedonné. Pour apprécier la qualité, il faut doncétablir un lien entre une structure (ou des con-ditions), un processus (ou des façons de faire)et des résultats effectifs positifs ou négatifs.

Par ailleurs, il importe de préciser clairementqui définit les critères de qualité : les consom-mateurs, les prestataires de soins, les adminis-trateurs ou les décideurs ?

Ces finalités peuvent se décliner en termestechniques, tenant compte des exigences énon-cées par des experts. C’est le rôle des comitéstechniques que l’on retrouve dans pratiquementtous les schémas régionaux, dont une des fonc-tions est de proposer les références techniquesnécessaires au bon fonctionnement du systèmede soins.

Planification etprogrammation

des équipements

Planification, prospective, scénarios…

Ces termes sont souvent prispour synonymes. Pourtant, ilssont différents sur bien despoints. La planification est unprocessus d’aide à la déci-sion. La prospective est uneapproche originale d’un pro-blème qui valorise les échan-ges entre acteurs pour antici-per les changements afind’accroître les chances deréalisation des décisions col-lectives. Les scénarios fontpartie des méthodes de pros-pective.La méthode des scénariosrépond à des conditions deméthodes assez strictes, défi-nies ici par M. Godet. Elle né-cessite d’abord qu’un grouped’experts soit constitué, quirassemble des gens qui ont unregard compétent sur le pro-blème, cette compétence pou-vant être technique, aussibien que politiqueou associative.

La première étape de la dé-marche consiste à délimiterle système étudié : quels élé-ments constituent le systèmede soins, quels éléments fontpartie de son environne-ment…Puis on recherche les varia-bles-clés, susceptibles defaire évoluer le système desoins, et l’on sélectionneparmi ces variables cellesdont le degré de « motricité »(capacité à influencer lesautres variables-clés) estforte. Parallèlement, on dé-termine les acteurs qui sontles mieux placés pour in-fluencer l’évolution du sys-tème.Le scénario est alors cons-truit en combinant les évolu-tions probables des varia-bles-clés. Le choix devient

alors possible entreles différentes

alternatives.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XIX

Il apparaît clairement aujourd’huique la précision législative de ladélégation donnée par l’Agencefrançaise du sang permettragrâce au partenariat mené parcelle-ci avec les services cen-traux et régionaux du ministèrede la Santé, la réorganisation ter-ritoriale de la transfusion san-guine en moins de 18 mois.Il apparaît tout aussi clairementque l’imprécision de la déléga-tion attribuée à la Commissionnationale de restructuration desurgences, notamment dans ladéfinition et l’application de lapolitique relative à l’accueil desurgences aura été source de dif-ficultés à la réorganisation de cesystème. Les préfets de régionont dû ainsi définir au cours destravaux des schémas régionauxd’organisation sanitaire, des cri-tères techniques d’organisationd’accueil des urgences. Ces cri-tères pourront secondairementêtre en contradiction avec lesnormes de fonctionnement quele ministre de la Santé définirapar décret sur les modalitésd’accueil des situations d’ur-gence pris en application de laloi hospitalière de 1991. Ainsi, ladémarche de planification initiéeau niveau régional pourra êtrecontestée par la parution desnormes nationales.Dans le cadre d’une planificationthématique, la nécessité de ladéfinition d’une méthodologiepar les professionnels concernéss’impose. En l’absence d’une ré-gionalisation de notre systèmede santé, l’obligation de la cohé-rence nationale des schémas ré-gionaux thématiques exige quel’échéancier de la démarche soitmaîtrisé au niveau national par leministre de la Santé avec le sou-tien des professionnels concer-nés.

Face à la médiatisation des affai-res relatives au sang contaminéou à la pauvreté des équipe-ments des services d’urgence,l’État a été dans l’obligation demettre en place des politiquesthématiques.Ces politiques se réfèrent à unconcept commun, la notion deschéma régional d’organisation,soit de la transfusion sanguine(loi du 4 janvier 1993 relative à lasécurité en matière de transfu-sion sanguine), soit de l’accueildes urgences (loi hospitalière du31 juillet 1991 et circulaires DGS/DH des 7 et 14 mai 1991).La définition de la méthodologieemployée pour la réalisation deces schémas est donnée direc-tement par les professionnels desanté concernés avec le soutiendes services centraux du minis-tère de la Santé.C’est ainsi que la préparationdes schémas territoriaux d’orga-nisation de la transfusion san-guine (STOTS) est confiée àl’Agence française du sang, éta-blissement public à caractèreadministratif. Dans le cadre deson fonctionnement, l’agence faitappel à un personnel spécialisédans le domaine de la transfu-sion sanguine.Pour l’organisation des urgen-ces, le Pr Steg, auteur du rapportsur les urgences au Conseil éco-nomique et social, a été nomméen décembre 1991 président dela Commission nationale de res-tructuration des urgences. Sonobjectif principal est d’accélérerl’amélioration des urgences et dedéfinir une méthode d’évaluationde ces services d’accueil.La précision et l’étendue de ladélégation confiée par le minis-tre la Santé à ces instances tech-niques conditionnent la réussitede la démarche de planification.

Les schémas sanitaires spécifiquesLa transfusion sanguine et les urgences

La prospective

Tous ces éléments contribuent au diagnostic dela situation antérieure. L’étape suivante doitdonner, en complément des transformationssouhaitables à apporter, une dimension prospec-tive, afin d’assurer au Sros un caractère d’aideà la décision anticipée, vers des changementssignificatifs du système de santé.

Elle se base généralement sur des méthodesquantitatives de projections démographiques etstatistiques, mais les méthodes d’expert tendentà se développer de plus en plus. Ces méthodesconsistent à rechercher un accord sur les déter-minants principaux des services de santé dansl’avenir, et construire par choix raisonné diffé-rents scénarios possibles. Ce qui est recherchéce n’est pas tant la technicité de la prévision,mais plutôt un consensus sur la vision de l’ave-nir, afin que les anticipations sur lesquelles vontreposer les programmes d’action trouvent leurfondement dans la pensée des professionnels,ce qui augmente d’autant la probabilité que cesscénarios se réalisent.

Centralisation et

déconcentration

Les schémas régionaux d’organisation sanitairesont une des expressions de la « nouvelle pla-nification » née dans les années 80. Ils suiventune logique de déconcentration des services del’État, laissant aux autorités régionales unegrande latitude dans l’élaboration du schéma,sachant qu’elles auront à assumer les choix lorsde la phase de mise en œuvre. Cette délégationest allée très loin avec la loi de 1991, allantjusqu’à laisser la région libre d’utiliser lesméthodes de son choix et fixer les référentielstechniques.

Cette option n’est pas partagée par tous, ycompris par les services des Drass dont certainsauraient souhaité plus d’orientations nationales,afin d’avoir des arguments lors des négociationsparfois aiguës sur le terrain. Cette oppositionentre centralisation et déconcentration est visi-ble quand on rapproche les Sros des schémasde la transfusion sanguine.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XX

l’État peuvent se prévaloir d’une expériencecertaine, la conception des Sros n’a pas man-qué de soulever maintes difficultés en raison del’absence d’exemples et de références anté-rieurs sur lesquels ils auraient pu s’appuyer. Deplus, le ministère des Affaires sociales, con-fronté à des situations différentes et hétéro-gènes selon les régions pour ce qui est de l’offrede soins, ne pouvait leur fixer des objectifs uni-formes.

Dans ce contexte, la position adoptée par leministère de laisser aux régions une grandeliberté de manœuvre dans leur démarche con-ceptuelle se comprend aisément et explique lavariété des processus retenus par chaque régionpour concevoir et élaborer les schémas. Cettevariété se retrouve aussi bien dans la méthodo-logie retenue et l’analyse de l’existant par lesrégions, que dans les objectifs qu’elles se sontassignées. Dès lors, les relations qu’elles ontentretenues avec leurs partenaires et les ensei-gnements qu’elles ont tiré de cette expériencede planification ne pouvaient également quevarier selon les régions et témoignent des dif-

ficultés qu’elles ont rencontrées à chaque étapede la procédure.

Une approche différenteselon les régions

Avant l’adoption définitive de la loi du 31 juillet1991 portant réforme hospitalière, plusieursrégions, la Lorraine, la Basse-Normandie et lesPays-de-la-Loire notamment, ont été retenuescomme lieux d’expérimentation de l’élabora-tion du Sros. Cette anticipation de la mise enœuvre de la loi de 1991 a été mise à profit parchacune de ces régions pour concevoir et tes-ter sa propre méthodologie et ses instruments.Cette manière de procéder, si elle a été sourcede difficultés et de tâtonnements, n’en a pasmoins apporté une richesse d’initiatives loca-les qu’un encadrement plus strict par l’adminis-tration centrale n’aurait pas permis.

Présentés et voulus par le législateur commedes éléments complémentaires de planificationsanitaire, la carte sanitaire et le Sros ont sou-vent été conçus parallèlement par les régionsqui ont considéré que l’une et l’autre s’ap-

La loi de 1991 portant réforme hospitalière ne fixait pas d’objectifs uniformes aux

régions. Ces dernières ont bénéficié d’une large liberté pour l’élaboration de leur

Sros. Ceux-ci réalisés, on constate une grande diversité aussi bien dans les

méthodologies employées, l’analyse de l’existant que dans les objectifs retenus.

C ontrairement à la mise en œuvre de la cartesanitaire pour laquelle les services de

L’élaboration des SrosUne méthodologie variée

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXI

puyaient sur une analyse commune de l’exis-tant. Cependant, bien que la carte sanitaire ap-paraisse comme le moyen de fixer les objectifsà atteindre et le Sros comme l’outil pour y par-venir, plusieurs régions ont entrepris d’élabo-rer celui-ci avant d’arrêter celle-là.

Les services déconcentrés du ministère ontmultiplié les réunions d’information et les grou-pes de travail en y associant l’assurance mala-die, les professionnels de santé, les représen-tants de l’hospitalisation publique et privée, lesélus… Même quand certains des partenaires del’État se sont plaints de ne pas avoir été suffi-samment associés à l’élaboration des schémasou à la conception de la carte sanitaire, ils n’ontpas proposé de solutions alternatives.

Une analyse de l’existant partiellemais utile pour l’avenir

La mesure des besoins de la population, c’est-à-dire l’étude de la demande de soins, n’a pasconstitué le fil conducteur de l’élaboration desschémas. Organiser l’offre de soins à partir desbesoins de santé suppose une capacité à définirobjectivement ces derniers, qui aujourd’hui estloin d’être démontrée. Les données démogra-phiques et médicales qui abondent dans lesdocuments préparatoires des schémas, compo-sent seulement le décor général de l’environ-nement sanitaire des régions sans constituer labase et la cause de la construction des proposi-tions à faire figurer dans le schéma. Néanmoins,les études conduites par les Drass ou utiliséespar elles ont principalement servi à conforterles concepteurs du schéma dans leurs analysesantérieures sur les caractéristiques de la régionet les besoins de la population.

L’analyse quantitative de l’offre de soinss’appuie essentiellement sur deux indicateurs,la durée moyenne de séjour et le taux d’occupa-tion considérés par beaucoup comme rustiques.

L’analyse qualitative de l’offre de soins a étél’occasion de constituer des groupes d’experts,chargés d’élaborer des normes et des référen-ces d’organisation de soins reconnues par lesprofessionnels pour des activités médicales pré-cises.

La compatibilité des projets de Sros avec lesperspectives d’aménagement du territoire a étérecherchée en considérant que les Sros enétaient l’une de ses composantes. Néanmoins,la relance du débat sur l’aménagement du

territoire a contribué à « polluer » le débat ensuscitant des revendications souvent peujustifiées.

Des objectifs sanitaires plusqu’économiques

Dès le début de la démarche, les Drass ont es-sayé de prévoir et de susciter les évolutionsnécessaires de l’offre de soins, en vue de satis-faire de manière optimale la demande de santé,tout en ayant le souci des réalités économiqueset des contraintes financières. Il est certainqu’au fur et à mesure de l’avancée des travauxd’élaboration des schémas, la prise en comptedes contingences politiques et des intérêts lo-caux a conduit à s’écarter de l’idéal théoriqueque chacun s’était assigné à l’origine. C’estpourquoi, les préoccupations de maîtrise descoûts sont le plus souvent absentes des Srosarrêtés par les préfets et les restructurationsentreprises prennent en compte, plus largementqu’il n’était prévu au départ, les particularismeslocaux.

Un vaste exercice de communication

Se déroulant sur plus de deux années, l’élabo-ration des schémas a été, avant tout, un vasteexercice de communication, avec comme acteurprincipal la Drass. La démarche de planifica-tion impliquait nécessairement une impulsionforte de l’échelon régional, une concertationintense entre Drass et Ddass et devait s’appuyersur un large partenariat avec l’assurance mala-die et les hospitaliers. Même s’ils sont globa-lement positifs, les résultats varient selon lesrégions, les relations personnelles entretenueset les méthodologies retenues.

Les divers partenaires ont appris à mieux seconnaître, à collaborer, à conduire des enquê-tes en commun mais les travaux d’élaborationdu schéma n’ont pas occulté les divergences devue entre l’État et l’assurance maladie, d’unepart, les différences d’intérêts entre l’État et lesreprésentants des établissements de santé,d’autre part.

L’attitude des préfets est globalement jugéeattentiste ; ils paraissent plus souvent s’intéres-ser aux dossiers d’aménagement du territoirequ’à ceux des restructurations hospitalières. Lesélus ont adopté une attitude prudente et réser-

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXII

vée, quelquefois hostile, en raison des enjeuxliés à l’aménagement du territoire ou à la pers-pective des échéances municipales à venir.

Une démarche riche d’enseignementsmais à conforter pour l’avenir

En dépit de ses imperfections, la procédured’élaboration du Sros a fourni l’occasion demobiliser l’ensemble des acteurs publics et pri-vés et de multiplier les concertations et lesamorces de partenariat. Elle a accéléré la prisede conscience de la nécessité du changementmême si des considérations d’opportunité àcourt terme, liées notamment aux échéancesélectorales de 1995, en ont réduit la portée danscertains cas. C’est pourquoi, souvent, les orien-tations retenues dans les Sros devraient consti-tuer un cadre de référence pour les années àvenir, reconnu par l’ensemble des partenairespublics et privés.

L’originalité de la démarche tient, notam-ment, au fait qu’avec l’accord et l’encourage-ment de l’administration centrale, chaquerégion a pu construire son schéma selon sa pro-pre méthodologie. La variété des expériencesmenées par les régions permettra, au ministèredes Affaires sociales, de tirer de nombreuxenseignements pour l’avenir. D’ores et déjà,l’analyse de l’élaboration des premiers Srospermet de dégager quelques pistes de réflexionen vue de la mise en place des Sros de deuxièmegénération. Plusieurs thèmes paraissent devoirêtre approfondis :

• Un affichage politique plus clair au niveaugouvernemental : la procédure d’élaboration dupremier Sros s’est déroulée dans un contextepolitique marqué par un certain « brouillage »des messages émanant des autorités gouverne-mentales, en particulier, les contradictionsapparentes entre la politique de planification etde restructuration hospitalière et des considé-rations liées à la politique de l’emploi et del’aménagement du territoire.

• La maîtrise des incidences du premierSros : il s’agira d’accompagner les évolutionsproposées en tenant compte des normes budgé-taires et des situations financières réelles.

• La couverture par le Sros de l’ensembledu champ sanitaire : il devra être complété auniveau du moyen et long séjour et de la psy-chiatrie, afin de parvenir à un vision globale dela demande et de l’offre de soins.

L’élaborationdes Sros

Un schéma régional d’organisationsanitaire… et socialDans la région Midi-Pyrénées aussi, les inégalités sociales sont étroi-tement imbriquées aux problèmes de santé. La frontière entre lesdeux domaines n’est pas toujours nette, en particulier lorsqu’il s’agitdes personnes âgées dépendantes.Le schéma régional d’organisation sanitaire et social cherchera, àclarifier l’action de l’État afin qu’elle s’articule mieux avec celle descollectivités territoriales. Même si l’État n’est plus le principal acteursur le terrain de l’action sociale, il reste le garant de la justice so-ciale.Les insuffisances des actions d’un « État providence » dans des paysoù les pyramides des âges sont en train de s’inverser, et où les rup-tures des cellules familiales génèrent de plus en plus d’isolement,conduisent à la mise en œuvre de politiques transversales mieuxorientées, dont la coordination est indispensable. […] Au-delà desindications qui permettent de les mettre en place, elles n’améliore-ront réellement les prises en charge des personnes, que si toutesles institutions appelées à y participer sont bien conscientes de lanécessité d’une approche commune.

(Extrait de l’introduction du Sross Midi-Pyrénées)

• Le développement de l’analyse qualitativede l’offre de soins : les premiers Sros ont étéélaborés essentiellement à partir des instru-ments existants qui privilégient l’offre sur lademande et le quantitatif sur le qualitatif. Lesschémas ultérieurs devront intégrer davantageles approches fondées sur la demande et s’ap-puyer sur des indicateurs de qualité.

• L’organisation des réseaux et le lien entrele sanitaire, le social et le médico-social : struc-tures et actions de prévention, articulation entrecourt, moyen et long séjour, alternatives à l’hos-pitalisation et développement des services desoins infirmiers à domicile…

• L’amélioration des procédures d’élabora-tion du Sros : élaboration de référentiels natio-naux, aménagement des rôles respectifs desservices de l’État, de l’assurance maladie et desétablissements hospitaliers, gestion du temps,messages techniques et politiques…

Les effets constatés, positifs ou négatifs, nemanqueront pas d’avoir des répercussions dansles interventions futures de l’État et de sesreprésentants dans le fonctionnement et l’orga-nisation du système de soins. La connaissancesur le fonctionnement et l’organisation du sys-tème de soins, sur les filières, sur l’activité plusprécise des établissements… est un acquisincontestable du processus d’élaboration duSros pour les services déconcentrés.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIII

Les méthodes de planification n’ont pas pour fonction principale d’assurer une

maîtrise des dépenses de santé. On trouvera confirmation de cette idée dans le

Livre blanc sur l’assurance maladie. La fonction principale du dispositif de

planification sanitaire actuel est plutôt d’assurer la coordination des principaux

acteurs qui participent au service public hospitalier.

effets, du fait de l’absence d’une conceptionclaire du mode de régulation économique parles acteurs du système de santé : élus, techni-ciens de la santé publique et des administrationsde l’État ou de la Sécurité sociale, producteursde services, usagers-consommateurs. Cetteabsence de lisibilité du système de régulationprovient de la coexistence de formes relevantde trois modes différents de celle-ci, ou d’unetransition en cours entre les modèles tradi-tionnels qui sont ceux du marché ou de la con-currence et un modèle nouveau qui est unerégulation analysable dans les catégories del’économie des conventions.

Le Sros : davantage une aide à ladécision qu’un processus de décision

La notion de régulation économique s’applique-t-elle au Sros ? Elle est empruntée à l’analysesystémique. Tout système est soumis à une loid’entropie qui signifie un état de désordre crois-sant. Les mécanismes de régulation empêchent

ou retardent la destruction du système qui enrésulterait. D’après l’Encyclopedia universalis,la régulation est un ensemble de mécanismesqui rendent compatibles des jeux de variablesou des stratégies d’acteurs qui n’ont aucune rai-son de l’être a priori.

Pour ce qui nous concerne, il s’agit de ren-dre compatibles les offres des producteurs desoins ou de prévention et les demandes (ou lesbesoins) de la population. Le Sros est biendéfini dans la loi hospitalière comme la recher-che d’une meilleure réponse à la demande et unprocessus d’allocation optimale de l’offre régio-nale. Cette recherche se fait dans le cadre decontraintes réglementaires et organisationnellesvariées, qui régissent les autorisations, les ta-rifs, les missions et statuts des offerts. L’état desconnaissances en économie fait que le modèlele mieux connu est celui du marché. Mais onsait aussi combien son application pose pro-blème dans le domaine de la santé.

Les Sros ont mis en place des procédures,en général très développées, de concertation.Elles ont souvent été installées sans que laquestion des finalités du schéma n’ait étévéritablement tranchée et appropriée par les

L e Sros est un outil de gestion des politi-ques publiques qui reste limité dans ses

Régulation dusystème de soins

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIV

équipes projets. Lieux de rencontre de différentspouvoirs, politiques, administratifs, médicaux,ces instances de concertation ne peuvent jouercorrectement leur rôle que si chaque acteur jouebien le sien… ce qui nécessite qu’il soit clair.Beaucoup d’élus sont à la fois des « régula-teurs » et des producteurs de soins (le maire-président du conseil d’administration del’hôpital), l’assurance maladie est considéréesouvent sous l’angle exclusif d’un financeur

sans compétence régulatrice, ce qu’elle refuse,l’hôpital public se montre tout à la fois sous lejour gestionnaire interne, organisme de santépublique, pourvoyeur d’emploi et de tissuéconomique local. Les usagers font l’objet debeaucoup d’attentions… mais sont rarementreprésentés.

De fait, la concertation dans les Sros a étéprincipalement celle des professionnels entreeux. Elle a pour mérite immense d’avoir tenté

Régulationdu système

de soins

Les Sros permettent-ils une régulation quantitative des capacités d’offre ?Le diagnostic du Livre blanc

Divers moyens sont suscepti-bles d’assurer une régulationquantitative de l’offre desoins :• la responsabilisation desassurés et le recentrage surle gros risque ;• la régulation médicaliséepar le contrôle des acteurs ;• la régulation financière parles enveloppes ;• la régulation quantitativedes capacités d’offre ;• la régulation incitative parles modes de rémunérationdes soins.Relèvent de la régulationquantitative des capacitésd’offre : les instruments de laplanification hospitalière et lesdifférentes formes de nume-rus clausus. Ces instrumentsrépondent à une doublepréoccupation de santépublique et de maîtrise desdépenses. Leurs effetspeuvent être importants maisils sont difficiles à manier etexigent un niveau d’expertiseet d’information d’autant plusélevé que les normes sontdétaillées. À vouloir en fairedes instruments de pilotagefin du système, les pouvoirspublics se heurtent vite à des

limites indépassables : lessystèmes d’information neseront jamais assez parfaitspour que l’on puisse prévoirchaque année les besoins desanté sur l’ensemble duterritoire, et a fortiori pour endéduire l’allocation desressources nécessaires.L’objectif financier passe parun certain rationnement descapacités d’offre, dont oncraint qu’elles génèrent leurpropre demande : la thèsedite de la demande induite,repose sur la capacitésupposée des prescripteurs àajuster leur stratégie à desobjectifs de revenu ; ellecorrespond bien au cas deprofessions détenant unmonopole de l’expertise.[…] C’est le cas classiquedes rendements d’échellecroissants, qui justifie lessituations de monopolepublic. Ces argumentsjustifient sans doute uneforme de planification parl’État, notamment en ce quiconcerne l’hôpital. […] Lesindices de lits et les autorisa-tions d’activité sont des outilsde planification conçus pourorienter des flux montants :

comme on l’a vu, ils nepermettent pas de résorberun excédent et n’empêchentnullement une allocation desressources inefficiente, dontl’hôpital donne l’exempleaujourd’hui. La politiquehospitalière se trouveaujourd’hui placée devant unchoix : les intérêts locaux enjeu étant généralementpuissants, et peu sensiblesaux appels à l’intérêt général,faut-il restructurer le secteurpar un surcroît de planifica-tion, jusqu’à transformer leshôpitaux en services de l’Étatsoumis à une autorité régio-nale forte, ou au contraireaccorder encore davantaged’autonomie – et de respon-sabilité aux établissements –en jouant sur un mode incitatifd’allocation de ressources ?Cette seconde option sup-pose toutefois que le systèmerécompense les efforts deproductivité, et que lessanctions appliquées auxerreurs de gestion aient uneportée plus que symbolique.À défaut, le maintien de lasituation actuelle (l’autonomiesans la responsabilité) est lapire des solutions.

R. Soubie, J.-L. Portos, Ch. Prieur. Livre blanc sur le système de santé et d’assurance maladie. Paris : La Documentation française, 1994, 549 p.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXV

de dépasser les logiques professionnellescorporatistes pour définir des consensus de bon-nes pratiques, des référentiels de qualité. Elles’est plus située à un niveau de santé publiquequ’à un niveau de choix stratégiques, qu’elle acontribué à éclairer sans les assumer. En ce sensla dimension des Sros est plus celle d’une aideà la décision que celle d’un processus de déci-sion lui-même. Elle a permis de développer descritères de santé publique, sur une base profes-sionnelle de forte technicité, que les politiquesretiennent partiellement ou complètement dansune décision multicritère.

Vers une régulation conventionnelleou une non-régulation ?

La relation entre l’analyse et l’action est diffé-rente dans le cadre conventionnel de ce qu’elleest dans la planification. Dans ce dernier cas,la logique est de fabriquer une batterie d’indi-cateurs d’objectifs, de moyens et de résultats.Ils servent d’orientations stratégiques, demoyens d’action et d’évaluation, placent le pla-nificateur dans la position successivement destratège puis de gestionnaire de programmesindépendants. Les phases d’orientations straté-giques avec définition de priorités, de program-mation, de mise en œuvre, de suivi et d’évalua-tion, se suivent de manière fonctionnelle etlinéaire. Ceci correspond fortement à une logi-que très classique de santé publique et expliquel’attachement que lui portent les professionnelsde santé publique. Sa mise en œuvre repose surun système d’information très développé, per-mettant de connaître les besoins, de contrôlerles moyens des établissements, de les mettre enrapport.

Dans le cas d’une régulation convention-nelle, l’accent est mis sur l’élaboration desrègles du jeu par les pouvoirs publics et/ou lesprofessionnels, permettant d’encadrer et defavoriser des stratégies, les indicateurs sontmoins des objectifs stratégiques à atteindre, ausens classique d’objectifs quantifiés, hiérarchi-sés, etc., que des conditions à remplir surlesquelles un consensus s’est formé qui garan-tissent que les actions menées par les acteursiront dans le sens des orientations définies, leurlaissant une certaine souplesse d’adaptation. Onpeut interpréter la non-opposabilité des annexesdu Sros comme une illustration de ce point.Dans le cadre d’une démarche classique de pla-

nification, l’annexe doit être opposable pourgarantir l’atteinte d’objectifs précis. Dans lecadre de la régulation conventionnelle, elle n’apas à l’être, la démarche visant à définir lesrègles du jeu et à réduire les incertitudes (del’environnement comme des comportementsdes acteurs) qui font que la solution qui sedégage à un moment donné peut ne plus paraî-tre opportune au fur et à mesure que progressel’apprentissage collectif. Le système d’informa-tion cherche à réduire l’asymétrie d’informationentre les producteurs de soins et la tutelle.

Le schéma régional d’organisation sanitaireest né d’une réflexion critique sur les mécanis-mes antérieurs d’aide à la décision d’allocationdes ressources. Il procède à la fois d’un rejetdu marché, même si celui-ci a joué un rôle idéo-logique important de réhabilitation d’une pré-occupation d’efficacité et d’incitation, et d’unrejet d’un modèle de planification impérativedescendante. Celui-ci reste cependant plus oumoins confusément et implicitement un modèlede référence pour de nombreux professionnelsde santé publique qui voient en lui un modèleefficace reposant sur une logique opérationnelleforte, pouvant s’appuyer sur des données scien-tifiques. Il est aussi au cœur des questions quese pose l’État sur son rôle : désengagementcomme producteur de biens et services pourinvestir un rôle tourné vers l’instauration derègles du jeu et l’évaluation. L’abandon duterme de plan au profit de celui de schéma estrévélateur de la recherche d’un nouveau mo-dèle. Par contre aucun terme n’a remplacé celuide planification. L’économie de la santé con-naît un renouveau après une phase de déclindans les années 70 et début 80. Le marché restenéanmoins un modèle de référence fort auprèsdes décideurs politiques, car il débouche sur desoutils d’aide à la décision adaptés aux situationsde rareté. Le Sros est à la croisée de cet ensem-ble d’éléments qui renvoient aux pratiquesprofessionnelles comme aux développementsscientifiques. La plupart des schémas opèrentun mélange des modèles que nous avonsdéfinis.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVI

seconde génération de schémas. Il est probableque la maîtrise des dépenses et la planificationsanitaire seront désormais mieux distinguées.Sur la base des grands objectifs de la politiquede santé, il devient possible de rendre cohéren-tes la programmation d’actions régionales et laprogrammation des équipements. La rencontreentre les projets régionaux de santé et les Srosdonne à la notion de planification une dimen-sion nouvelle.

La programmation stratégique des actions desanté vise à développer progressivement avecl’ensemble des acteurs concernés les actions lesmieux adaptées au contexte en vue d’apporterdes solutions à moyen terme à un problème desanté identifié comme prioritaire pour la popu-lation de la région. Le résultat de ce processusest un projet régional de santé qui identifie lesobjectifs à atteindre, les actions à mettre enœuvre et les différents partenaires mobilisés parle projet. La programmation stratégique desactions de santé a été expérimentée en 1994 encollaboration avec la direction générale de laSanté et avec le soutien pédagogique de l’Écolenationale de la santé publique, par l’Alsace surle thème du cancer, l’Auvergne sur la périna-talité et les Pays-de-la-Loire sur les consom-mations d’alcool. Huit autres régions et undépartement d’Île-de-France débutent leur pro-grammation en 1995.

santé, les projets régionaux de santé se veulentl’instrument d’une politique de santé volonta-riste, centrée sur l’amélioration de la santé dela population. En effet, ils visent à favoriser lamobilisation, la concertation et la coordinationdes pouvoirs publics, des institutions et desassociations. Ils tentent d’impliquer, dans larecherche et la mise en œuvre des solutions, lespersonnes, leurs familles, leurs milieux de vieet les professionnels avec lesquels elles sont enrelation. Ils structurent, dans une approcheglobale, les activités de promotion de la santé,d’éducation, de prévention, de soins, de ré-habilitation et de réinsertion, et constituent ainsile complément des schémas régionaux d’orga-nisation sanitaire.

Trois régions expérimentales

Cette présentation de l’expérience de planifica-tion sanitaire au travers de la loi hospitalièremontre que les préoccupations d’organisationdu système de soins sont primordiales, au dé-triment de la poursuite d’objectifs de santépublique. La publication récente du rapport Lasanté en France et le choix d’objectifs priori-taires est un événement qui va marquer la

Vers une programmationrégionale de santé publique

Les méthodes de planification évoluent. Depuis 1994, une programmation

stratégique des actions de santé finalisée par objectifs est expérimentée dans trois

régions. Ces projets régionaux de santé sont centrés sur l’amélioration de l’état de

santé de la population.

P renant en compte les inégalités régiona-les dans la répartition des problèmes de

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVII

Elle dispose des instruments d’observationnécessaires à la définition d’une politique et desinstruments de formation pour sa mise enœuvre. Les ressources atteignent au planrégional un niveau suffisant pour permettre desréaffectations significatives. Enfin, la région estun échelon essentiel pour l’organisation dessoins. L’accent mis sur le rôle stratégique duniveau régional ne préjuge pas de l’absence depossibilités de négociation, de gestion et de pro-grammation aux niveaux du département, de lacommune et même du quartier.

La déclinaison au niveau régional des prio-rités nationales de santé suppose que soientidentifiées les priorités de chaque région. Cetteidentification a souvent débuté de façon plus oumoins explicite à l’occasion de l’élaboration desSros ou des débats organisés autour du premierrapport du Haut Comité de la santé publiqueStratégie pour une politique de santé. Les con-férences régionales sur l’état de santé et lespriorités de santé publique devraient parache-ver le processus d’identification des prioritésrégionales et leur appropriation par les acteurslocaux. L’identification des priorités est uneétape nécessaire, mais non suffisante à la miseen œuvre d’une politique centrée sur l’amélio-ration de la santé. Il s’agit ensuite d’agir pourréduire les conséquences de chacun des problè-mes identifiés.

Les projets régionaux de santé

La volonté d’agir est l’élément moteur des pro-jets régionaux de santé qui reposent sur le pos-tulat, admis par les différents acteurs concer-nés, qu’il est possible, par une action concertée,d’améliorer de façon significative l’état de santéde la population régionale et de contribuer ainsiaux grands buts proposés au niveau national.

Cette volonté a besoin, pour être efficace, des’appuyer sur une démarche rigoureuse. La pro-grammation des actions de santé débute par uneanalyse soigneuse du problème de santé dansla région dans l’ensemble de ses dimensions :déterminants sociaux, habitudes de vie, carac-téristiques des populations concernées, pointsfaibles des réponses apportées jusqu’à présent,qu’il va falloir corriger, points forts sur lesquelsle projet va pouvoir s’appuyer. Sur la base decette analyse, les objectifs du projet peuventensuite être envisagés. Ces objectifs sont for-mulés non pas en termes de moyens mais bien

Le contexte : un constat nuancé sur lasanté en France

Selon le rapport du Haut Comité de la santépublique, la santé s’est globalement amélioréeen France au cours des dernières années. L’étatde santé de la population française comportecependant des faiblesses : la situation de lamortalité prématurée et évitable est préoccu-pante. Les disparités persistent ou s’accroissententre hommes et femmes, entre catégories so-ciales et entre régions. Les maladies chroniquesaugmentent en raison du vieillissement de lapopulation. La crise économique fait émergerdes groupes fragilisés. La qualité de vie despersonnes handicapées ou malades est insuffi-samment prise en compte. Les problèmes liésau mal-être psychologique et social sont large-ment répandus.

En dépit du progrès des techniques médica-les, d’une couverture sociale très large et d’unniveau de dépenses élevé, les services de santéne peuvent, seuls, résoudre tous les problèmesde santé, ni réduire les écarts persistants. Il estdonc indispensable que d’autres secteurs que lesystème de soins interviennent pour concourirà l’amélioration de la santé.

Les centres de décision en matière de santésont nombreux (État, collectivités locales, as-surance maladie…). Il n’ont pas nécessairementune politique coordonnée, y compris lorsqueleurs compétences respectives devraient êtrecomplémentaires. Sur le terrain, les institutions,les professionnels, les associations ne coordon-nent pas toujours leurs efforts. Les usagers sontle plus souvent cantonnés dans un rôle passif.

Face à ce constat, quatre grands buts sontproposés pour une politique centrée sur l’amé-lioration de la santé. Ils correspondent aux fai-blesses identifiées : réduire la mortalité évitable,réduire les incapacités évitables, améliorer laqualité de vie des personnes handicapées oumalades, réduire les inégalités face à la santé.Ils sont eux-mêmes déclinés en seize prioritéscorrespondant à des problèmes de santé parti-culièrement importants pour le pays pour les-quels sont proposés des objectifs spécifiques.

Ces propositions constituent le cadre géné-ral d’une politique nationale d’amélioration dela santé qu’il est indispensable d’adapter àl’hétérogénéité des situations sanitaires, écono-miques, sociales et culturelles sur le territoire.Dans le cadre de cette adaptation, la région sem-ble constituer un niveau stratégique pertinent.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXVIII

en termes de résultats à atteindre, en termes demeilleur état de santé pour la population. Lesdifférentes activités à mettre en œuvre pour lesatteindre sont ensuite envisagées. La program-mation stratégique des actions de santé sur-monte les distinctions entre promotion et édu-cation pour la santé, prévention, soins, insertion,etc. en structurant ces différentes activités dansune approche globale et cohérente. Les activi-tés hiérarchisées dans le temps, structurées enautant de projets opérationnels que nécessairedans lesquels les responsabilités propres dechacun des acteurs qui les soutiennent ou lesaniment sont définies ainsi que les ressourcesqui vont être mobilisées. Le projet régional desanté comporte un système d’évaluation qui vapermettre de la réorienter en fonction des résul-tats atteints, des activités effectivement misesen œuvre, des obstacles rencontrés, etc.

L’une des caractéristiques essentielles de laprogrammation stratégique des actions de santéest l’importance qu’elle accorde aux différentsacteurs, décideurs, institutionnels, profession-nels et associatifs. L’élaboration d’un projet desanté n’a de sens que s’il est effectivement réa-lisé. Il ne peut l’être dans de bonnes conditionsque si les personnes qui auront à y participer, àdifférents niveaux, dans différents domainesd’intervention se sont appropriés le projet. Laconcertation de ces acteurs dès le stade d’éla-boration du projet est un élément majeur decette appropriation. L’identification d’objectifsexplicites et partagés leur procure une visibi-lité à moyen terme qui leur permet d’inscrireleurs propres activités dans le sens des objec-tifs du projet. La concertation entre les acteurspermet également une reconnaissance mutuellede leur compétence propre sans laquelle il nepeut exister de partenariat durable. Si la pro-grammation stratégique des actions de santéfavorise la mobilisation, la concertation et lacoordination des pouvoirs publics, des institu-tions et des associations, elle doit égalementimpliquer, dans la recherche et la mise en œuvredes solutions, les personnes, leurs familles, leursmilieux de vie et les professionnels avec les-quels ils sont en relation. Ce sont en définitiveles personnes qui constituent la population, quien adoptant des comportements plus favorablesà la santé, vont contribuer le plus à l’améliora-tion de l’état de santé, la démarche doit tenircompte de leurs aspirations.

Si les ressources consacrées à la santé peu-vent être considérées comme globalement suf-

fisantes, une partie d’entre elles pourraient êtreorientées de manière plus efficace. La program-mation stratégique des actions de santé doit per-mettre ces réorientations progressives avec unegrande transparence. Les projets régionaux desanté créent un lien explicite entre les buts àatteindre, les activités à mettre en œuvre, et lesressources déployées pour ce faire. Les diffé-rents partenaires du projet connaissent la partdes ressources prévues pour chaque secteurd’activités et les raisons qui justifient les inves-tissements réalisés ou envisagés dans chacun deces secteurs.

Une évolution décisivepour la gestion de la santé

Les enjeux dans le domaine de la santé ont long-temps été dominés par la gestion des serviceset singulièrement de l’hôpital public. Depuisune quinzaine d’années, la maîtrise des dépen-ses de santé a été placée, avec un succès limité,au cœur des priorités. Plus récemment, la sé-curité des soins a occupé le devant de la scène.Les projets régionaux de santé s’inscrivent dansun courant qui tend à recentrer les préoccupa-tions du système de santé sur l’amélioration dela santé, sans pour autant renoncer à la qualitéet à la sécurité des soins, ni aux impératifs d’or-ganisation des services en adéquation avec lesbesoins. La maîtrise des dépenses de santé estconsidérée, dans ce cadre, non pas comme unbut en soi, mais comme une contrainte incon-tournable.

Dans les années 70, le programme périnata-lité a été un exemple demeuré fameux de pla-nification dont la finalité était l’améliorationd’un problème de santé prioritaire. La planifi-cation sanitaire a ensuite été centrée essentiel-lement sur l’organisation des services à traversla carte sanitaire, les schémas départementauxde psychiatrie et de soins aux personnes âgées,et plus récemment les schémas régionaux d’or-ganisation sanitaire. Enfin, se sont développésles programmes de prise en charge des person-nes atteintes d’infection par le VIH. La pro-grammation stratégique des actions de santérenoue avec le caractère finalisé du programmepérinatalité, dans une approche toutefois plusdéconcentrée et sans doute moins technique,soucieuse de mobiliser plutôt que d’imposer.

La programmation stratégique des actions desanté, sans renier les efforts d’amélioration de

Vers uneprogrammation

régionale desanté publique

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXIX

la gestion du système de soins, propose de pas-ser à un stade supérieur : l’orientation du sys-tème vers des objectifs explicites d’améliora-tion de la santé.

La programmation stratégique des actions desanté offre une alternative à la gestion centrali-sée par directives qui suppose que l’adminis-tration centrale soit chargée non seulement deconcevoir les politiques nationales, mais aussid’en édicter les modalités d’application tandisque les services déconcentrés sont chargés del’exécution sur le terrain. Les directives sont iciremplacées par une impulsion, un cadre, unapport de méthode, une formation et un soutienaux projets élaborés. La participation de repré-sentants de l’administration centrale aux étapesclefs de l’évolution du projet est source d’unemeilleure compréhension mutuelle et d’un en-richissement réciproque.

Parmi les problèmes de santé identifiéscomme prioritaires au niveau national, très peu

L’importance du problèmeLa surmortalité masculine due àl’alcool, le pourcentage de respon-sables présumés d’accidents mor-tels de la circulation ayant unealcoolémie supérieure à 0,7 g/l, lenombre de débit de boissons parrapport au nombre d’habitants sonttous situés au-dessus de la moyen-ne nationale.Les structures de prévention et desoins ne sont pas assez dévelop-pées, insuffisamment coordon-nées, et inégalement répartiesentre les départements.

Les atouts de la régionAu regard de la difficulté du pro-blème, tenant particulièrement àson caractère multifactoriel, lesPays de la Loire disposent d’incon-testables atouts :Les acteurs de terrain sont motivésLe secteur associatif est très actifLes exemples de mise en réseaudes structures de soins sont pro-metteurs.

Pa

ys d

e l

a L

oir

e

Pays de la Loire, pays du bien boire, un mélange à maîtriser

Les objectifs• Diminuer dans les cinq ans àvenir les conduites d’alcoolisationà risque (ayant des conséquencesnéfastes pour l ’ individu ou lasociété, entraînant des dommagesphysiques, psychologiques ousociaux).• Faire en sorte que toute per-sonne confrontée, pour elle-mêmeou pour son entourage à des con-duites d’alcoolisation à risquepuisse accéder à l’ensemble desprestations sanitaires et socialesdans la zone géographique où elleréside.

Les actionsPrévenir• Mieux informer la population,directement ou par l’intermédiairede groupes relais sur l’alcool, seseffets et les manières de boire.• Développer les possibilités delibre choix face à l’alcool par desdémarches éducatives participati-ves destinées à faire évoluer les

valeurs sociales liées à l’alcool età sa consommation.• Sensibiliser toutes les personnesconcernées au respect des régle-mentations (responsables d’éta-blissements scolaires, chefs d’en-treprises, restaurateurs, policiers,gendarmes, magistrats…).• Promouvoir la consommation deboissons non alcoolisées par desactions diversifiées dans les diffé-rents lieux de consommation.Aider, soigner, réinsérer• Sensibiliser les professionnelsdu champ sanitaire et social àl’identification des conduites d’al-coolisation à risque et de leurs con-séquences.• Mieux faire connaître à la popu-lation et aux professionnels lesstructures de soins, de suivi et deréinsertion.• Adapter le dispositif de soins, desuivi et de réinsertion en fonctiondes besoins, coordonner le réseaudes acteurs pour une prise encharge continue et globale.

peuvent être résolus par un seul type d’acteur,et pour aucun, les moyens à mettre en œuvrene sont sous la responsabilité d’un décideurunique. Ainsi par exemple, les départements ontune compétence particulière en matière de can-cer, tandis que la lutte contre l’alcoolisme et letabagisme, principaux déterminants de l’appa-rition de cancers, sont sous la responsabilité del’État ainsi que la tutelle des établissementshospitaliers qui prennent en charge les malades,l’assurance maladie finance certaines activitésde dépistage et la quasi-totalité des soins auxmalades. Ainsi, aucune collectivité, aucun or-ganisme ne dispose à lui seul des compétencesqui lui permettraient de résoudre l’ensemble duproblème. Le partenariat est donc incontourna-ble. Dans ce partenariat, les services de l’Étatont à jouer pleinement un rôle d’impulsion etd’animation qui leur est rarement contesté dèslors qu’ils respectent les compétences propresdes autres partenaires.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXX

besoins de la population. Le cas est-ildésespéré ? Est-il impossible, ou seule-ment très difficile, de mettre en œuvreune planification qui tienne vraimentcompte des besoins de santé de la popu-lation ?

Longtemps, le « besoin » a été commel’intelligence : « c’est… ce que je me-sure », répondait en substance le spécia-liste de santé publique sommé par leplanificateur de trouver des critèresrationnels, socialement acceptables, à laprogrammation de ses actions. Qu’il eutdes doutes, c’est probable. En tout état decause, il faisait des réponses. C’est lemode de fabrication de ces réponses quinous intéressera ici.

En revanche on rencontre moins deproblèmes pour préciser ce que planifierveut dire. Planifier, c’est mettre en œuvreun processus de concertation, tenantcompte des besoins et des contraintes, quidébouche sur des décisions techniquesprises en application d’orientationsdéterminées sur le moyen ou le longterme. Dans le domaine de la santé, enFrance, deux types de travaux relèventtraditionnellement d’une telle définition :• jusqu’au début des années 80, desorientations ont été définies en matière desanté dans le cadre d’une planificationnationale débouchant sur une loi de Plan

a planification contribue médio-crement à la prise en compte des

quinquennal. Elles ont été accompagnéesd’objectifs globaux mais chiffrés ;• la loi hospitalière de 1970 devait con-duire à des travaux spécifiques sur leséquipements hospitaliers et médicaux,débouchant également sur des décisions(réglementaires). Ce processus de plani-fication sanitaire aurait pu aisément« s’emboîter » dans le précédent ; avecdes indicateurs de référence communs,une composition adéquate des commis-sions sollicitées, il était naturel d’établirun tel lien.

Dans ce double processus, l’étude desbesoins de la population était supposée seréaliser à la fois aux niveaux local et na-tional, et les préférences de la population,supposées s’exprimer par la voix de sesreprésentants (élus, partenaires sociaux)dans toutes les instances de concertation.Pour rationnel qu’il fût, ce double proces-sus n’a cependant pas fonctionné selon ceschéma idéal, et la loi hospitalière de1991 lui a substitué un processus nou-veau, centré sur l’élaboration des sché-mas régionaux d’organisation sanitaire.

Quelles que soient les améliorationsapportées par le dispositif qui vient dedéboucher sur une première génération deSros, on peut douter qu’un certain nom-bre des facteurs qui ont fait obstaclependant deux décennies à une bonne priseen compte des besoins de la populationaient totalement disparu. Les nouvelles

L

Planification et besoinsde santé de la population

t ribune

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXI

dispositions ont surtout cherché à remé-dier au manque de référentiels sur l’or-ganisation et à la faiblesse des réflexionssur la cohérence des dispositifs. L’expres-sion des besoins de la population et leurprise en compte se heurtent toujours à desdifficultés réelles, relevant en partie dusystème institutionnel qui n’a été que par-tiellement modifié, en partie d’une mo-bilisation trop faible de connaissances surla santé de la population. Ces deux fai-blesses sont évidemment liées.

Les obstacles institutionnels àune prise en compte des besoinsde santé

Depuis cinq ans, plusieurs rapports remisaux Premiers ministres successifs ontsouligné plus vigoureusement que jamaisles difficultés créées par la répartition peuclaire des responsabilités entre collecti-vités publiques et assurance maladie,favorisant une dilution des objectifs desanté publique au profit de raisonnementsgestionnaires et comptables.

Responsable du financement dessoins, l’assurance maladie n’est cepen-dant :• ni chargée des actions de prévention ;• ni mobilisée pour promouvoir la santépublique ;• versant a posteriori ses paiements enfonction des consommations constatéesou de décisions incrémentales prises parune autorité extérieure (taux directeur desbudgets hospitaliers), elle n’a pas à s’en-gager dans un processus de réflexionpréalable sur l’allocation efficiente desressources qu’elle gère indirectement ;• les procédés « d’évaluation » auxquelselle consacre traditionnellement l’essen-tiel de ses efforts relèvent soit du contrôlecomptable, soit du contrôle bureaucrati-que (vérification de droits ouverts, del’effectivité des actes remboursés, de laconformité des profils médicaux…) ;• non responsable enfin des décisionsconcernant les prélèvements (cotisations)qui assurent son équilibre financier ;• laissant aux pouvoirs publics le soind’instruire et de mettre en application lesdécisions relevant de la planification sa-

nitaire, l’assurance maladie n’a guère deraisons de se positionner institutionnel-lement comme un organisme de veille surles besoins de la population. Sans doute,depuis le milieu des années 80, unesensibilité croissante aux questionsd’efficience au sein de l’assurance mala-die et en particulier au contrôle médical,est-elle nettement perceptible. Cette sen-sibilité devrait conduire progressivementà rapprocher dépenses, activité médicaleet besoins de la population. Les observa-tions réalisées dans cette optique seraientprécieuses pour la planification. Elles fontcependant encore rarement l’objet d’unrassemblement d’ensemble soumis publi-quement à la réflexion.

La prise en compte des besoins de lapopulation devrait revenir à l’État. Maisles pouvoirs publics sont également enretrait. Ils souffrent depuis longtemps decertains handicaps. Débouchant sur desorientations et des décisions, la planifi-cation ne s’attache qu’aux variables surlesquelles un pouvoir effectif s’exerce.Or :• l’État, responsable des conditions gé-nérales de la santé publique (contrôle del’hygiène, exercice de la médecine pardes diplômés…), a des pouvoirs limitéssur l’activité de soins. Il n’exerce guèrede pouvoirs sur la distribution des servi-ces de soins proprement dits (les méde-cins de ville exercent en toute indépen-dance et en solo, les hôpitaux sous tutellede l’État ne rendent guère de comptes surla nature et l’origine des troubles qu’ilssoignent et ne reçoivent pas de directivesdans ce domaine). L’« indépendance »traditionnelle de la médecine a ses con-treparties. La planification s’exprime,aujourd’hui encore, surtout en termes derépartition géographique de l’offre ;• les pouvoirs publics ne peuvent exer-cer d’action directe sur les dépensesengagées. Ils prennent des décisions surles tarifs, la progression des budgets, leséquipements, mais ne disposent guère demécanismes d’allocation pour les res-sources de fonctionnement, dont levolume et la répartition demeurent large-ment constatés a posteriori. Les effectifsde personnels hospitaliers, soumis aucontrôle de la tutelle, n’ont paradoxale-

ment jamais fait l’objet d’une plani-fication. En planifiant une offre sansexpliciter clairement l’activité qu’elle estsupposée permettre ou… générer, per-met-on les rapprochements recherchésentre besoins et offre planifiée ?• les ministères chargés des Affairessociales et de la Santé n’ont qu’un faiblepouvoir d’agir sur un grand nombre desvariables déterminantes pour la santé despopulations (conditions de vie, conditionsde la conduite routière, politique du tabacou de l’alcool…). Là s’introduisent denouveaux doutes : les besoins de santé,non réductibles à des besoins de soins,sont-ils « planifiables » avec les seulsmoyens dont disposent ces deux dépar-tements ministériels ?• enfin, on sait que l’expression des élusou des partenaires sociaux peut êtremotivée par des soucis d’emploi ou deprestige qui n’ont que peu de chose à voiravec les besoins de santé. Si leurs inter-ventions ne sont pas appuyées sur desolides travaux techniques, leur présencedans les instances de planification n’of-fre donc guère de garantie pour une bonneprise en compte de ces « besoins ».

Dans les processus de planification, ona beaucoup usé d’échappatoires institu-tionnelles formelles : pendant de nom-breuses années, il a paru suffisant d’offriraux représentants légitimes de la popula-tion l’occasion de se prononcer. Ils sesont prononcés, somme toute, sur deschoix secondaires comme la localisationdes équipements, mais guère sur deschoix plus fondamentaux concernant lesproblèmes de santé ou les techniques aux-quels il convenait d’accorder une atten-tion particulière.

Au total, le dispositif institutionneln’incite pas l’État à jouer un rôle très actifpour évaluer et prendre en compte lesbesoins de la population. L’élaborationdes cartes et des schémas ne conduitguère à raisonner en termes d’affectationsfonctionnelles des dépenses courantesselon les « besoins ». Au reste, l’organi-sation interne de l’administration centraledu ministère reflète assez bien la décon-nexion de fait entre les fonctions degestion de l’offre (essentiellement ladirection des Hôpitaux), les fonctions

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXII

d’observation des états de santé et desconditions techniques de l’exercice mé-dical (direction générale de la Santé), etles fonctions financières (direction de laSécurité sociale) : quelle instance admi-nistrative est vraiment responsable de lastratégie globale, tenant compte à la foisdes contraintes de financement et de ges-tion et des besoins de la population ?

Quant à l’usager, on l’a laissé « voteravec ses pieds », en l’absence de choixcollectifs significatifs, sans guère s’inter-roger (et l’interroger) sur les chemine-ments qui l’avaient porté à consommer telsoin dans tel ou tel service.

Dans un tel contexte « mou », rien n’aconduit non plus à développer des instru-ments performants de connaissance adap-tés aux besoins de la planification sur lesproblèmes de santé et les recours auxsoins de la population. On s’en est long-temps contenté. Mais dans la périoderécente la rareté des ressources a donnéun nouvel intérêt à ces notions : commenten effet limiter les dépenses ou leurprogression sans identifier les besoins, leshiérarchiser, protéger ceux qui apparais-sent « prioritaires » ?

Une faible mobilisation desconnaissances sur la santé despopulations

Les évolutions récentes conduisent à con-sidérer les instruments traditionnelsd’approche des besoins de la populationcomme très insuffisants :• les données démographiques sont,certes, une base de projection indispen-sable. Mais quand les disparités localesd’équipements et de consommation sontaussi fortes qu’en France, quels critèresnormatifs appliquer à ces données pourdéboucher sur une planification ?• les fréquentations ou les consomma-tions constatées ont traditionnellementservi à la fois de « base historique » pourapprocher le devenir des équipements etde substituts à des données de besoins (lefaible taux d’occupation d’un servicehospitalier justifie sa suppression).Médiocres substituts, en vérité, car lescheminements qui ont conduit à ces con-

sommations sont abusivement considéréscomme inaccessibles aux effets des po-litiques publiques : la référence auxconsommations constatées est alors sus-ceptible de servir surtout des corporatis-mes particuliers ;• enfin, les attentes légitimes du public(« les usagers potentiels ») n’ont pastrouvé de modalités organisées d’expres-sion, si ce n’est, a posteriori, au traversdes médias ou des flux de clientèles cons-tatés. C’est probablement un des facteursqui explique la place très insuffisante desinstruments de mesure de la qualité de viedes populations, aux côtés des indicateursde mortalité ou de morbidité pour appré-hender les besoins.

Jusqu’à une date relativement récente,l’observation de l’état de santé de la po-pulation était l’apanage d’instances scien-tifiques spécialisées (Inserm, Comiténational des registres, réseaux de sur-veillance…) ou d’équipes de chercheurs,dont le partenaire institutionnel était ladirection générale de la Santé. Les objec-tifs poursuivis étant la surveillanceépidémiologique et la production deconnaissances, il était naturel que le choixdes thèmes retenus et le cadre géographi-que des études laissent peu de place à despréoccupations opérationnelles (exem-ples : registre des malformations congé-nitales de l’enfant, études de pathologieslimitées à un ou deux départements).

La création des Observatoires régio-naux de la santé a rapproché la missiongénérale d’observation du système déci-sionnel local et contribué de façon signi-ficative à la renaissance du concept debesoins, à partir de données comparativeschiffrées, faciles à appréhender. Uneétape supplémentaire pourrait être fran-chie si les épidémiologistes des institutsde recherche et des universités étaientmobilisés pour alimenter les réflexionsopérationnelles (qui en retour, peuventoffrir aux recherches les plus académi-ques des données de qualité).

Cependant, les conditions d’encadre-ment réglementaire de la planification(normes médico-techniques, fixationd’indices, maîtrise de la démographiemédicale) sont restées largement centra-lisées et, par conséquent, découplées des

lieux de définition et de production desdonnées sur l’état de santé ou ses déter-minants. Dès lors, le risque demeured’une déconnexion entre la logique desbesoins et la recherche d’une meilleureorganisation territoriale de l’offre desoins. Une des conséquences en serait uneinéquité plus grande d’accès aux soins,(l’équité supposant un traitement diffé-rencié des situations selon la nature etl’ampleur des besoins).

Le concept de « besoins de santé de lapopulation » est donc paradoxalementdémobilisateur, dans la mesure où les spé-cialistes de santé publique savent qu’il nepeut guère aujourd’hui déboucher sur desapplications concrètes satisfaisantes, enl’absence surtout d’instruments de con-naissance adaptés. De façon quelque peuparadoxale, il semble que le processus deplanification ne puisse tenir compte desbesoins de santé de la population que si,auparavant, on accepte de limiter sesambitions à quelques priorités reconnues(ce qui souligne l’importance, pour lesdéfinir, d’une concertation élargie au-delàdes professionnels et des élus).

Sans un tel complément, il apparaîttrop flou et trop vaste pour donner priseà des analyses rationnelles et à des orien-tations précises. La demande accrue desécurité, de la part du public ou d’uneopinion secouée par diverses affaires quiont ébranlé sa confiance, contribue enoutre aujourd’hui à élargir l’écart quisépare « demande » et « besoins » et àrendre plus complexe l’approche de cesderniers.

Pour éviter la paralysie ou la disper-sion inefficace, la solution est probable-ment de passer par une étape de sélectiondes domaines où doit s’exercer une actionvolontariste de la puissance publique. Cepeut être, comme aux Pays-Bas, au tra-vers d’une définition d’un « panier desoins et de services » minimum, ce quepropose notamment le rapport Soubie. LeHaut Comité de la santé publique, poursa part, propose d’adopter tout ou partiedes « objectifs spécifiques pour des pro-blèmes de santé prioritaires » et d’en fairel’axe central des exercices de planifica-tion à moyen terme. Les besoins seraientrepérés essentiellement à partir de l’écart

tribune

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIII

entre ces objectifs « cibles » et les réali-tés régionales, la préoccupation du niveaucentral étant de faciliter le « rattrapage »des régions les plus défavorisées.

Quoiqu’il en soit, ceci suppose que lespolitiques acceptent ce débat, pour amé-liorer l’efficacité et l’équité de l’offre desoins, et préparent l’opinion publique àcette approche sans doute plus modeste,mais plus réaliste, des « besoins desanté ». Ils peuvent y être puissammentaidés par les procédés d’une gestion plusrigoureuse des dépenses de santé qui ontété mis en place au cours des dernièresannées.

Au total, les modifications réglemen-taires de la planification intervenues cesdernières années paraissent moins déter-minantes pour l’évolution des mentalités,des instruments d’analyse et des proces-sus de décision que les divers change-ments intervenus dans des domaines con-nexes (contraintes budgétaires, accordsde dépenses avec les professions de santé,régionalisation des enveloppes…). Ainsi,au fur et à mesure que le processus de pla-nification se « dilue » dans un ensembleplus vaste d’interventions qui visent à« mieux gérer » la santé, pourrait se pré-ciser et se mettre en œuvre un concept de« besoins de santé d’une population » unpeu plus opératoire.

Marianne Berthod-WurmserChef de la Mission recherche expéri-mentationDominique BaubeauMédecin inspecteur en chef de la santéDirection des Hôpitaux

C ontribuer de façon significative à laprise en compte des besoins de

santé de la population, tel doit être l’ob-jectif constamment recherché de laplanification sanitaire et sociale. EnRhône-Alpes, les événements de la Mureviennent, tout récemment, de mettre sousles feux des projecteurs cette questiond’actualité. La fermeture, par arrêtépréfectoral, de la maternité, unique éta-blissement de ce type sur le plateaumatheysin, a en effet déclenché un mou-vement de protestation sans précédent.Quatre cents maires et conseillers muni-cipaux ont démissionné en bloc, cinqmille personnes ont manifesté un après-midi durant. L’assemblée régionale, quej’ai honneur de présider, n’est pas restéeinsensible. À l’unanimité, elle s’est pro-noncée favorablement sur un vœu quiconsidère que « la fermeture de cette ma-ternité va à l’encontre de la logique laplus élémentaire d’aménagement duterritoire et est en contradiction flagranteavec tout les efforts déployés pour lareconversion économique de la Mathey-sine ». Une mobilisation qui a porté sesfruits, le ministère des Affaires socialeset de la Santé décidant de rouvrir la ma-ternité de la Mure, compte tenu de sonéloignement de Grenoble. Une heureuse

Planification sanitaire en Rhône-Alpes

Aménagement duterritoire et

solidarité régionale

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIV

tribune

nouvelle qui me satisfait pleinement etme conforte dans l’action menée enRhône-Alpes.

En effet, malgré l’absence d’attribu-tions légales, la région s’est fortement im-pliquée, de façon tout à fait volontariste,aux côtés des collectivités et de l’État,depuis de longues années, dans une poli-tique sanitaire et sociale d’envergure.Ainsi, le budget 1995 d’un montant totalde 80 millions de francs se décline en ter-mes d’aménagement du territoire, dans unsouci sans cesse renouvelé de solidaritérégionale. Il prend en compte, en complé-ment des interventions existantes, de nou-velles orientations : vieillissement despersonnes handicapées, dynamisation despolitiques de prévention de la santé etcoordination du maintien à domicile.

Dans le détail, la région Rhône-Alpesapporte un soutien au secteur des person-nes âgées par sa participation aux réno-vations et extensions d’établissements,par des opérations portant création denouveaux lits médicalisés, par la pour-suite de l’aide à la coordination des ser-vices concourant au maintien à domiciledes personnes âgées, en partenariat avecla Caisse régionale d’Assurance Maladieou dans le cadre des contrats globaux dedéveloppement ainsi que par l’humanisa-tion des lits d’hospice dans le cadre duContrat de Plan.

En faveur des personnes handicapées,la région privilégie la création ou l’agran-dissement des structures de travail(centres d’aide par le travail et ateliersprotégés). Elle encourage les structurescapables d’apporter des réponses inno-vantes et structurantes en matières d’hé-bergement des personnes handicapéesvieillissantes. Elle aide les projets origi-naux et innovants visant à l’intégrationdans la cité de ce public si souvent rejeté,cloisonné.

La région apporte également une aideen matière d’adaptation des logementsaux personnes âgées souhaitant rester àleur domicile malgré la dépendance.

Elle s’implique aussi au niveau desaspects sociaux de la politique de la ville,par le biais de valorisation de program-mes locaux d’insertion concourant à lavie du territoire rhônalpin.

Enfin, elle mène une politique activede prévention en direction notamment desjeunes, via des campagnes de sensibilisa-tion (bruit, sida, alcoolisme).

Autant d’actions qui s’attachent àprendre en compte les besoins de santé dela population rhônalpine.

Charles MillonPrésident de la région Rhône-Alpes

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXV

région Rhône-Alpes. Elle entend bienpoursuivre, dans le cadre de ses deuxmissions principales, la maîtrise de l’évo-lution des dépenses de santé et la recher-che de la qualité du service rendu auxassurés.

La richesse de cette expérience nouspermet de mettre en évidence l’intérêt quenous avons trouvé à cette démarche : lepassage d’une planification de papier àune planification globale fondée sur lesbesoins.

Les besoins de santé ont en effet étéconçus de manière plutôt restrictive de-puis la loi hospitalière de 1970, qui cher-chait à les encadrer. La dernière loi hos-pitalière a enrichi les outils disponibles eninstaurant le Sros et ses annexes, plus enprise avec la réalité de terrain.

Il n’en reste pas moins un certain flousur la notion même de besoin, étrange-ment anonyme, impersonnelle et difficileà cerner puisqu’elle ne s’exprime que parla négative, dans le cadre de la réponsequi lui est apportée par l’offre.

Nous proposons de la considérer dansson aspect positif et de voir en elle unmoteur de l’évolution de l’offre de soins.

La démarche entreprise dans la régionnous a permis de prendre conscience dela volonté de limitation des besoins puisde leur révélation dans l’échange entre

assurance maladie s’est engagéepleinement dans la planification en

partenaires de santé. Nous proposons depoursuivre avec une vision globale dessoins et une concertation permanente en-tre acteurs.

La planification traditionnelleprend en compte des besoinspréétablis pour les limiter

Sans insister sur les indices… de besoinfixés unilatéralement et sans transpa-rence, qui empêchent l’offre de s’accroî-tre, il faut souligner la longue absenced’outils de planification ciblés.

Lors du débat sur le redécoupage dela carte sanitaire dans la région, l’assu-rance maladie a été amenée à proposer unoutil nouveau, celui des flux d’hospitali-sation. Il s’agissait pour elle d’exploiterles informations de séjour en sa posses-sion pour dessiner une carte montrant leslieux d’hospitalisation par discipline enfonction du domicile des malades.

Ce faisant, nous avons introduit unenouvelle logique dans la démarche, laprise en compte de la réalité des choix desassurés sociaux. La question se pose sou-vent du caractère théorique de la planifi-cation. Si elle se fonde sur des constatsplutôt que sur des affirmations prééta-blies, elle aura plus de chance de s’ancrerdans la réalité.

Jusqu’alors les besoins étaient pris en

L’

De la planification de papier àl’organisation régionaleglobale et dynamiquedes soins

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVI

considération comme préexistants etconnus, mais victimes d’une tendance àl’expansion qu’il s’agissait d’encadrer enlimitant l’offre de soins pour casser la dy-namique entre l’offre et la demande,assimilée aux besoins. Cette conceptionest dépassée.

Les besoins peuvent êtreappréciés dans la rencontre entrepartenaires de santé

Nous savons que les besoins ne peuventlongtemps être niés. Ils finissent par faireirruption et obliger le système à évoluer.Le développement des alternatives àl’hospitalisation en est une illustration.

Le débat que nous avons eu dans la ré-gion sur le contenu du schéma régionald’organisation sanitaire a permis de fairese rencontrer des partenaires qui s’igno-raient souvent ou n’avaient pas l’habitudede travailler ensemble. Cette synergie arendu les uns et les autres plus perfor-mants et plus sensibles à leur spécificitédans l’exercice de leurs missions.

Un vocabulaire commun a été adopté,des règles du jeu reconnues pour l’évo-lution des structures, un consensus mini-mal sur le constat de l’existant est apparu.

La prise en compte du point de vue desprofessionnels a enrichi le débat et per-mis de réfléchir avec plus d’efficacité. Laconnaissance de l’existant, à laquelle l’as-surance maladie a largement participéavec des enquêtes transversales et le fruitde ses travaux courants finalisés pour laplanification, a permis d’approcher lesbesoins de manière plus précise, parl’analyse.

Il reste cependant à poursuivre danscette voie car la logique d’ensemble de-meure celle d’un encadrement de l’offreplutôt que d’une organisation globale dessoins.

La nécessité d’une vision globaledes soins

Au lieu de partir des structures, nous pro-posons de partir de la prise en charge glo-bale de la personne préconisée par la loi

hospitalière de 1991 et de penser l’orga-nisation des soins dans un cadre général,à la fois sanitaire et médico-social, lesdeux aspects, bien que distincts, se révé-lant fortement complémentaires.

Une telle perspective est valable à lafois au niveau de chaque établissement etau niveau de l’ensemble de la région.

La prise en charge globale de la per-sonne implique une reconnaissance de lamédecine interne, dont l’approche privi-légie une vision d’ensemble du malade,une organisation des soins de suite et deréadaptation large, à la fois de rééduca-tion et de convalescence, en tenantcompte de l’aspect social et médical.

Un schéma régional d’organisation so-ciale complèterait l’existant pour formerun schéma régional d’organisation dessoins, fondé sur les besoins de la personneet non sur les structures qui les délivrent.

L’exemple des bassins gérontologi-ques, dont la création a été demandée parl’assurance maladie au préfet, illustrecette volonté de mettre en synergie lesinstitutions au service des personnesâgées et de permettre le maintien à domi-cile en le concevant dans un ensemble deservices, dont ceux que peut rendre ponc-tuellement l’hôpital.

Une telle planification ne se décrètepas d’emblée mais résulte d’une largeconcertation.

Pour une planification itérative etparticipative

La participation des acteurs à la réflexionsur l’organisation des soins devrait per-mettre de fixer des objectifs réalistes eten prise directe avec le terrain, facilitantainsi l’évolution souhaitée. Le nécessairesuivi des objectifs conduit à revoir enpermanence le dispositif pour le rendreplus efficace, en associant les acteurs àcette évaluation, enrichie par l’expériencedes uns et des autres.

Les projets d’établissement consti-tuent à cet égard une occasion privilégiéede dialogue entre les partenaires, sur leconstat de l’existant puis sur les perspec-tives. Le débat pourrait alors s’ouvrir auxacteurs concernés par la prise en charge

des malades, en amont ou en aval de l’éta-blissement, et déboucher sur une vérita-ble organisation des soins en réseau.

À ce moment, la prise en compte desbesoins réels des assurés apparaît. Ellenaît du dialogue, de l’analyse et de lavolonté de comprendre puis de répondreau mieux aux besoins reconnus.

Une organisation souple mais forma-lisée doit se mettre en place pour permet-tre et organiser une telle planification. Lesuivi des objectifs fixés constitue un in-dicateur de l’implication de chacun dansla démarche, tout en garantissant l’effi-cacité du dispositif.

Poursuivons…

Nous sommes donc au milieu du gué,dans la région, entre une planificationthéorique, de papier, et une planificationparticipative où chacun joue son rôle vis-à-vis de ses partenaires dans un dialogueconstructif qui permet de déboucher surune organisation globale et réaliste dessoins au service des personnes et non desétablissements.

L’analyse des besoins, en zone isolée,ou en psychiatrie par exemple, ne peutêtre sanitaire ou médico-sociale. Elleappelle une réponse globale.

La finalité de la planification elle-même comme celle des institutions qui yconcourent ou sont impliquées, réappa-raît dans cette conception large, de ser-vice, à laquelle l’assurance maladie estattachée.

Nous sortirons alors complètement del’ère de la planification de papier.

Jacques KinerDirecteur de la caisse régionaled’assurance maladie de Rhône-Alpes

tribune

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVII

place la régulation de l’offre de soins aucentre du dispositif de maîtrise des dépen-ses de santé, et l’impact des schémasrégionaux est bien réel, si l’on en juge parles réactions sociales et médiatiques nom-breuses qu’ils suscitent.

Pour autant, cette action de planifica-tion demeure largement inadaptée, carelle prend insuffisamment en compte laréalité du fonctionnement de l’hôpital,mais aussi des professionnels de santé.

Pour améliorer la réponse aux besoinsde santé de la population, nous pensonsqu’il est indispensable d’appuyer la pla-nification sanitaire sur la mise en réseauxdes professionnels, intégrés dans uneapproche stratégique, institutionnelle,menée en partenariat avec son environ-nement par chaque établissement desanté.

Sur la base de l’expérience lilloise,dont le bilan effectué en avril 1994 parl’autorité de tutelle conclut à la perti-nence, nous pensons pouvoir tirer un pre-mier enseignement général : l’élaborationde la carte sanitaire tenant compte desprojets d’établissements approuvés, lerôle de la stratégie des établissementspeut être reconnu à part entière commeélément de la réponse aux besoins de lapopulation dans le cadre d’une démarchede planification élargie.

a nouvelle planification sanitaireissue de la loi du 31 juillet 1991L Le discours ambiant : la critique

globale de la maîtrise de l’offre

La publication des schémas régionauxd’organisation sanitaire (Sros) génère denombreuses réactions défavorables.

L’argument classiquement opposé à laplanification et fréquemment repris parles médias, se réfère aux limites d’un pro-cessus centralisateur, considéré commeréducteur : c’est la planification contrel’accès aux soins.

Ce raisonnement met en avant la luttecontre la désertification des zones rura-les, alors que la politique de restructura-tion hospitalière condamne, au nom del’économie et de la sécurité, un certainnombre d’unités qui constituent généra-lement le premier employeur local.

Cette analyse considère que la concen-tration de l’offre sanitaire risque de ren-forcer la tendance à offrir des réponsesinadaptées à certaines demandes, notam-ment d’ordre social, et qu’elle ne feraqu’augmenter les surcoûts issus des ina-déquations de structure.

La critique sociale : lerenforcement de l’action médico-sociale, une priorité mal intégrée

De plus en plus spécialisés autour de leursplateaux techniques, les hôpitaux ont pri-

Planification et besoin de santé dela populationL’approche hospitalière

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXVIII

vilégié les soins de pointe et des modesde prise en charge centrés sur la couver-ture de l’assurance-maladie, visant uneclientèle d’assurés sociaux stables ; ainsis’opère, par le double jeu de la filièreadministrative et médicale, un processusd’exclusion sociale grave.

Garant de l’égal accès aux soins despersonnes, le service public se doit d’or-ganiser, dans une approche communau-taire, une réponse adaptée à la demandeet aux besoins des personnes inclusesdans ces filières.

L’action de planification peut contri-buer à renforcer les mécanismes d’exclu-sion, en classant certaines populationsdites « à risque » dans un dispositif figé.Plus fondamentalement, le régime desautorisations, couplé à des programmesfléchés (urgences, sida, maladies cardio-vasculaires…) peut conduire au dévelop-pement d’activités reposant sur l’expres-sion de rapports de pouvoirs n’apportantpas de réponse à moyen et long terme auxbesoins de santé de la population.

La critique interne : l’insuccèsdes solutions gestionnaires

L’implantation du « budget global » apermis de limiter le montant des ressour-ces allouées aux établissements publics etprivés concernés. Il a généré des gains deproductivité au cours des dix dernièresannées par redéploiement de personnel etrationalisation des activités logistiques,mais dont le potentiel s’épuise.

Au début des années 80, des effortsd’organisation et de gestion ont été entre-pris afin d’accroître la capacité des éta-blissements à maîtriser leur consomma-tion de ressources. Dans le même temps,la médicalisation du système d’informa-tion, base d’un système de tarificationrénové, se mettait en place.

Ces différentes tentatives se sontsoldées par des échecs ou des retards plusou moins importants, liés pour l’essentielà la non-prise en compte du fonctionne-ment et de la culture des établissements ;la loi « portant réforme hospitalière » du31 juillet 1991 a donc cherché à dépas-ser cette limite en articulant planificationsanitaire et projet d’établissement.

C’est un exercice difficile, indispen-sable, qui dépend de la capacité d’initia-tive et du dynamisme des hôpitaux. C’estaussi le fondement sur lequel repose unevéritable adaptation de la réponse auxbesoins de santé de la population, à con-dition de bien intégrer la dimensionsocio-organisationnelle de l’hôpital, dedévelopper une approche stratégique,ouverte sur l’environnement, de travaillerà la mise en synergie des réseaux de soins.

Appuyer le projet d’établissementsur une démarche stratégique

En quatre ans, seuls ou assistés par desconsultants, les établissements hospita-liers ont donc, pour la plupart, produit desdocuments sur l’impact desquels il con-vient de s’interroger.

Le projet d’établissement ne peut eneffet se résumer à la production d’un do-cument répondant à une obligation régle-mentaire. Un tel document, support decommunication et référence, tant sur leplan interne qu’externe, n’est qu’unephase d’un processus qui poursuit unedouble ambition :

• expliciter les choix et identifier lesactions permettant de concilier trois di-mensions qui ont tendance, spontané-ment, à s’exprimer de façon contradic-toire : l’intérêt des usagers, l’intérêt del’institution et l’intérêt des professionnelsqui y travaillent ;

• engager, par le développementd’une approche intégratrice, une évolu-tion culturelle ayant pour but d’ouvrir denouvelles voies à la recherche de plusd’efficacité et d’efficience.

C’est tout le sens du management stra-tégique hospitalier, que de tirer partie dusystème professionnel en place, pouraboutir à des choix médicaux articulés enréseaux, au service de la population*.

En effet, l’hôpital est une institution« professionnelle », composée d’indivi-dus souscrivant à une déontologie etpossédant un patrimoine de savoirs, de

méthodes et de comportements partagés.De ce fait, il souffre de ne pas pouvoir,savoir ou vouloir orienter et contrôler lesprocessus de formalisation et de sociali-sation de ses membres. Gérés par desinstances différentes, ces processus en-gendrent une hétérogénéité des logiquesprofessionnelles qui nuit à l’émergenced’une vision commune et équilibrée desnécessaires interactions entre acteurs.

Dans un contexte où l’offre structurele marché plus que la demande, l’hôpitalpeut perdre de vue les attentes de ceux quirecourent à ses services et se refermer surlui-même, diminuant ainsi ses facultésd’adaptation. Face à un renforcement descontraintes pesant sur l’organisation, ilrisque de voir ses membres les plus in-fluents adopter une position prescriptricerigide, destinée à les protéger de touteingérence, et développer un discoursidéologique et moralisateur pour rejeterles évolutions qui leurs sont proposées.

L’une des conclusions de la démarchestratégique appliquée à l’hôpital est quepour être performant dans un contexte deressources limitées, l’établissement nepeut ni ne doit tout faire. Une analyse deson positionnement par rapport à l’envi-ronnement est nécessaire, pour mettre enévidence ses forces et faiblesses, dans uncontexte où menaces et opportunités doi-vent être appréciés au regard d’un projetcommun.

Elle met aussi en évidence que si l’ina-daptation de certaines structures est unesource incontestable de surcoûts et denon-qualité, les défauts d’intégration ausein des filières de soins sont une sourcede surcoûts encore plus considérables.

Duplication d’examens, dégradationde l’état des patients, coûts de transfertabusifs en sont les conséquences les plusfréquentes. La ressource la plus rare, letemps médical, est ainsi mal employée,ce qui génère une cascade de conséquen-ces pour les autres acteurs de l’hôpital.

L’approche du management stratégi-que a pour objet la définition des choixd’orientations médicales les plus appro-priés aux missions qui sont les siennes(recours, recherche en particulier). Ce quisuppose le développement d’actions departenariat, en vue notamment de :

tribune

* sur ce thème, se reporter à M. Cremadez-F. GrateauLe management stratégique hospitalier. Interéditions,1992, qui présente l’analyse complète de cette appro-che, et sur lequel est fondé cet article.

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XXXIX

• limiter les double-emplois de ressour-ces en veillant à leur utilisation la plusadéquate aux regard des missions de soinsfixées par la collectivité ;• garantir le suivi et la continuité de laprise en charge des malades ;• assurer la diffusion à l’ensemble deséquipes médicales de la région de tech-nologies maîtrisées.

En d’autres termes, cette approchedonne un contenu structurant à l’action demise en réseau des projets médicauxd’établissement.

Travailler sur les réseaux

Un hôpital ou une clinique s’inscrit dansun système de santé composé de nom-breux acteurs institutionnels (profession-nels de santé exerçant une activité libé-rale, laboratoires de recherche médicale,laboratoires pharmaceutiques, produc-teurs d’équipements paramédicaux…).Son action se situe dans un contexte defilières de soins mettant en jeu, pour laprise en charge d’un patient, de multiplesintervenants internes et externes à l’éta-blissement hospitalier lui-même.

Pour l’économie du système, le réseaude soins assure le meilleur moyen de rap-procher les modalités de prise en chargedu lieu de vie du patient, conduisant versune gestion de l’économie du systèmegarante d’un renforcement de la qualitédu service et de la satisfaction des usa-gers.

Une certaine conception du réseau estfamilière au corps médical. Chaque pra-ticien s’inscrit naturellement parmi unensemble de partenaires dont il tire engrande partie sa force. Cependant leur jeus’inscrit dans un contexte concurrentiel etréglementaire qui en stérilise souvent leseffets bénéfiques.

Construire un réseau c’est, sans pourautant le négliger, dépasser le cadre desrelations confraternelles. C’est établir uncadre institutionnel de relations entre par-tenaires, plus ou moins formalisé, ayantpour but d’organiser les complémenta-rités et de faciliter la saisie des opportu-nités économiques et technologiques aumoindre coût.

Le fonctionnement en réseau permetà chacun des acteurs impliqués d’assurerla prise en charge d’une partie d’un tout(sa spécialité ou sous-spécialité) sans per-dre la vision d’ensemble nécessaire pourmesurer les effets de son intervention.

Sur la base de cette approche qu’onpeut qualifier de « communautaire », l’ef-fort à porter par les institutions sera decentrer l’approche de santé publique surla structuration de la prise en charge glo-bale des besoins de santé.

Si le milieu professionnel de la santénous apparaît comme spontanémentouvert au concept de réseau, ceci estbeaucoup moins évident en ce qui con-cerne l’univers technocratique chargé del’encadrer. Il s’y cultive encore l’illusiond’une conception de la santé publiques’imposant à ses administrés de manièrecentralisée pour contenir leur tendancenaturelle à privilégier l’intérêt particulierau détriment de l’intérêt général.

Fort heureusement, si le cadre régle-mentaire actuel fondé sur l’autorité plusque sur la coopération se prête mal à l’éla-boration d’un nouveau contexte relation-nel, des évolutions se font jour et un re-nouvellement de la doctrine planificatrices’élabore progressivement.

Sur la base des réflexions qui précè-dent, elle pourrait tendre à intégrer lesréponses apportées par les établissementsde santé, dans le cadre de leurs projetsd’établissements, élargissant ainsi singu-lièrement l’approche souvent restrictivede la santé publique, en y admettant l’en-semble des actions pouvant faire l’objetd’un cadre de définition stratégique,c’est-à-dire porter autant sur les proces-sus de diffusion technologique et l’évo-lution des modes de prise en charge quesur une approche populationnelle dont ona souligné l’inadaptation croissante.

Au total, la complexité et la diversitédu champ d’action des acteurs de santélocaux – hôpitaux, cliniques, médecinslibéraux – rend illusoire la recherche d’uncontrôle strict et centralisé de l’autoritéde tutelle.

Une approche globale de rationne-ment, non fondée sur la prise en compted’éléments fins de l’activité et du fonc-tionnement des acteurs précités conduit

à déformer l’offre de soins et à l’éloignerdes besoins exprimés par la population.

Si l’on ne peut contrôler efficacementla marge de liberté des acteurs, il fautdonc changer complètement la perspec-tive et s’orienter vers des modes d’actionbasés sur une reconnaissance de cettemarge de liberté.

Il faut abandonner l’idée d’une plani-fication de plus en plus détaillée au pro-fit d’une régulation de l’interface entredeux niveaux d’appréhension des problè-mes : le niveau des acteurs locaux, por-teurs de préoccupations essentiellementd’ordre micro-économique, et le niveaudes acteurs nationaux, tutelle et assurancemaladie, qui ont en charge les équilibresfondamentaux du système national desanté et l’insertion de la politique de santédans une politique d’ensemble.

Compte tenu des enjeux sociaux, éco-nomiques, éthiques de ce travail, il estclair que la définition par les pouvoirspublics et les représentants de la Nationdes grands axes d’une politique de santépublique constitue le préalable à la défi-nition de telles actions au plan local.

Cette approche trouve une expressiontout à fait intéressante dans la notion decontrat d’objectifs pluriannuel, consacrépar la réforme hospitalière du 31 juillet1991 ; en effet, la négociation entre latutelle et l’établissement public de santéd’objectifs à moyen terme, assortis deconditions de financement et d’une éva-luation conjointe permet de sortir de lacontradiction relevée plus haut entre auto-nomie des acteurs et nécessité d’une maî-trise des flux économiques transitant parles établissements de soins : elle révèle les« préférences » de l’institution. De ce fait,il restitue aux acteurs leurs véritables res-ponsabilités, en leur fixant des objectifsà atteindre, connus de l’institution, néces-sairement partagés par les acteurs inter-nes des organisations complexes que sontles établissements de santé.

René CailletSecrétaire général du CHRU de Lille

actualité et dossier en santé publique n° 11 juin 1995 page XL

BibliographieLes modalités de préparation et deconstruction des schémas régionauxd’organisation sanitaire. Bauduret J. -F.Technologie Santé.

Planning for health. Development andapplication of social change theory.Blum H. I. New-York : Human sciencepress, 1974.

L’avenir du plan et la place de laplanification dans la société française.de Gaulle J. Paris : La documentationFrançaise, 1994.

Élaborer un schéma départementalpour personnes âgées. Frossard M.Paris : La documentation Française, 1991.

De l’anticipation à l’action, manuel deprospective et de stratégie. Godet M.Paris : Dunod, 1993.

La santé en France, rapport général duHaut Comité de la santé publique.Paris : La documentation Française, 1994.

Prospective. Lesourne J. In Encyclopédieéconomique, t. 1, Éditions Économica,1990.

La planification économique. Ruine etpostérité d’un idéal. Picavert E. In Études,mai 1993, 619:627.

La planification en santé. Pineault R.,Daveluy C. Montréal : Agence d’Arc Inc,1988.

Santé 2010. Soubie R. Commissariatgénéral du Plan, 1993.

La planification sanitaire. Truchet D. InTraité de droit médical et hospitalier, sousla direction de M.-J. Auby. Paris : Litec,1993.

Schémas régionaux d’organisationsanitaire. In Espace social européen,supplément du n° 289, avril 1995.

La planification sanitaire. In Travailsocial actualités, septembre 1991, n° 375.

Dans le cadre du programme de formationcontinue, la création ou la réorientation denombreuses actions ont accompagné de1991 à 1994, à la demande de la directiondes Hôpitaux, la mise en œuvre de la loihospitalière. Dans le domaine particulier dela planification, notre objectif fut d’accom-pagner pédagogiquement l’élaboration desschémas régionaux d’organisation sanitaire(Sros) en mettant à la disposition des pro-fessionnels, concepts et méthodes utilisa-bles, mais aussi en expertisant et capitali-sant toutes les expériences menées sur leterrain à cette occasion.En 1991, un séminaire national élaboré encollaboration étroite avec la direction desHôpitaux réunissait à Versailles 60 respon-sables médico-administratifs des Drass etde l’administration centrale. Il voulait renou-veler l’approche traditionnelle de la planifi-cation par l’apport de concepts plus neufs :prospective, aménagement du territoire,négociation…De 1992 à 1994, notre programme de for-mation continue a proposé de 25 à 30 ac-

tions par an dont les contenus avaient étéconçus ou repensés dans l’esprit de la nou-velle loi. Parmi eux, la planification fut privi-légiée :• cinq séminaires interrégionaux intéres-sant 12 régions au moment de l’élaborationde leur schéma, permettant des échangesméthodologiques précieux,• des sessions techniques furent propo-sées sur : la prospective, les méthodes desondage, l’épidémiologie, l’évaluation, la né-gociation. Tous thèmes repérés par une en-quête auprès des professionnels.Soutenus par la direction des Hôpitaux,nous avons engagé une recherche sur cesméthodologies de planification en devenir,avec des travaux portant sur la concertation,la production du thésaurus des termes deplanification, l’analyse comparée avec despays étrangers. On a ainsi pu montrer quenotre approche nationale ne peut pas êtredéclinée en termes de planification par pro-grammes, de planification stratégique ni dequasi-marché. L’intérêt du nouveau disposi-tif de planification sanitaire tient au processusmis en œuvre d’élaboration de conventionsentre acteurs, mais laisse presque entier leproblème de la maîtrise des dépenses.Nos efforts portent actuellement sur unecontribution au bilan de cette expérienceamorcée il y a maintenant près de cinq ans.

Sros : rôle de l’Écolenationale de la santépublique en matière deformation et de recherche

Alain Jourdain, démographe, professeur àl’ENSP et Michel Frossard, économiste, maî-tre de conférence, université de Grenoble ontcoordonné ce dossier et en ont assuré larédaction finale.Merci aux auteurs qui ont apporté leur contri-bution écrite : Jean-Claude Henrard, profes-seur de santé publique (plans et planification),Didier Castiel, économiste (présentationdes plans), Didier Truchet, professeurde droit (loi de juillet 1991), Isabellede Turenne, démographe, et les partici-pants au groupe thésaurus de planification,A. Lopez, F. Piednoir, B. Basset, D. Lebrun,M. Fouillat, D. Baubeau (présentation desoutils), Marc Brémond, chercheur (autorisa-tion/accréditation), Michel Fouillat, inspec-teur des affaires sanitaires et sociales, etJean-Pierre Claveranne, chercheur auCNRS (Sros et projets d’établissements),Jean-François Dodet, médecin inspecteurde santé publique (schémas des urgenceset de la transfusion sanguine), RogerLinsolas, inspecteur général des affairessociales (Sros : une méthodologie variée),Michel Frossard (régulation du système desoins) et René Demeulemeester, médecininspecteur de santé publique (vers une pro-grammation régionale de santé publique)Merci à Dominique Baubeau, MarianneBerthod-Wurmser, René Caillet, JacquesKiner et Charles Millon pour leur tribune.Merci à P. Siwek et Ph. Ferrero pour leur aidedans la conception et la réalisation de ce dossier.