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190 REVUE DE SYNTHESE : IV: S. N°S 1-2, JANVIER-JUIN 1990 SCIENCES ET lECHNlQUFS Jean-Yves GOFFI, La Philosophie de fa technique. Paris, P.D.F., 1988. 11,5 x 17,5, 127 p. «( Que sais-je? », 2405). La reussite d'un « Que sais-je? » portant sur un domaine aussi vaste que celui de la philosophie de la technique merite assez d'etre soulignee, tant il est difficile d'etre aussi precis et erudit que J.-Y. Goffi l'a ete en cent vingt-sept pages. Ainsi, les legeres critiques que nous inspire ce texte sont-elles frappees d'entree de jeu d'insignifiance, quand ce n'est pas d'injustice. Mais la richesse du detail des analyses n'ernpeche pas plusieurs interrogations sur Ie projet general poursuivi par l'auteur, Sous Ie titre de La Philosophie de fa technique, Ie livre offre en realite un classement des grandes philosophies de la technique du passe et du present. De chacune, l'auteur trace la logique interne avec une precision etonnante ; chacune est subtilement relativisee par une fine critique ou un trait d'ironie. La pretention de l'ouvrage n'est done pas simplement doxographique. Mais voila bien le point: la galerie des illusions etant passee en revue et ayant permis de degager les categories majeures de la pensee de la technique, Ie lecteur en attend Ie depassement, soit sous la forme d'une ultime figure qui equilibrerait differemment Ie jeu des categories, soit par une interpretation de style psychanaly- tique qui rendrait compte en particulier de la « technophobie », soit enfin par une comprehension des raisons pour lesquelles une culture, prise a divers moments de son histoire produit - jusque dans la tete des philosophes - des representations fallacieuses de son systeme de techniques liees a une tonalite generalement hostile a son objet. Les hommes - y compris les philosophes - ne pensent pas leurs techniques comme ils les vivent. La tache de la philosophie en ce domaine ne peut-elle etre d'etablir les relations qui existent entre la pratique reelle de ces techniques et les representations qui l'expriment et peut-etre la masquent? Sa mise en ceuvre impliquerait alors autant une attention vigilante aux figures par lesquelles la conscience pretend dire la realite merne du phenornene, qu'une vue plus radicalement critique a l'egard des diverses philosophies produites dans Ie domaine. 11 semble que l'auteur Detranche pas entre les points de vue les plus opposes qu'il decrit et qu'illes traite comme des interpretations possibles de la nature des techniques. S'il affirme « le caractere essentiellement historique des techniques », it n'en exclut pourtant pas la possibilite d'une conception vitaliste, quoiqu'il en denonce ¢ et la les illusions. On le voit revenir a plusieurs reprises sur une conception darwinienne de l'evolution des techniques, quitte a prendre ses dis- tances a son egard, 11 diagnostique une « technophobie contemporaine» et

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190 REVUE DE SYNTHESE : IV: S. N°S 1-2, JANVIER-JUIN 1990

SCIENCES ET lECHNlQUFS

Jean-Yves GOFFI, La Philosophie de fa technique. Paris, P.D.F., 1988. 11,5 x17,5, 127 p. «( Que sais-je? », 2405).

La reussite d'un « Que sais-je? » portant sur un domaine aussi vaste que celuide la philosophie de la technique merite assez d'etre soulignee, tant il est difficiled'etre aussi precis et erudit que J.-Y. Goffi l'a ete en cent vingt-sept pages. Ainsi,les legeres critiques que nous inspire ce texte sont-elles frappees d'entree de jeud'insignifiance, quand ce n'est pas d'injustice. Mais la richesse du detail desanalyses n'ernpeche pas plusieurs interrogations sur Ie projet general poursuivipar l'auteur,

Sous Ie titre de La Philosophie de fa technique, Ie livre offre en realite unclassement des grandes philosophies de la technique du passe et du present. Dechacune, l'auteur trace la logique interne avec une precision etonnante ; chacuneest subtilement relativisee par une fine critique ou un trait d'ironie. La pretentionde l'ouvrage n'est done pas simplement doxographique.

Mais voila bien le point: la galerie des illusions etant passee en revue et ayantpermis de degager les categories majeures de la pensee de la technique, Ie lecteuren attend Ie depassement, soit sous la forme d'une ultime figure qui equilibreraitdifferemment Ie jeu des categories, soit par une interpretation de style psychanaly­tique qui rendrait compte en particulier de la « technophobie », soit enfin par unecomprehension des raisons pour lesquelles une culture, prise adivers moments deson histoire produit - jusque dans la tete des philosophes - des representationsfallacieuses de son systeme de techniques liees aune tonalite generalement hostilea son objet. Les hommes - y compris les philosophes - ne pensent pas leurstechniques comme ils les vivent. La tache de la philosophie en ce domaine nepeut-elle etre d'etablir les relations qui existent entre la pratique reelle de cestechniques et les representations qui l'expriment et peut-etre la masquent? Samise en ceuvre impliquerait alors autant une attention vigilante aux figures parlesquelles la conscience pretend dire la realite merne du phenornene, qu'une vueplus radicalement critique a l'egard des diverses philosophies produites dans Iedomaine.

11 semble que l'auteur De tranche pas entre les points de vue les plus opposesqu'il decrit et qu'illes traite comme des interpretations possibles de la nature destechniques. S'il affirme « le caractere essentiellement historique des techniques »,it n'en exclut pourtant pas la possibilite d'une conception vitaliste, quoiqu'il endenonce ¢ et la les illusions. On le voit revenir a plusieurs reprises sur uneconception darwinienne de l'evolution des techniques, quitte a prendre ses dis­tances a son egard, 11 diagnostique une « technophobie contemporaine» et

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semble done accepter son caractere historique, mais it croit aussi a une « techno..phobie eternelle ». Cette conception irenique tient sans doute al'heterogeneite duphenomene etudie ; elle tient aussi - et la cle nous en est donnee dans Ie chapitrede conclusion - aux convictions liberates de l'auteur Quant aux vertus deI'economie de marche qui, par sa regulation impersonnelle des activites humaines,s'opposerait efficacement aux projets technologiques les plus fantasques desparticuliers ou de leurs gouvemements. Les projets culturels livres a la concur­rence, soit a la selection reciproque, produisent l'effet d'une nouvelle nature quievolue sur un rythme propre et selon des lois qui ne sont celles d'aucuneconscience particuliere,

Saisissant qu'elle n'est pas au principe du mouvement technologique, laconscience n'aurait pas interet a feindre de s'y placer et ne pourrait avoirconfiance dans ses capacites aen prendre la direction. La volonte deliberee d'agirdans Ie domaine pour pretendre y mettre de I'ordre y creerait plus d'inconvenientsque d'avantages et provoquerait, dans l'etat actuel de la technologie, les condi­tions d'un « totalitarisme ». L'argurnent est bien connu depuis Hume qui veneraitles vertus de I'inconscience dans Ie domaine des fondements de la politique etironisait lui-meme sur les paradoxes de cette etrange position phitosophique.Peut-on Ie reactiver sans precautions dans Ie domaine des techniques au l'incon­science aurait aussi ses vertus? Ne risquons-nous pas de tomber, en preconisantcette abstinence pratique, dans la contradiction qui consiste a vouloir denoncerdans ses racines la « technophobie » en se privant des moyens de Ie faireeffectivement? Ceux qui jouerent au jeu de la « bonne inconscience» auxvnr' siecle De laisserent pas d'etre jones a leur tour et crurent parfois deceler Iemeilleur equilibre politique de l'Europe dans les conditions memes de la Revolu..tion francaise.

Certes l'auteur indique lui-meme une limite de son argument et n'entend pasque la construction des centrales nucleaires releve dans Ie meme sens de laselection naturelle que celie des bateaux de peche - chers a Alain qui a pu entrouver l'exemple chez Hume et chez Mandeville. Mais it est difficile de partagersa foi dans l'autoregulation du marche, comme si ce systeme n'etait jamais en criseet comme si Ie « totalitarisme » ne pouvait etre fabrique par ces crises memes. Ondoutera aussi de la definition si peu dialectique du marche comme « la toute­puissance de I'acheteur sur Ie vendeur »; n'est..ce pas, pour le moins, surestimerla sanction que Ie premier exerce sur Ie second? On s'etonnera de voir regler enun toumemain le problerne ethique pose par les techniques; suggere ..t..on par hi,a la facon de certains textes de Hume, que la selection des valeurs Moraless'effectue, comme pour n'importe quelle autre valeur culturelle, par une sorte deconcurrence? Auquel cas it faudrait aussi confier au « fibre jeu » du marche lesconditions de leur production. Que Ie marche soit indiscutablement une dimen..sian du principe de realite des valeurs techniques n'autorise tout de meme pas aIe traiter comme l'ultime instance de tous les jugements que l'on peut porter aleuregard,

Entin Ie debat sur la politique technologique n'est-il pas abusivement simplifielorsque se trouve oppose un liberalisme economique, dont la purete seraitgarantie et reglee par la loi, au « totalitarisme » (qu'on devrait toujours prendre

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la peine de definir, tant Ie terme est ambigu)? En presentant Yimpersonnalite dupremier comme un avantage, l'auteur ne laisse-t-il pas dangereusement penserque la personnalite serait l'apanage du second?

Le livre de J..Y. Goffi pose en ce sens plus de problernes qu'il n'en resout ;nous trouvons hi son principal mente et la pleine justification de sa place danscette collection eneyclopedique des Presses universitaires de France.

Jean- Pierre CLERO.

HERON D'ALEXANDRIE, Les Mecaniques ou l'Elevateur des corps lourds. Ed. ettrad. de l'arabe Bernard CARRA DE VAUX, d'apres Ie texte de Qusta ibn Luqa,introd. Donald R. HILL, commentaires A.G. DRACHMANN. Paris, Les BellesLettres, 1988. 16 x 24, 305-115 p., texte en arabe precede de la trad.franeaise, commentaires en anglais, reprod. en fac-sim. de l'ed, de 1894 pourle texte arabe et la trad. de Carra de Vaux (« Sciences et philosophie arabes.Etudes et reprises »),

Cet ouvrage est une sorte de manuel theorique et pratique, a l'usage detechniciens travaillant sur des chantiers de construction. II a ete compose parHeron d'Alexandrie au premier siecle de notre ere, et eet auteur s'y montreexplicitement dependant de toute la mecanique grecque qui l'a precede, ce qui enfait pour nous une source tres importante pour la connaissance de cette tradition,dont peu de temoins sont conserves.

Le texte des « Mecaniques de Heron» est perdu dans sa langue grecqueoriginale, mais nous est transmis dans une version arabe faite au lxe siecle parQusta ibn Ltiqa al-Ba'albaki, celebre traducteur de textes scientifiques du grec al'arabe. Ce texte arabe avait ete edite, avec traduction francaise, par B. Carra deVaux, dans Ie Journal Asiatique en 1893 et 1894. Le travail d'etablissement dutexte arabe a ensuite ete refait, aecompagne d'une traduction allemande, parL. Nix (Herons von Alexandria Mechanik und Katoptrik, hrsg. und iibersetzt vonL. Nix und W. Schmidt, Opera qua supersunt omnia, vol. 2, fasc. 1, Leipzig,1900). Mais cette reprise par L. Nix de l'etablissement du texte, bien que faite surquatre manuscrits auJieu d'un seul pour Carra de Vaux, n'apporte pas d'elementsvraiment nouveaux pour la connaissance du contenu de l'ouvrage comme tel.

Le choix de l'editeur de l'ouvrage presente iciest d'avoir reimprime l'edition etla traduction de Carra de Vaux; elles sont precedees d'une preface par D. Hill,tres bon connaisseur de la mecanique ancienne, qui fait Ie point sur ce que l'onpeut savoir de Heron d'Alexandrie, de ses sources, de ses eeuvres et de leurinfluence sur la mecanique arabe ; et l'ouvrage se termine sur des commentairesen anglais par A. G. Drachmann, sous forme de « notes complementaires »referees a la page et a la ligne du texte, au ce demier auteur critique l'etablisse­ment du texte arabe et sa traduction, a la fois chez Carra de Vaux et chez Nix encomparant les travaux de ces deux auteurs, et commente en detail Ie travail de

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Heron, en refaisant toutes les figures et en replacant chacun des precedes decritsdans I'histoire de la technique ancienne.

Cet ensemble pennet ainsi d'avoir de nouveau acres aeet ouvrage dans de tresboones conditions, avec toutes les garanties possibles pour une connaissanceprecise du texte et de son contenu. Ce sera un auxiliaire precieux pour leshistoriens de la technique, ou, plus generalement, pour les historiens des sciences.

Regis MORELON.

David S. LANDES, L 'Heure qu'il est: les horloges, /a mesure du temps et /aformation du monde modeme. Trad. de l'anglais Pierre-Emmanuel DAUZAT,

Louis EVRARD. Paris, Gallimard, 1987. 14 x 21, 632 p., ]57 ill. dt 24 pl.[« Bibliotheque illustree des Histoires »).

Voici I'un des plus grands livres d'histoire de ces dernieres annees, Le sujet,l'ampleur de vue, la precision des sources et la qualite de I'ecriture et de latraduction, tout est remarquable. De plus, cette deuxieme edition est revue etcorrigee et donc meilleure que I'original (Harvard V.P., 1983). Histoire culturelle,histoire des sciences et de la technique et, enfin, histoire economique et sociale,une serie de questions structure le livre: pourquoi l'horloge mecanique fut-elleinventee en Europe, comme devint-elle de plus en plus sophistiquee, qui l'aconstruite et pourquoi?

En realite, c'est de la respiration des hommes dans Ie temps dont il est questionau centre de ces pages, dont on ne dim jamais assez la finesse et l'erudition. Del'Asie au Saint-Empire, des academies aux plus petits colporteurs, des fins lettresaux managers japonais, c'est l'occasion d'etudier la naissance, la maturite etl'obsolescence de neuf siecles d'une branche de l'industrie manufacturiere. Si laChine n'avait Dullebesoin de connaitre Ie temps avec precision, on n'imagine pasIe monachisme chretien sans une mesure precise du temps. La rnontre, qui fait sonapparition dans le demier quart du xve siecle, permet de « garder » Ie temps, cequi est au moins aussi important que de l'etablir, La trotteuse centrale avec cadranindiquant les fractions de seconde apparait vers 1770. C'est Ie temps a la porteede tous, et d'une precision qui pennettra de conquerir Ie monde. Les chemins defer americains du XIXe siecle sauront aussi I'utiliser l Mais la geographie de cettetechnologie n'est pas absente puisque les centres allemands, francais, anglais sontpresentes avant d'atteindre la Suisse .qui beneficia peu a peu d'un monopole duXVIlIe au xxs siecle. L'histoire culturelle et technologique devient egalementcommerciale. Unification du globe, victoire sur Ie temps - dont on ne sait pastoujours bien ce qu'i1 est mais que l'on sait au moins mesurer -, Ie triomphe desmanufactures suisses est attaque par le Japon ainsi que par la montre a quartzdont Ie premier modele date de 1928 aux U.S.A. Tout est bouleverse et lesparametres industriels changent completement, C'est aussi l'histoire de l'Occidentmodeme jusqu'a nos jours que ce livre magnifique - l'iconographie est superbe

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- retrace. Un champ entier de recherche est desormais ouvert et balise ou lesdecouvertes ne manqueront pas. Ainsi en temoigne, par exemple, un recent articlede Vincent Chenille, « L'horlogerie parisienne : innovation technique et malthu­sianisme econornique au XIXe siecle » (Sources. Travaux historiques, 19, 1989,p. 29-36).

Dominique BOUREL.

Jean Picard et les debuts de l'astronomie de precision au XV/~ siecle. Actes ducolloque du tricentenaire, ed. par Guy PICOLET. Paris, Ed. du C.N.R.S., 1987.15,6 x 24, 382 p. (« Centre regional de publication de Paris »),

Guy Picolet a reuni sous ce titre les communications presentees au colloque dutricentenaire de Jean Picard, les 12 et 13 octobre 1982. Les historiens et tous lescurieux de I'histoire des sciences dans ce grand siecle que fut Ie XVlie trouverontdans ce recueil une tres riche documentation.

La premiere partie traite de la biographie du savant. Sur ses origines - quietaient fort mal connues -, Guy Picolet s'est livre aune enquete approfondie quinous revele, en particulier, comment Ie modeste Jean Picard, apres ses etudes auseminaire, a pu devenir un savant de premier plan. John W.Olmsted, dans le seularticle en anglais du recueil, etudie les conditions de la nomination de Picard ala toute nouvelle Academie des sciences (1666-1667).

La deuxieme partie reunit les contributions sur l'eeuvre proprement astrono­mique de Picard. Elle se situe a l'epoque ou, apres les extraordinaires donneesobtenues par Tycho Brahe sans instrument d'optique, l'invention de la lunette, deI'oculaire convergent par Huygens et celui du micrometre vont permettre uncapital pas en avant dans la precision des mesures. Ce qu'etudie Jacques Levy,« Picard createur de l'astrometrie modeme » et Suzanne Debarbat qui analyse « laqualite des observations astronomiques de Picard », tous articles qui interesserontd'abord les specialistes. Au contraire, Ie texte de Kurt M. Pedersen, « Une missionastronomique de Jean Picard: Ie voyage d'Uraniborg », passionnera tous leslecteurs. On peut dire que cette mission au Danemark est une premiere: unvoyage lointain a mission scientifique; il s'agissait de faire des mesures preeisessur les Iieux du chateau d'ou Tycho Brahe avait observe, afin que ses donneespuissent etre raccordees avec celles des astronomes de 1'0bservatoire de Paris. Onsait que Picard embaucha acette occasion le jeune Olaus Romer et qu'il le ramenaavec lui a Paris ou il devait reussir la premiere mesure de la vitesse de la lumiere.Bel exemple des effets heureux de la cooperation intemationale.

Leeon d'une autre sorte donnee par Ie recit de Kurt Pedersen, Picard avaitrapporte dans ses bagages les manuscrits de Tycho Brahe qui lui avaient eteconfies a fin d'edition. Les credits manquerent ou I'administration francaisetergiversa, bref, Picard mourut sans avoir pu realiser ce travail essentiel pourl'histoire de I'astronomie. On sait que les manuscrits durent etre restitues au

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Danemark ou, comble de malchance, ils disparurent dans un incendie. On mesureici les consequences dramatiques du retard d'un simple travail d'edition.

Picard fut egalernent pionnier dans les mesures geodesiques, C'etait une autreconsequence de l'invention de la lunette: les mesures de triangulation pouvaientatteindre une precision inegalee, Rene Taton rappelle ici l'importance de lamesure de la Terre puisque Ie resultat De fut pas pour rien dans Ie developpementdes idees de Newton sur la gravitation universelle. Picard fut aussi cartographe etc'est l'occasion pour nous de signaler la qualite et l'interet des documentsoriginaux reproduits ici : la grande carte de France montre I'importance descorrections apportees par Picard aux traces fort fantaisistes qui avaient cours avantlui.

Picard fut egalement interesse par les travaux d'alimentation en eau du palaisde Versailles, ce qui l'obligea a renouveler les methodes de nivellement.

Les activites scientifiques de Picard l'amenent a s'interesser a l'optique, a laconstruction des cadrans solaires mais aussi, et c'est Ie plus interessant pour nous,a la definition des unites de longueur. Pierre Costabel etudie les tentatives(infruetueuses) de Picard pour definir I'unite de longueur par la longueur dupendule battant la seconde. Mais c'est l'epoque ou Richer, aCayenne, s'apereoitque la longueur de ce pendule battant la seconde depend de la latitude geogra­phique. Au fond, on en arrive a regretter que Picard soit mort trop tot, il n'a pasconnu les idees de Newton qui auraient. sans aueun doute oriente ses recherches.

Le colloque du tricentenaire avait ete une reussite que la publication de cerecueil paracheve, Jean Picard est un exemple de savant, modeste dans sapersonne, singulierement attachant par ses travaux qui Ie situent bien au centre del'activite scientifique de son temps.

Gilbert WALUSINSKI.

Josef KONVI1Z, Cartography in France. 1660-1848. Science, Engineering, andStatecraft. Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 1987. 18 x25,5, 194 p., ill., index.

La publication de I'ouvrage de J. Konvitz est l'occasion de souligner la faiblessede la recherche franeaise en histoire de 1acartographie. Quelques articles dispersesou Ie catalogue de l'exposition « Espace francais » des Archives nationales nepeuvent masquer une curiosite bien moderee a l'egard des cartes anciennes.Sources panni d'autres sources, les historiens n'y puisent souvent que quelquesinformations ponetuelles. Les geographes, Quant a eux, negligent I'histoire d'uninstrument pourtant fondamental de I'analyse et de la maitrise de I'espace.

Le retard pris dans ce domaine est aussi un retard theorique : la carte « poigneede faits », I'histoire esthetisante de la cartographie, Ie darwinisme cartographique(les cartes anciennes etant jugees dans un cadre evolutionniste, leurs progres etgains de precision rapportes aux modeles modemes) sont autant de conceptionsque la recherche, notamment anglo-saxonne, invite a corriger, a depasser,

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Avec Ie livre de Konvitz, introduit par E. Le Roy Ladurie, la carte s'eleve aurang d'objet a part entiere du savoir historique, eclaire, selon une inversion durapport traditionnel, d'autres histoires, notamment ici de celie des sciences et dela puissance publique.

Konvitz a conduit, pendant nne annee, des recherches approfondies dans desfonds d'archives qui temoignent utilement de l'activite cartographique francaise,de 1660 a 1848, bien qu'ils aient ete jusqu'alors peu explores dans cette optique(Archives du Genie, de l'Ecole des ponts et chaussees, etc.). Son ouvrage metl'accent sur les relations entre la cartographic et l'Etat francais. II s'ordonneautour de trois points principaux : la carte de France, dite de Cassini, Ie precedede la courbe de niveau, et les cartes thematiques, L'auteur precise le role de lacartographie dans Ie domaine militaire, politique, economique, et met en valeurl'influence des cartes sur la perception et l'utilisation de l'espace. Le XVII~ siecleest privilegie, la France dominant alors la cartographie intemationale, et propo­sant les innovations les plus importantes.

Apres une periode de « sous-developpement » cartographique, sous Henri IVet Louis XIII, l'avancee est spectaculaire, grace a I'impulsion donnee par PEtal,ses ministres ou ses institutions. Konvitz nous renvoie l'image d'un Etat protei­forme, ou se developpent souvent concurremment les projets cartographiques debureaucraties autonomes. Son travail reflete assez les cloisonnements administra­tifs de rEtat : il apparait plutot comme une serie d'essais organises autour d'unprojet et, parfois, d'une source particuliere,

Parmi les sujets abordes, certains, comme la carte de Cassini au la cartographiethematique, ont pu faire l'objet d'etudes anterieures. Konvitz les enrichit toutefoisde documents inedits, et veille a mettre l'accent sur les facteurs politiques etsurtout scientifiques extemes ala cartographie. Ainsi, il evoque les relations entreles mesures geodesiques servant de base a la carte de Cassini et les theoriesnewtoniennes sur les spheroides, mentionnant au passage les expeditions organi­sees par l'Academie des sciences, en Suede et au Perou, entre 1734 et 1744, pourmesurer la longueur d'un degre de longitude. Dans Ie meme esprit, l'etude ducadastre avant 1799 s'accompagne d'un long developpement sur la reforme dusysterne de mesure.

Konvitz rend justice a bien des serviteurs de I' Etat, Colbert, Ie controleurgeneral Orry, au le directeur de I'Ecole des ponts et chaussees, puis du service ducadastre, Gaspard-Francois de Prony. II ne peut toutefois eviter de s'ecarter deson propos initial, et d'evoquer Ie role cartographique d'un «secteur commer­cial». L'independance du secteur prive et du secteur public ne peut etre poseetrop strictement: bien des entreprises cartographiques resultent d'une combi­naison d'initiatives de l'un et de l'autre. Ainsi, apres 1756, c'est une compagniepar actions qui relaie I'effort gouvernemental, et permet a Cassini de Thury depoursuivre les travaux de la carte de France. Par ailleurs, en matiere de cartogra­phie thematique, de 1780 a 1850, les innovations doivent peu a I'Etat francais, Ycompris dans Ie cas, evoque par Konvitz, de la cartographie economique deCharles-Joseph Minard. Ce demier, bien qu'issu des Ponts et chaussees, dessinede sa propre initiative ses cartes de production et de flux, une fois retraite,

L'etendue de la periode d'etude, d'abord surprenante, doit etre relativisee,

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Konvitz reconnait avoir ecarte certains themes, malgre leur rapport avec Ie filconducteur qu'il s'etait choisi. On le note avec quelque regret: il semble notam­ment qu'une analyse du role de I'Etat dans la cartographie sous Ie Consulat etl'Empire aurait ete particulierement feconde, eu egard a l'eeuvre considerableaccomplie alors par les ingenieurs geographes militaires.

Konvitz a certes commis quelques erreurs de detail, mais tout en ayant disposed'un temps de recherche relativement court, it a pu exhumer des eeuvres originaleset meconnues, a I'image de ce que fit en son temps Ie Pere de Dainville,infatigable decouvreur de cartes. II faut ainsi accorder dans eet ouvrage uneattention toute particuliere a I'histoire inedite de la constitution, par Ie ministeredes Affaires etrangeres, d'une collection de cartes destinees a servir lors desnegociations diplomatiques sur les frontieres, et du projet complementaire d'unatlas de frontieres, entrepris par le Bureau topographique pour la demarcation deslimites, cree en 1775.

On ne peut qu'esperer que la contribution utile et originale de Konvitz ouvrela voie a d'autres etudes, parfois mentionnees incidemment par I'auteur. Ledepartement des cartes et plans de la Bibliotheque nationale constitue un supportexceptionnel pour de telles recherches, et bien d'autres archives cartographiquesattendent leur inventeur. Konvitz lui-meme devrait prochainement proposer unesynthese sur la cartographie du secteur public et Ie commerce prive des cartes,dans la monumentale History ofCartography dirigee par J. B. Harley et D. Wood­ward, dont Ie volume 1 est pam en 1987.

Gilles PALSKY.

Dennis L. SEPPER, Goethe contra Newton. Polemics and the Projectsfor a NewScience of Colour. Cambridge, Cambridge University Press, 1988. 15,8 x23,5, XVI-222 p., bibliogr., index.

Commencant par un historique de l'interet eprouve par Goethe pour l'etudescientifique de la couleur, Ie professeur Sepper montre comment cette ardentecuriosite s'est developpee progressivement apartir d'un malentendu fecond, d'unelecture hative des experiences decrites par Newton. Ignorant Ie fait que Ienewtonisme rendait parfaitement compte de phenomenes qu'il croyait observerpour la premiere fois, Goethe realise avec Ie prisme une serie d'experiencesprimordiales qui Ie conduisent a emettre des critiques fondees et a remarquercertaines limites inherentes a la methode et a la doctrine newtonienne, ce qui Ierattache aussi bien aux principaux adversaires contemporains de Newton (Huy­gens, Hooke) qu'a quelques developpements reeents de l'experimentation sur lescouleurs (Ghereke, Edwin Land). Des Beitrlige zur Optik de 1791-1792 a ZurFarbenlehre (1810), on assiste a l'elargissement des perspectives initiales etnotamment a I'approfondissement d'une reflexion d'ensemble sur la science,tandis que Ie ton violemment polemique adopte par Goethe, empeche sa penseede toucher son public potentiel, deja largement acquis au newtonisme. En effet,

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Ie professeur Sepper, decrivant la diffusion de la connaissance scientifique enAllemagne au XVIIIe siecle, montre que les manuels les plus courants offraient unepresentation vague et lacunaire des principaux aspects de la science newtonienne,ce qui suffirait a expliquer la deception de Goethe lorsqu'il s'interessa a l'etudedes couleurs.

Mais cette insatisfaetion etait plus profonde : Goethe revait d'une science qui,etablie sur un fondement descriptif precis, slit rester fidele a la totalite desphenomenes colores, alors que Newton avait reduit la science des couleurs an'etre qu'une simple province de l'optique, theorie essentiellement physico­mathematique, Elaborant dans les Beitrdge zur Optik Ie concept fondamental deUr-Phanomenon, (totalite phenomenale resultant de la synthese de toutes lesconditions necessaires a son apparition), Goethe exige de la science qu'elle nelaisse de cOte aucune des circonstances de l'experience et reproche a Newton dereduire celle-ci au statut de simple illustration de la theorie, C'est Ie debut de sacritique, qui trouvera son aboutissement dans Zur Farbenlehre, de la notiond'experimentum crucis. L'etude de la place de cette notion chez Newton et de sacritique par Goethe occupe une partie considerable de l'ouvrage de D. Sepper, quise livre aune veritable releeture des textes canoniques de Newton (essentiellementla Lettreala Royal Society du 6 fevrier 1672). L'auteur, rappelant l'origine de lanotion dans l'epistemologie baconienne, decrit Ie coup de force realise parNewton lorsque celui-ei, rompant avec la tradition empiriste anterieure, pretenddonner a une experience privilegiee, l'experience cruciale, Ie statut non plusseulement de refutation possible des theories adverses, mais encore de demonstra­tion empirique de sa propre theorie, Pour Newton, decrire une experience bienchoisie, c'est tout de suite exhiber la theorie, sans recours aucun aux hypotheses.Paraphrasant Goethe, Ie professeur Sepper se situe ici dans Ie prolongement decritiques anterieures de la doctrine newtonienne, notamment celie de Paul Feyera­bend I. Puisque l'une des cibles de la critique de Goethe est precisement l'excesd'abstraetion qu'il reproche a la science de son temps, on ne s'etonnera pas querune des qualites majeures du livre soit de ne pas s'encombrer d'une technicitequi nuirait ason propos: Ie professeur Sepper, qui recommande ason lecteur dese munir d'un prisme, expose dans un court appendice les elements les plustechniques des decouvertes de Goethe. Plusieurs schemas tres clairs achevent derendre la lecture confortable.

Observant Ie role majeur joue par le contraste de la lumiere et de l'obscuritedans l'apparition du spectre des couleurs, Goethe en vient a reprocher a Newtond'analyser en termes de rayons un phenornene qui se presente al'experimentateurSOllS la forme d'une image (Bild), et ainsi de pretendre faire passer pour pure etsimple description du visible, ce qui est deja expression theorique du substratinvisible du phenomene. L'apport goetheen est double: retoumer au fondementexperimental des theories, et a partir de l'observation attentive de ce fondement,designer les deficiences de la theorie dominante. La faute commise par Newton

1. Paul FEYERABEND, « Classical Empiricism», in R. E. Burrs, 1.W. DAVIS, dirs, TheMethodological Heritage of Newton, Toronto, Toronto University Press, 1970, p. 150-170.

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consiste, d'une part, a introduire Ie concept de rayon, ce que n'autorise nullementla seule observation du phenomene, d'autre part, a negliger toutes les cirrons­tances qui le composent, en particulier Ie role joue aussi bien par la constitutionphysique et chimique du milieu de propagation de la lurniere que par lesphenomenes physiologiques et psychologiques a mettre au compte de l'observa...teur lui-meme.

Exhumant un courant heterodoxe de la science des couleurs au XVIlIe siecle(Scherffer, R.W. Darwin, Guyot, Mauclerc, etc.), Goethe, qui elabore la notion deVorstellungsart (facon de concevoir les phenomenes), prolonge sa reflexion dansla direction d'une politique ou, comme on voudra, d'une ethique de la science :la .communaute des chercheurs, aussi bien que I'organisation de la science dansrEtat, doivent garantir l'existence d'une pluralite de Vorstellungsarten (essentielIe­ment le couple mecanisme/dynamisme), afin que la richesse problematique desphenomenes ne soit jamais perdue de vue et qu'aucune doctrine n'exerce sur lapratique scientifique l'hegemonie selerosante qui fut celIe du newtonisme dans Iedomaine de I'optique. Pour Goethe, temoin impuissant de la professionnalisationcroissante de la science, la verite scientifique, tache infinie, ne se reduit pas aunensemble de propositions; la science n'est ni methode, ni langage, ni mathema­tique, mais une certaine activite de l'esprit humain qui rassemble certes ceselements mais qui, concue comme vehicule d'une formation (Bi/dung), doitconserver un lien dynamique avec son passe. L'histoire de la science devient pourGoethe une partie essentielle de la science meme,

Du seul point de vue des etudes newtoniennes, l'ouvrage de Dennis L. Sepperapporte deja une contribution considerable a notre connaissance de la receptiondu newtonisme en Europe, apres les ouvrages de Henry Guerlac, Paolo Casini,etc. 2, dont il se differencie par son optique monographique. II serait interessant,a ce titre, de confronter cette etude avec ce que nous savons deja de la placeoccupee par la science newtonienne dans la philosophie de Kant? ou de Hegel.Mais en inscrivant son etude dans la lignee de travaux epistemologiques tels queceux de Kuhn ou de Lakatos, l'auteur montre tout l'interet que peut presenterpour la philosophie des sciences une lecture des travaux d'optique de Goethe. Acondition de faire abstraction de la dimension polemique, historiquement nui­sible, de ces travaux (Ie livre explore avec rigueur la genese de cette demarche etles sentiments changeants de Goethe a son egard), il est tout a fait possible d'ydecouvrir une pensee de la science, a la fois comme theorie et comme pratique,aux accents souvent etrangement actuels.

Jean-Francois BAILLON.

2. Henry G'UERLAC, Newton on the Continent, Ithaca, N. Y., Cornell University Press,1981 ; Paolo CASINI, Newton e la coscienza europea, Bologne, II Mulino, 1983; A. I. SABRA,

Theories of Light from Descartes to Newton, Cambridge, Cambridge University Press, 1967,reed. 1981; Michel BLAY, La Conceptualisation newtonienne des phenomenes de la cou/eur,Paris, Vrin, 1983.

3. Etude faite par Francois MARTY, in La Naissance de la metaphysique chez Kant, Paris,Beauchesne, 1980.

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Jean- Rodolphe PERRONET, Construire des ponts au XV/l~ siecle. L'oeuvre deJ.-R. Perronet. Pres. de Jean-Rodolphe Perronet par Michel YVON. Paris,Presses de I'Ecoie nationale des ponts et chaussees, 1987.. 27 x 37, 340 p ..,pI.

Cet ouvrage de format grand in-4°, illustre de magnifiques dessins et gravures,est tire de la deuxieme edition des (Euvres de M. Perronet (premiere edition,1782) et a ete luxueusement realise par l'Association amicale des Ingenieursanciens eleves de I'Ecoie nationale des ponts et chaussees, aux Presses de I'Ecoiesus-dite, 28, rue des Saints-Peres, 75007 Paris, avec I'appui de la Compagnie desautoroutes (COFIROUTE).

Cette realisation s'inscrit dans la preparation du 250e anniversaire de la fonda­tion de I'Ecole des ponts et chaussees, en 1997. C'est, en effet, en 1747 que Jean­Rodolphe Perronet recut la triple mission de former, de construire et de diriger,mission qu'i1 remplit jusqu'a sa mort en 1794. Remarquable ingenieur, Perronetne fut pas seulement Ie directeur d'une grande Ecole, il fut I'animateur d'uneoeuvre considerable concernant les travaux publics sur les routes, les ponts et lescanaux. Comme Ie souligne M. Michel Yvon, conservateur de la Bibliotheque del'Ecole nationale actuelle, Perronet a dote la France de Louis XV et de Louis XVIde moyens de communication marques au signe de la perfection technique. Parmices moyens, les ponts tiennent une place importante et se distinguent par leurvaleur artistique, « leur hardiesse et leur solidite ».

Cette derniere expression figure sous la plume de Perronet dans le « Discourspreliminaire » reproduit dans Ie present ouvrage. Elle est associee a l'affinnationque les travaux francais « pourront un jour servir de modeles aux architeetes desautres nations». Et la necessite d'une publication sur Ie sujet est rapportee au faitque « I'etablissement des ponts exige, tant pour les fonder que pour les elever, desmoyens qui disparaissent apres leur entiere construction ». C'est une remarquepertinente.

Aussi les descriptions et les admirables planches qui les illustrent font-elles uneplace atous les details de construction (pieux, cintres, piles, etc.). Mais, ala suitedes chapitres ou ces details sont traites de maniere strictement technique dans lescas particuliers ou iI a fallu les mettre en eeuvre, l'edition originale contenait desmemoires scientifiques dont un seul - relatif a la methode de cintrer et dedecintrer les ponts - a ete reproduit.

On peut regretter que cette edition ait ete ainsi tronquee, mais Ie choix dumemoire conserve a ete bon parce qu'il s'agit d'un texte significatif.C'est aI'usageque I'on s'est rendu compte que pour les arches de pont de grandes portees, lescintres s'atTaissentapres leur assemblage et pendant leur construction, et Perronets'est attache aevaluer par experience ce que I'on doit attendre pour eet affaisse­ment, puis adeterminer comment on doit ensuite modifier les epures qui serventaux charpentiers. II n'y a done pas lieu de compter sur un expose mettant enapplication explicite des connaissances theoriques sur la statique des voutes. Ony trouve cependant I'assurance que I'appel a l'experience etait subordonne auneconception de recherche: faire en sorte que les pressions dues a la pesanteur seconjuguent sur les piliers. Et il est interessant que la conclusion, dans le cas du

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pont de Neuilly, soit qu'avec une portee assez considerable la voute prenne laforme d'un arc de cercle.

A prononcer le nom du pont de Neuilly, il faut ajouter que I'ouvrage, grace ases illustrations, est un veritable objet d'art relatif a des constructions qui, end'autres Iieux comme Mantes, Orleans, Sainte-Maxence, etc., voire Saint­Petersbourg, sont elles-memes des oeuvres d'art. Les editeurs meritent la gratituded'un large public cultive,

II semble seulement qu'i1s ont omis inconsciemment one table des matieres quieut ete fort utile, ainsi que la mention precise des coupures qu'ils ont faites enreproduisant seulement « les textes les plus significatifs ». L'avertissement a cetegard, discretement inscrit dans une « Note de l'editeur », echappera probable­ment abeaucoup de lecteurs. Comme leur eehappera aussi l'explication de la findu titre, asavoir «pour servir de complement a la nouvelle Architecture hydrau­Iique ». Le celebre ouvrage de Belidor, Architecture hydraulique, a eu une editionen 1788 pour une seconde partie et SOllS Ie nom de Belidor (mort en 1761). II estapeu pres certain que cette seconde partie, posthume, a ete editee par un grouped'amis dont faisait partie Perronet et que c'est elle qu'il a designee comme« nouvelle Architecture hydraulique », La bibliographie rnaterielle des ouvragespublies sous Ie nom de Belidor est fort complexe, mais etant donne l'importancede la tradition technologique qu'ils representent, it eut ete utile d'eclaircir comple­tement Ie role de Perronet a cet egard,

Pierre COSTABEL.

La Figure de la Terre du xvur steele a l'ere spatiale. Sous la dir. de HenriLACOMBE et Pierre COSTABEL. Paris, Gauthier-Villars, 1988. 15,3 x 24,472 p., fige . (« Academie des sciences »),

Pierre Simon de Laplace ecrivit : « II est remarquable qu 'un astronome, sanssortir de son observatoire, en comparant seulement ses observations a l'analyse,eut pu determiner exactement la grandeur et l'aplatissement de la Terre, et sadistance au Soleil ei a la Lune, elements dont la connaissance a ete le fruit delongs et penibles voyages dans les deux hemispheres. L'accord des resultatsobtenus par res deux methodes est une des preuves les plus frappantes de lagravitation universelle » (p. 308).

Peut-etre se souvint-il des lignes plus poetiques et plus celebres de Voltaire,coneluant :

« Vous avez confirme dans ces lieux pleins d'ennui,Ce que Newton connut sans sortir de chez luiVous avez arpente quelque faible partieDes flancs toujours glares de la terre aplatie » (p. 57).

Sans doute Voltaire favorisa trop ses amis les mathematiciens ; en efTet, l'etudede la figure de la terre exige encore une collaboration profonde entre les gens de

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cabinet et les gens de mesures, quoique de nos jours ces demiers rejettent « [les]perches, [les] secteurs et surtout deux Laponies » en faveur des satellites telemetri­ques et des Russes.

II est facile de remarquer que, dans cette enquete, la decouverte la plussaisissante, apres celie de la sphericite de la terre, est que la terre n'est pas du toutune sphere geometrique. Ici la France du xvrr' siecle merite d'etre louee it.plusieurs titres : grace it. Jean Picard qui a, Ie premier, accompli une mesure exactede la terre sphere, it. Jean Richer qui a decouvert l'anomalie de la gravite versl'equateur et a Jean Cassini qui a vu pour la premiere fois la sphere aplatie deJupiter.

Ces resultats furent dus au programme de recherches astronomiques de I'Aca­demie royale des sciences, qui dirigea les premiers voyages scientitiques, ceux dePicard it. Uraniborg (destines it. determiner exactement la position de I'observatoirede Tycho Brahe) et de Richer it. Cayenne (pour fixer la parallaxe de Mars, etc.).Ce fut encore l'Academie qui organisa deux expeditions beaucoup plus celebres,celie de Maupertuis en Laponie (avril 1736-aout 1737), et celie de Godin,Bouguer et La Condamine au Perou (1735-1743) :

« Heros de la Physique, argonautes nouveaux,Qui franchissez les monts, qui traversez les eaux,... »

Voltaire s'en explique d'ailleurs (Lettres philosophiques, XIV) : « A Paris, vousvous tigurez la terre faite comme un melon, it. Londres, elle est aplatie des deuxcotes. »

En effet, deux methodes et deux systemes philosophiques etaient violemrnenten conflit. La methode geodesique (Cassini) donnait it. la terre un axe allonge; lamethode dynamique (Huygens et Newton) donnait un axe raccourci. Mais lesdynamiciens suivaient des raisonnements philosophiques tees differents dont laproportion des axes polairelequatoriale devenait ou 577/578 (Huygens, 1690) ou689/692 (= 230/231 it. peu pres: Newton, 1687). Qui avait raison?

Pour celebrer la resolution de cette question et Ie commencement de l'ereclassique de la geodesie comme de l'etude des anomalies gravitationnelles de laterre, l'Aeademie des sciences organisa done ce colloque, intitule La Figure de laTerre du XV1J~ steele a l'ere spatiale et tenu au Palais de l'lnstitut du 29 au31 janvier 1986. II fut coneu en trois parties, conformement aux veeux desambassadeurs des pays historiquement lies a la France par ces missions scientiti­ques d'i1 y a 250 ansa Deux communications preliminaires traitent I'histoire duprobleme de la figure de la terre, rune de 1670 it. 1957 (J.-J. Levallois), l'autredepuis 1957, correspondant it. l'ere des satellites et des ordinateurs (J. Kova­levsky). Dans la seconde partie (p. 97-319, done la plus importante du livre), ontrouve des etudes historiques des expeditions de 1735 it. 1743 (par P. Costabel etR. Taton); egalement des contributions sur les instruments dont se servaient lessavants francais et espagnols ; sur les techniques mathematiques necessaires pourcorriger et reduire en theorie les mesures faites dans ces « lieux pleins d'ennui »respectivement polaires et equatoriales ; sur I'extension du travail des « Heros»et l'origine de l'etalon metrique comme mesure naturelle derivee de la geodesic.Entin, la troisieme partie (p. 323-448) renferme des essais sur les techniques

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modemes relatives ala figure de la terre: mathematiques, gravimetriques, teleme­triq ues, interferometriques.

nest difficile de caracteriser une oeuvre d'une telle erudition a laquelle ontparticipe vingt-quatre auteurs distingues, On regrettera quelques repetitions et,etant donne Ie plan du colloque, une certaine lacune historique pour la periodeallant de la Revolution (Ie systeme metrique) jusqu'a l'ere spatiale. Bien sur, ony rencontre les noms de Gauss, de George Darwin, de Harold Jeffreys, de Radau,etc., mais Ie point de vue historique diminue beaucoup apres l'essor geodesiquede la France, situe entre 1670 et 1800 environ. Cela dit, Ie lecteur non specialistey trouvera une synthese tres complete et tres exacte d'un sujet qui De possedaitcertes pour Voltaire qu'un interet philosophique, meme un peu gratuit, mais quia gagne pour nous une importance tant industrielle que militaire.

A. Rupert HALL.

Nicole HULIN-JUNG, L 'Organisation de l'enseignement des sciences: fa voieouverte par Ie Second Empire. Pref de Robert Fox. Paris, Ed. du C.T.H.S.,1989.21 x 27, 336 p. (« Memoires de la Section d'histoire des sciences et destechniques », 6).

Cet ouvrage, issu d'une reflexion approfondie et d'une quete documentaireexemplaire, contribue d'une maniere precise, nuancee et objective aune meilleureconnaissance de I'enseignement des sciences dans I'enseignement secondairefrancais au siecle demier.

Le cheminement du propos est lent et s'alourdit de quelques digressions plusau moins utiles (historique de l'agregation et de I'Ecoie nonnale superieure,biographie de Fortoul...); iI s'accidente egalement d'un trop grand nombre decitations qui fragmentent quelque peu Ie texte lui-meme qui perd ainsi en uniteet en continuite.

Mais ce labeur consciencieux a Ie merite de presenter une vue d'ensemble del'evolution de l'enseignement des sciences tout au cours du Xlxe siecle et desouligner le role pionnier joue par Ie ministre de l'Instruction publique, Fortoul,entre 1852 et 1856.

Contrairement a l'image assez negative qui fut et est encore la sienne dans lamythologie universitaire, cet ancien saint-simonien, rallie a Napoleon III, futd'une grande activite reformatrice notamment a propos de I'enseignement dessciences avec sa celebre « bifurcation» (distinguant une section litteraire d'unesection scientifique). Ce dedoublement pedagogique qui favorise de maniereindeniable l'enseignement des sciences dans les lycees et colleges s'inscrit, en fait,dans tout un courant d'idees qui depuis la fin du XVIIf siecle milite pour unepromotion des sciences exactes. L'auteur evoque les projets et les efforts repetesdans la premiere moitie du siecle pour arracher les sciences a I'oppression deshumanites classiques. Mais en vain ... II fallut tout I'autoritarisme du ministre

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Fortoul pour imposer l'egalite entre sciences et lettres. Mais ce coup d'etatpedagogique se heurte a la resistance du corps enseignant et la mort prematureede son auteur en 1856 l'empeche de s'imposer definitivement, Pourtant, l'ideed'un veritable enseignement des sciences n'est pas abandonnee et Nicole Hulinretrouve l'heritage de la « bifurcation » dans la creation de I'enseignement secon­daire special par Ie ministre Victor Duruy en 1865 et l'emergence d'un enseigne­ment secondaire modeme sous la Troisieme Republique des avant 1900.

L'etude de Nicole Hulin, completee par un index des personnes, de nombreuxtableaux et illustrations, apparait indispensable pour Ie sujet qu'elle traite avectant de soin, de minutie et d'objectivite.

Paul GERBOD.

Jerome RAMUNNI, La Physique du calcul: histoire de l'ordinateur. Paris,Hachette, 1989. 14 x 23, 284 p., bibliogr., index (« Histoire et philosophiedes sciences »),

L'ordinateur est au point de convergence de nombreuses inventions et decou­vertes dans des domaines techniques heterogenes, dans Ie champ de la physiquefondamentale et dans celui des mathematiques, Une histoire lineaire, celie desgenerations d'ordinateurs, est ici recusee parce qu'il est tenu compte de I'environ­nement technique adifferentes epoques, des interactions entre la science fonda­mentale et les techniques, entre la physique theorique et experimentale et lesmathematiques, en bref de plusieurs courants de recherche, qui tous ne concer­naient pas ce que I'on appellera en francais « l'ordinateur» (par exemple,I'importance des telecommunications et de la cryptographie, la necessite ducomptage dans la physique subatomique et, avant cela, I'automatisation descalculs relevant de I'analyse .hannonique de Fourier dans la physique du continu).

Avec cette ambition, it fallait Caire des choix et Ie lecteur ne pourra s'etonnersi I'auteur, a diverses reprises, signale les histoires qu'il n'ecrira pas. Instrumentde comptage et de calcul au sens ordinaire, l'ordinateur, des le depart, est concuaussi comme un outil pour les sciences les plus formalisees lorsque, par exemple,il n'existe pas de solution analytique ades equations que l'on considere adapteesa la mathematisation. L'ordinateur, instrument des mathematiciens (pas seule­ment), s'appropriera comme d'autres domaines techniques, les decouvertes de laphysique du discontinu en electronique et en physique des solides, et sonarchitecture se transfonnera avec ces decouvertes et avec l'immense travail sur laprogrammation et les logiciels.

Le role des mathematieiens et des physiciens mathematiciens ne saurait etreminimise. Tout d'abord, certains mathematiciens pensent que les mathematiques,a des moments cruciaux, tirent leur inspiration des sciences de la nature (I'ap­proche « bottom up »), etant entendu qu'ils distinguent la recherche en mathema­tique de la recherche en physique theorique, Les modeles mathematiques et leur

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calculabilite sont decisifs pour les domaines de la physique les plus developpes etiI existerait une parente profonde entre analyse mathematique et analyse physiqued'un phenomene, La theorique physique est, dans cette optique, inseparable dela mathematique utilisee (l'idee est ancienne, qu'on pense a Fourier) et pourV. Bush en 1936, par exemple, les calculs qui derivent de celle-ci occupent un roleequivalent acelui de l'instrumentation scientifique. Ce point de vue donne un tonacertains developpements du livre et it evoque le probleme de l'« adequation »,souvent diseutee, de la mathematique modelisatrice (cf. les debats actuels surl'Intelligence Artificielle). On comprend alors qu'apparaissent, dans une histoirede l'ordinateur, les noms de savants qui ont apporte une contribution a lamodelisation, ce qui pose Ie probleme du calcul et de I'architeeture la plus adapteeaeet objectif. Au xrxs siecle, it faut automatiser les calculs de l'analyse de Fourieret Lord Kelvin mettra au point Ie premier calculateur analogique. Au xxs siecle,von Neumann travaillera sur I'axiomatisation de la mecanique quantique et sur latheorie des jeux et se poseront alors a lui et a ses collegues de redoutablesproblemes de modelisation ; il sera l'un des concepteurs de la machine doteed'une structure qui porte son nom.

L'ordinateur n'est evidemment possible que grace aux avancees techniques. Siles machines analogiques sont limitees a une certaine mathematique, si toutsysteme formel pent etre arithmetise, alors, avec les decouvertes de materiauxfiables (probleme de l'erreur), la miniaturisation, une grande capacite de memoireet une tres grande vitesse de calcul, Ie numerique remplace l'analogique. L'electro­nique se substituera a l'electro-mecanique, les tubes a vide, fragiles, serontremplaces par les semi-conducteurs, importants aussi pour les telecommunica­tions, le radar... II existe un prototype completement transistorise en 1954, ce quifait qu'au plan non commercial la deuxieme « generation» vient avant la pre­miere. Les tores en ferrite equiperont la memoire centrale, puis on pensera aeuxpour la partie logique et mathematique et, des 1957, on aura une machine faisantla synthese entre transistors et tores en ferrite. A noter qu'il existe une richessed'idees, de prototypes qui n'aboutiront pas ades produits commerciaux essentiel­Jement pour des raisons economiques : les machines totalement en tores enferrite, l'ordinateur supraconducteur... Ce ne sont evidemment pas seulement desexploits d'ingenieur : les idees et realisations techniques sont sous la dependancedes connaissances fondamentales acquises dans les laboratoires (physique dusolide, supraconductivite...). Les materiaux utilises dans ces machines astructurescomplexes permettront une plus grande rapidite de caleul et une miniaturisation.On aura les circuits imprimes puis integres (on passera d'un composant parmillimetre carre a vingt mille), qui auront un retentissement sur l'architecture del'ordinateur. L'organisation hierarehique lineaire de von Neumann avait ete miseen cause par des mathematiciens et physiciens, par les specialistes des pro­grammes, mais l'integration conduira it l'essor des reseaux d'ordinateurs sur labase d'une reflexion portant sur la topologie des interconnexions.

L'ordinateur, c'est aussi la programmation. Tres vite les ingenieurs, les commer­ciaux, se preoccuperont de rendre compatibles des materiels differents. Beaucoupde langages seront mis au point, la programmation etant traduite en langagemachine et stockee en sous-programmes sur des memoires auxiliaires (FORTRAN,

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mis au point pour les premieres machines sequentielles, sera adapte aux machinesparalleles), Lorsque les ordinateurs deviendront plus rapides, plus complexes, ilfaudra gerer cette complexite grace aux logiciels afin d'en optimiser l'utilisation.La multi-programmation permettra de partager un ordinateur entre plusieursusagers, de maniere simultanee,

Se rejoignent done la technique, les mathematiques et la mise en oeuvre dulogiciel, ce qui, a tenne, donne raison aTuring (1945) qui avait tres tot percu queIe programme commande Ie choix des circuits, que le materiel est indissoluble­ment lie au logiciel, ce qui l'avait conduit a une machine a structure feuilleteedifferente de celle de von Neumann.

Dans cette histoire complexe, mentionnons encore le souci des constructeurs dedissimuler al'utilisateur, grace aux langages evolues, la complexite de la machine.Ne sont plus aloes requis des programmeurs de tres haut niveau, ce qui permet,en conjonction avec d'autres facteurs, la diffusion des micro-ordinateurs, la miseau point des systemes-experts et conduit aussi ades discussions passionnees surl'Intelligence Artificielle.

Les ordinateurs sont tees vite sortis du laboratoire. lis ont ete adoptes par lescompagnies d'aviation, d'assurances, par Ie secteur commercial et, plus generale­ment, Ie tertiaire. La « revolution» infonnatique c'est, en partie, eet immensemarche avec la micro-informatique professionnelle (familiale et scolaire aussi), lesreseaux et la telematique, On comprend que les strategies commerciales et lesbesoins des clients ont pese dans un eertain nombre de choix techniques quidevaient conduire, entre autres choses, au tout numerique.

L'auteur insiste a plusieurs reprises sur le role des militaires. L'Armee (enparticulier americaine) est partout presente dans ce livre. De quoi a· t-on besoinpour la defense, le radar, les satellites, les missiles, etc. ? Que faut-il faire pour Depas se laisser depasser par les Sovietiques, pour progresser dans la guerre desetoiles ? Les investissements sont a la mesure des volontes strategiques, desinquietudes et peurs provoquees par Ie geant de l'Est. Notons aussi l'etroitecooperation entre les laboratoires universitaires et ceux de l'Armee, ce qui nousvaut des reflexions dont tireront profit ceux qui s'interessent aux relations entrescience, technique et societe.

Nous avons lei un ouvrage intelligent, superbement documente, trop bref pourI'ambition de l'auteur qui, visiblement, aurait aime approfondir certaines analysesqui ne sont qu'esquissees et qui, esperons-le, seront reprises dans d'autres textes.

Gerard LEMAINE.