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Patricia Mamet Soppelsa Juriste, Gouvernance Santé et droit humanitaire. Professeur à l'Institut des Hautes études Internationales et Politiques. LA SECURITE SANITAIRE INTERNATIONALE Défi et enjeu pour une sécurité planétaire: vers une gouvernance mondiale sanitaire réussie La sécurité sanitaire internationale revêt actuellement une importance majeure qui n'échappe à personne, eu égard à l'actualité internationale de ces derniers mois. Elle concerne désormais, comme nous allons l'envisager, non seulement la nécessité de trouver des solutions au regard des graves crises de la planète ( le nucléaire avec le Japon tout dernièrement, Haïti avec l'épidémie de Choléra, le SRAS,( syndrome respiratoire aigüe sévère) la grippe aviaire, le sida....) mais aussi plus spécifiquement la survie de l'Homme sur terre avec le constant souci de la sauvegarde de la planète, préoccupation à la fois d'ordre écologique mais aussi sociale et politique. Nous analyserons ensuite les exigences que pose la nécessaire sécurité sanitaire à l'échelle de la planète, qui entraîne par voie de fait et de droit, un devoir d'intervenir auprès des populations en danger, au nom de la notion (à la fois sociale et juridique) de « Responsabilité de protéger » qui autorise semble t-il, désormais à dépasser l'opposition entre les Etats attachés à une stricte application du principe de Souveraineté et les tenants d'une politique d'intervention militaire à des fins humanitaires. Le débat est toujours ouvert, malgré les divergences des experts en la matière, juristes et politiques ayant bien du mal à se mettre d'accord... Mais les faits récents tendraient à prouver que l'on s'achemine progressivement vers un « principe » d' intervention plus systématique au nom de la sécurité internationale et en direction de populations civiles fortement menacées.Peut on y voir, ici la transformation des modèles des relations internationales et l'émergence d'une nouvelle norme? Assurément, il s'agit pour le moins d'une évolution manifeste des usages et des principes 1

sécuritéaire sanitaire internationale

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Patricia Mamet SoppelsaJuriste, Gouvernance Santé et droit humanitaire.Professeur à l'Institut des Hautes études Internationaleset Politiques.

LA SECURITE SANITAIRE INTERNATIONALE

Défi et enjeu pour une sécurité planétaire: vers une gouvernance mondiale

sanitaire réussie

La sécurité sanitaire internationale revêt actuellement une importance majeure qui n'échappe à

personne, eu égard à l'actualité internationale de ces derniers mois. Elle concerne désormais,

comme nous allons l'envisager, non seulement la nécessité de trouver des solutions au regard des

graves crises de la planète ( le nucléaire avec le Japon tout dernièrement, Haïti avec l'épidémie de

Choléra, le SRAS,( syndrome respiratoire aigüe sévère) la grippe aviaire, le sida....) mais aussi

plus spécifiquement la survie de l'Homme sur terre avec le constant souci de la sauvegarde de la

planète, préoccupation à la fois d'ordre écologique mais aussi sociale et politique. Nous

analyserons ensuite les exigences que pose la nécessaire sécurité sanitaire à l'échelle de la

planète, qui entraîne par voie de fait et de droit, un devoir d'intervenir auprès des populations en

danger, au nom de la notion (à la fois sociale et juridique) de « Responsabilité de protéger »

qui autorise semble t-il, désormais à dépasser l'opposition entre les Etats attachés à une stricte

application du principe de Souveraineté et les tenants d'une politique d'intervention militaire à des

fins humanitaires.

Le débat est toujours ouvert, malgré les divergences des experts en la matière, juristes et

politiques ayant bien du mal à se mettre d'accord... Mais les faits récents tendraient à prouver que

l'on s'achemine progressivement vers un « principe » d' intervention plus systématique au nom de

la sécurité internationale et en direction de populations civiles fortement menacées.Peut on y voir,

ici la transformation des modèles des relations internationales et l'émergence d'une nouvelle

norme? Assurément, il s'agit pour le moins d'une évolution manifeste des usages et des principes

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qui gouvernaient jusque là le champs des Relations internationales...

Une approche humanitaire institutionnelle.

A l'analyse de cette problématique de sécurité sanitaire internationale, c'est la vision de L'« Etre humain »

aujourd'hui, dans le monde dans lequel il évolue, qui est envisagée et cela, dans toutes ses dimensions . Mais

sans doute, plus encore, c'est l'avenir de l'Humanité et la survie de l'Espèce qui sont en jeu dans la réalisation

consciente et responsable de « protéger »l'être humain à tout prix.

Cette notion d'un droit humanitaire est née dans l'urgence de certaines situations de populations en grand

péril. Il nous faut remonter à 1625 avec l' objectif du juriste hollandais Hugo Grotius de « poser »les

fondements d'un véritable droit humanitaire en légitimité. « Venir en aide aux populations en détresse » sans

le consentement de l'Etat, est une idée ancienne qui s'impose alors. Il en faisait état dans le « de jure belli ac

pacis ». Mais il faudra attendre la pensée progressiste et humaniste du philosophe Jean François Revel pour

remettre en question le principe de non ingérence en droit international ( Charte des Nations Unis :art 2

paragraphe 7, qui pose le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat comme principe

pacificateur) et parler pour la première fois d' « une responsabilité de protéger » les populations en détresse

afin de leur venir en aide. Enfin en 1987, Mario Bettati et Bernard Kouchner consacrent d'une manière

certaine un devoir d'ingérence humanitaire lors d'une conférence internationale sur le thème « Droit et

morale humanitaire », réactualisant ainsi le texte général fondamental relatif aux Droits de l'Homme: la

déclaration universelle des Droits de l'Homme, qui, dans son préambule et son article I stipule que « les

Droits de l'Homme sont l'expression directe de la dignité de la personne humaine, l'obligation pour les Etats

d'en assurer le respect découlant de la reconnaissance même de cette dignité ».

Mais c'est en réalité à partir de 2002 que l'idée de « Responsabilité de la communauté internationale » va être

reconnue. Un concept nouveau vient de naître: « La sécurité humaine », notion qui, désormais prévaudra

dans l'ensemble des relations internationales.

Nous verrons que depuis les années 90, une prise de conscience réelle et d'un autre type,s'est opérée dans

l'espace international. En témoignent les nombreux sommets, conférences, textes internationaux, qui

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consacrent la « sécurité des populations » comme un Droit de l'Homme . Cela impose ainsi désormais, une

vraie « responsabilité » aux Etats dont elles relèvent mais engageant aussi la communauté internationale au

regard de cette nouvelle façon d'envisager ses relations internationales, et une façon de privilégier

l'émergence d'un principe sécuritaire, faisant prévaloir la notion désormais prioritaire de « Sécurité des

populations ». A l'éclairage des évènements récents sur la scène internationale (Pays de l'Est, Corne de

l'Afrique, Côte d'Ivoire,Libye, Syrie...) il semble que nous assistions à une révision du système international

sur la base d'un retour en force des Droits de l'Homme, avec la remise en valeur de la « Protection des

personnes ». Priorité des Peuples sur l'Etat? Une logique qui semble s'imposer dans l'urgence sécuritaire de

nouvelles situations internationales... Mais qu'en est-il alors de la stricte application du principe de

Souveraineté de l'Etat, qui constituait jusqu'alors la base de la reconnaissance pleine et entière d'un droit

imprescriptible et inaliénable: celui du respect de l'autodétermination d'un Etat? ( Charte des NationsUnis,26

juin 1945, article 1&2.Les principes fondamentaux du Droit international.)

Aujourd'hui, il apparaît clairement que l'émergence du concept de responsabilité de protéger et donc la pleine

reconnaissance de l'obligation internationale de se substituer à l'Etat impuissant ou défaillant pour protéger sa

population ou pour la traiter avec « humanité », devient un mode opératoire clairement reconnu et validé par

le Conseil de sécurité de l'ONU.(exemples récents: la Libye,la côte d'Ivoire .)

Il en découle naturellement une nouvelle « redéfinition » des règles du jeu international et la nécessité

d'engager un processus de « normativisation » par mesure de « précaution » afin d'éviter toute dérive

hégémonique (qui pourrait s'apparenter à une nouvelle forme de colonialisme).Différentes questions se

posent alors fort légitimement: comment ce nouveau principe d'intervention peut- il se mettre en place tout

en conciliant les concepts traditionnels et fondamentaux qui jusque là prévalaient dans l'espace international,

en l'occurrence la norme « référente »de souveraineté d'un Etat? En termes clairs, comment garantir de

manière certaine qu'il n'en sera pas fait un usage abusif à des fins stratégiques, économiques et contraires in

fine, aux règles même des Nations unies?

Rappelons que ce concept de « responsabilité de protéger » n'est défini clairement ni dans la Charte , ni

dans les résolutions du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale. En revanche il s'impose

naturellement dans un devoir de sûreté international et de sécurité humanitaire , privilégiant un devoir à la

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« Personne humaine » sur le pouvoir d' « un Etat ». Il semble désormais acquis qu'une initiative collective

de la communauté internationale soit validée et « estampillée » institutionnellement, dans le cadre spécifique

d'une action menée en direction d'une population menacée dans sa sécurité, si les moyens pacifiques utilisés

jusque là s'avèrent insuffisants, ou si les autorités en charge naturellement de sa sécurité sont reconnues

incapables d'agir ou refuseraient purement et simplement de le faire! Il s'agit bien là d'apprécier un

« engagement » en co-responsabilité des Etats membres de l'ONU, bouleversant les critères traditionnels

encadrant toute intervention internationale.

En témoigne une avancée dans la réflexion internationale si l'on en juge par le document final du Sommet

mondial de 2005 faisant directement référence à la responsabilité de la communauté internationale et

préconisant « d'aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et

des crimes contre l'humanité...lorsque les moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités

nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations ». Ajoutons à cela la reprise de

cette « nouvelle responsabilité »par le Conseil de sécurité de l'ONU, dans sa résolution 1674/2006. N'est il

pas rappelé par l'Assemblée générale et cela à plusieurs reprises, qu'il convient de « ..continuer d'examiner la

question de la responsabilité de protéger ».Enfin le 12 janvier 2009, le rapport du Secrétaire général de

l'ONU sur la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger » vient confirmer cette nouvelle disposition de

la donne internationale en droit positif.

A l'instar de nombreux politologues, nous constatons que, désormais, on s'interroge moins sur la légitimité

de ce nouveau principe d'action que sur son efficacité, ce qui l'inscrit bien, par voie de fait, davantage comme

un processus permanent que comme une forme de réaction exceptionnelle et conjoncturelle.

Cette problématique étant désormais définie, cela nous conduit à envisager plus précisément la thématique

fondamentale de la « sécurité sanitaire internationale » à proprement parler.

Une approche humanitaire pluridisciplinaire

Une prise de conscience d'un type nouveau semble désormais prévaloir dans la perception , la conception et

la mise en application même, des nouvelles relations internationales;Il paraît plus qu'évident que le nouveau

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paysage international, les exigences d'un temps nouveau, l'appel de comportements de survie originaux, le

tout concilié avec des exigences humanitaires et sanitaires entraînées par de nouvelles situations planétaires,

font que désormais des modes comportementaux inédits ainsi que de nouveaux modes opératoires, tant dans

l'espace privée que dans l'espace public international, s'imposent naturellement. Nous avons constaté qu'au

regard du Droit, précisément, cette notion de « responsabilité de protéger » témoigne et met l'accent tout

particulièrement sur les contours mouvants du système international.

Il s'agit là d'une notion spécialement intéressante. En effet, elle se situe à l'intersection du droit humanitaire

et du droit politique. Elle conditionne une nouvelle réflexion en termes de société, d'éthique ( où placer la

morale de l'Homme? l'obligation à agir, à sortir de l'indifférence?) de vision de la politique...Aller vers un

espace plus délié de la puissance d'Etat, vers une Gouvernance mondiale sans doute...O ,n s'interroge

beaucoup sur l'espace international, ne sommes nous pas aujourd'hui en train de vivre une évolution majeure

où s'inscrivent d'autres relations internationales, d'autres règles, d'autres équilibres, d'autres rapports à la

responsabilité commune...mélange des protections issues du pacte politique traditionnel et de celles relevant

de l'émergence des gouvernances des institutions supranationales et de l'alliance des états pour une forme

d' « optimisation » de la vie des populations avec le maintien de conditions de survie...

Désormais, , la communauté internationale s'attacherait davantage à protéger une humanité bien vivante, ce

qui l'amènerait à préserver la survie de cette humanité d'une part et d'autre part à s'intéresser de près aux

expansions de son « pouvoir vivre ». Il apparaît clairement que las actions traditionnelles, juridiquement

encadrées pour empêcher les conflits, protéger les plus vulnérables,intervenir dans l'intérêt commun,

consolider la paix,demandent aujourd'hui, sans doute, de nouveaux cadres institutionnels.

L'évolution du temps, les nouvelles menaces ( armes nucléaires, bactériologiques), de nouvelles urgences

sanitaires ( pandémie du sida, du sras, etc...)appellent assurément de nouveaux critères d'appréciation de ce

que l'on qualifie de « sécurité collective ». et à l'instar de Michel Foucault nous ne dirons jamais assez «

qu'il y a urgence à défendre la société » dans sa critique de la raison politique et que « les sciences

humaines d'aujourd'hui, sont plus que du domaine du savoir, déjà des pratiques, déjà des institutions » .

Nous nous interrogeons aussi sur le fait de la pertinence d'une action militaire pour valider une action de paix

humanitaire ...ainsi que sur « l'indéniable proximité entre le problème politique de la sécurité et celui des

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guerres... » Chaque situation politique en termes de protection sécuritaire s'analyse, s'anticipe, se maitrise.iL

y va précisément de la sécurité, afin de se prémunir contre un usage défectueux de la Force et notamment

contre une « manière de s'affirmer qui veut supprimer autrui »comme le précisait si bien Machiavel.( cf: le

Prince.)

Nous prenons bien conscience que la dimension mondiale de la gestion de la planète s'impose désormais ,

quel que soit son champ d'application. La mondialisation demeure le processus le plus pertinent en matière

de gouvernance sanitaire internationale. Elle oblige en effet à envisager les problématiques dans un contexte

de collaboration des différents acteurs de la scène internationale, ( acteurs de plus en plus nombreux...Rôle

des ONG non négligeable!) et à mettre en oeuvre des politiques de prévention ou d'action et cela dans le

cadre d'un alignement des pays, en vue d'une efficacité maximale. L'urgence des situations, l'augmentation

des risques transfrontaliers qui contribuent largement à la propagation des maladies et à la modification de la

répartition géographique des facteurs déterminants de la santé, l'obligation d'une nécessaire rapidité

d'intervention (comme nous l'avons vécu récemment suite à des catastrophes, comme à Haïti ou au Japon..

ou la menace grave d'une pandémie), font que désormais les pays se doivent d'avoir des actions concertées et

s'obligent à un dialogue constant , nourri...et productif.

L'émergence du SIDA, la survenue de la crise de la Grippe aviaire, du SRAS, ont fait prendre conscience à la

communauté internationale des enjeux globalisés de la santé.

L'organisation mondiale de la santé (OMS), autorité directrice et coordonnatrice au sein du système des

Nations Unies dans le domaine de la santé, intervient donc désormais dans un contexte de plus en plus

complexe et en mutation rapide. L'OMS est une organisation intergouvernementale à vocation Universelle.

Sa mission en témoigne par essence. N'est -elle pas d': « amener tous les peuples au niveau de Santé le plus

élevé ». Depuis sa création, le 7 avril 1948, si l'OMS a su marquer une avancée considérable dans les

rapports entretenus entre les sociétés et les êtres, elle ne dispose pas cependant du monopole des actions dans

le domaine sanitaire. D'autres organisations internationales se sont attribuées des compétences dans ce

domaine ( L'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation de l'aviation civile internationale,

l'Organisation internationale du Travail, l'Unesco, l'Unicef..etc...) Il y a donc là aussi nécessité d'harmoniser

au plan international des procédures , des actions au plan de la Santé pour conduire plus efficacement encore

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des actions humanitaires. Mais le champ d'action de l'OMS demeure prépondérant au niveau des institutions

internationales et dépasse la lutte contre les grandes pandémies ( déjà important en soi!) .Il englobe des sujets

aussi différents que l'accès aux médicaments, les changements de comportements, l'enseignement de règles

de vie, d'hygiène, des formations, le renforcement des systèmes de santé..Chargée de conduire les politiques

de santé , ses quatre priorités demeurent globalement d'assurer la Sécurité sanitaire , de lutter contre les

maladies chroniques, d'atteindre les O.M.D ( Objectifs du millénaire pour le Développement) et promouvoir

un accès aux soins de santé pour tous de façon équitable... Le résultat est loin d'être atteint... Plus

globalement nous dirons que depuis plus de cinquante ans, l'action sanitaire international est limitée à trois

domaines:

– L'assistance sanitaire internationale, pour lutter contre les pandémies et les maladies non

transmissibles et pour mener des recherches sur les traitements ( cancer, sida, paludisme, lèpre..)

– la surveillance épidémiologique et la lutte contre les maladies quarantenaires ( choléra, peste, fièvre

jaune, typhus, variole, fièvre récurrente).

– Le contrôle des médicaments par l'élaboration des dénominations communes internationales

( certification de leur qualité depuis 1975) et le programme des médicaments essentiels ( première

liste établie par l'OMS en 1977)... Sa Directrice Générale, le docteur Marguerite Chan réactualise

d'ailleurs les priorités, en soulignant lors d'une déclaration récente que « l'efficacité d'ensemble de

l'OMS sera mesurée à l'impact de son action sur la santé des femmes et la santé en Afrique ».

En résumé, un travail colossal s'impose toujours, en matière de sécurité sanitaire internationale.

Désormais il semble acquis qu'une réelle prise de conscience suivie d'une action concertée à l'échelle

de la planète s'organise face aux défis sanitaires mondiaux auxquels nous sommes confrontés, mais il

n'en demeure pas moins que la coordination des actions et l'insuffisance des moyens demeurent

largement insuffisants si l'on en juge par les besoins et la persistance de la fracture Nord /Sud avec

ses disparités criantes et dangereuses, à l'échelle du monde.

Pendant longtemps, la Santé est demeurée le champ réservé des politiques nationales, ce n'est que

depuis peu que ce domaine suscite l'intérêt des enceintes internationales et l'implication des Etats.

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La prise de conscience écologique et les menaces graves pesant sur la planète, n'ont pas été neutres

dans cet accès de lucidité.

Pour un avenir plus assuré à l'échelle de la planète, il semble évident que la nécessité d'agir pour« la sécurité

sanitaire mondiale » au XXIe siècle constitue, non seulement un tournant dans l'histoire de l'humanité en

général et de la santé publique en particulier mais traduit aussi, ce qui pourrait être un des progrès majeurs

de ces 50 dernières années. (En témoigne, un débat mondial de haut niveau, qui s'est tenu à Singapour le 2

avril 2007, en préambule à la Journée mondiale de la Santé, pour faire mieux connaître la « Sécurité sanitaire

internationale ». Ce débat d'une grande portée, a mis les participants au défi de surmonter les obstacles

économiques, diplomatiques et de santé publique, en vue d'une meilleure coopération transfrontalière, en les

invitant instamment à trouver la voie d'une collaboration plus efficace. Son but étant d'inciter les gouvernements,

les organisations et les milieux d'affaires à "Investir dans la santé, bâtir un avenir plus sûr". Il a été suivi de près

par un rapport de 2007 sur le même sujet montrant s'il en était besoin, combien le monde, se trouve de plus en

plus exposé au risque de flambées, d'épidémies, d'accidents, de catastrophes naturelles et d'autres urgences

sanitaires pouvant rapidement menacer la sécurité sanitaire mondiale. Le rapport en question explique comment

le Règlement sanitaire international (2005) entré en vigueur en 2007, aide les pays à collaborer pour définir les

risques et agir pour les endiguer et les combattre. Il souligne qu'un avenir plus sûr est à portée de main et cette

perspective représente à la fois une aspiration collective et une responsabilité mutuelle pour chaque pays..!.)

Comme nous le constatons, la sécurité sanitaire internationale constitue la première ligne de défense contre

les chocs sanitaires susceptibles de dévaster des populations, des sociétés et des économies. Conscients de

nouvelles menaces avec, comme nous l'avons vu, la réapparition de maladies émergentes, ou de nouvelles

épidémies telles que le SRAS et la grippe aviaire, ou encore des chocs sanitaires liés à des catastrophes

naturelles pas toujours prévisibles...Les urgences humanitaires, les risques que font courir à la santé les

changements climatiques ou encore la dégradation de l'environnement, ainsi que d'autres risques sanitaires

aigus qui peuvent être qualifiés d'urgences de santé publique , tout ceci fait que notre monde doit s'adapter et

concevoir obligatoirement de nouveaux modes de comportements, de nouvelles structures mieux adaptées et

de nouveaux outils juridiques institutionnels, pour intervenir au plus juste des situations, au plus près des

besoins des populations en souffrance. Nous devons opérer une gouvernance mondiale plus ambitieuse

encore et la sécurité sanitaire internationale constitue à cet égard la clef de voûte d'un nouveau mode

d'organisation vitale.

Le constat du retard dans l'atteinte des objectifs du Millénaire (Cf:voir le discours de Margaret Chan « Retour

à Alma Ata »), la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement, plus importantes, plus pérennes

aussi , l'obligation de mieux coordonner les différentes actions ont naturellement conduit à une multiplication

d'initiatives et à l'implication grandissante d'acteurs non traditionnels. ( Rôle non négligeable des ONG).

Autre fait marquant des dernières années: désormais le fait d'investir dans la Santé n'est plus considéré

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comme une dépense secondaire dans les politiques des Etats mais constitue, un véritable investissement en

matière de Développement. La Santé devient un domaine majeur d'intervention des politiques internationales, et la

Sécurité sanitaire, un enjeu capital pour la stabilité internationale et la garantie d'une gouvernance mondiale plus

maitrisée.

En conclusion, nous dirons qu'une nouvelle logique d'action semble enclenchée dans la sphère

internationale, obéissant à une prise de conscience d'un changement du monde. Aucune stabilisation, aucune

paix, aucune survie ne peut exister dans un environnement non sécurisé et voué à la précarité. Ainsi l'ère des

unités souveraines juxtaposées, traitant chacune sa sécurité sanitaire spécifique, est bel et bien dépassée. Ce

n'est plus désormais seulement, la volonté des Etats qui fédère leur alliance mais l'obligation qui leur est faite

de répondre en interdépendance et en coordination nécessaire face à des menaces nouvelles aujourd'hui,

partagées!

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Déclaration du Docteur Margaret Chan, Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé.

Retour à Alma-Ata

15 septembre 2008

Il y a trente ans, la Déclaration d’Alma-Ata présentait les soins de santé primaires comme une série de

valeurs de base pour le développement de la santé, une série de principes pour l’organisation des services

de santé, et un ensemble d’approches permettant de tenir compte des besoins de santé prioritaires et des

déterminants fondamentaux de la santé.

L’ambition, qui a servi de point de départ au mouvement de la santé pour tous, était courageuse. Elle

supposait qu’une politique éclairée pouvait améliorer le niveau de la santé dans les populations pauvres et

devenir ainsi un moteur du développement dans son ensemble. La Déclaration a élargi le modèle médical

pour l’étendre aux facteurs socio-économiques, reconnaissant que les activités dans de nombreux secteurs,

y compris les organisations de la société civile, conditionnaient les perspectives d’une amélioration de la

santé. L’équité en matière d’accès aux soins et l’efficacité de la prestation des services étaient des buts

primordiaux.

Privilégiant l’engagement local, les soins de santé primaires misaient sur la capacité d’adaptation et

d’innovation de l’esprit humain en laissant la place à des solutions inventées par les communautés, dont

elles étaient maîtresses et dont elles assuraient la viabilité. Et surtout, les soins de santé primaires offraient

un moyen d’organiser tout l’éventail des soins de santé, de la famille jusqu’à l’hôpital, en accordant à la

prévention la même importance qu’aux soins et en investissant les ressources de manière rationnelle aux

différents niveaux de soins.

L’approche a presque immédiatement été mal comprise. On y a vu une attaque radicale contre l’ordre

médical établi, on l’a qualifiée d’utopie, on l’a accusée de mettre uniquement l’accent sur les soins au

premier niveau. Pour certains milieux du développement, il s’agissait de proposer un système au rabais, des

soins au rabais pour les pauvres, une solution au rabais pour les pays en développement.

Les visionnaires de 1978 ne pouvaient pas par ailleurs prévoir les événements mondiaux;: la crise pétrolière,

la récession mondiale et l’introduction par les banques de développement de programmes d’ajustement

structurel détournant les budgets nationaux des services sociaux, et notamment ceux de la santé. À mesure

que les ressources consacrées à la santé diminuaient, des approches sélectives utilisant des ensembles

d’interventions l’emportaient sur l’objectif de départ, qui était de refaçonner de manière fondamentale les

soins de santé. L’émergence du VIH/sida, la résurgence de la tuberculose qui lui a été associée et

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l’augmentation du nombre de cas de paludisme ont déplacé le centre de gravité de la santé publique

internationale de programmes élargis vers la gestion de situations d’urgence entraînant une mortalité élevée.

En 1994, l’OMS, analysant les changements mondiaux intervenus dans le développement sanitaire depuis

Alma Ata, est arrivée à une bien sombre conclusion, à savoir que l’objectif de la santé pour tous d’ici l’an

2000 ne serait pas atteint.

Que peut-on tirer des expériences d’un mouvement qui n’a pas réussi à atteindre son but? En fait,

beaucoup. Aujourd’hui, les soins de santé primaires ne sont plus aussi mal compris. En fait, plusieurs

tendances et plusieurs événements ont clarifié leur pertinence d’une manière qu’on n’aurait pu imaginer il y

a trente ans. Les soins de santé primaires apparaissent de plus en plus comme une façon intelligente de

remettre le développement sanitaire sur les rails.

La Déclaration du Millénaire et ses objectifs ont insufflé une vie nouvelle aux valeurs d’équité et de justice

sociale, cette fois en vue d’assurer que les avantages de la mondialisation soient plus également répartis

entre les pays. L’épidémie de sida a montré de façon manifeste la pertinence des idées d’équité et d’accès

universel. Avec l’apparition du traitement antirétroviral, la capacité d’accéder aux médicaments et aux

services devenait synonyme de possibilités de survie pour des millions de gens.

L’enlisement des efforts en vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement liés à la santé a

contraint à remettre en question le manque d’investissements pendant des décennies dans les

infrastructures, les services et les personnels de santé. Comme nous l’avons vu, ni les interventions

énergiques de base et ni les moyens financiers ne permettent d’obtenir de meilleurs résultats sanitaires en

l’absence de systèmes efficaces pour fournir les services.

La poussée des maladies chroniques a fait apparaître d’autres problèmes. On a pris conscience de la

charge que représentent les soins de longue durée pour les systèmes de santé et les budgets de la santé,

des coûts catastrophiques à l’origine de la paupérisation des familles, et de la nécessité de la prévention

dans une situation où la plupart des facteurs de risque échappent au contrôle direct du secteur de la santé.

En d’autres termes: équité, efficacité et action plurisectorielle.

En août 2008, la Commission des Déterminants sociaux de la Santé a présenté son rapport final. Elle

préconise que toutes les politiques gouvernementales, dans tous les secteurs, accordent une attention

extrême à la santé. Les écarts en matière de résultats sanitaires ne sont pas une fatalité. Ils illustrent

simplement l’échec des politiques suivies. Il n’est pas surprenant que le rapport présente les soins de santé

primaires comme le modèle d’un système de santé agissant sur les causes socio-économiques et politiques

sous-jacentes aux problèmes de santé.

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