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Seigneur, à qui irions-nous ? Pour aller plus loin n.1.2 — Il relève les humiliés — Quelques notes techniques :
L’humilié : Personne courbée sous le poids de la pénibilité de son histoire ou de celle de son peuple.
L’humilité : (dérivé de humus : terre) Disposition à s’abaisser volontairement en réprimant tout mouvement d’orgueil.
L’Humble : Quelqu’un de pauvre = tout que ce qu’il a est pour autrui.
Innocent : Un être pur, libre, qui ne nuit pas.
La Rédemption : Rachat du prix mortel dû au péché par le sacrifice du Christ en faveur de tout le genre humain. Ce rachat opère la rémission de la dette contractée par le péché et ouvre à nouveau les portes de la Vie éternelle.
Auteur : de auctor = celui qui fait grandir, qui impulse le désir d’agir.
Trinité : Trois Personnes en Dieu : le Père, le Fils et l’Esprit.
Le Joug de Jésus : les commandements de Vie de la ToRaH résumés dans cette parole : « Tu aimeras de charité ton prochain comme toi-‐même. »
— Phrases clés :
« L’humilié et l’humble refusent d’être des superbes, de regarder le monde de haut. Cela permet leur rencontre. »
« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » (Mt 7,12)
« Ce n’est qu’au niveau du sacrifice consenti par amour que l’on peut expérimenter l’unité paradoxale de la souffrance et de la joie » Père F. Varillon
— Réflexion :
« L’humilité de Jésus est, tout au long de sa vie, l’humilité même de DIEU qu’Il veut communiquer à l’homme par l’Esprit Saint, parce que cette Humilité est le lieu même de notre élévation, de notre divinisation ! »
Cette vertu d’humilité nous donne une promesse qui nous dépasse. Lorsqu’entre en scène l’Esprit Saint pour nous conduire sur ce chemin, comment se préparer à l’accueillir ?
« Ce n'est qu'au niveau du sacrifice consenti par amour que l'on peut expérimenter l'unité paradoxale de la souffrance et de la joie. »
Dans la vidéo n. 3 « Le moment où tout a commencé », nous avons associé mort et amour. Aujourd’hui sont associées souffrance et joie. Comment comprendre ces paradoxes alors que nous disons que Dieu n’est qu’Amour ?
« L’HUMILITÉ n’est pas simplement une valeur mais une manière de SE TENIR DANS L’ÊTRE sans le transformer en avoir... L’HUMBLE est par définition quelqu’un de PAUVRE : non qu’il n’ait rien, mais il ne POSSÈDE RIEN, parce que tout ce qu’il a est POUR AUTRUI ! »
L’humilité, être humble… Des mots qui n’ont pas beaucoup d’audience dans notre monde. Est-‐il possible que notre foi en Jésus nous fasse désirer vivre l’humilité ?
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— Quelques témoignages vidéo :
• Extrait du discours de M. Emmanuel Faber, PDG du groupe Danone, chrétien catholique, aux étudiants de HEC en juin 2016 : https://www.youtube.com/watch?v=OorAXggoiQQ
• La réponse de Charlotte à un fonctionnaire de l’ONU qui décrète que la législation mondiale doit contraindre les mères d’enfants trisomiques à avorter : https://www.youtube.com/watch?v=V5mI2aX6RsU
— Quelques citations glanées de-‐ci de-‐là :
« Jean-Baptiste est en prison. Il s’interroge à propos de Jésus dont on lui rapporte les œuvres et la prédication. Alors il envoie ses disciples lui demander : “Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?” »
Jean Baptiste n’a pu comprendre que Jésus était vraiment le Messie attendu que lorsque jésus a repris les Ecritures du Premier Testament qui l’annonçaient. Sur quels éléments basons-‐nous notre foi ? Qui a ouvert le chemin qui nous a menés à Jésus ?
« Vous pourriez donner vos biens pour nourrir les pauvres, faire des dons substantiels aux œuvres de charité, être de grands philanthropes ; sans l'amour, cela ne signifie rien. Et même livrer votre corps aux flammes, mourir en martyre, répandre votre sang pour qu'il devienne symbole d'honneur pour des générations à venir, être glorifier par des milliers de personnes comme un héros de l'histoire, sans l'amour, votre sang aurait été versé en vain. (...)
La générosité peut nourrir son égo et la piété gonfler son orgueil. L'homme a la capacité terrible de transformer une haute vertu en vice tragique. Sans amour, la bienfaisance devient un culte de soi et le martyre, orgueil spirituel. »
Martin Luther King
« Fais-‐toi capacité, je me ferais torrent ». Cette phrase de Catherine de Sienne a ceci de prodigieux qu’elle résout en quelques mots le paradoxe de la force de l’abandon. La force de l'abandon n’est ni la volonté ni son contraire. Elle n’est ni fatalisme ni liberté totale. Elle intègre le double mouvement du flux et du reflux qui anime notre énergie et nous permet tour à tour de donner et de recevoir, d'agir et de laisser agir.
Il nous faut cette capacité d'ouverture, de disponibilité, d'abandon, qui nous permet d’accueillir tout le flux de la vie et les surabondants bienfaits de la Providence.
Nous pensons bien à tort que nous devons être en prise, combattre pour faire notre place, et toutes ces attitudes contiennent une part de vrai. Toutefois, on ne gère pas son destin comme un agenda. Tout n'est pas programmable, tout ne dépend pas de nous. Il est même des moments où plus nous nous acharnons, et moins les choses vont comme il le faudrait. Il nous faut consentir à l'idée que le bonheur est d'abord affaire de prédisposition intérieure : dès lors que nous sommes capables de nous tenir simplement en éveil, dans une docilité silencieuse, alors tout, autour de nous, à travers les événements, les rencontres, les imprévus et les retournements de situation, tout sera à notre avantage, comme une conspiration bienfaisante. »
François Garagnon, Pensées revigorantes
Prière pour demander l’humilité
Jésus, doux et humble de cœur, délivre-‐moi: de l'esprit de critique et de jugement, du désir d'être honoré, du désir d'être distingué. Jésus, doux et humble de cœur, délivre-‐moi: du désir d'être loué et félicité, du désir d'être préféré à d'autres, du désir de briller et d'être admiré, du désir d'exercer la puissance. Seigneur Jésus, sois le seul maître dans mon cœur et dans ma vie.
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— Quelques passages bibliques :
¢ Évangile selon saint Luc, ch. 1, versets 39 à 55 (Éph 2,1-9) Marie rend visite à sa cousine Élizabeth (= la Visitation)
39 En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse,
dans une ville de Judée. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. 41 Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut
remplie d’Esprit Saint, 42 et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. 43 D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? 44 Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en
moi. 45 Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » 46 Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, 47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! 48 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. 49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! 50 Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. 51 Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. 52 Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. 53 Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. 54 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, 55 de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »
¢ Livre des Nombre, ch. 12, versets 1 à 8 (Nb 12,1-8) Moïse, seul médiateur 01 Parce que Moïse avait épousé une femme éthiopienne,
sa sœur Miryam et son frère Aaron se mirent à le critiquer. 02 Ils disaient : « Le Seigneur parle-t-il uniquement par Moïse ?
Ne parle-t-il pas aussi par nous ? » Le Seigneur entendit. 03 – Or, Moïse était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté. 04 Soudain, le Seigneur dit à Moïse, à Aaron et à Miryam :
« Sortez tous les trois pour aller à la tente de la Rencontre. » Ils sortirent tous les trois. 05 Le Seigneur descendit dans la colonne de nuée et s’arrêta à l’entrée de la Tente.
Il appela Aaron et Miryam ; tous deux s’avancèrent, et Il leur dit : 06 « Écoutez bien mes paroles : Quand il y a parmi vous un prophète du Seigneur, je me fais connaître à lui
dans une vision, je lui parle dans un songe. 07 Il n’en est pas ainsi pour mon serviteur Moïse, lui qui, dans toute ma maison, est digne de confiance : 08 c’est de vive voix que je lui parle, dans une vision claire et non pas en énigmes ; ce qu’il regarde, c’est la
forme même du Seigneur. Pourquoi avez-vous osé critiquer mon serviteur Moïse ? »
¢ Évangile selon saint Matthieu, ch. 11, versets 1 à 6 (Mt 11,1-6) Es-tu celui qui doit venir ? 01 Lorsque Jésus eut terminé les instructions qu’il donnait à ses douze disciples, il partit de là pour
enseigner et proclamer la Parole dans les villes du pays. 02 Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses
disciples et, par eux, 03 lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » 04 Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : 05 Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds
entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. 06 Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
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— Une catéchèse du Pape
Pas d’humilité sans humiliation
Rome, le 28 janvier 2016, Homélie du Pape François
Il n’y a pas d’humilité et il n’y a pas de sainteté sans passer à travers la voie de l’humiliation : telle est la vérité que François a reproposée, en rappelant l’histoire de David. « Dans la première lecture, on poursuit l’histoire du roi David, le saint roi David » (2 S 15, 13-14,30 ; 16, 5-13), a dit le Pape en se référant au passage tiré du second livre de Samuel. « Comme nous l’avons entendu l’autre jour, David est à un pas de tomber dans la corruption ». Ainsi, « le saint roi David, pécheur mais saint, devient corrompu ».
Mais voilà que « le prophète Nathan, envoyé par Dieu », lui fait « comprendre quelle vilaine chose il avait faite, une mauvaise chose : car un corrompu ne s’en rend pas compte ». Voilà les paroles de Nathan : « Le Seigneur pardonne ton péché, mais la corruption que tu as semée grandira. Tu as tué un innocent pour couvrir un adultère. L’épée ne s’éloignera jamais de ta maison ». Donc, « Dieu pardonne le péché, David se convertit, mais les blessures d’une corruption guérissent difficilement. Nous le voyons dans de nombreuses parties du monde ». « Dieu infligea un dur châtiment à David : “L’épée ne s’éloignera jamais de ta maison” », a rappelé le Pape. Mais « lui, il défend sa maison et s’enfuit, il s’en va ». Est-ce alors « un lâche ? Non, c’est un père ». Et « il laisse l’arche repartir », il ne se met pas à « utiliser Dieu pour se défendre ».
En somme, David « s’en va pour sauver son peuple : telle est la route de sainteté que David, après le moment où il était entré dans la corruption, commence à parcourir ». Ce passage
biblique nous présente David alors qu’il gravit, en pleurant, la montée des Oliviers. Il avait « la tête voilée », en signe de deuil, et il marchait pieds nus. Il faisait pénitence. L’Ecriture nous fait également savoir que « certaines personnes qui ne l’aimaient pas, commencèrent à le suivre et à l’insulter ». Parmi celles-ci se trouve Shiméï, qui l’appelle le « sanguinaire », lui rappelant « le crime qu’il avait commis contre Urie le Hittite pour couvrir son adultère ». Abishaï, l’une des personnes les plus proches de David, « veut le défendre » et voudrait couper la tête à Shiméï pour le faire taire. Mais David accomplit « un pas de plus : “Si cet homme me maudit, c’est parce que le Seigneur lui a dit : maudis David ! ».
La question est que « David sait voir les signes : c’est le moment de son humiliation, c’est le moment où il paye sa faute ». Au point qu’il dit : « Peut-être le Seigneur regardera-t-il mon affliction et me rendra-t-il le bien en échange de la malédiction d’aujourd’hui ». En substance, « il se remet entre les mains du Seigneur : cela est le parcours de David, du moment de la corruption à cette remise entre les mains du Seigneur. Et cela est la sainteté. Cela est l’humilité ». « L’humilité ne peut arriver à un cœur qu’à travers les humiliations : il n’y a pas d’humilité sans humiliations ». Et « si tu n’es pas capable de supporter une humiliation dans ta vie, tu n’es pas humble. C’est ainsi : je dirais que c’est si mathématique, si simple ! ». C’est pourquoi, « l’unique voie pour l’humilité est l’humiliation ». Donc, « l’objectif de David, qui est la sainteté, vient à travers l’humiliation ». Même « l’objectif de la sainteté que Dieu offre à ses enfants, offre à l’Eglise, vient à travers l’humiliation de son Fils qui se laisse insulter, qui se laisse mettre sur la croix, injustement ». Et « ce Fils de Dieu qui s’humilie, est la route de la sainteté : David, par son attitude, prophétise cette humiliation de Jésus ».
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— Un texte, un auteur
Auteur : François Varilllon (s.j.) L’Humilité de Dieu Éditions du Centurion 160 pages
Est-il possible de connaître Dieu ? Quels sens ont les mots que nous employons ? Ce livre est un témoignage précieux de l'audace spirituelle de François Varillon qui entendait frôler au plus près le mystère de Dieu. Visitant Fénelon, Ignace de Loyola, Péguy, Romano Guardini, l'auteur explore ainsi les chemins de la méditation chrétienne. Notamment ce que les mystiques appellent « l'état passif », et qui nous permet d'entrevoir même de très loin « l'éternelle enfance de Dieu ». Ce livre apparaît aujourd'hui comme un véritable guide spirituel. Précurseur d'un Christian Bobin, et de son Très-Bas, il donne un bouleversant témoignage d'une présence humble et silencieuse de la divinité dans le monde contemporain.
Extraits choisis S’incliner devant la grandeur d’autrui n’est pas à proprement parler humilité. Ce n’est que loyauté, honnêteté, vérité, « politesse de l’esprit ». Qu’un plus petit rende hommage à un plus grand, cela ne témoigne pas d’une exceptionnelle noblesse d’âme. Mais que le plus grand se courbe « respectueusement » devant le plus petit, cela signifie l’amour en la plénitude de sa liberté et de sa puissance. François d’Assise n’est pas humble quand il s’agenouille devant le Pape, mais quand il s’abaisse devant un pauvre dont il reconnaît qu’en tant que pauvre il est vêtu de majesté. Son geste n’est pas condescendant ; rien dans son regard ne surplombe. Aucune contrainte : la spontanéité est absolue, elle exprime l’amour comme la respiration exprime la vie. Il faut être immensément grand pour respirer ainsi. Il faut être Dieu. L’humilité de François est une participation à celle de son Seigneur.
On connaît la phrase d’un jeune jésuite flamand du XVIIe siècle que Hölderlin a placée en tête de son Hyperion : Non coerceri maximo, contineri tamen a minimo, divinum est : « Ne pas être enserré par le plus grand, être cependant contenu par le plus petit, c’est chose divine. » Il n’est peut-être pas de plus belle expression de la conception chrétienne de la grandeur de Dieu. Mais j’ose dépasser l’opposition : c’est d’être contenu par le plus petit qui constitue la grandeur que rien ne peut enserrer.
(p. 57-58)
Il n’y a pas de plénitude orgueilleuse. Comment imaginer un Dieu plein de soi-même ? Il serait un Crésus satisfait de sa richesse. Son être serait pour lui comme un avoir. Idole pour soi. Donc idole pour sa créature qui ne serait qu’une extension de lui-même. Dieu est Excès d’amour. Cela veut dire qu’il ne se regarde pas narcissiquement excéder dans l’amour.
La musique m’a suggéré ce mystère. La plénitude de Bach, celle de Mozart aussi sont sans orgueil : ils chantent sans s’écouter chanter. Mais la prodigieuse symphonie wagnérienne, même à ses
sommets, est marquée d’un signe inquiétant : l’homme de Bayreuth sait, et on le sent, qu’il est un demi-dieu.
(p. 60-61)
Nous pardonnons malaisément à un homme de l’emporter sur nous en quelque domaine que ce soit, s’il n’est pas humble. S’il l’est, tout change : sa supériorité est à la fois annulée et confirmée. Annulée, en ce qu’elle ne risque pas de nous annuler. Confirmée, parce que l’humilité la marque de son sceau. On n’est pas jaloux d’un grand humble. Jésus nous recommande de ne pas dire à notre frère qu’il est bête. Or il y a des gens qui le disent sans parole. Leur manière d’être humilie. L’humble n’humilie pas : sa profondeur d’être s’y oppose. Ainsi Dieu dans sa transcendance.
(p. 64)
Il y a en tout amour assez d’amour pour que nous puissions entrevoir ce qu’est l’amour quand il n’est qu’amour, quand rien ne limite sa puissance d’accueillir et de donner : il est pauvreté. Les relations des trois Personnes divines sont relations de pauvreté. Dieu est Pauvre absolument.
On ne peut dire à la fois « Je t’aime » et « Je veux être indépendant de toi ». Ceci annule cela. Quand on aime, on veut dépendre : « Je te suivrai jusqu’au bout du monde. » Le plus aimant est le plus dépendant. Un infini d’amour est un absolu, je ne dis pas de dépendance — car on n’éviterait pas de l’entendre en un sens ontologique et il y aurait contradiction dans les termes — mais de volonté de dépendance. Si l’amour n’est pas un aspect de Dieu, mais Dieu même, vouloir dépendre qualifie son être. Cette dépendance n’est pas l’effet d’un besoin, comme celle de l’enfant par rapport à sa mère ; elle est pure tension vers l’autre, ou attention à l’autre, comme celle de la mère par rapport à son enfant. Si l’on ne prend pas au sérieux la pureté de l’amour en Dieu, si l’on s’obstine à imaginer en
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lui un être non converti en amour, le paradoxe se dissout en absurdité.
(p. 66-67)
Dieu seul est humble. L’homme ne l’est pas, sinon dans la mesure où il reconnaît son impuissance à l’être. Il faut avancer ici pas à pas.
L’humilité, à sa naissance, est le respect des valeurs qui nous, sont nous-mêmes, et ne sont pas nous. Elles ne sont pas de vaines abstractions, et, s’il est vrai qu’elles exigent, pour être, d’être actualisées en œuvres justes ou belles — en ce sens il faut dire que la raison les « invente » — il est également vrai qu’elles sont saisies comme un donné, c’est-à-dire reçues. Elles ont une « autorité ». Respecter cette autorité est déjà humilité.
Quand Dieu se révèle comme un Être personnel et vivant, intérieur à la conscience, il n’y a plus seulement quelque chose en moi qui est autre que moi, mais Quelqu’un qui est « en moi plus moi-même que moi ». Dès lors l’humilité passe un seuil. Le donné vient d’un Donnant « devant qui je me tiens » (1R 17,1). Reconnaître n’est plus seulement connaître, ou avouer, comme au niveau des valeurs impersonnelles, mais rendre grâces. Donc aimer déjà. C’est mon Créateur qui me donne d’être créateur. Il y a une initiative antérieure et supérieure à la mienne, sans laquelle je n’aurais aucun pouvoir d’initiative. Quelqu’un me donne de me posséder comme esprit et comme liberté. Il y a une Source sans laquelle je ne serais pas source, un Foyer qui m’allume comme foyer. Il y a une gratuité créatrice. Le respect des valeurs est devenu respect aimant de Dieu.
Un autre seuil est franchi quand le Christ révèle le Créateur comme Père qui divinise ses créatures et les appelle ses fils (1Jn 3,1). Alors l’humilité devient l’accueil actif de Dieu connu, non plus seulement comme Donnant, mais comme Se donnant. Le Dedans de Dieu s’ouvre pour nous
introduire en lui : on n’existe plus devant lui ; « dans le Christ on vit, on se meut, on est » (Ac 17,28), et le Christ est « dans le Père » (Jn 14,10). Là l’humilité n’est que balbutiement, confusion de pauvreté, admiration sans mots de l’immensité de l’Amour.
Le troisième seuil est la reconnaissance de l’immensité de l’Amour comme immensité d’Humilité. C’est alors que l’humilité de l’homme reconnaît son échec. Ce n’est qu’au terme de son itinéraire, lorsque le Purgatoire aura achevé d’anéantir en lui, pour parler comme Blondel, « le néant qu’il est », qu’il sera capable d’aimer comme Dieu aime, d’être humble comme Dieu est humble. Tant que nous sommes sur le chemin terrestre, l’humilité, toujours visée comme nécessaire, doit être tenue pour une limite inaccessible. Car l’instinct propriétaire, n’évitant pas de la prendre pour objet et de s’y complaire, l’investit de vanité au fur et à mesure qu’elle s’enracine et croît, et la détruit. Dieu seul, en nous faisant voir que nous ne pouvons pas être humbles, nous rend humbles. La victoire de l’humilité ne peut être que la reconnaissance de son échec.
(p. 70-72)
On ne dira pas qu’en devenant par l’incarnation dépendant d’une « nature » Dieu s’amoindrit. Il montre au contraire ce que c’est qu’être Dieu. Boulgakof dit qu’il « s’aligne sur l’inférieur ». L’expression est hardie, mais elle ne signifie pas que Dieu abdique sa transcendance. Elle invite plutôt à comprendre que c’est en se cloîtrant en elle qu’il l’abdiquerait. Une clôture solipsiste dans l’amour est une contradiction dans les termes.
(p. 75)
— Il est le Chemin, la Vérité, la Vie Catéchisme pour tous les Âges du Diocèse de Dijon, Le Sénevé (2012)
Vous pouvez lire :
& « Voici l’agneau de Dieu » p. 154 à 157
Note : Certains textes peuvent vous paraître un peu techniques, comme une nouvelle langue. C’est normal : la foi de l’Église s’exprime à travers un vocabulaire précis, avec des mots parfois élaborés tout au long de l’histoire, selon les questions et les circonstances, depuis 2000 ans. Par forme de gratitude, l’Église aime ne pas se détacher des mots qui ont parfois été difficiles à choisir, au sein de réelles tensions tant les enjeux étaient graves. Mais pas d’inquiétude : vos accompagnateurs sont là pour en parler avec vous.