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SEIGNEUR, APPRENDS-NOUS À PRIER

SEIGNEUR, APPRENDS-NOUS À PRIERples surtout lui demandèrent : ‘Seigneur apprends-nous à prier’ (Lc 11,1). Vingt siècles plus tard, la prière fait toujours l’objet d’une

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SEIGNEUR , APPRENDS-NOUS À PRIER

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DÉCL AR ATIONSDE S ÉVÊQUE S DE BELGIQUE

NOUVELLE SÉRIE N˚ 32

SEIGNEUR ,APPRENDS-NOUS À PRIER

ANNÉE DE L A PRIÈRE

JUIN 2005COVER BEEL D © U I TGE VER IJ MUUR K R AN T EN V Z W/ANNA P OR I T ZK A

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I IN T R O D U C T I O N

1. Un seul homme a vécu, si intimement uni à Dieu qu’il put l’appeler Père. Cette intimité n’était pas sans susciter l’étonnement. Source de liberté et de confi ance, beaucoup désirèrent partager cette intimité avec Dieu. Ses disci-ples surtout lui demandèrent : ‘Seigneur apprends-nous à prier’ (Lc 11,1). Vingt siècles plus tard, la prière fait toujours l’objet d’une demande. Au sein des pressions de notre vie moderne, nous aspirons au calme et à la paix. Une telle aspiration n’est pas proprement spécifi que aux chrétiens. Comme nombre de personnes en recherche tant au sein de l’Eglise qu’en dehors d’elle, nous sommes en quête de sens et de soutien. Nous aspirons à plon-ger au plus profond du courant de notre vie, au sein de ‘l’eau vive’(Jn 4,11) qui ‘jaillit en nous comme une source’ (Jn 4,14). Aspirer à une source est inestimable. Chérissons cette aspiration, si fragile soit-elle. Et surtout ne nous laissons pas décourager lorsque dans la prière, nous n’atteignons pas immédiatement cette source. Il en est comme d’une relation interpersonnelle : aucune recette infaillible n’est garante d’un contact réussi. Dans la prière, personne ne parvient jamais à l’accomplisse-ment. Nous restons disciples jusqu’au bout, tout comme les chrétiens de la première heure. Peu avant son martyr, le grand évêque Ignace d’Antioche écrivait de sa prison aux chrétiens d’Ephèse : ‘Je ne fais que commencer à m’instruire, et je vous adresse la parole comme à mes condisciples’1. Evê-ques d’aujourd’hui, nous nous sentons aussi ainsi. Dans cette lettre, nous nous adressons à vous comme des disciples à des condisciples. Car il est vrai que nous n’avons ‘qu’un seul Docteur, le Christ’ (Mt 23,10).

2. Cette lettre, nous l’écrivons à tous nos frères et sœurs dans la foi. En tant que chrétiens, nous sommes tous sans exception, invités à vivre en priant. Notre foi est d’abord et avant tout une question de confi ance. Ce n’est ni une simple théorie religieuse, ni une sagesse de vie, ni un programme mo-ral, ni une conception du monde. Elle est, avant tout, réponse personnelle à la parole que Dieu adresse à chacun d’entre nous. L’invitation de la parole

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de Dieu est première et notre prière offre une réponse à cette invitation. La prière fait suite à la parole de Dieu comme notre réponse. C’est être con-necté à Lui. C’est ‘marcher à la face de Dieu’ (cf Ps 56,14). C’est écouter ce que Dieu veut nous dire. C’est remercier pour tout ce que nous avons reçu de Lui. Sa proximité en la personne du Christ et le don de son Esprit en sont le présent par excellence. Telle est la raison première de notre gratitude et de notre louange. Pourtant, notre prière ne retentit pas seulement de chants de louange. Elle est aussi parfois plainte, supplication, attente silencieuse, voire même lutte et combat, mais au travers de tout cela, elle demeure espérance de Quelqu’un présent au plus profond de notre monde et au cœur de notre propre existence. Nous souhaiterions vous livrer dans cette lettre quelques réfl exions sur la prière comme noyau de notre foi. Au cours de cette année de la prière, il est important d’échanger à son sujet dans les groupes paroissiaux ou de ré-fl exion, dans les communautés ou les familles. Puisse-t-elle nous inciter tous à vivre en union plus intime avec Dieu, la source de notre existence.

I PR I E R À N O T R E É P O Q U E M O D E R N E PR I E R À N O T R E É P O Q U E M O D E R N E PR I E R À N O T R E É P O Q U E M O D E R N E

3. Dans les religions, les gens ont toujours cherché ce qui les soutenait et les poussait en avant. La prière a de nombreux visages et est de tous les temps. Manifestement, le cœur de l’homme reste sans repos tant qu’il ne repose en Dieu2. En ce sens, la prière est une constante depuis l’aube de l’histoire de l’humanité jusqu’à aujourd’hui. Malgré tous les obstacles, la prière n’est pas absente à notre époque. On remarque même ici et là une soif renouvelée pour la prière.

A P A R T I R D ’ U N E A S P I R A T I O N P R O F O N D E

4. Beaucoup aspirent aujourd’hui au calme et au silence. Au sein de leur vie trépidante, ils sont en quête d’oasis où reprendre leur souffl e. Des con-temporains de plus en plus nombreux doivent chercher, de leur propre ini-tiative, un sens à leur existence. On le voit dans les abbayes, les maisons de réfl exion. Dans les grandes villes du monde on peut aussi le remarquer : cherchant un endroit où trouver la paix de l’âme, beaucoup s’arrêtent dans une église. Des personnes totalement étrangères à la foi chrétienne font ainsi, de façon ingénue, la découverte de la beauté de la liturgie et de la prière. Certains sont même à ce point fascinés qu’ils veulent en savoir plus, ils suivront la catéchèse et recevront fi nalement le baptême à l’âge adulte. Cette aspiration représente un nouvel appel aux paroisses et aux com-munautés religieuses. Plus qu’auparavant, des personnes en recherche vien-nent frapper à la porte des communautés chrétiennes. Qu’avons-nous à leur offrir? Comment pouvons-nous les aider? Souvent notre tradition nous paraît si évidente que nous réalisons à peine la valeur inestimable du trésor caché dans notre champ (cf Mt 13,44). Ce trésor, il nous faut l’exhumer afi n de le partager avec d’autres. La foi est pareille à une lampe que nous ne pouvons placer sous le boisseau (Mt 5,15). Dieu ne se laisse jamais enfermer dans un ghetto. C’est précisément avec son Eglise qu’il veut faire signe au

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sein du monde. Il n’est pas seulement soucieux de son ‘petit troupeau’ (Lc 12,34) mais de ‘la grande ville où il y a tant d’humains’(Jon 4,11). Ceci doit nous stimuler dans notre propre redécouverte de la prière de sorte que les personnes en recherche ne frappent pas en vain à la porte de nos églises.

5. Notre culture peut encore encourager la prière d’une manière plus pro-fonde. Nous expérimentons toujours plus clairement que la foi chrétienne a perdu dans nos régions son caractère d’évidence. Si le christianisme était auparavant presque automatiquement hérité, il suppose aujourd’hui un libre choix. On ne devient plus chrétien par naissance mais par choix. Ceci n’est pas constaté uniquement dans l’Eglise Catholique-Romaine. La transmission de toute forme de tradition devient très diffi cile dans toutes les religions mais aussi dans la société au sens large. D’où une situation totalement neu-ve. Elle peut constituer une menace mais offre aussi de nouvelles chances qu’il nous faut discerner sans tarder. Que la foi et la prière ne soient plus transmises spontanément n’est pas un désastre en soi. La foi véritable ne peut jamais être de l’ordre de l’automatisme. Elle requiert toujours une conviction personnelle. Dieu a tant de respect pour la liberté de sa créature qu’Il ne contraint, ni ne force personne. L’accent que la modernité place sur la liberté humaine ne doit pas être considéré comme un obstacle pour la prière. Au contraire. Cette rencon-tre avec le Seigneur est un cadeau qui se vit en toute liberté. Sa parole exige une réponse libre qui ne peut être émise que par notre propre bouche. Prier signifi e : répondre librement à l’invitation de Dieu à vivre en alliance avec Lui. L’alliance à Dieu constitue la colonne vertébrale de notre existence. Elle fournit structure et soutien à la vie concrète. Ce n’est aucunement une chapecontraignante qui nous enserre de l’extérieur. La prière vraie emboîte le pas aux incertitudes de l’existence moderne. Face à elles, elle offre orientation et perspectives. Par la prière nous ne devenons donc pas des défenseurs fanati-ques de notre ‘bon droit’ mais des ‘Adeptes de la Voie’(Ac 9,2), compagnons de route qui partagent les questions et soucis de leur entourage. Sur cette route, il nous faut boire plus abondamment à nos propres sources pour dé-couvrir comment Dieu lui-même se rend présent au sein de nos existences.

6. N’est-ce pas trop beau pour être vrai? Est-ce bien réaliste aujourd’hui? Pouvons-nous parvenir à une telle relation de prière au sein de notre style de vie indépendante, de notre culture moderne? Cette question fondamentale est vitale. Elle fait l’objet de discussions enfl ammées mais nombre de nos contemporains démontrent concrètement qu’elle peut y trouver sa place. Ce sont les grands témoins de la prière. Ainsi le Père Damien, Mère Teresa de Calcutta, Dag Hammarskjöld, Thérèse de Lisieux, Charles de Foucauld, Edith Stein, Dietrich Bonhoeffer ou Frère Roger de Taizé. Et surtout la ‘nuée de témoins’ (He 12,1) qui, souvent anonymement, mènent une vie chré-tienne dans notre voisinage. Tous sont parfaitement intégrés à notre monde contemporain et ont en même temps une profonde vie de prière. Malgré la prédiction tenace et vieille de deux siècles -que la modernité signifi erait la fi n du christianisme- ces hommes et ces femmes témoignent d’une rencontre toujours renouvelée du Christ dans la prière.

P R Ê T E R A T T E N T I O N A U X O B S T A C L E S D A N S N O T R E C U L T U R E

7. Il est compréhensible qu’en tant qu’hommes modernes la prière ne nous soit pas facile. Pour la première fois peut-être dans l’histoire, notre culture représente un style de vie qui s’est fondamentalement dégagé de son cadre religieux. C’est un style de vie qui se prévaut de la liberté propre de l’individu et de ses acquis techniques et rationnels. Cette culture est gran-diose par ses réalisations. Il n’est pas étonnant qu’elle prenne toujours plus d’extension sur les différents continents et s’infi ltre toujours plus avant dans tous les domaines de l’existence humaine. Pourtant, petit à petit, le côté unilatéral de cette culture nous apparaît. Comment le résumer brièvement? Nous pourrions dire que dans notre cul-ture il y a certains aveuglements. Ils sont liés à son alignement sur une auto-détermination exaltée, sur une rationalité bornée, sur le calcul et l’effi cacité, la vitesse et le renouvellement perpétuel, l’ici et le maintenant, l’euphorie de moments intenses, la consommation et l’apparence. Ces zones d’ombre ne sont pas seulement dangereuses pour la culture moderne. Elles sont un obs-tacle à la vie de foi et compliquent la prière. Nous pouvons concrétiser ceci

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au travers de trois symptômes typiques.- Notre culture nous enseigne ainsi depuis la prime enfance la rationalité et

l’analyse. Notre monde humain ne se laisse pourtant pas enfermer dans l’univers clos d’un laboratoire. Si l’approche scientifi que est excellente, dès lors qu’elle devient exclusive, elle appauvrit notre expérience. Elle n’offre plus d’espace à la dimension symbolique et dessèche notre prière car un dialogue avec Dieu est précisément la chose la moins technique qui soit.

- La culture moderne encourage aussi la méfi ance à l’égard de nos traditions et de nos structures sociales. Ceci a mené à nombre d’épurations positives. Mais dans sa forme extrême, cette méfi ance menace l’existence humaine. La personne humaine est, en effet, essentiellement un héritier. En se cou-pant d’une saine tradition, la culture moderne scierait la branche qui lui sert d’assise. Personne ne peut vivre sans confi ance. ‘Etre en communion’ forme le cœur de notre foi et de notre prière.

- Notre culture enfi n donne énormément d’importance au travail. Elle nous suggère qu’en y consacrant le travail requis, rien n’est inatteignable. Cette pression de la performance réduit considérablement la sphère laissée à l’émerveillement et à la gratitude. Elle rend diffi ciles les relations humaines profondes qui ne sont jamais le fruit de notre performance. Elle nous rend aussi étrangers à la prière dans laquelle justement l’atteinte de performan-ces n’est pas un but.

O B S T A C L E S A U S E I N D E L ’ E G L I S E

8. Loin d’être uniquement critique à l’égard du mode de vie technique qui parfois complique la prière, nous devons en tant qu’Eglise reconnaître nos propres torts. Dans la ligne de notre culture moderne, nous avons souvent mis l’accent sur ce qu’un chrétien devait faire. Notre vie morale était fi xée dans les moindres détails. Le permis et l’interdit tenaient une place impor-tante au sein de notre foi. Ceci n’était bien sûr pas tout à fait injustifi é car ‘la foi qui n’aurait pas d’œuvres est morte dans son isolement’(Jc 2,17). Mais c’était unilatéral. Etre chrétien relevait plus des œuvres que de la prière. La foi devenait presque une éthique au détriment d’une mystique.

9. La Bonne Nouvelle ne proclame pas ce que nous devons faire mais plutôt ce qui nous est fait. Notre foi ne se fonde pas sur des valeurs, fussent-elles évangéliques, mais sur une personne. Elle tourne autour de Jésus, non l’homme qui a vécu dans un passé lointain, mais le Seigneur vivant qui nous mène au Père. Une telle rencontre n’est pas sans conséquences sur la manière de vi-vre. Notre insistance unilatérale sur la morale a pourtant jeté un froid sur la joie de la rencontre qui se vit dans la prière. Ceci a renforcé pour beaucoup l’impression que le christianisme correspond seulement à un engagement humain exigeant alors que justement tout tourne autour de la relation per-sonnelle à Dieu. Une relation qui se vit au sein d’une communauté et s’ex-prime dans la foi, l’espérance et l’amour. En bref : une relation dans la prière et le travail.

U N E Q U E S T I O N À P R O P O S D E N O T R E T R A V A I L P A S T O R A L

10. Suite à ce qui précède, peut-être devrions-nous poser un regard critique sur le travail pastoral qui, toujours plus, domine l’Eglise. Nous sommes bien sûr reconnaissants du travail effectué par les prêtres et les diacres dans des situations souvent difficiles. Nous sommes heureux de la prise de cons-cience croissante chez tous les baptisés de leur appartenance au Peuple de Dieu. Nous sommes également heureux de l’engagement des animateurs en pastorale et des assistants paroissiaux, des professeurs de religion et des catéchistes, des théologiens et des accompagnateurs de retraites et aussi du nombre important de bénévoles. En un temps où l’individualisme menace de plus en plus, cet effort commun représente une évolution réjouissante. Pourtant, cet engagement n’exclut pas des aveuglements. Car le fait que nous formions ensemble le Peuple de Dieu, n’apparaît pas en tout premier lieu au travers de notre agir mais au travers de ce qui nous agir mais au travers de ce qui nous agir est fait. Sans prière, cette heureuse découverte est impossible. Au sein de tous nos engagements, la prière est souvent réduite à la por-tion congrue. Tant d’urgences exigent notre attention. Nous n’arrivons plus à être dans le calme. Nous ne sommes plus en état de prier. Dans ces cir-

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constances, non seulement on devient étranger à l’amour immérité de Dieu mais la vie spontanée entre chrétiens, elle aussi, risque de dépérir au sein de l’Eglise. En tant qu’hommes modernes, nous envisageons le travail pastoral de façon très fonctionnelle. L’administration, la concertation et la communica-tion engloutissent énormément de temps. Si tout ceci est utile et nécessaire, cela menace parfois notre pastorale d’appauvrissement. Jean de Ruysbroeck sentait déjà ce danger dès les balbutiements de notre culture moderne. Con-cernant la pastorale bruxelloise de son temps, il remarquait sèchement : ‘On tient souvent chapitre et c’est là chose utile et bonne, pourtant la foi diminue de jour en jour’3.

11. Dans l’Eglise, la précipitation et la pression menacent de nombreuses personnes engagées. Malgré tout le travail accompli, ils sont tourmentés par une mauvaise conscience qui leur fait croire qu’ils en font encore trop peu. Chez d’autres, cela mène plutôt à la résignation voire au cynisme. Ils se sen-tent surchargés. Ils se limitent à l’absolument indispensable et même ce peu, ils le font sans joie. Notre pastorale est ainsi menacée tant par l’activisme fi évreux que par le défaitisme empreint de fatigue. Ces deux attitudes semblent opposées. Ce sont pourtant deux réactions à la même erreur: celle de penser que l’Eglise dépend uniquement de nos propres efforts. Comme évêques nous devons, nous aussi, demeurer vigi-lants face à cette mentalité. Elle menace de faire de nous des fonctionnaires. De ce fait, nous ne sommes plus une référence vivante du Christ, alors que cela constitue précisément le cœur de notre ordination d’évêque, de prêtre et de diacre. L’ordination confère une mission infi niment plus large qu’une fonction religieuse qui doit être menée effi cacement. Dans cette consécration, il ne s’agit nullement de ‘management’ et d’organisation mais d’une prière d’imploration toute démunie. Tandis que l’ordinand est allongé face contre terre, l’Eglise prie pour que l’Esprit de Dieu l’inspire afi n qu’il devienne signe du Christ ressuscité. La communauté ecclésiale toute entière en a un tel be-soin. De cette manière seulement, elle pourra devenir elle-même le Corps du Christ pour ensuite, à son tour, témoigner de Lui au cœur de notre société.

A ce propos, la prière a une valeur que l’on ne saurait surestimer. Tant dans l’Eglise que dans notre monde, nous devons prendre conscience que nous signifi ons infi niment plus que nos œuvres. Seule la prière peut laisser le champ libre à ‘Celui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infi niment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer’ (Ep 3,20).

P R I E R : A U T R E C H O S E Q U ’ U N E M É D I T A T I O N

12. La prière et la méditation sont deux termes qu’il nous arrive d’utiliser l’une pour l’autre. Pourtant, il existe un monde de différences entre elles. Nous le remarquons souvent au début d’une réunion. L’agenda prévoit de débuter par une prière mais en fait quelqu’un lit un texte de réfl exion, par exemple sur le silence ou l’amitié ou même sur la personne de Jésus. Une telle méditation n’est pas mauvaise, car elle crée une occasion de prendre distance, de s’arrêter et de réfl échir. C’est nécessaire, mais c’est autre chose que ce que Jésus appelle ‘prier’. Si la prière implique aussi un moment de concentration, une dimension supplémentaire lui est cependant nécessaire. La prière est reconnaissable au fait que ses paroles sont tournées vers Dieu : à la deuxième personne. Lors d’une méditation, le texte est plus neutre. Il parle de Dieu : à la troisième personne.

13. Nous découvrons ici quelque chose d’essentiel sur la prière. Prier n’est possible que si Quelqu’un se tourne vers nous et espère que nous lui soyons ouverts. Prier n’est pas seulement épuiser tout un arsenal humain de pos-sibilités de sens. C’est frapper à la porte de Dieu et être sûr qu’ ‘à celui qui frappe, on ouvrira’ (Lc 11,10). Ceci suppose bien sûr, qu’il y ait Quelqu’un qui puisse ouvrir. Dans la prière, nous ne sommes jamais seuls. Le mystère de la prière réside dans la réciprocité d’une relation. Ce n’est d’ailleurs pas seulement l’homme qui frappe chez Dieu. En Christ, Dieu lui-même est venu parmi nous, pour sensibiliser nos oreilles à sa douce voix qui dit : ‘Je me tiens à la porte et Je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, J’entrerai chez lui et Je prendrai la Cène avec lui et lui avec moi’ (Ap 3,20).

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14. La prière nous conduit ainsi au noyau central de notre foi. Nous n’avons pas appris à connaître Dieu comme une vague force, le sens neutre de l’exis-tence, une énergie cosmique ou la dimension de profondeur de notre vie. Les énergies du cosmos et les structures fondamentales de la personne exis-tent bien sûr. Mais sur cette base, nous aboutissons à une religion que nous avons construite nous-mêmes (cf Col 2,23). Le Dieu de Jésus-Christ n’est-il pas tout autre? Ne se laisse-t-il pas connaître comme une personne? En cela, il diffère de toutes les énergies et les forces du monde que nous parons parfois d’une auréole divine. ‘Car’, écrit Paul ‘bien qu’il y ait de prétendus dieux au ciel ou sur la terre, il n’y a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes’ (1 Co 8,5-6). Qui n’entrevoit rien qu’une lueur de cette destination auprès du Dieu tout amour, peut goûter à la joie de la prière.

I I A L ’ É C O L E D E S O R A N T S D E L A B I B L E

A B R A H A M , P È R E D E L A F O I E T D E L A P R I È R E

15. Pour apprendre à prier, nous ne pouvons mieux prendre conseil qu’auprès des grandes fi gures de la foi qui nous ont précédés. L’Ecriture nous présente Abraham comme le premier à avoir expérimenté Dieu de fa-çon surprenante et à l’avoir prié. Le livre de la Genèse en fait une description sobre mais impressionnante. Le récit relate d’abord que la création de Dieu fut habitée par des peuples qui ne se comprenaient plus suite à la confusion des langues de Babel (cf Gn 11,1-9). Ils étaient pris au piège d’une spirale de violence et de représailles (cf Gn 4,23-24). Au milieu de cette confusion se fi t entendre de façon totalement inattendue la parole de Dieu : « Pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. Je te bénirai (…) Sois en bénédiction » (Gn 12,1-2)

16. Ecouter la voix de ce Dieu inconnu ne fut pas évident non plus pour Abraham. L’Ecriture souligne à chaque page combien sa prière fut un inces-sant combat contre des penchants religieux profondément ancrés, contre des angoisses et des doutes, contre la mentalité de son entourage et de sa famille. C’est que, dans les cultures anciennes, le cosmos dans son entièretéétait considéré comme expression de la divinité. Ce qui dépassait l’homme était perçu comme manifestation divine. D’où l’existence d’un dieu de la guerre et d’une déesse de la paix, d’un dieu de la ville et d’une déesse de la nature, d’un dieu du vin et d’une déesse du grain, d’un dieu de la fécondité et d’une déesse de l’amour. La famille des dieux était aussi diverse, confuse, capricieuse et imprévisible que la réalité elle-même. Ne taxons pas trop rapidement ce sentiment religieux de primitif. Dans notre monde de haute technologie, on redécouvre parfois le mystère. Les forces du cosmos et les énergies de la personne se voient dotées d’une con-notation religieuse.

PISTES POUR ÉCHANGER

1. En quoi notre mode de vie moderne peut-il nous offrir des possibilités d’arriver à la prière?

2. Quel est, selon votre expérience, le plus grand obstacle à la prière?3. Quelle est la bonne relation entre action et prière?4. Comment la prière peut-elle guérir notre pastorale tant de l’activisme

que du défaitisme?5. Réfl échissez encore à la grande distinction entre prière et méditation.

Examinez à partir de cela une série de textes de célébrations.

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17. Chez certains, cela éveillerait peut-être une faim de prière. Prier selon la Bible est pourtant autre chose qu’un vague sentiment religieux. Pour com-prendre la profondeur de la prière, nous devons être retirés de cette religio-sité trop humaine. C’est arrivé pour la première fois avec Abraham. De ces premiers évènements, on ne connaît que peu de détails histori-ques. Une chose est cependant certaine : l’histoire d’Abraham nous présente -dans l’histoire des religions universelles- un fait totalement neuf, un ‘saut qualitatif’, pour reprendre les termes de la théorie évolutionniste. Cette expérience de retrait forme le début de l’expérience de Dieu dans la Bible ainsi que de la prière biblique. Pour la première fois, il apparaît que Dieu diffère fondamentalement du monde. Il n’est pas une rallonge de l’homme. Il est tout Autre. Il ne peut être connu que lorsqu’Il se fait connaî-tre, lorsqu’Il prend la parole et est écouté. C’est justement ce qui se déploie dans la prière et dans une vie qui s’y ajuste. C’est en quelque sorte ce qui se produit aussi lors de la rencontre avec une personne : il faut sortir de son cadre familier parce qu’un autre se donne à connaître. On n’apprend pas à le connaître en descendant en soi-même ou en l’observant sous toutes ses facettes. Non, le véritable accès à l’autre doit nous être offert. Connaître l’autre n’est possible que lorsqu’il se laisse lui-même connaître, lorsqu’il parle, lorsqu’il se révèle. Il en a été de même avec le Dieu de la Bible : Il a parlé. Il a appelé Abra-ham. Et Abraham, avec des hauts et des bas, a appris à l’écouter. C’est la naissance de la prière. La prière d’Abraham est réponse à la parole de Dieu. Parfois c’est une plainte emplie d’amertume (cf Gn 15,2), dans l’obscurité totale de la nuit (cf Gn 15,17). La prière d’Abraham n’est jamais un ‘parler de Dieu’ comme lors d’une méditation mais toujours un ‘parler à Dieu’. Il s’adresse à Dieu comme à un Tu. Abraham, ‘père de tous les croyants’ (Rm 4,11) , est en cela également le père de la prière.

M O Ï S E , L ’ A M I D E D I E U

18. Nous découvrons une deuxième étape à l’école de la prière sur le mont Horeb. Là, Dieu s’adresse à Moïse au travers d’un buisson ardent (cf Ex 3,2).

Sur cette terre sainte, Moïse, plein de respect, retire ses sandales, comme cela se fait encore toujours avant la prière à la mosquée (cf Ex 3,5). Moïse nous livre un regard sur la profondeur de la rencontre avec Dieu. D’une part, personne ne peut voir le visage du Seigneur sans mourir (cf Ex 33,20). D’autre part, Dieu veut ‘parler à Moïse face à face comme on se parle d’hom-me à homme’ (Ex 33,11). Cette prière fait de Moïse ‘l’homme de confi ance’ de Dieu (Nb 12,7) non pour le laisser baigner dans un agréable sentiment religieux mais pour délivrer le peuple de Dieu ‘de l’esclavage d’Egypte’ (Ex 20,1).

19. Avec Moïse, nous apprenons combien la prière reste toujours humaine. Bien que Moïse devienne le représentant de Dieu, il connaît l’angoisse tout comme nous. Il veut se débarrasser de sa mission :‘Ils ne me croiront pas’ lance-t-il (Ex 4,1). ‘Envoie-le dire par qui tu voudras! Je t’en prie, Seigneur’ (Ex 4,13). Les prières de Moïse sont des dialogues révélateurs avec Dieu : même le désespoir (Ex 5,23) et la fureur (Ex 4,14) n’en sont pas absents. Dans la prière de cet homme qui a assailli Dieu de ses questions, le nom inexprimable de Dieu est perçu pour la première fois (Ex 3,14). YHWH contient une remarquable dualité qui détermine encore toujours notre prière. D’un côté, ce nom signifi e ‘Celui qui est qui Il est’. Cette expression révèle le caractère unique et insondable de Dieu. D’un autre côté, on peut également traduire ‘Celui qui sera’ : Celui qui vous accompagnera de sa présence. Ces deux signifi cations sont les deux rives au milieu desquelles la prière trouve tout naturellement son lit. D’un côté, nous trouvons le respect de l’altérité souveraine de Dieu et de l’autre, la confi ance dans sa bonté incom-mensurable. Ces deux aspects constituent la merveilleuse découverte de la prière de Moïse : la spécifi cité de Dieu réside dans sa bonté sans limite. Le Seigneur est le Dieu trois fois saint (cf Is 6, 3) et qui dit : ‘Je suis avec toi’ (Ex 3,12). Un psaume résume tout cela de manière infaillible : ‘Si haut que soit le Seigneur, Il voit le plus humble’ (Ps 138,6). Tel est le nom de Dieu et ce nom a prouvé sa fi abilité lors du passage de la Mer Rouge, au cours de la pénible traversée du désert et surtout dans l’Alliance que le Seigneur a conclue avec son peuple.

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20. Moïse découvre que la prière se rapporte parfaitement à la vie, lorsque Dieu conclut une alliance avec son peuple. La réalisation de cette alliance est le fruit de la prière. Moïse demeure quarante jours et quarante nuits à prier sur la montagne où Dieu lui a fait connaître son nom (Ex 24,18). Il y expé-rimente que la relation à Dieu veut pénétrer la vie concrète. Si Dieu a libéré son peuple, celui-ci ne peut galvauder cette liberté. Dans tout ce qu’il fait, le peuple doit faire confi ance exclusivement au Seigneur. Servir d’autres dieux -au détriment du Seigneur- ne mènera qu’à un nouvel esclavage (cf Ex 20,2). Le peuple de Dieu ne peut se prosterner ni se faire d’idoles de rien ni de per-sonne (Ex 20,5). Une relation en toute liberté n’est possible qu’avec Dieu. Le Sabbat -comme jour de fête, de ressourcement et de prière- veut ga-rantir cette relation d’alliance. Ce jour est réservé pour célébrer la merveilleu-se libération et en même temps comme avant goût de la vie accomplie avec Dieu et les autres. Non seulement le Sabbat, mais chaque jour doit contenir le ferment de cette alliance. Comme notre cœur doit uniquement être attaché à Dieu, rien ne peut prendre un caractère absolu. On ne peut ‘avoir de visées sur rien’ (Ex 20,17). Il faut se garder du vol, du meurtre, de l’adultère (Ex 20,13-16), de toute cupidité ‘qui est une forme d’idolâtrie’ (Col 3,5).

Ainsi la vie concrète devient une réponse à l’offre imméritée d’alliance de Dieu. Le peuple doit donc vivre comme il prie et prier comme il vit. Prière prier comme il vit. Prière prieret vie sont toutes deux la réponse reconnaissante au don de Dieu.

L A P R I È R E A R D E N T E D ’ E L I E , L E P R O P H È T E

21. Prier et vivre de la prière exigent toujours un combat. La méfi ance et la mauvaise volonté vis à vis de Dieu se cachent au plus profond de chacun. Lorsque le peuple devient infi dèle à l’alliance, lorsqu’il remplace le Dieu qui parle par des idoles muettes, qu’il opprime les petites gens et perturbe la créa-tion par sa cupidité, alors les prophètes apparaissent. Ce sont des hommes de prière qui ne fuient aucunement le monde et ne manifestent aucune trace de douce mollesse. Leur parole est dure. Leurs conseils politiques sont droits. Leurs accusations sociales sont cinglantes. Jamais toutefois ce ne sont que

des prophéties de malheur. Dans leur prière, les prophètes voient surgir une nouvelle ère. Car si Dieu est un amant trompé, Il veut reconquérir son épouse infi dèle, oui, Il veut la séduire à nouveau pour lui parler au cœur (cf Os 2,16).

22. Elie vient en tête du long cortège des prophètes, ‘un prophète comme un feu dont la parole brûlait comme une torche’ (Si 48,1). Nous comprenons mieux avec lui ‘la force d’action de la requête d’un juste’ (Jc 5,16). Le nom d’Elie est un parfait résumé. Eli-ja signifi e littéralement : ‘mon Dieu (Eli) est Yahweh !’. Elie l’a ressenti dans sa prière. C’est le noyau de toute prière: seul le Seigneur est Dieu. C’est véritablement commettre le péché que de se sé-parer de Dieu pour attacher son cœur à des dieux sans valeur qui ne peuvent quand même apporter le salut. Tel est aussi le reproche d’Elie au peuple et à ses faux prophètes :‘Ils dansent d’un pied sur l’autre’ (1 R 18,21). Il leur faut choisir entre le Seigneur et Baal le faux dieu. Ceci est raconté dans une des scènes les plus émouvan-tes de la Bible. Comme toujours, il ne s’agit pas d’un scrupuleux procès ver-bal mais d’une explication de ce qui se reproduit toujours et advient encore aujourd’hui. Le récit raconte comment deux taureaux ont été préparés sur le mont Carmel pour un holocauste. Les deux parties -les prophètes de Baal et Elie- vont prier chacune leur dieu, sans allumer elles-mêmes le feu. ‘Le Dieu qui répondra par le feu, c’est lui qui est Dieu’ (1R 18,24). Les quatre cent cin-quante prophètes de Baal se mettent au travail. Ils préparent un taureau et prient sans relâche de l’aube jusqu’à midi. Ne recevant aucune réponse, ils appellent encore plus fort et s’entaillent la peau jusqu’à ce que le sang coule le long de leur corps. Toujours non exaucés, ils continueront tels des force-nés jusqu’à la tombée de la nuit. C’est alors qu’Elie entre en action. Il est seul : lui l’unique prophète resté fi dèle. Il redresse d’abord l’autel du Seigneur. Puis il prépare le taureau et le met sur le bûcher qu’il fait arroser par trois fois avec de l’eau. Lorsque le moment de l’holocauste du soir est advenu, sa prière sans défense s’élève : ‘Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, que ce peuple sache que c’est Toi, Sei-gneur, qui es Dieu, que c’est Toi qui ramène vers Toi le cœur de ton peuple’ (1R 18,37). A cet instant survient la merveille : le feu du Seigneur tombe et dé-vore l’holocauste et le bois. A cette vue, les gens se jettent face contre terre et

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confessent enfi n -comme en écho au nom d’Elie- ‘Le Seigneur est Dieu ! Le Seigneur est Dieu !’ (1R 18,39).

23. Elie était un homme semblable à nous, mais il pria avec ferveur’ (Jc 5, 17). Et pourtant : même une prière si fervente ne nous permet pas de nous accaparer Dieu. Prier ne nous offre pas une assurance-vie. Elie en fait l’expérience immédiatement après le succès sur le Mont Carmel. Ses détrac-teurs songent à se venger et tel un gibier pourchassé, il doit s’enfuir dans le désert. Epuisé, il souhaite s’endormir pour ne plus jamais se réveiller. Dans sa prière ne résonne plus qu’une sourde plainte : ‘Je n’en peux plus! Mainte-nant, Seigneur, prends ma vie car je ne vaux pas mieux que mes pères’ (1R 19,4). Dieu, par deux fois, lui envoie un ange qui le touche pour le réveiller et l’inviter à manger. Le grand prophète, par la bouche duquel le Dieu Saint a parlé, est maintenant tel un enfant qui doit être nourri et consolé. Dès qu’Elie a repris des forces, il entreprend un voyage de quarante jours et quarante nuits vers l’endroit où tout a commencé. Là, Dieu a conclu l’alliance avec son peuple. Tout comme pour Moïse, cette montagne devient le lieu de la prière, de la rencontre avec Dieu. Cette fois aussi, Dieu est le Tout Autre : Celui qui est qui Il est. Mais en même temps, Il est aussi émi-nemment proche par son alliance. Elie essaye de prier sur cette montagne. Comme dans presque chaque prière, Elie expérimente d’abord combien Dieu semble lointain, étrange et incompréhensible. Une très forte tempête sévit mais le Seigneur n’est pas dans celle-ci. Un tremblement de terre puis un incendie font suite. Mais le Seigneur n’est ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Finalement, Dieu se révèle d’une manière étonnante, presque inaudible. Une voix se laisse entendre ‘comme un souffle ténu’ (1R 19,12) et dans le silence, la parole de Dieu est reconnue. Elle ouvre une perspective au prophète aussi découragé que nombre d’entre nous aujourd’hui. Dieu semble se taire, mais peut à chaque instant donner un signe de sa présence aimante. Sur la mon-tagne, Elie apprend fi nalement la bonne nouvelle : Dieu prend un nouveau départ (cf 1R 19,18), Dieu ‘n’abandonne pas les œuvres de ses mains’ (Ps 138,8). C’est la découverte de chaque prière : ‘Si nous lui sommes infi dèles, lui demeure fi dèle car il ne peut se renier lui-même’ (2Tm 2,13).

P L A I D O Y E R P O U R L E S P R I È R E S B I B L I Q U E S

24. Les prières d’Abraham, de Moïse et d’Elie mettent en lumière combien la prière est totalement liée à l’Alliance de Dieu. C’est la merveilleuse expé-rience d’un Dieu qui, bien que différent de notre monde, cherche à entrer en relation avec l’homme. Avec des hauts et des bas, Israël est toujours resté attentif à cela. Dans toutes les situations, il a cherché à reconnaître la parole de Dieu. A travers toute l’histoire, il a écouté la parole de Dieu. La prière peut être considérée comme la réponse à cette parole. Nous en trouvons l’expression émouvante dans les psaumes. A travers cent cinquante prières, on entend résonner l’écho de la parole de Dieu dans toutes les situations hu-maines. Vie et mort, faim et soif, amour et haine, vengeance et bienveillance, souffrance profonde et joie intense : cela vient droit du cœur. Il apparaît clai-rement ici que le peuple juif n’a pas trouvé son Dieu en dehors de ce qu’il vit. Ce n’est pas de l’extérieur du monde que l’on prie Dieu mais du milieu de celui-ci. Ainsi un éventail de psaumes ont vu le jour. Une expérience heureuse sera l’occasion d’un chant de louange (Ps 150). Dieu est loué pour la splen-deur de sa création (Ps 104) et pour ses exploits (Ps 105). Il est admiré comme le roi par excellence (Ps 93), celui qui habite près de son peuple sur la montagne de Sion (Ps 48). Les chants qui expriment la complainte de l’homme dans le malheur ou du peuple dans le besoin résonnent tout autrement. Alors s’élève une supplication intense pour être sauvé des mains des poursuivants (Ps 73), pour obtenir la guérison de la maladie (Ps 13) ou le pardon de la faute (Ps 51). Il existe aussi des chants d’action de grâce comme le psaume 18 et de merveilleuses expressions de confi ance, comme le psaume du bon berger (Ps 23). Le lien à la vie apparaît le plus lors de la re-cherche d’un appui et dans la joie que procure l’orientation de la Loi de Dieu (Ps 119). Nous nous sentons souvent un peu dépaysés face aux psaumes. Rien d’étonnant. Il s’agit de poésies anciennes et puis surtout ces prières sont moins dégrossies que nous ne le souhaiterions souvent. Nous le ressentons avec le plus d’acuité dans les psaumes de vengeance. Ne vaudrait-il pas mieux les rayer? Peut-être que non. N’apprenons-nous pas aujourd’hui qu’il

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vaut mieux ne pas refouler les émotions négatives? Jésus lui-même s’est ser-vi des psaumes -parfois si maladroits- pour prier. Il a vécu avec ces psaumes. Il a partagé tous les besoins et toutes les joies des hommes et les a offerts à Dieu. Sa prière nous donne à connaître le mystère dont nous traiterons plus loin : en devenant l’un des nôtres, le Fils de Dieu éclaire de sa lumière ami-cale même nos zones d’ombre les plus profondément enfouies – dont les psaumes d’ailleurs ne font pas de secret. Ne mettons donc pas trop vite de côté ces psaumes à l’aspect récalci-trant. Ils donnent voix aux émotions cachées, tant les nôtres que celles des autres. Et lorsque nous sommes sans mots devant Dieu, ces psaumes de-viennent une ‘marche’ dans notre ascension vers Lui. Pourquoi ne prierions-nous pas un psaume en début de réunion? Un simple extrait de la Prière des Heures peut déjà être d’une bonne aide. Il serait bon que les psaumes tiennent plus de place dans l’eucharistie comme moyen de méditer et d’ap-profondir la Parole de Dieu dans la prière.

25. A côté de ces cent cinquante psaumes, quatre-vingt-cinq autres prières sont autant de perles qui parsèment l’Ecriture. Proposons un choix dans cette riche abondance. Hanna, la femme stérile et humiliée qui proclame sa joie pour la naissance de son enfant (1S 2,1-10). David qui remercie le Sei-gneur après sa libération des mains de ceux qui le harcelaient (2 S 22). Judith qui entonne un merveilleux chant de louange lorsqu’elle parvient à rompre le siège des Assyriens par une ruse (Jdt 16, 1-17). Jérémie le prophète rejeté par le peuple, qui hurle à Dieu son dénuement (Jr 15, 18-10). Terrassé de misère, Job en arrive même à maudire le jour de sa naissance (Jb 3,3). Nous sommes témoins de la prière nuptiale de Sarah et Tobie (Tb 8, 5-8). Nous entendons la prière de supplication sincère du Roi Salomon lors de l’inauguration du temple (1R 8) ainsi que celle du prêtre Esdras lors du retour d’exil (Esd 9,6-15).Toutes ces prières constituent ‘une nuée de témoignages’ (He 12,1) de la présence de Dieu dans notre existence.

A L A R E C H E R C H E D ’ U N ‘ C H E Z S O I ’

26. Le cœur de toute prière biblique est la relation entre Dieu et son peuple. Comme dans notre lettre de l’année ‘Envoyés pour annoncer’, nous souhai-tons éclairer nos propos par l’image de la maison.4 Nous pourrions en effet, nommer la prière ‘maison de Dieu parmi les hommes’ (Ap 21,3). Les gens qui prient sont de ‘la maison de Dieu’ (cf Ep 2,19).

27. Que faut-il pour pouvoir parler d’un ‘chez soi’? Songeons à notre propre expérience. Un ‘chez soi’ est à tous égards un lieu où l’on peut exprimer tout ce qu’on a sur le coeur. Exprimer tout ce que l’on a au fond de soi n’est pas évident. Nos désirs, nos soucis, on ne les confi e pas à tout le monde. On en parle uniquement à celui qui nous comprend et accepte de nous rejoindre. Quel plaisir de se sentir chez soi auprès de quelqu’un qui écoute vraiment. C’est aussi le plus grand plaisir de Dieu, son désir le plus profond : trouver quelqu’un qui ‘entend Sa Parole et comprend’ (Mt 13,23). Celui qui prie est attentif à ce que Dieu veut lui dire.

28. Un vrai ‘chez soi’ n’est pas seulement un endroit où l’on peut s’expri-mer librement, c’est aussi un lieu où l’on peut ‘être auprès’ sans dire grand chose, où l’on peut séjourner en toute liberté. On le voit parfaitement lors d’une fête. Cela revient toujours au même : nous souhaitons être ensemble comme amis ou parents, célébrer l’amitié qui nous unit. Il en va de même dans la prière. Le Seigneur souhaite habiter chez nous (cf Ps 132, 14). C’est la raison pour laquelle il a libéré les Israélites de l’esclavage. Il les ‘a fait sortir d’Egypte pour demeurer parmi eux’ (Ex 29,46). Depuis l’alliance sur le Sinaï, chaque semaine, un jour entier est réservé pour fêter cette alliance. Peut-être sous-estimons-nous ‘le jour du Seigneur’ com-me occasion de prière et de relation. C’est un jour où on prend son temps et on se détend. Le septième jour est le couronnement de toute la création. C’est le jour où Dieu fait son ‘chez soi’ auprès de l’homme qu’Il a appelé à la vie pour partager la vie avec lui (Ps 104,13).

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29. Lorsqu’on est accueilli comme chez soi, il y a encore plus. On n’est pas encore parfaitement chez soi lorsqu’on peut exprimer le fond de son coeur et être sans contrainte auprès de l’autre. Ce n’est que lorsque l’autre prend éga-lement part à vos projets que l’on peut véritablement affi rmer être ‘chez soi’. Il en va de même dans la prière. Il ne suffi t pas à Dieu que nous écoutions sa Parole et célébrions sa présence. Son plus grand désir est que nous fassions nôtres ses priorités pour le monde et que nous vivions de son alliance. C’est pourquoi prière et vie doivent se répondre l’une à l’autre le plus étroitement possible.

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D E N O T R E I M P U I S S A N C E À L A P R I È R E

30. La lecture de ce qui a précédé a peut-être engendré une impression de malaise. Cela paraissait beau mais était-ce réalisable? Trouver son chemin vers Dieu et son ‘chez soi’ auprès de Lui offre une perspective pleine d’espoir mais nous confronte aussi à notre impuissance dans la prière. Comment atteindre Dieu? Comment, pauvres créatures, pouvons-nous L’entendre? Comment Lui parler? L’Ecriture est heureusement très réaliste : ‘Personne n’a jamais vu Dieu’ écrit Jean (Jn 1,18). Plus fort encore : ‘Nul homme ne peut voir Dieu’ (Tm 6,16) écrit Paul. Dans une autre lettre, il admet tout simplement : ‘Nous ne savons pas prier comme il faut’ (Rm 8,26). Ces termes nous préservent d’une trop grande évidence dans une lettre sur la prière.

31. Prier ne fut jamais évident. Abraham, Moïse et Elie et peut-être nous aussi, découvrons tous la même chose : nous n’en sommes pas capables. Mais c’est là justement la bonne nouvelle de l’Evangile : Quelqu’un existe, un fi ls d’homme qui peut accéder librement à Dieu. Quelqu’un existe à qui Dieu s’est fait totalement connaître, Quelqu’un qui, sans réserve, a écouté le Père, Quelqu’un qui est ‘chez son Père’ (Lc 2,49). Ce quelqu’un, c’est Jésus, le Fils bien-aimé. Comme Matthieu l’écrit : ‘Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler’ (Mt 11,27). Nos propres forces ne nous permettent pas de trouver notre ‘chez soi’ auprès de Dieu. Mais Celui ‘qui habite une lumière inaccessible’(1 Tm 6,16) est venu Lui- même‘habiter parmi nous’ (Jn 1,14). Le point d’intersection entre ciel et terre porte le nom de Jésus, le Seigneur vivant. Aujourd’hui encore, Il peut nous donner la capacité de prier. Tout comme les premiers disciples, nous pouvons Lui demander : ’Seigneur, apprends-nous à prier’ (Lc 11,1). Ce que notre capa-cité propre ne nous permet pas, peut réussir grâce à Lui. Paul écrit : ‘En Lui, nous osons (…) en toute confi ance nous approcher du Seigneur’ (Ep 3,12).

PISTES POUR ÉCHANGER

1. Qu’est-ce qui vous touche dans l’expérience de Dieu faite par Abraham ? Est-ce que vous pouvez vous y reconnaître ?

2. Esquissez la relation entre prier et vivre à partir de l’expérience de Moïse.3. La prière d’Elie déborde de confi ance. Ceci vous inspire-t-il pour votre

prière d’aujourd’hui ? La prière d’Elie se heurte aussi à l’absence de Dieu. Qu’apprenez-vous par là ?

4. Avez-vous un psaume préféré? Lequel ? Quel titre donneriez-vous à ce psaume ? Cherchez sinon quelques versets de psaume qui vous inter-pellent.

5. L’image d’un ‘chez soi’ vous parle-t-elle ? Comment votre prière offre-t-elle un ‘chez soi’ à Dieu ? Et comment trouvez-vous un ‘chez soi’ auprès de Dieu dans la prière ?

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L E O U I D E J É S U S

32. En Jésus Christ a lieu quelque chose de fondamentalement neuf. L’allian-ce trouve son accomplissement car Jésus nous offre ‘l’accès auprès du Père’ (Ep 2,18). Grâce doit en être rendue à Dieu lui-même, Lui qui nous a envoyé son propre Fils. Nous ne pouvons nous représenter ceci de façon trop naïve. Le Fils de Dieu n’a pas plané comme une ombre sur notre monde. Un tel fan-tôme n’aurait touché personne. Un vrai contact humain aurait manqué. C’est justement en ceci que réside le nœud de la foi chrétienne : le Fils de Dieu est, en Jésus de Nazareth, devenu un des nôtres, un homme comme nous. ‘Il a voulu partager la même condition’ (He 2,14). Il est ‘devenu semblable en tout à ses frères’ (He 2,17). C’est cela la Bonne Nouvelle. Elle engendrait l’enthou-siasme des premiers disciples : ‘Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et palpé de nos mains : le Verbe de vie’ (1Jn 1,1). ‘Oui, le Verbe s’est fait chair’ (Jn 1,14).

33. Jésus a donné un oui sans réserve à Dieu. Ce oui nous apparaît dans une courte prière de Jésus qui nous a été transmise. Jésus y répond : ‘Oui, Père’ (Mt 11,26). Ce simple mot soulève un coin du voile. Par ce petit mot, nous pénétrons au plus profond de la prière de Jésus. Ce oui nous révèle Jésus dans tout ce qu’Il est : d’une confi ance inconditionnelle envers son Père. Jésus est le croyant par excellence, celui qui approuve : ‘Oui, c’est bien. Je m’abandonne à Toi. En Toi, je mets toute ma confiance’. En Jésus, le Père trouve enfi n quelqu’un qui est entièrement ouvert à son amour. Toute méfi ance humaine, tout refus, tout isolement est vaincu en son ‘oui’. Pas évident d’ailleurs, car ‘il a été éprouvé en tous points, à notre ressemblance’ (He 4,15). Mais contrairement à nous, qui sommes faibles et capricieux, Jé-sus n’a pas dit ‘oui et puis non ; en Lui, il n’y a eu que oui’ (2 Cor 1,19). Pensons à l’homme et la femme se donnant réciproquement leur oui, liant par ce oui leur propre vie à celle de leur partenaire. Ainsi Jésus lie-t-il son sort à son Père. Plus encore : en Jésus, toutes les infi délités humaines, les égoïsmes, les envies de dire ‘non’ et de se détourner du partenaire, sont vaincues. En vérité : en Jésus il n’y eut qu’un oui et ce oui est le mystère inat-tendu de sa prière.

D I S P O N I B L E À L A V O L O N T É D U P È R E

34. Le oui de Jésus à son Père est pour Lui nourriture vitale (cf Jn 4 ,34). C’est pour cela qu’Il est venu : pour faire la volonté de Dieu (cf He 10,9 et Ps 40,8). Cela transparaît lors des heures angoissantes de l’agonie. Il prie : ‘Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Toutefois, non pas ce que je veux, Mais ce que tu veux’ (Mt 26,39).Sa prière ne dissipe pas son angoisse comme d’un coup de baguette ma-gique. Jésus sue sang et eau. Il est dans l’angoisse de l’agonie (Lc 22,44). Cette lutte angoissante est le combat de la prière. C’est tout autant le combat de l’obéissance. Si Jésus souhaite que le Père lui épargne cette coupe de souffrance, il veut toutefois lui obéir et se confi er à sa volonté. L’obéissance, Jésus l’a ‘apprise par ses souffrances’ (He 5,8). C’est aussi ce qu’il voudrait transmettre à ses disciples. C’est pourquoi il nous apprend à prier : ‘que Ta volonté soit faite’ (Mt 6,10).

35. Nous autres, hommes modernes, pouvons-nous prier ainsi ? Cette prière ne nous réduit-elle pas à l’état d’enfant, ou de domestique? Beaucoup esti-ment que les croyants renoncent à leur liberté - la liberté, le bien le plus pré-cieux du citoyen moderne. C’est pourquoi la prière est parfois considérée avec méfi ance comme assujettissement aveugle à Dieu. La même méfi ance se manifeste vis-à-vis de l’Eglise comme institution de pouvoir et de contrainte. De fait l’histoire de notre Eglise contient des pages noires au cours desquelles la liberté de l’homme fut blessée. Durant l’année jubilaire, notre Pape a demandé, à juste titre, pardon pour cela. Il nous faut tirer des leçons du passé. De nos jours, comme beaucoup, nous sommes en recherche de sens et de soutien. Cela fait du bien de rencontrer d’autres personnes qui croient vraiment en Dieu et en deviennent vraiment libres. Dieu ne veut-il pas que nous ‘ayons la vie et que nous l’ayons en abondance’ (Jn 10,10)? Notre époque a droit à une prière authentique qui mène chacun à son plein épa-nouissement.

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36. Comment une prière peut-elle demander sincèrement aujourd’hui que la volonté de Dieu soit faite (cf Mt 6,10)? Rendons-nous bien compte que la volonté de Dieu n’a rien à voir avec un arbitraire aveugle. Dieu s’est-il révélé à Abraham, Moïse ou Elie comme un potentat brutal? Non: la volonté de Dieu c’est que l’homme devienne son partenaire et puisse ainsi trouver le bonheur. La volonté de Dieu est une invitation imméritée qui laisse toute liberté. Pas un dictat mais un profond désir. Le mot de la Bible que nous traduisons par le terme strict de ‘volonté’ est beaucoup plus riche. Il s’agit d’une aspiration, il signifi e également ‘faveur, il signifi e également ‘faveur, il signifi e également ‘ ’ (Pr 11,1), ‘bonté’ (Ps 51,20) et ‘bienveillance’ (Is 60,10). Quand nous prions que la volonté de Dieu se fasse, nous désirons ce qui Lui procure de la joie autant qu’à nous. Cette joie est l’alliance avec son peuple. Ce n’est pas par hasard que le peuple est nommé ‘celui en qui Dieu prend plaisir’ - le mot est identique à celui que nous tradui-sions par ‘volonté’ (Is 62,4 LXX) ‘On t’appellera « Celle en qui je prends plaisir »plaisir »plaisir (…) Comme l’enthousiasme du fi ancé pour sa promise ton Dieu sera enthousiasmé pour toi’ (Is 62,4-5).

L A P R I È R E D U F I L S B I E N - A I M É

37. Le fait que Jésus prie pour que la volonté de Dieu -et donc son amour- advienne est extrêmement révélateur. La prière ne le laisse pas hors jeu. Jésus n’aspire pas seulement à l’amour de Dieu, Il devient le portrait vivant de cet amour. Jésus a découvert cela ‘durant sa prière’ (Lc 3,21) lors de son baptême dans le Jourdain. Là, le ciel s’ouvre. L’Esprit Saint descend sur Jésus en prière et une voix vient du ciel qui dit : ‘ Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir’ (Mt 3,17)La même voix résonne sur le Mont Tabor. Jésus est à nouveau en prière (cf Lc 9,28) juste avant de prendre la route vers Jérusalem, où l’attend la souffrance. Concernant Jésus, il est dit : ‘Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir’ (Mt 17,5).Ce qui procure de la joie à Dieu, ce qu’il désire profondément, on le remar-que en Jésus, son Fils bien-aimé. Il est l’homme selon son cœur, le parte-

naire choisi. Il offre la fi gure humaine de l’amour de Dieu. Lorsque Jésus prie, son visage s’éclaire. Il est la splendeur de la lumière (cf 2Co 4,6) qu’est Dieu lui-même (cf 1Jn 1,5). Même si personne n’a jamais vu Dieu, ‘Celui qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé’ (Jn 1,18).

38. Jésus désire que tous ses disciples ‘connaissent’ Dieu (Jn 17,3). C’est pour cela qu’il prie lorsqu’il prend congé de ses amis. Ce que Jésus demande n’est pas une connaissance théorique mais une expérience et une relation. Une telle connaissance ne vient pas d’un dossier établi au sujet de l’autre. Non, c’est l’autre qui, de façon mystérieuse, se laisse connaître. Non par des informations, mais grâce à une intimité et un contact. Prier, c’est fréquenter Dieu. Ce n’est pas émettre de belles pensées au sujet de Dieu. Il y en a suffi -samment dans les textes de méditation sur Dieu. Ce qui nous est nécessaire, c’est l’expérience de Dieu. Prier, c’est trouver un ‘chez soi’ auprès de Dieu et c’est cela qui se vit dans la prière. Cette ‘connaissance’ rendue possible par la prière, n’est jamais détachée de la vie concrète. Celui qui prie, partage sa vie avec Dieu. Jésus nous ap-prend aussi cela. Ses disciples deviennent partenaires de l’Alliance de Dieu. Ils apprennent à connaître Dieu en partageant la même table et en vivant comme des frères autour de Jésus. Il ne faut pas nous représenter cela de façon trop idyllique car tout se passe de manière très humaine chez les disci-ples. Entre eux surgissent aussi jalousies et querelles (cf Mc 9,34). Par cette vie commune autour de Jésus, ils apprennent que Dieu est amour (cf 1Jn 4,8) et que notre amour du prochain participe de l’amour de Dieu (cf Jn 15,12).

L A P R I È R E D ’ A B A N D O N D E J É S U S

39. Finalement, Jésus a été rejeté par les hommes. Ce drame donna plus de profondeur encore à la prière de Jésus. Du dernier soir, Paul et les évangélis-tes nous ont fait un récit scrupuleux. Jésus se rend compte que sa mort est maintenant inéluctable. Pourtant Il n’envisage pas cette mort comme une fatalité vide de sens. La vie ne Lui est pas enlevée : Il la donne par amour. Et Il le fait dans la plus grande confi ance en Dieu son Père. Il Lui adresse sa

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prière. Cette prière devient un geste. Jésus rompt le pain, le tend à ses disci-ples et dit : ’Ceci est mon corps, donné pour vous’ (Lc 22,19). De même avec la coupe de vin, son propre sang ‘donné pour la multitude’ (Mc 14,24).

40. Par la prière, Jésus inscrit sa mort dans la continuité de sa vie entière. Il s’en était continuellement remis à son Père. Partout il avait fait le bien. Il n’avait condamné personne. Il avait partagé son Evangile avec tous, surtout les pécheurs et les publicains. Il avait appelé à aimer ses ennemis. Tout cela, il le fait jusqu’au bout. Non que Jésus soit insensible à la douleur et à l’angoisse. En tout cela, Il a été vraiment homme comme nous. Durant les dernières heures avant sa mort, Il en vient même à être envahi par le sentiment atroce d’être aban-donné de Dieu. Sur la croix, Il prie ce psaume si humain qui débute par une plainte amère : ‘Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné?’ (Mc 15,34 ; Ps 22,2). Pourtant, cette confi ance ne sombre pas face au vide de la mort. Jésus hurle son abandon mais ce cri s’adresse à son Père. Même durant la dernière heure, Il ne voit pas en Dieu une puissance aveugle. Dieu demeure son Père. C’est à Lui que Jésus, en agonie, se confi e dans la prière : ‘Père, entre tes mains je remets mon esprit’ (Lc 23,46 ; Ps 31,6).

D A N S L ’ E S P R I T , T R O U V E R S O N ‘ C H E Z S O I ’ A U P R È S D E D I E U .

41. Le plus grand miracle a lieu à Pâques. Aux disciples stupéfaits, il appa-raît de plus en plus clairement que la prière de Jésus n’a pas été déçue. Dieu n’était pas absent au Golgotha. Dieu a envoyé son propre Fils dans notre monde déchiré (cf Rm 8,3) mais il ne l’y a pas laissé seul. Chose mystérieuse, Dieu peut se rendre présent même dans la mort et y apporter la vie nouvelle. La foi des disciples n’était pas le moins du monde naïve. Elle était le fruit de doutes et de questions, tout comme pour nous. Mais les premiers disciples durent reconnaître que Dieu lui-même était intervenu d’une façon radicalement neuve, qui ne se laissait pas enfermer dans leurs catégories fa-milières. Ils l’ont expérimenté dans leur chair lorsque le Seigneur ressuscité leur est apparu. Lui qui fut trahi par ses amis, leur donna son pardon. Il leur

partagea sa vie nouvelle. Il souffl a sur eux et leur donna son Esprit Saint (cf Jn 20,22). A partir de ce moment-là, tout devient très concret. Poussés par l’Esprit, ils grandissent malgré leurs différences en une seule communauté de cœur et d’esprit. Les biens et les possessions sont vendus et l’argent en est par-tagé selon les besoins de chacun. Des malades sont guéris et on prie chaque jour (cf Ac 2, 41-47). C’est ainsi que Dieu donne vie à son Eglise. En elle, Dieu trouve fi na-lement son ‘chez soi’ parmi les hommes et ceci par l’entremise de son Fils ressuscité. De même que le Verbe de Dieu a ‘habité’ (Jn 1,14) en Jésus, les disciples sont ‘intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit’(Ep 2,22). Dorénavant, les disciples forment le corps vivant du Christ (cf 1 Co 12,12-30). Le Seigneur vient en effet ‘établir sa demeure’ (cf Jn 14,23) auprès de ses disciples et les appelle ‘mes frères’ (Mt 28,10). Tous les disciples -nous aussi- ont ‘reçu un Esprit qui fait d’eux des fi ls adoptifs et par lequel ils crient : Abba, Père !’ (Rm 8,15). L’Esprit suscite la prière.

42. Jusqu’aujourd’hui, c’est la principale raison qui nous fait rendre grâce à Dieu. Nous le faisons dans une prière nommée ‘action de grâce’ou eucha-ristie. Comme Jésus lors de la dernière Cène, nous remercions le Père qui donne la vie (cf 1Co 11,24). Nous le remercions parce qu’Il a ressuscité Jésus. Parce qu’Il nous prend avec Lui dans ce passage à travers la mort. Parce que ‘comme Christ, nous pouvons nous aussi mener une vie nouvelle’ (Rm 6,4). Notre prière trouve ici son couronnement et sa source5. Ce qui ne nous était pas possible par nos propres forces, le devient fi nalement. Nous recevons libre accès auprès de Dieu (cf He 10,19) par notre condition de disciple du Christ. Il nous précède auprès du Père. C’est lui qui en réalité préside la prière eucharistique. C’est pour cette raison que le prêtre revêt un vêtement liturgique. Il prie au nom de Jésus et en son Esprit. Il nous faut probablement le redécouvrir, pour que nos célébrations du dimanche aient plus de goût. Il s’agit de la Pâque du Seigneur, du passage de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Il faut que notre personne toute entière fasse ce chemin avec Lui. C’est pourquoi nous nous tenons debout, tout comme le Christ qui est ressuscité. C’est pourquoi nous rompons le

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pain, car aujourd’hui encore il n’est de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (cf Jn 15,13). Ce qui arriva à Jésus, nous y participons tous par son Esprit. C’est le profond mystère de chaque prière.

IV AU S O U F F L E D E L A V I E

43. Le Seigneur qui vit en chacun de nous, nous donne son Esprit. Grâce à Lui, il nous est possible de trouver notre ‘chez soi’ auprès du Père. En excel-lent maître de maison, Dieu est infi niment respectueux de ses hôtes. Nous pouvons être tout simplement nous-mêmes. Trouver son ‘chez soi’ dans la prière ne conduit pas à une vague fusion avec Dieu qui étoufferait notre individualité. Non, le Dieu d’Abraham, le Père de Jésus reconnaît avec le plus grand tact, la spécifi cité de toutes ses créatures. Dieu préfère nous rencon-trer tels que nous sommes. Il souhaite, dans toutes les situations, partager notre vie. C’est précisément là qu’il veut nous offrir le cadeau de sa présence. Raison pour laquelle la prière comporte autant de facettes que la vie elle-même. Chez chacun, elle résonnera différemment. Mais une série de lignes de force émergent cependant de cette diversité. Esquisser sommairement une partie de celles-ci peut inspirer notre prière.

L ’ A T T E N T I O N E T L E S I L E N C E

44. L’entrée dans la prière consiste souvent en une attention. Celle-ci est dans la ligne d’une réfl exion au cours de laquelle on ferait une halte. Prendre un mo-ment de tranquillité est d’un grand bienfait, car l’agitation et les soucis fi nis-sent par bouleverser notre vie. Nous ressemblons alors à un vin de choix hélas devenu trouble à force de secousses. Qui veut servir un vin clair doit d’abord laisser décanter cette bouteille pour que se forme lentement un dépôt6. Les techniques de méditation orientales peuvent nous en apprendre concernant cette tranquillité. Tout ce qui est trouble, elles veulent le laisser décanter. Elles aspirent à un regard pénétrant sur les choses. Elles percent les apparences pour se tourner vers l’essentiel. De telles techniques de médi-tation sont très bonnes. Nous visons cependant quelque chose de plus. L’at-tention des chrétiens recherche, en effet, la mystérieuse présence de Quel-qu’un au sein des choses. Les chrétiens dépassent la simple attention pour

PISTES POUR ÉCHANGER

1. Quel est pour vous le plus grand obstacle à la prière ? Quand vous sen-tez-vous impuissant face à la prière ? Qu’est-ce qui dans ces cas là vous met sur la voie de la prière ?

2. Essayez d’expliquer le coeur de la prière de Jésus à la lumière d’une œu-vre d’art qui vous touche particulièrement (une peinture, un morceau de musique ou un poème).

3. Quand vous priez : ‘que Ta volonté soit faite’, que signifi ez-vous par là ?4. Mettez-vous à la place de Jésus lors de son baptême. Laissez-vous pé-

nétrer de la parole de Dieu : ‘Tu es mon fi ls ou ma fi lle bien-aimée’. En quoi cela peut-il vous aider à prier ? Qu’est-ce qui vous dérange ?

5. Qu’est-ce qui vous touche le plus durant le dernier jour de Jésus ? Pour-quoi ?

6. Comment notre rassemblement autour de Jésus dans l’eucharistie peut-il devenir plus priant ?

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la profondeur des choses. Celui qui a appris à connaître le Dieu d’Abraham et de Jésus, désire reconnaître sa trace dans la réalité. La main du Créateur se laisse deviner dans ses créatures (cf Rm 1,20). Son Esprit garde toutes choses en vie (cf Ps 104,30). Cet Esprit est également offert aux disciples du Christ (cf Ac 2,3). Il s’agit de rencontrer cet Esprit dans le monde, parmi les hommes et dans notre propre vie.

45. L’attention est différente d’une occupation intellectuelle. La sensibilité à l’Esprit de Dieu en toutes choses, exige une ouverture, une attention, une attitude d’attente, une réceptivité pleine d’amour de toute notre personne. Mieux vaut ne pas entendre cela de façon trop romantique. Cela suppose exercice et effort. Il nous faut combattre notre distraction et notre superfi -cialité, tout ce qui nous éloigne de la vraie réalité et de ce qui est au plus profond de nous. Une telle attention priante est tout le contraire d’une fuite du monde. Elle remet les pieds sur terre aux planeurs spirituels. Notre voca-tion est d’être ‘homme parmi les hommes’. Il nous faut donc découvrir notre ‘chez soi’ sur terre pour le trouver auprès de Dieu. Prier exige aussi de se sentir ‘chez soi’… en soi-même. Pas étonnant que cette expression ait été employée par Benoît, le père de la vie monastique oc-cidentale. Il avait l’art ‘d’habiter en lui-même’ (habitare secum)7. Nous aussi, il nous faut faire l’apprentissage de cet art. Etre ‘chez soi’ en soi-même, c’est apprendre à connaître son propre cœur. Que nous nous mettions à l’épreu-ve. Que nous découvrions l’orientation de nos désirs les plus profonds. Au départ, cela ne nous est pas très précis. Pourtant nous ressentons parfois une soif qui ne peut être étanchée par le quotidien. Cette insatisfaction peut nous mettre sur la voie d’une recherche. Elle peut nous permettre de décou-vrir la trace de la présence cachée de Dieu dans notre monde et en nous-mê-mes. Tout comme Jésus dans le désert, nous découvrons que nous ne vivons pas seulement de pain mais de la Parole qui vient de Dieu (cf Mt 4,4). Cette Parole s’adresse à chaque homme mais attend, pleine de tact, que nous lui prêtions attention. Elle ‘patiente jusqu’à ce que nous lui soyons ouverts’8.

46. L’attention qui nous rend ouverts et disponibles, n’est possible que dans un climat de silence. Le silence est une forme essentielle de la prière.

Il ne s’agit pas seulement de se taire. Cette sorte de silence peut être vide, créer l’éloignement, être le silence qui fait suite à une dispute ou encore celui de la division. Le vrai silence vise tout le contraire. Il crée proximité et dispo-nibilité, engendre l’ouverture à l’autre. Il est communication. Un tel silence est éloquent : il a sa place dans le langage de l’amour. Les amoureux ne s’en disent-ils pas plus long en restant en silence l’un près de l’autre, qu’avec un fl ot de paroles?

47. A notre époque empressée, le silence est devenu une denrée précieuse. La publicité et internet, les gsm et les média nous inondent d’un torrent d’informations. Notre attention est dispersée par les stimuli auditifs et vi-suels les plus divers. Pas étonnant que nombreux soient ceux qui aspirent au silence. On les voit se rendre à pied à Compostelle ou dans d’autres lieux de pèlerinage. On les retrouve dans les monastères et les maisons de retraites. Ces gens en recherche ont beaucoup à nous apprendre. Inversement, notre communauté ecclésiale pourrait être plus signi-fi ante pour ces hommes en recherche. L’Eglise en soi est infi niment plus riche que tout ce que nos activités sociales tapageuses ne laissent parfois entrevoir. La liturgie elle-même pourrait créer plus d’espace pour le langage du silence. Trop souvent nous essayons d’expliquer nos symboles ‘à force de paroles’ (Mt 6,7). Ce faisant, nous oublions que l’essentiel de Dieu échappe à nos simples mots. De même, un bien-aimé signifi e infi niment plus que ce qui est dit sur lui ou sur elle.

48. Sans doute faut-il nous re-familiariser personnellement avec le silence. Il peut nous rendre réceptifs à la merveille de la venue de Dieu. Car le Père dit sa Parole ‘dans un éternel silence, et c’est dans le silence que l’âme l’entend’9. C’est ce qui est arrivé au prophète Elie que Dieu interpella sur la montagne dans ‘le bruissement d’un souffl e ténu’ (1R 19,12). Le psalmiste aussi prie le Seigneur en disant : ‘la louange et le silence te conviennent’ (cf Ps 65,1). Dans ce silence, on est en présence du Seigneur. Il repousse douce-ment nos propres bavardages à l’arrière plan, nous rend paisible. Cette mise en silence requiert discipline et patience. Nous trouvons tou-jours plus urgent à faire que de ‘rester assis à attendre’ quelqu’un. En de tels

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moments, il nous faut nous libérer de nos plans bruyants et de nos actions planifi ées. Pas facile. C’est paradoxal mais vrai : ‘Il n’est pas de plus grand labeur que de demeurer sans labeur’10. Paix et silence sont essentiels pour notre santé spirituelle en général et pour notre prière en particulier.

E C O U T E R

49. Qui fait ne serait-ce qu’un peu de place au silence, est largement ré-compensé. Car Dieu a percé le silence. Il a pris la parole. Ce n’est pas un élément accessoire, mais précisément le propre de toute expérience biblique. Tel est Dieu : Il parle et cherche des hommes qui écoutent. Notre prière ne doit donc pas se limiter à un monologue personnel. Dieu prend lui-même la parole. Il est le premier orant. Il nous supplie de partager notre vie. C’est sa volonté, son souhait le plus profond. Seule façon pour Dieu de trouver son ‘chez soi’ auprès de nous, c’est aussi le seul chemin pour nous inviter chez Lui. Tout a commencé avec Abra-ham, a continué avec les prophètes et se poursuit avec tous les croyants en recherche dont Dieu a percé le silence. Ceci fut accompli en Jésus. En Lui, nous percevons la plus profonde des paroles de Dieu. Pendant la nuit de Noël, ce mystère nous donne l’occasion de nous émerveiller et de rendre grâce : ‘Un silence paisible enveloppait tous les êtres et la nuit était au milieu de sa course, alors Ta parole toute puissante quitta les cieux et le trône royal’ (Sg 18,14-15). En Jésus, nous percevons combien Dieu nous est attaché, com-bien il désire partager notre vie. Voilà pourquoi il est si important dans la prière de nous familiariser tant avec Jésus qu’avec toute l’Ecriture. Nous y apprenons à écouter Dieu. Le plus grand soin doit être consacré à la lecture des textes de l’Ecriture, afi n de comprendre comment ceux qui les ont rédigés ont trouvé la trace de Dieu. Toutes les approches bibliques modernes peuvent nous fournir une aide en ce sens. Mais en même temps, ces textes doivent être lus et ruminés à un niveau plus profond. Ils n’ont rien à voir avec une histoire dépassée. Les hommes y ont perçu la voix de Dieu. Cette voix qui jamais ne s’est tue, il nous faut essayer aujourd’hui de la percevoir à nouveau. Nous ne pouvons

y parvenir seuls. Cela nécessite une tradition vivante : une communauté de croyants et surtout l’inspiration de l’Esprit de Dieu. C’est par le même Esprit que les rédacteurs de la Bible ont reconnu Dieu dans les évènements de leur temps. Une manière simple d’écouter Dieu, ensemble, au travers de l’Ecriture est le dialogue contemplatif. Le déroulement en est le suivant. Un extrait de l’Ecriture est d’abord lu à voix haute. Après un moment d’intériorisation, chacun peut faire part de ce qui l’a touché. Suit un moment de silence pour laisser décanter tout cela. Ensuite, chacun peut intervenir sur ce qui a été dit au cours du premier tour de table, sans pour autant commencer une discus-sion. Il ne s’agit pas de se faire mutuellement la leçon mais d’être touchés par ce que Dieu veut nous dire au travers de sa Parole.

50. Celui dont le cœur est toute ouie pour l’Ecriture, peut aussi apprendre à discerner la présence de Dieu dans sa propre expérience. La Bible n’est pas le seul lieu où entendre la voix de Dieu. Il ne s’agit pas dans l’Ecriture d’une annonce ésotérique tombée tout droit du ciel. L’Ecriture nous parle de gens en chair et en os qui ont trouvé la trace de Dieu. Dieu se laisse reconnaître aujourd’hui encore, dans les évènements de nos existences. Il vient à nous de façon inattendue, par des voies innombrables. La vraie prière n’éloigne jamais de la vie. Au contraire. Lorsque nous prions, nos yeux et nos oreilles commencent à s’ouvrir. Nous entrons en harmonie plus parfaite avec ce qui vit et avec ceux qui nous entourent. Cela ne devrait jamais faire défaut dans nos intentions de prière. En effet, ‘les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ. Il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur’11.

51. Ecouter requiert un effort. Cela exige une ouverture et une confi ance. Il nous faut laisser entrer un Etranger et Lui laisser voir ce qu’on aurait préféré laisser dans l’ombre. Quand désirons-nous vraiment cela? Il nous faut re-noncer à nous-mêmes pour créer un espace où l’autre puisse s’épanouir. Il en va dans la prière que nous adressons à Dieu comme des relations avec

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notre entourage. C’est souvent dur mais c’est indispensable. Voici pourquoi le premier commandement dit : ‘Ecoute, Israël’ (Dt 6,4). Pour Jésus non plus, il n’y a pas de doute : ‘C’est là le plus grand, le premier commande-ment (Mt 22,38). Ecouter c’est discerner. Jésus avertit : ‘Faites attention à la manière dont vous écoutez’ (Lc 8,18) et aussi : ‘Faites attention à ce que vous écoutez’ (Mc 4,24). Il s’agit d’identifi er les signaux et de se familiariser avec le vrai Dieu. C’est pour cela que Dieu prend lui-même la parole sur le Mont Tabor. Dési-gnant Jésus, son Fils, il recommande à ses disciples : ‘Ecoutez-Le’ (Mt 17,5).

52. La Parole de Dieu est vraiment une invitation, un appel. Ce n’est pas par hasard que la tradition juive désigne la Bible du nom de miqra qui signifi e littéralement : appel ou lecture à voix haute. Ce terme est exact car Dieu parle dans l’Ecriture. Il nous lance un appel (qara’). C’est pour cette raison que les lectures sont faites à haute voix au cours de la liturgie. Elles veulent nous appeler, nous toucher le cœur. Elles le peuvent au mieux en pénétrant direc-tement nos oreilles, lorsque nous sommes toute ouie. Nous pouvons aussi parcourir un texte des yeux. Mais de cette lecture, nous créons souvent notre propre mise en scène. Nous objectivons, nous analysons. On le remarque au cours de célébrations dont les textes sont imprimés de a à z. Le bruissement du papier se fait entendre lorsque tous tournent leur feuille mais on sent peu d’implication et aucune émotion. Or, l’intention de la Parole de Dieu est de nous toucher profondément : faire résonner sa Parole au fond de notre cœur. C’est valable aussi pour la prière personnelle. Le fait de prononcer le texte de l’Ecriture à haute voix, ancienne pratique que les Eglises orientales ont conservée, rend la prière toute différente. La Parole de Dieu est en pre-mier un appel (miqra’) à écouter. Ce n’est qu’en seconde instance qu’elle constitue un livre littéraire - comme le suggère notre mot bible. Ce n’est pas un livre de lecture, encore moins un livre d’étude. C’est une annonce. Il faut écouter. N’est-ce pas ce qui a lieu dans la prière?

R E M E R C I E R

53. Silence et disponibilité pour l’écoute ne sont pas les seules formes de prière. Il faut aussi pouvoir s’exprimer comme dans une relation d’amitié. Telle est en effet la prière : Elle ‘n’est pas autre chose qu’une amitié intime avec Celui dont nous nous savons aimés’12. Comme dans toute relation, il y a parole et réponse. La réponse peut être une parole de remerciement. Elle peut aussi être une parole de louange ou alors une plainte ou une demande.

54. Le remerciement est une nouvelle facette du diamant resplendissant que constitue la prière. Celui qui prie est heureux que Dieu soit tel qu’Il est. Empli de conviction, le psalmiste chante : ‘Bénis le Seigneur, ô mon âme et n’oublie aucune de ses largesses’ (Ps 103,2). Tous les bienfaits dont Dieu nous comble depuis toujours ou dont il nous comblera encore, culminent dans le don de son Fils Jésus. ‘Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique (Jn 3,16).En Lui, Dieu ne nous a pas seulement fait don de quelque chose. Mais en Lui, c’est Dieu Lui-même qui est venu partager notre pauvreté et même notre mort. Dans les ténèbres, Dieu a apporté la lumière et la vie. Cette vie n’est pas seulement destinée à Jésus crucifi é mais à nous si nous voulons nous attacher à Lui. Ce présent, le plus grand que l’Esprit de Dieu puisse nous of-frir, nous le célébrons le premier jour de la semaine, le jour du Seigneur. Durant les premiers siècles, ce premier jour de la semaine fut un simple jour de travail. Pourtant, ce jour-là, les chrétiens se rassemblaient pour ren-dre grâce à Dieu pour la résurrection de Jésus. Ce n’est pas un hasard si la prière qui en fait mémoire est appelée : prière eucharistique. Ce n’est pas le moment de lire de belles réfl exions sur Jésus. Mais c’est l’instant par excel-lence où nous nous tournons vers le Père pour le remercier. Car la force de l’Esprit nous permet de trouver enfi n notre ‘chez soi’ auprès de Dieu.

55. La reconnaissance est aussi une riche forme de prière en dehors de l’eucharistie. ‘Rendez grâce en toutes circonstances’ (1Th 5,18), recommande Paul. C’est essentiel pour notre style de vie. L’homme reconnaissant sait qu’il

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n’est pas le centre du monde. Enfant, nous avons dû faire cet apprentissage. Ces mains grappilleuses qui cherchent à tout ramener à elles, il nous a fallu les ouvrir peu à peu pour entrer en contact avec les autres et ce qui nous entoure. C’est primordial pour notre santé mentale. ‘Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu’ demande Paul à ceux qui n’ont d’yeux que pour eux-mêmes. ’Et si vous avez tout reçu, pourquoi cette agitation comme si tout venait de vous ?’(1Co 3,16). La vie nous ne devons pas la porter comme un fardeau qui pèse sur nos épaules. Mais, reconnaissants, nous pouvons prendre appui sur Quelqu’un d’autre. En avoir conscience, même un tant soit peu, c’est recevoir un inestimable présent.

56. Si le remerciement pour un cadeau doit être gratuit, ce dernier engen-dre un effet secondaire bénéfi que. La gratitude peut nous guérir du stress et du surmenage. Elle restaure un contact sain avec les choses et avec les autres. On le constate lors de la prière avant le repas. Cette prière de remer-ciement ne peut être sous-estimée. Une chose aussi vitale que de se nourrir et de boire y est mise en relation avec Dieu. En partageant le repas et en remerciant ensemble, nous redécouvrons combien notre équilibre trouve sa source dans notre relation aux autres et auprès du Seigneur qui nous a tout donné. La prière toute simple récitée ou chantée par les enfants avant le repas est l’apprentissage, dès la plus tendre enfance, de la confi ance en Celui qui donne toute vie.

57. Une telle prière reconnaissante a aussi sa place le soir, lorsque nous portons le regard sur le vécu de la journée. Dans la tradition de la prière de vie ou de l’examen de conscience, il s’agit surtout de cerner les dons de Dieu. Les expériences de la journée ne sont plus regardées comme allant de soi, mais comme nous parlant de Dieu. Elles sont de petits présents qui nous révèlent la présence de Dieu. Celui qui le remarque, devient heureux. Son examen de conscience ne part plus de l’examen scrupuleux de ses propres fautes. Il devient en premier lieu reconnaissance pleine de gratitude pour le Seigneur. Pour Igna-ce, tout commence par là : ‘rendre grâce à Dieu, notre Seigneur pour les bienfaits reçus’13. Alors seulement, nous pouvons découvrir combien nous

avons méconnu ses présents et manqué la rencontre avec le Seigneur. Le vrai péché, c’est de séparer Dieu de ses dons. On ne s’en rend compte que lorsqu’on est parvenu à la conscience reconnaissante de sa présence.

L O U E R

58. Parfois la prière n’est pas spécialement un remerciement mais plutôt une expression de louange et d’émerveillement. Comment pourrait-il en être autrement? La prière n’est pas une réfl exion à distance. Elle s’enracine dans une relation. Le jeune homme qui découvre l’amour que lui porte sa bien-aimée, veut y répondre. Spontanément, il lui montrera sa joie, lui témoignera sa sympathie de toutes les façons possibles. Il écrira des poèmes et la parera des noms les plus doux pour lui faire éloge et lui marquer son estime. Pourquoi ne ferait-on pas exactement la même chose à l’égard de Dieu? Lorsqu’on a reçu son amour, on y répond par la joie et la louange. Lorsqu’on a beaucoup reçu, on veut faire confi ance à Celui dont vient le don. On sort enfi n de son petit cocon. La louange est la réponse d’amour à l’Amour reçu. Cette réponse retentit d’enthousiasme dans le chant de Moïse après la libération d’Egypte : ‘Je veux chanter le Seigneur, il a fait un coup d’éclat, cheval et cava-lier, en mer il les jeta. (…) C’est Lui mon Dieu, je le louerai’ (Ex 15,1-2). Dans les jours avant la naissance de Jésus, Marie entonna le Magnifi cat : ‘Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon sauveur. Il est venu en aide à Israël, son serviteur, en souvenir de sa bonté’ (Lc 1, 46-47.54). Même enthousiasme des siècles plus tard chez un autre maître de la prière, François d’Assise. Deux ans avant sa mort, il n’est plus qu’une épave. Ses yeux aveugles suppurent douloureusement. Sa plus grande torture sont ceux de ses frères qui ont trahi son idéal de simplicité. Dans l’obscurité de sa nuit, il est subitement touché par un rayon de lumière consolant. L’hymne à la création jaillit des lèvres du Poverello : ‘Sois loué mon Seigneur, pour toute ta création et surtout pour mon frère le soleil qui donne la lumière du jour. (…) Il est signe de Toi, ô très Haut. (…) Louez et bénissez mon Seigneur’14. Jésus lui aussi nous a transmis un chant de louange. Lorsque ses dis-ciples reviennent des villages où ils ont apporté la paix du Seigneur et guéri

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les malades, Jésus tressaille de joie et dit : ‘Je te bénis, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre.(…) Oui, Père, je te bénis de ce que tel a été ton bon plaisir’ (Lc 10,21). ‘Louer’ est exactement cela : honorer les bienfaits de Dieu. C’est typique de la prière de Jésus. Il dit amen à son Père : ‘Oui, c’est bien, je m’en remets entièrement à Toi’. Après tout ce que Dieu nous a donné en Jésus, nous avons nous aussides raisons de louer. Paul écrit : ‘Par Lui, nous disons amen à Dieu pour sa gloire’ (2Co 1,20). Nous le faisons lors de chaque eucharistie quand, en tant que communauté, nous marquons notre accord à la prière eucharistique. Nous louons alors le Père pour Jésus, son Fils. Et cette louange elle-même nous la devons au Fils. Nous prions alors avec Lui et en Lui : ‘Par Lui, avec Lui et en Lui à toi Dieu le Père tout puissant, dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen.’

59. Enfi n, la prière de louange nous apprend encore ceci : prier est souvent gratuit. Il ne doit cependant pas toujours en être ainsi. Il nous arrive d’avoir sous les yeux des demandes bien concrètes, comme lors d’une prière de supplication ou lorsque nous implorons en faveur de personnes dans le be-soin. Lors d’une prière de louange ou d’une adoration, nous n’avons aucun agenda. C’est une prière sans raison. Nous ne prions pas uniquement quand nous en avons envie ou quand nous sommes de bonne humeur. Nous prions parce que ‘Dieu est’ : parce qu’il veut être notre Dieu. Nous prions à cause de ce cadeau immérité qu’est son amour pour nous. Adoration et louange sont donc gratuites. Il en va de même lorsque nous encourageons ou montrons notre estime à un ami. Allons plus loin : les paroles de louange qui porteraient en elles une autre intention, perdraient toute valeur et devien-draient fausses. Elles dégénèreraient en fl atterie. La vraie louange est sans calcul. Son seul but est de reconnaître l’amour de l’autre et de lui témoigner de l’estime pour cet amour. La gratuité ressemble à une plante fragile. Elle est menacée de mort par les pluies acides de l’effi cacité et du calcul. On le remarque dans notre prière.

Nous entourons cette dernière d’explications et la motivons toujours plus. Tout ceci est bien intentionné mais la gratuité de la prière en sera étouffée. Prenons trois petits exemples. Il nous arrive de souligner que nous nous rendons à l’eucharistie du dimanche pour reprendre haleine, ou pour tenir le coup pendant la semaine. Ou nous soulignons l’utilité de notre prière en tant que source d’inspiration. Ou alors à l’issue d’une célébration nous disons qu’elle était pleine de sens. La prière peut indubitablement être utile et offre la meilleure inspiration et le sens le plus profond pour notre travail. Mais une telle motivation n’étouffe-t-elle pas la gratuité de la relation? Quelle jeune fi lle apprécierait d’entendre son bien-aimé dire de leur relation qu’elle lui apporte nombre d’avantages et beaucoup de sens? Et que leurs excursions du dimanche ne signifi aient pas plus qu’un remède au stress des jours de travail?

S U P P L I E R

60. La prière reflète toutes les dispositions du coeur humain. ‘Il y a un moment pour tout’ (Qo 3,1). A chaque heure sa prière. Parfois émergent des raisons de louer ou de remercier, parfois se fait entendre une plainte sourde ou une demande suppliante. Il existe de grandes réserves surtout à l’égard de la prière de demande. Beaucoup y voient une prière de moindre valeur ou plus primitive. Est-ce réellement le cas? Bien sûr, il y a des formes imma-tures de prières de supplication qui font de Dieu un bouche-trou auquel on demande de tout solutionner. L’homme veut alors faire une transaction avec Dieu. Mais doit-il vraiment en être ainsi? Ne serait-ce pas plutôt qu’en tant qu’occidentaux modernes, nous n’osons pas demander assez dans notre prière? Nous arrive-t-il encore vrai-ment d’implorer? D’invoquer notre indigence? De plaider en faveur de ceux qui sont dans la misère? En d’autres termes : de crier ‘des profondeurs’ (Ps 130,1) ? Beaucoup d’intentions de prière sont si soigneusement rédi-gées qu’elles prennent l’apparence de surfaces polies et parfaitement lisses. En général, elles sont tirées directement de livrets. Mais viennent-elles du cœur?

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61. Pourtant, de vraies questions habitent notre coeur. Celle du sens de no-tre existence retentit de plus en plus dans notre riche Occident, surtout chez les jeunes. Et en des lieux moins favorisés dans la répartition des richesses, comme les quartiers pauvres de nos villes ou sur le continent africain oublié, règnent de grands besoins qui ne peuvent nous laisser impassibles. De plus en plus de personnes âgées dépérissent dans la solitude. Des immigrés, jeunes surtout, parviennent diffi cilement à s’intégrer. Les malades et handi-capés implorent une présence. Les demandeurs d’asile et les sans-papiers sont comme Lazare, à la porte de l’Europe. Un peu plus loin, des popula-tions entières souffrent de la faim et la guerre. Rien de tout cela ne peut être passé sous silence dans notre prière. Pourquoi ne pas exprimer clairement ce qui nous –et Lui- tient tant à cœur? Une prière vraie garde les pieds sur terre. Elle ne fuit pas anxieusement devant la souffrance et le mal. Une prière de supplication adulte pousse à l’engagement. Elle nous fait aspirer à une transformation de l’homme et du monde, elle réclame justice et solidarité, nous ouvre à l’autre. Elle nous pousse à nous impliquer.

62. Cette intercession en faveur de celui qui est dans le besoin, existe déjà depuis Abraham. Après avoir de façon mystérieuse reçu Dieu sous sa tente, il va négocier en diplomate roublard, il va marchander pour deux villes me-nacées de destruction (cf Gn 18). Moïse préfère être perdu lui-même que de voir ses frères exterminés - eux qui pourtant ont mérité leur punition (cf Ex 32,32). La prière nous renvoie vraiment au monde : nous l’apprenons de la prière de supplication de la Bible, des psaumes et des grands orants de l’Eglise.

63. C’est auprès de Jésus lui-même que l’on trouve la suprême école de prière de supplication. Il nous apprend comment demander et ce que nous devons demander. Il nous encourage à tous égards à faire des demandes. Il appelle à une confi ance à toute épreuve, jusqu’au ‘sans gêne’ (Lc 11,8) : ‘de-mandez, on vous donnera’ (Lc 11,9). En même temps, il nous faut soigneu-sement différencier ce que nous pouvons demander à Dieu ou pas. Vouloir tout goupiller selon nos caprices, n’atteste pas d’une confi ance adulte. Nous pouvons demander à Dieu ce qui est dans la ligne de Jésus lui-même. Ce

que nous pouvons attendre de Dieu, nous l’apprenons de Lui. En Lui, nous prenons conscience de ce que Dieu fait pour nous. Mieux vaut donc nous tourner en son nom vers le Père. Dans son discours d’adieu, Jésus est for-mel : ‘Ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera’ (Jn 15,16). Comment prier au nom de Jésus? Et quand être sûrs d’être exaucés? Prions comme Lui. Nous avons déjà traité de cette remarquable prière de Jésus : ‘Que Ta volonté soit faite’. Au lieu de poursuivre sa propre volonté, Jésus fait confi ance au désir profond de son Père. Dans la Bible, ce désir représente l’invitation que Dieu nous adresse de vivre en alliance avec Lui. Tel est le plan de Dieu : mener sa création à son accomplissement et rendre les hommes heureux dans l’alliance avec Lui. C’est la clef de la prière de demande enseignée par Jésus à ses disciples (cf Mt 6, 9-13 et Lc 11,2-4). Et cette clef ouvre la porte qui permet à Dieu de nous exaucer.

64. La prière du Seigneur s’adresse à ‘notre Père qui est aux cieux’. L’adres-se en dit long. Personne ne connaît mieux que Jésus la grandeur de Dieu qui est dans les cieux. C’est dans ce respect incommensurable pour la grandeur de Dieu que Jésus a découvert sa proximité. Jésus peut dès lors s’adresser à lui en utilisant un mot tiré du vocabulaire enfantin. Jésus le nomme abba(Mc 14,36) ce qui signifi e : papa. Ce merveilleux mélange de respect et de proximité est la raison suprême de se confier en Dieu. Le Tout Autre se donne Tout Proche. Le Tout Puissant est l’amour en personne (cf 1Jn 4,8). Plus encore que Moïse, Jésus a fait l’expérience du mystère du buisson ar-dent. Le Seigneur Dieu est ‘Celui qui est qui Il est’ : Il est dans les cieux. En même temps, il est ‘Celui qui sera’ : Il est attentionné comme un père. Nous pouvons nous tourner vers ce Père des cieux, en frères et sœurs de Jésus. Il est vraiment notre Père. Jésus nous apprend ce que nous devons demander. Si Dieu nous a offert son amour divin, nous n’avons qu’une chose à demander : que les hommes puissent toujours plus reconnaître son amour. Qu’Il puisse être un tel Père pour tous les hommes. Que son Alliance soit réalisée en vue du bon-heur du monde entier. Cette supplication se déploie tout au long du Notre Père au travers de ses prières courtes mais insistantes.

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- Jésus prie en premier lieu pour que le nom glorieux de Dieu -c’est à dire sa personne- soit sanctifi é. Que Dieu puisse fi nalement être Dieu. Jésus nous apprend à prier ainsi. Qu’une telle prière soit exaucée, dépend aussi de nous. Qui prie ainsi ne peut rester hors de cause. Il doit se comporter saintement vis-à-vis de Dieu et des autres, au risque sinon de blasphémer le nom de Dieu (cf Rm 2,24).

- Dans la même ligne, Jésus demande que le Règne de Dieu vienne. Le rè-gne de Dieu, c’est à dire : son infl uence bienfaisante, son attention de bon roi qui prend le parti de son peuple. Là aussi, nous gardons les pieds sur terre car ‘le règne de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint’ (Rm 14,17).

- Comme Jésus, nous demandons que la volonté de Dieu -c’est à dire : son aspiration à l’alliance- puisse devenir réalité. Lorsque nous prions ainsi, nos propres souhaits sont éprouvés au creuset de leur valeur. Nous appre-nons à ‘discerner ce que Dieu veut’ de nous (Rm 12,2). Avec les talents qui sont les nôtres, nous aspirons à l’accomplissement de ses desseins pour le monde.

- Tout ceci se concrétise dans notre prière pour le pain quotidien. Qui prie comme Jésus partage d’abord la confi ance inébranlable de ce dernier : Dieu donne en temps voulu nourriture à tout ce qui vit (cf Ps 104,27). Il ne faut se faire aucun souci du lendemain (cf Mt 6, 34). Mais nous prions en-semble : non pour notre propre part mais pour notre pain quotidien à tous. Non comme ce riche étourdi qui n’avait pas d’yeux pour le pauvre Lazare qui attendait sur son seuil (cf Lc16, 19-31). Il n’est pas possible que ‘cer-tains aient faim pendant que d’autres sont ivres’ (1Co 11,21). Tout comme dans l’Ancienne Alliance, la confi ance en Dieu va de pair avec le souci du monde de Dieu. Jésus souffre lui-même de la faim dans le moindre de ses frères. Et il est rassasié lui-même lorsque nous partageons notre pain avec eux (cf Mt 25,35).

- L’aide de Dieu ne doit pas être implorée seulement pour que chacun ait de quoi se nourrir. Le pardon dépasse lui aussi nos propres forces. Même si Jésus nous a donné libre accès au Père, nous demeurons faibles car toujours nous nous détournons de Dieu et de nos proches. C’est pourquoi Jésus nous apprend à prier pour le pardon.

On ne peut douter de celui qui offre ce pardon mais bien du destinataire.Dieu nous donne gratuitement son pardon. Cela ne fait aucun doute car Il est Amour. Mais nous, l’acceptons-nous pleinement? Telle est la question que Dieu nous pose: ‘Dieu vous adresse un appel : laissez-vous réconcilier avec Dieu’ (2Co 5,20). La réponse doit venir de nous-mêmes. Le seul signe d’une véritable acceptation de ce pardon réside en ce que nous sommes. Lorsque nous ne serons plus impitoyables envers ceux qui nous ont fait du mal, nous aurons laissé pénétrer l’amour de Dieu en nous. Que ‘nous par-donnions à ceux qui nous ont offensés’ et aimions nos ennemis est l’em-preinte du pardon de Dieu. Implorer le pardon de Dieu, c’est demander en même temps de pouvoir pardonner aux autres (cf Mt 5,44). Ainsi, nous aspirons à un univers fraternel où l’amour du Créateur soit à nouveau re-connaissable.

- Prenant douloureusement conscience du mal dans ce monde, nous de-mandons avec Jésus : ‘Ne nous soumets pas à la tentation’. Dieu n’est bien sûr pas Celui qui nous conduit au péché. ‘Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne’ (Jc 1,13). Ces tentations ne peuvent qu’être l’œuvre des forces du mal. C’est pourquoi, nous répétons avec insistance : ‘Délivre-nous du mal’ ou - traduit aussi exactement- ‘Déli-vre-nous du Mal’. Telle est l’ultime tentation : que nous qui avons accès à l’amour de Dieu, nous disions fi nalement non à cet amour. Que sur le seuil de la Lumière, nous reculions et que fi nalement nous soyons tentés par les ténèbres. C’est pourquoi Paul dit : ‘Ne donnez aucune prise au dia-ble’ (Ep 4,27).

Le Notre Père résume tout l’évangile par ces courtes prières. Il s’agit conti-nuellement de Dieu, Père très bon auquel nous pouvons faire confi ance en toutes choses. Rien d’étonnant à ce que Jésus ait appris à prier à ses disci-ples avec ces mots simples (cf Lc 11,1). Parfois, nous les égrenons de façon routinière. Pourtant ‘ces mots du Seigneur sont purs comme l’argent affi né dans un creuset de terre et sept fois épuré’ (Ps 12,7). Ces mots de Jésus, nous devons toujours plus les faire nôtres. Dès que nous nous y ouvrons, ils nous offrent un ‘chez soi’ auprès du Père avec Jésus et ils nous donnent part à sa nouvelle création.

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65. Beaucoup sollicitent des conseils pratiques pour grandir dans la prière. N’oublions pas qu’une prière n’est jamais parfaite, jamais une chose défi ni-tivement accomplie. Si par la prière, nous répondons à la voix de Dieu, cette conversation peut prendre diverses formes mais elle ne prend jamais fi n. La prière nous ouvre la porte d’un ‘chez soi’ auprès du Seigneur mais celui-ci n’est jamais achevé. Nous entrons en relation avec Lui mais, comme dans toute relation, le cheminement n’est jamais terminé. Si au cours de ce cheminement, nous avons part de plus en plus à l’Esprit de Jésus, cela ne peut jamais conduire à une fuite spirituelle ou à des pensées pieuses. Si l’on grandit vraiment dans la prière, celle-ci formera le levain, l’orientation de chacune de nos journées. Dietrich Bonhoeffer disait à juste titre : ‘la prière matinale décide de la journée’15. Ce que nous faisons ou pas, les choix accomplis, le travail entrepris, les contretemps, tout est placé sous le signe de l’alliance avec Dieu. C’est dans la vie quotidienne que les chrétiens peuvent ‘marcher avec Dieu’ (Mi 6,8). Il peuvent ‘suivre ses chemins’ (Dt 8,6). Ainsi seulement la prière est-elle un stimulant pour vivre vraiment et la vie offre-t-elle l’inspiration pour prier vraiment.

L E S L I E U X A P P R O P R I É S

66. Si la prière reste quelque chose de personnel, nos frères et sœurs dans la foi peuvent aussi beaucoup nous apprendre. Ce n’est pas sans raison que la communauté des croyants porte le nom de Corps du Christ (cf 1Co 12, 12-30). En elle, Jésus se rend présent comme notre maître. Il nous apprend à prier, au travers de ceux qui prient.

67. Pour nombre d’entre nous, cet apprentissage a débuté dans la famille. Quelle joie pour les enfants de pouvoir découvrir dès leur plus tendre enfan-ce que prier fait partie de la vie : au petit matin, lors des repas et au coucher.

PISTES POUR ÉCHANGER

1. Qu’est-ce qui peut vous aider à créer une atmosphère d’attention et de silence ?

2. Citez un des vos passages préférés de l’Ecriture ou de la tradition de l’Eglise, dans lequel la Parole de Dieu vous interpelle. Eclairez à partir de ce texte, comment la prière est une façon d’écouter.

3. Quels éléments de votre vie vous rendent reconnaissants ?Comment cette gratitude vous mène-t-elle parfois à Dieu ? Comment l’eucharistie peut-elle devenir plus priante ?

4. Dans son chant, François entonne la louange de Dieu. Comment com-prenez-vous un tel Cantique à la création ? Comment cela peut-il inspi-rer notre prière aujourd’hui ?

5. Ecrivez le Notre Père. Quelle prière vous semble-t-elle la plus pénétran-te ? Essayez de décrire ce qu’elle évoque pour vous.

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Nous souhaitons exprimer notre estime aux jeunes parents qui mettent leurs enfants en contact avec Jésus comme un Ami. Ils leur apprennent à être ouverts à son Esprit. Ils les aident à faire confi ance au Père. A notre grande joie, nous remarquons dans certaines familles un petit coin de prière avec une croix ou une icône, une bougie ou une représentation de Marie. Nous avons beaucoup à apprendre de ces simples signes. Notre prière doit, en effet, être spontanée et avoir lieu ‘dans la chambre la plus retirée’ (Mt 6,6). De tels signes aident inconsciemment à orienter notre espace vital : ils sont les balises qui nous renvoient au Père. Nous devenons tel ‘l’homme qui voit Celui qui est invisible’ (He 11,27).

68. Non moins important est l’apprentissage au sein de la communauté paroissiale. Nous nous rendons bien compte du changement fondamental de nombreuses paroisses. Nous ne vivons pas des années faciles. Toutefois, il nous faut garder à l’esprit le point essentiel et veiller à ce que les paroisses ‘deviennent d’authentiques écoles de prière’16. C’est la vraie raison d’existence d’une paroisse: communauté que Dieu a rassemblée pour écouter sa Parole et y répondre. C’est là que Dieu veut faire son ‘chez soi’ et qu’il veut poser un signe de son amour. Cela suppose un style de vie fraternel et une culture de la prière. Au cœur se trouve l’église paroissiale : point de rassemblement de la communauté de Dieu, aire de prière et oasis pour des personnes en re-cherche. Elle est l’endroit par excellence où célébrer la liturgie. Nous ne pou-vons y consacrer assez de soin. Nous ferions bien de veiller à ce que l’église reste accessible le plus possible même en dehors des heures de célébration. Un soin spécial doit être consacré à l’aménagement de chaque lieu de priè-re. Chaque ‘maison du Seigneur’ (Ex 23,19) devrait dévoiler par elle-même la beauté de Celui qui l’habite, de son Esprit qui inspire tout et du Seigneur qui nous rassemble par sa Parole et son Sacrement. Une architecture simple est très parlante, surtout pour les profanes. Elle peut parfois offrir plus de sécu-rité et de paix que nos paroles. En un temps où les personnes en recherche sont nombreuses, nous ne pouvons sous-estimer la force d’attraction des lieux de pèlerinage. Ces lieux comme le parcours qui y mène peuvent devenir d’excellents terrains d’ap-prentissage pour une prière qui s’épanouit.

69. Un autre lieu d’apprentissage de la prière nous est offert par les com-munautés religieuses. En profonde communion avec la famille humaine, ces frères et sœurs essayent à leur manière, de vivre l’évangile de manière con-séquente. La prière et la vie de communauté en sont naturellement le fon-dement. Par leur imitation du Seigneur, ces religieux nous montrent que la relation au Christ peut combler une vie et devenir une source d’où jaillissent l’amitié et l’engagement. Parmi les maîtres de prière, nous pensons aussi aux hommes et fem-mes actifs en catéchèse et dans l’enseignement de la religion, aux assistants paroissiaux et aux animateurs en pastorale, en particulier ceux qui se char-gent des jeunes et jeunes adultes. Sans s’imposer aucunement mais sans fausse honte non plus, ils aident chacun à trouver son ‘chez soi’ auprès du Seigneur et dans la communauté d’Eglise. Finalement il n’est de meilleure manière d’apprendre à prier que la fré-quentation d’un groupe de prière. Nous pensons ici -à côté de la rencontre liturgique- aux nombreux groupes de prière, groupes de réfl exion, rassem-blements de familles et groupes de jeunes ayant pour but la prière et la vie chrétienne. Ces écoles de prière prouvent leur véracité par leur engagement dans l’Eglise et dans le monde. Pour terminer, il ne faut pas oublier les hommes et les femmes qui donnent un accompagnement spirituel. Riches de leur propre expérience, ils apprennent à leurs frères et sœurs à reconnaître l’Esprit de Dieu dans le cheminement de la prière et de la suite du Christ. Ils poursuivent la tradition millénaire qui aide à discerner de façon toujours neuve la volonté de Dieu. Ce sont des guides précieux dont nous aurons probablement de plus en plus besoin dans l’Eglise de demain.

L E T E M P S F A V O R A B L E

70. Dans l’apprentissage de la prière, nous avons aussi besoin de moments favorables. Lorsqu’une relation nous est vraiment importante, nous lui réser-vons volontiers du temps. Personne ne doit rappeler au jeune homme le ren-dez-vous avec son amie. Un tel rappel sera peut être utile des années après,

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lorsque l’amour s’amenuise, suite aux multiples occupations de la vie… N’en va-t-il pas de même dans notre relation à Dieu ? Comme la petite graine, la prière est étouffée sous les ronces par ‘le souci du monde et la séduction des richesses’ (Mt 13,22). Prier reste un apprentissage. Cela est impossible si nous ne lui consacrons du temps. Ne nous en laissons pas conter. Pour réapprendre à prier, loin de raccourcir la durée de la prière, il nous faut plutôt la prolonger. Dans la précipitation qui caractérise notre cul-ture, un long moment est nécessaire pour guérir du stress et de la routine abrutissante. Prier ne devient possible que lorsqu’on a pris le temps de faire taire les voix tapageuses qui nous assaillent, lorsqu’on s’est accordé au si-lence et peu à peu ouvert à la discrète présence de Dieu, lorsqu’on s’attarde auprès de sa Parole.

71. Il nous arrive souvent de nous plaindre de n’avoir pas de temps pour la prière. ‘Je ne peux prier’ disons nous, ‘le temps me manque’. Nous res-semblons à ces conjoints si absorbés par leur travail, qu’ils en deviennent totalement étrangers l’un à l’autre. Est-il exact que nous n’ayons plus de temps? Nous sommes bien sûr marqués par la pression de notre style de vie moderne. Dans notre riche Occident, ce n’est pas l’argent qui est devenu un bien rare mais le temps. Pour beaucoup, le temps fait fonction d’idole qui asservit. Tout est alors fondamentalement perturbé : la fréquentation tran-quille de ceux qui nous entourent, l’attention à nos désirs les plus profonds, la présence auprès de Dieu. C’est souvent une source de malaise lancinant.

72. La prière peut nous apprendre beaucoup. Elle nous aide à utiliser le temps plus humainement. Prier évite au moins que nous considérions le temps comme un train de wagonnets vides, à combler absolument par l’ac-tion. Le temps est plus qu’un agenda dont les pages sont à remplir. Si l’hor-loge digitale qui marque l’écoulement du temps, est nécessaire pour la tech-nique et la science, cette approche s’avère mortelle pour notre vie. Les amou-reux ne travaillent pas à l’heure. L’heure de la rencontre leur apporte quelque leur apporte quelque leurchose. C’est la merveille d’un tel moment: il ouvre de nouvelles perspectives à leur amour. Ils apprennent ainsi ce qu’est un vrai a-venir : non pas le résultat laborieux de leurs propres efforts mais la surprise d’une rencontre inattendue.

De même dans la prière. Il ne faut pas s’acharner à faire quelque chose, mais uniquement guetter Quelqu’un qui vient vers vous. Cette rencontre to-talement imméritée est un pur cadeau. Il suffi t d’y être ouvert, confi ant dans le fait qu’Il viendra à son heure. La prière est l’heure de la rencontre.

73. Qui a vécu cette rencontre, a appris à connaître le mystère profond du temps. Il arrive lentement à se libérer du timing superfi ciel qui nous oblige à remplir chaque seconde. Qui prie ne vit plus ‘en homme d’un moment’ (Mt 13,21). Le temps n’est plus une succession stressante et interminable d’instants présents mais l’occasion créée par Dieu pour le rencontrer. Le temps devient ce qu’il a toujours été: l’espace de rencontre entre Dieu et les hommes.- La merveilleuse architecture de l’année liturgique rend cet espace habitable.

Durant le temps de l’Avent, nous guettons Noël, la naissance du Verbe éternel de Dieu au sein du temps. Viennent ensuite les quarante jours de Carême, temps d’apprentissage de la prière et du style de vie. Durant la Semaine Sainte et encore plus la nuit de Pâques, la lumière de Dieu res-plendit dans la nuit. Finalement, nous avons part à cette Lumière lors de la Pentecôte par le don de l’Esprit Saint.

- Chaque semaine, le dimanche, il est fait mémoire de cet événement. Nousfêtons non seulement la résurrection du Christ mais aussi la découverte avec Lui de notre ‘chez soi’ auprès du Père. Ce sont là des raisons pour remercier Dieu, pour célébrer ‘l’eucharistie’. Nous nous attardons auprès de Lui dans la prière. Nous sommes –comme lors du Sabbat- unis par l’amitié et en communion, dans la détente et la rencontre : c’est comme l’avant goût ‘d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle’ (Ap 21,1).

- Si nous rythmons le temps sur la venue de Jésus, la journée devient tout autre chose qu’une suite de vingt-quatre heures semblables. La journée devient alors ce qu’elle vise: une possibilité de rencontre avec le Seigneur. Le temps prend son sens et son rythme durant la prière du matin, les mains ouvertes, et dans le regard rétrospectif empli de gratitude du soir.

- C’est valable aussi pour toute notre vie. Si nous prions, nos années de vie ne sont plus des laps de temps neutres, tels ces cercles marquant les années sur le tronc d’arbre qu’on a scié. Nos années sont autant d’étapes

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du chemin de vie sur lequel Dieu veut nous accompagner. Jeunes et vieux sont aidés dans la quête du sens de leur existence. Les jeunes ne doivent plus inventer leur vie eux-mêmes. Ils ne doivent plus viser sans cesse la performance. La prière leur apprend à faire confi ance aux occasions données par Dieu au fi l du temps. Pour les personnes âgées, la vieillesse reçoit un visage plus doux. Leur grand âge n’est plus une période mortelle d’inactivité et d’isolement social. C’est le temps de l’accomplissement de leur existence et de la réconciliation avec leur passé.

Naturellement, ce n’est pas de notre propre initiative que nous pouvons con-férer une telle richesse au temps dans notre vie. Une communauté priante nous est nécessaire. Seule une telle communauté -emplie de confi ance- peut consacrer du temps aux jeunes qui grandissent. Elle seule ne se sentira pas obligée de caser ses vieillards. De surcroît, une telle communauté profi tera de la dynamique des jeunes et de la riche expérience de vie des plus âgés.

D ’ U N E C O N F I A N C E P A R F A I T E C O M M E M A R I E

74. Apprendre à prier, c’est toujours s’ouvrir à nouveau à la venue du Christ en notre existence quotidienne. Jamais cela ne va de soi. Durant notre prière, nous vivons des moments d’angoisse et d’insécurité. Personne n’en est épargné. Comme cette jeune femme de Nazareth, nous pouvons ‘être très troublés’ (Lc 1,29) lorsque la Parole du Seigneur nous est adressée. Tout comme Marie, nous nous demandons avec surprise ce qui nous arrive ou d’où cela nous vient-il ? Il en va ainsi de la réaction des jeunes adultes qui sont en contact pour la première fois avec la prière. Ils ne trouvent pas les mots pour décrire la merveille qui s’accomplit en leur vie. C’est merveilleux et beaucoup trop inexprimable. Imaginez : Celui ‘en qui tout a été créé dans les cieux et sur la terre’ (Col 1,16) vient ‘habiter en nos cœurs’ (Ep 3,17). Ainsi le Christ a-t-il habité dans le sein de Marie. Ainsi Lui offrons-nous par la prière de demeurer dans nos vies. Lorsque cela nous arrive, nous pouvons apprendre à faire confi ance à la voix mystérieuse qui nous chuchote : ‘Soyez sans crainte’ (Lc 1,30). Comme Marie, nous pouvons compter sur l’Esprit qui nous couvre de son ombre

(cf Lc 1,35) et ouvre nos cœurs pour reconnaître la Parole de Dieu et la com-prendre. Marie nous est offerte en exemple. Elle ‘conservait ces choses et les méditait en son coeur’ (Lc 2,19).

75. Lorsque Dieu nous adresse sa Parole, il ne veut rien forcer. Le Seigneur ne pénètre pas notre vie avant que nous ne disions -comme Marie-: ‘que tout se passe pour moi comme tu l’as dit’ (Lc 1,38). C’est nous seulement qui en donnons l’autorisation. Si nous sommes disponibles et prêts comme Marie, nous devenons de vrais disciples de Jésus. Sur la trace de Jésus, nous nous remettrons entièrement à la volonté du Père dont ‘la bonté s’étend de géné-rations en générations’ (Lc 1,50). A la suite de notre maître, nous sommes plus que des disciples. Nous faisons -comme Marie - partie de sa famille. Le Christ lui-même nous nomme son frère, sa sœur et même sa mère. Ne dit-il pas : ‘Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère’ (Mt 12,50) ?

76. Cette nouvelle parenté est le cadeau incroyable qu’offre la prière. Au delà des différences de caractères et de races, des liens se tissent entre les hommes. Les croyants trouvent leur ‘chez soi’ auprès du Père. Méfi ons-nous pourtant des idylles romantiques. Marie, la première, a dit oui. En vraie disciple. Elle laisse littéralement naître le Verbe en elle. Sur le point d’accou-cher, elle ne trouve ‘pas de place dans la salle d’hôte’ (Lc 2,7) et des forces obscures, comme Hérode, veulent attenter à la vie de l’enfant (cf Mt 2,13). Le Seigneur est toujours ‘un signe contesté’ (Lc 2,34). Parfois cette contestation surgit de façon inattendue. Les disciples eux-mêmes refusent d’écouter la Parole. Pierre se détourne de son Seigneur (cf Mc 8,32) et le renie (cf Mc 14,71). Marie suit, en priant, la bonne voie. Jamais nous ne l’entendons reven-diquer dans le sens de ses plans personnels. Jamais elle ne se met en avant. Jamais elle n’attire l’attention sur elle-même. Elle est extrêmement discrète dans son attitude à l’égard de son Fils. Même si elle ne comprend pas tout, elle reste imperturbablement confi ante. Lors des noces de Cana, elle signale à son Fils que la fête peut tourner au fiasco suite au manque de vin. Ce qu’il a l’intention de faire lui reste une énigme, pourtant elle encourage les

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V • Ê T R E D I S C I P L E , S A V I E D U R A N T

domestiques : ‘Quoi qu’il vous dise, faites-le’ (Jn 2,5). Sans sa confi ance contagieuse, ces gens n’auraient jamais exécuté cet ordre ridicule : remplir les immenses cruches à ras bord avec de l’eau. Personne n’aurait alors pu goûter au miracle du vin nouveau. Cette confi ance radicale conduira Marie sous la croix. Elle est le témoin de l’amour de Christ jusque dans la mort. Elle devient en ce lieu la mère de chaque disciple (cf Jn 19,27). Elle est présente aussi à la Pentecôte lorsque ‘tous unanimes étaient assidus à la prière’ avant le don de l’Esprit (Ac 1,14). Marie est le disciple par excellence. Elle est l’accomplissement d’Israël et le ‘modèle de l’Eglise’ 17. C’est la raison pour laquelle nous empruntons les paroles de l’ange pour la saluer :’Je vous salue, Marie, pleine de grâces. Le Seigneur est avec vous’ (Lc 1,28). Comme le ‘Notre Père’, le ‘Je vous salue, Marie’ est une prière très simple. Mais ces mots touchent le secret de notre cœur et de toute la communauté des croyants. Des mots qui parlent de la merveilleuse grâce de Dieu, de sa bienveillance pour nous. Cette merveilleuse grâce n’est rien d’autre que le Christ qui partage la vie avec nous et nous introduit dans son alliance.

77. Tout ce qui fait de nous des chrétiens, trouve son dynamisme dans la relation avec Dieu. Finalement on ne peut y échapper : un chrétien sans prière est un chrétien en danger. Engagement chrétien, annonce, célébration s’essouffl ent si la prière s’interrompt. En effet, si notre diaconie ne prend pas pour point de départ l’amour reçu de Dieu, elle risque d’être peu à peu réduite à une simple philanthropie. De même sans l’accompagnement de la prière, notre catéchèse se dénature en propagande et si notre prière perd son intensité durant la liturgie, cette célébration se réduira à une célébration re-ligieuse sans perception du mystère de la venue de Dieu. Où cesse la prière, meurt la foi. Visons donc ‘l’unique nécessaire’ (Lc 10,42) et cherchons la ‘perle de grand prix’ (Mt 13,46)qui vient nous parer d’un nouvel éclat. La prière est l’as-tre qui nous précède dans la nuit et dans l’obscurité (Mt 2,9). Cet astre nous fera trouver le Christ au sein de notre existence. A sa lumière, nous pouvons nous réjouir (Jn 5,35) et celle-ci doit briller au yeux des hommes (Mt 5,16).

Par notre vie de prière nous devenons signe discret, ‘lumière des nations’ (Ac 13,47). Nous pouvons ainsi tendre la main à tous ceux qui sont en quête de sens et de soutien. C’est là notre souhait le plus cher en cette Année de la prière.

LES ÉVÊQUES DE BELGIQUE

JUIN 2005

PISTES POUR ÉCHANGER

1. Quelle a été jusqu’à présent pour vous la meilleure école de prière ? Où espérez-vous trouver encore une bonne école de prière ? Que voulez-vous y apprendre ?

2. Quelle expérience faites-vous de la pression exercée par le temps ? Dans quelle mesure la prière vous aide-t-elle à la vivre autrement ?

3. Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans la vie et dans la prière de Marie ? Y apprenez-vous quelque chose qui puisse vous aider ?

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TA B L E D E S M AT I È R E S

1. PRIER À NOTRE ÉPOQUE MODERNE ................................................7 A partir d’une aspiration profonde ..................................................7 Prêter attention aux obstacles dans notre culture ........................ 9 Obstacles au sein de l’Eglise .........................................................10 Une question à propos de notre travail pastoral ..........................11 Prier : autre chose qu’une méditation .......................................... 13

2. A L’ÉCOLE DES ORANTS DE LA BIBLE .............................................. 15 Abraham, père de la foi et de la prière .......................................... 15 Moïse, l’ami de Dieu ......................................................................16 La prière ardente d’Elie, le prophète ............................................. 18 Plaidoyer pour les prières bibliques .............................................. 21 A la recherche d’un ‘chez soi’ ......................................................... 23

3. JÉSUS, LE BIEN-AIMÉ ....................................................................... 25 De notre impuissance à la prière .................................................. 25 Le oui de Jésus ............................................................................... 26 Disponible à la volonté du Père ....................................................27 La prière du Fils Bien-aimé ............................................................28 La prière d’abandon de Jésus ....................................................... 29 Dans l’Esprit, trouver son ‘chez soi’ auprès du Père ....................30

4. AU SOUFFLE DE LA VIE .................................................................... 33 L’attention et le silence ................................................................... 33 Ecouter ............................................................................................36 Remercier ........................................................................................39 Louer ................................................................................................ 41 Supplier ...........................................................................................43

5. ETRE DISCIPLE, SA VIE DURANT ..................................................... 49 Les lieux appropriés ...................................................................... 49 Le temps favorable ..........................................................................51 D’une confi ance parfaite comme Marie ....................................... 54

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NO T E S

1 IGNACE D’ANTIOCHE, Aux Ephésiens, 3,1 (SC, 10, 70).2 A. AUGUSTIN, Les Confessions. Traduction par J. TRABUCCO, Paris, Garnier – Flam-

marion, 1964, 15 (I, 1, 1).3 RUYSBROECK L’ADMIRABLE, Le livre du Tabernacle Spirituel, 2, in: Œuvres de

Ruysbroeck l’Admirable (La foi chrétienne), Bruxelles, Vromant, 1930, 188 : ‘Men

capittelt vele, ende dat es orboerleec ende goed; nochtan mendert de religie van

daghe te daghe’.4 Cf Le semeur est sorti pour semer. Envoyés pour annoncer (Déclaration des évêques Le semeur est sorti pour semer. Envoyés pour annoncer (Déclaration des évêques Le semeur est sorti pour semer. Envoyés pour annoncer

de Belgique n° 30 Bruxelles, Licap, 2003, 39 (n°72).5 CONCILE VATICAN II, Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, 10.6 Cf ÉVAGRE LE PONTIQUE, Exhortations aux moines, 7 (PG, 79, 1235).7 GRÉGOIRE LE GRAND, Dialogues, II, 3, 7 (= la vie de S. Benoît) (SC, 260, 144) :

‘habitare secum’.8 H. OOSTERHUIS, Bid om vrede, Baarn, Ten Have, 2000, 7.9 JEAN DE LA CROIX, Points d’amour, 98 in : Œuvres complètes. Traduction par Marie

du Saint-Sacrement, Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, 278.10 GUIGUES LE CHARTREUX, Méditations, 50 (SC, 308, 120).11 CONCILE VATICAN II, Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gau-

dium et Spes, 1.12 THÉRÈSE D’AVILA, Livre de la Vie, 8,6, in : Œuvres Complètes. Traduction par Marie

du Saint-Sacrement, Paris, Les Éditions du Cerf, 1995, 62.13 IGNACE DE LOYOLA, Exercices spirituels. Traduction par E. GUEYDAN (Christus,

61), Paris, Desclée de Brouwer Bellarmin, 1986, 53 (n°43).14 FRANCOIS D’ASSISE, Le cantique de Frère Soleil, in : E. LECLERC, Le Cantique des

créatures ou Les Symboles de l’Union. Une analyse de saint François d’Assise (Le

Signe vert), Paris, Fayard, 1970, p.15-17.15 D. BONHOEFFER, De la vie communautaire, Paris – Genève, Cerf – Labor et Fidès,

1983, 68.16 JEAN-PAUL II, Lettre apostolique Novo millenio ineunte, 33.17 CONCILE VATICAN II, Constitution sur l’Eglise Lumen Gentium, 63.

DA N S L A S É R I E “DÉ C L A R AT I O N S D E S É V Ê Q U E S D E BE L G I Q U E” S O N T D É J À PA R U S

1. La vocation de l’Europe .................................................................... (épuisé) Construire l’Europe (commentaire) ................................................ (épuisé)2. Pour la défense des plus faibles ...................................................... (épuisé) 3. L’onction des malades ..................................................................... (épuisé)4. Célébrer l’eucharistie aujourd’hui ................................................... (épuisé)5. Désarmer pour survivre ................................................................... (épuisé)6. L’année de l’enfant ................................................................................0,12 e7. Le renouveau charismatique ........................................................... (épuisé)8. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis de l’Europe d’aujourd’hui et de demain .................................................................0,25 €9. Les chrétiens et la crise Commentaire sur les chrétiens et la crise .......................................... 2,73 €10. L’année Internationale des Personnes Handicapées ..................... (épuisé)11. A l’écoute de Notre-Dame ..................................................................0,40 €12. Désarmer pour construire la paix ........................................................0,37 €13. Pour la visite du Pape Jean-Paul II .................................................. (épuisé)14. Une Nouvelle Evangélisation ...............................................................0,75 €15. Une Année de la Famille ..................................................................... 0,30 €16. Centenaire de la mort du Père Damien ............................................. 0,30 €17. La canonisation de Frère Mutien-Marie ............................................. 0,30 €18. La loi relative à l’interruption de grossesse .................................... (épuisé)19. La vie religieuse .....................................................................................0,35 € document de travail .............................................................................. 1,24 €20. Rerum Novarum ...................................................................................0,35 €21. L’accompagnement des malades à l’approche de la mort ................0,45 €22. Migrants et réfugiés parmi nous ........................................................ 0,74 €23. En route vers l’an 2000 ....................................................................... 0,62 €24. Au souffl e de l’Esprit, vers l’an 2000 .................................................. 1,24 €25. Dieu, notre Père, que ton Règne vienne! ...........................................0,99 €26. Choisir le mariage ................................................................................0,99 €

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27. L’An 2000: Année du Jubilé ................................................................. 1,36 €28. L’envoi des chrétiens dans le monde ..................................................1,49 €29. Envoyés pour servir ............................................................................. 3,00 €30. Envoyés pour annoncer .......................................................................3,70 €31. Appelés à célébrer ................................................................................ 3,00 €32 Appelés à célébrer. Guide pratique pour les célébrations .................1,20 €

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Toute information au sujet de l’année de la prière

sera mise sur la site internet www.catho.be

Éditions Licap SPRL, rue Guimard 1 • 1040 Brussel • [email protected]

D/2005/0279/064 • ISBN NR. 90-6858-641-6