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Presses Universitaires du Mirail Un regard sur les publications françaises à l'occasion du V e Centenaire de la Rencontre des Deux Mondes Review by: Michel Bertrand Caravelle (1988-), No. 59, SENS ET NON-SENS D'UNE COMMÉMORATION: LES AMÉRINDIENS FACE AU Ve CENTENAIRE (1992), pp. 256-266 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40852117 . Accessed: 15/06/2014 06:58 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.78.78 on Sun, 15 Jun 2014 06:58:44 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

SENS ET NON-SENS D'UNE COMMÉMORATION: LES AMÉRINDIENS FACE AU VeCENTENAIRE

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Presses Universitaires du Mirail

Un regard sur les publications françaises à l'occasion du V e Centenaire de la Rencontre desDeux MondesReview by: Michel BertrandCaravelle (1988-), No. 59, SENS ET NON-SENS D'UNE COMMÉMORATION: LES AMÉRINDIENSFACE AU Ve CENTENAIRE (1992), pp. 256-266Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40852117 .

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256 LA TRAGEDIA DEL FIN DE ATAHUALLPA

verts sur le site à cette période. A l'aide d'une carte de la zone et d'une planche de figurines diverses provenant de ces fouilles, on nous décrit les premières découvertes. A cette époque, on discinguait dans le sud du district de Jonuta, un peu plus d'une centaine de monti- cules coniques recouverts de végétation. On en comptait sept à Jonu- ta. Les fouilles mirent à jour à l'extérieur, un escalier en colimaçon tout autour de ces constructions. A l'intérieur, on retrouva des sar- cophages, ce qui fit émettre l'hypothèse de monticules funéraires. Mais, face à la situation topographique de ceux-ci près des rivières, dont l'Usumacinta, on pensa plutôt a posteriori, à des abris pour les habitants du lieu, au cours des fréquentes inondations dues à cette région tropicale. Dans la deuxième partie, on apprend que Jonuta est situé sur un terre-plein artificiel. Lors d'une fouille, on a découvert des poteries, des fours de potiers, des ossements humains, des fossiles et des briques. Les figurines en céramique constituent à leur tour, des sifflets, ce sont des guerriers, des représentations de dieux, des femmes et des hommes agenouillés. Nous mentionnons seulement qu'il y avait aussi d'autres objets de matériaux divers.

Ce livre a le mérite de faire référence à la fois à un travail ancien de fouille (en 1865), ainsi qu'à un traitement scientifique de maté- riaux les plus récents. Le premier démontre l'importance déjà gran- dissante de ce site maya au XIX* siècle et, le second rejoint avec quelques réserves les conclusions stylistiques et historiques de la première partie.

Françoise Milhorat.

Un regard sur les publications françaises à Yoccasion du V Cente* naire de la Rencontre des Deux Mondes,

« 1992 : le fétichisme des dates a encore frappé ». C'est sans doute ce que l'on pourrait écrire en constatant l'impact editorial en France de la commémoration de la rencontre de deux mondes. Certes, mesuré à l'étalon de la frénésie suscitée il y a trois ans par le bicentenaire de la Révolution Française, le Ve centenaire du débarquement euro- péen dans les îles antillaises pourrait sembler se limiter à un sim- ple frémissement des plus ponctuels. Cependant, si l'on considère le faible rôle joué par la France dans ces événements, on ne peut qu'être surpris par l'intérêt réel du public français à l'égard de ces histoires d'outre-mer qui finalement lui sont relativement étrangères.

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COMPTES RENDUS 257

Un simple coup d'œil sur les vitrines de librairies situées même dans des villes de taille modeste confirme le phénomène. Et, c'est somme toute assez logiquement que les éditeurs français ont cherché à ne pas négliger l'occasion offerte. Plusieurs d'entre eux, et non des moindres, ont participé à cet enthousiasme editorial qui s'inscrit dans la volonté de se « placer » sur un marché considéré comme porteur. Malheureusement, comme il est fréquent dans ces cas-là, l'inégalité qualitative de la production n'a d'égale que son abondance. Devant un tel flot, il ne peut être question d'un compte rendu exhaustif de toutes les publications parues à l'occasion. Certaines ne sont parfois que de simples rééditions, généralement utiles, d'ouvra- ges bien plus anciens (!), plus toujours disponibles. D'autres sont des écrits peu sérieux dont l'illusion de la signature ne peut empê- cher l'insignifiance scientifique. De tels ouvrages, comme le 1492 de J. Attali publié chez Fayard, devraient être littéralement déconseillés du fait des dégâts qu'ils engendrent parmi un public peu averti mais attiré par le prestige médiatique de l'auteur. Loin de nous l'idée de revendiquer pour la seule corporation universitaire le monopole du savoir historique ou de la réflexion intellectuelle. Mais on souhaite- rait de la part de tous ceux qui prennent leur plume - mais la prennent-ils réellement eux-mêmes ? - pour s'intéresser à notre passé, un souci de rigueur et de précision, un respect des sources qui sont le fondement de la démarche de l'historien. Ne pas s'y sou- mettre, c'est utiliser l'image, porteuse commercialement, du savoir historique, sans en respecter les contraintes méthodologiques. N'est- ce pas là une forme d'escroquerie intellectuelle ? De tels « travaux » ne peuvent mériter un compte rendu, mais plus simplement une mise en garde auprès des lecteurs potentiels. Nous limiterons donc ici notre attention à des livres dont nous considérons, à des titres divers, utile de rendre compte.

A 1492 est bien sûr associé le nom de C. Colomb. Parmi les nou- velles biographies parues ces derniers mois, citons le livre de Michel Lequenne : Christophe Colomb, Amiral de la mer océane, coll. « Décou- vertes », Gallimard, 1991, Paris, 192 p. Le livre présente les atouts devenus habituels de la collection : textes clairs, illustrations abon- dantes, références essentielles, sélection de textes et documents en

(1) Tel est le cas des deux livres de M. Manh-Lot : La découverte de V Amé- rique, réédition par Flammarion en 1991 dans la collection « champs » du livre paru en 1970 dans la collection «Questions d'histoire » et de Portrait histo- rique de C. Colomb, réédition, remise à jour celle-là, dans la collection « Points histoire» du Seuil, d'un vieux livre paru en 1960.

Tel est aussi le cas du Christophe Colomb, de J. Heers, édité chez Hachette en 1981 et réédité lui aussi en 1991.

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258 C.M.H.L.B. Caravelle

fin de volume. On ne peut cependant devant ce livre que mettre en garde le lecteur devant l'interprétation faite par l'auteur du 3* voyage de C. Colomb. Quitte à souffrir de « l'aveuglement » que dénonce M. Lequenne chez les historiens de l'Amiral qui ne partagent pas son point de vue, nous continuons à penser que Colomb meurt en igno- rant l'existence du 4# continent qu'il ne peut, de ce fait, avoir « décou- vert ». L'interprétation offerte par l'auteur à propos de la fameuse lettre écrite à la suite de l'expédition sur ce qui se révélera être les bouches de l'Orénoque, n'emporte en effet pas la conviction, au regard des travaux d'autres historiens qui l'ont précédé sur ce terrain (2).

Le livre de Régis Debray, Christophe Colomb, le visiteur de l'aube, La Différence, Paris, 1991, 124 p., peut entrer dans cette catégorie des biographies colombines de par son titre, mais il est en réalité bien plus que cela. Libre de ton, s'appuyant sur une connaissance intime de l'Amérique et faisant preuve d'une familiarité avec l'his- toire américaine que l'on ne soupçonnait pas, l'auteur nous livre un travail décapant, léger, savoureux. Ecrit dans un style vivant qui frise parfois le familier, Régis Debray est capable d'inventer quel- ques formules-chocs que l'on ne s'étonnerait pas de retrouver ulté- rieurement passées dans le domaine public. Cependant, sous couvert d'une facilité d'écriture se cache en réalité une réflexion particulière- ment pertinente sur le devenir de l'Amérique Latine depuis 1492. Régis Debray, dans un rôle de « fou » parmi les auteurs les plus doctes que l'occasion du V# centenaire a stimulé ou réveillé, est capa- ble de nous distraire en nous instruisant. Aussi lui pardonnera-t-on sans difficulté les excès de plume que sa verve lui fait commettre. Philosophe bien plus qu'historien comme il l'écrit lui-même, c'est la signification profonde de l'événement qu'il cherche à saisir. Et dans cette tâche, il réussit parfaitement. A tous ceux que le tintamarre célébrationniste indispose, voilà une lecture qui les réconciliera avec le V centenaire de la Rencontre de deux mondes.

Il est cependant intéressant de considérer que, malgré la mode biographique actuelle, les principaux ouvrages parus sur 1492 cher- chent à replacer le personnage Colomb, ou plus simplement l'histoire événementielle de la découverte, dans une optique historique s'ins- crivant dans la longue durée. C'est là l'occasion de quelques livres parmi les plus intéressants parus à cette occasion. C'est à eux que nous consacrerons l'essentiel de notre analyse.

(2) Nous considérons qu'à ce jour les travaux les plus complets sur C. Colomb sont bien ceux de l'historien espagnol J. Manzano y Manzano, dont malheureusement M. Lequenne ne cite pas un seul livre en bibliographie...

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COMPTES RENDUS 259

Le beau livre de Kenneth Nebenzahl : Atlas de C. Colomb et des grandes découvertes, Bordas, 1991, Paris, 170 p., nous permet d'ap- procher l'univers technique et scientifique dans lequel se mouvait C. Colomb. Autour de 4 chapitres très richement et judicieusement illustrés l'auteur retrace la tradition cartographique d'avant Colomb, puis la traduction progressive à travers les cartes des transforma- tions dans la perception du globe, fruits des explorations européen- nes. L'auteur met ainsi bien en évidence que la cartographie, outil servant à appréhender le globe terrestre, accompagne l'extension du phénomène colonial sous domination européenne. Les textes, courts, comportent avant tout des précisions sur les cartes somptueusement reproduites qui se trouvent en vis-à-vis. Ici, la structure du livre est constituée par ces cartes qui, à la façon d'un dessin animé, fournis- sent les étapes du progrès de la connaissance occidentale en matière de représentation terrestre.

La réédition complétée et enrichie du livre d'Albert Ronsin, Décou- verte et baptême de l'Amérique, Editions de l'Est, Saint-Dié, 1992, s'inscrit dans la même perspective. Ici, les reproductions sont sou- vent plus modestes, parfois en noir et blanc, et malheureusement souvent en réduction, mais le texte éclaire avec précision et nuance la lente et difficile « invention »de l'espace américain. Ces deux tra- vaux, complémentaires, offrent au lecteur une excellente approche de la progressive émergence dans la conscience européenne de la réalité du continent américain.

Le livre de Jean Favier : Les grandes découvertes. D'Alexandre à Magellan, Fayard, 1991, Paris, 619 p., choisit d'opérer cette mise en perspective sur la très longue durée. L'histoire qui est ici retracée est celle des voyages d'explorations depuis l'antiquité mésopotamienne jusqu'à Magellan. Le livre s'articule autour de 4 parties : les trois premières, consacrées aux déplacements humains jusqu'au XVe siè- cle, servent de référence à la 4e partie dans laquelle sont étudiés les voyages d'explorations et découvertes des XVe et XVIe siècle. L'idée qui sous-tend le livre de J. Favier est particulièrement intéressante et riche : ce qui est retracé ici ce sont les facteurs et les moyens mis en branle au cours de l'histoire de l'Occident et lui permettant d'appréhender et d'affirmer progressivement sa domination sur la planète. En ce sens le choix de la date terminale de son livre est particulièrement significatif. Plus que C. Colomb, c'est bien l'expé- dition de Magellan qui est la date cruciale dans cette affirmation occidentale. On ne saurait reprocher au livre de J. Favier la rapidité qui confine souvent au survol ou aux généralités les plus sommaires des phénomènes étudiés : embrasser près de 3000 ans d'histoire

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260 CM.H.L.B. Caravelle

humaine en 600 pages relève de la gageure ! Et l'auteur, en fin de compte, se sort avec les honneurs d'une telle épreuve. Par contre, sa mise sur le même plan de phénomènes migratoires, de mouve- ments de peuplement, de voyages d'exploration ou encore d'expédi- tions de conquête est plus problématique et difficile à accepter. Il y a dans cette démarche un risque de gommage des spécificités his- toriques des événements mis en parallèle. Il n'empêche : ce travail retrace dans une perspective cavalière, principaux repères à l'appui, une histoire occidentale axée sur le mouvement et le déplacement des hommes.

Le livre de J. Heers : 1492. La découverte de V Amérique, Edition Complexe, 1991, Bruxelles, 190 p., (N° 219), retrace l'histoire de la pénétration en Europe de l'idée et de l'image de l'Amérique ainsi que celle de sa diffusion. L'auteur insiste sur l'inquiétude qui suit l'enthousiasme du premier retour. Dans cette difficile acceptation de la réalité américaine, ce qui émerge aussi ce sont déjà certains traits qui vont coller des siècles durant au nouveau monde : le mythe du bon sauvage et celui de l'abondance inépuisable de ses terres. Dans cette maturation, certains seront plus prompts que d'autres à accepter la nouveauté. Passons sur Colomb qui s'entête dans son erreur, preuve d'un esprit plus ancré qu'on ne le dit trop souvent dans la science scolastique. Les plus rapides à l'acceptation sont les hommes de la mer : chez eux, le savoir pratique, l'expérience vécue au gré des vents et des courants atlantiques les aident à admettre l'évidence d'un nouveau monde. Par contre, les hommes de savoirs, humanistes et autres hommes de lettres n'intègrent qu'avec bien plus de lenteur, de réticences, ces terres nouvelles venues qui désta- bilisent la Tradition dont ils sont nourris.

J. Heers prolonge sa réflexion dans un deuxième travail, 1492-1530 : La ruée vers V Amérique, les mirages et les fièvres, Edition Complexe, Bruxelles, 1992, 191 p. (N° 222). Il s'agit ici de mettre en parallèle, idée fort judicieuse, l'exploration et l'exploitation des côtes afri- caines avec celles du monde antillais. Ce que montre J. Heers, c'est la ressemblance frappante entre les deux épisodes : l'Afrique sert indiscutablement de terrain pour la mise en place des mécanismes qui se reproduisent dans le monde caraïbe. C'est bien sur les fonde- ments du troc et du pillage du stock d'or disponible que fonction- nent les 30 premières années de la présence européenne en Amérique. Rien de bien neuf dans cette approche, sinon, comme dans le travail précédent, les conséquences en Europe de cette économie de préda- tion. J. Heers, en fin connaisseur de l'économie du bas Moyen Age insiste sur le rôle des marchands - italiens notamment mais aussi

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COMPTES RENDUS 261

d'Europe du Nord - , ainsi que sur l'importance des foires et leur géographie. Partant de ces répercussions européennes, l'auteur insiste sur la volonté de groupes européens de prendre pied en Amérique. Si les marchands de Nuremberg ont vite cherché à s'immiscer dans les flux financiers nés de ces territoires nouveaux, on peut douter du dynamisme des français que l'auteur semble placer sur le même plan. La guerre de course dont il entrevoit l'émergence ne va véri- tablement s'imposer que bien plus tard, dans une conjoncture écono- mique et internationale bien différente.

Les trois livres de J. Favier et J. Heers ont en commun d'être écrits par des historiens médiévistes spécialistes des mondes non- ibériques. Aussi, n'est-il pas étonnant de constater que leur approche déborde largement le monde hispanique pour s'inscrire dans une perspective plus méditerranéenne, voire occidentale : travaux profi- tables donc, qui replacent 1492 dans une situation aussi large que possible.

Le livre dirigé par C. Varela et G. Martinière : L'état du monde en 1492, édition La Découverte, 1992, 638 p. relève quant à lui d'une autre approche. Il s'agit ici non pas tant de remettre l'événement de 1492 dans son contexte diachronique, mais plutôt de jouer sur le registre synchronique autour de cette date-charnière. Les auteurs présentent un véritable répertoire des situations autour de 1492 à travers le monde entier. Chaque thème développé, confié à un spé- cialiste, est présenté en quelques pages synthétiques et offre une courte mais judicieuse bibliographie. Par son ampleur de vue, par la richesse des informations, par les outils dont il dispose, ce travail va véritablement s'imposer comme un ouvrage de consultation indis- pensable pour tous ceux qui s'intéressent à la réalité de cette fin de XV siècle.

Aux côtés de ces approches globales ou globalisantes, se retrou- vent des publications proposées par des spécialistes du monde hispa- nique. Dans ces travaux, la perspective est avant tout péninsulaire, cherchant à replacer l'événement dans le contexte propre à l'histoire de l'Espagne.

Tel est prioritairement l'objectif de B. Vincent à travers son 1492, « Vannée admirable », coll. historique, Aubier, 1991, 225 p. Comme le titre l'exprime clairement, l'auteur cherche à relier entre eux des événements qui, par leur portée ou leur signification, impriment d'un sceau ibérique cette année 1492. Après avoir rappelé les 4 événe- ments qui marquèrent l'histoire espagnole mais aussi celle de l'Eu- rope et du monde, B. Vincent s'attache à analyser les facteurs qui contribuèrent à faire de l'Espagne le lieu de ces événements dèci-

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262 CM.H.L.B. Caravelle

sifs. Dans ce domaine, il accorde une place essentielle à la construc- tion d'un Etat moderne, en voie de centralisation, au sein duquel l'appui de l'Eglise est déterminant. L'impact des événements de cette année, mémorable dans une seule perspective castillane, est inscrit dans les réalités de la péninsule qui en déterminèrent le dérou- lement. Ils signifièrent d'abord l'émigration des exclus du nouvel Etat en Espagne-même, leur différence étant considérée comme inassimilable. Ils contribuèrent, momentanément au profit de l'Es- pagne, à l'unification économique du monde, mais aussi à la dépen- dance américaine notamment à travers le développement de l'échange inégal. Ils signifièrent enfin la disparition par le choc microbien des dominés de la société coloniale américaine.

Ce travail, au demeurant brillant et suggestif, pêche à nos yeux par un excès de déterminisme : la « découverte » était-elle réellement inscrite dans les événements ibériques ? N'y a-t-il pas un contexte général « occidental » autant qu'ibérique qui est à l'origine de l'évé- nement ? Par ailleurs, en se centrant sur 1492, ne force-t-on pas la coïncidence des faits ? Cette date-charnière garde-t-elle réellement un sens, en particulier pour ce qui concerne l'Amérique ? 1519 n'est- il pas plus décisif que 1492 ? Enfin, ce livre contribue surtout à une véritable célébration de l'épopée colombine vue comme l'expression de la supériorité espagnole en Europe. C'est dire que l'on se limite ici à une perspective exclusivement espagnole - castillane ? - de l'événement. En replaçant la geste du Génois dans le seul contexte péninsulaire, B. Vincent choisit d'offrir une vision trop unilatérale d'une histoire en réalité bien plus diverse.

Le projet de B. et L. Bennassar dans 1492, Un monde nouveau?, Librairie Académique Perrin, 1991, 273 p., est quant à lui bien dif- férent. Refusant une reconstruction linéaire de l'événement et de son contexte, les auteurs cherchent à saisir le sens de 1492 pour les contemporains. Proposant une véritable leçon de ce que doit être l'approche d'un « événement historique », les auteurs s'efforcent de démêler les deux temps de l'histoire : le temps vécu et le temps recréé.

Au premier se rattache ce que les contemporains ont su ou vu de l'événement. De son analyse jaillit le constat de la « non-découverte » de l'Amérique, mais aussi celui de la lente « invention » de l'espace américain, pour reprendre l'expression de E. O'Gorman, durant les 30 années qui suivirent le débarquement dans les Antilles. Ce serait bien dans la décennie 1520 que se situerait alors le véritable tour- nant, la véritable rupture entre la fin du monde médiéval et le début

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COMPTES RENDUS 263

du monde moderne, unifié sous la tutelle de l'Europe et centré sur l'océan Atlantique.

Au temps recréé appartient ce que les auteurs appellent le jeu de la mémoire, dont le principal bénéficiaire est C. Colomb lui-même. Pratiquement inconnu de ses contemporains au profit d'autres explo- rateurs et notamment Amérigo Vespucci, il ne se verra réellement attribuer les mérites de la « découverte » que plus de deux siècles après l'événement. Dans l'élaboration de ce mythe historique, la pen- sée des Lumières joua un rôle essentiel, faisant de Colomb, symbole du Progrès, une victime de l'Espagne obscurantiste.

Le travail des Bennassar, devant l'abondance de livres qui présen- tent tous, à peu de chose près, sinon le même regard du moins la même optique, a d'abord le mérite de l'originalité. Il présente aussi à nos yeux l'intérêt d'une réflexion critique aiguë d'historiens qui offrent tout à la fois une bonne synthèse des connaissances sur une période-charnière de l'histoire occidentale et un modèle de ce que doit être, face au poids des « évidences » admises, l'écriture de l'histoire. L'historien est bien celui qui, au-delà des pièges tendus par la mémoire, qu'elle soit écrite ou orale, tente de reconstituer le puzzle du passé.

A ces études somme toute classiques, nous voudrions ajouter le livre original coordonné par J.-P. Dedieu, Les deux éveils de l'Espagne, 1492-1992, Editions du CNRS, Paris 1991, 254 p. La conception du livre repose sur l'association de ces deux dates et des parallèles qui peuvent en surgir. Par un constant va et vient entre l'histoire des XV'-XVI* siècles et l'observation du présent autour de thèmes aidant à cerner les diversités du monde espagnol, ce livre, proposé dans une édition luxueuse, abondamment illustré de documents dont cer- tains choisis non sans humour, dessine un visage multiforme de l'Espagne et de son histoire. De la grandeur au déclin, du repliement sur soi à l'ouverture, du passé au présent, cet ouvrage où se retrou- vent associés quelques-uns des meilleurs spécialistes du monde his- panique des XVIe et XXe siècles offre au lecteur un excellent condensé de ce qui contribue à l'originalité et à la spécificité du monde hispa- nique dans le contexte européen. Puisse le public français s'y plon- ger afin d'évacuer les derniers stéréotypes qui trop fréquemment encore l'empêchent de voir l'Espagne dans la diversité de son être, le dynamisme de son histoire et l'inventivité de son peuple.

Les études des spécialistes de l'Espagne sont prolongées par les travaux d'historiens américanistes qui, eux, centrent leur attention sur l'espace américain. Le livre de T. Gomez : L'invention de V Amé- rique : rêve et réalités de la conquête, coll. Histoires, Aubier, 1992,

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264 CM.H.L3. Caravelle

331 p., reprend le titre du vieux livre de E. O'Gorman publié pour la première fois en 1946. Il en détourne cependant totalement le sens. L'« invention » que cherchait à faire surgir E. O'Gorman en se fondant sur la cartographie européenne au sein de laquelle émerge progressivement l'idée d'un espace et d'un continent américain retrouve sous la plume de T. Gomez un contenu des plus tradi- tionnels qui soient : celui de « découverte ». Le sous-titre aurait en réalité bien mieux convenu aux propos de l'auteur, les deux tiers du livre y étant en fait consacrés. On saura surtout gré à T. Gomez de proposer au lecteur dans une écriture agréable, qui n'ignore pas parfois le recours aux formules percutantes ou évocatrices, une approche rigoureuse de la conquête américaine. Car c'est en fait bien de cela qu'il s'agit. Après avoir sacrifié aux rites du récit concernant l'Amiral de la mer Océane, après avoir, trop rapidement sans doute mais en en rappelant l'essentiel, étudié la « part du rêve » dans le phénomène colonisateur, T. Gomez s'attache à l'étude de la « réalité » de la conquête. En presque 200 pages, il brosse un tableau réaliste, vivant, précis, de l'univers des conquistadors. S'il n'apporte rien de neuf, il est capable de diffuser l'essentiel de la recherche récente en rapport avec le monde des conquérants. Travail utile donc, qui trouvera sans doute son public parmi tous ceux dont le grand battage médiatique sur le cinquième centenaire aura retenu l'attention.

Le livre présenté par C. Bernand et S. Gruzinski sous le titre général Histoire du Nouveau Monde dont nous n'avons pour l'instant que le tome 1 De la découverte à la conquête, Fayard, 1991, 768 p. est lui, d'une toute autre ambition. La conception et la réalisation de ce travail en font probablement un des événements éditoriaux ma- jeurs parmi le flot de publications en tous genres offert en cette année du V centenaire de la « découverte » de l'Amérique. A un texte copieux et dense, s'ajoute un appareil scientifique de plus de 200 pages : notes bien sûr, mais surtout un lexique, un ensemble de 9 chronologies croisées, 4 index complémentaires et enfin une bibliographie offrant une mise au point utile sinon exhaustive sur les publications récentes en lien avec les aspects abordés dans le travail.

Le livre s'articule autour d'une double approche : les anciens mondes et le nouveau - pour lequel nous aurions aussi préféré le recours au pluriel. Remettant en perspective et dans son contexte le voyage d'expédition espagnol, les auteurs dessinent le visage mul- tiple et contrasté de la péninsule ibérique en cette fin de XV siècle. Ils parachèvent ce tableau en analysant la réception et la diffusion

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COMPTES RENDUS 265

dans l'Empire de Charles, roi d'Aragon, de Castille et empereur germanique, de la connaissance des mondes nouveaux. Notre regret dans cette première approche porte sur le premier chapitre. L'idée, excellente, de placer dans les mondes anciens les civilisations amérin- diennes n'est bien sûr pas en cause. Par contre, le choix fait de la « narration romanesque » - sur des fondements scientifiques il est vrai - , n'emporte pas notre adhésion. Certes, une étude systé- matique des multiples civilisations dans toutes leurs richesses et diversité était difficilement envisageable. Il semble cependant que le même travail de présentation pouvait s'appuyer sur les apports de l'archéologie et de l'ethnohistoire, être tout aussi attrayant pour le lecteur, quitte à se limiter peut-être à une ou deux aires géogra- phiques et culturelles à choisir, en tout arbitraire il est vrai.

La deuxième approche concerne le monde nouveau et l'histoire de son entrée dans l'univers européen à travers explorations et conquêtes. A la simple reconstitution chronologique des faits qui s'articule sur chacune des grandes étapes de la conquête de l'espace américain, les auteurs ont le souci d'une approche plus globale, notamment dans le chapitre X. L'objectif y est de disséquer les traits qui définissent le système colonial mis en place entre 1520 et 1550. Par contre on pourra regretter l'absence, dans cette étude des nouveaux mondes, des répercussions et des profondes transfor- mations qui sont déjà en branle dans l'Europe du premier XVIe et qui toutes contribuent à faire du « vieux monde » un monde nou- veau.

Ce livre, conçu dans une perspective fort différente des deux manuels de la collection Nouvelle Clio concernant la conquête des nouveaux mondes qui étaient à ce jour les seules synthèses dont nous disposions, vient offrir une vision globale claire se fondant le plus souvent sur les apports récents de l'historiographie améri- caniste. A ce titre, il va devenir pour de longues années, surtout si les prochains volumes sont menés à leur terme avec le même bon- heur, un manuel de référence difficilement contournable.

D'autres ouvrages auraient pu entrer dans cette recension aux choix que d'aucuns trouveront probablement trop limités et arbi- trai tes (3). Cependant, notre sélection a été guidée par le souci de présenter certains des travaux dont nous pensons qu'ils ont contri-

(3) Selon un comptage rapide et approximatif, on a pu compter jusqu'à une soixantaine de titres dans une grande librairie parisienne.

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266 C.M.H.L.B. Caravelle

bué à marquer la politique editoriale française pour ce qui concerne la commémoration de Tannée 1492.

Michel Bertrand.

David Anthony Brading. - The First America. The Spanish monar- chy, Creole patriots, and the Liberal state 1492-1867, Cambridge/ New York/Port Chester/Melbourne/Sidney, Cambridge Univer- sity Press, 1991, XVIII - 761 p., 35 illustrations.

Ce livre n'est pas une histoire de l'Amérique espagnole venant après beaucoup d'autres, pas non plus une histoire de la culture à proprement parler. Son titre demande à être explicité. Pourquoi « La Première Amérique » ? Parce que le principal public visé est anglo-saxon. Le Professeur de Cambridge veut lui montrer qu'en dépit d'une monopolisation du terme « Amérique » par les Etats- Unis dans le langage courant, il a existé une vraie société européo- américaine avant celle-là. Les anciens auteurs, J.-L. Stephens, W. Irving et W. Prescott sont revus (pp. 627-632) et les vieux clichés anglo-saxons protestants sont la cible principale ; non seulement le lecteur doit apprendre qu'il existe des réalités intéressantes « après » Moctezuma et Atahualpa, et « avant » le Mayflower ou Washington, mais, par exemple, il doit cesser de dédaigner en bloc le clergé catholique latin. Moyennant quoi, il n'est pas nécessaire d'être un anglo-saxon cultivé de culture protestante pour se plonger avec profit dans cet imposant volume d'environ trois millions de signes. L'universitaire britannique ou « alien » doit savoir qu'il trouvera des références très précises et un appareil critique impor- tant : quarante-huit pages de notes, vingt-deux de bibliographie (*), un précieux index analytique.

Il est surtout en présence du couronnement exemplaire d'une vie (ne disons pas « carrière ») d'historien. Le Professeur Brading est

(1) La bibliographie d'ouvrages « secondaires » est réduite au minimum. L'auteur explique qu'il privilégie les sources primaires et qu'il cite très peu les autres chercheurs qui ont travaillé en parallèle sur les mêmes sujets. Presque à chaque chapitre, le lecteur «estudioso» pense à certains titres et ne les trouve pas en note. De façon significative l'historien mexicain Enrique Fioriscano est remercié dans la préface, mais il n'est ni cité ni mentionné ensuite, alors que sa récente Memoria mexicana est si proche de la théma- tique de The First America.

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