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CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE Service des Formations Sous-direction des Actions éducatives et de la formation des enseignants Bureau de la Valorisation des innovations pédagogiques Pratiques innovantes

Service des Formations Bureau de la Valorisation des ... · À la manière d’un «cahier d’expériences » la relation écrite occupe une place centrale dans ce dispositif pour

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CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE

Service des FormationsSous-direction des Actions éducatives et de la formation des enseignantsBureau de la Valorisation des innovations pédagogiques

P r a t i q u e s i n n o v a n t e s

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Mise en pages : Michelle BourgeoisSecrétariat d’édition : El Houssine Djennad

Suivi éditorial : Christianne Berthet© CNDP, mars 2002

ISBN: 2-240-00776-1

Cet ouvrage a été réalisé par Anne-Marie Beriot et Catherine Ravelli,

avec la collaboration de Gilles Maurelet et Annick Marquis,

à partir de textes d’équipes d’enseignants.

Remerciement à :

Danielle Alexandre et Patrick Lefrançois

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SOMMAIRE

Avant-propos .................................................................................. 5Introduction ..................................................................................... 7

PREMIÈRE PARTIE : Donner envie d’apprendreRendre plus lisible le sens de l’école ..................................... 16

Travail interdisciplinaire au CDI.......................................... 17Remédiation par l’image ...................................................... 19Parcours diversifiés interdisciplinaires................................. 23Un journal pour le collège .................................................... 25De l’esprit sportif à la rigueur intellectuelle......................... 28Organiser son activité intellectuelle ..................................... 32Différenciation pédagogique et prévention de la violence... 35Sortir des ghettos .................................................................. 38Le pari de l’alternance.......................................................... 42La fin du refus....................................................................... 47

Favoriser l’expression des élèves ........................................... 52Rituels en français et en anglais ........................................... 52Classes « théâtre » ................................................................ 55Dialogue et modules en maths.............................................. 57

S’épauler : la classe, lieu d’apprentissages collectifs ........ 60La richesse du partage .......................................................... 60Le village et l’île................................................................... 64

DEUXIÈME PARTIE : Tisser le lien social Une classe-clé : la sixième ........................................................ 72

S’intégrer au collège............................................................. 72Savoir et cohésion ................................................................ 76Mieux vivre au collège ......................................................... 80Tutorat entre élèves .............................................................. 82

Des dynamiques collectives ..................................................... 87Entreprendre tous ensemble ................................................. 87Heure blanche....................................................................... 92Groupes de parole................................................................. 95Co-apprentissage de la citoyenneté ...................................... 97Argumentation et civisme .................................................... 102

Un climat serein .......................................................................... 105La carte à points ................................................................... 105Le cahier de suivi ................................................................. 107

Intégration des conflits .............................................................. 111Donner d’autres mots ........................................................... 111Traiter un événement à chaud .............................................. 112

Sommaire

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TROISIÈME PARTIE : Tenir compte des singularités

Contre l’échec, l’individualisation ........................................... 118Maîtrise de la langue ............................................................ 118Diversifier, personnaliser...................................................... 121Sixièmes de remédiation ...................................................... 124Avoir confiance en soi .......................................................... 127

Aides personnalisées : tutorat et suivi .................................... 130Accompagnement individualisé ........................................... 130Un autre temps scolaire ........................................................ 132Tous les aider........................................................................ 135À chacun sa solution............................................................. 138Modules et tutorat................................................................. 139

Famille, école et médiation ....................................................... 142Projets « Médiations » .......................................................... 142Communication avec les familles......................................... 145

Écoute ........................................................................................... 150Accompagnement adultes-jeunes ......................................... 150Lieu d’accueil temporaire individualisé ............................... 153Point-écoute.......................................................................... 157

QUATRIÈME PARTIE : Vers un autre environnement éducatif

Réorganiser .................................................................................. 164D’autres temps, d’autres lieux pour apprendre .................... 164Des groupes pour gérer l’hétérogénéité................................ 167Des lieux spécifiques ............................................................ 170

Décloisonner ................................................................................ 173L’interdisciplinarité ............................................................. 173De nouvelles modalités de travail ....................................... 178Un cours à deux têtes ........................................................... 181

Construire et faire vivre la dynamique collective ................. 185Des questionnements ........................................................... 185Des témoignages................................................................... 192

CONCLUSION : Des pistes pour poursuivre l’action

AnnexesListe des établissement cités................................................. 200Repères bibliographiques ..................................................... 202

Le suivi des élèves en seconde

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Dans le champ de l’éducation et de la formation, les évolutions rapidesbousculent les pratiques et les organisations. Il est donc nécessaire d’yrépondre en proposant des solutions inédites. Le terme d’innovation, diffi-cile à prendre dans les mailles d’une définition, traduit cette dynamique.

Depuis 1994, le ministère de l’Éducation nationale a mis en place, ausein de la direction de l’Enseignement scolaire, le dispositif de Valorisationdes innovations pédagogiques pour suivre, aider et capitaliser ces initia-tives. Son travail s’organise autour d’axes nationaux parmi lesquels les rec-teurs choisissent des axes qui correspondent aux priorités de leur académie.Sous leur autorité, les coordonnateurs académiques des pôles de soutienaux innovations pédagogiques proposent aux équipes pédagogiques volon-taires et porteuses d’un projet de s’engager, dans le cadre d’un contrat, àanalyser et formaliser leur action. En retour, les équipes bénéficient d’unsuivi et d’un accompagnement.

À la manière d’un « cahier d’expériences » la relation écrite occupe uneplace centrale dans ce dispositif pour faire émerger les leçons pédago-giques et professionnelles qui se dégagent de l’innovation. Elle permetd’en faire des ressources pour d’autres acteurs qui peuvent en adaptercertains éléments afin de les intégrer dans leur propre démarche.

Dans cet ouvrage, sont rassemblés des témoignages dont la confrontationsuscite de nouvelles pistes de réflexion et d’action. Je souhaite que lesperspectives qu’elles ouvrent contribuent à encourager une telle dyna-mique de changement.

Jean-Paul de Gaudemar,directeur de l’Enseignement scolaire

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Avant propos

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Cet ouvrage présente des actions menées au cours des dernières années pardes enseignants et des équipes éducatives dans des établissements difficiles.Dans ces établissements, pour prévenir les phénomènes de violence etpréserver, voire restaurer, les conditions favorables aux apprentissages,innover est une nécessité. En préambule on trouvera un point rapide surla question de la violence en milieu scolaire à partir de travaux de rechercheainsi qu’un aperçu des différentes réponses de l’institution.

La violence : du social au pédagogique

Si les phénomènes de violence en milieu scolaire font l’objet d’une largemédiatisation, ils ont aussi donné lieu, dès les années quatre-vingts, àdes études et des analyses tant de la part de l’inspection générale de la viescolaire que d’équipes de chercheurs. Ces travaux font apparaître queles phénomènes de violence sont liés à des facteurs sociaux mais aussiinternes à l’institution scolaire, notamment concernant la vie au sein del’établissement et les modalités de transmission du savoir. Ils ouvrentainsi des pistes pour le traitement mais surtout pour la prévention de laviolence en milieu scolaire.

D’abord, conformément à ce que chacun pressent ou constate, lesenquêtes comparatives montrent que « la violence est largement dépen-dante des conditions socio-démographiques de la population scolaireaccueillie: plus les établissements accueillent une population socialementdéfavorisée, plus sont fréquents délits et infractions, plus le climat estdégradé, plus le sentiment d’insécurité est prégnant 1 ». En second lieu,si certains établissements connaissent des violences entrant dans la caté-gorie des crimes et délits, ailleurs, la plupart du temps, il s’agit surtoutde tensions quotidiennes, petites injures entre élèves, agitation, inat-tention, réactions agressives face aux demandes des enseignants, refusde se plier aux exigences scolaires.

Ces différents faits, regroupés sous le terme « d’incivilités2 », participentà une dégradation du climat à l’intérieur de l’établissement, générantchez tous un sentiment d’insécurité et une usure des enseignants. Ilstémoignent en même temps d’une crise entre l’école et les enfants desclasses populaires : « L’incivilité pourrait n’être que la forme de basedes rapports de classe exprimant un amour déçu pour une école qui nepeut tenir les promesses égalitaires d’insertion 3. » Cette violence auquotidien est donc une violence anti-scolaire alimentée par un sentimentd’exclusion du monde scolaire. Ce second élément est à examiner avecattention car il permet de rompre avec l’hypothèse d’un « handicap socio-violent » et avec une naturalisation de la violence 4. C’est ce que relève

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Introduction

1. « La violence à l’école, approches européennes », Revue française de pédagogie, n° 123,avril-juin 1998.

2. Ibid.

3. Ibid.

4. Charlot, B., et Émin J.-C. (dir.), Violences à l’école. État des savoirs, Armand Colin, 1997.

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un chercheur à la suite d’une large étude pilotée par le ministère del’Éducation nationale et l’Institut des hautes études de la sécuritéintérieure 5: « Le travail qu’a mené notre équipe a cherché précisémentà mesurer le poids des déterminants sociaux de la violence en comparantdes établissements de tous types sociaux. Il a surtout mis au jour, au-delàde ces causes macrosociales, que localement, même dans le difficile,l’action reste possible et que l’établissement public d’enseignement n’estpas sans moyens pour faire face à la violence 6. »

Les réponses de l’institution

Un examen rapide des réponses de l’institution au cours de ces dernièresannées pour tenter de traiter et de prévenir la violence permet de déga-ger trois approches dominantes 7. Chacune renvoie à un regard spéci-fique sur les phénomènes de violence.

Une première approche, l’approche partenariale, fait largement appelaux partenaires extérieurs à l’école pour faire face à la violence. Laviolence est ici considérée essentiellement comme un phénomène social.C’est ainsi que dès 1990 sont mis en place les Comités d’environnementsocial (CES) : « commission souple et non obligatoire créée à l’initiativedu chef d’établissement qui en assure la coordination 8 ». Cette instancevise à intégrer la prévention des conduites à risque dans le projet d’éta-blissement en s’appuyant sur l’ensemble de la communauté éducativemais aussi sur des partenaires extérieurs à l’établissement (police, justice,collectivités locales, associations). En même temps, durant l’été 1991, estlancée l’opération « École ouverte » où sont associés au ministère del’Éducation nationale, le ministère des Affaires sociales, le ministère del’Aménagement du territoire, de la Ville et de l’Intégration ainsi que leFonds d’action sociale. Cette opération consiste à accueillir des jeunespendant les vacances scolaires, dans des établissements restés ouverts,pour leur proposer des activités tant scolaires qu’éducatives, culturelles,sportives et de loisirs. Ces actions participent à l’intégration sociale etscolaire des jeunes, améliorent les rapports entre jeunes et adultes et par-ticipent ainsi à la prévention des phénomènes de violence. Enfin dansle cadre d’un protocole d’accord entre les ministères de l’Éducationnationale, de la Ville et de la Défense une forme particulière de Servicenational permet d’accroître la présence des adultes dans les établisse-

Apprendre sans violence

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5. En juillet 1994, un appel d’offre pour une étude sur la violence en milieu scolaire est lancéconjointement par la direction de l’Évaluation et de la Prospective du ministère de l’Édu-cation nationale, neuf projets ont été retenus. Les résultats de ces recherches ont été publiésdans l’ouvrage cité ci-dessus.

6. Op. cit.

7. Leydier, J., « La violence à l’école : des constats aux réactions », Adolescence, 227-236, 1997.

8. Circulaire du 22 octobre 1990. En 1998, ces Comités d’environnement social sont deve-nus les Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté. (Bulletin officiel de l’Éduca-tion nationale, n° 11, 15 octobre 1998.)

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ments accueillant un public scolaire défavorisé. Ces appelés, en effet,assurent des missions de surveillance, d’encadrement d’activités éduca-tives et de soutien scolaire.

La deuxième approche, qualifiée de cartographique, s’inscrit dans le pro-longement de la création des zones d’éducation prioritaire visant à luttercontre l’échec scolaire. Elle consiste à identifier des « établissementssensibles », sur propositions conjointes des recteurs et des préfets. Ils’agit de collèges et de lycées où des problèmes de violence créent unclimat d’insécurité, déstabilisent la communauté et empêchent élèves etenseignants de travailler. Ces établissements bénéficient alors de moyenssupplémentaires tant en postes qu’en dotation horaire. Dans cetteapproche, c’est essentiellement à l’intérieur de l’établissement que sontrecherchées les solutions.

La troisième approche correspond aux plans gouvernementaux qui sesont succédé depuis 1996. Ils associent la dimension partenariale et l’ap-proche cartographique, ils témoignent ainsi d’une « volonté de mettreen place un « quadrillage systématique » de réponses possibles à l’en-semble des données du problème: à chaque acteur du dispositif (ensei-gnant, élève, parent, chef d’établissement…) il est tenté d’apportersoutien, accompagnement, aide à l’expérimentation, moyens supplé-mentaires, ainsi qu’un cadrage réglementaire favorisant9. « C’est dans cecadre que sont particulièrement encouragées des pratiques de pédago-gie différenciée qui ont pour finalité de prendre en compte la diversité desélèves afin de les conduire vers un objectif commun de formation. Au seind’un établissement, elles s’adressent donc à tous les élèves et pas seule-ment à certaines catégories jugées plus sensibles que d’autres. Ces prati-ques nécessitent des approches différentes et souvent, de nouveaux modesd’organisation de l’établissement, de nouvelles approches de la viescolaire… Par rapport aux modes d’organisation et de fonctionnementhabituels, les pratiques pédagogiques différenciées à mettre en œuvredoivent, pour apporter une réponse appropriée à la diversité des élèves,revêtir un caractère innovant, elles vont donc prendre une place impor-tante dans le Programme national d’innovation 10. »

Ces trois approches ont été récemment reprises et intégrées aux pers-pectives du Comité national de lutte contre la violence à l’école 11 dontla création en octobre 2000, témoigne de l’attention que l’institutionporte au phénomène. Ses objectifs, « mieux connaître les manifestationsde la violence à l’école et leur évolution, mieux agir quand survient unincident, mieux prévenir la violence, mieux impliquer les élèves et lesparents, renforcer le travail engagé avec les partenaires » sont des pré-occupations communes aux équipes dont nous présentons ici les actions.« Des équipes réussissent, je peux en témoigner, à faire reprendre del’assurance à leurs élèves et à modifier ainsi leurs comportements scolaires

Introduction

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9. Ibid.10. Note aux recteurs du 17 juin 1996.11. Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n° 38, 26 octobre 2000. La présidente de cecomité est Sonia Henrich, inspectrice générale de l’Éducation nationale.

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et sociaux », a déclaré le ministre 12. Osons préciser que les expériencesqui suivent montrent que des équipes innovantes permettent aussi à denombreux jeunes en détresse scolaire de renouer avec la réussite en« apprenant sans violence ».

Des actions innovantes dans les établissements

Cet ouvrage présente des actions de pédagogie différenciée menées dansdes établissements difficiles. Ces descriptions d’action ont été organi-sées en fonction de deux grandes lignes de force: la formation des élèvesd’une part et l’environnement tant organisationnel qu’humain d’autrepart. On trouvera ensuite des éléments de réflexion issus de ces écrits.Les actions décrites dans les trois premières parties montrent commentles enseignants s’engagent dans des pratiques innovantes pour que lesélèves se réconcilient avec l’école et apprennent. Trois orientations à lafois distinctes et complémentaires se dessinent. Il s’agit d’abord de donnerenvie aux élèves d’apprendre, les savoirs sont au cœur de cette premièreorientation. Comment donner du sens aux savoirs? Comment développerchez les élèves le goût d’apprendre? Comment s’appuyer sur le groupepour favoriser l’apprentissage individuel? C’est à ces différentes ques-tions que les enseignants ont tenté de répondre. La seconde orientationprend en compte la nécessité de développer le sentiment d’appartenance desélèves à leur établissement, de tisser le lien social pour que chacuncomprenne et accepte les règles de vie mais aussi se sente soutenu, trouvesa place et agisse dans cet environnement. La troisième orientation intro-duit plus encore que les deux autres, un regard différent sur l’enseigne-ment. Il s’agit en effet de prendre en compte l’élève en tant que personnesingulière et de lui proposer une écoute et une aide individualisée.La quatrième partie porte sur les transformations de l’environnementque nécessitent et engendrent ces nouveaux processus de formation.Deux aspects sont particulièrement évoqués, les modalités d’organisationde l’enseignement d’une part et le développement d’une dynamiquecollective d’autre part. Ainsi, à côté des cours qui sont souvent structu-rés de manière différente, des ateliers se mettent en place, des dispositifspour traiter les cas d’élèves en rupture sont créés. En même temps, lesenseignants développent des pratiques de travail en commun à travers laconstruction de projets, l’élaboration de dossiers, la conduite de séquencesd’enseignement à deux voix… Dans leurs écrits, ils font ressortir à lafois l’importance et la difficulté de ce travail collectif.Il ressort des descriptions et des analyses faites par les enseignants combienles démarches, les attitudes qu’ils développent sont en rupture avec uneconception plus traditionnelle du métier : rupture par rapport au cloison-nement disciplinaire, rupture dans le regard porté sur l’élève en difficulté…Ces ruptures sont cependant au service des continuités à établir pour donnerà l’acte éducatif toute sa cohérence: continuité entre l’éducatif et le péda-

Apprendre sans violence

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12. Discours de Jack Lang à la Journée de travail du Comité national contre la violence àl’école, Collège de France, Paris, 20 juin 2001.

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gogique, continuité entre les cycles, continuité entre les savoirs. Mais enmême temps, et contrairement à des idées largement répandues, il existedans ces établissements une réflexion constante sur la transmission dessavoirs et sur la relation entre violence et apprentissage.Les textes présentés sont polysémiques ; pour en faciliter l’approche unparcours de lecture a été organisé. Pour cela des regroupements mais aussides sélections ont dû être effectués, certains aspects ont été mis en valeurau détriment d’autres, le souci constant a été non de réduire mais aucontraire de déployer la variété des contributions des équipes innovantes.

Introduction

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DONNER ENVIE D’APPRENDRE

Première partie

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Les échecs répétés exposent l’élève à subir tout au long de sa scolaritédes jugements négatifs portant atteinte au sentiment de sa propre valeur. Lesréponses à cette situation peuvent prendre la forme de retrait et d’indiffé-rence scolaire, ou provoquer agressivité et violence envers tout ce quireprésente, aux yeux de ces jeunes en difficulté, l’origine de leur échec(professeurs, adultes, parfois toute structure institutionnelle). Ceux-ci se sen-tent rejetés, méprisés par l’institution et par les adultes qui l’incarnent.Pour prévenir ce type de phénomènes, des équipes ont voulu reconstruireavec les élèves des parcours de formation crédibles pour eux et qui lesprennent en compte tels qu’ils sont. Dans ces parcours qui intègrent desdimensions essentielles telles que la parole, l’estime de soi et la relation àl’autre, on peut repérer deux orientations, l’une visant à redonner sens auxsavoirs scolaires, l’autre se proposant de développer les interactions entreenseignants et élèves et à l’intérieur du groupe-classe.La seconde orientation prend en compte le rôle important, voire prépon-dérant, des interactions dans le processus d’apprentissage. « Les échangeset les confrontations interindividuelles avec les pairs et avec les adultesautour des objets de savoir sont le lieu privilégié des apprentissages etmême la condition nécessaire pour les progrès individuels. Mais pourpermettre à chacun de se décentrer, de considérer d’autres points de vue etd’entrer dans de nouveaux schémas cognitifs, il est nécessaire que chacunse sente autorisé à manifester librement sa pensée13. » Ainsi sont décrits desmodalités favorisant l’expression des élèves sur leurs apprentissages, destemps de dialogue « ritualisés » entre une classe et un professeur, desateliers d’expression théâtrale mais aussi, dans une perspective construc-tiviste, une situation d’enseignement-apprentissage en mathématiques.L’accent est également mis sur la structuration du groupe-classe comme lieud’apprentissage collectif. Dans cette perspective, les différences ne sont plusperçues comme des obstacles mais comme des réalités dont il faut tenircompte pour organiser un environnement favorable à l’activité de chacunet à la coopération entre élèves. Le travail en groupe suscite alors lesentiment d’appartenance à une classe, à un établissement.Ces deux orientations ont une visée commune, réinstaller les élèves en dif-ficulté dans les logiques fondatrices de l’école: la transmission du savoir,la formation et l’insertion du jeune et du citoyen. En effet, pour certainsélèves en grande difficulté l’école a perdu cette fonction éducative, ellen’est plus alors qu’un lieu de relations et de confrontation entre jeunes oùla vie de la rue – et donc aussi sa violence – a parfois pris le pas sur sadimension éducative. Replacer les jeunes en difficulté dans cette confi-guration constitue pour les équipes un travail ardu.

Première partie – Donner envie d’apprendre

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13. Hugon Marie-Anne, « Recherche-action à l’école et accompagnement d’équipes inno-vantes : quelques points de convergence », in Pierre-Marie Mesnier et Philippe Missotte,Actualités et recherche action, L’Harmattan (à paraître en 2002).

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Rendre plus lisible le sens de l’école

Donner envie d’apprendre… vaste objectif. On lit souvent que, pourl’atteindre, il faut donner du sens aux savoirs, à l’école. Disons plus jus-tement qu’il faut mettre les enfants et les jeunes en situation de saisirpuis de s’approprier le sens de ce qu’on leur fait faire, de ce qu’on leurdemande et leur propose tout au long de leur scolarité. Car si ni l’orga-nisation, ni les programmes, ni la finalité de l’école ne sont arbitraires, ilsrestent opaques à de nombreux jeunes qui n’en appréhendent souventque l’apparence éclatée de multiples matières, d’exigences nombreusessans que soit clairement explicitée la raison de tout cela.

Qui nierait qu’à dix ou à quinze ans si l’on n’a pas déjà des références et desvaleurs communes similaires à celles que l’école véhicule, on ne comprendpas très bien ce que l’on vous veut, de cahier de textes en théorème deChasle, de complément d’objet second en tectonique des plaques? Si l’onajoute le fréquent décalage de lexique et de registres de langues hétéro-gènes, parfois presque irréconciliables, entre les enseignants et les jeunes,on peut apprécier le sentiment d’incompréhension, de non-sens qu’éprou-vent certains élèves. À cela quelques-uns opposent des comportementsgrossiers, parfois violents, plus souvent apathiques et démotivés.

Au travers d’approches interdisciplinaires on peut restituer une cohé-rence aux enseignements, permettre de comprendre, au-delà des détailsspécifiques à chaque discipline, une globalité de la connaissance et dessavoir-faire qui la mettent en œuvre. C’est ce qu’ont fait avec succès,les équipes des collèges Molière à Colmar, François-Truffaut à Strasbourgou François-Villon à Paris. On trouvera ci-après la relation des expé-riences qui y ont été conduites pour rendre l’école et ce qu’elle enseigne,interprétables par des collégiens.

En outre, si l’on englobe les goûts et les intérêts des élèves dans ladémarche pédagogique on peut déterminer une stratégie efficace de moti-vation, comme en témoigne l’équipe du collège Anatole-France deBéthoncourt, rendant ainsi les jeunes plus aptes à élaborer leur projetpersonnel. Au collège Henri-Matisse de Choisy-le-Roi, c’est explicite-ment que les enseignants ont eu pour objectif de redonner à l’école laïquesa place, d’expliciter son but afin que les collégiens confèrent toute sasignification au mot citoyen. Pour tenir compte des formes d’acquisitionde la culture qui existent en dehors de l’école, le lycée Feyder d’Épinay-sur-Seine a proposé à ses élèves un questionnaire sur leurs centres d’in-térêts et utilisé les résultats pour organiser une action interdisciplinairesur la tolérance et l’intolérance. Cela les a conduits aussi bien à des étudesfilmiques approfondies qu’à l’étude du Califat de Cordoue ou à l’ana-lyse de toiles de Goya, Picasso ou Dalí. Les activités tendaient à mener lesélèves « à produire des analyses (productions écrites et orales) en confron-tant des idées et en mobilisant des connaissances personnelles ».

Apprendre sans violence

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À Roubaix, au lycée général et technologique Jean-Moulin les élèvesarrivant en seconde doivent tous réaliser dans l’année un mémoire surun thème qu’ils choisissent et qui deviendra une ressource documentairepour le Centre de documentation et d’information.

Le rapprochement de l’école et de l’entreprise a permis au collège LaReynerie de Toulouse non seulement de mettre en œuvre les apprentis-sages scolaires, mais aussi d’apprendre à se connaître aux deux mondesse défiant l’un de l’autre dans ce quartier sensible, de faire un sort à leursa priori réciproques. L’alternance aux collèges Louis-Pasteur de Sermaize-les-Bains et Trois-Fontaines à Reims a été l’occasion à la fois d’enrayerl’abandon scolaire et de réconcilier les élèves avec l’école par la mise enapplication en entreprise de savoirs concrets liés aux enseignements plusthéoriques de l’école. Grâce à ces allers et retours, les apprentissages encours sont devenus plus intelligibles pour les jeunes.

Travail interdisciplinaire au CDI

Collège Molière, ColmarAcadémie de Strasbourg

L’hétérogénéité des élèves de ce collège, classé en zone d’éducationprioritaire, a conduit l’équipe éducative à prévenir la violence en remo-tivant les élèves pour les apprentissages. Des thèmes de recherche surdes sujets variés sont étudiés en interdisciplinarité en liaison étroiteavec le centre de documentation et d’information. Chaque projet donnelieu à une production concrète : exposition, exposés, vidéos… Dansles ateliers de recherche, les modalités de travail mises en place favo-risent des relations de collaboration entre élèves et professeurs.

La grande hétérogénéité de la population scolarisée au collège est diffi-cile à gérer pour les enseignants, car elle peut être une source de frustrationpour les meilleurs élèves tout en risquant de laisser pour compte les élé-ments les plus faibles de la classe. Ceux-ci, perdant pied, essayent alorsd’exister autrement, en perturbant les cours par exemple. Pour résoudrece problème, plusieurs approches pédagogiques ont été tentées, avec desrésultats variables.

C’est ainsi qu’a été mis en œuvre un travail de recherche documentaireassociant enseignants et documentalistes. Dans un premier temps, seulsles professeurs de lettres et d’histoire-géographie ont été concernés ;dans un deuxième temps, en visant les mêmes objectifs mais avec desmodalités différentes, ce type de pédagogie s’est étendu aux disciplinesscientifiques. L’action se déroule selon le schéma suivant : un temps deconcertation entre les partenaires permet de choisir le thème, de fixerles objectifs et les modalités. Puis, le thème est présenté à l’ensemblede la classe pendant environ une à deux heures afin de sensibiliser lesélèves. Un travail collectif de questionnement du thème est ensuite

Première partie – Donner envie d’apprendre

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effectué, grâce à un brainstorming ou à une autre technique d’anima-tion de groupe. Les sujets ainsi élaborés sont organisés en sous-thèmesqui seront traités par des équipes de deux à quatre élèves. Un plan d’étudecollectif est alors mis en place en équipe.

Les groupes choisissent ensuite un mode de restitution (dossier, panneaux,vidéo). Les professeurs et les élèves établissent en commun les critèresd’évaluation. Puis l’on procède à la recherche et à la sélection des documents,afin d’extraire et de collecter l’information qui alimentera le dossier. Leplan d’étude devient alors définitif ou peut être affiné ou modifié. Danscette étape, chaque élève réalise un travail individuel qui, dans la phase derestitution, constituera une partie d’un travail collectif. Les thèmes derecherche retenus ont abouti à des productions concrètes interdisciplinairesconsacrées, entre autres, au monde musulman, aux pays d’Europe, auxmatériaux, aux plantes, à l’énergie, etc.

Une évaluation formative est conduite tout au long de la recherche etconcerne plus particulièrement les acquis méthodologiques liés aux compé-tences en documentation. Une évaluation sommative est pratiquée enfrançais pour l’expression écrite et l’exposé oral, en histoire-géographiepour le contenu disciplinaire sous forme de contrôle de connaissancesclassique, une synthèse est ensuite réalisée par le professeur à partir de larecherche. Chaque élève est également évalué par ses pairs lors de saprestation orale, à partir d’une grille d’évaluation adaptée à cet exercice.

Apprentissage et coopération pour que la violence recule

Une telle pratique pédagogique paraît avoir sa place dans le cadre d’un planvisant à faire régresser la violence. Grâce à ce dispositif, chaque élève,même en difficulté, est capable de réaliser une production qui permetl’acquisition de connaissances dans de bonnes conditions. L’appropriationde méthodes de travail est organisée à la fois comme situation de construc-tion du savoir à partir de l’état réel des connaissances des élèves, et commesituation d’acquisition de savoir-faire à partir de connaissances procédu-rales effectivement mises en application. L’observation des élèves prouveque souvent des jeunes, démotivés et perturbateurs en classe, sont capablesde s’investir très sérieusement dans ce type de travail et de fournir uneproduction de qualité.

Les rapports entre les élèves eux-mêmes sont fondés sur les échanges, surles négociations et, d’une manière générale, sur une organisation du tra-vail faisant davantage appel à la collaboration qu’à la concurrence. Ce typede démarche constitue en soi une forme de prévention de la violencepar la priorité accordée à une émulation coopérative sur l’esprit de compé-tition sauvage trop souvent magnifié actuellement.

Ainsi l’action vise-t-elle à développer le sens de la responsabilité, lasocialisation, la créativité et l’esprit critique en favorisant l’acquisition deconnaissances disciplinaires et de méthodes de travail transférables. Ellesuscite chez les élèves motivation et enthousiasme. En même temps, lesrapports élèves/adultes sont modifiés dans la mesure où l’élève acteurs’approprie un savoir par une démarche personnelle, l’adulte occupantalors une situation de médiateur.

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Partenariat et conception globale de l’apprentissage

Ce qui est privilégié dans ce type d’actions, c’est le partenariat interne,même si des partenaires tels que des organismes extérieurs sont sollici-tés pour les sorties scientifiques. Le partenariat interne concerne lesenseignants et la documentaliste ; leurs interventions se font en fonctionde leurs identités professionnelles et sont complémentaires. L’intérêt dece partenariat interne est de favoriser le développement de pratiques sco-laires et culturelles sous-tendues par une conception globale des appren-tissages de l’élève. Pour mener à bien ce projet, une grande concertationdes enseignants avec la documentaliste s’avère nécessaire. Des aména-gements d’emplois du temps ont dû être mis en place sous formed’épargne horaire (capitalisation d’une heure/semaine sur une demi-journée), de mise en place de « pavés interdisciplinaires » (une heured’histoire-géographie suivie d’une heure de français, par exemple). Untel travail n’a pu se faire qu’avec l’adhésion et une formation minimaledes équipes pédagogiques impliquées (une douzaine de professeurs) quise font dans le cadre d’un groupe « recherche formation ».

L’obstacle majeur soulevé par les enseignants qui hésitent à s’inscrire dansune telle démarche est celui du temps. Consacrer quinze heures de sonenseignement pour traiter un sujet de recherche fait peur à ceux qui sont« hantés » par les programmes à boucler. Cela nécessite aussi de la partdes enseignants de la rigueur et beaucoup d’investissement personnel.

Remédiation par l’image

Collège François-Truffaut, StrasbourgAcadémie de Strasbourg

Au collège François-Truffaut situé en zone d’éducation prioritaire etconfronté à des faits de violence graves (dégradations en tout genre,agressions verbales et physiques, voitures de professeurs incendiées),l’équipe a choisi de motiver et valoriser les élèves à partir d’une actionpluridisciplinaire d’étude de l’image. Dans le cadre de cette action,des ateliers de remédiation sont proposés aux élèves pour les aider à sur-monter leurs difficultés. Ils retrouvent le plaisir d’apprendre et devien-nent plus attentifs et plus concentrés dans les cours.

Au départ, il s’agissait de conduire des activités diverses dans plusieursdisciplines pour aboutir à un certain nombre de réalisations concernant lapersonnalité et l’œuvre de François Truffaut (exposition, textes, vidéo-grammes). Ces travaux étaient destinés à alimenter un échange avecd’autres collèges François-Truffaut de France et à mieux faire connaîtrel’établissement dans le quartier. La projection d’un film en plein air dansla cité devait conclure cette action. Au total, huit classes ont participé à ceprojet, parfois dans plusieurs disciplines, ainsi que les élèves de l’atelieraudiovisuel.

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Le projet François Truffaut, De l’enfance difficile à la maturité chaleu-reuse, s’est finalement articulé autour de quatre objectifs essentiels. Lepremier était de construire ou reconstruire l’identité du collège et decontribuer ainsi à la cohésion de la communauté scolaire. Pour cela, il étaitproposé aux élèves de travailler sur la personnalité et l’œuvre de FrançoisTruffaut pour découvrir les valeurs que véhiculent ses films, dont certainesont présidé à la dénomination du collège : l’attention portée à l’enfance,l’appétit de culture (qu’il s’agisse de cinéma ou de lecture), son enga-gement passionné dans le cinéma.En second lieu, il s’agissait d’initier les élèves au langage audiovisuel enrelation avec d’autres formes d’expression, en créant des occasions defilmer, de parler, d’écrire, de chanter et de jouer à propos de FrançoisTruffaut et de ses films.Il convenait aussi de s’ouvrir vers l’extérieur en établissant des relations,par l’intermédiaire de l’écrit, de l’oral, de l’image et de l’informatique,tant avec le quartier et ses associations qu’avec une personne prochedu réalisateur (son ex-épouse, Mme Morgenstern) que d’autres collègesFrançois-Truffaut.Le quatrième objectif était d’aboutir à des réalisations susceptibles dedonner une image positive de l’établissement et de rendre les élèves fiersd’en faire partie. Parmi ces réalisations étaient notamment envisagés desvidéogrammes et une exposition. Cette action a été inscrite dans le pro-jet d’établissement.

Une œuvre à soiParallèlement à ce projet d’ensemble, un atelier de remédiation parl’image a été mis en place dans l’établissement et piloté par quatre ensei-gnants. Les visées de cette structure de remédiation ont pour objet deréconcilier les élèves avec l’école en faisant en sorte de dépasser leurs réti-cences, de lutter contre l’absentéisme ponctuel ou chronique et la passivité,enfin de susciter l’intérêt en retrouvant le plaisir d’apprendre et de réus-sir à l’école. Pour rétablir la relation élève/professeur, il s’est avérénécessaire de reconstruire le lien adolescent/adulte en favorisant l’écouteet le questionnement réciproques (échanges entre générations). La stra-tégie devait aussi permettre de valoriser les enfants en difficulté en leurredonnant une image positive d’eux-mêmes, en changeant le regard queles autres portent sur eux.Les quatre professeurs impliqués dans cette partie du projet ont travaillésur différentes formes d’image, à raison d’une séquence par semaine,avec des petits groupes de deux à cinq élèves, suivant un axe, desdémarches et des objectifs communs. Ces ateliers concernaient les classesde sixième et quatrième.En arts plastiques, le travail a été réalisé à partir d’analyse de portraits,pour former à la structuration de l’image : notions de tracé régulateur,géométrisation, relation figure/fond, relation forme/sens.Le partenariat avec le professeur de mathématiques s’est constitué autourde l’analyse et de la fabrication de figures géométriques, de volumes,grâce notamment à l’utilisation des ouvrages de la série Géométrie pour

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le plaisir 14 ; chaque élève a pu réaliser sa propre « œuvre d’art ». Ainsil’élève redécouvre-t-il les mathématiques et mémorise-t-il les techniques(tracé de droites particulières, cercles, triangles) par le jeu et la réalisa-tion d’objet dont il est légitimement fier !Dans l’atelier publicité, le travail a été réalisé en français puis en anglaissur le langage de l’image à travers la publicité (images fixes et spots) : lesélèves ont d’abord classé et archivé des publicités prises dans des jour-naux, ils ont appris à lire et analyser l’image publicitaire, ils ont ensuiteproduit des messages en réutilisant les règles découvertes.En français, les efforts ont porté sur l’analyse filmique de courtesséquences, de courts extraits du film Willow. Les élèves ont pu découvrirle vocabulaire spécifique et les notions techniques : échelle des plans,positions, mouvements de caméra et raccords.

La démarche suscite la curiosité

Dans ces petits groupes, les élèves sont placés en situation d’observationet de recherche au cours de laquelle on conduit une analyse active del’image à partir d’une grille de questionnement : qu’est-ce que l’on memontre ? pourquoi ? comment ? qu’est-ce que l’on ne me montre pas ?pourquoi? Les élèves doivent donc émettre des hypothèses sur la fonctionde l’image et ses caractéristiques. Il s’agit d’une démarche de type induc-tif : ce qui est utilisé dans l’image, c’est sa capacité à suggérer des réac-tions, des réponses. L’image donne l’impression à l’élève qu’elle apportedes réponses à ses questions parce qu’il croit comprendre, il se sent en ter-rain familier et n’est donc plus sur la défensive. Il se sent sur un piedd’égalité avec l’adulte. À partir du moment où, au départ, il n’est pasrebuté, on peut envisager un travail auquel il collabore sur le sens et lesmécanismes de l’image : la composition, la relation des éléments entreeux, l’utilisation des couleurs ainsi que la question du point de vue.Dans ces ateliers, nous utilisons la motivation des enfants pour l’image etla forte dimension affective qui s’y rattache. En effet, nos élèves de ZEP nesont pas des lecteurs de textes mais des consommateurs non avertis et assi-dus d’images et de symboles: vidéo, TV, jeux vidéo, magazines illustrés pouradolescentes, mangas pour adolescents, logos (la « virgule », le « crocodile »,les « trois bandes »). De plus, l’image suscite une moindre résistance que letexte: elle est plus attrayante, ne renvoie pas à la notion d’effort a priori etne met pas l’élève face à ses difficultés scolaires (difficultés en lecture,dyslexie, difficulté de prononciation). Pour un élève, l’image n’est passynonyme d’aridité, elle est plus ludique alors que l’approche du texte écritnécessite des prérequis scolaires non acquis par bon nombre d’entre euxcomme le révèlent les tests d’évaluation en sixième.Ce travail était à l’origine prévu pour des élèves volontaires; or, les élèvesen difficulté ont rarement envie de s’inscrire à des cours supplémentaires.En revanche, au bout de quelques séquences, ils se prennent au jeu et inci-tent leurs « copains » à participer. Le danger est que les élèves découvrentle « confort » du travail en groupes restreints que l’on ne peut offrir à tous.

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14. Denière Jocelyne, La Géométrie pour le plaisir, Dunkerque, J. et L. Denière, 1994-1999,(4 volumes).

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Des objectifs d’apprentissage précis

Chacun des quatre membres de l’équipe (professeurs de français, mathé-matiques, anglais et arts plastiques) s’est fixé comme objectif d’amenerles élèves à comprendre que le langage, pour être efficace et intéressant,doit s’articuler autour de règles précises. Cette prise de conscience viseà permettre aux jeunes de s’approprier certaines de ces règles, de lesréinvestir pour mieux maîtriser l’expression, la capacité à communiqueret la relation aux autres.

Au plan de l’acquisition des savoirs, l’oral a été privilégié afin d’inciterles élèves à exprimer leurs difficultés, à reformuler clairement ce qu’ilsont appris en utilisant le vocabulaire approprié et la syntaxe. C’est encoreles faire témoigner, le plus possible verbalement, de l’organisation etdu cheminement de leur pensée.

La démarche proposée aux élèves passe également par l’imprégnationd’une culture, en apprenant à en connaître les mythes fondateurs, enmontrant la relation entre une société et ses langages (langue, écrits,images, musiques), en mettant en évidence les constantes culturelles quifédèrent les groupes et les sociétés. La découverte et le travail sur l’imageont favorisé la prise de conscience par les jeunes de son immédiateté etde sa force d’impact. L’analyse ainsi effectuée leur a permis de passerd’une perception globale de l’image à une analyse de ses constituantset de ses structures, d’une réception passive à une lecture active, parl’apprentissage du décryptage et une approche méthodique. Cette stratégievise à la formation du sens critique pour inciter l’élève à aller au-delà du« j’aime, j’aime pas ».

Évaluation prévue et réalisée

Nous avions prévu d’évaluer les changements de comportement des élèvesen fonction des critères suivants: assiduité, relation élève/professeur, rela-tion avec soi-même, avec les autres et degré d’intégration dans la classe.En fonction de ces critères, on a pu observer des réussites intéressantes :les élèves ne « dorment » plus sur leur table, ils se sentent concernés,deviennent actifs, capables d’attention et sont désireux de réussir car ilsont retrouvé confiance dans leurs compétences et espèrent réussir.

Ainsi, un élève très dyslexique, en grande difficulté, se désintéressait dutravail scolaire, avait des problèmes d’attention, de concentration, demémorisation, somnolait au fond de la classe ou s’agitait, n’était pascapable d’un travail méthodique. Après son passage dans le groupeRemédiation-Image, il a découvert qu’il pouvait réussir quelque chose enclasse, qu’on l’écoutait, qu’il pouvait être aussi pertinent que ses cama-rades. Il a repris goût au travail de lecture de textes (même à haute voixet malgré ses difficultés) et a même été chargé d’un rôle dans le spectaclede marionnettes de la classe. Il est devenu actif en cours de français.

Les progrès des élèves sont évalués par le groupe-classe lors de la présen-tation des travaux réalisés en arts plastiques, en mathématiques, en ate-lier publicité : expositions de travaux, expositions de fresques (frises,volumes…), panneaux publicitaires. En français, chaque élève restitue

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devant la classe l’analyse faite en groupe. Il prend en charge le travaild’analyse filmique sur l’extrait préparé. Il assure l’aspect technique (manie-ment de la télécommande pour visionner les plans et faire les arrêts surimage) ainsi que les commentaires. L’élève est placé dans la position du pro-fesseur, donc valorisé. Ne sont évaluées que les compétences dévelop-pées lors des séquences en groupes. Les membres de l’équipe ont dûmodifier leur démarche pédagogique, quitter leur champ disciplinaire pourélaborer une démarche commune en partant des difficultés d’apprentis-sage des élèves. On a été amené à s’interroger sur ce que l’école oublie deprendre en compte dans les évaluations disciplinaires traditionnelles.

L’équipe n’a pas eu assez de temps pour élaborer un référentiel global ouune évaluation sommative. Il serait judicieux cependant de prendre encompte l’investissement des élèves en difficulté, leur capacité à travailleren équipe, voire à animer eux-mêmes un groupe de travail.

Parcours diversifiés interdisciplinaires

Collège François-Villon, Paris XIVe

Académie de Paris

Ce collège est situé en zone sensible ; problèmes de discipline, d’aso-cialité et manque de motivation se posent de façon parfois doulou-reuse pour la collectivité. Dans cet environnement, la mise en œuvre deparcours diversifiés a semblé une approche intéressante pour remoti-ver les élèves. Les projets mettent tous l’accent sur une façon autre detravailler, sur un lien différent avec les disciplines traditionnelles, surla pluri ou transdisciplinarité.

Dans le cadre de la rénovation des collèges, deux heures hebdomadairesont été attribuées dans l’emploi du temps des élèves de cinquième à unepédagogie du projet sous la forme de parcours diversifiés/ateliers. Lesélèves ont eu librement le choix entre huit projets. Les ateliers fonc-tionnent le jeudi après-midi, toutes classes confondues. Les professeursenseignent en parcours diversifié dans le cadre de leur service, en équipesformées de volontaires.

Après débats entre les membres de la communauté éducative, deux cri-tères essentiels ont finalement été retenus pour une mise en œuvre. Ilétait important de faire en sorte que tous les élèves puissent s’inscriredans un parcours diversifié afin d’éviter d’éventuels effets « d’étique-tage » négatif ou positif de l’action. De plus, d’un commun accord,l’équipe a affirmé son refus de voir les parcours diversifiés dériver versdes structures de type classes à profil.

Voici quatre exemples de mise en œuvre transversale des disciplines :– Le parcours Plongée a pour but de former les élèves au Brevet élémen-taire de plongée, en travaillant conjointement technologie, sciences de lavie et de la terre (SVT), physique et éducation physique et sportive (EPS).

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Différents thèmes y sont abordés tels, le matériel, la respiration, la pression,les mouvements.– Le parcours Technologies nouvelles où il s’agit d’une étude compa-rée du patrimoine parisien et londonien grâce à Internet et à des visitesde terrain. Les élèves y travaillent l’histoire, la géographie, l’anglais etla musique de façon transdisciplinaire.– Le parcours intitulé Connaître son milieu privilégie les approches enSVT, géographie et EPS. Il s’agit, par exemple, de déterminer, un pro-gramme de course en EPS en analysant un terrain et, pour ce faire, d’uti-liser les compétences conjointes du géographe et du biologiste.– Le parcours François Villon et son temps a eu pour but de rédiger, demettre en forme et de vendre un ouvrage de documentation historique. Letravail y est transdisciplinaire en histoire et en lettres, mais également engestion/action commerciale.

Richesse de l’interdisciplinarité

Cette interdisciplinarité semble particulièrement bénéfique à tous et ce,à plusieurs titres.

Les élèves apprécient beaucoup de voir plusieurs enseignants de disci-plines différentes travailler ensemble. Ils l’ont très largement exprimé lorsd’un sondage de bilan. Ainsi, lors du voyage à Londres organisé dans lecadre du parcours Technologies nouvelles, les élèves ont été enthousiasméspar l’idée de pouvoir faire de l’histoire en anglais et de l’anglais en histoire,avec les enseignants des deux disciplines présents à leurs côtés.

Les jeunes comprennent l’enjeu pédagogique de cette interdisciplinarité,d’abord intuitivement, puis de façon plus claire. Dans le parcours Connaîtreson milieu, ils ont rapidement compris, au fil des questions, qu’il s’agissaitd’utiliser tout autant les outils géographiques que les outils de SVT et quela réunion des deux disciplines permettait une analyse cohérente du terrain.Dans le parcours Plongée, il est manifeste que les élèves prennent un grandplaisir à expliquer à quelqu’un de l’extérieur le lien entre tous les savoirset savoir-faire accumulés dans leur classeur.

Les enseignants sont heureux de partager leur champ disciplinaire, deprendre des risques : s’il faut choisir entre la Ballade des Pendus ou laBallade des Dames du temps jadis dans la publication sur Villon, quel estle meilleur argument de vente? Le professeur d’histoire ne s’était jamaisposé pareille question. Pour lui, situer le cadre chronologique semblel’aspect essentiel d’un ouvrage, mais il n’est pas évident que ce soit lemeilleur argument commercial pour sa vente… À l’inverse, lorsque desconflits éclatent entre collègues, (ce fut le cas entre deux enseignants,sur la façon de gérer des élèves en grande difficulté dans un projet théâtre)le travail d’équipe peut devenir un véritable cauchemar…

Évolutions à l’intérieur de l’établissement

Le changement attendu concernait essentiellement le comportement desélèves au sein de l’établissement. Mais, au fil des débats a émergé l’idéeque ces parcours diversifiés permettaient aussi aux enseignants, un peu

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las de ce collège en zone sensible, de retrouver le goût de leur métier.Cependant, le regard des collègues ne participant pas aux parcours diver-sifiés s’est fait parfois pesant. Il a fallu se justifier, essayer de commu-niquer. Convaincre une collectivité adulte un peu frileuse face auxinnovations est devenu un enjeu important. Il est alors apparu néces-saire de mener une réflexion sur l’évaluation dans le cadre de ces ensei-gnements ainsi que sur les possibilités de mettre en cohérence les parcoursdiversifiés et les programmes de l’enseignement traditionnel.

Un journal pour le collège

Collège Anatole-France, BéthoncourtAcadémie de Besançon

Pour redonner confiance aux élèves de ce collège de ZEP, un journal ducollège est entièrement conçu et réalisé par les cinquièmes et quatrièmes« d’aide et de soutien ». Le travail est conduit dans des ateliers théma-tiques spécifiques animés par des enseignants volontaires et des inter-venants professionnels extérieurs. L’organisation permet aux jeunes dechoisir leurs activités. Les élèves en difficulté font de réels progrès enexpression et retrouvent une image positive d’eux-mêmes.

Les comportements symptomatiques de refus de l’école apparaissent encinquième, ils se manifestent par un absentéisme plus marqué qu’en sixièmeet des problèmes de motivation. Nous avons aussi constaté un décalageentre les exigences de la scolarité et le degré élevé d’autonomie de certainsdans leur vie personnelle. Enfin, la cinquième, première année du cyclecentral du collège, doit prendre en compte l’objectif de la classe de qua-trième: préparer les élèves à l’élaboration de leur projet personnel. Quelquechose se joue donc là, qui a incité l’équipe pédagogique à concevoir une nou-velle formule de remédiation: élaborer un journal en veillant à la prise encharge par les élèves de toutes les étapes de sa réalisation. Ils travaillenten interdisciplinarité dans douze ateliers thématiques, ainsi qu’en infor-matique, pour créer un objet socialement utile et reconnu: un journal.

Ce projet fait partie des actions engagées pour redynamiser l’établis-sement. En effet, est apparue la nécessité de renforcer, de renouveler, aumoins partiellement, les dispositifs de gestion de l’hétérogénéité dans uneperspective d’aide au public scolaire en échec au moins partiel. C’estpourquoi nous avons retenu trois objectifs qui nous paraissent essen-tiels : en premier lieu, changer le regard porté par l’élève sur sa scolaritéen proposant une production socialement utile ; deuxièmement, remédieraux difficultés qui subsistent après la sixième en plaçant différentesmatières au service de la réalisation du journal. Enfin, il est primordialde prévenir la démotivation des élèves plus faibles en leur donnantl’occasion de jouer un rôle valorisant dans le projet. Ainsi, l’accent a étémis sur l’expression personnelle pour contrebalancer les contraintes,

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liées à la mise en application dans l’établissement d’un code du collé-gien qui précise leurs devoirs. L’action a aussi porté fortement sur ledéveloppement de leurs compétences de lecture et d’écriture par desactivités au service d’une production concrète et utile. En même temps,il nous est apparu que développer la confiance en soi des élèves, ens’appuyant sur leurs domaines de réussite et en leur faisant tester leurscompétences hors de la classe (communication avec d’autres, inter-view, rencontres avec des professionnels…) est une stratégie efficace demotivation. Enfin, nous avons souhaité initier tous les élèves de cin-quième à l’utilisation d’outils informatiques : scanner, logiciels (traite-ment de texte, publication assistée par ordinateur).

Le projet journal répond à notre volonté d’améliorer l’atmosphère géné-rale et l’ambiance de travail dans l’établissement. Il participe aussi ànotre volonté de renforcer nos liens avec les parents, la cité, les entreprises.Il témoigne, en outre, de notre volonté de mieux intégrer au sein du col-lège les élèves bénéficiaires d’un enseignement spécifique en Sectiond’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Enfin, il entredans le cadre de notre projet informatique, grâce à l’utilisation d’unesalle récemment aménagée.

Le projet tel qu’il est présenté ici résulte d’un travail d’équipe ; il a étéélaboré en concertation avec une quinzaine d’enseignants motivés,l’équipe de direction et l’infirmière. L’année a été divisée en troispériodes correspondant chacune à un trimestre et à la publication d’unnuméro du journal.

L’emploi du temps de tous les élèves de cinquième et des professeursimpliqués dans l’action ménage une heure Projet journal, le lundi de 11h à 12 h. Ainsi, peuvent être constitués pour des périodes données desgroupes temporaires, rassemblant en atelier des élèves de classes diffé-rentes avec des professeurs différents. Ce dispositif assouplit les rythmesscolaires, les mêmes élèves participant à des ateliers différents dans le cou-rant de l’année. Le choix de l’atelier est laissé à l’élève. Le dispositifest, bien entendu, évolutif, selon les besoins de la publication et chaqueenseignant de cinquième, dans le cadre de son cours, est libre de tra-vailler pour le journal.

Une heure par semaine en demi-groupes, sous la conduite d’un profes-seur de technologie, les élèves sont initiés à l’utilisation des techniquesinformatiques, la saisie des textes et la mise en pages étant effectuéespendant l’heure informatique inscrite à l’emploi du temps des élèves decinquième.

Les élèves ont pu produire trois numéros par an d’un journal de quinzeà vingt pages en changeant d’atelier à chaque numéro. Ils s’y inscri-vaient avant le début du travail sur un numéro en exprimant quatre vœuxpar ordre de préférence. Les ateliers étaient constitués de groupe d’unedizaine d’élèves de cinquième (y compris en Section d’enseignementgénéral et professionnel adapté, SEGPA) et quatrième d’Aide et de sou-tien. Des bilans étaient faits à la fin de chaque numéro et des réajustementseffectués ; ainsi les élèves en difficulté ont été systématiquement orien-tés vers un atelier d’écriture au troisième trimestre.

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Des évolutions observables

Avec l’action Un Journal pour le Collège, les enseignants innovent dansleur façon d’aborder la remédiation : il ne s’agit pas de soutien, mais deréaliser un journal et les élèves sont motivés par l’écriture d’un article, ilsont envie que d’autres le lisent.

L’élève en difficulté ne sait pas bien à quoi correspondent ses notes. Sielles ne sont pas bonnes, il en déduit qu’il est incapable et il se résigneou bien fuit sa scolarité. Il se trouve à ce moment-là dans l’incapacitéde faire un choix d’orientation. Il perçoit l’enseignement traditionnelcomme entièrement déterminé par le professeur. Il pense qu’il n’a rien àdire, baisse les bras ou proteste. Pour lutter davantage encore contre cesentiment d’incompétence, l’animateur de l’atelier n’agit pas comme encours avec ces élèves-là (et ne les note pas). Les adolescents réunis dansun atelier ne viennent pas de la même classe et le travail est en partiecollectif. Afin de donner du sens aux tâches scolaires, les productionsdes élèves sont destinées à des lecteurs extérieurs au collège et des jour-nalistes les initient aux exigences professionnelles d’une publication, cequi favorise des apprentissages qui n’auraient pu avoir lieu en restantdans le cadre du cours.

Un nombre important d’élèves (40 %) a utilisé les ressources documen-taires du Centre de documentation et d’information, donc plus fré-quemment que pour les cours habituels. Ils ont été confrontés au problèmedélicat du traitement des informations collectées, comme ceux dont lematériau était constitué d’interviews enregistrées.

Ils ont écrit des articles de plus en plus longs et certains sont plus com-préhensibles que les productions habituelles en classe. L’effectif desgroupes, inférieur à dix, a permis une aide à l’écriture personnalisée. Enlecture, certains se sont montrés capables de lire un livre entier pour la pre-mière fois (20 %). L’effectif réduit a là aussi permis de guider chacun dansle choix d’un livre et de le soutenir dans ses moments de décourage-ment en cours de lecture.

Mais c’est du côté des plus en difficulté qu’il est intéressant de repérer leschangements : ils ont quitté leur habituel rôle négatif en se trouvant cou-pés de leur public familier (brassage des classes). Le faible effectif desgroupes leur a permis de s’exprimer et à l’adulte d’être à l’écoute desplus faibles. Certains élèves de SEGPA ont révélé de grandes qualités dansle cadre d’un travail qui les a stimulés. Nous avons envisagé la créationd’une rubrique dans le bulletin trimestriel pour valoriser les réussites.Les travaux proposés font souvent appel à l’imagination ce qui n’est passouvent le cas en cours. Le climat de confiance qui s’installe dans unpetit groupe permet aux plus timides de se révéler.

Le changement de groupe, trois fois dans l’année, amène les élèves àtravailler avec d’autres que leurs camarades de classe et avec d’autresadultes que leurs professeurs habituels. Le travail de chacun est publié,donc reconnu. Plusieurs ateliers sont l’occasion de démarches hors del’atelier ou du collège. Les dialogues et échanges avec les jeunes ont étéutiles à la prévention de la violence. Certains problèmes internes à la

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vie de l’établissement ont pu être abordés, et notamment le Code ducollégien institué à la rentrée.Ce bilan positif doit cependant être nuancé. Les adolescents ont, dansl’ensemble, eu du mal à tenir compte du point de vue d’autrui : c’estsans doute une compétence à développer. Ils ont connu des difficultés àpasser de l’oral à l’écrit, un contexte de travail plus motivant ne semblepas déterminant pour réduire les difficultés d’écriture. Ils n’ont produitque peu d’articles d’expression personnelle: mis à part le premier numéroqui contenait des articles critiques sur la mise en place récente du Codedu collégien, ils utilisent très peu leur droit à l’expression alors qu’ilsdisposent de la même liberté que des journalistes. Est-ce de l’autocensure?Dans l’établissement, l’action a permis de faire se rencontrer des élèvesdu collège et ceux de la SEGPA, améliorant ainsi la tolérance.

Des points d’appui pour l’actionParmi les apports utiles au développement de l’action, les interventionsde journalistes de la presse régionale et locale ont été appréciées dansles ateliers de mise en page, au comité de rédaction et pour les repor-tages. Ces interventions ont eu le mérite de rattacher notre projet à unepratique réelle.Les enseignants ont aussi suivi des formations: un stage animé par un for-mateur du Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’infor-mation 15 (CLEMI) leur a fourni les informations nécessaires à laréalisation du journal et une initiation à l’utilisation de l’informatique.

De l’esprit sportif à la rigueur intellectuelle

Collège Henri-Matisse, Choisy-le-RoiAcadémie de Créteil

Confrontée à une poussée d’événements violents, l’équipe éducativedu collège, situé en ZEP, a choisi de réagir en éduquant les élèves à lacitoyenneté par le développement de l’esprit sportif. À l’occasion dela Coupe du monde de football, l’établissement s’est mobilisé en orga-nisant rencontres et débats avec des intervenants extérieurs. Ils ontéveillé la curiosité intellectuelle des élèves pour les savoirs associés àce sport. Les enseignants ont saisi cette opportunité et, pour susciter l’in-térêt des jeunes pour le savoir, ont opté pour une approche interdisci-plinaire. Un nouveau rapport à la connaissance s’est ainsi instauré ; ilconstitue à l’évidence un rempart contre les faits de violence.

L’exclusion d’un élève par le conseil de discipline pour des motifsparticulièrement graves et concordants a déclenché un mouvementcollectif de révolte dans le collège: refus de regagner les classes, menaces

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15. Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information, 391 bis, rue deVaugirard, 75015 Paris – www.clemi.org.

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verbales et physiques, bris de vitres, coups portés aux adultes. Il a bienfallu entendre cette explosion de violence comme l’expression paroxys-tique d’un malaise latent. En effet, le rapport enseignants/élèves ne pou-vait s’établir que sur un mode conflictuel, ouvert ou larvé, décliné surle mode de l’agressivité ou du refus (refus d’attention en cours, refusdu silence, refus de la politesse, refus du travail). Ces événements ont pro-fondément déstabilisé la communauté éducative qui a réagi en organisantl’année suivante au Centre de documentation et d’information une expo-sition sur L’École, de Jules Ferry à nos jours.

L’ensemble des enseignants s’est senti très concerné et les classes ducollège ont visité l’exposition, commentée par la documentaliste. Lesécoles primaires du secteur se sont particulièrement investies en prêtantde nombreux objets et documents. La découverte immédiate des valeurstransmises par l’école d’autrefois (livre de morale, leçons de morale,attention portée au soin, note de soin sur chaque cahier, etc.) a incité lesprofesseurs à conduire plus avant leur réflexion sur la perte des repèreset l’affaiblissement des valeurs de l’école.

Face à ce constat, leur objectif était clair : redonner sens à l’école laïque,rappeler sa place et son but et faire en sorte que le mot citoyen ait une véri-table signification pour les élèves. Restait à susciter l’adhésion des élèvesde troisième dont la classe a servi de support au projet. On ne pouvaitmieux les convaincre qu’en partant de leur vécu quotidien. Le goût desjeunes pour le sport est connu, tout comme l’admiration qu’ils vouent auxsportifs de haut niveau.

La publication d’un livre de Joël Quiniou, arbitre international unani-mement reconnu et la présence de son frère au collège où il enseigneles mathématiques constituaient une formidable opportunité ; le choixde l’équipe éducative s’est donc fixé sur le football. L’organisation de laCoupe du monde de football en 1998 a donné sa pleine mesure à cechoix. Différentes actions, comme le Challenge du fair play et la for-mation des délégués ont élargi le projet. Une Charte du futur jeunecitoyen a été élaborée. Des élèves d’une quatrième et de l’ensemble dessixièmes ont rédigé une Charte de bonne conduite qui a été lue le jour dumatch d’ouverture, le 10 juin 1998 par une élève du collège.

Horizons nouveaux

La logique interne du projet s’est déclinée au long d’une succession devisites, de sorties, d’entretiens qui ont mené les élèves d’un débat avecJoël Quiniou à un entretien avec Lucien Sève, philosophe et membre duComité national d’éthique, en passant par une rencontre, au collège puisdans le cadre même de l’Assemblée nationale, avec deux députés duVal-de-Marne, de formations politiques différentes.

L’éthique de l’arbitrage, exposée par Joël Quiniou à partir de son expé-rience personnelle, a suscité de nombreuses interrogations de la part desélèves. La règle drastique du respect de la décision de l’arbitre, sur le ter-rain, même si elle est discutable, heurte leur sens de la justice. Il fauttoute la force de conviction de l’intervenant, appuyée sur des exemplesrécents et dramatiques, pour que cet impératif moral soit accepté dans ce

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qu’il a d’absolu. Un entretien, un peu plus tard, avec un journaliste deL’Équipe, spécialiste du hooliganisme, leur a donné l’occasion de réflé-chir à la dimension personnelle, existentielle, du rapport à la violence.Après avoir présenté le rôle et le travail, du Comité national d’éthique,Lucien Sève, quant à lui, a dialogué longuement avec les élèves sur les pro-blèmes génétiques, éthiques et sociaux posés par les derniers progrèsscientifiques. À travers l’hypothèse du clonage humain ou la question duchoix du sexe d’un enfant à naître, il a fait prendre conscience aux collé-giens de l’ampleur de l’enjeu pour l’humanité : risque d’un déséquilibredémographique grave d’un côté ; négation du principe même de liberté, del’autre… Dans tous les cas, explique-t-il, on doit comprendre que « larecherche scientifique ne peut se pratiquer que dans le respect de l’éthiqueet l’observation d’un certain nombre de règles ».

Démarches différenciées mais convergentes

Les diverses disciplines ont apporté leur concours au projet, de façonponctuelle, pour anticiper la venue d’intervenants extérieurs et assurer l’ef-ficacité pédagogique de la rencontre. Le professeur d’histoire-géogra-phie et d’instruction civique a préparé la visite des deux députés duVal-de-Marne, le professeur de biologie, dont le programme comporte entroisième une introduction à la génétique, a préparé celle de Lucien Sève.

Mais c’est en français qu’on a pu de façon plus globale intégrer les prin-cipaux thèmes contenus dans le projet et les associer au programme dela classe. L’étude du thème de la guerre en littérature, par exemple, àtravers les œuvres comparées d’Erich Maria Remarque et de RolandDorgelès, complétées par un extrait des Guerres picrocholines, a permisd’interroger, par-delà les siècles, le fonctionnement de la violence d’État.Des scènes de l’Antigone de Sophocle ont servi, à l’inverse, à lancer undébat sur le devoir de désobéissance.

Le CDI, surtout, de la place particulière qui est la sienne et avec lesrègles qui lui sont propres a fourni au projet un cadre privilégié. Dessujets de dossiers ont été proposés aux élèves : Le sport et l’intégration,Le sport et l’argent, Supporters et hooligans… Le travail, initié par le pro-fesseur de mathématiques et la documentaliste, s’est effectué en auto-nomie. Les élèves ont organisé eux-mêmes la répartition de leurs tâcheset sont parvenus pour la plupart à achever leur projet.

Le cas de l’EPS, pourtant au centre du projet, a donné lieu à un traitementun peu différent. Pour vivre la citoyenneté en acte, un Challenge du fairplay a été mis en place dans le cadre des championnats interclasses. Desimpératifs de disponibilité et de faisabilité ont réservé l’opération auxélèves de sixième. Cinq règles devaient être observées : le respect del’arbitre, le respect des règles, le respect des partenaires, le respect desadversaires, le respect du matériel. En introduction de chaque coursd’EPS, les enseignants ont expliqué ce qu’était le fair play (la notionétait inconnue des élèves) en essayant de faire comprendre qu’était fairplay un joueur qui respectait les cinq règles énoncées et restait maîtrede lui-même. On pouvait donc parfaitement, ont-ils précisé, remporter leChallenge tout en terminant dernier des championnats… Le prix a été

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décerné au cours d’une cérémonie et remis en mains propres par le pré-sident de l’Association française pour un sport sans violence. Une expo-sition, par la suite, s’est attachée à l’illustration des cinq règles.

Ouverture prometteuse

À la lumière d’une année d’expérience, le choix du football, sport donttous les élèves connaissent et admettent implicitement les règles, s’esttrouvé validé. En choisissant ce sport, les enseignants ont utilisé un codede conduite reconnu par les élèves et non l’inverse. Ce support apparaîtinducteur dans la mesure où les élèves n’ont pas l’impression de se plierau code qu’ils contestent souvent et dont ils se sentent exclus : celui dusystème scolaire.

Les relations entre la classe et l’équipe enseignante, à n’en pas douter, ontbénéficié du projet. Des représentations se sont modifiées quand lesélèves ont vu leur professeur principal, par exemple, professeur de lettresclassiques, leur donner à lire l’ouvrage de Joël Quiniou. Les autresmembres de l’équipe se sont pareillement écartés de leur emploi : le pro-fesseur de mathématiques participe, on l’a vu, avec la documentaliste àla préparation des dossiers ; le professeur d’EPS demande aux élèvesd’illustrer par des textes de leur cru les cinq règles du fair play… Quelquesélèves difficiles, eux aussi, se sont démarqués de leur rôle habituel. Si leursrésultats scolaires ne se sont pas nécessairement améliorés, ils ont trouvé,à travers le football, la possibilité de renouer un dialogue depuis longtempsrompu avec les enseignants et avec le système scolaire dans son ensemble

L’équipe qui travaille sur le projet est composée pour sa majeure partied’enseignants bien implantés dans le collège Henri-Matisse : l’un a vingtans de présence, les autres entre quinze et dix ans ; un seul a deux ansd’ancienneté dans le poste. Les parents, sensibilisés par plusieurs cour-riers, ont réagi favorablement. L’accueil de la communauté éducative aété plus réservé.

La plupart des enseignants étaient plutôt indifférents au projet global, cer-tains quelque peu hostiles quant au support choisi ; quelques-uns néan-moins l’ont trouvé très intéressant. Au fur et à mesure que l’actions’inscrivait dans le temps et se déroulait relativement bien, certains collèguesont cependant manifesté quelque amertume voire un certain agacement. Lesprofesseurs sont confrontés à la difficulté quotidienne d’enseigner en zoned’éducation prioritaire et l’équipe, avec un projet non « scolaire », semblaitêtre valorisée et par les élèves et par les regards extérieurs au collège.

Sans doute préférera-t-on retenir, pour une évaluation sereine, l’appari-tion dans la classe concernée d’une compétence nouvelle, assez rared’habitude chez les élèves de troisième. Rodés désormais à l’argumen-tation orale lors des débats avec les intervenants, ils ont beaucoup mieuxintégré les mécanismes de l’argumentation. Structurer un devoir, donc sapensée, est devenu pour la majorité d’entre eux une nécessité presqueinstinctive. Des progrès, aussi, ont été constatés au fur et à mesure desdébats avec les intervenants. Ils sont désormais capables de ne pas poserune question préparée si l’intervenant y a répondu par avance. Ils saventaussi rebondir sur le propos d’autrui pour relancer le débat.

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Cet esprit d’à propos et cette prise de recul sont une preuve de maturitéchez ces adolescents de quinze ans. Ne pourrait-on y voir les bases del’esprit citoyen ?

Organiser son activité intellectuelle

Lycée Feyder, Épinay-sur-SeineAcadémie de Créteil

Ce lycée, classé établissement sensible, accueille une population forte-ment touchée par la précarité économique et l’affaiblissement du liensocial. L’action mise en place par l’équipe pédagogique vise à la reso-cialisation par une mobilisation des jeunes sur les savoirs scolaires. Lastratégie consiste à délimiter des objets d’étude à partir des centres d’in-térêt des élèves. Les savoirs et compétences ainsi mobilisés prennentdavantage de sens pour les jeunes. Ce travail s’effectue sur des plageshoraires instituées et prend la forme de modules expérimentaux.

Le projet s’inscrit dans la continuité des actions menées au cours desannées précédentes. Pour les enseignants, il s’agissait d’en reconduireles acquis positifs : travail en équipe, adoption de règles communes, réa-lisation d’un voyage de classe, interventions pluridisciplinaires, tout ense proposant de nouveaux objectifs. Ceux-ci portaient sur l’approfon-dissement de l’apprentissage de l’autonomie par les élèves, la recherchede pratiques qui donnaient un sens à leur activité intellectuelle et lesaidaient à définir un projet.

L’acquisition des connaissances constitue pour les jeunes un facteur deformation personnelle et participe à la conquête progressive de leur auto-nomie. Mais, d’autres formes d’acquisition de la culture existent endehors de l’école entrant en concurrence à certains moments avec le tra-vail scolaire et il existe une distance plus ou moins grande entre les dis-ciplines valorisées par l’école et celles valorisées par l’élève. Il est doncessentiel qu’il se construise ses propres motivations, sinon l’école estsubie avec des risques importants de dérives comportementales.

Ainsi, la ligne directrice des actions entreprises en terminale visait àcréer des situations pluridisciplinaires dans lesquelles les élèves étaientinvités à développer des pratiques et des comportements relatifs à l’ac-tivité intellectuelle, c’est-à-dire : observer des faits, confronter des inter-prétations et des réactions différentes, mobiliser des connaissances pourenrichir une argumentation, justifier une opinion, présenter clairement unexposé écrit ou oral et réagir à la critique.

Il fallait pour cela que ces activités partent de thèmes qui se distinguent duprogramme scolaire et constituent de véritables centres d’intérêt pour euxpermettant ainsi un réel investissement de leur part. Les activités propo-sées devaient faire l’objet d’une observation, tant de la part des élèves, quedes enseignants. Les élèves et les enseignants étaient disponibles le jeudide 11 h à 12 h ce qui permettait d’organiser très librement la composition

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des groupes et des intervenants. Le lycée mettait à disposition un nombrede salles suffisant pour diviser les classes en petits groupes ainsi que dumatériel audiovisuel et des ordinateurs multimédias.

Afin d’explorer les centres d’intérêt des élèves, un questionnaire recen-sant préoccupations et goûts leur a été proposé. L’un des thèmes de tra-vail retenu était au confluent des préoccupations des élèves, permettaitl’appropriation de méthodes de travail et répondait à l’objectif de socia-lisation de la classe. Ce thème, « tolérance et intolérance », avait pourobjectif de faire réagir les élèves à l’oral sur diverses situations de dis-crimination puis de les amener à produire une analyse en confrontantdes idées et en mobilisant des connaissances personnelles.

Furent successivement abordés : le film cubain de T. Gutierrez Alea etJ. C. Tabío, Fraise et chocolat, qui aborde la marginalité dans la sociétécubaine contemporaine, le documentaire Classified People sur la discrimi-nation raciale au temps de l’Apartheid en Afrique du Sud et le film égyp-tien Le Destin de Youssef Chahine qui traite de l’intégrisme religieuxà travers l’histoire du philosophe Averroès dans l’Andalousie du XIIe

siècle. Pour chaque document les élèves assistaient à une projection inté-grale au cinéma puis ils visionnaient des séquences de leur choix et lesanalysaient. Un observateur faisait le point à chaque séance.

De retour d’un voyage en Espagne, les élèves ont été invités à réfléchirsur un sujet abordé pendant ce voyage scolaire avec l’objectif de pro-duire un texte et de le présenter aux autres en le justifiant.

Furent abordés: le christianisme et l’islam à travers la cathédrale-mosquéede Cordoue, la cohabitation des trois cultures, Averroès et Maïmonide.Une présentation d’œuvres exposées dans les musées visités lors duvoyage fut également proposée (Guernica de P. Picasso, œuvres deS. Dalí, peintures noires de F. de Goya). Après présentation de l’actionà l’ensemble des classes concernées, l’activité proposée consistait à faireréagir les élèves sur le thème de l’intolérance.

Première approche de l’intolérance

D’abord les classes furent divisées en petits groupes composés d’unequinzaine d’élèves de section économique et sociale (ES) et littéraire(L) et de deux ou trois enseignants des deux classes. Chaque groupedevait rechercher la définition et la diversité des approches de la notiond’intolérance. Le compte rendu de cette première séance rédigé par unenseignant permet de percevoir l’engagement des élèves dans ce travail.

Dans un premier temps, la notion d’intolérance est abordée sous diversangles. Une première approche par une définition : « une personne into-lérante est celle qui n’accepte pas les différences d’une autre personne »,par des exemples, par des faits (le racisme, les handicapés, l’intolérancereligieuse, politique, sexuelle, la discrimination sociale), par des compor-tements, des manifestations (la violence, l’exclusion). Puis, sont explo-rées des questions pour comprendre, analyser, interpréter (les causes,les fondements historiques, qui? comment? où? quand? effets et consé-quences) et élaborer des solutions (comment combattre l’intolérance?).

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Tous ces angles donnent l’idée d’une grande variété de thèmes possibles.Pour avoir une compréhension du phénomène en tant que tel, il fauts’interroger en prenant l’un des exemples et se poser davantage de ques-tions autour de cet exemple. Le champ d’investigation peut être élargi àd’autres domaines que ceux des comportements de société, bien quecette idée ne soit pas venue spontanément. Pourtant, on ne pourra pasfonder une analyse sur des connaissances a priori, il faudra entrer dansde nouveaux champs de connaissance. Dans un deuxième temps, desdocuments sont apportés : la définition de l’Encyclopédie Hachette,« refus des différences, sur les idées et les comportements », base dedonnées hypertexte, articles de la revue Sciences humaines : l’éthique ;individualisme et tolérance ; la perception d’autrui ; nations et nationa-lismes ; comment se forment les savoirs et les normes.

La plupart des élèves ont pris une part active à la réflexion. Ils cherchentà formuler clairement leurs idées, pas seulement par un mot-clé maispar une phrase. Trois élèves n’ont rien dit.

En conclusion de cette première approche, on peut dire que la démarchesemble vécue plutôt comme un enrichissement (apprendre des chosesen plus, vivre des situations différentes), une chance, « pas vraiment unbesoin », pas du tout une « punition » ou une « obligation »…

Pour mobiliser les élèves

Pour les classes de terminales, le rapport au projet est paradoxal tant pourles élèves que pour les enseignants. En effet, les élèves interrogés sur cequ’ils pensent de l’ensemble du travail effectué répondent de manièretrès diverse: certains parlent de son inutilité (une élève évoque cette heurequi chaque semaine pourrait être utilisée pour la préparation du bac),d’autres affirment que c’est intéressant sans développer d’argumentation,quelques-uns n’en disent rien, certains regrettent la présence d’une autreclasse, d’autres ont apprécié de travailler dans des groupes mixtes.

Les professeurs présentent quelques appréciations critiques : absencede motivation de certains élèves, insuffisance des réactions face auxdocuments, mise au travail assez lente pour le dernier type d’exerciceproposé. Mais au-delà de ces considérations ils constatent égalementque des élèves ont été sérieux, actifs et intéressés, que les appréciationsportées après chaque séance étaient souvent plus positives et que lesélèves apprécient généralement les séances dans lesquelles ils s’étaientavérés actifs. De plus, alors que le dernier exercice (préparation desexposés) est celui qui a suscité le plus de réticences, les présentationsdes travaux à l’oral ont causé de bonnes surprises, d’autant plus qu’yparticipaient des jeunes d’ordinaire très réservés.

Travailler avec eux, voir leurs difficultés, leur incapacité à les résoudresans aide, leur façon d’y répondre par la passivité voire la fuite, maisaussi leur gentillesse, leur bonne volonté et leurs réussites nous confor-tent dans l’intérêt et l’utilité de l’expérience entreprise.

Cette action révèle des éléments à prendre en compte pour motiver cesélèves : l’importance d’une pédagogie active (activités de productionécrite et orale) conjointement à la valorisation des progrès accomplis,

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l’intérêt de l’intervention sur de petits groupes, du travail en équipe tantpour les enseignants que pour les élèves et enfin la richesse de l’appro-che interdisciplinaire.À l’avenir, il nous semble que les activités à mener devraient s’orienterainsi : intégrer ces pratiques dans le fonctionnement ordinaire de la classeet lier les observations à des perspectives d’orientation.

Différenciation pédagogique et prévention de la violence

Lycée général et technologique Jean-Moulin, RoubaixAcadémie de Lille

Dans ce lycée sensible, on lutte contre la violence verbale en donnant auxélèves les moyens de s’exprimer autrement, de diversifier et mieux maî-triser les outils de la communication orale. Tous les entrants en secondesont invités à rédiger un mémoire d’une dizaine de pages sur un sujetde leur choix: projet d’orientation, thème qui motive particulièrement,sujet de recherche… Les productions sont ensuite utilisées comme res-sources documentaires au Centre de documentation et d’information.

Cette expérience entraîne la participation volontaire de l’ensemble des col-lègues concernés par les secondes et d’autres membres de l’équipe péda-gogique (conseiller principal d’éducation, documentalistes). On demandeà chaque élève de rédiger un mémoire d’une dizaine de pages sur unsujet de son choix. Ce travail enrichira le fonds du CDI et constitueraun des éléments de l’évaluation de son travail en fin d’année.Nous sommes partis du constat que les difficultés de nos élèves à lireou rédiger un message s’étendaient à toutes les disciplines, jusqu’auniveau supérieur (Brevet de technicien supérieur) constituant une entraveplus moins directe au succès de leurs études. Dans toutes les matières, cesdifficultés communes de rédaction et de compréhension des consignes sontvérifiées par les résultats à l’évaluation à l’entrée en seconde. Chaqueenseignant les déplore régulièrement. Elles ont plusieurs conséquences :maîtrise insuffisante de l’abstraction, difficulté à résoudre un problèmecomplexe, à transférer savoirs et savoir-faire d’une discipline à l’autre afinde se projeter dans l’avenir. Elles semblent donc corrélées à la passivitédans les études.Notre projet, rédaction d’un mémoire par tout élève de seconde, émanedonc d’une réflexion qui intéresse chaque professeur dans sa disciplineet, au-delà, les enseignants et éducateurs d’un lycée préoccupés par lesdysfonctionnements de l’outil de base de la connaissance, de l’instruction,de la communication, qu’est la langue.À ce titre, il nous a semblé que centrer sur la langue l’expérimentationdans notre lycée « sensible » pouvait avoir aussi des répercussions heu-reuses sur les modes de communication entre les élèves. En effet, il y aviolence dans leurs propos moins pensés que jetés dans l’émotion, la

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tension; leurs vociférations, insultes stéréotypées, apostrophes en témoi-gnent. Cela constitue une langue forte, mais étrangère au langage deconnaissance dispensé au lycée. C’est pourquoi nous avons pensé asso-cier l’entrée en seconde à la production d’un travail écrit, long et construit,pour les aider à construire une autre image d’eux-mêmes par leur expres-sion personnelle. Cette activité peut leur permettre de s’inscrire dans ladurée, d’être plus actifs que réactifs, de faire part sérieusement de leurschoix. Elle leur donne l’occasion de progresser autrement que dans lasoumission, la conformité ou le recours à la violence pour s’affirmer.

L’expérience relève ainsi d’une interprétation précise de la violence àl’école. Les élèves de Jean-Moulin utilisent pour le moins énergique-ment l’expression orale, surtout entre eux. Ils sont extrêmement sen-sibles au regard des adultes. Notre choix est ici de ne pas entendre laviolence à l’école de façon anecdotico-médiatique en s’inscrivant dansune logique de l’école-sanctuaire (comme si la violence sociale pouvaiten être tenue à l’écart) ou dans une démarche de protection et de répres-sion. Le pari est de postuler qu’en donnant aux élèves une possibilité des’approprier autrement le savoir, et d’abord le langage, on leur offreaussi un outil pour dominer la violence, celle qui leur est faite, cellequ’ils sont susceptibles d’exercer si d’autres modes d’expression ne leursont pas proposés.

Guider et soutenir

L’un des objectifs de notre projet est donc d’aider l’élève sortant du col-lège à répondre aux exigences du lycée, à construire son projet d’avenir,en bref à devenir lycéen. Pour ce faire, il lui faut acquérir une autonomiedevant la connaissance, intellectualiser ses activités, prendre une partactive à sa propre formation, devenir créatif. (Ce que visent déjà tousles enseignements, certes, mais parfois à l’insu de l’élève.)

Celui dont le comportement perturbe la classe peut parfois devenir vio-lent, il se justifie souvent par des arguments de légitimité : « J’ai rien fait ![Ce qui précisément nous pose problème.] – C’est grave, ça ? », sous-entendant que c’est le professeur qui contrevient aux règles. L’élève endifficulté et difficile utilise souvent l’argument du droit incontestable dontil jouirait sans avoir à participer à l’institution qui l’autorise. À l’origined’une telle attitude réside indéniablement la crainte de l’exclusion, del’échec, nous devons rester fermes sur l’exigence de la participation del’élève à la remédiation. Aussi, une activité interdisciplinaire nous a t-ellesemblé, à long terme, une réponse possible à cette tendance à la passivité« de droit » de l’élève difficile. Elle présente, sur les activités habituelle-ment exigées, l’avantage de partir du choix de l’élève (celui du sujet) et dedédramatiser par l’étalement dans le temps la notion de devoir à rendre.

Remarquons aussi que dans une scolarité parfois vécue comme violente(résistance agressive au travail et/ou tension du professeur, excessiveabstraction des savoirs et savoir-faire au lycée imposant des situations declasse ingérables), l’heure de cours se vide de sa fonction d’acquisitiondu savoir. Elle n’a plus d’intérêt alors que dramatique: la conduite des unset des autres devient l’objet du cours, épreuve de force où la patience

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du professeur, et non plus son savoir, définit sa compétence, où les qua-lités de l’élève porteront, selon les points de vue, sur son audace à entreren scène, ou, au contraire sur ses efforts louables à n’y pas entrer. « Tun’as pris aucune note? – Je suis resté calme aujourd’hui ! » Ce dialoguede sourds montre que là où le professeur entend transmettre quelquechose de son savoir, l’élève difficile n’accorde de valeur qu’à la rela-tion personnelle qu’il entretient avec lui sur la scène de l’heure de cours.

Il nous semble donc important d’offrir à l’élève, dans sa formation scolaire,la possibilité de dépasser le cloisonnement, le morcellement propres à lascolarité secondaire, par une activité « globalisante » : écrire dans unelangue et sous forme soignée un texte montrant l’intérêt que l’on porte àtel ou tel sujet scientifique, à tel problème de société, à telle période del’histoire, à telle pratique sportive, etc. Cette démarche globalisante pour-rait profiter doublement : aux disciplines, devenues plus interactives dansl’esprit des élèves, mais aussi aux individus, prenant dans le groupe socialun sens nouveau. Devenus auteurs d’un travail personnel, unique, sus-ceptible d’être lu par tous les membres du lycée, et d’apporter, qui sait, unéclairage nouveau sur un savoir, les élèves se sentent à leur place aulycée, s’affirment comme individus dotés, au sein d’un groupe, d’inté-rêts et de capacités propres. Ils tendent à entretenir des rapports d’individuà individu avec les autres élèves de seconde et avec les adultes de l’équipepédagogique, ainsi qu’à concrétiser leurs choix et goûts par l’écriture.

Les processus d’orientation échappent trop souvent au premier intéressé :il lui faut se projeter de façon très abstraite dans des domaines profes-sionnels qu’il ignore, choisir des filières sans bien évaluer ses aptitudeset ses limites, s’en remettre bon gré mal gré aux propositions des ensei-gnants. Sans répondre directement aux questions de l’orientation, le tra-vail de mémoire met en jeu les mêmes mécanismes : c’est s’orienter quedonner un titre à ce qui intéresse, chercher une documentation sérieusesur le sujet, élaborer un texte pour inscrire ses connaissances, construireun plan, etc. En un mot, et si on l’ose: tracer sa voie en trouvant sa voix.

Il n’était évidemment pas question de lancer les élèves totalement seulsdans ce type de tâche. Ils ont par ailleurs reçu un aide-mémoire rappelantles consignes du travail. Un double système d’aide a été institué : d’unepart chaque élève a un tuteur personnel pour l’épauler dans cette expé-rience et d’autre part, un travail lui est demandé pendant les heures demodules, deux fois dans l’année.

L’évaluation des productions s’appuie sur une grille élaborée par l’équipe.Elle intervient dès les premières rencontres entre l’élève et son tuteur. Finmai, la lecture du mémoire est suivie d’une notation dont les barèmesconnus des élèves sont établis par l’équipe des tuteurs.

Dans la mesure où elle laisse à chacun, élève et tuteur, une grande margedans la tâche à effectuer, l’expérience n’a pas rencontré de réelles difficultésla première année, hormis quelques cas de non-respect des délais impo-sés par le calendrier distribué en début d’année et d’absences aux ren-dez-vous fixés. Ces manquements se sont multipliés la deuxième année :absentéisme, refus d’être aidé, lenteur à se mettre au travail, changementde sujet en cours d’année. On peut attribuer ces dysfonctionnements aunouveau système de tutorat, qu’il nous aurait fallu soutenir, structurer

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plus rigoureusement. La tenue d’une fiche de suivi, avec bilans provi-soires et signatures des tuteurs et professeurs principaux après lesrencontres est une solution adoptée par certains. Elle est à envisager pourl’ensemble de l’opération.

Retrouver le plaisir d’apprendre et celui d’enseignerÀ Jean-Moulin, l’année de seconde se caractérise désormais par la produc-tion de ce mémoire qui donne sa place à l’élève et constitue pour lui uncentre d’intérêt. Les plus avancés aident les néophytes dans le maniementde l’ordinateur, source d’information et outil de production écrite. Lesprogrès réalisés dans l’organisation du travail personnel sont inestimables,du moins pour ceux qui ont joué le jeu. Les élèves de première interro-gés cette année reconnaissent majoritairement cet acquis. Bref, cette expé-rience offre une nouvelle définition de l’année de seconde.Elle permet aussi une autre approche de nos métiers. Nos savoirs ne sontpas sollicités par un programme mais par une demande précise des élèves.Pour certains collègues le désir/plaisir d’être reconnu différemment estmanifeste. Et la concertation s’impose, se pratique depuis deux ans avecautant de plaisir que de sérieux. Plaisir d’innover ensemble, d’inventer,de mettre en place, d’ajuster les actions aux situations.Afin de mieux mesurer les acquis et les limites de ce travail, élèves et pro-fesseurs ont été consultés : tous les élèves par une enquête quantitative etquelques-uns dans un entretien qualitatif avec notre accompagnateur.Globalement, les conclusions des élèves sont donc assez positives.L’unanimité des propositions pour allonger le temps et multiplier lescontacts avec tuteurs et documentalistes montre que la tâche est ardue.Cette difficulté était un des défis de notre expérience et les élèves semblentle relever, dans une perspective de valorisation d’eux-mêmes : plusieursfois les réponses expriment la fierté d’avoir réussi.

Sortir des ghettos

Collège La Reynerie, ToulouseAcadémie de Toulouse

Ce collège situé en zone d’éducation prioritaire et classé sensible aétabli un partenariat pédagogique et institutionnel avec les entreprisesdu secteur. S’appuyant sur des séquences éducatives en entreprise et surune production réalisée pour le compte d’une briqueterie (cataloguegénéral des produits), l’action a pour but de donner du sens aux appren-tissages et de modifier positivement les représentations réciproquesdes chefs d’entreprises et des élèves.

Le quartier La Reynerie est situé au sud-ouest de Toulouse dans la ZUP duMirail. Construit à la fin des années soixante, le Mirail est un quartier quicomprend 12 000 logements collectifs, des équipements d’enseignement(écoles, trois collèges, un lycée, une université…), des entreprises regrou-

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pées dans des zones d’activités. Il existe à la périphérie du quartier, une zoneindustrielle tournée vers les technologies de pointe : électronique, infor-matique, téléphonie, multimédia… En 1997, une convention a été signéeentre certaines de ces entreprises, regroupées en association (TOP: ToulouseOuest Partenaire) et le rectorat pour engager des actions.

La population du Mirail a évolué depuis sa construction. Au départ, lequartier devait accueillir la population active de ses zones d’activités ; enfait, très vite ce sont les populations immigrées qui s’y installèrent.Actuellement sur le quartier de la Reynerie, quarante-deux nationalitésdifférentes se côtoient ainsi que des familles en grande difficulté : 25 %des familles sont monoparentales (c’est la mère qui a la responsabilitéfamiliale et qui est active). Le quartier compte 11 000 habitants dont25 % ont moins de 15 ans et 30 % de la population active est au chômage.Un tiers au moins de nos élèves sont donc peu ou pas concernés fami-lialement par le monde du travail.

Les indicateurs que nous allons énumérer justifient que le collège de laReynerie, situé dans la zone d’éducation prioritaire du Mirail, ait été classécollège sensible depuis 1996. En 1998-1999: 51 % des familles de nosélèves ont plus de quatre enfants, 47 % sont des familles d’ouvriers, et48,4 % de nos élèves viennent de familles dont le chef est sans activité,39,5 % d’entre eux sont des ressortissants hors CEE. Les parcours scolairesdes jeunes sont souvent difficiles puisque 60 % ont connu l’échec dansleur scolarité antérieure (redoublement). Les catégories socioprofessionnellesde leurs parents ne leur permettent pas de se représenter les types d’activitésdynamiques qui entourent le quartier et qui emploient des catégoriesprofessionnelles qui sont plus porteuses que celles qu’occupent leursparents quand ils travaillent ! De même on peut noter une hostilité rela-tive par rapport aux structures économiques supposées être, par des élèves,« les possédants ».

Construire son projet

L’augmentation au collège d’attitudes en rupture avec l’école, reflet desproblèmes du quartier, nous a conduits dans le cadre du projet d’établis-sement à proposer un objectif aux jeunes : construire son propre projetd’orientation par des stages au travers desquels une connaissance concrètede milieux professionnels leur permettrait de comprendre et donc derespecter l’entreprise ainsi qu’à conférer un sens aux apprentissagesscolaires dispensés. La mise en place de séquences en entreprise a étéharmonisée grâce à la création d’un fichier informatique, d’un dossier depréparation et d’évaluation des stages communs à tous les élèves.

Les séquences éducatives débutent par une information menée par laconseillère d’orientation et le professeur principal ; parallèlement le pro-fesseur de technologie avec l’aide du logiciel Parade permet à l’élève demieux se connaître. À partir du mois de janvier chacun va rechercherune entreprise en adéquation avec l’orientation envisagée.

À ce moment là, les élèves utilisent les moyens de recherche classiques etl’équipe contacte le président de l’association qui réunit les entreprises del’ouest toulousain, qui proposera ses services en liaison avec le rectorat.

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Au moment de rédiger la lettre de motivation et le curriculum vitae nousconstatons qu’argumenter, rédiger une lettre administrative convaincante,écrite avec des phrases bien construites et sans fautes, est un exercicedélicat pour les jeunes. Les personnes chargées de ce recrutement s’atten-dent à ce que la lettre soit conçue comme un argumentaire commercialdont le but est de « se vendre ». La réalisation du curriculum vitae, de lalettre de motivation sont de bonnes opportunités pour travailler sur lescompétences interdisciplinaires par l’utilisation de moyens de commu-nication variés. Utilisés répétitivement, ils permettent de surmonter lesa priori ou les réticences éventuelles à l’égard de matériels comme lefax, le minitel ou le téléphone. L’utilisation d’un micro-ordinateur et delogiciels variés font partie des savoir-faire nouveaux des adolescents.Il est également nécessaire d’envisager l’entretien et le premier contactavec l’entreprise. Pour le premier, des consignes seront fournies. Dessaynètes d’échanges verbaux aideront les collégiens à se présenter et àexposer leurs questions et difficultés lors du stage. Lettre et curriculumvitae rédigés, chaque élève contacte des entreprises par courrier, partéléphone, aidé d’un professeur ou seul (pour les plus avertis). Ce momentest délicat pour certains parfois confrontés à la représentation négative quequelquefois les patrons ont des étrangers.

Rencontre fructueuse

Un chef d’entreprise accepte une stagiaire. L’entretien a lieu en présencedu maître de stage, du professeur qui l’avait proposée et d’une jeunefille de troisième. Elle a fait un effort de présentation. Le chef d’entreprisela trouve « mûre » pour son âge mais il la perçoit très timide. Pendant lestage, l’adolescente qui vient à pied d’assez loin est respectueuse deshoraires : le chef d’entreprise lui ayant bien précisé ses exigences en cedomaine. Elle n’a été que peu intéressée par le fonctionnement généralde l’entreprise et ses activités ; par contre, elle a bien intégré un certainnombre d’informations sur la gestion administrative et au grand éton-nement du chef d’entreprise qui lui a fait faire un test de formationbureautique: « Elle a obtenu une bien meilleure note que beaucoup de mesemployés ! » Celles qui se sont occupées d’elle ont été étonnées de lavoir, une fois en confiance, s’intéresser et discuter avec elles, parlermême de sa vie privée (en France depuis peu, elle connaît quelquesdifficultés familiales). À l’issue des deux semaines de stage, elle a retrouvéune certaine motivation scolaire, s’implique davantage et est plus dyna-mique. Elle a pris conscience qu’elle pouvait utiliser des stratégiesgagnantes dans des domaines où elle réussit, dans une situation nou-velle, en passant de son environnement quotidien à un autre environne-ment pourtant si proche géographiquement !

L’adulte est réhabilité : elle est plus agréable en classe et fera même unevisite de courtoisie au collège l’année suivante pour dire que tout vabien. Enfin, en tant que personne, elle a été reconnue par les autres : ceuxdu monde de l’entreprise, située dans la zone d’activité high tech, où onn’entre qu’en franchissant les barrières et les postes de garde. Elle areconnu les autres comme semblables à elle puisqu’elle a su s’intégrer aupersonnel de l’entreprise. C’est l’image de quelqu’un de standard qui

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revient à la mémoire du chef d’entreprise alors qu’au départ il croyaitrencontrer une jeune fille fortement marquée par le contexte dévalori-sant du quartier. Il s’en émeut: « Quel dommage si, en sortant de l’école,elle se retrouve à galérer au Mirail ! » Même si cette action n’a paschangé les représentations du chef d’entreprise sur le quartier, il acceptede renouveler l’expérience l’année suivante et se dit prêt à un partenariatavec l’Éducation nationale et les entreprises du quartier.

L’intérêt d’une telle action est d’être l’interface entre deux mondes quise côtoient mais se tournent le dos : le ghetto de La Reynerie (populationd’origine immigrée, difficultés socio-économiques…) d’une part, et celuides entreprises high tech (population de cadres supérieurs, habitants debanlieues résidentielles) d’autre part. On comprend mieux le rôle d’in-terface des enseignants entre l’Éducation nationale et le secteur privépour faciliter ainsi la connaissance réciproque d’une élève d’un quartierdifficile et d’un chef d’entreprise au départ réticent.

Réalisation féconde

Une autre action de partenariat a été menée. Une briqueterie de la régiona remis un cahier des charges pour la conception et la réalisation d’uncatalogue de produits, d’un slogan et d’un logo. La mise en œuvre a étéconfiée à la quatrième technologique. Le collège a mis à leur dispositionpendant une année scolaire la salle d’enseignement assisté par ordinateur(EAO) et rendu possible un accompagnement pluridisciplinaire (français,technologie, histoire, géographie, arts plastiques). Les élèves, selon leursbesoins, étaient en relation permanente avec l’entreprise: télécopie et télé-phone étaient à leur disposition. Ils travaillaient en petits groupes centréssur des tâches communes avec leur professeur. Chaque élève avait la res-ponsabilité de trois ou quatre pages du document selon les difficultés.

L’objectif de cette expérience était la modification des images respectivesqu’avaient l’une et l’autre des deux parties engagées dans ce catalogue. Cebut a été atteint: les entrepreneurs ont porté un regard nouveau sur l’école;élèves et professeurs ont modifié leur rapport au monde du travail.

Des résultats encourageants

En outre, nous avons mis l’accent sur l’évaluation des séquences enentreprise par l’employeur, les parents et le professeur à l’occasion d’unevisite, sur l’auto-évaluation de l’élève et au niveau de chaque intervenant(le jeune, l’entreprise, le collège).

On note au retour des stages une modification de la perception qu’al’élève de l’entreprise qui représente le monde adulte. On perçoit chezcertains une attitude plus mûre, plus responsable, cette attitude se modi-fiant souvent trop vite. L’élève, durant son stage, a mieux compris le sensdes apprentissages : il sait alors à quoi sert par exemple la proportionna-lité. Les responsables de l’entreprise sont globalement satisfaits, pourpreuve leur souhait d’accepter la deuxième année d’autres stagiaires,en plus grand nombre et sans réserves.

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Pour le collège des points positifs : la constitution d’un fichier informa-tique répertoriant les lieux de stage est en cours, création d’un dossier destage commun, l’extension des séquences en entreprise à des classes detroisième générale. Cependant le développement de ces actions se heurteau manque de personnel. Le travail de suivi, d’échanges avec les tuteursen entreprise s’en trouve réduit. Cette action est inscrite dans le projetd’établissement et a reçu le soutien de l’administration et de la plupart desenseignants malgré l’apparente désorganisation que peut engendrer ledépart de groupe d’élèves en entreprise. Cela nécessite une modifica-tion de dispositifs d’apprentissage à mettre en œuvre par les professeurset une participation différente de la Vie scolaire. Les parents que noussouhaitions impliquer dans la recherche de stages n’ont pu répondre à cettedemande. Quelques-uns ont toutefois fait l’effort d’accompagner leurenfant lors de la présentation chez l’employeur. Cette présence est pourcelui-ci un gage de sérieux, une façon d’éviter par la suite des compor-tements déviants.

Cette évaluation globalement positive nous a conduits à renforcer cetype d’action. Le projet d’établissement en cours de réactualisation entémoigne. Généraliser les séquences en entreprise à tous les élèves detroisième est un objectif accessible. Mettre l’accent sur d’autres typesde partenariat est aussi une démarche enclenchée. Par exemple, asso-cier à des activités au sein du collège des organismes comme l’Institutnational de recherche agronomique (INRA), le Centre national d’étudesspatiales (CNES) a montré l’intérêt que ceux-ci portent à la connais-sance de l’école et tend à faire du collège un pôle d’excellence.

Il nous semble aussi qu’il faut travailler aussi sur l’image de l’école, duquartier en s’appuyant sur les potentialités de ce lieu d’éducation qu’estle collège, du lieu de vie qu’est le quartier et du lieu de production quesont les zones d’activités. Favoriser les échanges entre ces trois pôlesest primordial. Il faut diversifier les partenaires pour apprendre et entre-prendre avec les services publics ou avec les lieux culturels. Cela per-mettrait à notre collège de s’ouvrir sur le monde, ouverture souhaitéedans notre projet d’établissement.

Le pari de l’alternance

Collège Louis-Pasteur, Sermaize-les-BainsAcadémie de Reims

Lutter contre l’abandon scolaire grâce à l’alternance et redonner legoût d’apprendre en dispensant des savoirs proches du vécu d’élèves endifficulté, tel est le pari de cette équipe éducative d’un collège ruralsitué en zone d’éducation prioritaire (ZEP). La tâche est ardue et la miseen œuvre du projet questionne l’identité professionnelle des ensei-gnants qui sont confrontés à ce type d’élèves.

Onze écoles, réparties sur sept communes, font partie de la ZEP, mais lecollège recrute sur trente-huit communes différentes. C’est dire l’hété-

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rogénéité des situations. Ce ne sont pas principalement les résultatsscolaires qui déterminent le classement du collège en ZEP : à l’entréeen sixième, les résultats aux tests d’évaluation en français et en mathé-matiques montrent des scores, certes en dessous de la moyenne nationale,mais inférieurs de peu seulement. En fin de troisième, les résultats auBrevet des collèges sont honorables. Les taux « d’évaporation » et deredoublement étant traditionnellement élevés, différentes formules ont étéessayées pour tenter de les réduire : classes de sixième-cinquième entrois ans, quatrième à dispositif pédagogique aménagé…

C’est pour tenter une autre formule de prise en charge de ces élèves endifficulté qu’a été mise en place une Classe d’initiation pré-profession-nelle en alternance (CLIPA) à la rentrée 1997. À ce jour, la questionreste posée et les avis sont partagés. Créer une classe spécifique pouraccueillir des élèves en difficulté fait encourir un risque de marginali-sation que l’on a du mal à éviter, mais les accueillir dans les classes quireçoivent les autres élèves peut les priver en partie de l’aide spécifiquedont ils ont besoin. En revanche, elles sont un meilleur terrain de socia-lisation, en offrant à l’élève d’autres modèles de comportement que ceuxqu’il côtoie dans un groupe plus homogène.

Redonner le goût de l’école

L’objectif primordial exprimé dans le projet initial était de remotiver lesélèves par l’alternance, afin de leur faire prendre conscience de la néces-sité de s’assurer une formation de base, quel que soit le domaine d’acti-vité choisi, avant de pouvoir aborder le monde du travail, qui leur semblepréférable à l’école. Les axes d’intervention retenus étaient : remise enconfiance, remotivation, socialisation, responsabilisation, dans le domainepurement scolaire, une mise à niveau des connaissances de base indis-pensables, l’apprentissage de la réflexion, l’ouverture d’esprit. Enfin,l’ensemble du projet était sous-tendu par la mise au point d’un projet per-sonnel pour chacun et la détermination de son futur parcours individuel.

La majorité des professeurs intervenant dans la classe s’était portée volon-taire. Cependant, dans deux matières (français, anglais), l’absence de pro-fesseur volontaire avait, d’un commun accord entre les enseignants, faitopter pour une prise en charge de la classe par tous les professeurs de lamatière, à tour de rôle, par roulement annuel. L’expérience prouve que cetengagement « par obligation » n’est pas la situation la plus favorable.

La première année, l’effectif de la classe était de vingt élèves, puis de dix-neuf. Mais le départ en stage par demi-classe donnait la possibilité auxprofesseurs de n’avoir en charge, pendant vingt semaines au total, queneuf ou dix élèves. La seconde année, l’effectif total de la classe étaitréduit à dix élèves âgés de quatorze ou quinze ans. Les élèves bénéfi-ciaient de vingt-cinq heures de cours hebdomadaires. Cet horaire avaitl’avantage de permettre de libérer les élèves le samedi matin, ce qui étaitutile pour leurs démarches de recherche de stages.

L’absence de programme officiel a généralement été regrettée par lesenseignants, qui se sont trouvés seuls responsables de leurs choix,responsabilité qu’ils ont bien sûr assumée, mais que beaucoup ont trouvé

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lourde et devant laquelle ils se sont sentis isolés, chacun dans sa matière.À la fin de l’année, les chefs d’établissements concernés avaient émisle vœu que les enseignants des différents collèges puissent se retrouver,par matière, pour débattre de leurs pratiques et leur expérience. Il estdommage que l’accord reçu alors n’ait pas été suivi d’effet.

Des savoirs proches des préoccupations des élèves

Le parti a été pris par les enseignants de faire passer les notions jugéesindispensables, en plus de la remise à niveau des élèves de quinze ansqui devaient préparer le Certificat de formation générale (CFG) en lesreliant autant que possible à la vie et aux préoccupations quotidiennesdes adolescents. Il serait fastidieux de donner ici le détail de la pro-gression suivie dans chaque matière. Voici seulement, à titre d’illus-tration, quelques exemples.

En mathématiques

Après un bref temps de préparation, chaque élève doit énoncer dans unexercice de jeu de rôle les actions effectuées en stage qui ont nécessitél’utilisation de mécanismes opératoires. Si la première réaction des élèvesest de penser qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’utiliser les mathématiques pen-dant le stage, les exemples, sollicités par le professeur, affluent vite, et letableau ainsi constitué permet de repérer les difficultés rencontrées et de bâtirles séquences de remédiation: opérations, mesure du temps, échelles, divi-sion, etc. Ayant vécu la difficulté en situation réelle, les élèves admettentmieux la nécessité de ces révisions et/ou de ces apprentissages.

Les élèves sont amenés à réaliser un dossier individuel qui comprendun répertoire dans lequel ils consignent les recherches, les comptes ren-dus des travaux ou des notions abordées. Des livrets méthodologiques sontconstitués au fil des semaines ; ils contiennent les mécanismes et lesméthodes qui aideront l’élève à résoudre les problèmes qu’il rencontre enclasse, dans son travail personnel ou en stage. Un suivi d’évaluation endouze séquences figure également dans le dossier.

Enfin, des situations réelles de la vie quotidienne sont transposées etétudiées dans la classe : l’élève réalise le plan hebdomadaire de ses acti-vités en stage (heure de début, heure de fin, pause, interruptions…), il créeune fiche de salaire fictive correspondant au stage effectué ou encore ilouvre un Livret jeunes avec son carnet de chèques et la fiche des opéra-tions financière réalisées.

En sciences de la vie et de la Terre

Des connaissances précises sont apportées dans le domaine de la santé,reposant sur la compréhension des phénomènes physiologiques, à unniveau accessible aux élèves, et pouvant se traduire de façon simple pardes comportements adaptés à une bonne hygiène de vie (nutrition, respi-ration, protection contre 1’infection microbienne, transmission de lavie…). Des dossiers sont réalisés, sur les vitamines, le petit-déjeuner,le compte rendu d’une enquête réalisée dans la cuisine du collège surles conditions d’hygiène. La prévention est abordée dans des thèmes

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comme la toxicomanie, la vaccination, par un travail interdisciplinaire(lettres, arts plastiques…).

En physiqueLa priorité est donnée à la manipulation en visant le plus grand degrépossible d’autonomie ; les thèmes abordés ont été choisis par les élèvesdans le programme de physique des classes de collège (électricité, consti-tution de la matière…).

ÉcueilsCinq stages obligatoires de deux semaines chacun étaient proposés aucours de l’année, 1’obligation étant faite à l’élève de trouver au moins troislieux de stage, soit dans des domaines d’activité différents, s’il avaitencore à préciser son projet personnel, soit dans le domaine qu’il avaitchoisi, s’il avait déjà un projet professionnel.

L’alternance est très favorablement accueillie par les élèves, dont lecomportement en stage est le plus souvent satisfaisant. Cependant, il fautlà encore surmonter quelques difficultés, liées à notre situation en zonerurale. Il est parfois difficile de trouver un lieu de stage en adéquationavec le projet personnel de l’élève, ou qui puisse effectivement lui per-mettre de le préciser. Les difficultés liées aux transports se sont avéréescruciales : si l’élève a un lieu de stage différent de son lieu de domicile, ilest tributaire des transports scolaires, dont l’horaire est rarement compa-tible avec celui de l’entreprise, à moins d’avoir un parent disponible.

Les entreprises, très sollicitées par d’autres demandes de stage, ne voientpas très favorablement ces élèves qui n’ont aucune formation profes-sionnelle. Mais le fait d’être en zone rurale est aussi un avantage : « toutle monde connaît tout le monde », et la bonne volonté à obliger le collègeprévaut sur les inconvénients. Il faut saluer l’engagement du professeurprincipal de la classe, dont le rôle a été primordial dans les relationsavec les entreprises.

Le retour à l’école, généralement vécu de façon négative après unepériode de stage, semble toujours ramener en arrière et obliger à recadrer.Cela nous a incités à nous demander si une autre forme d’alternance neserait pas préférable pour éviter cette cassure à répétition : une semainepartagée entre deux jours et demi d’école et deux jours de stage, surl’ensemble de l’année scolaire, pourrait être une solution intéressante àexpérimenter, mais elle pose d’autres questions, par exemple dans lesuivi du travail, en particulier dans l’entreprise.

Sentiments mitigésSi l’on considère les résultats chiffrables, forcément objectifs, les deuxannées de fonctionnement de la CLIPA montrent des réussites : en 1998-1999, les dix élèves qui ont passé le CFG ont tous été admis. En 1997-1998, un seul élève (sur dix-neuf) est resté sans solution à la fin del’année et n’a pas répondu, au début de l’année suivante, à notre invita-tion à venir au collège pour essayer de lui en trouver une. Les dix-huitautres avaient tous une solution de poursuite d’études pour la rentrée

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suivante. En 1998-1999, sept élèves sur dix sont inscrits dans un Centrede formation d’apprentis (CFA) et ont trouvé un maître d’apprentissage,deux sont admises en lycée professionnel pour la préparation d’unCertificat d’aptitude professionnel (CAP).

Ce sont de bons résultats, surtout si l’on tient compte du fait que lesélèves, à leur entrée en CLIPA, étaient pour ainsi dire « en perdition »scolaire et couraient le risque de consommer la rupture avec l’école au jourde leurs seize ans.

Il ne semble donc pas présomptueux de dire que l’objectif de remotiva-tion a été atteint. Encore faut-il préciser, pour être honnête, que si lesadolescents reconnaissent la nécessité d’une poursuite d’études avantl’entrée dans la vie active, ils sont plus motivés par la préparation pro-fessionnelle que par la matière scolaire proprement dite : ils n’ont pastrouvé ou retrouvé le bonheur d’apprendre pour le plaisir d’apprendre.

Pourtant, paradoxalement, c’est l’expression d’un sentiment d’écheccomplexe à analyser qui domine dans le discours des professeurs… Ilest évident qu’ils ont pour première mesure de leur réussite la sommedes connaissances qu’ils ont réussi à faire passer, et de ce point de vue,la CLIPA a été ressentie comme une classe frustrante. Difficile de tenirun discours positif, quand on a le sentiment de ramer comme un galérienpour avancer peu !

Là, plus qu’ailleurs, apparaît la nécessité de cohésion de l’équipe éducativequi doit travailler à un projet élaboré en commun. Cela a certainement faitdéfaut au cours de ces deux années. Si les enseignants ont bénéficié detemps de concertation, ils ont manqué de l’expérience et du recul, néces-saires pour s’abstraire chacun de leur matière (où tout était à créer), pourmettre en chantier un véritable projet commun.

Sans doute aussi, ce sentiment d’échec est-il lié à la conception que lesenseignants ont de leur métier. La plupart ont choisi d’enseigner paramour pour une matière dont ils sont spécialistes, et c’est cet enthou-siasme pour leur matière qu’ils ont surtout envie de faire partager.

Si l’on enseigne en CLIPA, il faut accepter de faire autre chose que duscolaire. Les élèves sont en situation d’échec scolaire: ne leur donner quedu temps scolaire, même spécifique et individualisé, ne suffit pas.

En outre, dans un contexte socio-économique difficile, un bon nombre denos élèves souffrent d’une « grande misère affective et psychologique »,comme l’exprime le conseiller principal d’éducation. L’école ne peutalors se contenter de les prendre en charge sur le plan des savoirs : leurattente d’autre chose est forte et évidente, comme l’est aussi la nécessitéde leur apporter des éléments d’éducation dont on considère tradition-nellement qu’ils devraient être transmis par la famille.

Les enseignants restent, d’abord et avant tout, des transmetteurs desavoirs et nombre d’entre eux ne sont pas à l’aise avec toutes ces autreschoses qu’il leur faut bien gérer, souvent sans formation, avec leur seulecapacité à ressentir et leur personnalité propre. «Nous sommes d’abordet avant tout des enseignants, dit l’un; ce n’est pas à nous de gérer cela,»souligne un autre en parlant d’une élève que sa détresse a menée à une ten-tative de suicide. La demande est forte d’avoir dans les établissements des

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personnels compétents pour épauler les enseignants dans ces autresdomaines; infirmières, assistantes sociales, psychologue. Les enseignantsne peuvent pas tout gérer, pas plus que l’école ne peut apporter de solu-tion à tous les problèmes de la société… Mais il reste à opérer une néces-saire adaptation à un métier qui évolue : l’enseignant ne peut pas êtreun simple « dispensateur de connaissances ».

Il est compréhensible alors qu’ils aient le sentiment de ne pas avoirréussi, puisqu’ils n’ont pas pu « faire passer » autant de savoirs, desavoir-faire et de savoir-être qu’ils l’auraient souhaité. Pourtant, le bilansemble objectivement positif, puisque ces élèves sont encore « sur lesrails » à un âge où ils pourraient abandonner. L’avenir dira ce qu’ils ontfait de cette opportunité que nous leur avons donnée, de ce nouveausouffle qui leur offre la chance de poursuivre plus avant leur formationinitiale : J’ai grandi, je suis devenue plus sérieuse, disait récemment uneélève de la première promotion. Son projet actuel le prouve : le chemindes écoliers qui passe par la CLIPA, peut aussi mener à bon port, peut-être avec un peu plus de temps… Si la CLIPA permet de maintenir dansle système des élèves en risque de rupture scolaire, voire de rupturesociale, le temps de les voir mûrir est-il du temps perdu?

Sans doute l’apprentissage de cette nouvelle dimension du métier est-ilplus ou moins facile : en l’obligeant à une remise en cause constante,l’élève en difficulté force l’enseignant à l’humilité…

La fin du refus

Collège Trois-Fontaines, ReimsAcadémie de Reims

Dans ce collège, l’équipe éducative s’attaque au refus scolaire dontfont preuve des élèves issus de milieux socioculturels défavorisés. Pourles réconcilier avec les apprentissages et souvent avec eux-mêmes, lemonde concret de l’entreprise offre une réponse efficace dont bénéfi-cie en retour l’univers scolaire. Les élèves de cette Classe d’initiationpréprofessionnelle en alternance (CLIPA) effectuent des stages enentreprise en alternance par quinzaine. Cette démarche s’accompagned’une prise en charge individualisée de chaque jeune par les profes-seurs : tutorat, carnet de liaison, visites de stages, pédagogie plusconcrète… Les élèves abandonnent alors leur agressivité envers lesadultes et l’institution. Ils peuvent ainsi construire un projet d’insertionsociale et professionnelle.

À la périphérie de Reims, le collège, bien que n’étant pas classé en zoned’éducation prioritaire, accueille une population appartenant majoritai-rement à des catégories socioprofessionnelles défavorisées. Aux diffi-cultés habituelles rencontrées par les élèves (lecture, compréhension),s’ajoute parfois une carence: absence du père, alcoolisme, voire défaillance

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institutionnelle, lorsque par exemple les éducateurs d’un foyer laissentl’élève aller en cours sans ses affaires. Cela conduit certains élèves à semarginaliser : les bonnes résolutions du début de l’année, rapidementmises à mal par les difficultés de lecture, font vite place à un décourage-ment profond: sentiment d’échec, refus de travail scolaire qui devient aucours des années refus pur et simple de l’école, de la société, une oppo-sition aux adultes en général et aux professeurs en particulier. Ces jeunesont un monde à eux, avec ses codes, ses lois, son langage, ses modes: ilsn’y sont pas en échec, mais au contraire dominent, souvent par la violenceverbale ou physique, d’autres enfants voire des adultes, n’hésitant pas à lesprovoquer ou à les défier lorsqu’ils en ont l’opportunité.

Ils sont vingt à vingt-cinq par classe d’âge et leur gestion, au collège,est très délicate, surtout lorsque les problèmes habituels de l’adolescenceexacerbent les comportements. À cela s’ajoute un phénomène très per-nicieux : les plus fragiles profitent des conflits créés pour travailler lemoins possible, tout le groupe faisant pression sur les bons élèves quiainsi craignent d’avoir de bons résultats. Mais, nous avons remarquéque ceux qui refusent l’école, demandent des activités extérieuresconcrètes, se comportent généralement de façon satisfaisante pendantde brefs stages en entreprise.

Enrayer la marginalisation

Aussi, lorsque le préfet de la Marne a sollicité de l’inspecteur d’académiel’instauration d’une prise en charge des jeunes en refus scolaire, c’esttout naturellement que le collège s’est porté volontaire. Les objectifspoursuivis avec cette Classe d’initiation préprofessionnelle en alternance(CLIPA) sont multiples : socialisation des élèves en rupture, lutte contrel’absentéisme. Il s’agit surtout de les réconcilier avec les adultes, la société,de les sortir d’une marginalité, parfois proche de la délinquance. Nousvisons aussi la remotivation, par des activités concrètes, un travail manuel,qui ne demandent pas, en apparence, de compétences scolaires : nousvoulons leur faire comprendre que lecture, écriture et calcul sont indis-pensables hors de l’école, ils acceptent alors mieux les contraintes scolaires.De plus, l’absence apparente en CLIPA de programme et d’exigences deniveau trop élevé leur permet de renouer avec la réussite. Allant de pairavec la remotivation, l’élaboration d’un projet personnel leur permet dese projeter positivement dans l’avenir, de conférer un sens à leur présenceà l’école et à leur vie.

Il s’agit aussi d’améliorer les conditions de travail des autres élèves :n’ayant plus à gérer d’affrontements quotidiens, les professeurs ont plus detemps à consacrer à leur enseignement et peuvent venir en aide aux autres.

Enfin, nous souhaitons donner aux jeunes une qualification qui leur offreune chance d’insertion sociale et professionnelle. Étant donné leur refusde l’école, le recours à l’apprentissage présente le double avantage dela qualification Certificat d’aptitude professionnel (CAP) et de l’insertion(entreprise). La solution retenue pour essayer d’atteindre ces objectifsest l’organisation de stages en entreprises, en alternance par quinzaine.

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Cette solution permet de prendre en charge les élèves très difficiles, eneffectif réduit : une dizaine par groupe, soit une vingtaine d’élèves autotal. Sans l’alternance, cela serait impossible, pour des raisons évidentesde discipline et de comportement.

Les élèves doivent trouver un maître d’apprentissage, un tuteur chargé deleur faire découvrir les différents aspects du métier. Il évalue les capacitésdu stagiaire et renseigne le professeur en charge de l’élève, prévenanten cas d’absence ou de problème.

Une autre solution retenue a été l’individualisation de la prise en chargedes élèves : chaque professeur suit deux stagiaires. Les visites régulièresen entreprises permettent aux professeurs de mieux cerner la personnalitédu stagiaire. En effet, le jeune adopte un comportement différent en dehorsdu collège. Ces visites contribuent à créer un climat de confiance entre lestuteurs et le stagiaire. Un carnet de stage permet le suivi des élèves etune communication bilatérale entre l’entreprise et l’équipe pédagogique.Ce carnet est un véritable outil de travail pour le stagiaire car ce n’estpas seulement un carnet de bord, il lui permet de prendre du recul: l’auto-évaluation n’est pas toujours facile à réaliser. Il permet aussi à l’ensei-gnant de dispenser un enseignement général à partir des besoins révélésen entreprise. Cette démarche facilite la motivation de l’élève. Pour conso-lider ce dispositif, le déroulement du conseil de classe a été modifié : lesélèves, les parents, les chefs d’entreprise sont invités. Les représentants desentreprises peuvent y intervenir à propos du jeune dont ils ont la respon-sabilité ou à propos de tout problème d’ordre général. Peu d’entre eux yont participé, non pas par désintérêt, mais en raison de leurs contrainteshoraires, et ce malgré un début de réunion fixé à 19 heures.

Un buffet froid est offert à la fin : cette convivialité désacralise le ritueldu conseil de classe et offre des possibilités d’échanges avec des familles,qui bien souvent, étaient en rupture avec le système scolaire. Pour lesélèves, cela peut être l’occasion de voir l’adulte différemment.

La mise en place d’une relation jeunes/adultes est axée sur la recherche,pour l’élève, d’un projet professionnel et des moyens pour l’accomplir.

L’apprentissage des connaissances de base de l’enseignement général estfondé sur un enseignement concret: rédaction de curriculum vitae, lettre demotivation (français), résumés de documents ou de manipulations (his-toire, sciences de la vie et de la Terre). Les textes écrits sont des articlesde presse, des petites annonces (français/histoire-géographie) ou des pro-tocoles d’expériences (sciences physiques, sciences de la vie et de la Terre,technologie). Les activités sont proposées de façon à ne pas placer lesélèves devant trop de difficultés. Les erreurs ne paraissant plus irrémé-diables, ils peuvent ainsi poursuivre leur travail et s’exprimer, reprendreconfiance. Remotivés, ils sont plus efficaces et respectent les protocoles dansles matières enseignées, appliquant des règles de savoir-faire nécessairesaux domaines techniques comme dans le monde du travail. Ils compren-nent donc que toute organisation (collège, entreprise, société) exige desrègles. Pour stimuler l’intérêt des élèves la vidéo, l’informatique, les bandesdessinées sont utilisées dans plusieurs matières. La notation est la pluspositive possible afin de leur rendre confiance. Ainsi encouragés, ils accen-tuent leurs efforts et ne refusent plus de travailler. Des contrôles somma-

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tifs sont effectués régulièrement pour conserver le rythme scolaire quiexige une évaluation et un compte rendu trimestriel pour les conseils declasse. Les élèves de CLIPA font partie des élèves de collège. Dans lescours, il y a toujours une place au dialogue, au débat, surtout en langue, pourprivilégier l’expression orale et l’écoute. Le respect de l’autre s’instaure,les élèves se montrent plus responsables et respectent leurs professeurs eten stage leur patron. Ils acquièrent une certaine maturité, dialoguent plusfacilement avec ceux qui les encadrent.

La validation des acquis est assurée par le Certificat de formation géné-rale. C’est une aventure pour les élèves qui subissent ainsi leur premierexamen. Beaucoup se prennent au jeu, aussi, est-ce une récompensequand ils sont admis et un réel objet de fierté.

Socialiser pour insérer

Notre objectif prioritaire de travail est la resocialisation des élèves parl’ouverture vers le monde du travail, selon trois axes : relations avec lesentreprises, contacts différents avec les familles, mise en œuvre d’autrespédagogies.

Notre système d’alternances assez rapprochées, périodes en entreprise dequinze jours, permet aux jeunes de s’intégrer à des équipes, de découvrirles aspects de la vie en entreprise: le travail, la confrontation aux contrainteset aux règles dans une communauté de travail. Nous souhaitons que celainflue sur leur comportement scolaire. Certains ont découvert plusieurssites : le système ne les obligeait pas à rester toute l’année dans la mêmeentreprise. La seule contrainte était de ne pas en quitter une sans en avoirtrouvé une autre. Certains, s’apercevant que leur choix ne correspondait pasdu tout à leurs goûts, ont changé de stage en cours d’année.

Confrontés à des problèmes concrets, ils perçoivent leurs besoins en for-mation et les expriment à leur retour. Pour exploiter au mieux toutes lesattentes, nous avons noué, avec des entreprises, des liens assez étroits. Lelivret de stage, confié à l’élève, fait la navette entre le collège et sonresponsable dans l’entreprise qui remplit les rubriques ainsi que le jeune.Chaque professeur se charge des contacts et du suivi systématique desstages pour un ou deux élèves; le livret lui sera montré régulièrement. Uneaide-éducatrice, spécialisée dans les problèmes de communication, assisteles protagonistes dans leurs démarches.

Nous avons aussi souhaité établir avec les familles d’autres relations,les impliquer davantage dans la scolarité de leur enfant, les réconcilier,elles aussi, avec le système scolaire dont elles s’éloignaient. Sur le livretde stage, elles ont constaté une forme d’évaluation, souvent positive etvalorisante et ont été invitées à participer au conseil de classe, suivi d’undîner au cours duquel elles ont pu discuter avec les professeurs, lescôtoyer dans une ambiance inhabituelle… Beaucoup ont hésité à venir aupremier trimestre (28 % de familles représentées et 50 % d’élèves pré-sents), mais, les résultats encourageants des enfants, les commentairespositifs de ceux qui avaient osé venir, ont eu raison des quelques réti-cences au second trimestre (40 % des familles représentées et 66 %d’élèves présents).

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La réflexion a porté en outre sur notre pédagogie axée sur des objectifscomportementaux (habituels ou nouveaux, façon de se présenter dansune entreprise…), l’acquisition ou la consolidation de savoirs et desavoir-faire fondamentaux, le travail sur les besoins ressentis par l’élèveau cours de son stage. Ces objectifs devaient mettre davantage le jeuneen situation de réussite, lui donner confiance en lui, le remotiver et induireune autre attitude face au travail scolaire.On peut se féliciter de la quasi-disparition de l’agressivité des jeunesenvers les adultes, du changement de leur perception de l’école, de l’ins-tauration entre eux et nous d’un climat de confiance et d’échanges per-manents. Bon nombre des abonnés aux avertissements et aux blâmesont eu les encouragements ou les félicitations du conseil de classe : lamoitié des appréciations du premier trimestre et un tiers de celles desdeuxième et troisième trimestres étaient positives.Nous pensions cependant avoir évité la délinquance à certains, maisl’atmosphère et le travail se sont sérieusement dégradés la premièreannée dans le groupe des garçons, après que quatre d’entre eux aient eumaille à partir avec la justice. La deuxième année, nous avons eu à déplo-rer trois abandons de jeunes filles en cours d’année. Nous constatonspour d’autres un absentéisme croissant. Ces problèmes se seraient sansdoute posés dans les mêmes termes dans une classe « traditionnelle »,puisque cela est dû à des événements personnels : maternité précoce pourl’une, abandon d’études à seize ans pour les autres.

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Favoriser l’expression des élèves

Apprendre, c’est aussi pouvoir dialoguer et s’exprimer sur ce que l’on amal compris, pouvoir faire état de ses appréhensions ou de ses craintes.Enseigner, c’est savoir créer entre les adultes et les jeunes une relation quiprenne en compte la dimension humaine : s’enquérir de l’autre, le consi-dérer dans sa globalité, lui reconnaître le droit à la parole. Nombre deconflits entre adultes et élèves trouvent leur source dans l’absence d’undialogue construit autour de ces dimensions. Les trois actions qui suiventdécrivent les dispositifs mis en œuvre pour instaurer un espace de dialoguesur les apprentissages.

Rituels en français et en anglais

Collège André-Malraux, CompiègneAcadémie d’Amiens

Une enseignante instaure des rituels de la classe qui favorisent lesapprentissages. La stratégie se décline sur deux axes qui déterminentsa pratique : sécuriser les élèves par ces rites, instituer un dialoguepour créer un lien de personne à personne et donner largement laparole aux élèves sur leurs apprentissages. Ces éléments facilitent la pré-vention des conflits et la motivation.

Introduire des rituels dans la pratique de transmission des connaissancesest destiné à favoriser l’apprentissage, entraîner l’acquisition de connais-sances (centrage sur la tâche) et réguler l’attitude des élèves entre eux(centrage sur le lien). L’expérience acquise dans le cadre des projets« communication » m’a prouvé qu’il fallait reconnaître la personne-élèveavant d’essayer de lui transmettre une connaissance nouvelle. La plupartdes rites décrits agissent sur le lien et la tâche en lettres et en anglais.

Rituels de début d’année

Les premiers contacts avec une classe sont importants et il faut faire latransition vacances/école pour les élèves comme pour l’enseignant. Laprise de contact peut s’étaler sur plusieurs cours, sur deux semaines,parfois trois. Pendant le mois de septembre des moments du cours sontconsacrés à la mise en place des relations élèves/élèves et élèves/ensei-gnant. Il est possible de faire le programme en élaborant la gestion de nosrelations. Bien loin de retarder la progression, cette période consacrée à

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la connaissance mutuelle fait gagner du temps et de l’énergie par la suite.Les petits détails et occasions de conflits ont été évoqués et prévus : onne perd ensuite ni temps ni énergie à les gérer.

Plutôt que de faire remplir les traditionnelles fiches, je préfère entrer enrelation avec les individus pour établir le contact. Chacun (moi comprise)répond aux questions : qui suis-je? qui êtes-vous? qu’allons-nous faireensemble? comment allons-nous faire? pourquoi? On se définit en deux outrois mots ou phrases, en tant que personne-élève ou personne-enseignant.Cela permet de définir le projet éducatif de chacun, professeur et élève.C’est l’occasion de présenter programme, objectifs, d’expliquer mesméthodes de travail. Les élèves réfléchissent ainsi sur l’enseignement engénéral. On peut prévoir alors la gestion d’éventuels conflits.

Structurer le temps

En début de cours, les élèves s’assoient, installent leurs affaires, ontencore le droit d’échanger quelques mots. Pour maintenir le calme etsurveiller tout le monde, je reste silencieuse et je ne réponds à aucunequestion. Quand toute la classe est calme, je fais l’appel. Ensuite, vien-nent les questions/réponses qui permettent d’échanger les informations,de donner des précisions, de vider les têtes de multiples petits détailsqui, s’ils ne sont pas réglés, encombrent l’esprit et risquent de resurgir sousforme de questions incongrues en plein milieu d’une explication. Cetemps rituel d’appel calme suivi des questions/réponses est sans douteimportant pour les élèves. Certains jours, il n’y a aucune question, maisil semble important qu’ils sachent, qu’au besoin, ils peuvent en poser.Puis, vient la vérification systématique des travaux. La suite du coursvarie selon les notions abordées et les objectifs.

L’explication des devoirs à faire et l’utilisation du cahier de textes sontaussi codifiés : les devoirs sont d’abord notés au tableau, puis expliqués,au besoin commencés en classe ; ensuite seulement ils sont notés sur lescahier de textes. Les élèves écoutent, copient. Ce rituel toujours respecté,évite la dispersion (« c’est pour quand », « j’ai pas compris », « c’estquelle page »…).

Tout ne fonctionne pas sans heurt tous les jours. Il y a dans chaque classeun ou deux « rebelles » qui essaient de se singulariser. Mais comme lesautres savent que faire, on évite en règle générale les débordements. Lerituel est apaisant pour les élèves et sécurisant pour moi les jours où engrande forme, ne dépensant pas mon énergie à des tâches de discipline,je me consacre mieux à la transmission du savoir.

Rituels en classe d’anglais

En début de cours on se salue, on s’accueille en anglais, on fait l’appel,on indique la date, on parle du temps, on dit comment on se sent. Puis onpasse au contrôle rapide (oral ou écrit) de la leçon précédente. Pour évi-ter de recourir au français, certains gestes, phrases, mots sont réguliè-rement utilisés, comme un code. En début d’année, je donne aux élèvesune feuille récapitulant les étapes du cours, précisant tout ce qui peut

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être dit par les élèves pour se mettre en « condition anglaise ». Pourchaque étape des fiches avec les expressions de base sont fournies selonles niveaux, les classes, les élèves, la progression du cours, elles peu-vent être modulées, enrichies, variées.

Dire comment on se sent : cette phase me semble très importante. Outrel’enrichissement pédagogique (vocabulaire et construction de phrases),j’y vois vraiment un intérêt psychologique. Parler de soi fait toujoursplaisir. Avoir l’occasion d’évacuer un petit ou un gros mal-être, ou departager un bien-être permet d’être plus disponible. Les élèves faiblesrépètent ou modifient à peine les expressions du cahier. Les plus àl’aise utilisent adverbes, forme négative, forme interrogative, passé,futur, supposition, justifient, réutilisent et enrichissent les notions vuesauparavant.

Si un élève veut vraiment dire la vérité sur ses sentiments, il le peut.Et s’il souhaite au contraire jouer un rôle, il le peut aussi. J’ai eu ainsiune année une élève brillante mais qui vivait une situation familialetrès difficile. Lors de sa participation, à voix haute, dans la classe, elles’inventait un personnage toujours gai et à qui tout réussissait, maiselle commençait toujours le cours en me confiant, au bureau à voixbasse, une bonne partie de ce qui la tourmentait. Le fait de s’exprimeren anglais lui permettait de se distancier : elle disait parfois des chosestrès dures, violentes même sur sa famille, qu’elle n’aurait sans doutepas pu énoncer en français.

Avoir un moment où l’on puisse parler de soi, même en une courtephrase, est positif pour l’élève et le cours. Si l’un ne trouve pas de phrase,les autres sont invités à formuler des hypothèses. Le professeur parti-cipe aussi et les jeunes peuvent imaginer tout ce qu’ils veulent à condi-tion que ce soit formulé en anglais. C’est une bonne façon de travaillerle lien et la tâche, en particulier l’attention à l’autre et l’écoute puisquecelui dont on parle est curieux de savoir ce qui va être dit sur lui. Toutesces phases de prise de parole se font en respectant des règles strictes :de bienveillance, de confidentialité, de respect mutuel et, en ce quiconcerne le savoir, l’utilisation de toutes les nouvelles acquisitions.

La nouvelle leçon

Ce qui a été vu et rappelé lors de la phase « d’échauffement » peut être réuti-lisé et adapté au cours à venir. Les différentes activités qui se succèdent encours d’anglais, comme dans les autres matières, sont structurées, codi-fiées, donc ritualisées. J’ai constaté qu’il est toujours rentable d’expliquerdès le début d’année ce que l’on va faire, comment on va le faire. Il n’estpas suffisant que l’enseignant sache où il va. Il faut aussi que l’élèveconnaisse l’objectif du cours et le chemin pour y arriver. C’est l’aspectsystématique et répétitif qui fait de ces différentes pratiques des rituels.On travaille à la fois la répétition, la mémorisation et l’enrichissement duvocabulaire et de la syntaxe. La prise en compte de la singularité de l’élèvepermet de tisser des liens propices aux échanges verbaux. C’est donc bienlà un ensemble de rituels qui fondent l’apprentissage.

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Classes « théâtre »

Collège Wolf, MulhouseAcadémie de Strasbourg

Pour redonner confiance aux élèves, l’équipe a choisi la pratique théâ-trale proposée à toutes les classes. Des spectacles travaillés en ateliersspécifiques et en classe sont montés et réalisés dans un théâtre voisinavec le concours d’une troupe professionnelle. La parole est large-ment donnée aux élèves à tous les stades du projet, ce qui a pour effetune baisse de l’absentéisme et une amélioration sensible du climat del’établissement.

Le projet d’établissement a choisi la maîtrise de la langue comme prio-rité. L’action théâtre favorise cette acquisition, mais plus généralementcontribue aussi à accroître les chances de réussite des élèves. Notre col-lège leur a toujours proposé une certaine pratique théâtrale, soit au seinde quelques classes soit au sein d’un atelier animé par des professeurs pas-sionnés. Mais depuis 1988, il a noué des liens privilégiés avec une troupe,«Les Tréteaux de Haute-Alsace», qui se sont renforcés au fil des ans etdes projets pour aboutir à la signature d’une convention de jumelage ;elle nous permet d’élargir le travail aux quatre niveaux du collège et dedégager des heures pour l’animation de l’atelier par les enseignants.

Être acteur

Ce vaste projet a pour but d’ouvrir les élèves à la vie culturelle de lacité en les faisant sortir de leur quartier et devenir des spectateurs res-pectueux, avertis et critiques, en leur donnant l’occasion de s’exprimerlibrement sur tous les sujets qui les préoccupent. L’action permet éga-lement de valoriser des jeunes en difficulté scolaire, de leur redonnerconfiance en eux et de leur faire prendre conscience de l’engagementpersonnel indispensable pour mener à terme un projet collectif construitqui passe par la nécessité des répétitions et l’exigence du travail bienfait. L’un des buts visés est également de développer le travail en équipe.

Deux classes de sixième bénéficient d’une initiation culturelle qui prendla forme d’une découverte des arts et des métiers du théâtre. En cinquièmecommence l’option théâtre proprement dite. Choisie par l’élève, elle estintégrée dans l’emploi du temps à raison de deux heures hebdomadaires.C’est le début d’une pratique d’initiation aux techniques de jeu (princi-palement occupation de l’espace, travail de la voix, développement del’imaginaire…). En classe de quatrième-théâtre, on approfondit un thèmeque l’on exploite sous toutes ses facettes en partant toujours de l’impro-visation des élèves mais en l’enrichissant aussi d’une étude de texteslittéraires. L’aboutissement sera la réalisation d’un spectacle ouvert à toutpublic en classe de troisième à la fin du premier trimestre.

L’action s’étend sur toute l’année scolaire. En juin, nous proposons unavant-projet pour l’année suivante. Il est présenté aux élèves à la rentrée,

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soumis également aux équipes pédagogiques et adopté par les classes. Lebilan est fait généralement à mi-juin et présenté aux différents partenaires.

Les projets de classe ont été organisés avec le concours des élèves. Nousne souhaitons pas leur imposer de manière autoritaire un savoir ou unsavoir-faire mais les accompagner pour qu’ils puissent les découvrir eux-mêmes. Nous veillons à ce qu’ils ne rejettent pas une idée ou une hypothèsede travail avant de l’avoir expérimentée et évaluée et systématisons l’ana-lyse et l’échange sur le travail effectué lors de la séance. C’est ainsi qu’aucours de l’année nous proposons aux sixièmes de visiter divers lieux despectacle, de rencontrer techniciens du son et de la lumière, comédiens,maquilleuses, costumières, manipulateurs de marionnettes, danseurs etc.Tout est effectué en complète concertation et collaboration entre les troisprofesseurs responsables et la comédienne des «Tréteaux» qui anime lesséances avec eux. Nous avons demandé et obtenu l’aide d’un emploi jeunepour assurer la liaison et l’information entre tous les partenaires : «LesTréteaux de Haute-Alsace», professeurs, administration, parents, élèves.

Les parents ont la possibilité de souscrire un abonnement au théâtre àun tarif préférentiel et sont heureux de pouvoir fréquenter une belle salleà l’ancienne. Pour un grand nombre d’entre eux, c’est même la premièrefois qu’ils en franchissent la porte. À titre d’exemple, près de cinq centsplaces ont été occupées lors du spectacle donné au Théâtre de la Sinne.

Cet abonnement est également proposé à tous les élèves ; il leur permetd’assister à cinq spectacles (programmation jeunesse au Théâtre de laSinne et programmation Filature), si possible en compagnie d’un adulte.Le professeur responsable de l’option théâtre est également le profes-seur principal de la section.

L’action théâtre, menée depuis longtemps, contribue à donner une imagepositive du collège, bénéficie d’une certaine priorité (démarches effec-tuées par l’équipe de direction pour assurer le financement de l’action).Lors de la signature de la convention la hiérarchie académique a témoignéde son intérêt et nous a aussi donné les moyens de poursuivre notre action.De nombreux partenaires extérieurs sont partie prenante dans cette activité:«Les Tréteaux de Haute-Alsace», la Direction régionale de l’action cul-turelle (DRAC), le Fond d’action sociale (FAS), la ville de Mulhouse.

Tous les acteurs du collège sont concernés à un moment ou un autre parcette action: trois professeurs et une comédienne professionnelle assurentl’encadrement de deux classes de sixième (quarante-quatre élèves), d’uneclasse de cinquième (vingt-cinq), d’une classe de quatrième (vingt) etd’une classe de troisième (dix-neuf).

Persévérer

Nous nous sommes toutefois heurtés à l’absentéisme de certains. Il fautpréciser ici que les élèves des classes théâtre ne sont pas triés en fonc-tion de leurs résultats scolaires, mais sur la base du volontariat et de leurdésir de s’engager dans une action longue. Certains décrochent au bout dequelque temps, lorsque les difficultés surgissent. Ils pénalisent l’ensembledu groupe. Nous ne voulons pas trancher dans le vif, nous cherchons à lesconvaincre d’avoir un comportement responsable. Cependant, il arrive

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que nous soyons obligés de prendre des mesures conservatoires pour l’en-semble du groupe. Par ailleurs, la non-implication de certains parents quine comprennent pas suffisamment l’intérêt de l’action ou qui sont déran-gés par les contraintes matérielles (déplacements lors des répétitions parexemple) ont pu quelque peu freiner la dynamique du projet ; il arriveaussi que certains d’entre eux perçoivent mal la semaine de répétitionavant le spectacle ou les séances de travail qui ont lieu en soirée.

En dépit de ces écueils, la qualité de vie au sein de ces classes s’estnotoirement améliorée. Tout n’y est pas parfait, mais il y a unanimitépour dire que le travail y est beaucoup plus facile que dans d’autres.C’est parmi elles que le taux d’absentéisme est le plus faible. Il y a trèspeu d’abandon en cours d’année. Aucun élève n’a dû être pris en chargepar le Lieu temporaire d’accueil individualisé pour les exclus 16 (LATI).

Nous avons appris aux élèves à exercer un regard critique sur leur travail.À la fin de chaque séance, ils analysent les improvisations et proposentdes améliorations. Leur participation aux activités, y compris pendantles vacances dans le cadre de l’école ouverte, est également un indicateurde leur implication dans l’action et dans l’école. Les relations sont davan-tage personnalisées : ils sont souvent amenés à dévoiler des aspectscachés de leur personnalité, la confiance s’établit entre le professeur et lejeune. L’activité théâtre a donc participé à donner une image positivedu collège qui contraste avec les difficultés quotidiennes et la violencelatente. Les élèves sont satisfaits lorsqu’ils sont arrivés à réaliser quelquechose de beau. La sensation de l’effort accompli leur redonne confiance.Ils se sentent revalorisés.

En effet, contrairement aux disciplines scolaires, le spectacle est le lieuoù tout est possible. Il n’y a pas de modèle à imiter, mais tout à inventer.Les collégiens deviennent actifs, acteurs de leur propre vie. Cette expé-rience nous a conduits à mettre en place un projet de classe qui intéresseles professeurs de toutes les matières. Le domaine de l’évaluation estun des chantiers qu’il faudra approfondir au cours des prochaines annéespour mesurer les effets produits sur les élèves, notamment en termesd’apprentissages.

Afin de faire connaître nos réalisations, nous souhaitons exposer et illus-trer les activités théâtre sur le serveur de l’académie.

Dialogue et modules en maths

Collège Victor-Hugo, HarnesAcadémie de Lille

Pour faciliter les apprentissages, les enseignants proposent aux élèvesdes modules d’apprentissages spécifiques et évolutifs centrés sur leursbesoins. Dans ces espaces, les collégiens sont confrontés à des situa-tions-problèmes qu’ils doivent résoudre en groupe. Ils sont invités à

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16. Voir page 153.

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s’exprimer et échanger avec leurs pairs sur les apprentissages. Cettestratégie du dialogue pédagogique permet une appropriation plus effi-cace du savoir et donc de prévenir l’irruption de violences.

L’organisation modulaire favorise une diversification des enseignements.En fonction d’objectifs pédagogiques d’ordre cognitif et/ou éducatif, desregroupements d’élèves fixes ou évolutifs sont mis en place. Les jeunessont réunis en nombre plus ou moins important (de un à trois modulesd’une dizaine d’élèves) dans des classes dont le caractère d’hétérogénéitévarie sensiblement: pour certains enseignements, une relative homogénéitéest recherchée, alors que dans d’autres, il y a association d’élèves deniveaux et de comportements différents. Les situations d’enseigne-ment/apprentissage sont donc volontairement multiples et vouloir en pré-senter une en particulier ne correspond pas à la philosophie du système.Néanmoins, et pour illustrer notre démarche, nous proposons au lecteur unexemple de situation qui met en tension le développement cognitif (savoirs,savoir-faire) en confrontant le réel avec les représentations des élèves.Dans la situation exposée, l’acquisition des savoirs est favorisée au traversdes aspects didactiques d’un cours de mathématiques. L’action pédago-gique, à caractère monodisciplinaire, repose sur les résultats théoriques desrecherches menées depuis une vingtaine d’années dans ce domaine.

Un point de vue constructivisteDepuis l’échec global de l’enseignement des mathématiques ditesmodernes des années soixante-dix, le débat sur l’enseignement de cettediscipline ne s’est plus centré uniquement sur les contenus à enseignermais aussi sur les acteurs, et en particulier sur ceux auxquels cet ensei-gnement est destiné, les élèves. L’enseignement transmissif, qui consi-dère l’élève comme un réceptacle du savoir, a montré ses limites et denouvelles voies, qui prennent en compte leurs représentations, se sontdéveloppées. Les chercheurs en didactique des mathématiques peuventêtre considérés comme des précurseurs dans ce domaine. Les représen-tations des élèves, fausses du point de vue du spécialiste, mais néan-moins opératoires, sinon elles ne persisteraient pas, doivent être prises encompte. L’objectif de l’enseignant est donc de mettre en place des situa-tions dans lesquelles ces représentations peuvent émerger. Confrontésà des situations dans lesquelles les savoir-faire préexistants se révèlentinefficaces, ils sont dans l’obligation de réorganiser leurs connaissanceset, ainsi, d’acquérir de nouveaux savoir-faire plus efficients17. En mathé-matiques, ces outils de transformation de la connaissance, ces règles,prennent les noms de théorème, de définition, de propriété, pour ne citerque les termes les plus utilisés dans le premier cycle de l’enseignementsecondaire et deviennent, par eux-mêmes, objets de connaissance 18.

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17. Piaget Jean, Logique et connaissance scientifique, Gallimard, Paris, 1967, coll. «LaPléiade». Bachelard Gaston, Le Nouvel Esprit scientifique, PUF, 1934.

18. Douady Régine, « Jeux de cadres et dialectique outil-objet », Recherche en didactiquedes mathématiques, vol. 7/2, 1986.

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Mise en œuvreL’explicitation des représentations des élèves se fait essentiellement parla communication verbale en direction de ses pairs, les autres élèves dela classe, et/ou de l’enseignant. Il s’agit donc d’un acte social qui favo-rise l’expression et le dialogue mais aussi la confrontation des idées et,dans la mesure où elle est sollicitée et soutenue, la coopération. On peutainsi dire que dans cette organisation, les élèves sont placés en situationde conflit socio-cognitif. Pour chacun, la résolution du conflit, autre-ment dit du problème, doit permettre une réorganisation ou un dévelop-pement de ses connaissances. Pendant la résolution du problème, lesélèves sont confrontés à trois types de situations : les situations d’action,de formulation et de validation 19 : la première est une phase d’actionindividuelle où l’élève cherche à résoudre un problème avec les connais-sances dont il dispose ; la seconde correspond à la transcription en motset à la médiation du processus de résolution mis en œuvre par l’élève etla troisième est un moment d’argumentation et de production de preuve.Les trois situations ne constituent qu’une première phase de l’activitémathématique de l’élève. Deux autres sont nécessaires 20. La deuxièmephase nécessite la mise en commun des résultats obtenus. Il s’agit d’élu-cider les méthodes, de définir les concepts et d’écrire les règles. L’enseignantjoue un rôle essentiel : il est l’arbitre et officialise ce qui doit être connu detous. La troisième phase est essentiellement personnelle. Elle se manifestepar la résolution d’exercices d’entraînement où il s’agit de mettre en œuvreles connaissances précédemment acquises. Cette phase permet l’évaluationinstitutionnelle. Dans la première phase, celle où les élèves sont en situa-tion collective de résolution de problème, l’évaluation est bien entendueaussi présente. Elle constitue d’ailleurs l’un de moteurs de l’action, del’adaptation ou de la construction des connaissances.Pour favoriser la prise de parole du plus grand nombre, il importe que lesélèves en aient matériellement la possibilité. La classe peut être diviséeen groupes de trois ou quatre élèves en associant les tables deux à deux.La première phase est organisée en deux temps. Pendant le premier, lesélèves recherchent, en petit groupe, une solution au problème posé etnégocient de manière à en faire émerger une. Dans un deuxième temps,un représentant du groupe exprime la solution trouvée à l’ensemble de laclasse. En fonction de la pertinence des résultats obtenus, il peut êtrenécessaire de recommencer cette phase en reformulant le problème ou enposant une nouvelle question.

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19. Brousseau Guy, La Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques,Thèse, Bordeaux, 1986.

20. Berté Annie, Mathématique dynamique, Nathan, 1993.

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S’épauler : la classe, lieud’apprentissages collectifs

Pour prévenir la violence, on peut aussi passer par l’apprentissage de lavie en groupe, qui permet de dépasser le primat de l’individuel. Pour uncertain nombre d’élèves, l’école, la classe constituent le seul lieu, le seulmoment de la vie où l’individu fait partie d’un groupe avec des normeset des codes sociaux imposés. Les équipes dont les écrits suivent ontdonc choisi d’offrir aux élèves un apprentissage de la vie sociale pour tirerparti positivement des différences entre les individus qui souvent sont àl’origine de la violence. Ainsi, apprendre à travailler en équipe peutconstituer un objectif pédagogique et d’insertion sociale. Travailler engroupe, c’est aussi susciter chez les élèves le sentiment d’appartenanceà une communauté (la classe, l’établissement) qui constitue une moti-vation pour l’apprentissage et un rempart contre la violence. De même,certaines équipes proposent aux élèves des stages à l’extérieur du collègequi visent à consolider la cohésion du groupe.

La richesse du partage

Collège Jacques-Brel, FrugesAcadémie de Lille

Pour prévenir la violence en favorisant les apprentissages cognitifs etsociaux, le collège a choisi d’améliorer des relations de groupe et la for-mation des élèves au travail en équipe pour que chacun trouve sa placedans un groupe de travail. Les activités conduites en effectifs réduitsavec un groupe de consolidation de sixième dans le cadre d’atelierslecture au Centre de documentation et d’information permettent d’of-frir aux élèves la possibilité d’acquérir des compétences en lecture touten faisant l’apprentissage du rapport à l’autre dans la perspectived’une socialisation maîtrisée.

Ce qui caractérise d’abord les élèves en consolidation, c’est évidemment leurfaiblesse scolaire. Mais, les sortir de leur classe pour les mettre en groupe,c’est souligner cette faiblesse par une marginalisation et, du même coup,remettre certains face à des fragilités internes nées bien en amont de l’école,alors qu’ils ont déjà été bousculés par le passage de la structure protectricedu primaire au milieu plus ouvert du collège. D’où deux attitudes decompensation apparemment opposées mais qui se nourrissent l’une l’autre:le repli sur soi et l’autodéfense préventive. Autrement dit et pour faire bref,le recours à des attitudes de domination pour certains et de soumission pourles autres. L’opposition de ces deux types de comportements et leur mise en

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scène peuvent souvent, dans un groupe d’élèves en difficulté, prendre lepas sur les apprentissages qui doivent rester la finalité de la classe. Il s’agitdonc de permettre à ces deux types d’élèves non seulement de cohabiterdans le groupe de consolidation mais d’y travailler ensemble. Si le profes-seur reste le référent, l’apprentissage ne dépend plus d’abord de la relationindividuelle sécurisante adulte/enfant, mais repose sur le travail d’un groupede pairs impliqués, pour le mener à bien, dans un même projet. L’objectifest donc d’éviter que ces jeunes ne se réfugient dans la domination ou la sou-mission, pour qu’ils puissent vivre pleinement leur statut d’élève.L’activité proposée s’inscrit dans un projet qui touche tous les élèvesde sixième. Il s’agit, pour le groupe de consolidation, de proposer unegrille-jeu portant sur la lecture d’un des quatre livres faisant l’objet d’unconcours dans l’établissement. Les consignes de travail portent priori-tairement sur le résumé, le titrage et la production d’énoncés simples,cet atelier concourant ainsi à des objectifs du cours de français.L’Enlèvement de la bibliothécaire de Margaret Mahy 21 est simple, courtet agréablement illustré, sa lecture ne devait pas poser de problème.L’activité débouche sur une production finalisée valorisante tant sur unplan individuel que pour l’image du groupe de consolidation. C’est parle travail collectif qu’on pourra atteindre les objectifs. Si le professeurintervient pour aider, il ne répond qu’à des demandes émanant du groupe.Après avoir présenté le travail et insisté sur le fait qu’il faudrait lire àla maison (on a feuilleté le livre ensemble avec plaisir) et qu’en classe,il s’agira d’un travail d’équipe (ce qui semble plaire), je dis aux élèves deconstituer les groupes sans indications plus précises ni remarques parti-culières. Moment de surprise, chuchotements discrets, interpellationsplus pressées, les groupes se constituent par affinités ; je laisse faire.Les clivages appréhendés se produisent : refus de la mixité, regroupe-ments selon les profils. Chez les garçons, trois villageois (groupe 1) trèsdociles se démarquent d’un autre groupe d’élèves très faibles mais extra-vertis et autoritaires (groupe 2). Un troisième groupe (groupe 3) comptetrois filles « trop » sages, attentives mais ne se manifestant jamais, alorsque dans le dernier (groupe 4) se retrouvent deux des trois élèves avouantvivre avec humiliation le fait d’être en consolidation. Je n’interviens pasdans ces regroupements.Dès le premier travail, chacun des groupes bute sur les problèmes quepose son profil. Au lieu de s’aider, on s’affronte dans le groupe 2. C’est àqui prendra la direction du groupe et on veut que l’adulte soit l’arbitre etdésigne le chef (délégation de pouvoirs). Dans le groupe 4, on a très vitefini le travail. Mais après une observation discrète, j’interviens pour confis-quer la lettre que la fille écrivait à une « copine » et constater qu’on s’estdébarrassé du travail. Les groupes 1 et 3 cherchent à faire le travail et sedébrouillent avec les consignes comme ils le peuvent, c’est-à-dire en recou-rant à l’évitement. Au lieu de proposer, en fonction du texte, des correctionsdans un télégramme erroné, un groupe ne fait que barrer les erreurs alorsque l’autre recourt à la copie du texte. Je n’ai pas la patience de laisser sedécanter les situations et ramasse les traces écrites (parfois réduites à un titre)

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21. Gallimard-Jeunesse, coll. « Folio Cadet ».

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à la fin de l’heure. On mesurera collectivement l’écart entre la consigne etle travail fait pour soi-disant mieux le continuer. En fait, je suis impatientd’exploiter la situation: je veux favoriser l’affirmation des plus effacés etdiscréditer chez les autres les tentatives de s’affirmer autrement que par l’im-plication dans le travail. C’est bénéfique pour ce travail sur les premièrespages, mais si le groupe 2 s’en sort lui aussi, c’est en partie parce qu’un des« ténors » a été (par bonheur?) absent.

Interactions

C’est la mise en commun au tableau des affirmations proposées parchaque groupe qui débloque la situation. Les élèves critiquent, choisis-sent, bâtissent leur grille. Après leur avoir rappelé qui seront les desti-nataires de leur production, j’orchestre la discussion principale mais sansintervenir dans les remarques, comparaisons et évaluations que cela pro-voque à l’intérieur de chaque groupe. C’est quand tout est fini que j’enprofite : en tant que secrétaire du travail collectif, je prends note de lagrille tandis que chaque groupe fait une mise au point sur la qualité de sontravail et sur son fonctionnement. La reformulation qui s’est faite semblebeaucoup mieux fonctionner que je ne l’appréhendais. Ce que j’en retiens:travailler en groupe oui, mais pas en vase clos. À moi, le professeur, decréer, par l’instauration d’un dialogue petits groupes/groupe classe etpar mes interventions en tant que meneur de jeu, une « ventilation »pour éviter, dans chacun des groupes, la montée des tensions latentes etl’émergence d’un sentiment d’abandon de la part du professeur.

La présentation de la maquette de la grille-jeu en traitement de textesuscite l’enthousiasme: il y a un produit fini, on croit à l ‘entreprise. Onanalyse alors le travail sur le chapitre 2 que chacun devra préparer indi-viduellement et apportera à son groupe. Quand, la semaine suivante,passant de groupe en groupe, je vérifie le travail, je me mets en colère. Ily a eu de la copie (« on l’a fait ensemble » me disent des internes n’ap-partenant pourtant pas au même groupe), on ne s’est pas du tout impli-qué dans le travail ou on n’a rien fait. D’où une mise au point et unecorrection de la démarche.

Il s’avère alors nécessaire à la lumière de cette expérience de responsa-biliser chacun dans le groupe. La règle qu’on se donne: chacun doit appor-ter quelque chose (pas de parasitisme), pas forcément la même part maisfaire le maximum (esprit d’équipe). Pour m’assurer qu’il y a bien untravail individuel à mettre en commun, je ferai un contrôle de lecture endébut de séance (qui d’ailleurs pourra guider ensuite les élèves dans leurproduction). Il m’a semblé à ce moment qu’il convenait également deresponsabiliser chaque groupe grâce à la mise en place de travaux diffé-rents mais complémentaires.

En plus d’un exercice vrai/faux auquel les élèves sont désormais habitués,j’ai lancé un travail de recherche nouveau. Il s’agit de prélever dans lechapitre 3 des éléments pour bâtir une réponse en un travail de synthèseaux deux questions suivantes : la bibliothèque de Mlle Labourdettefonctionne-t-elle différemment de celle du CDI du collège? La biblio-thécaire et son ex-kidnappeur peuvent-ils en arriver à s’aimer? Mais ce

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travail ne se fait pas. Les élèves se précipitent sur la mise au propre del’exercice vrai/faux qui pourrait être délégué à un membre du groupe etqui pourrait être fait, seul, en étude. Ils le font tout de suite, « ensemble »,et délaissent l’exercice de synthèse qui aurait dû être traité en prioritéen groupe. Est-ce parce qu’on veut valoriser ce qu’on vient de réussiret ainsi se faire plaisir ? Est-ce parce qu’on ne sait comment aborder laseconde tâche? Il doit y avoir un peu des deux et j’interviens pour réflé-chir avec eux sur la gestion du travail et la rentabilité de l’équipe. Ondégage alors deux règles. La priorité doit être donnée pendant l’heureoù on est ensemble à ce qui demande de l’entraide d’une part, et à prendreconscience que le travail en équipe c’est se répartir ce qu’il y a à faire,d’autre part. Il aurait fallu, dans l’idéal, que j’anticipe ce type de phé-nomène et que chacun se voit attribuer une tâche précise. Il faudra, quandl’occasion se présentera, qu’on constate, sans porter de jugement, quele groupe peut choisir soit le partage du travail par rotation (souci dejustice), soit une répartition en fonction des compétences de chacun(souci d’efficacité collective).

Les contrôles de lecture vrai/faux que je fais en début de séance sont biensûr évalués et les élèves donnent eux-mêmes leurs notes au professeur defrançais pour qu’il les intègre dans le calcul de leur moyenne trimestrielle.Pour éviter que, dans cet atelier, on ne se lasse à toujours travailler la lec-ture, je leur propose d’être, à leur tour, les héros d’une histoire d’enlève-ment qu’ils écriront. « Vous, élèves, enlevez quelqu’un du collège (qui, où,quand, pourquoi?) et… » Enthousiasme! Le chef-cuisinier, le principal, leprincipal-adjoint et le professeur de français doivent être kidnappés. Çareste, pour le moment, des histoires qu’on bâtit oralement dans les groupes.Des bribes d’écrit m’alertent. Nous allons avoir besoin de savoir ponc-tuer et disposer un dialogue. Collaboration avec le professeur de français:c’est avec lui qu’ils feront cet apprentissage. Pour le moment, je laissemûrir ce gros projet d’écriture (et le professeur de français se battre avecla ponctuation) et veux finir l’activité de lecture (chapitres 4 et 5). Mais, àla fin des séances, nous parlons quelques minutes de leur scénario. Pourvuqu’on puisse mener ce travail! Ils sont demandeurs mais si faibles à l’écrit!Il était temps que la collaboration entre le professeur de français et moisoit perçue de façon concrète par nos élèves.

De la confrontation à la cohabitationSi je pense avoir atteint, somme toute, mes objectifs (la prise de res-ponsabilité partagée a été fructueuse: on a appris à travailler ensemble eton a abouti à un produit fini), cela ne s’est pas fait de façon régulièremais par à-coups. Ce sont les obstacles, les difficultés rencontrées surle terrain qui ont bousculé les choses et j’ai dû « bricoler » des solu-tions. C’est que je ne me sens efficace qu’in situ, face au blocage, etc’est pourquoi j’ai tendance certainement à le provoquer : consignes dif-ficiles, travail trop complexe ou déstabilisant dans un premier tempspour les élèves. Si ma feuille de préparation est prête, je ne la respecte pastoujours et je navigue pas mal à vue.

J’aurais dû aussi me retenir de trop intervenir dans le travail au niveaudu document final. En tant que secrétaire du groupe, j’ai composé ce

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document moi-même : j’ai décidé seul de son organisation après avoircorrigé d’autorité la rédaction des consignes. À ma décharge : la périodi-cité de cet atelier qui n’est que d’une heure par semaine, ce que les élèvesont d’ailleurs regretté dès le début du second semestre.

Notre problème n’est pas/plus de désamorcer des tendances à la violencemais d’éviter chez certains son émergence ou d’en préserver les autres. Ils’agit de lutter contre les attitudes défaitistes et d’enfermement dans unstatut d’élève faible. Si l’image de soi peut être revalorisée chez les plusextravertis par une affirmation primaire de l’individu, le désinvestisse-ment personnel est susceptible d’accentuer le repliement chez d’autres etde les désigner comme victimes potentielles de la violence soit de leurspairs, soit de l’école elle-même vécue alors comme institution répressive.

Une structure de différenciation sous la forme d’une sixième de conso-lidation, caractérisée par de nouveaux rapports au savoir et de nouveauxrapports sociaux, devrait susciter chez les élèves concernés une enviede progresser en prenant appui sur le groupe comme moyen d’aide auxapprentissages et de socialisation. Cela devait avoir pour effet d’amé-liorer leurs compétences, de réduire les formes de violences inhérentesà chaque cas : pour les uns, une plus grande extériorisation, pour lesautres, une meilleure socialisation et acceptation des règles de vie encommun. La confrontation en devenant cohabitation entre ces deux typesd’élèves devrait être motrice et source de richesse mutuelle.

Le village et l’île

Collège Les-Hauts-de-Blémont, MetzAcadémie de Nancy-Metz

Le projet de classe s’inscrit dans la démarche des simulations globalesdans laquelle les apprentissages disciplinaires sont conditionnés par lestrois phases de l’invention : création d’un décor, un village dans sarégion, et des personnages qui vont lui donner vie en créant des évé-nements (tranches de vie, guide touristique, voyage, correspondances,élections…). Les élèves construisent eux-mêmes leur environnement,se choisissent des identités fictives et décident du mode de fonctionne-ment de leur projet.

L’établissement accueille actuellement 753 élèves, dont une partie impor-tante rencontre de plus en plus de problèmes d’apprentissage, et se voitdonc dans l’obligation de repenser continuellement l’organisation de sesclasses, les contenus et les démarches pédagogiques et éducatives. Undispositif de classes de quatrième d’aide et de soutien, de troisièmed’insertion, de sixième de remédiation a donc vu le jour. Une équipe desept professeurs, enseignant depuis plusieurs années dans les classes dudispositif, a trouvé intéressant de faire connaître sa réflexion sur lescontenus et les pratiques qu’elle s’est vue contrainte de modifier face

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aux difficultés de tous ordres : comportements déviants, niveau d’ap-prentissage irrégulier, problèmes de langage, désintérêt pour l’école… Pardes bilans périodiques, un regard sur leurs pratiques, l’échange et laconfrontation avec d’autres équipes, l’harmonisation de leurs discours,ils ont pu modifier la définition de leur mission en y incluant aussi : édu-quer, intégrer et insérer.

Un cadre fédérateur

Bien que la démarche des simulations globales soit destinée, à l’origine, àl’apprentissage du français langue étrangère, il nous est apparu pertinent del’adopter auprès de nos élèves en difficulté. En effet le changement dedécor qu’elle nécessite nous permet de donner un cadre fédérateur à l’hété-rogénéité du public (primo-arrivants, élèves très faibles, nombreusesethnies, comportements déviants). Les nouvelles identités qu’adoptent lesélèves, la mobilisation de l’imaginaire, modifient l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Enfin les nombreuses activités langagières en œuvre dans l’inven-tion, les recours continuels aux notions transversales des disciplinesredonnent du sens aux activités scolaires et facilitent la maîtrise des savoirs.La démarche pédagogique différenciée et diversifiée, propre aux simula-tions globales, permet aux élèves d’élaborer leurs projets personnels. Ils sontainsi capables de faire des choix (à chaque étape du projet), de collaborer,de construire et respecter un contrat de classe élèves/parents/enseignants,de mener à terme le projet collectif. Le recueil des écrits, la maquette duvillage, le site Internet et l’exposition des productions rendent le jeuneresponsable de sa scolarité, favorisent l’apprentissage de la démocratie etde la citoyenneté et donnent du sens aux différents savoirs.

Toutefois, l’action s’est portée davantage sur l’étude des langages et surla socialisation. Quant aux recentrages, ils ont été décidés lors des concer-tations qui jouent un rôle important dans la progression.

L’action est choisie par les enseignants en juin de l’année précédente etproposée aux élèves dès la rentrée. Échanges et débats sont organiséspour en définir le déroulement, pour déterminer son orientation, les acti-vités, la répartition des tâches et les supports écrits qui vont témoigner desévénements simulés. L’apport de textes authentiques, les recherchesdocumentaires, les contraintes que le groupe va s’imposer ne sont enrien un frein à l’invention mais vont stimuler l’imaginaire et donner unecohérence à la création. Tout cela va déterminer les contenus discipli-naires et les rapports interdisciplinaires, les visites culturelles… Le pro-jet se déroule sur l’année scolaire, fait partie de l’ordinaire de la classe.Les temps forts (débats, sorties, interventions, productions intermédiaireset finales) prévoient et justifient le recours aux activités plus traditionnelles.

Un des principes de la simulation globale est que pour donner une réalité àl’invention il faut partir des contraintes du réel. En effet, selon cette démarche,les apprentissages disciplinaires sous-tendent les trois phases de l’inven-tion : création d’un décor imaginaire mais cohérent (un village dans sarégion, une île dans un endroit du monde). On se donne des repères, onconstitue un patrimoine commun puis l’on invente des personnages avec leuridentité. Pour bien faire coïncider décor et personnages il faut déterminer des

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contraintes: nombre, âge, sexe. Pour dépasser la simple carte d’identité etdonner de l’épaisseur aux personnages il faut leur attribuer un visage et uncorps, des habitudes et quelques repères biographiques. Enfin, la création desévénements pour meubler le décor: ces personnages ont des relations entreeux, mènent une vie collective, associative et professionnelle, occasionsmultiples et variées pour l’apprentissage. Pour mettre en œuvre ce projet, ilfaut repenser l’organisation de la classe. Dès la rentrée un contrat de classesengageant élèves, familles et équipe éducative est élaboré. La pédagogiedifférenciée individualise l’enseignement, donne une place à chacun en leresponsabilisant pour mener à bien son projet personnel. D’autres aména-gements sont apportés: la transversalité des apprentissages, une salle uniquepour la permanence du matériel, l’espace est repensé pour favoriser lesactivités communicatives et l’utilisation des nouvelles technologies (maté-riel informatique pour archivage des données, création d’un site Internetpour communiquer avec l’extérieur).

Les rencontres avec les parents sont régulières. En début d’année, ilsviennent au collège pour la signature du contrat de réussite pour s’engagersur l’avenir de leurs enfants. Ils sont présents également lors de la remisedes bulletins trimestriels pour suivre l’évolution du projet de leur enfant.

Partenariat et diffusion

Il est bien évident que le bon déroulement de la classe ne peut se faire sansl’appui d’une équipe volontaire et stable, soutenue par le chef d’établis-sement qui, d’ailleurs, participe aux réunions de concertation. Les équipesengagées dans les actions de simulations globales ont suivi une forma-tion d’établissement commune, où les enseignants se sont mis eux-mêmesen situation et ont pu prendre la dimension des difficultés et des apportsde cette démarche.

Les éducateurs de quartier sont présents aux réunions et établissent lelien entre le collège et son environnement. Le partenariat avec la ville, lesentreprises, les administrations dépend des projets personnels des élèves.C’est ainsi que, tour à tour, la ville de Metz, le Rotary club, les Ateliersde la police interviennent pour nous apporter leurs compétences.

Cette action a permis la mise en place des règles de vie et d’engagementsmutuels, la transversalité des activités, la différenciation pédagogique, unvrai travail d’équipe et a débouché sur une production visible dans ethors collège (spectacle, exposition, site Internet). Cela valorise les élèveset explique que les orientations proposées dans ces classes soient mieuxacceptées et les critères d’orientation plus cohérents.

Néanmoins, les échanges interclasses sont restés des moments d’excep-tion car ils requièrent une organisation très lourde. Certains élèves n’ontpas adhéré aux règles imposées, ce qui a entraîné des ruptures dans ledéroulement prévu: nous avons dû opérer quelques recentrages. Enfin, unetrop grande différence dans les niveaux de langue (trop de primo-arrivantsrécents) a ralenti l’action.

L’évaluation de chaque production est notée, selon des critères définis parla classe, sur une grille établie selon les étapes à suivre et de « ce qu’il fautpour réussir ». Les productions individuelles peuvent recevoir plusieurs

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notations si elles sont évaluées à divers niveaux : français, technologie,mathématiques… Lors d’une activité en partenariat, telles que les simu-lations d’entretiens d’embauche avec des chefs d’entreprise, des grillesd’observation évaluent la prestation de l’élève. Le groupe aussi est éva-lué. La reconnaissance de la réussite de la classe par le collège, lors de laprésentation des productions, peut être considérée comme un mode d’éva-luation finale du projet.Les capacités transversales (assiduité, ponctualité, respect des personneset des biens…) de chaque élève sont estimées par l’élève lui-même, parchaque enseignant de la classe mais également par tous les partenaires.Dans le principe, la poursuite de l’action telle quelle ne pose pas de pro-blème. Bien évidemment, il y a des modifications à apporter selon lesbesoins. Il n’est nullement question d’abandonner l’action sauf en sixièmede consolidation. La raison en est simple: cette classe étant soumise à unprogramme, qu’il faut faire coïncider avec le déroulement de l’inven-tion, ce n’est pas toujours évident et crée des ruptures dans le projet. Laprogression doit être très rigoureuse pour ce type de classe.Le développement de l’action en quatrième dépend en grande partie desélèves eux-mêmes. En effet, il n’est pas prévu à l’avance car l’organisationest établie selon l’imagination, la sensibilité de la classe, c’est pourquoiil n’y a jamais de prévisions fixes.Globalement, le transfert de la simulation globale vers d’autres classes nesemble pouvoir se faire que sous certaines conditions : concertation, ren-contres régulières de toute l’équipe et adaptation du programme au projet.La diffusion se fait de deux façons : en interne, par les spectacles, lesexpositions, les enregistrements vidéo, et vers l’extérieur par les bro-chures, les sites Internet, les réunions d’échanges, les visites des sta-giaires IUFM et même une délégation d’enseignants marocains en visitedans l’établissement. Certains collègues ont participé aux États géné-raux de la lecture et des langages 22 où ils ont présenté notre activité.

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22. Nantes, 4 et 5 mai 1999.

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TISSER LE LIEN SOCIAL

Deuxième partie

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Les actions relatées dans la précédente partie montrent comment, auquotidien, les enseignants organisent des situations d’apprentissagenovatrices pour « donner envie d’apprendre » à leurs élèves souvent hos-tiles aux contenus et aux exigences scolaires. Une seconde dimension,la construction du lien social, est fortement présente dans les actionsdécrites par les enseignants. Pour l’élève, l’établissement peut être unlieu où il se sent accueilli, respecté, écouté et où il peut percevoir lesrègles comme des garants de la vie collective ; mais il peut aussi êtrevécu comme le lieu de l’arbitraire, de la violence et de l’échec. Il s’agitdonc de permettre à chacun de trouver sa place et de participer à la viecollective ; l’établissement devient alors le lieu d’apprentissage de ladémocratie. Ces deux aspects ne sont pas séparables d’une attentionparticulière à la prévention des comportements d’agressivité, à la luttecontre les incivilités et à la gestion des situations de crise ou des conflits.Chacun est en effet conscient que l’équilibre est fragile et que le main-tien d’un climat serein à l’intérieur de l’établissement n’est jamaiscomplètement acquis.Dans un premier groupe d’actions, l’accent est mis sur la vie dans l’éta-blissement, sur la dynamique collective qui s’y déploie. Il s’agit d’abordd’intégrer les élèves dès leur arrivée au collège. Ainsi la liaisonécole/collège est-elle une préoccupation forte des enseignants qui per-çoivent combien ce passage, s’il n’est pas accompagné par des adultesattentifs, peut favoriser les comportements de rupture. Il s’agit ausside développer des activités favorisant la vie commune et d’améliorerla communication entre élèves et adultes.Dans un second groupe d’actions l’objectif affiché est l’appropriationdes valeurs démocratiques à travers des situations concrètes : règlementde conflits, débat argumenté.Enfin, un dernier groupe d’actions montre comment, collectivement, deséquipes éducatives réagissent aux manquements des élèves, soit en éla-borant des outils pour mieux les suivre, soit en permettant, pendant lesheures d’enseignement, de mettre des mots sur la violence.

Deuxième partie – Tisser le lien social

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Une classe-clé : la sixième

L’arrivée au collège est un moment charnière pour le développement del’enfant et le déroulement de sa scolarité. Il s’agit donc de l’aider dans cepassage délicat par des interventions diverses. Au collège Molière d’Ivry-sur-Seine il s’agit d’assurer une continuité pédagogique. Au collège LaVilleneuve de Grenoble pour faciliter l’intégration, une période de transi-tion est organisée avec précision et inclut une auto-analyse dédramatisante.À Marseille, au collège Edgar-Quinet, c’est une action Citoyenneté quiresponsabilise les jeunes. Pour faire que l’établissement soit à la fois unlieu d’apprentissage, de vie et de solidarité, l’équipe de Gustave-Flaubert àParis a pris le parti du tutorat entre élèves où les plus grands assistent les pluspetits sous le contrôle des adultes toutefois.

S’intégrer au collège

Collège Molière, Ivry-sur-SeineAcadémie de Créteil

Un dispositif multiforme fonctionne depuis plusieurs années dans cetétablissement, par une étroite liaison CM2/sixième dans l’apprentissagedes langues, par un séjour pédagogique et une première approche dela démocratie scolaire, entre autres. Les sixièmes de ce collège s’yadaptent sans heurts, convaincus que la réussite est possible.

Depuis dix ans, notre dispositif destiné à favoriser l’adaptation des élèvesau collège intègre une aide au travail personnel, des ateliers de lecture,un soutien individualisé en français, un temps de remédiation (SOSmatière), des entretiens individuels. Dans ces espaces l’élève est reconnucomme un individu. Mis en situation d’analyser son comportement, sesapprentissages, il est conduit à trouver du sens à ce qu’il fait, à mieux seconnaître, à réaliser qu’il peut évoluer, progresser. Il peut égalementtrouver, ou retrouver, l’estime de lui-même. Il y a deux ans, il a parunécessaire, voire indispensable, d’aider les élèves à passer du je au nouset d’insister sur la dimension collective du collège en travaillant dansquatre directions complémentaires: l’appartenance à un groupe, l’appren-tissage des responsabilités, le respect de soi-même et des autres, lacompréhension et l’acceptation des règles de vie commune. Trois nou-velles actions ont ainsi vu le jour : la mise en place d’activités communesécole primaire/collège, un voyage de trois jours en début d’année, puisune exposition valorisant le travail réalisé au cours de ces journées.

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Échanges école/collège

Pour sensibiliser les élèves de CM2 aux méthodes pédagogiques du col-lège, ils sont initiés à l’anglais, deux fois par semaine, par des professeursdu collège. Outre l’apprentissage de la langue, les élèves découvrentainsi divers aspects du secondaire: l’enseignement d’une nouvelle matièrepar un professeur spécialisé, un rapport différent à l’enseignant (vou-voiement) et aussi d’autres méthodes. Ils sont en même temps rassuréscar ils se rendent compte qu’un professeur peut aussi être gentil.

Ces élèves de CM2 sont aussi entraînés toute l’année à la gestion heb-domadaire du cahier de textes : devoirs du lundi au lundi suivant, parexemple. Cela n’exclut pas qu’un autre travail puisse être donné ponc-tuellement, à très courte échéance, comme au collège. Un des objectifsdes institutrices reste de parvenir à donner le travail systématiquementmatière par matière ; pour le moment cela ne se fait que lors des décloi-sonnements, en orthographe, en histoire, et en anglais.

Les échanges concernent deux classes de CM2 et deux classes de sixième.Ils sont facilités par le fait que la plupart des élèves de sixième viennentd’une même école élémentaire, les enfants se connaissent donc déjà.Trois actions concourent au développement de ces échanges : organi-sation d’une journée sportive, échanges épistolaires en anglais, visitepréparée et guidée des CM2 au collège.

Au début du troisième trimestre, la journée sportive CM2/sixième permetde mettre en pratique plusieurs dimensions de la citoyenneté. En effet ellefait percevoir ce que signifie l’appartenance à un groupe, elle fait aussicomprendre la nécessité du respect sous toutes ses formes (des lieux et dumatériel, des consignes et des règles, des autres), enfin elle favorise l’exer-cice de l’autonomie et de la responsabilité. Cette journée qui associe lesCM2 aux sixièmes, sans les opposer, crée le sentiment d’appartenance aucollège; les élèves peuvent échanger leurs impressions de manière spon-tanée, se faire des « copains » dans une atmosphère agréable et de confiance;ceux de CM2 peuvent rencontrer quelques enseignants et voir les rapportsqui existent entre professeurs et élèves. Les CM2 ont découvert partielle-ment les locaux du collège, d’une manière active, et en situation réelle, àla différence de ce qui se passe lors d’une simple visite.

La seconde action favorise la construction de liens forts entre CM2 etsixièmes. On les fait correspondre en anglais. Pour cela, chaque élève desixième se présente dans cette langue dans une lettre à l’intention d’unCM2. Puis les professeurs d’anglais avec les instituteurs choisissent lesdestinataires. Après avoir reçu sa lettre, chaque élève de CM2 répond. Lesprofesseurs d’anglais se transforment en facteurs pour le plus grand plai-sir des uns et des autres. Les jeunes fonctionnent en tandems harmo-nieux et efficaces. L’idée est de donner à chaque élève de CM2 un« tuteur » de sixième qui le guidera dans le collège le jour de la visite età la rentrée scolaire de septembre.

Enfin, les élèves de CM2 visitent le collège. Leur venue est préparée cou-rant mai en CM2 et en sixième. Sur un document, chaque élève de CM2note ses espoirs, ses craintes, ses questions par rapport au collège. Chaquecollégien inscrit ce qu’il espérait, craignait et ce qu’il a trouvé en entrant

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en sixième, puis ce qu’il souhaite dire aux CM2 (technique d’animationdite du blason). Cet outil commun est conçu par les enseignants de manièreà faire coïncider les demandes des élèves de CM2 avec les réponses desélèves de sixième. La rédaction du blason permet à chaque classe de fairele point sur sa scolarité et de prendre du recul. C’est une bonne occasionpour les sixièmes de mettre en pratique la notion d’entraide: comme ils ontété guidés l’année précédente, ils guident à leur tour. La visite du collègese déroule en trois temps. Les élèves de CM2 sont répartis en quatregroupes. Pendant que deux sont accueillis au centre de documentation etd’information où ils font la connaissance de la documentaliste et de laconseillère principale d’éducation, les deux autres se rendent dans lesclasses de sixième avec leur tuteur. Là, en présence du professeur principal,chaque tandem discute des problèmes soulevés dans les blasons. Le déjeu-ner réunit tous les élèves qui se retrouvent avec plaisir et discutent libre-ment. L’après-midi, on inverse les groupes, de manière que chaque élèvede CM2 passe une heure au centre de documentation et d’information etune heure en classe. Ainsi, la traditionnelle visite du collège est trans-formée en une journée, où chacun joue un rôle bien défini.

À l’origine, les contacts entre les enseignants participant au projet repo-saient incontestablement sur des affinités et des visées pédagogiquescommunes qui se sont révélées à l’occasion d’un stage au collège. Ellesconstituent le véritable moteur de l’innovation. Les affinités et les exi-gences du projet ont multiplié les rencontres et les ont fait évoluer versplus de diversité et de rigueur. Ces rencontres sont aussi bien formellesqu’informelles. La présence régulière des professeurs d’anglais à l’écoleélémentaire renforce la permanence des liens entre tous.

VoyagerLe séjour a lieu dans un parc animalier, qui peut accueillir et héberger unequarantaine d’enfants. Les activités y sont variées : observation/étudedes animaux, découverte de l’environnement, promenade en forêt, visitedu musée de la préhistoire, d’une carrière de pierre, activités sportives,soirée spectacle. Durant ces trois jours, les élèves ont sans difficultécompris, accepté et respecté les règles de vie que nous leur avons impo-sées, qu’il s’agisse de se respecter soi-même (notamment prendre desrepas équilibrés, faire correctement son lit, etc.), respecter les autres(temps d’occupation des douches, respect des horaires, se déplacer enrang dans les villes, être discret dans le musée, etc.), respecter les lieux(ne pas salir le chalet, garder sa chambre en ordre, ne rien jeter par terre,etc.) ou les animaux (ne pas les déranger). Les élèves se sont pliés à cessavoir-être dans la bonne humeur. Une seule ombre au tableau, lors desappels téléphoniques à leur famille, ils ont eu du mal à abréger leurconversation afin de permettre à tous de téléphoner.

Un temps particulier a été consacré à la préparation de l’élection desdélégués des élèves selon des modalités favorisant à la fois la réflexionindividuelle et la discussion collective. Ainsi, dans un premier temps,chaque élève réfléchit pendant dix minutes, et répond individuellementpar écrit à trois questions : quel est le rôle d’un délégué? Comment est-ildésigné? Quelles doivent être ses qualités ?

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Ensuite, ils font par deux, en dix minutes, une synthèse de leurs réflexions.Un enseignant note au tableau les résultats. Un débat est organisé afind’éliminer certaines observations et de reformuler celles qui sont perti-nentes. Ce travail a permis de mettre en relation des connaissances,encore floues pour eux, dans le domaine de la représentation du citoyen(le maire, le député, etc.) avec une représentation à l’échelle d’une classeet d’un établissement scolaire. La séance a permis une introduction à lacitoyenneté. Plusieurs éléments permettent d’évaluer l’apport de cevoyage. L’ambiance détendue tout au long du séjour a véritablementfavorisé les échanges. Un climat de confiance manifeste s’est établi entreélèves et adultes. Au cours des promenades, des temps libres, des visitesdu parc animalier, du musée ou de la carrière, les élèves ont librement dia-logué avec les adultes, professeurs ou animateurs. En particulier pen-dant les visites, les nombreuses questions qu’ils ont posées ont montré leurintérêt et leur motivation. En outre, ils ont été très attentifs à la moindreexplication, attitude qui n’est pas si fréquente dans une salle de cours.

Un réel esprit de groupe s’est instauré dans chaque classe. Le beau tempset l’espace ont contribué à donner aux élèves un sentiment de liberté quia créé un climat détendu où chacun avait sa place et se sentait enconfiance. Les élèves se sont spontanément organisés au sein des groupesou en classe entière pour laisser une place à chacun (prendre la parole,nourrir les animaux, allumer le feu avec des silex, etc.). Pendant lestemps libres, ils ont su tirer profit de ce dont ils disposaient et ont choisileurs activités selon les lieux, leurs goûts et leurs affinités.

Montrer

À la suite de ce voyage, enseignants et élèves préparent minutieuse-ment une grande exposition où les jeunes accueillent et guident les visi-teurs : l’expression orale est une nécessité pour faire partager à leursparents et aux autres adultes les temps forts de leur voyage. Ils sont trèsfiers de montrer leurs réalisations (panneaux, textes tapés sur ordina-teur, dessins, maquettes, poèmes, etc.), de partager leurs souvenirs. Leséchanges sont très libres, en particulier autour d’un buffet qui réunittous les participants. Un livre d’or prolonge ce lien: tous, parents, élèves,instituteurs, professeurs, surveillants, personnel administratif, écriventleurs impressions. Toutes ces actions permanentes auprès des élèvessont guidées par quelques principes clefs : transparence, confiance, res-pect. Il s’agit vraiment pour les élèves de comprendre que nous sommeslà pour les aider à apprendre. Ces principes qui soudent notre équipeet harmonisent notre manière de travailler, nous ont permis d’obtenirquelques résultats visibles surtout dans les classes les plus difficiles etles plus faibles (une cinquième suivie deux ans consécutifs et unesixième). Ainsi, nous constatons que les élèves faibles, et/ou réfrac-taires à l’institution scolaire, en échec, ont vraiment changé. Ils fontdes efforts d’attitude et de travail et ont acquis la certitude qu’ils peuventprogresser et réussir. En résumé, ils se sont adaptés, jouent le jeu etprogressent. Nous pensons que ces métamorphoses sont en partie duesà ce qu’ils perçoivent chez leurs enseignants : leur détermination à luttercontre l’échec scolaire et à les faire réussir.

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Savoir et cohésion

Collège La Villeneuve, GrenobleAcadémie de Grenoble

Le passage du statut d’écolier à celui de collégien ne va pas de soi : ilnécessite une co-construction sociale (entre les élèves et avec les autresacteurs) pour pouvoir dépasser l’instabilité psychologique et socialeque cela peut générer. En classe de sixième des séances au cours des-quelles les élèves expriment leurs réussites ou leurs difficultés per-mettent de faciliter les apprentissages tout en contribuant à la cohésionsociale du groupe. La prise en compte de ces deux aspects de l’acteéducatif est décisive pour la réussite scolaire.

Notre collège, comme beaucoup d’autres, accueille chaque année desélèves qui manquent de repères et pour lesquels le sens de l’école ne vapas de soi, même lorsqu’ils ne sont pas en difficulté scolaire. L’absencede repères sociaux se manifeste chez certains enfants par une grandeinstabilité en classe et par des difficultés d’ordre relationnel qui bloquenttoute acquisition. Si l’on veut faciliter leurs apprentissages, il faut lesaider à reconstruire des liens sociaux dans le cadre de la classe. Pourd’autres élèves, l’absence de repères dans les connaissances scolairespourrait faire croire « qu’ils ont tout oublié pendant les vacances ! » etqu’ils ne donnent aucun sens aux nouveaux savoirs proposés au collège.

L’entrée en sixième semble accroître cette déstabilisation et il est indis-pensable d’articuler apprentissages scolaires et socialisation. Il n’y a pas d’uncôté l’éducation réservée aux moments de vie extérieurs à la classe etdévolue aux conseillers d’éducation et de l’autre l’instruction assurée parles professeurs pendant les temps d’enseignement. L’une comme l’autre sontdes objets d’apprentissage et peuvent être traitées comme tels par l’école.Si l’on considère « la classe comme une entité sociale où se construisentles apprentissages et s’il n’existe pas de société durable avec des lienssociaux faibles23 », il convient de travailler en parallèle à développer desliens sociaux et à donner du sens aux savoirs scolaires. Nos actions, lar-gement éclairées par les travaux de Philippe Meirieu, Michel Dévelay etPhilippe Perrenoud, s’articulent autour de quelques idées-clés.

Il s’agit, à ce stade, d’élaborer des références communes pour « construireune culture commune et un contrat clair autour du statut du travail et dusavoir 24 ». C’est établir entre les élèves, mais aussi entre les élèves et lesprofesseurs, un cadre reconnu par tous. Cela concerne aussi bien lesrègles fondamentales de la vie de la classe que les savoirs proposés àl’apprentissage. C’est aussi prendre le temps de l’échange pour construireplutôt que de prescrire. C’est encore négocier, accepter de part et d’autreles spécificités pour arriver à une culture collective partagée et non impo-sée. Il est aussi nécessaire de permettre l’émergence de la parole dans le

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23. Dévelay Michel, Donner du sens à l’école, ESF, 1998.

24. Perrenoud Philippe, Métier d’élève et sens du travail scolaire, ESF, 1994.

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groupe, de créer des conditions qui favorisent l’expression de chacun,d’instaurer des moments d’écoute et de respect mutuel. C’est faire que l’onpuisse s’exprimer sur ses difficultés ou ses réussites en se sentant ensécurité et en confiance.

Le sens des savoirs scolairesLa démarche que nous utilisons pour construire le sens des savoirs scolairesse décline sur trois axes. D’une part, nous proposons aux élèves des situa-tions pédagogiques au cours desquelles ils sont mis en situation de résoudredes problèmes pour construire et reconstruire leurs connaissances. D’autrepart, nous nous efforçons de multiplier les interactions entre eux, de leurfaire confronter leurs idées avec celles des autres dans la mesure où « onn’apprend jamais seul mais toujours en présence d’autrui25 ». Enfin, nousmettons en place avec eux une démarche d’analyse réflexive pour prendredu recul, installer en classe des temps d’interrogation et d’échange sur lesapprentissages que nous menons. Ce texte vise à rendre visible l’articula-tion de ces éléments dans la pratique d’une équipe de classe. Loin dereprendre la distinction lien social et savoirs scolaires, il présente autour desstages de cohésion, des situations qui les rendent solidaires. Les stagesque nous mettons en place constituent un des temps forts de cette articula-tion mais ils s’inscrivent dans une démarche générale : prendre le tempsd’élaborer un référent commun et installer des relais dans le quotidien.

Semaines de transitionÀ l’arrivée en sixième, la coutume scolaire habituelle ne suffit souventpas à construire de nouveaux repères. Les élèves ont à gérer simultané-ment le découpage de la journée avec sa succession d’heures cloison-nées, les lieux avec une multitude de salles à repérer ; le nombred’enseignants avec leurs attentes multiples, parfois implicites et les nou-veaux compagnons de classe avec lesquels il faudra composer. Il leurfaut ainsi presque réapprendre un nouveau « métier d’élève 26 ». Nousavons décidé de considérer les premières semaines de l’année de sixièmecomme une période de transition, une période où il faut travailler avec lesélèves sur la construction de repères communs. Pour cela, il est indis-pensable d’établir une cohérence dans les attentes des enseignants del’équipe, de les expliciter avec les élèves, de les aider à se repérer dansleur propre fonctionnement et à définir des pistes d’action.Les enseignants, réunis en concertation hebdomadaire, établissent uneliste de points incontournables pour bien démarrer la sixième. Ils portentsur une série d’attitudes qui mettent l’élève dans de bonnes conditionspour travailler. Celles-ci s’organisent autour de deux axes: l’un concernece qui se passe en classe et cible des attitudes facilitant la vie du groupecomme « écouter les autres » mais aussi des démarches d’apprentissagecomme « je dis ce que je n’ai pas compris »; l’autre définit ce que l’on peutfaire à la maison dans les mêmes domaines et sert de lien avec les familles.

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25. Meirieu Philippe, « Savoir scolaire et relation à autrui », Cahiers pédagogiques,« Apprentissage et socialisation », n° 367-368, CRAP, oct.-nov. 1998.

26. Perrenoud Philippe, op. cit.

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Dispositif d’auto-analyseUne grille d’auto-observation est distribuée à chaque élève lors du premiercours de la semaine, elle reste en permanence sur la table de chacun quelleque soit la matière. Les élèves indiquent, en quelques minutes à chaqueheure, leurs réussites (feu vert) ou leurs problèmes (feu rouge). Une partiede la première et de la dernière heure de chaque journée est consacrée àfaire le point, collectivement avec un enseignant. Le matin, les élèvesfont le bilan sur leur organisation, le travail à la maison, leur matériel,leurs craintes pour la journée à venir, chacun précise sur quoi il veut faireporter ses efforts. Le soir, ils pointent les difficultés rencontrées dans lajournée ou les éléments de satisfaction. Un double bilan de la semaineest établi avec le tuteur. Individuellement, chaque enfant encadre danssa fiche ses points forts et ses points faibles et en parle avec le tuteur.Collectivement, en parallèle, le groupe réalise une affiche: « Nous avonsavancé sur… il nous reste à… » À travers ces temps de verbalisation, leréférent du groupe se constitue progressivement en même temps que despistes de travail s’ouvrent pour chacun. Au bout de deux semaines, lors dudeuxième bilan, chacun formule trois points qu’il choisit de travaillerpendant la semaine suivante et les inscrit sur une nouvelle grille qu’ilconstruit. Elle constitue un plan d’action individualisé, personne n’ayantexactement à gérer la même chose que le voisin. Les points collectifs àtravailler sont aussi reportés sur l’affiche. Pour construire des liens, ilnous semble nécessaire d’établir en permanence des allers et retours entreles apprentissages personnels et les besoins collectifs.L’intérêt du dispositif est multiple. D’une part, il facilite pour les enseignantsla connaissance des élèves autour d’un référent commun. Cette démarchepermet de rapidement situer les divers problèmes rencontrés par chacun:difficultés à écouter, à respecter les autres, à organiser son travail… Ellepermet aussi de commencer à déceler des problèmes d’apprentissagesscolaires. D’autre part, le dispositif permet la constitution du groupe-classeen travaillant explicitement sur les règles de fonctionnement. Enfin, lesélèves peuvent être ainsi initiés à une démarche d’auto-analyse qui, enouvrant des espaces de dialogue autour des apprentissages facilite la prisede recul individuel et instaure une relation de confiance aux vertus dédra-matisantes. Ainsi, chacun a un moment pour parler de ses difficultés ou ana-lyser ses erreurs. Les élèves sont aussi replacés dans une perspectived’action qui les met en projet par rapport à des apprentissages clairementexplicités par les enseignants.

Évaluation formatriceConçue comme aide pour apprendre et non plus seulement comme ins-trument de contrôle, « [l’évaluation] rend l’élève toujours davantageacteur de ses apprentissages 27 ». Ainsi comprise, elle l’amène à s’inter-roger sur les tâches à accomplir et à s’approprier les critères de réalisa-tion et de réussite de ces tâches, ce qui lui permet de pointer ses erreursen cours d’apprentissage, mais aussi de reconnaître ses réussites. Cettepratique facilite la planification et lui donne une prise sur ce qu’il fait.

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27. Hadji C., L’Évaluation démystifiée, 2e éd., ESF, 1999.

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« Elle contribue à la construction d’un système de pilotage interne qui luipermet de réguler de façon efficace les actions qu’il est en train deconstruire 28… » Elle donne la priorité à l’activité d’apprentissage desélèves. L’auto-évaluation telle que nous la pratiquons devient alors un deséléments centraux du système: « La régulation externe cède la place àl’autorégulation 29. » Il s’agit pour l’élève d’avoir un discours sur sesapprentissages, une verbalisation orale ou écrite qui lui permet de s’ex-primer en face de l’action à conduire. Cette pratique de verbalisations’appuie sur les travaux de Vygotsky, chercheur russe, qui a montrél’importance du langage dans la construction de la pensée. Les travauxde réflexion se mènent à propos des savoirs scolaires comme des relationsà l’intérieur de la classe. Qu’ils se travaillent individuellement ou engroupe, ils favorisent la collaboration entre les élèves. Outil de commu-nication, l’évaluation ainsi pratiquée donne du sens aux apprentissagesmais renforce aussi les liens sociaux. Chacun devient un élément d’ungroupe qui réfléchit et qui avance ensemble.

Bilans et constatsLe bilan d’étape individuel rempli pour partie au moment du conseil declasse est complété ensuite en tutorat à partir de l’analyse du bulletintrimestriel. Il se traduit par des pistes de travail concrètes que les élèvesdécident de se donner pour progresser. Il permet d’organiser des binômesd’entraide: un élève sans difficultés dans une matière s’engage à aider dansson travail en classe ou à la maison un autre élève qui en fait la demande.Ces groupes ne sont pas figés et ils évoluent au gré des difficultés. Un par-tage de savoirs s’ébauche ainsi où les uns et les autres trouvent leur comptedans la mise en place de ces interactivités. Là encore, ce type de travail estrendu possible parce qu’un référent commun a été élaboré progressive-ment, référent qui s’appuie sur l’acceptation et le respect des autres.Le constat est positif : au bout d’un mois, les élèves sont tous capablesde se situer par rapport à des attentes claires même s’ils ne peuvent pasencore remédier à leurs difficultés. La meilleure connaissance d’eux-mêmes et des autres facilite la vie du groupe et favorise les interactions.Dans ce document, nous avons délibérément restreint notre présentationà des pratiques de classe, en écartant d’autres relais mis en place à l’échelledu collège et qui ont pour objet la socialisation des élèves : travail sur lerèglement intérieur, élaboration d’une charte, construction du rapport à laloi. Si nous avons fait ce choix, c’est pour montrer que toute pratique desocialisation, conçue au niveau d’un établissement, doit nécessairementtrouver sa concrétisation dans le cadre de la classe. J. Chatillon ne dit pasautre chose lorsqu’il affirme: « tenter d’organiser sa classe en communautéd’apprentissage mutuel, c’est une manière de placer ses membres au pointde rencontre du lien social et de l’apprentissage 30. »

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28. Nunziati G., dans Savoir évaluer pour mieux enseigner, Service de la recherche socio-logique, Genève.29. Hadji C., op. cit.30. Chatillon J., « Apprendre en se liant, se lier en apprenant », Cahiers pédagogiques,« Apprentissage et socialisation », n° 367-368, CRAP, oct.-nov. 1998.

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Mieux vivre au collège

Collège Edgar-Quinet, MarseilleAcadémie d’Aix-Marseille

L’action « Citoyenneté » a été mise en œuvre afin de pallier l’incivilitéet la violence. Les élèves, par classes ou ateliers, ont été amenés, par desactivités ludiques, des jeux de rôles, des débats, des enquêtes… à expri-mer leur désir de « mieux vivre au collège » en étant pleinement acteurset responsables de leur vie quotidienne dans l’établissement.

Au cours de l’année scolaire 1997, l’ambiance générale au collège s’estnettement détériorée : bruits, bousculades, agressivité entre élèves etenvers les adultes, tensions, conflits… Tous les personnels se sentaientconcernés : enseignants, ATOS 31, administration. Comment améliorerles relations entre les personnes? Apprendre à vivre en groupe? Devenirautonome et responsable ? Une commission « Citoyenneté » s’est for-mée à la suite des préoccupations exprimées par un certain nombre de pro-fesseurs lors d’une assemblée générale des personnels. Elle regroupait desenseignants et des parents d’élèves essayant de cerner le problème: typesde comportements, lieux, personnes impliquées, etc. Elle a abouti à l’idéed’une action large et concertée pour responsabiliser les élèves, les ame-ner à être acteurs de la vie du collège, des élèves-citoyens.

Une équipe constituée de trois enseignants et d’un parent a pris en chargele projet « Citoyenneté » en se centrant, au terme d’une réflexion à l’inté-rieur de la commission, sur la classe de sixième. L’équipe de départ acontinué à fonctionner toute l’année et a accompagné régulièrement ledéroulement et le pilotage de l’action. À chaque séquence, elle s’est élar-gie à différents personnels, variables selon le type d’activité : autres pro-fesseurs, personnel ATOS, personnel administratif, infirmière, etc. Autotal, une trentaine d’adultes ont été impliqués dans une action au moins,et tous les élèves de sixième y ont participé (soit cent soixante-dix élèves).

Une année bien rythméeLe jour de la rentrée on va à la découverte du collège et des personnes quiy travaillent. Le matin, alors que les élèves de sixième sont seuls dansl’établissement chaque classe, avec le professeur principal, visite leslocaux et se familiarise avec les principales règles de fonctionnementdu collège. L’après-midi, chaque classe participe successivement à deuxateliers, chacun animé par deux adultes. Le premier a pour thème lesrepères humains. Il s’agit de permettre aux élèves d’identifier ceux quis’occupent d’eux et de percevoir le rôle de chacun. Pour cela principal,conseiller d’éducation, surveillant, secrétaire, infirmière, etc., passentdix minutes dans chaque classe et par l’intermédiaire d’un jeu, les élèvesdoivent deviner qui ils sont et quel est leur rôle. Le deuxième atelier a pourobjectif de tracer le portrait du collégien. Sous forme de jeu encore, les

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31. (Personnel) administratif, technique, ouvrier et de service.

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élèves doivent reconstituer la journée d’un collégien et le comportementqu’il doit avoir dans différentes situations. Ces thèmes ont été reprisdans certaines classes par le professeur d’éducation civique.

Au mois d’octobre, le collégien-citoyen est responsable et acteur dansla vie du collège. Deux demi-journées ont été banalisées et des ateliersorganisés autour de six thèmes: se parler (la prise de parole, les registresde langue), respecter les lieux (classes, couloirs, cour…), lutter contrela violence et l’agressivité, la nécessité des règles dans le sport, l’hy-giène personnelle, participer à la vie du collège (les délégués). Ledéroulement et les objectifs des ateliers ont été annoncés aux élèvesquelques jours avant par voie de tracts distribués à tous, l’informationaux personnels concernés a été affichée en salle des professeurs. Chaqueclasse passe successivement dans les six ateliers animés chacun pardeux personnes.

Les méthodes utilisées s’appuient sur l’expression des élèves (jeux derôles) mais aussi sur leur capacité d’analyse. Ainsi, sept ou huit élèvesjouent-ils dans l’atelier « participer à la vie du collège », un conseilclasse. Il y a le « principal », les « professeurs » et, bien sûr deux « délé-gués » élèves. Autour d’eux la classe observe, attentive. Que vont faire,que vont dire, les deux élèves jouant le rôle des délégués? L’un bafouille,s’énerve, puis se tait. L’autre parle haut et fort, coupe la parole au « prin-cipal », veut à tout prix défendre un élève noté « paresseux et perturba-teur » sur le bulletin. La séance finie, les observateurs, obligés de restersilencieux tant qu’elle se déroulait, prennent leur revanche, et lesremarques fusent : « T’as rien dit ! Tu sais pas t’exprimer ! Tu as ditn’importe quoi ! » Les deux enseignants qui animent l’atelier reprennentles interventions, notent au fur et à mesure les remarques faites, et, àpartir de là, la classe va dresser le portrait du « bon » délégué. L’électiondes délégués doit avoir lieu trois jours plus tard. Sauront-ils faire coïn-cider ce portrait avec le nom à écrire sur leur bulletin de vote? En tout cas,ces ateliers auront essayé de les y aider.

Une troisième étape s’est déroulée en classe, avec le professeur princi-pal. Chaque élève note sur une feuille ce qui peut être amélioré dans laclasse, suit une discussion où ils s’accordent sur les règles qui leur sem-blent importantes pour que le fonctionnement de la classe soit possible.Ces règles sont inscrites sur une fiche agrafée dans le carnet de corres-pondance ; un exemplaire agrandi et décoré est affiché.

Demi-teinte

Cette action n’a été possible que grâce à un travail d’équipe réunissanttoutes les catégories de personnels. Au sein de l’établissement, elle apermis un décloisonnement des classes, des disciplines, des personnels.Elle a favorisé une réflexion commune sur un sujet qui touche directementtous les élèves et tous les personnels : comment mieux vivre au collège?Les élèves pour leur part ont pu manifester des qualités autres que cellesqui sont généralement valorisées dans le cadre scolaire : prise de parole,organisation, médiation, relations interpersonnelles. Cependant lors de laréunion de bilan l’équipe de pilotage s’est posée la question du suivi :

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quelle incidence réelle les règles de vie, pourtant choisies par les élèves,ont-elles eu sur leur comportement tout au long de l’année? Commentl’enseignant peut-il exploiter ce travail, approfondir la réflexion, faireque ce ne soit pas seulement belles idées et feu de paille? Cette questionest devenue plus cruciale à la suite de la dégradation de la situation au col-lège au cours du troisième trimestre : explosion d’agressivité, rejet del’institution scolaire et des adultes qui la représentent. Une action fondéesur la réflexion et la prise de conscience est-elle la seule réponse quandcertaines barrières n’existent plus ?

Tutorat entre élèves

Collège Gustave-Flaubert, Paris XIIIeAcadémie de Paris

Des actions péri-éducatives (clubs photo, théâtre, etc.) ont été misesen place au moment de l’heure méridienne. En même temps, un tuto-rat a été organisé afin d’établir des relations d’élèves à élèves, les aînéss’occupant dans un cadre bien défini des plus jeunes. L’effet de cetutorat est non seulement positif pour ceux qui sont pris en charge,mais les tuteurs acquièrent aussi là une expérience rare, facteur deréflexion et de maturité.

Le tutorat 32 a lieu tous les jours au collège de 13 h à 14 h. Il est organisédès octobre par le conseiller principal d’éducation qui, après consultationdes professeurs principaux des classes de sixième et de troisième (avecun élargissement aux classes de quatrième depuis deux ans), fixe la listedes tuteurs volontaires et ceux dont ils auront la charge. Les enseignantsde sixième peuvent demander à ce qu’un élève soit ajouté à la liste destuteurés. Ils ont un tuteur différent chaque jour et les rencontres, de trenteminutes, sont programmées de façon stricte. Le conseiller principald’éducation veille à leur régularité et gère les absences éventuelles. Unepersonne-ressource est obligatoirement présente lors des séances, c’estsoit le conseiller principal d’éducation (ou une conseillère stagiaire), unmaître de demi-pension, un emploi-jeune. La salle est en libre accès, onpeut arriver un peu en retard mais l’horaire est dans l’ensemble respecté.La porte de la salle ne reste pas ouverte sur le couloir, ce qui permet decréer une salle isolée du reste des occupations du collège et une atmo-sphère assez inhabituelle se met vite en place. L’action de tutorat sepoursuit jusqu’à la fin du mois de mai. Une réunion de bilan est program-mée début juin avec les tuteurs.

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32. Bien que différentes publications (voir bibliographie) présentent l’action d’un élève plusâgé en direction d’un autre sous le terme de monitorat, le souhait a été de maintenir celuide tutorat pour qualifier l’action de nos grands élèves. Le choix du terme de tuteur et la repré-sentation du rôle qui va avec semble renforcer l’engagement des élèves qui se sententinvestis d’une responsabilité plus grande.

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Une séance

La séance est organisée grâce au cahier de bord élaboré, pour chaquejour, par la conseillère stagiaire ; tous les couples tuteurs-tuteurés y figu-rent ainsi que toutes les données particulières qu’elle a pu collecter dansla matinée (absences, cours exceptionnel de rattrapage mobilisant desparticipants, etc.).

Cette personne-ressource pour la séance est d’emblée bienveillante :chaque élève est accueilli par son prénom et une attention particulière estdonnée à chacun. Les tuteurs sont plutôt féminins ! Le contact avec lesplus jeunes se fait bien: ils se connaissent tous entre eux, il y a connivenceet on perçoit le plaisir qu’ils ont à se retrouver. Au début de la séance letuteur demande le cahier de textes, vérifie le travail à effectuer, choisitl’activité prioritaire. Nous avons pu constater qu’on faisait des mathé-matiques, du français, des langues. Peu ou pratiquement jamais d’his-toire ou de géographie, pas de biologie. Pourquoi ces priorités ? Lestuteurs se penchent avec attention sur le travail des plus jeunes, repren-nent l’écriture, la présentation, apprennent à mieux manipuler un compas,surveillent le déroulement d’un exercice. Leur rôle spécifique semblebien compris et nous n’avons jamais observé de tuteur perdant patienceou prenant le travail à son compte. Ils assurent une présence d’aîné atten-tif, un accompagnement rassurant pour le plus jeune. Lorsqu’un rensei-gnement fait défaut, les tuteurs se consultent entre eux, de leur côté lestuteurés comparent leurs cahiers de texte ou échangent une information.Les élèves aiment évoluer dans ce lieu où le niveau sonore reste trèsacceptable car chacun s’exprime sans gêner autrui. Pas un cri déplacé, pasd’énervement intempestif mais une atmosphère tout à fait exception-nelle, voire inattendue, très différente des salles de permanence, dessalles d’aide aux devoirs du soir ou encore des salles de cours.

Un élève signalé comme particulièrement difficile et agité dans sa classede sixième est ainsi resté l’heure complète en accord avec sa tutrice et laconseillère principale d’éducation stagiaire. Anecdote amusante : pourmaintenir la concentration de l’élève en question la tutrice a proposéune permutation de place ! En changeant de chaise l’élève a retrouvéson calme. Au-delà de l’anecdote peuvent s’observer une relation d’éga-lité entre tuteurs et tuteurés, une sorte de partenariat spontané consis-tant à transmettre aux plus jeunes plus une expérience fondée sur laconnaissance des exigences des différents professeurs, des savoir-faire,beaucoup plus que des savoirs à proprement parler. On ne joue pas tropau « p’tit prof », on fait bien mieux : on accompagne.

Tout au long de l’heure la conseillère stagiaire reste très calme, très dispo-nible, réglant au coup par coup toutes les petites difficultés surgissant defaçon imprévue. Untel n’a pu se rendre disponible, elle trouve la solutiond’une association ponctuelle avec un autre resté inoccupé. Un tuteuré resteseul, elle lui propose de rester et d’avancer son travail en ayant recours àelle en cas de difficulté ou d’aller jouer si cela lui convient. L’élève estresté! Sa présence, à la fois discrète et forte, prouve la nécessité de la pré-sence d’un adulte impliqué vraiment dans l’action et pose la question dutype d’adulte de la communauté scolaire pouvant être employé à cettetâche. La stagiaire accomplit exceptionnellement ce travail qui l’intéresse

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aussi pour un travail de recherche qu’elle effectue dans le cadre de saformation. Un enseignant peut-il se charger de cette fonction? Il est certainque le climat ne serait sûrement pas le même. Un conseiller principald’éducation, quant à lui, a d’autres charges, d’autres responsabilités à cesheures, les maîtres de demi-pension sont beaucoup sollicités. Restent lesemplois-jeunes… Il est indispensable de définir clairement les exigencesde la tâche de l’adulte et les compétences requises.

Tutorat et établissement

Les élèves concernés par le tutorat aiment parler de cette expérience.Les tuteurs découvrent les joies et les difficultés de ce nouveau rôlecomme le montrent les cinq témoignages suivants :

« On m’apprit que j’avais une nouvelle tuteurée: elle s’appelait Samira.Et par chance elle était très gentille, sympathique et amicale. Je l’ai-mais bien. Dès la deuxième séance, je commençais à l’aider dans sesdevoirs. Je me surpassais, j’arrivais à répondre à ses moindres ques-tions… Maintenant je suis satisfaite de mon expérience et heureuse depouvoir l’aider. Et elle semble plutôt enchantée de m’avoir comme tutriceet nous nous entendons à merveille… »

My-Hien

« Les séances de tutorat ne se ressemblent jamais, il y a toujours del’inattendu et il faut savoir improviser et trouver toutes sortes de solutions.Je trouve que c’est un bon apprentissage pour moi et en même tempsj’ai compris ce qu’est la solidarité. »

Jean-José

« Je n’étais, au départ, pas très enchantée de faire du tutorat. Je ne savaispas si l’expérience que j’allais vivre serait très enthousiasmante. Expliquer,faire apprendre à un élève me paraissait difficile. Mais je découvris que cen’était pas si terrible et qu’après tout, il faut un début à tout… Lorsque jevis enfin mon tuteuré (il n’était pas venu aux premières séances par craintesans doute de s’y ennuyer) il me parut tout de suite sympathique. Je nepensais pas alors qu’il m’apporterait beaucoup d’ennuis. À mon étonne-ment, je découvris qu’il avait beaucoup de difficultés: il maîtrisait mal lagrammaire, l’orthographe du français et lorsqu’il me récitait une leçond’anglais, c’était avec de grandes difficultés. À chaque séance, il oubliaitle livre dont il avait besoin, ses cahiers étaient couverts de ratures, malentretenus comme toutes ses affaires d’ailleurs. Cependant, il n’était pasdifficile de parler de tout ça avec lui : il approuvait ce que je lui disais.Si on avait pu lui accorder plus de temps, il aurait travaillé et il auraitmontré ce qu’il était capable de faire… J’ai compris que la prise en charged’un enfant était très dure à gérer et que, avant tout, le temps nous man-quait terriblement. En fin de compte, j’en ai plus appris que je ne lui aienseigné sur une bonne organisation du travail. »

Jeanne-Marie

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« J’avais décidé de m’engager dans le but d’aider des sixièmes en diffi-culté et il me paraissait intéressant de revoir des cours que j’avais apprisétant jeune. Un autre argument non négligeable était que l’on avait droità une sortie à Disneyland en fin d’année… Ma tuteurée n’avait visible-ment rien compris à la leçon et le devoir qu’elle me montrait était pourl’après-midi même ! Je tentais alors de lui expliquer en formulant desphrases simples, en lui donnant des conseils et des astuces mnémotech-niques, j’essayais d’inventer des exemples mais elle n’arrivait toujourspas à faire la différence entre he’s et his… La semaine suivante je laquestionnais sur son devoir : elle n’avait obtenu que neuf sur vingt ! »

Alexis

« L’année dernière j’ai eu un tuteuré très sympathique, avec qui je n’avaisque de l’anglais à faire. Mais il ne comprenait vraiment rien à rien, etc’était assez difficile de lui expliquer. Il voulait aussi que je fasse lesexercices à sa place, mais je n’étais pas d’accord… On peut avoir des dif-ficultés avec les devoirs des tuteurés. Par exemple, j’ai dû expliquer le sautde la grenouille à mon tuteuré et j’ai eu du mal car moi j’avais étudié lesaut du lapin! Je trouve que le tutorat est bien aussi pour les tuteurs quidoivent essayer d’expliquer les choses le plus clairement possible. »

Anna

Les tuteurs expriment donc souvent leurs difficultés face à des élèvesqu’il est ardu de faire travailler. Les critères retenus par les enseignantsqui proposent d’envoyer tel ou tel élève au tutorat sont le plus souvent laperformance scolaire, les résultats ou le niveau de l’élève. Le diagnosticou l’hypothèse sur ce qui ferait obstacle à sa réussite scolaire n’est pasexplicite ; il ne peut donc pas être un point d’appui pour aider les élèvestuteurs dans leur action d’aide et de soutien scolaire. Il est alors envi-sagé une formation de tuteurs mais aussi de mieux faire comprendre auxtuteurés ce qu’est le tutorat. Au moment du recrutement de début d’an-née, il serait bon que les élèves (anciens tuteurés de sixième et tuteurs dequatrième) aillent eux-mêmes expliquer à partir de leur expérience auxnouveaux sixièmes le fonctionnement et les raisons d’être du tutorat.Les élèves s’approprieraient ainsi encore davantage cette activité et cetteforme de publicité sonnerait plus juste. Le rôle de l’adulte se ferait plusdiscret. Ce dernier se limiterait à une aide à la préparation des interven-tions et non plus à la délivrance d’un message magistral qui fausse dèsle départ l’approche et la vision par les élèves de sixième de cette activité.

En même temps, il est important d’améliorer la circulation des infor-mations entre les acteurs. En effet, les professeurs principaux partici-pent au choix des tuteurés et des tuteurs. Sollicités par les fiches deliaison, ils sont dans l’ensemble attentifs à l’évolution des tuteurés etd’accord pour valoriser les tuteurs en fin de trimestre. Pour les autresadultes du collège la vision n’est pas toujours aussi positive. De nombreuxenseignants, surtout ceux dont les élèves ne sont pas impliqués dansl’action, ne s’intéressent pas au tutorat ni quelquefois aux autres activi-tés proposées aux élèves lors de l’heure méridienne. Ce n’est pas pour eux

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un moment de présence ou de travail au collège. Lorsqu’il y a des coursà remplacer les enseignants proposent souvent ce créneau horaire sans sepréoccuper de ce qui ne peut plus avoir lieu à cause de ce choix.Si des aspects sont à améliorer, le bilan est cependant positif. Chaqueacteur trouve son compte à un moment donné y compris le collège lui-même. L’intérêt est qu’il permet un échange dans une relative autonomieentre pairs. L’originalité de cette action réside dans le fait d’avoir pucréer les conditions d’une relation particulière entre les « grands » et les« petits ». C’est dans et par celle-ci que se jouent certaines expériencesde vie assez riches pour être valorisées. L’élève tuteuré rencontre sansappréhension un « grand » qui l’aide à mieux comprendre les exigencesdu collège. Le collégien devenu tuteur a l’impression de ne pas avoirtraversé le collège sans y avoir vécu quelque chose de particulier, d’utile,en rapport avec les objectifs de la communauté scolaire.

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Des dynamiques collectives

Embrasser un projet collectif qui va souder les jeunes dans une commu-nauté d’intérêt et d’action, s’exprimer dans des espaces où les parolessont à la fois libres et raisonnées conduit les élèves à appréhender lelycée ou le collège dans une perspective positive : celle d’un lieu où ilssont à leur place, où ils ont leur place et dont ils finissent par partager lesvaleurs. C’est le pari qu’ont tenu les lycées professionnels Léonard-de-Vinci à Montpellier et Pierre-Mendès-France à Bruay-en-Artois, lecollège Paul-Éluard à Tarbes et le lycée Joliot-Curie à Sète. À cettedimension le collège La Villeneuve, à Grenoble, ajoute une réflexion surla fécondité de la gestion des conflits.

Entreprendre tous ensemble

Lycée professionnel Léonard-de-Vinci, MontpellierAcadémie de Monpellier

Le sentiment de se trouver dans un établissement situé dans un quar-tier « difficile » et une orientation par l’échec ne créent pas réellementles conditions pour aborder sereinement une scolarité. Prendre appuisur les pratiques sportives pour transformer le climat de l’établisse-ment, améliorer les relations, valoriser les élèves, c’est le choix faitpar l’équipe éducative de ce lycée professionnel.

Lors des réunions des équipes pédagogiques, dans les conversationsinformelles en salle des professeurs, au cours des bilans des conseils declasse, chacun évoque la démobilisation, le manque d’enthousiasme, lemanque de travail, l’absentéisme, les incivilités des élèves. La difficultéd’enseigner, d’obtenir l’adhésion, la mobilisation, la coopération, lamotivation dans les classes sont évoquées tant par les enseignants desmatières générales et professionnelles que par les autres membres de lacommunauté éducative. Comment expliquer ce climat décourageant etdémobilisant ? Un premier constat s’impose, nos élèves n’ont pas for-cement choisi leur orientation, elle est subie plutôt que décidée, le lycéeprofessionnel est alors le plus souvent perçu comme une voie d’échec. Enoutre, la filière du bâtiment reste peu valorisante, dans l’esprit des élèveset de certains parents, on y vient, pour une forte majorité, parce qu’iln’y avait pas d’autre solution. Nous retiendrons la difficulté de recruterl’effectif de certaines formations lors des commissions d’affectation.Ces sections sont très souvent complétées par des candidats n’ayant putrouver un établissement d’accueil. Cette orientation par défaut, consti-tue dès l’origine une source supplémentaire d’hétérogénéité d’attitudes,de motivations et de niveaux scolaires.

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En même temps, la situation géographique du lycée est un autre handicapperçu par les familles, les lycéens et parfois par les enseignants : situédans un quartier réputé sensible, classé zone franche, où le moindre fait-divers ne fait qu’entretenir un climat de méfiance et de défiance, on ne lechoisit pas spontanément. Ce sentiment est à certains égards véhiculéinvolontairement par l’institution elle-même et ses représentants; combiend’élèves n’ont-ils pas entendu dire que s’ils ne travaillaient pas bien, ilsiraient au lycée professionnel, entretenant insidieusement l’idée d’unevoie d’échec, sous-entendant que les autres voies garantiraient la réus-site? Des élèves rapportent qu’à formation égale, des conseillers d’orien-tation leur auraient suggéré de s’inscrire dans un autre établissement. Lemanque de perspective d’avenir, entretenu par un manque de confiancedans la formation entreprise pour accéder rapidement à un emploi, leslaisse dans l’expectative, la conjoncture sociale confortant leur analyse.Les problèmes rencontrés par nos élèves pour suivre une scolarité réus-sie et vécue positivement sont aussi, nous semble-t-il, liés à l’organisa-tion de la vie interne de l’établissement. L’emploi du temps s’articule, enalternance, autour de l’enseignement professionnel et général. L’horaire trèsserré ne laisse pas de temps pour des activités éducatives. La journée sco-laire est surchargée par la durée des transports, elle commence à 6 h lematin et se termine vers 19 h pour les élèves demi-pensionnaires résidantdans la banlieue la plus éloignée, son rythme est similaire à une journée detravail. Les actions péri-éducatives sont proposées aux seuls internes.L’organisation pédagogique de l’enseignement est structurée de manièretraditionnelle, chacun intervient dans son domaine de compétence. Dansleur enseignement les collègues sont de plus en plus obligés de fairepreuve d’imagination, d’adaptation, d’ingéniosité, de varier leursapproches, d’effectuer des dosages dans leurs pratiques pour accomplirau mieux leur mission. La succession des cours inscrits au programme,l’intervention cloisonnée de chaque enseignant restent encore les méthodesutilisées pour créer les conditions favorables à la transmission des savoirs.

Ancrer les jeunesAinsi, les élèves nous délivrent-ils des messages de refus, de ras-le-bol desschémas pédagogiques trop traditionnels, même s’ils reconnaissent par-fois que de tels systèmes ont des côtés sécurisants car ils fixent des repères.Cependant, s’ils rejettent dans leur ensemble l’école dans sa forme tradi-tionnelle, s’ils éprouvent des difficultés en enseignement général, ils sonttrès engagés et motivés par les pratiques sportives. Le lycée professionnelest implanté dans la banlieue de Montpellier à La Paillade, berceau duFootball club montpelliérain, équipe amateur de quartier qui s’est hisséen première division. Ils sont fortement imprégnés de « culture foot » et bonnombre d’entre eux fréquentent la « butte » les soirs de match. Ils viventau rythme des exploits des joueurs professionnels et s’identifient à leurdestin. Le passage au lycée professionnel de joueurs de l’équipe Fanionentretient ce rêve et l’organisation de la coupe du Monde de football 1998,au cœur même de leur quartier, n’a fait qu’exciter leur désir de devenirprofessionnel et d’y participer un jour. Deux enseignants, de français etd’éducation physique et sportive, ont donc lancé les prémices des tour-nois de football avec l’arrière-pensée de récupérer cet engouement, ils

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l’ont utilisé pour agir sur l’environnement du travail et sur les relationsentre élèves et adultes. L’idée de reconduire et de développer l’expériences’est bientôt imposée à tous.

La pratique des activités sportives s’effectuait dans de mauvaises condi-tions : pas d’installations propres, un local minuscule sans hygiène enguise de vestiaire et un plateau goudronné tenant lieu de terrain d’évolu-tion, conditions peu engageantes pour valoriser leur motivation naturelle.

Un groupe de réflexion interdisciplinaire, animé par le chef d’établisse-ment, dégage alors les grandes lignes d’un projet visant à la fois l’élève,les familles, le lycée, son image, son rayonnement et s’appuyant sur uneaction mobilisatrice pour déclencher une synergie d’établissement. Deuxvolets sont prévus : valorisation de la formation professionnelle et deson lieu de formation, d’une part, amélioration des rapports sociaux, descomportements relationnels, de l’attitude face au travail scolaire, d’autrepart. Dans cette perspective, il est donc décidé d’organiser un crossannuel et des tournois de football trimestriels par niveaux de classe, etd’aménager les vestiaires. La démarche n’est pas innovante en soi, elleexiste dans bien des établissements, mais là où elle diffère, c’est dansson appréhension. Elle est intégrée au projet d’établissement et pro-grammée officiellement dans l’emploi du temps ; des moyens horaires ysont consacrés. Elle modifie modestement les habitudes pédagogiqueset cherche à créer un climat propice à l’acquisition des savoirs

Retrousser les manches

Le projet de la construction d’une salle de sports, à l’étude depuis quelquesannées, s’est alors concrétisé. L’annonce de son édification a suscité lasatisfaction des élèves et des collègues. Enfin ! Ils sont entendus, écou-tés, considérés et traités avec la même dignité que les « autres lycéens ».Après de longues années d’attente, les conditions de sécurité et d’hy-giène de l’enseignement de l’éducation physique et sportive évoluentradicalement. Le lycée se dote de nouveaux moyens, ses conditions d’en-seignement se modernisent, élément à prendre en compte désormais et àutiliser ensuite pour travailler son image.

L’aménagement des vestiaires par les élèves revêt indéniablement un inté-rêt pédagogique, il met en évidence les contraintes du chantier, le travailen équipe, la coordination des travaux, l’alternance et la cohérence desinterventions, la capacité de lier les apprentissages théoriques et leur miseen pratique avec parfois leurs nécessaires ajustements, la capacité de fairepreuve d’initiative, la prise de responsabilité et enfin l’impératif respectdes exigences professionnelles. Cette réalisation durable, utile, témoignagetangible de la contribution et de la compétence des élèves, constitue unélément de motivation. Ils en retirent un sentiment de fierté qui les valorise.

Manifestations et tournois

Très tôt, au début de l’année scolaire, un calendrier des manifestations estétabli et porté à la connaissance de tous. Il permet aux collègues d’organiserleurs programmations pédagogiques en tenant compte de celui-ci. Lestemps forts se placent la veille ou le jour du départ en congé. Le calendrier

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répartit les actions sur les deux premiers trimestres. Le rôle qui lui estimparti n’a d’autre objet que de faire percevoir le lycée professionnelcomme un lieu de vie qui privilégie les enseignements et l’intégration,mais en aucun cas ne cherche à le détourner de sa mission première deformation. Lorsque les classes ne sont pas concernées par les rencontressportives il est laissé à l’appréciation des collègues l’opportunité d’y assis-ter ou pas. Ils font leur choix à partir de l’utilisation et du bénéfice péda-gogique qu’ils pensent en retirer. En plus du calendrier annuel, et ce pouréviter toute interférence qui désorganiserait la vie scolaire, une doubleinformation est diffusée, l’une collective par voie d’affichage, une dizainede jours à l’avance annonce l’opération, et l’autre, individuelle, quarante-huit heures avant l’événement, précise aux professeurs directement concer-nés, le lieu, la date, l’heure, la classe et les consignes d’organisation.

Les sports collectifs développent les capacités de mise en commun descompétences individuelles au service d’un projet collectif. Ils font appel àl’esprit d’équipe et au sens de la solidarité. Dans la pratique sportive coexis-tent la prise de risque, la possibilité de gagner, mais aussi, et c’est le plussouvent le cas, celle de perdre, perdre avec fair-play, être capable de gérerles frustrations engendrées, ne pas céder à la violence, respecter la règle.« Les sports collectifs apprennent à lutter ensemble et juridiquement, avecles adversaires, contre la violence, la nôtre et celles des autres33. »

Les tournois de football reposent sur l’engouement des élèves et la dyna-mique suscitée par l’organisation de matches de la Coupe du monde de1998. Ils jalonnent l’année scolaire et sont organisés par niveaux de classes:quatrième/troisième, première/terminale BEP, première/terminale bac. Lepremier tournoi, réservé aux nouveaux arrivants, est le prolongement de« l’opération rentrée scolaire réussie », qui mise, dès les premiers instants,sur la qualité de l’accueil des élèves et de leurs familles. Il fait le pari d’éta-blir au plus tôt un climat de confiance en provoquant et multipliant les pré-textes et les formes de rencontres entre les différents partenaires. Et c’est ence sens que les matches « profs/élèves » prennent toute leur signification.

La participation aux tournois n’est pas obligatoire. Les classes se détermi-nent et s’inscrivent à l’aide d’une feuille de match retirée à la Vie scolaire.Son rôle est de valider et d’officialiser leur engagement et de veiller àl’équité de la compétition en empêchant tout transfert de joueurs d’uneclasse à une autre. Les élèves discutent et forment leurs équipes, ils désignentun responsable qui assure la liaison avec les organisateurs et ils nommentun arbitre. L’arbitrage revêt un rôle essentiel dans le projet. En effet il metl’élève au centre du jeu, des enjeux, en situation de prise de décisions ins-tantanées; il juge, il décide et il fait appliquer les décisions. Il se substitueet exerce, le temps d’un match, l’autorité de l’adulte. Les organisateurs nesont présents que pour veiller au bon déroulement et à la sécurité.

Contrairement aux sports collectifs, les sports individuels mobilisent lescapacités propres à chaque individu, il s’engage seul dans l’action, il sefixe ses propres objectifs en tenant compte de ses aptitudes. Les résultatsde l’action ne dépendent que de lui. Nous avons organisé un cross, avanttout pour sa capacité de mobilisation. Il n’y a pas comme au football de

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33. Michel Serres, Le Monde de l’éducation, juin 1998.

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sélection, tout le monde participe. C’est le grand rassemblement, unenrichissant brassage de la communauté scolaire au même moment, aumême endroit, sur le même projet. On se retrouve, on se confronte spor-tivement sans distinction de statut. Ce sont des occasions privilégiéesde porter un regard autre sur la façon d’agir et d’être des élèves.

Retombées

D’ores et déjà on constate, sans pouvoir affirmer une quelconque rela-tion de cause à effet, une nouvelle dynamique d’établissement. Et on peutdire aussi que le projet, dans une certaine mesure, a relancé des idées,des motivations. Depuis, les actions se sont multipliées et diversifiées :échanges culturels (Tunisie, États-Unis), projets pédagogiques ciblés surles classes difficiles, projet d’éducation à la santé. Sans oublier la « Semainedes arts » qui a permis aux élèves et au personnel de faire découvrir leurstalents artistiques mais aussi de varier la nature des actions.

Les élèves retirent énormément de satisfaction de l’organisation descompétitions. Ils les attendent avec impatience. Les tee-shirts, les invi-tations aux matches du championnat de France, les reportages photo-graphiques, les goûters, l’affichage des résultats, les articles de presse, lesinterventions sur les radios sont les formes habituelles de récompense.En 1998, bénéficiant des retombées de l’organisation de la Coupe dumonde de football, des élèves ont été invités à assister au match Maroc-Norvège. D’autres se sont engagés plus concrètement dans l’événement,en tant que bénévoles chargés d’aider à l’organisation matérielle.L’opération Mondial J – 100 a permis à l’un d’entre eux d’être reçu àl’Élysée par le président de la République en compagnie de cent jeunesreprésentant les dix villes organisatrices.

Il est plus difficile d’évaluer l’impact du projet sur le travail scolaire,sur le comportement relationnel, sur la manière de vivre l’établissement.On a donc soumis aux élèves une enquête de satisfaction qui peut aiderà se faire une opinion un peu moins subjective. On constate que les mani-festations sportives sont plébiscitées, que les relations entre les élèves, etentre élèves et professeurs sont bonnes. Y a-t-il une relation de cause àeffet? Il est certain que le climat des rencontres sportives est très positif,les élèves s’engagent totalement, s’impliquent avec passion et sans vio-lence, ils sont en situation de valorisation. Par ailleurs, les problèmesde vie scolaire persistent, comme si les élèves adaptaient en permanenceleur comportement à la situation.

Si à l’origine le projet n’a pas fait l’unanimité, peu à peu, les collègues,même ceux qui paraissaient les plus réticents, se sont impliqués. Ainsi,spontanément, ils ont assumé les tâches d’organisation et d’animation :jury, reporteur-photographe, animation du car podium, remise des récom-penses, mise en place matérielle, traitement informatique des résultats, dis-tribution et organisation des goûters et des boissons etc., pour n’en citerque quelques-unes parmi le nombre, sans oublier leur participation effec-tive aux compétitions. Les différents personnels de l’établissement sesont associés à chaque fois qu’il était nécessaire, chacun s’intégrant dansle projet à la place qu’il désirait occuper.

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L’appropriation et l’utilisation sur le plan pédagogique a été probablementplus délicate. Il n’est pas évident de faire ressortir du projet des situations,des objectifs pédagogiques directement utilisables et transférables auxdivers enseignements. La réalisation des vestiaires a permis à l’ensei-gnement professionnel de dégager d’emblée des objectifs pédagogiquesadaptés à leurs contenus d’enseignement. La réponse n’apparaît pas defaçon aussi évidente aux disciplines dites générales. Que faire émergerdu projet qui puisse être utilisable et réinvesti ? Les enseignants de fran-çais, de mathématiques, d’histoire et géographie, de dessin d’art ontcependant utilisé le thème du sport dans leurs progressions pédagogiques.Il a aussi été utilisé par la Vie scolaire. La santé scolaire pour sa part a pumener en parallèle des actions ponctuelles concernant ce domaine (opé-ration « Petit déjeuner pour tous » le jour du cross, l’hygiène, l’alimen-tation, etc.). En même temps l’amélioration des relations est un des effetsles plus remarquables du projet et on peut penser que cela aura desprolongements au niveau de la relation aux élèves mais aussi dans ledomaine de la transmission des connaissances.

Heure blanche

Lycée professionnel Pierre-Mendès-France, Bruay-en-ArtoisAcadémie de Lille

Octobre 1996, notre cheminement commence ! Évidement nous nesommes pas les seuls à lutter contre la violence. Quel établissementne s’est jamais trouvé confronté aux agressions verbales, physiqueset, fait tout aussi grave, au refus des élèves de se mettre au travail ?Alors, une recette miracle parmi tant d’autres ? Non, c’est plutôt leprojet de fédérer tous les acteurs, toutes les forces vives de l’établisse-ment, pour permettre à l’élève de s’intégrer socialement, profession-nellement et en tant que citoyen afin qu’il soit réellement partie prenantedu XXIe siècle. Et l’heure blanche naît, heure d’écoute privilégiée s’ins-crivant dans une problématique d’ensemble.

L’heure blanche est inscrite dans le projet d’établissement dont elle estun des éléments essentiels. Elle concerne les équipes de direction, péda-gogiques, de santé, des ATOS, des appelés du contingent et un comité depilotage de huit volontaires qui gère la réflexion et les réunions. Elleremet en cause les pratiques des enseignants en les amenant à se poser uncertain nombre de questions. Quel est l’impact de l’heure blanche dansnos cours ? Quelles en sont les répercussions auprès des équipes péda-gogiques ? Quels sont les effets attendus, obtenus, inattendus?Pour les élèves ce moment qui n’est pas évalué de manière sommative,qui ne peut faire référence à un programme officiel est un temps privilégiéd’écoute. C’est aussi une plage d’apprentissage, de tolérance mutuelle etd’éducation à la citoyenneté. Si les élèves ont ainsi la parole, ils ont éga-lement le droit et le devoir d’écouter et de s’écouter, de regarder et de seregarder, d’intégrer et de s’intégrer.

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Organisation

Il s’agit d’une heure spécifique incluse dans l’emploi du temps de l’élèveet de l’animateur, qui concerne toutes les classes de certificat d’aptitudeprofessionnel (CAP), de brevet d’enseignement professionnel (BEP), dequatrième et troisième technologiques. Afin que la communication puisses’instaurer dans cet espace particulier, les activités seront réalisées engroupe de quinze élèves. Ces heures sont animées par des professeursvolontaires, souvent professeurs principaux, au total, trente enseignants sontconcernés sur les soixante-quinze que compte le lycée. Les problèmesde régulation de classe, de vie scolaire, mais aussi l’actualité servent de sup-port à ce travail d’écoute et d’expression. Les difficultés rencontrées parl’élève lors de la mise en place de son projet personnel sont aussi abordées.Pour traiter les différents problèmes liés à la vie de classe (violence ver-bale), à la vie scolaire (projet d’orientation, soutien, dégradations maté-rielles) ou encore à la vie personnelle, mais aussi pour mieux aborder lesquestions choisies par le groupe élève, il est fait appel à des intervenantsinternes ou externes à l’établissement. Ce sera aussi bien l’agent de ser-vice interrogé sur les tâches qu’il effectue, les problèmes qu’il peut ren-contrer avec le comportement de certains élèves, que le responsable degestion qui fournira les renseignements au sujet des bourses, des prix dela cantine, de l’élaboration des repas, etc. Il pourra aussi y avoir des inter-ventions du conseiller d’orientation-psychologue, du médecin scolaire,de l’assistante sociale, de l’infirmière, du Planning familial, des membresd’une association de lutte contre l’alcoolisme ou d’associations d’aide àl’insertion (Emmaüs, guichet d’accès aux droits…).

Le groupe a en outre la possibilité de se déplacer à l’extérieur de l’éta-blissement (visite au commissariat, audience au palais de justice, ren-contre avec les personnes âgées, etc.) et d’accueillir des stagiaires(professeurs, personnels de direction). Une psychologue-stagiaire ainsiaccueillie, étonnée de la « qualité de certains silences », propose de par-ticiper à ces heures blanches. C’est dans le groupe enfin que peuventnaître des projets d’animations (spectacles, projets humanitaires, etc.). Cesheures sont des moments de parole, d’écoute, d’échange, de réflexion. Unerelation différente peut s’instaurer dans laquelle est revalorisé le droitde réponse élève/adulte.

Constats et témoignages

L’heure blanche concerne l’ensemble de l’établissement et s’il est diffi-cile d’évaluer ce projet de manière quantitative on peut cependant repé-rer des effets positifs. Ainsi, un questionnaire proposé aux élèves,professeurs, différents personnels et parents a permis de mettre en évi-dence que cette heure est connue pratiquement de tous et que sa philo-sophie fait partie de la culture de l’établissement (le personnel du lycéeparticipe, les parents sont demandeurs pour « voir ou s’exprimer »…). Sil’on considère des indicateurs, tels les taux d’absentéisme et le nombred’actes de violence caractérisée, on peut mettre en évidence la diminu-tion de ces derniers ainsi qu’une amélioration de l’attitude des élèvestant par rapport aux adultes que vis-à-vis des locaux. Les élèves disent

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facilement « Bonjour » dans les couloirs ; les graffitis sont peu nom-breux, sans la haute surveillance des agents de service et des personnelsd’éducation ; l’affichage du respect de la propreté dans les toilettes à faitl’objet d’une bande dessinée en heure blanche, etc.

« Les élèves ont souhaité discuter de la pratique pédagogique (travail etsanction) de chaque enseignant. Cela m’a permis de leur expliquer queleurs attentes étaient les mêmes que les miennes et surtout de découvrirque les élèves ne savaient pas toujours ou ne savait plus ce que l’onattendait d’eux au niveau du travail ou du comportement. Autrement ditdans le savoir, le savoir être et le savoir faire… »

« … Les élèves sont très intéressés par les sujets extra-scolaires et sontcapables alors de trouver des documents et de s’impliquer à fond dansleur sujet. J’ai traité de la pêche et ils ont fabriqué un fascicule aprèsavoir rédigé des exposés de grande qualité. Ils en ont discuté avec leursparents et ont demandé une démonstration de lancer et de montage delignes… »

« … Au cours de la préparation d’une animation en foyer de personnesâgées, je me suis aperçue que les élèves savaient s’organiser, commu-niquer et s’apprécier entre elles… »

« … Grâce à cette heure blanche, les relations entre les élèves se sontdétendues, certains conflits ont été évités ou dédramatisés… »

« … Avoir abordé le sujet de la violence a permis d’obtenir une meilleureambiance de classe… L’heure blanche a apporté une confiance réci-proque entre le professeur et les élèves… »

Certains aspects doivent cependant être interrogés. D’abord, chacunconstate la difficulté des élèves à mettre en mémoire les acquis de cestemps particuliers ; carnet de bord, comptes rendus, traces écrites restentleur « bête noire » (pour quel besoin?). Mais il y a aussi le souci de la partdes animateurs de trouver la manière de transférer auprès des autres collè-gues des pratiques qu’ils utilisent en heure blanche et qui les ont amenésà avoir dans leur cours une approche pédagogique totalement différente.

Il y a enfin un souhait de mieux installer l’animateur dans cette nouvellefonction. Afin que celui-ci ne se sente pas « seul, épuisé, vidé » après uneheure blanche, il faut mettre en place des réunions bimestrielles, aux-quelles sont associés les personnels concernés (participation ponctuellemais effective des ATOSS 34, surveillants, conseiller principal d’éduca-tion, etc.), des banques de données documentaires (vidéos, documentsécrits, questionnaires expérimentés…) et enfin des stages de communi-cation, de connaissance de la psychologie des adolescents.

Écouter, communiquer, partager, fédérer, voici les maîtres-mots queles expérimentateurs de l’heure blanche ont sélectionnés pour illustrer leurdémarche qui se continuera avec la recherche de critères plus rigoureuxpour l’évaluation, la mise en place d’actions pour l’accueil des parents etla participation des élèves aux réunions bimestrielles.

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34. (Personnel) administratif, technique, ouvrier, de service et de santé.

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Groupes de parole

Collège Paul-Éluard, TarbesAcadémie de Toulouse

Des groupes de parole proposés aux élèves, notamment aux jeunes dela Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) quivivent difficilement leur scolarité, sont un moyen de lutter conte la vio-lence et l’agressivité. Dans ce cadre les élèves peuvent construire unerelation plus confiante aux adultes et les adultes entendre la souf-france de certains élèves.

Dans l’histoire du collège, il y a eu plusieurs tentatives de mise en placede groupes de parole en SEGPA. Mais c’est uniquement depuis deuxans que cela s’inscrit dans un projet « communication » de l’établissement.Il a été mis en place dans le souci d’améliorer les relations à l’intérieurdu collège et d’éviter les difficultés relationnelles entre les partenaires dela communauté éducative, la communication se faisant trop souvent surun mode violent. Une réflexion a permis de repérer les différentes mani-festations de la violence : violence sur les personnes, injures, insultes,violences physiques, bagarres, violence sur les biens, vols, dégradations,tags, mais aussi résistance passive, refus de parler ou de participer, absen-téisme, fugues, ou encore manifestations corporelles, malaises, douleurssomatiques diverses, crises de spasmophilie.

Nous avons d’abord choisi de proposer le groupe de parole à la classe decinquième de SEGPA, car les problèmes de violence décrits ci-dessus yétaient plus fréquents. Mais nous avons pensé qu’une prévention dès lasixième serait plus efficace. La deuxième année, le choix s’est porté aussisur une classe de sixième de collège car à l’issue de la première année, ilnous est apparu important de travailler aussi au désenclavement de laSEGPA pour ne pas focaliser sur elle les problèmes de violence.

Mise en œuvre

L’objectif initial était d’améliorer la communication entre élèves et entreélèves et adultes, et aussi de faire naître la parole là où la communicationse faisait sur un mode violent. La première année, le groupe de parole afonctionné par demi-classe (une séance par quinzaine) avec un psycho-logue et un médecin. La seconde année, ce même fonctionnement s’estappliqué aux deux sixièmes (quatre groupes), régulées par deux inter-venants (un psychologue et un intervenant de l’équipe médico-socialedu collège). Les séances ont débuté en décembre et se sont poursuiviesjusqu’en juin. Pour la classe de quatrième SEGPA, le projet était un peudifférent car le groupe avait déjà un passé. La forte demande d’une par-tie des élèves nous a incités à poursuivre.

Le groupe de parole se constitue autour de trois règles ayant chacuneune face externe qui permet au groupe de se définir vis-à-vis de l’exté-rieur et une face interne qui assure son fonctionnement. Ce groupe n’est

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pas obligatoire, il est proposé par le collège et chacun y vient en res-pectant ses règles ; c’est un groupe de parole (on communique par laparole, non par les actes) et chacun parle pour lui et non à la place del’autre ; il est soumis au secret (on ne raconte pas au dehors ce qui sedit dans le groupe), en même temps, il n’y a pas de secret dans le groupeet chacun parle pour être entendu du groupe entier. Les rencontres avecles jeunes ont permis aux adultes de mieux comprendre certains aspectsde leur relation aux enseignants et au collège.

Les élèves sont d’abord méfiants mais cette méfiance peut s’estomperquand une relation de confiance s’installe. Dans les groupes, une qualitéd’échange s’est ainsi instaurée petit à petit. La parole a pu circuler, lesrègles de communication (secret, respect) ont été intégrées par tous maisplus ou moins bien respectées selon les groupes. En sixième, les élèvesont parlé essentiellement de leur vie extra-scolaire (loisirs, difficultésfamiliales et personnelles) et peu de leur vie au sein du collège.

Pour les élèves de SEGPA, il n’y a pas d’issue positive à la scolarité,elle est vécue comme un temps à subir. Il n’y a pas, pour eux, suffisam-ment d’exutoires à cette tension induite par les contraintes scolaires(jeux, sport, musique, arts plastiques, lieux de parole…). Leur place dansle collège est vécue comme disqualifiante (organisation administrative,locaux, enseignement différent). Ils sont renvoyés à l’anormalité, ce quiengendre leur violence. Pour eux, la violence est valorisée, elle est mêmeapaisante dans le règlement des conflits alors que la parole peut êtrevécue de manière violente.

Nous nous sommes heurtés à des difficultés humaines et matérielles pourmettre en œuvre ces groupes de parole. Il fallait tout d’abord trouver unnombre suffisant d’intervenants psychologues bénévoles. En mêmetemps, les obstacles matériels ont été nombreux : indisponibilité de lasalle, de la clé du local prévue à cet effet, absence non signalée desélèves pris par d’autres tâches scolaires. Mais surtout les temps de concer-tation ont été trop peu fréquents entre intervenants extérieurs et entreceux-ci et les membres du collège.

Ces groupes sont bénéfiques mais n’ont cependant concerné qu’uneminorité de jeunes. Il faudrait pouvoir proposer un lieu d’échange et dedialogue à un plus grand nombre. De plus, les groupes de parole se sontrévélés inadaptés, à eux seuls, pour répondre à l’objectif plus spécifiquede désenclavement de la SEGPA.

Il a donc été proposé la constitution d’un groupe de travail « adultes ».Ce groupe de volontaires de la communauté éducative (SEGPA-collège)avec le concours de l’ADAOS et/ou de la CMP, pourrait se retrouverpour aborder toute situation difficile au sein du collège afin d’essayerd’y apporter des solutions.

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Co-apprentissage de la citoyenneté

Collège La Villeneuve, GrenobleAcadémie de Grenoble

La vie démocratique au collège est conçue comme un co-apprentis-sage où tout le monde, même les adultes, a besoin d’apprendre.Travailler la vie démocratique n’y est pas un luxe ou un détourne-ment de la fonction de l’école, c’est enraciner l’acte d’enseignementdans un espace sécurisé pour tous, c’est aussi considérer l’adolescentcomme un adulte en formation et donc lui confier un espace négocié depouvoir et d’action. La production de références communes est essen-tielle mais n’est jamais faite une fois pour toutes et ne suffit pas. Lesconflits sont donc normaux et doivent être travaillés comme tels et noncomme des exceptions, aberrations, vices ou violences insupportables.

Chaque jour le collège a son lot de disputes, d’insultes, de cris, de colèresvoire de coups. Ces moments où des personnes sont en conflit, (dans lesens de conflits interpersonnels qui opposent deux ou plusieurs per-sonnes), sont vécus comme une entrave au fonctionnement du collège.Dans la mesure où ils sont fréquents, nous sommes vite tentés de lesdénier en ne donnant plus de conséquences aux actes illégaux, « j’étaisfatigué, alors j’ai fait comme si je n’avais pas entendu ». Ce refus de sepositionner, de dire non est rapidement intenable. En effet, le déni conduitvite à la soumission de l’adulte. Dire non à un acte illégal, c’est refuserla toute puissance de l’autre, c’est l’aider à se construire. On peut aussichoisir de se débarrasser du perturbateur : le professeur l’envoie chez leconseiller principal d’éducation, qui l’envoie voir le proviseur-adjointqui l’envoie voir le principal qui l’envoie voir dehors. Le non fonctionneici comme un électrochoc et, de fait, il est tout aussi déstructurant que lors-qu’il est absent. Dire la loi ce n’est pas éliminer pour en terminer, c’estdonner de son temps pour ouvrir le débat. On peut aussi essayer de conte-nir l’agitation par l’intimidation, la menace. « Le premier qui parle, je luimets un zéro. » Ici, c’est le professeur qui soumet les élèves. Ces troissolutions, qui résultent de rapports de force, ne sont en aucun cas cura-tives, au contraire, elles provoquent des phénomènes de répétition etamplifient des conflits qui peuvent avoir des conséquences graves pourles groupes concernés. Le conflit est, dans ce cas, source de déstructurationdu lien dans la mesure où il n’est pas pris en charge.

Nous pensons, à l’inverse, que le conflit, peut être « un mode privilégiéd’interaction structurante35 », l’occasion d’un apprentissage de la citoyen-neté. Nous considérons que les situations réelles et quotidiennes de conflitssont des « périodes sensibles » qui constituent des temps d’apprentissagesocial à condition d’être traitées comme des « situations-problèmes »dans un dispositif organisé par l’éducateur qui permet à l’élève de seconfronter à un obstacle surmontable. Gérer les conflits ce n’est plus

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35. Rémigy M.-J., « Le conflit socio-cognitif », in J. Houssaye (dir.), La Pédagogie : uneencyclopédie pour aujourd’hui, 2e édition, ESF, 2001.

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alors, le « sale boulot », mais un outil pour travailler la citoyenneté. Cettedémarche n’est pas confortable et celui qui cherche des solutions écono-miques peut d’ores et déjà arrêter la lecture. Gérer les conflits présup-pose l’engagement des personnes et la mise en place de dispositifs quipermettent de les travailler. Nous pouvons alors énoncer la volonté quiconduit l’ensemble de notre démarche. Plus nous serons confrontés à desphénomènes de violence et d’incivilité, plus nous aurons l’exigence d’ins-tituer des dispositifs démocratiques contenants qui, au lieu de nous lais-ser subir les conflits, nous permettrons de les traiter.

Cela conduit à déplacer l’axe central de l’autorité qui ne doit plus reposersur les personnes, trop souvent enfermées dans des rapports implicitesde soumission/domination, mais sur les dispositifs. Ce qui doit faire auto-rité, c’est la confrontation à un référent commun au sein d’un dispositiféducatif. Pour rendre compte des pistes que nous proposons nous sépa-rerons notre travail en deux parties qui dans la réalité sont largementimbriquées. La première traitera de la construction d’un référent com-mun à toutes les personnes travaillant dans le collège. La réflexion porterasur trois outils que nous avons expérimentés : le règlement intérieur, lecontrat de classe, la charte du collège. La seconde précisera ce qu’est laconfrontation dans le quotidien à ce référent commun.

Des référents communs

Le règlement intérieur, les contrats de classe, la charte sont, tout d’abord,des outils de référence dont le rôle est de gérer, réguler et arbitrer lesconflits. Il est difficile d’en mesurer la fonction préventive, cela a d’ailleursdéçu certains d’entre nous qui espéraient ne plus avoir à « discutailler »,à « perdre du temps » avec les élèves. La participation à la construction desrègles n’empêche pas leur transgression. La seule différence est qu’il y aà « discutailler » avec un tiers. Ce tiers fonctionne comme un premierorganisateur du dialogue conflictuel. Il triangule la relation et instaureun rapport de droit. Si l’on attend de ces outils qu’ils soient l’occasionde « faire cours et seulement cours » alors nous courons à la déception.Supports de la communication en situation de conflit, ils n’ont pas pourobjet de l’éviter mais de lui donner une première organisation. Ils sont, parleur position de tiers, l’objectif-obstacle auquel est confronté l’élève.

La méthode utilisée pour l’élaboration de ces trois outils a un mêmepoint de départ, la consultation des élèves et des personnels, ce qui s’ins-crit dans une logique de changement. Consulter les élèves n’est pasneutre : cela suppose que les adultes à l’initiative de la démarche atten-dent, dans un champ donné, des propositions de l’autre partie et qu’enconséquence ils acceptent d’avoir à modifier certaines de leurs pratiques.Consulter, c’est ainsi croire et accepter que l’on peut apprendre de l’autreet donc s’engager dans un processus de co-apprentissage. Cela supposedes remises en question, des moments de doute. Dans cette phase il noussemble important de respecter trois étapes : un temps d’expression indi-viduelle écrite, un temps de discussion sur l’ensemble des items exprimés,un temps de propositions. Nous avons eu trop tendance à privilégierl’expression au détriment de la discussion et des propositions souvent

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considérées comme une perte de temps. Nous pensons aujourd’hui queces deux étapes sont essentielles car elles permettent d’une part « l’ex-pression de la divergence : discuter, c’est finalement donner un sens àl’écart et l’inscrire dans la relation entre les individus36 ». Cette étape peutpermettre à chacun de se poser, de prendre sa place dans le groupe. Ellefait aussi émerger ce qui est consensuel et donc ce qui sera prioritairedans les attentes des élèves. On peut aussi par ailleurs accéder à l’ex-pression des besoins à partir des demandes individuelles. La confusionentre la demande spontanée et le besoin est rapidement source de blocagesdans les relations. Ainsi dans une classe le besoin de temps sera exprimépar : « le professeur va trop vite », « il explique mal », « il s’en fout ». Sil’on renvoie la demande sans décrypter le besoin, il y a de fortes chancesque l’on renforce les mécanismes de défenses des professeurs. De fait, aulieu de s’engager dans une négociation constructive, fondée sur l’écouteet le consensus, nous tombons dans le piège d’une négociation-affron-tement qui se traduit par des rapports de rivalité, de force et de méfiance.Ce n’est pas la demande qu’il nous faut prendre en compte, mais lebesoin parce que la demande est l’expression déguisée d’un besoin.

Ce travail sur l’élaboration d’un référent commun a évolué au cours desannées. Si au départ il était plus axé sur les droits et devoirs (règlementintérieur, contrat de classe), nous en sommes rapidement arrivés à lanécessité de travailler sur le sens de l’école et sur les valeurs que nous,communauté scolaire, souhaitions voir se développer ; cela a conduit àl’élaboration de la charte.

Situations conflictuelles et apprentissage social

Réfléchir sur le sens, les valeurs, les règles c’est se donner un cadre géné-ral de fonctionnement. Pour que ce cadre résiste, contienne, structure lesrelations il faut l’utiliser comme tiers, comme référent à l’occasion destransgressions les plus banales, les plus quotidiennes. Le règlement intérieur,le contrat, la charte, sont les outils avec lesquels nous travaillons jour aprèsjour et heure par heure car devenir citoyen ce n’est pas accumuler un savoirsur la citoyenneté, c’est s’entraîner dans des situations d’interaction réelles,c’est débattre de problèmes quotidiens.

Au collège, dans la salle de classe, dans la cour, dans les couloirs, despersonnes se rencontrent, agissent les unes par rapport aux autres. Cetteexpérience relationnelle quotidienne se forme et se fige à notre insu.Inconsciemment nous élaborons des schémas relationnels. L’interactionsociale est plus souvent subie que construite. Nous pensons qu’un desrôles de l’école est de contribuer à transformer, pour partie, cette expériencepassive en un apprentissage construit, explicite, conscient. Ce qui nous inté-resse dans le conflit c’est sa capacité à mobiliser les personnes. Or noussavons que la motivation est un ressort essentiel de l’apprentissage. Ce quimobilise dans le conflit, c’est le fait de rencontrer une opposition, unobstacle qui frustre l’individu. Cette frustration produit une accumula-tion d’énergie, une tension. La tension n’est ni positive, ni négative en

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36. Bellenger Lionel, La Négociation, PUF, 1991, coll. « Que sais-je ? », n° 2187.

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elle-même; cependant, elle devra s’exprimer. C’est cette expression qu’ilfaut gérer, accompagner, pour qu’elle soit l’occasion d’un apprentissage,d’une élaboration mentale au lieu d’un passage à l’acte, d’une violence.

Un temps d’élaboration est donc ménagé lors d’un entretien dans lebureau du conseiller principal d’éducation. Un élève y arrive très encolère, il me donne un mot écrit par le professeur: « Dérange le cours parses bavardages. Exclu jusqu’à la fin de l’heure. » L’élève me dit d’em-blée : « Je vais la tuer : ils hurlent tous et c’est moi qui me fais tèje[jeter]. » Le professeur a rappelé l’interdit du bavardage et sanctionnél’élève d’une exclusion du cours. En se positionnant, c’est-à-dire enintervenant sur le déroulement des faits, le professeur confronte l’élèveà une difficulté, à un obstacle. Il est frustré et sa colère exprime sa mobi-lisation. Si nous en restons là et envoyons l’élève en étude, nous le lais-sons s’installer dans le schéma relationnel: persécuté (« C’est moi qui mefais tèje »)/persécuteur (« Je vais la tuer »). Il y a donc intérêt à proposerà l’élève un dispositif qui lui permette de se construire une autre repré-sentation de la situation.

Apprendre, c’est passer d’un savoir à un autre savoir, accepter de passerd’une représentation à une nouvelle représentation du savoir. C’est doncfaire le deuil de ce que l’on sait. Il faut accepter de démonter, délier,dissocier ce que l’on sait, pour le remonter autrement, refaire des liens,associer, avec le risque de ne pas y arriver. Ainsi, selon S. Boimare, il estplus facile de rester sur son savoir que d’apprendre 37. Car apprendre,c’est accepter de douter, de perdre ses repères, d’être déstabilisé.

Or, nous ne pouvons accepter une déstabilisation que si le cadre nousoffre un minimum de sécurité. En général, c’est le bureau, porte fermée,qui détermine l’espace protecteur. Environnement clos pour échapperaux regards des autres. Penser, apprendre, demande du temps. Il s’agitdonc de ne pas presser, de ne pas bousculer mais au contraire de sécuri-ser et prendre en compte la personne avant de s’occuper de son problème.

Dans notre exemple, il y a peu de chance que l’on puisse travailler surles faits tant que nous n’aurons pas entendu et reformulé la colère, le sen-timent d’injustice, le besoin de vengeance. L’objectif est de permettreune première distanciation, une première prise de conscience du conflit quel’élève vient de vivre. Il faut guider l’entretien, car celui-ci a tendance àcommenter, évaluer les faits. Nous faisons appel à sa mémoire. Or cettemémoire est toute imprégnée de son humeur, de ses jugements de valeurs.D’emblée, l’élève se centre sur la question du pourquoi. Il utilise les faitspour justifier sa position. Cette démarche conduit à l’oubli, la déformation,l’amplification. L’objet de l’entretien est de suspendre l’explication pourse focaliser sur la description. Le retour réflexif sur les faits permet une pre-mière dé-liaison du savoir de l’élève car nous insistons sur la succession,sur le déroulement temporel et non sur l’organisation des faits.

Ainsi, au cours de cette phase, l’élève ajoutera que le professeur avaitdemandé à plusieurs reprises de se taire. Qu’il expliquait une nouvelle foisun point du cours à la demande de certains élèves, dont lui-même. Que

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37. Boimare S., « Ces enfants qui ont peur d’apprendre », Les Cahiers pédagogiques, jan-vier 1992, n° 300 (no épuisé ; à consulter en bibliothèque).

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la plupart des élèves écoutaient et que trois élèves parlaient. Qu’il récla-mait une cassette à son voisin au moment où le professeur l’a interpellé.Dans ce cas et avant même de rencontrer le professeur, l’élève peut don-ner un tout autre sens à ce qui s’est passé. Du point de vue cognitif l’en-tretien permet à l’élève de se réinformer sur les faits, ce qui lui donne lapossibilité de les relier autrement, de faire un autre montage.

Le travail consiste ici à effectuer un retour réflexif sur le temps du conflit,son mode de résolution et les conséquences advenues ou non. Ici, l’en-tretien a pour objet la prise de conscience d’éléments transférables àd’autres situations, par la mise en mots. Clarifier ce que la série deconfrontations permet d’apprendre sur soi. C’est un travail à froid, aprèscoup, une appropriation intellectuelle de l’expérience vécue.

Médiation

Elle a deux objectifs : permettre à chacun, élève et professeur d’entendrela réalité de l’autre, ce qu’il vit, ce qu’il ressent et de rétablir le dialogueentre les personnes en conflit pour qu’elles puissent s’approprier leurproblème et trouver ensemble des éléments de solution. La médiationne peut avoir lieu qu’avec l’accord des deux parties, ce qui suppose untemps d’entretien individuel préalable si la médiation est proposée.Généralement les élèves sont d’accord, les professeurs le sont plus faci-lement lorsqu’ils se sont déjà prêtés à cette technique. Souvent, au départ,ce qui motive le refus du professeur, c’est la crainte d’être jugé. Celanous amène à préciser qu’en aucun cas le médiateur n’est là pour prendrepartie, la médiation n’est pas un arbitrage. Le médiateur est garant d’undispositif non du contenu. Il veille à ce que chacun ait une place égale,c’est un temps de parité. Chacun doit pouvoir être entendu par l’autre. Lemédiateur est un tiers provisoire qui s’efface lorsqu’un tiers symbolique,un accord verbal s’instaure entre les deux parties.

Chaque partie présente les faits de son point de vue en exprimant sonressenti et ses sentiments. Dans un deuxième temps, on peut revenir surles points sensibles et par la suite faire dégager les possibilités d’un accorden fonction de leurs attentes. Ainsi dans notre exemple, l’élève pense quele professeur lui en veut puisqu’il l’a mis à la porte. Le professeur rétorqueque lorsqu’il s’est retourné, il a vu celui-ci parler et que si un autre avaitparlé à ce moment-là il serait sorti aussi. Le professeur ajoute qu’il a eul’impression que l’élève se moquait de lui dans la mesure où il ne sedonnait pas la peine d’écouter ce qu’il expliquait une nouvelle fois à sademande. Ce à quoi l’élève répond qu’il a voulu récupérer la cassettequ’on venait de lui prendre dans son cartable et qu’il ne cherchait pas à semoquer du professeur, mais qu’il comprenait que cela vexe le profes-seur. Dans cette situation la colère provient d’un malentendu, la confron-tation permet de le lever et de restaurer la dignité des personnes. Ledispositif les aide à se décentrer de leur point de vue propre et à tenircompte du point de vue de l’autre.

Qu’y apprend-on ? Que les conflits proviennent souvent d’un malen-tendu, que chacun sélectionne, amplifie, déforme les faits. Que l’autreéprouve des sentiments et des émotions. Qu’en préjugeant de l’autre on

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refuse de le connaître. Que le tout, tout de suite, n’est pas viable, quedifférer n’est pas abdiquer, qu’il est possible de restaurer les personnestout en condamnant les faits, etc.

Que s’y passe-t-il ? La médiation permet un renforcement identitaire quiautorise un changement de comportement : au cours de la médiation, laperception de soi, l’interprétation subjective qu’une personne se fait desa réalité, ont la possibilité d’évoluer. En effet, la perception de soi ren-voie à deux variables : l’image propre, image que le sujet se fait de lui-même, et l’image sociale, « ce que le sujet sait ou suppose de l’image delui que les autres se font 38 ». La médiation, par la confrontation à unautre, permet de modifier cette image sociale. « Le professeur n’aimepas ma personne » devient « le professeur n’accepte pas ce que j’ai faità un moment et dans une situation donnée, mais il n’a rien contre moi. »La médiation restaure le besoin de considération personnelle, « être ousignifier quelque chose pour les autres 39 ». L’image sociale influe surla perception générale de soi dont la fonction dynamique est de régir lecomportement d’une personne. Lorsque les personnes sont « restau-rées », il est possible d’envisager comment fonctionner autrement. Avantde travailler sur la médiation, nous pensions que les effets seraient béné-fiques pour les élèves, nous nous sommes vite rendu compte qu’ilsl’étaient tout autant pour les adultes. Constatant que chaque partie pou-vait bénéficier des apports de la médiation, nous avons ensuite élargi cedispositif aux conflits entre élèves. Nous avons vite constaté que celapermettait à l’agresseur de réajuster son comportement et à la victimede dédramatiser sa situation, ce qui la libère d’un climat d’insécurité.

Pour conclure, nous introduirons la différence faite par E. Prairat entre letravail de socialisation et le travail de sociabilité 40. « Dans le premiercas, il s’agit de faire comprendre qu’il n’y a pas de vivre ensemble sansl’acceptation et le respect communs de règles et de lois. Il n’y a pas devivre avec [autrui] qui ne soit articulé à un vivre devant [la loi]. »

Argumentation et civisme

Lycée Joliot-Curie, SèteAcadémie de Montpellier

Le public concerné est une classe de seconde option Sciences et tech-nologies tertiaires composée d’élèves en difficulté. S’engager danscette option correspond, pour la plupart d’entre eux, à un choix néga-tif dicté par l’échec. L’école ne présente plus aucun intérêt ni espoiraux yeux de certains de ces élèves. Ils ne manifestent aucune confianceenvers leurs professeurs et les adultes en général et manquent

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38. Reuchlin Maurice, Psychologie, PUF, 1998, coll. «Fondamental».

39. Nuttin, in Reuchlin, Psychologie, ibid.

40. Prairat Eirick, La Sanction: petites médiations à l’usage des éducateurs, L’Harmattan,1997.

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totalement de confiance en eux. Il en découle tout à la fois absentéismeimportant et travail personnel inexistant, une grande passivité et sou-vent un pessimisme et un fatalisme difficilement acceptables pour lecorps enseignant. Ce pessimisme est cependant souvent de façade,même si la réaction première des élèves est un manque d’enthousiasmecertain, voire d’hostilité, quand on leur annonce qu’ils sont dans uneclasse dite « à projet » : « Pourquoi nous ? »

Pour les enseignants les objectifs du projet citoyenneté sont clairs, mais l’en-jeu est de convaincre les élèves de les partager. Il s’agit d’abord d’établirune réelle communication entre l’équipe pédagogique et la classe en créantun climat de confiance et des rapports de respect mutuel. Cela devientpossible d’abord en leur permettant d’assister au conseil de classe et departiciper aux décisions qui les concernent en montrant notre volonté dedialogue. Dès la rentrée, on élabore de même avec les élèves le contratde vie de classe à partir du texte officiel des Droits et Devoirs des élèves.Ce dialogue engagé entre élèves et professeurs suscite la prise de conscienceque toutes les propositions ne sont valables que si elles sont raisonnées,argumentées. Il s’agit donc en second lieu de les aider à passer de la contes-tation systématique à la formulation raisonnée et argumentée de leur pointde vue. On conçoit par là l’importance qu’il y a à éveiller la curiosité desélèves, à aiguiser leur esprit critique, à les conduire à respecter la penséede l’autre et à tenir compte de sa différence. Il est impératif aussi de leurdonner les moyens de formuler une argumentation raisonnée.

Il s’agit enfin de leur permettre d’acquérir une culture générale, d’élaborerun projet de vie de citoyens libres, responsables: ouvrir les futurs citoyensà l’intelligibilité du monde ne signifie pas pour autant le sacrifice desexigences propres aux disciplines.

Un outil citoyen

Dans le projet citoyenneté, l’argumentation joue un rôle essentiel. Filconducteur et lien transversal elle va d’abord, tout au long de l’année,favoriser le passage de la contestation au dialogue. Deux objectifs : fairecomprendre progressivement qu’argumenter, c’est accepter, respecterla parole et la pensée d’autrui ; faire prendre conscience de l’utilité quoti-dienne de l’argumentation.

Le point fort des actions menées a été la «Semaine Cinéma Tolérance».Cette semaine banalisée nous a fait vivre au rythme de six films, de plu-sieurs débats et de rencontres multiples et variées. Aller au cinéma tousles jours en tant que spectateurs privilégiés, quitter le lycée pour aller àla rencontre de gens qui engagent avec eux un dialogue sur les thèmesabordés, a concrètement montré aux élèves la nécessité de penser, dedévelopper des arguments ou encore d’exprimer une opinion réfléchie. Lesdébats sur le racisme ont été les plus vivants, soulignant que de nom-breux élèves y avaient été confrontés. Écoute et réflexion ont marqué ledébat sur la tolérance mené par un professeur de philosophie et des élèvesde brevet de technicien supérieur. Le film Ladybird les a révoltés, maisils ont su dépasser le stade de l’émotion pour formuler une réflexion sur

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la société, le rôle de la parole comme moyen d’action. Quel enthou-siasme pour Le Gône du Chaaba ! C’est le coup de cœur né de l’identi-fication aux personnages pour certains, mais voir le film leur a donnéenvie de lire le roman. En revanche, l’argumentation a été plus difficilequand, face au tabou de l’homosexualité féminine peint dans le filmMuriel, leur rejet s’est exprimé. Même difficulté d’argumentation pour(In)tolerance Day dont la complexité a dépassé leur capacité d’analyse.De même, l’émotion trop vive ressentie lors des Témoignages des femmesalgériennes, a été un frein à leur envie de s’exprimer.Rien ne les a laissés indifférents: films, rencontres, débats les ont amenésà réfléchir, critiquer, s’engager, se révolter, se questionner, nous question-ner: « Comment faire dans la pratique lorsqu’on est confronté à l’intolé-rance ? » Parmi les moyens d’action, le langage est écarté avec cettearrière-pensée que « les mots, c’est du vent », que la parole peut servir à les« piéger ». Ils nous ont cependant démontré qu’ils avaient appris à se ser-vir de la parole pour établir une véritable communication avec les adultes.L’innovation pédagogique a consisté à rendre concrète une notion trèsabstraite, à faire comprendre que le raisonnement passe par le question-nement, scientifique ou littéraire, à montrer l’intérêt quotidien de l’argu-mentation. C’est une classe unie qui a développé un esprit de groupe etmanifesté en fin d’année le désir de rester ensemble en première pourcontinuer à s’entraider (partage des repas, des moyens de transport,entraide scolaire). Un climat de confiance s’est instauré entre eux et avecl’équipe pédagogique qui les accompagne pour choisir leur orientation.Les élèves agressifs, contestataires ont intégré le groupe et reconnais-sent qu’il est plus agréable de travailler dans une atmosphère d’échangequ’avec la violence comme seul contact avec les autres. Le respect qui estévident entre eux, envers leurs professeurs, les locaux et le matérielmontre que l’on est parvenu à les convaincre qu’il est normal de suivredes règles établies en commun.

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Un climat serein

Réagir collectivement et de la même façon aux manquements des élèvescontribue à fixer des repères et des limites facilement identifiables par lesélèves. Dans la clarté, ils sont tenus informés du contenu des disposi-tifs de contrôle et de suivi mis en place: carte à points au lycée Françoise-de-Grâce du Havre, carnet de suivi au collège Jean-Deconinck deSaint-Pol-sur-Mer. Cette transparence permet de réguler les dérapages detous ordres tout en réservant une place reconnue à l’expression des jeunes.Le sentiment d’arbitraire s’estompe, laissant place à une reconnaissancedes règles. L’ambiance des établissements s’en trouve apaisée et les rela-tions élèves/adultes prennent un tour plus confiant.

La carte à points

Lycée technologique et professionnel Françoise-de-Grâce, Le HavreAcadémie de Rouen

Afin de créer des conditions favorables à l’apprentissage et lutter contrel’agressivité et la violence, l’équipe de direction impulse et encourage,dans le cadre du projet d’établissement, la mise en place de démarcheset d’actions novatrices (entretiens individuels pour mieux prendre encompte les difficultés et projets de chaque élève, responsabilisation desdélégués, cadre de vie et sécurité qui contribuent aux respects des locaux,carte à points pour lutter contre l’absentéisme…). Pour les enseignants,cette carte est un des éléments essentiels de l’ensemble d’actions quivisent à l’insertion des élèves dans le monde professionnel.

Il s’agit à travers la mise en œuvre de la carte à points, de limiter lesretards et absences de courte durée mais aussi de sensibiliser les parentsaux problèmes de l’absentéisme, d’éduquer l’élève en lui faisant prendreconscience du dysfonctionnement que génère l’absentéisme et du cerclevicieux (absentéisme, démobilisation, démotivation) que cela peut pro-voquer. À terme, cela doit conduire chaque élève à percevoir l’assiduitécomme une composante de la réussite scolaire. Cette carte est un relevédes absences et retards dont les justificatifs émanent des parents ou desélèves (raisons personnelles, rendez-vous divers, panne de réveil, indis-positions passagères, etc.). Elle ne prend pas en compte les absencesjustifiées par un certificat médical, une feuille de maladie, une convo-cation (tribunal, permis de conduire, etc.) ni les retards lorsqu’il y agrève des transports en commun ou intempéries.

Le barème est d’un point pour une demi-journée d’absence, pour troisretards ou encore pour deux absences d’une heure. Cette carte n’est pasindividuelle et n’est pas tenue par l’élève. Elle est établie par classe sur une

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liste alphabétique où figurent, en face de chaque nom, des cases repré-sentant les points. Les surveillants relèvent chaque jour les absences et lesretards, préviennent les familles, notent sur le registre, à l’aide de symboles,le type d’absence en fonction du justificatif reçu (absence dûment justifiée,absence relevant de la carte à points, absence non justifiée). À la fin dechaque mois, le conseiller principal d’éducation fait le bilan et comptabiliseles points sur la carte. Une photocopie est remise à chaque classe et àchaque professeur principal ainsi qu’un tableau comparatif des classes.Les points s’accumulent de mois en mois sur le même document. Il consti-tue donc une mémoire aussi bien pour l’élève que pour la Vie scolaire, pourles professeurs, les parents, la classe. Si un élève atteint sept ou huit points(soit l’équivalent de quatre jours d’absence), le conseiller principal d’édu-cation discute avec lui des motifs de ses absences. Cet entretien donnelieu à un véritable échange permettant de soulever les problèmes etd’envisager des solutions. S’il s’agit d’un simple laisser-aller, l’entrevuesert de mise en garde.

Si un élève atteint dix points, il est convoqué devant une commissionprésidée par le chef d’établissement ou son adjoint, à laquelle partici-pent le professeur principal, le conseiller principal d’éducation et sesparents. Selon les cas, des sanctions peuvent être prononcées : du rattra-page obligatoire des cours à l’avertissement sur le bulletin trimestrieljusqu’à l’exclusion d’une journée. Au-delà de quinze points, la commis-sion peut prononcer une exclusion de trois jours et inscrire une remarquesur le livret scolaire destiné au jury d’examen. À vingt points, le conseilde discipline est réuni.

Repérer pour prévenir

Par la mise en mémoire mois après mois des absences et retards, par lebilan mensuel présenté sous forme d’histogramme de la situation dechaque élève et de la situation de chaque classe, la carte à points joueplusieurs rôles. Elle permet de repérer les cas individuels mais aussi,l’état de santé d’une classe, d’une section, d’un niveau et de l’établisse-ment et de réagir rapidement face à des dysfonctionnements. Elle favoriseune meilleure appréhension de la réalité et la communication. En effet,chaque mois, les photocopies de la carte à points par classe et du tableaucomparatif de toutes les classes sont remises aux élèves, aux professeursprincipaux et autres partenaires de l’établissement. Cela permet de recti-fier les fausses impressions et provoque une meilleure circulation del’information détenue par l’un ou l’autre des acteurs adultes (infirmière,assistante sociale, professeurs et conseiller principal d’éducation). Aumoment du conseil de classe on peut ainsi mettre en parallèle les résultatsscolaires et l’assiduité de l’élève. L’élève de son côté est responsabilisé,il peut venir de lui-même signaler son désaccord sur le report des points(erreur, justificatif resté au fond du cartable), s’informer sur le nombrede points qui lui reste, demander aide et conseil quand la convocationdevant la commission se profile. Il apprend à gérer son temps et à antici-per en prenant ses rendez-vous (médecin, leçon de conduite, etc.) horsdes heures de cours et n’est plus obligé d’inventer un motif pour attendrirle conseiller principal d’éducation.

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La carte à points a permis une très nette diminution de l’absentéisme.En même temps elle améliore l’acte éducatif car elle facilite le dialogue,le travail d’équipe et permet de repérer les élèves qui ont des problèmes(absentéisme-refuge fait de prétextes divers qui cachent angoisse, démo-tivation et problèmes personnels). Des nuances apparaissent cependantdans la perception de cette action qui bouscule les habitudes, des élèvesconsidèrent que c’est une atteinte à leur liberté même si dans l’ensembleils apprécient « qu’on ne les juge plus ». Certains parents applaudissent,d’autres font part de leur mécontentement, mais la communication avecle lycée est plus aisée et les autorisations d’absence préalables deviennentla règle. Les enseignants pour leur part sont satisfaits car les absences sontmoins nombreuses, cependant certains se sentent peu concernés commesi la fonction éducative n’entrait pas dans leur conception du métierd’enseignant. L’équipe de direction souhaite convaincre toute l’équipeéducative de l’importance de cet outil mais aussi travailler de façon plusconcertée avec le corps médical qui n’adhère pas complètement à cettedémarche (refus de fournir des attestations de visite médicale et a fortiorides certificats médicaux portant la durée de l’arrêt de travail).

Le cahier de suivi

Collège Jean-Deconinck, Saint-Pol-sur-MerAcadémie de Lille

Mieux vivre au collège : c’est autour de cette idée que s’est engagéela réflexion sur la manière d’assurer et d’améliorer les conditions de laréussite scolaire. Pour parvenir à cet objectif un cahier de suivi declasse a été élaboré. Tout au long de la journée il accompagne l’élèveet permet de noter comportement et travail. La mise en œuvre d’unsuivi précis et régulier doit amener les élèves à prendre conscience deleurs comportements et leur apprendre ainsi à s’auto-évaluer.

Dans une classe de troisième regroupant des élèves en très grand échecet vivant de manière résignée et fataliste leur scolarité, le professeurprincipal fait circuler un cahier au sein de l’équipe éducative. Y sontnotés les noms et les remarques sur le comportement et les absences desélèves. Bien évidemment, ceux-ci peuvent le consulter. Très vite, ilss’interrogent sur le bien-fondé de son existence. Pour l’équipe pédago-gique, la réponse est évidente, cet outil doit permettre aux élèves degérer leur comportement en classe ainsi que leurs absences, leurs retards.De là, naît le cahier de suivi. Une règle proposant un barème de sanctionsest proposée, elle sera adoptée par la classe et l’équipe pédagogique.Deux signalements, au cours de la même journée, pour comportementinadmissible et/ou retards en cours, entraînent systématiquement unesanction (une heure de retenue). De même, toute absence injustifiée faitl’objet d’une intervention de la conseillère principale d’éducation (géné-ralement par téléphone) auprès de la famille. Le bilan du premier demi-trimestre est satisfaisant. Les absences non motivées ont été peu

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nombreuses, les élèves témoignent leur contentement car ils sententqu’on s’occupe d’eux; en même temps, malgré quelques accidents il y aune amélioration sensible du comportement des élèves. Enfin les retardsen cours diminuent.

Le professeur principal de cette classe enseigne également en sixième, enparticulier dans les groupes de besoin. Il informe donc ses collègues deson expérience et nous expérimentons la méthode, de mars à juin, danscinq classes de sixième. Chaque professeur principal explique dans saclasse à quoi sert ce cahier de suivi. Afin de ne pas perdre trop de temps,un code très simple est adopté. Chaque professeur, à la fin de son heurede cours, porte un signe plus pour un très bon comportement et un signemoins lorsque que le comportement est inadmissible et en informe leou les élève(s) concerné(s). S’il n’inscrit rien cela signifie que le compor-tement a été correct.

Nous avons dû modifier ce code car un signe moins peut facilement êtretransformé en plus, le cahier étant pris en charge, le matin, par un élèvequi le transmet en début de chaque heure aux enseignants et le rapporteen fin de journée au bureau de la conseillère principale d’éducation. Elleen fait le bilan journalier et informe le professeur principal des problèmesen vue d’une intervention rapide de l’équipe pédagogique pour explorerles difficultés d’un élève et éventuellement remédier au problème, leplus tôt possible. Le bilan hebdomadaire permet de faire le point sur lesinterventions et en cas d’échec de prendre une sanction immédiate. Unrécapitulatif semi-trimestriel est envoyé avec le relevé de notes tandisque le récapitulatif trimestriel est noté sur le bulletin trimestriel ets’accompagne d’un système de récompenses. La deuxième année, leprincipe de ce cahier est étendu à d’autres classes, puis il devient la troi-sième année un outil pour tout le collège. Son existence est signalée auxfamilles par une annexe au règlement intérieur.

Un projet évolutif

Ce projet n’est pas figé mais évolue constamment. Chaque réunion del’équipe amène de nouvelles idées et conduit à des interrogations et desrecherches de solutions. En outre, ce projet facilite la cohérence et l’impli-cation de l’équipe éducative. Les différentes réunions (impulsion, pré-paration, présentation ou suivi) génèrent des échanges et une meilleureconnaissance entre professeurs, conseiller principal d’éducation, chefd’établissement.

Lors de sa mise en place, la première année, le cahier ne concerne que lecomportement et a une double vocation. Il s’agit de favoriser l’autodis-cipline. L’élève sait que s’il obtient deux éléments négatifs au coursd’une même journée, il aura une heure de retenue et que la notificationde la sanction sera inscrite sur le carnet de correspondance par laconseillère principale d’éducation. Mais ce cahier est aussi utilisé pourpointer les éléments positifs. Lorsqu’un élève fait des efforts de parti-cipation, montre son désir d’améliorer son comportement cela est éga-lement mentionné ; il sait qu’il sera récompensé. Le cahier de suivi estdonc un outil pour l’aider à progresser. C’est un tremplin vers la vie en

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groupe avec ses règles et ses lois. Il ne faut pas hésiter à l’utiliser pourencourager les efforts des élèves. Du côté des enseignants, il permet« d’objectiver » le comportement d’un élève et d’avoir de celui-ci unevision plus globale grâce au bilan régulier effectué à partir du cahier. Ilpermet aussi de désamorcer la colère immédiate.

Durant la seconde année, le cahier concerne le comportement, le travailnon fait ainsi que l’obligation d’avoir toujours en sa possession le carnetde correspondance. Un nouveau code est utilisé 1 pour un bon compor-tement, 0 pour un comportement inacceptable. Au bas de chaque colonne,le professeur, en un ou deux mots, mentionne l’ambiance de la classe.Ces informations permettent de prendre très rapidement la température dugroupe et d’adapter ainsi sa façon d’être, son accueil à la classe (si elle estnotée « agitée » à l’heure précédente, je ne l’accueillerai pas de la mêmemanière que si elle est signalée « calme » ou « active et efficace »). Ellespermettent aussi d’observer les variations de comportements des élèvesselon les matières, selon les professeurs.

Pour chaque élève, les bilans quotidiens et hebdomadaires rendent possibleun traitement approprié à chaque cas, la sanction, en effet, ne doit pas êtreune finalité. Si un élève est mentionné négativement plusieurs fois aucours de la semaine, le professeur principal discute avec lui pour cernerles difficultés ou les problèmes rencontrés et établir un « mini-contrat »concernant son comportement ou/et son travail.

Si nous observons trop de récidives, ou une absence injustifiée à la retenueimmédiate, l’élève viendra en retenue exceptionnelle le mercredi après-midi. Enfin, après dialogue, discussion avec la famille en présence del’élève, une exclusion temporaire de un à cinq jours peut être prononcée parle chef d’établissement. Une commission d’admonestation, composée desmembres de la commission permanente, et avec, à titre consultatif, le pro-fesseur principal, le conseiller d’orientation-psychologue et l’assistantesociale a été créée avant le passage en conseil de discipline. L’exclusiontemporaire prononcée par le chef d’établissement n’est pas synonyme de« renvoi ou maintien » à la maison puisque le ou les élève(s) concerné(s)est(sont) tenu(s) de se présenter au collège de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 hoù il(s) effectue(nt) un travail. Le cahier de suivi conforte le lien admi-nistratif et pédagogique lors des conseils de classe.

Effets

Pour les sixièmes qui, habitués à un ou deux adultes en CM2, se retrou-vent face à une équipe pédagogique d’environ dix professeurs, le cahierde suivi devient un lien rassurant qui unit les enseignants. Les élèvesmanifestent leur intérêt pour le cahier. Ils comptabilisent les élémentspositifs ce qui donne lieu à un regain de motivation. D’autre part, ilss’approprient l’outil qui devient à leurs yeux le garant de plus de jus-tice. Enfin, le cahier de suivi, lors de l’heure de vie scolaire, permetd’amorcer le dialogue, fait de cette heure un lieu de paroles.

Cette pratique peut amener également l’enseignant à porter un regardsur sa façon d’être, sur sa relation à la classe, à accepter le regard de ses

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collègues sur ses pratiques lors des différentes concertations, et à se don-ner ainsi les moyens d’une nouvelle motivation.Les parents sont aussi concernés car le cahier permet d’engager le dia-logue avec les familles, de les tenir informées et à plus long terme deles responsabiliser. Des échos d’anciens élèves et de parents actuels nousparviennent : l’établissement est mieux perçu, se trouve valorisé par lesdifférentes actions menées. Enfin, le nombre de demandes de déroga-tions soit vers les établissements privés soit vers le deuxième collège deSaint-Pol-sur-Mer est en nette régression.

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Intégration des conflits

Loin de nier les conflits ou d’en déléguer le traitement à d’autres, lesenseignants des collèges Albert-Camus à Meaux et Le-Ried à Birschheims’en saisissent, les mettent en mots et les exploitent dans leurs classes. Etsi les conflits devenaient, pour les élèves, des occasions d’apprendre à par-ler et à se parler ?

Donner d’autres mots

Collège Albert-Camus, MeauxAcadémie de Créteil

S’arrêter lorsque survient un incident même banal, qu’on aurait pufeindre de n’avoir pas remarqué (grossièreté entre élèves par exemple),ramener l’agressivité à un simple écart de langage pour l’exploiter encours de français, c’est l’option choisie par ce professeur. En suggérantde reformuler la même idée, c’est-à-dire en ne niant pas l’existence d’unéventuel conflit, mais en lui permettant de se rejouer en termes civilisés,l’enseignant donne aux élèves les mots qu’ils ne possèdent pas toujourspour s’exprimer. On demande à d’autres de faire varier les points de vuesur un incident similaire, dans un exercice écrit : cela leur permet deprendre une distance réflexive sur ce qui s’est passé… non seulement latension décroît mais les jeunes prennent plaisir au travail proposé!

Il est difficile de retrouver des expériences réussies puisque ce sont tou-jours les problèmes auxquels nous n’avons pas su faire face qui restentdans notre souvenir. Il y a cependant des attitudes de violence courantesauxquelles je trouve des solutions. Le cas le plus fréquent est celui del’élève qui s’exprime avec agressivité ou grossièreté à l’adresse d’uncamarade ou de moi-même. Ma façon d’intervenir est de ramener l’écartde langage au niveau du cours de français. Je leur propose donc l’exer-cice suivant : « Ce que tu dis n’est pas acceptable pour ton interlocuteurqui va alors se mettre en colère ; comment pourrais-tu exprimer la mêmeidée mais de façon non insultante, plus courtoise afin que ton interlo-cuteur ait envie de t’écouter ? »

En général, les élèves n’ont pas les mots pour le dire ; c’est le moment deles leur donner, ce que je fais ; les élèves doivent ensuite répéter la phraseet rejouer la scène. Ils se prêtent assez bien à ce jeu de théâtre et de chan-gement de registre puisqu’ils gardent le droit de s’exprimer. La règle àrespecter est de rester poli et de s’exprimer en bon français.

Une expérience du même ordre me revient en mémoire. Une classe se pré-sente en effervescence (cris, bousculades, hargne dans les rangs). Jecomprends vite que je dois renoncer au travail prévu. Il faut vider l’abcès.

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Je demande donc ce qui se passe. J’apprends que deux élèves de la classes’étant battus, la classe est partagée en deux clans, certains prêts à sejeter dans la mêlée pour soutenir leur héros. C’est explosif.

Comme c’était la Semaine de la presse et que nous avions étudié, laveille, un même événement politique exposé par des journaux de ten-dances différentes, j’ai vu dans cet incident, l’occasion de poursuivre letravail commencé. J’ai donné un exercice de rédaction avec le sujet sui-vant: « Vous êtes journaliste; racontez à vos lecteurs cette histoire de troisfaçons différentes et de même longueur en prenant partie pour l’élèveA, en prenant partie pour l’élève B, en relatant seulement les faits et enétant le plus objectif possible. »

Les élèves ont travaillé dans le calme et ont aimé ce travail ; ils ont rédigéle premier texte avec passion pour soutenir l’élève qui, d’après eux, avaitraison. Ce premier exercice a servi de défouloir. Le deuxième et le troisièmeexercices ont été très constructifs ; ils ont demandé aux élèves calme,réflexion, mesure, tout ce dont ils n’avaient pas été capables sur le vif.

À la sortie, je n’ai pas remarqué d’agressivité ; je n’ai pas non plusentendu parler de suite fâcheuse. La colère était tombée. À la correc-tion, les meilleurs devoirs ont été lus en classe. Les élèves étaient sou-riants, détendus. J’ai eu l’impression que le problème avait été déplacéet s’était réglé de lui-même.

Traiter un événement à chaud

Collège Le-Ried, BischheimAcadémie de Strasbourg

Lorsque surgissent incivilités et agressions, les enseignants se saisissentde l’incident et en débattent sur le champ avec les jeunes. Cette pratiquede réaction immédiate permet à la fois de désamorcer des conflits quiauraient pu dégénérer, de dédramatiser certains incidents et de sécu-riser les élèves.

En cinquième, chaque fois qu’il y a un incident (interne à la classe ou dansla cour), un professeur consacre un quart d’heure à en parler, certainsbons élèves considèrent qu’il s’agit d’une perte de temps. Au quotidien,quand un professeur entend des grossièretés, il saisit l’occasion pourexpliquer aux élèves qu’en les utilisant ils donnent une image négatived’eux-mêmes. Un vol qui a eu lieu dans une classe a fourni l’occasion derevenir sur la notion de complicité. Dans une autre classe, la notion derespect a été au centre du débat. En effet, une élève après le cours s’étaitplainte d’avoir été à plusieurs reprises insultée dans la cour et lors desorties par une élève d’une autre classe dont elle avait peur. Elle avait ététraitée de naine et cela l’empêchait de dormir, elle demandait alors au pro-fesseur d’intervenir tout en craignant des représailles. Elle en avait aussiparlé à ses parents. Le professeur a saisi l’occasion pour évoquer en

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classe la solidarité entre élèves, la loi du silence, et le fait que se taire n’estpas la solution, aspect qui passe très bien surtout chez les filles.

Après le conseil de classe d’une quatrième, un perturbateur qui ne faisaitpas son travail a été placé en atelier de travail individualisé (ATI) doncexclu de cours. Le professeur a discuté de la sanction environ un quartd’heure avec la classe hors de la présence de l’élève. Les élèves étaientd’accord avec la sanction et ont demandé à en reparler avec leur cama-rade à son retour. Ce qui a été fait trois semaines après. Ce sont les jeunesqui ont mené la discussion avec leur camarade en lui demandant s’ilpensait que la sanction était justifiée: il était d’accord et a été sensible aufait que la classe ait pris en charge cet aspect des choses. Il est revenudepuis deux semaines: il avait été convenu avec les autres qu’il serait bonde le soutenir (aide au travail s’il le demande) et de ne pas entrer dans sonjeu s’il faisait l’imbécile (en fait, c’est lui qui se faisait prendre mais lesautres autour de lui participaient volontiers à l’activité perturbatrice).L’élève a amélioré son attitude en français mais pas dans tous les cours.

Dans une classe de troisième, le professeur a saisi l’opportunité de l’agres-sion d’un élève (jets de pierres à l’extérieur de l’établissement). Les élèvesont dit que tous les soirs à partir de 16-17 h, de petits groupes cherchaientla bagarre en dehors du collège. Sur la lancée, ils ont affirmé que « dansl’établissement, la violence est constante dans les couloirs : les élèves deSEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) passenten donnant des gifles ». Ils n’en avaient jamais parlé avant.

Les réactions des élèves devant un fait de violence sont souvent subjectiveset l’adulte doit garder assez de sérénité dans les débats pour les aider àtrier les informations et pour conserver à l’événement sa juste mesure.

C’est ce dont témoigne l’exemple suivant. À la suite d’un incident dansla cour, une fille de cinquième est arrivée en cours en larmes parce qu’ellea été battue (en fait giflée) par des garçons pendant la récréation, unediscussion s’engage dans la classe. Le professeur demande aux vingt-cinq élèves de dire s’ils se sentent ou non en sécurité dans la cour. Toussauf un répondent négativement parce qu’un groupe de quelques élèvesfait peur aux autres et qu’il y a eu des bagarres. Les élèves notent qu’enplus, ceux-ci sont fiers d’être « virés » du collège.

Lorsque l’enseignant demande les solutions qui pourraient être proposées,la réaction est unanime : « Il faut se mettre tous ensemble et en parlerau principal ou à une grande personne ou à la police. » La discussionfait apparaître que la jeune fille a eu maille à partir récemment avec ungroupe de cinq garçons du quartier, extérieurs au collège, qui pendant uncertain temps l’ont suivie jusqu’à son immeuble et auraient menacé samère et sa grand-mère. La classe confond alors les « gifleurs » de larécréation avec les « suiveurs » ainsi qu’avec les « terreurs du collège »,et craint que les cinq élèves « suiveurs » n’appellent des grands en ren-fort et que cela entraîne des représailles. Il s’avère aussi que la classefantasme à propos de faits d’actualité et généralise à l’insécurité en géné-ral dans les rues; on quitte le cas particulier de l’événement qui a déclen-ché la discussion: chacun en rajoute un peu et la tension monte très vite.Il faut ramener le calme et aider les élèves à objectiver les faits. La dif-ficulté rencontrée quand on revient fréquemment sur des thèmes comme

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celui de la violence, c’est de focaliser l’attention des enseignants et desélèves sur le sujet en risquant de faire monter la pression quand il yaurait lieu de dédramatiser ce qui est parfois de l’ordre de réactions plu-tôt normales d’adolescents en recherche d’affirmation de leur person-nalité vis-à-vis d’autres jeunes ou vis-à-vis d’adultes.

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TENIR COMPTEDESSINGULARITÉS

Troisième partie

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Face à des actes de violence et d’incivilité, il est tentant de réprimer, en espé-rant que la sanction fera cesser les comportements déviants. Il est aussipossible de se demander comment l’élève en est arrivé là et de recherchercomment l’aider. Les enseignants dont les actions sont présentées danscette partie ont opté pour la seconde attitude et choisi de comprendre lessituations particulières pour tenter d’y apporter des solutions.

Il s’agit tout d’abord de porter un regard attentif sur l’accumulation desdifficultés chez certains élèves pour lutter contre l’échec. Ainsi, commele montre un premier groupe d’actions, après avoir fait le point sur lesconnaissances et sur les lacunes d’ordre méthodologique ou cognitif, lesenseignants mettent en place une réponse adaptée. Deux classes, lasixième et la troisième nécessitent tout particulièrement une mobilisationdes enseignants. En sixième, pour un certain nombre d’élèves, l’écoleest déjà synonyme d’exclusion et les retards dans les apprentissagesnotamment en langue sont patents. Il s’agit alors de tenter de combler leslacunes en français, tant à l’écrit qu’à l’oral. Dans cette perspective, lerecours à des logiciels favorise une réelle individualisation. Il s’agit ausside faciliter la transition entre l’école et le collège grâce à un travail de miseen cohérence des programmes et à une progression adaptée à chacun. Ils’agit enfin de construire des projets pédagogiques où chaque élèvepuisse retrouver confiance en lui et en ses capacités de progrès. En troi-sième, certains élèves ont baissé les bras, c’est donc à partir de situa-tions concrètes, préparation à un examen, recherche d’emploi, que lesenseignants individualisent l’apprentissage.

Un second groupe d’actions concerne des pratiques de tutorat. Pour s’épa-nouir et réussir sa scolarité, l’élève a besoin d’être en confiance et d’évo-luer dans un climat où il se sente à l’aise. Pour répondre à cette nécessité,les enseignants ont mis en place différentes formes de prise en chargeindividuelle. C’est ainsi que le tutorat et le suivi individualisé, qui fontappel à un contact élève-enseignant privilégié, créent de bonnes conditionspour les apprentissages. L’idée d’un soutien individualisé n’est pas neuve,mais par ce biais, il s’agit d’apporter à la fois une aide technique et psy-chique qui prennent en compte la singularité de l’élève tout en assurant lesconditions psychologiques nécessaires aux apprentissages. Nul doute que,quel que soit le diagnostic, l’école a un rôle à jouer et se doit de donner àl’élève les moyens et l’envie de sortir de ses difficultés.

Enfin dans un troisième groupe d’actions, est mise en valeur une écouteouverte sur les différents aspects de la vie de l’élève. Cela nécessite unerelation forte entre les différents partenaires éducatifs, les enseignants, lespersonnels d’éducation, et une intégration des parents au travail menéauprès du jeune. Dans certains cas, des actions de médiation entre élèves,entre adultes et jeunes mais aussi entre parents et école sont organisées,dans d’autres cas, des structures sont mises en place : point écoute oulieu d’accueil temporaire individualisé.

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Contre l’échec,l’individualisation

Face aux difficultés scolaires qu’affrontent certains élèves, il faut tenircompte des caractéristiques et des besoins de chacun. En effet, les obsta-cles auxquels se heurtent les jeunes sont multiples, souvent individuels.Afin d’œuvrer avec efficacité pour les aider à surmonter leurs handicapsscolaires, il convient donc d’adapter à chacun les projets déterminés pourtous. Au collège Bellefontaine de Toulouse, une équipe pédagogique aconjugué le recours à une orthophoniste et le travail individualisé avec unlogiciel spécifique pour améliorer les performances en langue d’une classede sixième. Le collège Pierre-Brossolette de Reims propose en français desactivités qui deviennent de plus en plus individualisées. Elles utilisentl’échéance du Certificat de formation générale et font appel à l’expé-rience personnelle des élèves. Dans la même classe, l’entraînement à larecherche d’emploi passe non seulement par le travail sur annonces maisaussi par la simulation d’entretiens et l’analyse critique de ses propresperformances enregistrées en vidéo. C’est en partie à l’initiative d’insti-tuteurs que des sixièmes de remédiation ont été instaurées au collègeJean-Moulin du Havre pour les élèves en grande difficulté. Une progres-sion annuelle en trois étapes leur a été proposée afin d’établir une liaisonétroite CM2/sixième, de les sécuriser et de leur permettre de suivre unprogramme allégé de sixième; un atelier de motivation a été mis en placeavec l’aide d’un psychologue. C’est encore sur la classe de sixième quese sont portés les efforts de l’équipe du collège Les Écrins à Embrun.Son but cardinal était la restauration de l’estime de soi chez les élèves, sanslaquelle aucune action pédagogique ne peut être vraiment durable. Scandéepar des temps forts au cours desquels les enfants ont pu tout à la foisexpérimenter le respect de tous et de soi, la responsabilité individuelle, lacomplémentarité des compétences, la créativité de chacun, l’année scolairea profité à tous les jeunes. On voit ainsi qu’une stratégie particulière,l’individualisation, permet de lutter contre l’échec et, partant, d’agir surune cause fondamentale de la violence à l’école.

Maîtrise de la langue

Collège Bellefontaine, ToulouseAcadémie de Toulouse

Dans ce collège, une classe connaît des difficultés tant au niveau descomportements que des résultats scolaires. Un accompagnement humainet pédagogique est mis en place pour individualiser les apprentissageset redonner une place à chacun tout en favorisant l’égal accès au savoir.

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Source d’échec ancien, le cours de français est particulièrement mal vécupar la majorité des élèves de la classe. Passivité, contestation ou grande agi-tation témoignent du désintérêt et de l’appréhension face à l’écrit. L’analysedes lacunes et des difficultés rencontrées montre qu’elles sont le plussouvent liées à la concurrence de la langue parlée à la maison. Le but estde donner à l’élève la possibilité d’améliorer la maîtrise de sa langue, dedédramatiser les situations de lecture et d’écriture, de consolider l’appren-tissage des sons et de la lecture en personnalisant le plus possible les exer-cices proposés et de combattre l’agitation ou l’agressivité engendrée parcette situation. De plus, la lecture des fiches individuelles de renseigne-ments révèle des graphies désastreuses, une mauvaise prise en compte desconsignes orales et quelques cas de dysorthographie. Les évaluations en lec-ture silencieuse et les résultats de l’évaluation nationale dont les scoresde réussite s’étalent de 17,6 % à 71 % confirment les difficultés scolairesde certains élèves. De plus, dix d’entre eux sont régulièrement signalés àla vie scolaire. Par conséquent, la constitution de deux groupes de besoinss’est vite imposée. Le premier est composé des dix élèves en grande diffi-culté et le deuxième réunit les douze autres.

Orthophonie et informatiquePour certains, le recours à un orthophoniste est indispensable pour amé-liorer leurs compétences orales et écrites. Sur huit cas avérés de dys-lexie et de dysorthographie, un seul suit régulièrement des séances derééducation, les autres ont été suivis, mais longtemps auparavant. Aussi,dès la fin du mois d’octobre, une démarche est entreprise auprès desfamilles pour qu’elles acceptent de confier leur enfant à un spécialiste.Mais les réticences sont grandes et la situation ne se débloquera qu’enfévrier pour certains, jamais pour deux autres. Sachant qu’une douzained’élèves de sixième du collège présentaient les mêmes difficultés, laquestion de la possibilité et de la pertinence du rattachement d’un ortho-phoniste à l’établissement s’était posée.

Pour l’ensemble de la classe, il s’agit de mettre en place une aide à la lec-ture et à l’écriture en utilisant les logiciels Lirebel. À l’intérieur d’ungroupe restreint de besoins, l’accompagnement pédagogique sera le plusindividualisé possible grâce à la concertation du professeur de françaiset de la documentaliste, pour gérer l’hétérogénéité à l’aide de ces outilsmultimédia, pendant une heure par semaine. Ce groupe est divisé lui-même en deux sous-groupes : le premier s’organise autour du profes-seur de français pour une tâche spécifique privilégiant toujours le visuel(maquette, sac à mots, couleurs…) et l’auditif (théâtralisation des sons etde l’intonation, jeux sur les sons, les rimes, les signes de ponctuation etles groupes de souffle…), pour créer des phrases et des paragraphes. Lesproblèmes rencontrés en salle informatique sont également repris. Ledeuxième groupe suit une progression individuelle d’utilisation du logi-ciel avec la documentaliste.

Le contenu de Lirebel est organisé autour d’activités qui visent à améliorerla perception visuelle, à développer les compétences linguistiques et à éla-borer des stratégies de lecture. Il fournit une évaluation qui prend en comptel’exactitude des réponses, le nombre d’essais et le temps passé à l’exécution.

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Après une présentation de l’action, la documentaliste initie les élèves et leprofesseur au logiciel. Même s’il est convenu que la séance hebdomadaireà venir se déroulera sous la conduite de la documentaliste seule, il est indis-pensable que le professeur de français connaisse bien les possibilités dulogiciel, de manière à fixer ensemble des objectifs d’apprentissage.Débarrassé du stylo, souvent symbole d’échec, l’élève doit s’approprierles touches de fonction spécifiques. Pendant les premières séances, ladocumentaliste est très sollicitée. En effet, très rares sont les enfants quipossèdent un ordinateur chez eux ou qui ont été initiés à l’utilisation del’informatique. Les notions de base acquises, l’élève en lisant ce qui lui estindiqué sur l’écran, dans le bandeau, peut confirmer sa décision, rectifier puisvalider sa réponse ou recevoir une aide d’autocorrection. Il est actif, auto-nome, responsable de son outil de travail et de son programme d’activités,en effet, il reçoit une « fiche de route » englobant plusieurs séquences, ce quilui permet de savoir quels objectifs il doit atteindre, dans quel cadre il doittravailler. Il doit également consigner sa progression et ses résultats. Si la noteobtenue ne le satisfait pas, il peut recommencer l’exercice. Tous les élèvescherchent à améliorer leur score et sont valorisés par l’obtention d’unebonne note. Les premières séances en salle informatique regroupent lesélèves, le professeur et la documentaliste. La maîtrise progressive destouches, associée à une lecture attentive des consignes affichées sur l’écranet au recours au dictionnaire, donne davantage d’autonomie et permet à ladocumentaliste de favoriser les apprentissages. Elle observe, encourage,stimule, tout en exigeant rigueur et persévérance. Une concertation avecle professeur de français permet d’établir la fiche de route de chaque élèvepour la séance hebdomadaire à venir. Le suivi pédagogique est ainsi marquépar une double volonté: moduler le travail en fonction des besoins et établirdes liens étroits entre l’heure d’accompagnement et les heures de français;en effet si l’objectif n’est pas atteint, le problème est repris en classe. L’élèvedoit alors reprendre les séquences jusqu’à la réussite.

Prendre de l’assurance

L’évaluation des savoir-être (attitude, autonomie, esprit de solidarité,envie et désir de s’impliquer, respect du matériel) et des savoir-faire esttrès positive: maîtrise rapide du logiciel. Certains résultats sont excellents:est-ce dû à la réflexion de l’élève et au sens donné à ses réponses ou à larépétitivité des exercices et au retour systématique du corrigé ? En cequi concerne les savoirs, des progrès ont été accomplis en français(comparaison des scores de réussite aux évaluations des élèves de sixièmeredoublants). Le professeur de français constate dès les premièressemaines que le blocage face à la communication est levé : l’élève écrit,met en page, s’applique, prend la parole et participe. Quant à la documen-taliste, elle observe une fréquentation du CDI plus importante chez lesélèves qu’elle accompagne en salle informatique. Ils y viennent surtoutpour les ordinateurs, aussi bien pour exploiter les logiciels de lectureque les cédéroms. Ils sont tout à fait à l’aise dans le CDI « libre serviceinformatique ». Ils sont fiers d’initier les autres et de leur montrer cequ’ils savent faire. Quand les ordinateurs ne sont pas disponibles, lesdocumentalistes les orientent vers d’autres supports et les incitent à des

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lectures adaptées à leur goût et à leur niveau. Nous émettons l’hypo-thèse que le travail entrepris en salle informatique a été étendu, qu’il a per-mis de vaincre des réticences et d’amener les élèves à se rendre au CDI.

Formés et efficaces

Quel est l’apport de chaque accompagnement ou action mis en œuvre?Comment mesurer les effets de chacun d’eux? L’évolution positive est-elle due à la combinaison du travail mené et des conséquences d’uncontexte familial ou psychologique qui a évolué ? En effet, les élèvesde sixième ayant beaucoup changé ces dernières années, les professeursintervenants prennent toute la mesure de leur incompétence au niveau del’apprentissage continué de la lecture chez les enfants. Il est difficile demener à bien une évaluation objective et quantifiée car les membres del’équipe n’ont aucune formation solide dans ce domaine. C’est pour-quoi les enseignants ont exprimé le désir de suivre ensemble un stage(équipe d’établissement) pour réfléchir et organiser la poursuite du dispo-sitif, en associant des partenaires extérieurs : orthophoniste, spécialistesde l’apprentissage continué de la lecture.

L’orthophoniste, contactée par le principal adjoint, a dû, pour des raisonsde déontologie et de concurrence, informer et persuader ses collèguesdu secteur d’intervenir mais l’idée de s’assurer leur concours a été aban-donnée puisque la thérapie de cabinet n’est pas transférable dans un éta-blissement scolaire. Par contre, ces orthophonistes viendront informerles enseignants sur les séquelles des retards de parole, de langage et surles signes qui doivent alerter. Toutefois, le problème de la formationinitiale reste posé, comme celui d’ailleurs de la nécessité d’obtenir l’auto-risation parentale pour l’intervention d’orthophonistes.

Diversifier, personnaliser

Collège Pierre-Brossolette, ReimsAcadémie de Reims

Face à des élèves d’un niveau extrêmement faible en français(problèmesde lecture, d’écriture) et/ou en rupture avec le collège, le professeurs’appuie sur les finalités importantes pour les élèves que sont la réus-site au Certificat de formation général (CFG) et la recherche d’un emploipour mettre en œuvre des situations et des modalités d’apprentissagediversifiées utilisant largement le jeu, la communication et l’image.

Le CFG est un examen comportant une épreuve de français. Un courttexte est proposé, en général extrait d’un article de presse portant sur diverssujets : société, travail, nature… ainsi qu’un questionnaire. Il comprenddes questions de compréhension, de grammaire, d’orthographe, de voca-bulaire et se termine par une petite rédaction d’une dizaine de lignes, enrapport avec le texte étudié. Cet examen donne lieu à une préparation

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collective, à une épreuve blanche et à des séquences de lecture, d’écritureet d’expression orale.

Dans un premier temps, les élèves doivent réaliser collectivement et avecl’aide du professeur, un CFG tiré de sujets d’annales. Cet exercice faitappel à des activités diverses de lecture orale, de réflexion, de compré-hension, de grammaire, d’orthographe et d’écriture. Ils doivent participerau maximum et proposer des réponses qui sont notées au fur et à mesureau tableau. Pour l’exercice de rédaction, on se contente de relever lesmeilleures idées, de les noter et de chercher un plan pour les classer. La fré-quence de ce type d’activité est d’une heure toutes les trois séquences.

Dans un deuxième temps, on familiarise les élèves avec les conditions del’examen. Ils y sont entraînés et réalisent un CFG en complète autono-mie dans les conditions les plus proches possibles de l’examen. Pour lespremières séances, il est presque indispensable que l’enseignant apporteà chaque élève une aide individualisée. La fréquence de ce type d’acti-vité est d’une séance par trimestre, voire deux en avril pour préparer lescandidats aux épreuves qui se déroulent en mai.

Lire, écrire et parler

Les textes choisis doivent être simples, variés et intéresser les élèves. Ilfaut privilégier les œuvres intégrales courtes comme des nouvelles deGuy de Maupassant (En mer, Le Petit Fût…), de petits récits de sciencefiction ou fantastiques. Chacun lit une dizaine de lignes et des explicationssont données au fur et à mesure (vocabulaire, problèmes de compré-hension, etc.) et de temps à autre, on peut également proposer des extraitsde pièces de théâtre. Dans ce cas, après la lecture et les explicationscomplémentaires, des élèves viennent au tableau, devant les autres, lireou jouer la pièce. Nous privilégions les scènes comiques, aux répliquescourtes, mettant en scène deux personnages. Si une pièce semble susci-ter l’intérêt des élèves, nous envisageons un prolongement au coursd’une séance vidéo.

Les élèves ont très peu de contacts avec la lecture : depuis leur entréeau collège, ils se sont contentés, dans le meilleur des cas, de lire leslivres étudiés en cours. La notion de lecture-plaisir leur est la plupart dutemps tout à fait étrangère. Nous les accompagnons au Centre dedocumentation et d’information (CDI) une heure tous les quinze jours.Chacun doit ensuite choisir un livre qui lui plaît sur les conseils du pro-fesseur. Nous disposons d’une petite salle de réunions toute proche de labibliothèque où les élèves se rendent ensuite pour une séance de lecturesilencieuse. L’enseignant est disponible à tout moment pour aider. L’élèveest tout à fait libre de changer de livre. Cela arrive surtout pendant lepremier quart d’heure et cela concerne à peu près un jeune sur quatre. À lafin de la séance, on retourne au CDI. Plusieurs possibilités s’offrentalors: emprunter le livre le terminer chez soi, décider de poursuivre la lec-ture du même livre à la séance suivante ou bien le remettre à sa place. Ilpeut aussi décider d’en changer. Ces démarches sont toujours totale-ment volontaires, sans contrainte.

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On demande aux élèves une heure tous les quinze jours, de raconter uneexpérience personnelle, familiale ou professionnelle. L’enseignant doitinsister sur l’importance du récit : construction d’une histoire, d’une ving-taine de lignes, avec un début, des péripéties, une fin, utilisation de phrasessimples mais correctes. Pendant le temps d’écriture, on apporte une aidepersonnalisée en vocabulaire, grammaire, orthographe, on échange desidées sur la présentation du travail, on donne des conseils pour améliorerl’histoire… Au cours d’une séance d’initiation à l’outil informatique, lesélèves utilisent le traitement de texte pour recopier leurs productions et cor-riger les fautes d’orthographe soulignées par l’ordinateur. Nous envisa-geons d’autres activités informatiques en liaison avec le professeur devie sociale et professionnelle pour la rédaction de lettres diverses.

Pour préparer les élèves à l’oral du CFG (une vingtaine de minutes), ontente de leur apprendre à se tenir correctement, à s’exprimer de manièresimple et audible et à se comporter convenablement par des simulationsd’épreuves. Un élève s’installe à une table face au professeur et aux autresélèves qui jouent le rôle de jury. Pendant une dizaine de minutes, de nom-breuses questions sont posées au candidat, puis le professeur et les autresélèves lui énoncent ses points forts et ses points faibles : élocution, tenuesur la chaise, manière de se présenter. Après des débuts difficiles, les can-didats prennent de l’assurance et s’efforcent d’une manière remarquablede corriger leurs défauts, en tenant compte des remarques du professeuret de leurs camarades.

Étant donné leurs difficultés de lecture et leur milieu socioculturel défa-vorisé, ils n’ont guère d’autres accès à la culture que l’image et souvent,ils ne regardent que les films (ou téléfilms) violents ou les dessins animés.Cependant, le cinéma est un bon moyen d’acquérir du vocabulaire et detravailler l’expression orale. C’est pourquoi nous leur proposons, si pos-sible, tous les quinze jours, des films sélectionnés pour leur intérêt péda-gogique et culturel. La séance se déroule en trois temps : présentationet projection du film suivie d’une discussion ou d’un débat, qui permetà chacun de donner son avis et de travailler son argumentation.

Mise en condition

L’autre aspect important de cette classe est l’insertion professionnelle ;là aussi des apprentissages diversifiés préparent les élèves à réussir. Ils’agit de faire un parcours initiatique allant de la recherche d’annoncesjusqu’à l’entretien d’embauche afin de les familiariser avec les techniquesde recherche d’emploi.

Les premières séances sont destinées à les initier à la recherche d’infor-mations en recensant les moyens à leur disposition, puis en les amenantà utiliser l’annuaire et les Pages jaunes. Les séances suivantes sontconsacrées à la rédaction de la lettre de motivation (technique de rédac-tion et de présentation) et à l’étude de son contenu. Cette partie est laplus difficile car elle soulève le problème de leur propre motivation. Il fautdonc s’attacher particulièrement aux arguments qui expliquent le choixd’une filière plutôt qu’une autre.

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Ensuite nous passons aux premières séances de simulation de prise decontact téléphonique. Nous leur demandons de préparer l’entretien à lamaison, c’est-à-dire d’imaginer une conversation. Ensuite, nous orga-nisons l’entretien, de façon à ce que les interlocuteurs ne se voient pas.Enfin, nous dressons, sous forme de tableau, une liste de ce qu’il fautfaire et ne pas faire.

Les séances suivantes sont consacrées au curriculum vitae. Ébauché à la mai-son, il est corrigé en cours et enfin il est tapé sur ordinateur par les élèves quien gardent ainsi quelques exemplaires. Cette activité permet de valoriser leursacquis. Il est important de bien leur montrer qu’il ne suffit pas de citerl’emploi effectué mais aussi de noter les différentes tâches accomplies.

La dernière partie de ces séances est consacrée à l’entretien d’embauche. Demême que pour l’entretien téléphonique, un travail préalable à la maison estexigé. Mais ici, intervient la vidéo, seul outil permettant d’étudier leursattitudes avec les autres élèves. Or, ils souffrent souvent d’une mauvaiseimage d’eux-mêmes. Seuls ceux qui le souhaitent y participent. La pre-mière séance consiste à faire le clown devant la caméra, le professeur enpremier! On visualise et on commente ensemble. Ensuite sont travaillées lesentrées et la présentation de chacun. Enfin viennent les entretiens proprementdits (pas plus d’un quart d’heure en général). Pendant toutes ces séances,seuls ceux qui ont été filmés critiquent. Ceux qui ne veulent pas passerdevant la caméra peuvent assister, mais sans rien dire, car il y aurait une rup-ture d’équilibre entre ceux qui acceptent de voir leur image et les autres.

À chacune des séances les élèves sont placés dans des conditions lesplus proches possibles de la réalité et c’est ainsi que par exemple, pourun contrôle sur la lettre de motivation, chacun a eu à répondre à unepetite annonce différente.

Sixièmes de remédiation

Collège Jean-Moulin, Le HavreAcadémie de Rouen

Le but du projet est de regrouper dans deux classes de remédiation,les élèves de sixième en grande difficulté scolaire qui, en raison deleurs problèmes de comportement et de socialisation, ne peuvent êtreintégrés aux sixièmes dites « de soutien » déjà existantes. En leurapportant un enseignement adapté et progressif, les enseignants espè-rent donner à ces élèves de meilleures chances de réussite dans unmilieu scolaire où ils ne trouvent pas toujours leur place.

Les instituteurs ont été pour une part à l’origine du projet puisqu’ilsréclamaient implicitement des structures plus adaptées aux enfants. Surconsultation des fiches de liaison primaire/secondaire, après conseil desinstituteurs et des professeurs enseignant en sixièmes dites de soutien, unequarantaine d’élèves ont été choisis en fonction de leurs faibles résultatsen CM2, de leurs difficultés de lecture et de leur comportement, puis

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regroupés dans deux classes à effectifs réduits. Il était prévu, afin d’éviterdes erreurs d’orientation, de faciliter les passerelles avec les autres classes.Deux équipes de professeurs volontaires, dont certains avaient travailléauparavant avec ce type de public avant l’élaboration du projet, se sontconstituées. Chaque classe a été divisée en deux groupes qui se retrou-vaient à certaines heures afin de ne pas briser la dynamique d’ensemble. Lesétudes dirigées, prévues une fois par semaine pendant les sept premiersmois, ont également permis au professeur familiarisé avec les techniquesd’apprentissage de la lecture de guider les mêmes élèves « non lecteurs ».Une salle particulière a été attribuée à la classe qui y a suivi une partie deses cours. Les élèves ont ainsi pris leurs habitudes dans ce lieu sécurisant,où ils ont pu retrouver un des aspects du primaire, tout en se familiarisantavec les locaux du collège. Des heures de Vie scolaire ont été prévues dèsla rentrée dans les emplois du temps, permettant au professeur principal derégler les problèmes administratifs, disciplinaires ou autres.

Stratégies individuelles

Il s’agissait de progresser à un rythme adapté à chaque élève, c’est-à-dire de jalonner son parcours d’objectifs ponctuels plus repérables etplus faciles à atteindre pour lui. L’année a donc été divisée en troisphases. La première, celle de l’adaptation, a duré un mois. Les livres etles cahiers sont restés au collège car l’essentiel du travail se faisait enclasse et principalement à l’oral. Les objectifs étaient d’établir la transi-tion CM2/sixième, de sécuriser, de discipliner, de (ré)apprendre à lireet de (ré)apprendre à apprendre. La deuxième étape, la responsabilisation,s’est déroulée sur trois mois et s’est caractérisée par un passage pro-gressif à un programme allégé de sixième, une utilisation plus marquéede l’écrit, un travail personnel (avec aide aux devoirs en étude dirigée).Ses objectifs étaient : acquérir de l’autonomie, se familiariser avec l’écrit,construire un projet. La production était la caractéristique de la troisièmeétape qui a duré six mois avec des rythmes de travail plus poussés, desexigences communes et le passage à la rédaction, à ce stade, le but étaitde concevoir, de réaliser le projet et d’en rendre compte.

Cette progression a été adaptée, autant que faire se pouvait, à toutes lesmatières; les professeurs ont dû procéder à un travail de fond avant la ren-trée afin de parvenir à une véritable homogénéité interdisciplinaire. Noussouhaitions en effet présenter aux élèves la cohérence et la logique qu’ilsne trouvent pas toujours lorsque le travail d’équipe est insuffisammentconstruit. Pour favoriser l’apprentissage de la vie de groupe, nous avonsadopté une attitude et des exigences communes en matière de disciplineet d’organisation. Enfin, sur ce programme un peu aride, nous avonsgreffé un certain nombre de sous-projets.

Pour réussir

Les parents ont été accueillis au collège à différentes occasions: réunion deprérentrée, remise par l’équipe des bulletins du premier trimestre auxfamilles des élèves qui posent problème, organisation d’un voyage enAngleterre, rencontres parents/professeurs aux premier et deuxième

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trimestres… Ces rencontres ont bien souvent apporté amélioration et sta-bilisation dans les relations élèves/professeurs; peut-être même devraient-elles être systématisées l’an prochain. La majorité de l’équipe a suivi sur« site » un stage sur les dysfonctionnements de l’évolution des processusde la pensée chez les enfants en difficulté. À l’issue de cette formationnous avons sollicité la collaboration d’une psychologue. Un atelier demotivation a été mis sur pied de janvier à juin. Il concernait cinq élèvesvolontaires par classe, une heure par semaine. Les thèmes traités, tels queles stratégies de travail, la relation élève/enseignant, la connaissance desoi, etc., ont permis d’entamer un travail essentiel que nous ne nous sen-tions pas en mesure de réaliser seuls. Quelques élèves, choisis parmi ceuxqui semblaient avoir le plus de problèmes relationnels, ont bénéficié d’en-tretiens individuels. L’ensemble a été ponctué par une rencontre trèsconstructive avec les parents. La psychologue a été intégrée dès ses pre-mières interventions aux réunions de concertation. Par ailleurs, nous avonsbénéficié de l’aide ponctuelle de la conseillère d’orientation, puis de mili-taires du contingent et d’emplois-jeunes pour assurer l’accompagnementdes élèves lors des sorties ou pour faciliter la communication avec cer-taines familles. Dans ce contexte, les réunions de concertation ont été capi-tales; elles nous ont permis à plusieurs reprises de recadrer le projet, de lepréciser et de l’affiner. Chacune de ces réunions a été suivie d’un compterendu. De plus, nous avions prévu en début d’année pour chaque classe uncahier de bord destiné à recevoir toutes les observations des membres del’équipe, et de faciliter la communication en son sein. Ce système a moyen-nement fonctionné car nous avons manqué de temps.

Pour consolider

Les élèves se sont sentis aidés sur tous les plans, positivement encadréset en quelque sorte favorisés. Les classiques problèmes de discipline ontété notablement atténués. Concernant la remise à niveau, chaque profes-seur a pu évaluer la progression effectuée dans son domaine particulier.Nous envisageons d’ailleurs de faire repasser en fin de sixième les testsd’entrée ; sans être exagérément optimistes, nous pouvons certifier detoutes façons que d’énormes progrès seront constatés en lecture cheztous les élèves. Malgré cela, des lacunes demeurent et nous avons lesentiment que le travail fourni n’a pas suffi. Les résultats obtenus sont sou-vent plus fragiles que nous l’aurions souhaité, et le temps, encore lui,nous a manqué pour boucler un programme déjà allégé. Sans douten’étions-nous pas encore tout à fait au point dans l’élaboration de notreprogression commune et de nos techniques d’apprentissage. Les aspectsinnovants du projet résident principalement dans un travail d’équipeapprofondi et un réajustement réaliste et motivant des programmes dansla transdisciplinarité. Nous sommes conscients de l’énormité du travailqui reste à accomplir afin de mener l’action à son terme.

Deux questions restent posées. La première nous a d’abord semblé prati-quement insoluble : comment poursuivre la stratégie du dédoublement,qui se révèle vitale aux dires de tous les participants, élèves y compris,sans condamner ces enfants à être angoissés devant la complexité desemplois du temps: semaine 1/semaine 2; groupe A/groupe B? La réponse

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réside peut-être dans les nouvelles hypothèses de travail lancées en find’année: il serait judicieux de réfléchir à l’efficacité d’un tutorat dans cesclasses particulières: un accompagnement systématique pourrait être prévudès la rentrée, pour une période qui reste à définir. Ainsi, quatre ou cinqélèves pourraient être placés sous la responsabilité d’un ou de deux adultesqui les aiguilleraient dans leur parcours, et leur faciliteraient les problèmesadministratifs, aplaniraient la complexité de leurs emplois du temps, etrépondraient aux questions innombrables qu’ils se posent sans que leprofesseur principal ait le temps d’intervenir. Dans ces domaines, lesjeunes éprouvent, comme dans leur progression scolaire, le besoin impé-ratif d’être, ou plus exactement de se sentir, sécurisés. La seconde question,qui se pose, est plus cruciale encore: qu’en sera-t-il des élèves que nousavons suivis cette année et qui requièrent encore une attention particulière,non qu’ils n’aient pas tiré de bénéfices de leur expérience, mais plutôtparce qu’ils ont évolué à un rythme plus lent que d’autres? Nous projetonsde constituer une seconde équipe pédagogique, distincte de celle qui tra-vaillera à nouveau avec les sixièmes (pour des raisons de disponibilité etd’efficacité), mais assez au fait du projet de remédiation pour continueret parachever le travail avec les cinquièmes. En effet, sans un travailconstruit, rigoureux et homogène, certains enfants issus de sixième deremédiation qui ne pourront pas encore, selon nous, rejoindre la filièreclassique à la rentrée prochaine n’ont que très peu de chances de réussir.

Avoir confiance en soi

Collège Les Écrins, EmbrunAcadémie d’Aix-Marseille

Dès l’entrée en sixième, certains sont déjà en difficulté. De multiplesfacteurs entretiennent leur fragilité et pérennisent l’échec : imagedégradée de soi, refus du système scolaire, paralysie des capacités per-sonnelles. L’équipe pédagogique a pris le parti d’infléchir sa démarcheauprès des élèves en stimulant leur intérêt et en les aidant à restaurerleur propre image.

Le regard négatif porté par certains élèves sur eux-mêmes et sur l’écoleles maintient en échec scolaire. Face à cette situation, relativement dému-nis (ce qui détermine un sentiment grave d’impuissance), les enseignantsont pris le parti d’aborder l’enfant dans sa dimension personnelle et fami-liale et en tant qu’élève. La démarche se fonde sur « la relation à soi » autravers des rapports interpersonnels enfants/adultes, sur la place et lerespect de chacun dans la classe et la relation au travail, sur les notionsde complémentarité, de solidarité, de dynamique de groupe et sur la vieau collège. La stratégie éducative et pédagogique s’applique en mêmetemps aux objectifs incontournables des programmes de sixième afind’assurer au mieux l’intégration de ces élèves dans le cycle central. Toutcela constitue un difficile défi pour le pédagogue face à des élèves qui ontdéveloppé des stratégies d’évitement et restent inertes devant l’effort.

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En s’appuyant sur cette constatation l’équipe a pu définir les cinq axesd’intervention principaux : fonder et développer les relationsenfants/adultes pour un projet commun et exercer les enfants à une écouteactive et respectueuse de soi et des autres ; développer et dynamiser lesliens et l’action entre les différents partenaires responsables de l’éduca-tion de l’enfant, ouvrir sur l’extérieur, lier l’école et l’environnementpar le partenariat ; pratiquer l’interdisciplinarité afin que les élèves décou-vrent le lien entre les apprentissages et qu’ils puissent vivre l’écolecomme un lieu d’expériences en connexion avec leur vie personnelle; har-moniser les stratégies de travail entre les disciplines et enfin dévelop-per la pratique de méthodes de relaxation et de concentration visant lagestion du stress, les techniques de mémorisation, de représentation,d’évocation (sophrologie, gestion mentale), la gestion des conflits et lacommunication (médiation, activités de groupe).

Les élèves sont regroupés dans le cadre d’une classe à effectif réduit. Ilsbénéficient d’études dirigées, de modules et d’un aménagement du tempsscolaire qui permet un dédoublement de classe dans les matières princi-pales et des activités en demi-groupe (pour l’exploitation du fondsdocumentaire du Centre de documentation et d’information (CDI) ou larelaxation dynamique). Afin d’évaluer la progression annuelle et de réajus-ter les objectifs, toute l’équipe pédagogique suit également une autresixième. Une journée de consultation CM2/sixième de consolidation et uneconcertation mensuelle de l’équipe éducative sont organisées.

Exemples de temps forts

Il fallait rendre possible la mise en œuvre de notre démarche avec sesnécessaires réajustements et la réalisation des objectifs du programme.Pour ce faire, l’équipe a choisi d’initier et de poursuivre ces objectifssur l’année mais aussi de la ponctuer de temps forts (l’interdisciplinaritéet l’ouverture sur l’extérieur). Au cours de périodes de trois à quatresemaines l’action est engagée autour d’un thème choisi renforçant lesens de la démarche de fond.

Deux jours à la montagne

Lors de ce séjour, les activités proposées étaient diverses : partage d’unlieu de vie, marche en moyenne montagne, escalade, secourisme… Ellesont permis une meilleure intégration de chacun, une perception des dif-férences individuelles dans le respect de tous et de soi, une meilleureparticipation. Activités et exploitation pédagogique ont mis en avantl’expérience d’un vécu enrichi par des connaissances. Elles ont été pro-longées par une exposition de photos et une animation musicale au CDI.

Construire une maison, construire sa vie

Il a été proposé aux jeunes d’édifier une petite maison avec de vrais maté-riaux et une panoplie d’outils. Ce chantier interdisciplinaire faisait intervenirquinze corps de métiers du bâtiment. Les élèves ont pu prendre consciencede la nécessité d’acquérir méthode, savoir-faire, ainsi qu’une bonne capa-cité de représentation pour passer de la conception d’un projet à sa réali-sation. Le « chantier » a été 1’occasion renouvelée d’expérimenter la

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responsabilité individuelle au cours d’une réalisation mettant en jeu lacomplémentarité des compétences et des individus.

L’arbreEn partenariat avec un sculpteur, un atelier de modelage a été organisé.Chaque élève devait réaliser son arbre sous forme de totem personnel. Lamotivation et l’engagement des élèves ont permis de belles réalisations. Lethème et la façon de le traiter les ont amenés à un investissement individuelimportant mettant en valeur qualités et capacités personnelles, suscitantl’émergence des richesses personnelles (sensorialité, imaginaire).

Une action bénéfique pour tousNous avons constaté une très nette amélioration des comportements et unemeilleure intégration dans la classe et le collège. La remise à niveau estsatisfaisante pour la plupart: ils ont acquis des méthodes de travail. Le pas-sage en cinquième est envisageable pour la majorité, il est à noter que lesredoublants sont ceux qui posent d’importants problèmes de suivi endehors de l’établissement. Les évaluations, réalisées en cours, suiventau mieux celles de la classe témoin. Cela permet le réajustement et leréalignement sur le niveau sixième. Les enseignants notent dès ledeuxième trimestre la diminution régulière des écarts de résultats et decompétences. L’évaluation quantitative et qualitative de l’action est trèsencourageante et plaide en faveur de la reconduction du dispositif.De plus, cette action permet aux enseignants d’avoir une perception plusconcrète et plus affinée de la typologie des difficultés de ce public d’en-fants, ce qui permettra à l’équipe de se concentrer plus clairement surles problématiques communes à ces élèves, d’harmoniser les pratiques aumieux, de redéfinir une progression des objectifs plus ajustée (interdis-ciplinaire et annuelle) et de réinvestir certaines pratiques ayant prouvé leurefficacité dans le dispositif d’aide.

Rester mobilisés malgré les difficultésL’appui pédagogique et matériel de l’administration, l’octroi d’heuresde consolidation et l’aménagement d’une salle, les convergences despoints de vue, la mise en œuvre des méthodes innovantes de 1’équipepédagogique apportées par les formations personnelles des enseignantsen pédagogie, en gestion du stress et des conflits, tout cela a contribué àfaciliter la mise en place de l’action. Cependant les obstacles rencon-trés ne sont pas négligeables. Les acteurs déplorent le manque de tempsde concertation pour assurer un aménagement et un suivi plus efficace desactions interdisciplinaires ainsi qu’un suivi plus satisfaisant des élèves ensituation de crise. Ils rencontrent aussi des difficultés dans certains caspour bien cerner le profil des élèves par manque d’informations et/oude relation avec la famille, voire avec les enseignants du primaire etpour pouvoir assurer le suivi de certains enfants, parfois en danger, endehors de l’école.

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Aides personnalisées :tutorat et suivi

Une des formes possibles de l’accompagnement dans les apprentissagesest le tutorat. Cette pratique, peu usitée dans notre système éducatif jus-qu’à ces dernières années, se développe de plus en plus et fait ses preuves.Ses modalités peuvent être diverses mais le tutorat apporte toujours uneaide très personnalisée souvent efficace, tant sur le plan scolaire qu’auniveau individuel. C’est ce dont témoignent les élèves du lycée profes-sionnel Charles-Deulin de Condé-sur-Escaut dans leurs réponses auquestionnaire qui leur a été soumis sur la pratique du tutorat dans l’éta-blissement. Au collège de La Villeneuve à Grenoble, l’équipe reconnaîtque la pratique du tutorat a constitué une « soupape » dans un établis-sement où conflits et incivilités ne manquaient pas. Cette pratique a per-mis, entre autres, de restaurer un espace de parole qui n’existait plus.Pris en charge lors d’entretiens, les élèves de la Section d’enseignementgénéral et professionnel adapté (SEGPA) du collège Edgar-Quinet deMarseille bénéficient d’une aide pédagogique individuelle au cours delaquelle est aussi abordé le projet de vie de l’élève. Le suivi individualiséau collège Victor-Schoelcher de Lyon et au collège Ampère d’Oyonnaxsous des formes différentes a pour objectif explicite, pour le premier,d’enrayer la marginalisation de certains élèves et, pour le second, decombler les lacunes méthodologiques des élèves de quatrième.

Accompagnement individualisé

Lycée professionnel Charles-Deulin, Condé-sur-EscautAcadémie de Lille

Après avoir accueilli les nouveaux élèves au cours d’une journée d’acti-vités sportives au centre de loisirs et mis en place un esprit de classe, il estindispensable de mieux les connaître pour définir avec chacun d’entre euxson projet et ses objectifs. Le tutorat, outil à la fois relationnel et péda-gogique, favorise une intégration réelle de l’élève dans l’établissement.

« Dans l’apprentissage, il est impossible de séparer le cognitif et l’affec-tif : apprendre suppose un travail sur l’image de soi et toute acquisitionde connaissance engage nécessairement un réaménagement affectif. »« Dans l’apprentissage, il est impossible de séparer l’individuel et lesocial : personne ne peut apprendre absolument seul et la manièred’apprendre révèle toujours une conception de la socialité, des rapportsau savoir et au pouvoir. » (Ph. Meirieu.)

Pour mettre en œuvre les stratégies et atteindre nos objectifs, il est impé-ratif d’aborder l’élève au travers de ses besoins spécifiques ; en effet ils’agit de réussir son intégration éducative et pédagogique dans la classe,

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de créer les conditions de réussite lors de la première année de lycée pro-fessionnel, d’offrir une aide méthodologique et personnelle grâce à unsuivi individualisé, d’éviter et de combattre l’absentéisme. L’élève estconsidéré dans sa globalité. Il bénéficie avec le tutorat d’une écoute, d’en-tretiens individuels ; il est impliqué dans les décisions qui le concernent.

Dès la rentrée, le professeur principal attribue aux professeurs-tuteurs lesélèves qu’ils suivront toute l’année. Les conseillers principaux d’éducation,l’infirmière et la documentaliste désirant s’impliquer dans l’action prennentégalement en charge des jeunes. Il faut rechercher à préserver l’intimité, lesentretiens d’au moins une demi-heure ont donc lieu en groupes pour laméthodologie mais individuellement pour les problèmes personnels.

Étapes du tutoratLa première phase, l’entretien individuel, se déroule en dehors des heuresde cours dès le début octobre, la deuxième phase, l’évaluation formative,se fait grâce à une fiche individuelle de suivi, une fois par trimestre avantle conseil de classe et guide par la suite l’élève dans sa remédiation. Ilfaut toutefois remarquer que certains ont besoin de plus d’un entretien partrimestre avec leur tuteur. La troisième phase est réalisée par le profes-seur principal qui constitue la fiche récapitulative de la classe à l’aide desfiches individuelles. Enfin, dans la quatrième phase, le contrat individuelpassé entre le tuteur et l’élève est communiqué aux parents lors d’uneréunion qui réunit parents, tuteurs et élèves après le conseil de classe.

Au cours du premier contact, le tuteur doit faire prendre conscience àl’élève de l’importance du tutorat, instaurer un climat de confiance et lefaire réfléchir à sa façon de se sentir dans la classe, à l’ambiance danslaquelle il travaille chez lui, lui faire comprendre qu’il doit acquérir desméthodes de travail et d’organisation et le faire réfléchir sur ses résultats.Pour remplir sa mission, le tuteur peut avoir recours aux professeur prin-cipal, collègues, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orien-tations, assistantes sociales, psychologues, infirmière et parents. Il peutfaire appel à d’autres ressources : dispositifs de soutien individualisés,fonds documentaire du Centre de documentation et d’information etlocal réservé aux entretiens de tutorat.

Opinions d’élèvesSur les dix classes, 196 élèves sur 207 ont répondu au questionnaire debilan. Les trois quarts d’entre eux n’avaient jamais eu de tuteur avant, unegrande majorité se disent satisfaits de l’aide apportée par l’équipe pédago-gique et par le professeur chargé de les suivre. Un quart seulement a noté quele travail était devenu plus sérieux et plus motivant et un autre quart qu’il arepris confiance et amélioré son comportement. Ils sont une majorité à pen-ser que leurs résultats scolaires ont progressé, à considérer que le tutoratfacilite leur intégration au lycée. Il reste cependant un tiers des jeunes quiont encore des difficultés et un petit nombre d’entre eux voudraient desentretiens plus fréquents. Rares sont ceux qui souhaitent choisir leur tuteur.

« Au début je n’aimais pas trop que l’on me reprenne, que l’on me dise ceque je devais faire et par-dessus tout que, si je continuais sur cette voie, çairait mal pour moi, plutôt pour mon avenir. Il faut savoir que j’étais une

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élève assez perturbée, c’est-à-dire que je parlais en cours, je répondais auxprofesseurs, de plus j’avais beaucoup de mal à comprendre les cours.Une fois que je ne comprenais pas je laissais tomber. Être aidée, soutenue,m’a permis de réagir sur mon avenir, je comprenais pour une fois qu’il étaittrès important de suivre de près les cours. J’ai changé de comportement,et avoir de bonnes notes m’a motivée. Si je n’avais pas eu de tuteurs jecrois que je ne serais pas là actuellement et je les en remercie. »(Remarques d’une élève de Brevet de technicien supérieur.)

« Le fait d’assister aux séances de tutorat m’a beaucoup aidé, cela m’apermis de parler des différents problèmes que j’avais en dehors de l’écoleet qui nuisaient à ma scolarité. Mon tuteur m’a aidé à résoudre un grosproblème. En effet l’année dernière, cela faisait deux années que je nepouvais plus communiquer avec ma sœur alors qu’on habite la mêmemaison. Cela m’était devenu pénible, l’action tutorat a beaucoup favo-risé notre réconciliation. Je dois cependant regretter que souvent lesséances s’effectuent entre 12 et 14 h et que cela laisse peu de tempspour manger. » (Un élève de première CT1.)

Avis de professeursPresque tous les professeurs ont répondu: cela permettra ainsi d’apporter desaméliorations à la prochaine action de tutorat. Notons que sept d’entre eux,plusieurs fois sollicités, ne semblent pas concernés. La majorité des pro-fesseurs reconnaît avoir travaillé sans problème en coordination régulière.La moitié pense que le suivi individualisé ne devrait pas être modifié maisdésire une amélioration et une simplification des documents (dossier desélèves). Voici leurs propositions par priorité : organiser un entretien sur lesbesoins humains des élèves, établir une fiche d’entretien-accueil, revoirl’organisation du suivi individualisé sur un temps plus long, permettre auxélèves une auto-évaluation et les motiver ainsi dans leur travail. Ils esti-ment aussi que des modifications techniques: planifier des réunions régu-lières, établir une fiche de suivi individuel plus simple, donner aux nouveauxintervenants plus d’informations au début de l’action, sont à apporter.

Un autre temps scolaire

Collège La Villeneuve, GrenobleAcadémie de Grenoble

Pour faire face à un public scolaire multiculturel aux fréquents pro-blèmes de socialisation, un groupe restreint de collégiens est confié àun adulte référent. Chaque semaine, pendant une heure, un travaild’ordre éducatif et cognitif va conduire à une transformation importantedu climat de la classe et du climat de l’établissement.

Depuis l’origine, le tutorat a lieu en dehors des heures de cours. C’estavant tout un lieu de parole. Il peut se dérouler ailleurs que dans une sallede classe. L’important est que les élèves ne se retrouvent pas dans uneambiance ou une situation de classe. Il est donc judicieux, si l’on restedans une salle de cours, de trouver, pour cet autre temps scolaire, une

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autre disposition (tables en carré ou en cercle) qui favorise les échangesentre tuteurs et élèves. Il convient alors de nommer, en début d’heure,un meneur de jeu et de solliciter celui qui donnera la parole aux partici-pants. Nombre d’apprentissages vont déjà pouvoir se réaliser grâce à lamise en place de ce dispositif et à sa répétition hebdomadaire : écouterl’autre, respecter sa parole et ne pas s’insulter si les avis sont différents.Il est important, également, d’établir avec les élèves, en début d’année, lesrègles de vie du groupe ; il revient au tuteur de veiller, en tant qu’adulte,au respect de celles-ci (quand ses « pupilles » ne s’en chargent pas eux-mêmes!). Il devient alors l’adulte avec qui on peut échanger des idées, quiva les mettre en situation de trouver par eux-mêmes des solutions à leursproblèmes. On entre alors dans une toute autre relation, celle qui, dansl’analyse transactionnelle, met en jeu le « moi adulte » de chacun despartenaires. L’élève s’engage soit sur le plan de son comportement, soitsur celui de son travail, mais il le fait en toute responsabilité. Si les enga-gements ne sont pas tenus, la mise en responsabilité permet à l’adolescentd’accepter la sanction qui sera appliquée. C’est bien une relation privilé-giée qui se tisse entre tuteur et pupilles. C’est elle qui peut faire disparaîtrel’idée ou l’envie de vengeance à l’égard de celui qui a puni. Je crois,d’ailleurs, que le tutorat permet d’éviter un certain nombre de sanctionsqui ne feraient qu’engendrer la « haine » du professeur, chez certainsélèves. Ce type de fonctionnement est un atout pour le tuteur, souventconduit à gérer des situations conflictuelles entre élèves et professeurs.

Suivi scolaire et apprentissages sociaux

Dans un quartier difficile comme le nôtre, bon nombre d’enfants et d’ado-lescents sont confrontés à des situations familiales et/ou financières etsociales délicates. Les répercussions sur leur travail scolaire sont impor-tantes. Comment, dans ces conditions, vivre facilement sa vie d’écolier,accepter des valeurs et des règles qui ne débouchent pas toujours sur lesrésultats escomptés? Le tutorat facilite le suivi scolaire. Les points fortsdu trimestre sont : la rencontre des tuteurs avec l’équipe pédagogique dela classe en milieu de trimestre, le conseil de classe, la remise de bilans auxparents en fin de trimestre. Assurer le suivi consiste donc à préparer avecles élèves les deux premières rencontres en leur permettant de s’auto-évaluer (comportement et travail), à les amener à prendre conscience deleurs points forts, de leurs difficultés et à les aider à proposer et à s’engagerdans des solutions de remédiation. Il est intéressant de constater la curio-sité que suscitent chez les professeurs les remarques des élèves à proposde leurs disciplines. Les écarts entre les appréciations formulées par les unset les autres sont ensuite discutés en tutorat car il est important d’en tirerdes conclusions. L’objectif de tout ce travail est d’impliquer au maxi-mum les élèves dans leur comportement et leur travail et de les en rendreresponsables. La remise de bilans aux parents en fin de trimestre et notreinsistance à les inviter à venir les chercher doit instaurer également unerelation privilégiée et la responsabilisation réelle des parents dans la viescolaire de leur enfant. Mais le suivi scolaire serait bien incomplet s’ilse contentait de donner à l’élève la possibilité d’auto-évaluer et d’analyserson travail et ses résultats. Le rôle du tuteur est aussi de rappeler tout au

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long des semaines, si cela est nécessaire, les engagements pris par chacunde ses « pupilles » pour arriver à une amélioration. C’est aussi sa tâche devérifier qu’ils réussissent ou de faire en sorte, avec l’accord des parents etdes autres professeurs, que l’aide indispensable leur soit apportée (envoidans un atelier de soutien, aide méthodologique travaillée collectivementpar le groupe tutorat, mise en place d’un binôme de travail, à la maison ouen étude, basé sur le volontariat). Le tuteur peut aussi faire un simplerappel des engagements, associé à une courte évaluation personnelle aubout de deux ou trois semaines.Faire que vivent ensemble, et au mieux, des enseignants et des élèves, desadultes et des adolescents, des nationalités différentes (il y en eut jusqu’àvingt-trois), des cultures diverses, fut toujours l’objectif du tutorat au coursdes années. Pour cela il faut apprendre à se connaître, à s’écouter, à res-pecter l’autre. Alors que la classe, l’établissement et ses abords (nous fonc-tionnons dans un collège ouvert) sont des lieux de conflits, d’incivilités detoutes sortes, d’affrontements verbaux et parfois physiques, le tutorat est unestructure « soupape » où l’élève peut exprimer sa colère, sa hargne ou sesrécriminations. Gérer l’expression orale est, alors, le plus difficile. Ce tempsde parole est nécessaire car il est important que chacun soit entendu. S’ils’agit d’un conflit avec un enseignant ou autre adulte de l’établissement,le tuteur s’informera aussi auprès de lui. Alors seulement il pourra jouerle rôle de médiateur et tenter une négociation entre et avec les différentsantagonistes. Cela évite d’attiser leur sentiment d’injustice vis-à-vis de cequi leur est imposé par les adultes et particulièrement par les enseignants.Mais, comme je l’ai dit précédemment, leur donner la parole sous-entend leurapprendre à s’écouter les uns les autres et à accepter que les avis diffèrent.D’où la nécessité de leur apprendre, dès la classe de sixième, à tenir à tourde rôle des fonctions essentielles dans la discussion : donner la parole,mener le débat, faire respecter la prise de parole.

Des apports bénéfiquesQuel est l’impact, quelle est l’efficacité du tutorat sur la vie dans l’établis-sement, les résultats et le comportement des élèves? Aucune évaluationscientifique n’en a été faite depuis qu’il existe dans l’établissement. Maisdes constats s’imposent. Tout d’abord, la relation privilégiée tuteur/« pupille » a des répercussions sur tout le groupe-classe durant les cours.Le regard sur l’autre, la manière de se parler et de se comporter chan-gent, aussi bien de la part de l’enseignant que des élèves. La relationdevient plus chaleureuse bien que chacun garde son statut. Ce gain auniveau de la communication permet une meilleure adhésion aux objectifsdu collège. De plus, cette heure, hors de l’horaire officiel des cours, permetau tuteur d’assumer réellement et complètement parce qu’hebdomadai-rement et en dehors de sa discipline, sa fonction de professeur principal.Elle lui donne aussi la possibilité d’aborder, comme il le veut, des thèmessoit à partir de faits réels, soit à la suite d’un film télévisé ou vu en groupelors d’une « sortie tutorat ». Enfin, l’hétérogénéité de nos groupes-tutoratest primordiale. Nous avons toujours insisté pour que tous les élèves dechaque classe y participent. Elle permet des confrontations de cultureset d’idées, des prises de conscience des aides ou des gênes que chacun peutprocurer ou causer à ses pairs et ouvre un champ d’activités variées.

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Nous avons la chance de posséder cet espace de parole. Pouvoir connaîtreson voisin, son enseignant ou son élève, dans sa globalité, à traversd’autres filtres que ceux des disciplines scolaires et du règlement intérieur,me semble un des facteurs du mieux vivre dans la société scolaire. Cettemeilleure connaissance des uns et des autres, liée au tutorat, instaure unclimat de classe plus harmonieux, plus sécurisant et favorise les appren-tissages. La façon de se parler, les attitudes se trouvent modifiées. Lesuivi scolaire, qui se met en place dès les premières semaines de cours,permet une adaptation plus rapide des élèves. L’ambiance de classe et detravail se trouve donc bénéficiaire de tout ce qui se fait en tutorat. Les rap-ports « adultes/ados » qui se tissent tout au long de ces rencontres, chan-gent non seulement le regard du tuteur sur ses « pupilles » mais aussicelui du professeur sur l’ensemble de ses élèves.

Tous les aider

Collège Edgar-Quinet, MarseilleAcadémie d’Aix-Marseille

La gestion des élèves en grande difficulté requiert du temps et du per-sonnel. Elle est nécessaire pour favoriser un climat de travail plusserein dans l’établissement. Un groupe d’enseignants se porte volon-taire pour entreprendre un suivi individualisé de ces élèves. Grâce à uneaide personnalisée au travail, ils tentent de permettre aux jeunes d’éla-borer un projet personnel. Ils agissent comme des tuteurs qui les pren-nent en charge au cours d’entretiens.

Les tuteurs travailleront en collaboration avec les professeurs principaux,le Groupe d’aide à l’insertion qui impulse et coordonne les projets d’orien-tation des élèves et l’équipe administrative. Le repérage précoce de ceuxqui relevent du dispositif est confié aux équipes pédagogiques. La pério-dicité des rencontres leur incombe aussi ainsi que celle des deux réunionsformelles de bilan où sont mis en commun les difficultés rencontrées, lesoutils utilisés, les contrats mis en place et leur suivi… Le terme de média-teur, qui paraît impropre par rapport au contenu de l’action, est adoptéimmédiatement et sans concertation : il traduit, semble-t-il, l’imagequ’avaient de cette action ceux qui n’y participaient pas. Il aurait été inté-ressant de la confronter à la réalité perçue et vécue par les intervenants. Prisdans l’action elle-même, les médiateurs n’en ont pas eu le temps.La première année, le repérage et le signalement des cas difficiles commencedès la rentrée pour se terminer début octobre. Les critères relèvent à la foisdu comportement et du travail au sens le plus large. Tous les professeurs sontsollicités, leurs remarques sont consignées sur une fiche globale par élèveet tous les niveaux sont concernés. La deuxième année il a fallu associer plusétroitement les équipes pédagogiques, car une fois les élèves signalés ellesne se sentaient plus vraiment impliquées dans la démarche. Il leur a donc étédemandé de définir précisément les objectifs qu’elles souhaiteraient voiratteints par chaque élève. Par ailleurs le groupe de médiation a élaboré unefiche de liaison servant de cahier de bord et de cahier d’information destinés

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à leurs collègues. Les professeurs médiateurs se portent volontaires dès finseptembre et transmettent leurs disponibilités. En effet à l’issue de la pre-mière année il est apparu que l’un des obstacles majeurs est que médiateuret élève pris en charge n’étaient pas disponibles en même temps. En géné-ral pour des commodités d’emploi du temps, les médiateurs se chargentdes élèves qu’ils ont en classe afin de les voir régulièrement. La possibilitéde laisser, dès le début, le choix à l’élève n’a pas été retenue (il y avaitbeaucoup de professeurs nouveaux dans l’établissement et nous craignionsde voir certains collègues submergés de demandes). Les premières ren-contres sont consacrées à obtenir l’adhésion de l’élève au dispositif pro-posé. Cela a pu donner lieu à des changements de médiateurs.Dans les entretiens hebdomadaires l’élève exprime ses propres difficultés,guidé par un questionnement adapté. Il met lui-même ses problèmes enévidence : bavardages « inconscients », registres de langue utilisés avecles professeurs ou les autres élèves, gestes agressifs, provocateurs,incompréhension quant à l’attitude, la logique, les attentes, les rôles del’enseignant par rapport à la classe, à l’élève individuellement… Lareconnaissance de ses difficultés par l’élève permettent de fixer d’uncommun accord des objectifs à très court terme, d’une semaine à l’autre.Ils pourront faire l’objet d’un contrat oral qui dans certains cas peut êtrerédigé par l’élève. Il faut privilégier les comportements positifs car ilest très difficile à un jeune élève d’être critique vis-à-vis de lui-même, enparticulier quand il manque de maîtrise personnelle. De semaine ensemaine l’élève prend des engagements sur un ou deux points précis ;lors des rencontres de médiation il s’évalue et est confronté à la façon dontlui-même et ses efforts sont perçus par ses professeurs et/ou ses cama-rades. Ce travail entrepris avec le jeune est souvent complété par desrencontres avec sa famille, un ou des enseignants de sa classe. Le média-teur transmet aussi les informations qu’il détient à l’assistante sociale, auxconseillers d’éducation, à l’équipe administrative, aux emplois-jeunesde l’établissement… Ce sont ces échanges d’information qui corres-pondent le mieux au terme de médiateur qui est le plus couramment uti-lisé dans notre collège pour cette action, pourtant ce n’est pas cette partieà laquelle le plus de temps et d’énergie sont consacrés.

Écueils et avenirMalgré plusieurs rencontres certains rejettent cette aide. Dans ce cas le pro-fesseur principal est invité à participer à une ultime rencontre et prend notedu refus exprimé. Cette première étape apparaît comme décisive pour lamise en place du travail médiateur/élève et son éventuelle réussite. Elle estaussi la plus délicate car l’élève se trouve placé par les adultes face à l’imagequ’il donne de lui-même à sa classe, à son école. Les plus difficiles refusentle plus souvent en bloc cette image, ne sont pas prêts au changement d’atti-tude nécessaire, à la construction d’un projet réaliste et positif.

D’autre part, nous sommes confrontés à l’usure des acteurs tant élèvesqu’enseignants. Ce tutorat requiert une grande disponibilité, du tempset beaucoup d’énergie pour des résultats souvent ténus. Il devait se traduirepar des contacts constructifs avec les équipes pédagogiques et les familles.Cependant à l’issue de la première année ceux qui n’étaient pas directe-ment concernés n’avaient pas une image du travail effectué ou même

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semblaient avoir oublié que ce groupe fonctionnait. Pour la deuxièmeannée nous avons donc mis l’accent sur la communication des objectifset des contrats décidés en médiation auprès des familles et des ensei-gnants. Il nous a semblé important qu’ils soient pris en compte, lors desconseils de classe notamment. Il y a eu une nette amélioration au premiertrimestre de l’année suivante. Toutefois à partir des vacances d’hiver lalassitude s’est installée de nouveau…Le groupe a fait son bilan pour l’intégrer dans le cadre de l’actualisation duprojet d’établissement. Il en ressort que les élèves régulièrement suivissont peu sanctionnés pour des motifs disciplinaires (prévention de l’inci-dent grave par le dialogue). L’amélioration des résultats scolaires restecependant exceptionnelle, sauf pour ceux dont c’était l’objectif essentiel.Cette année l’établissement a connu une amplification des comportementsagités, bruyants, perturbateurs pendant les cours et dans les couloirs, desdégradations plus ou moins graves; des sixièmes quittent les cours qui neleur plaisent pas. Ces débordements ont concerné des classes plutôt que desindividus. Le groupe a donc revu sa stratégie de tutorat et de repérage.Premièrement, pour les classes en difficulté (surtout en sixième et cin-quième), un deuxième professeur principal devra être recruté dans l’équipepédagogique pour assurer, en concertation avec le professeur principal, letutorat des cas les plus difficiles. Il conviendrait qu’une concertation plusformelle soit instaurée. Le groupe des médiateurs sera à la disposition deséquipes pour réfléchir sur la conduite des tutorats. Deuxièmement, ungroupe restreint de tuteurs prendra en charge les isolés mais après concer-tation entre l’équipe pédagogique et l’équipe administrative. Troisièmement,il y a une demande réelle émanant d’élèves en grande difficulté scolaire entroisième et quatrième. Les lacunes antérieures en effet sont telles quemalgré la bonne volonté des élèves et des enseignants une remédiationpendant les cours n’est pas possible. Il paraît donc nécessaire pour conduirecette remédiation de constituer un groupe de tuteurs « scolaires ».

Une action évolutive

Ce dispositif a profité à environ 10 % des élèves (dialogue et une écouteprivilégiée). Il a impliqué 20 % des enseignants. Tous y ont appris àmieux écouter et se maîtriser. Il a favorisé une réflexion sur une dimen-sion différente de la relation enseigné/enseignant.Les professeurs investis pendant deux ans ont fait face à l’évolution desproblèmes posés par les élèves qui de plus en plus et parmi les plusjeunes rejettent l’école. Il leur a fallu régler ces problèmes au jour lejour, reléguant bien souvent à l’arrière-plan le projet personnel, l’orien-tation à choisir. Ils ont cependant su instaurer un climat de confianceavec les élèves pris en charge bien que les plus difficiles n’aient pas puêtre intégrés dans le processus. La communication et la concertationavec les professeurs principaux et les familles sont encore trop insuffi-santes pour être vraiment fructueuses.

Les emplois-jeunes nouvellement arrivés dans notre établissement ont cer-tainement une place à tenir dans ce dispositif mais elle reste à définir encollaboration avec tous les intervenants. Il faudra leur apporter une for-mation complémentaire compte tenu de leur manque d’expérience.

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À chacun sa solution

Collège Victor-Schoelcher, LyonAcadémie de Lyon

Certains collégiens se marginalisaient progressivement, accumulaientde plus en plus de lacunes scolaires et, par leur attitude négative, désta-bilisaient les classes. Les conflits qu’ils créaient conduisaient leurscamarades à entretenir des relations de défiance avec les adultes ducollège. Les enseignants ont émis l’hypothèse qu’ils pouvaient amé-liorer le comportement de ces élèves par un suivi individualisé, en amé-nageant leur temps scolaire, leur programme d’enseignement.

Une équipe de volontaires assez étoffée, regroupant enseignants de toutesles matières, de la Section d’enseignement général et professionnel adapté(SEGPA), les conseillers principaux d’éducation, l’assistante sociale,l’infirmière, l’équipe de direction, s’est manifestée pour prévenir lesphénomènes de violence, en collaboration avec des partenaires sociauxdu quartier. Nous avons tout d’abord organisé un soutien et une aideindividualisée pour résoudre les difficultés scolaires. Les élèves troppénibles (comportements individuels violents) ont été pris en charge parune équipe de volontaires, ce qui a permis aux classes de fonctionnercorrectement sans eux. Au bout de deux ou trois semaines, ils ont étéréintégrés dans leurs classes.

Dès qu’apparaissent de graves difficultés chez un élève, le professeurprincipal réunit une commission qui étudie le cas et met en place unemesure de prise en charge adaptée : le tutorat pédagogique, au coursduquel un enseignant ou un aide-éducateur suit le travail scolaire del’élève et intervient sur ses points faibles, l’aide à s’organiser, à s’orien-ter et essaie de lui redonner le goût de l’école. Il s’agit alors d’arriver,par le dialogue, à travailler sur le projet de vie de l’élève, en faisant inter-venir parfois des professeurs mais aussi des personnes extérieures à laclasse. Dans certains cas, nous pouvons être amenés à diminuer le nombred’heures de cours où l’élève est le plus en difficulté et le plus violent, etles remplacer (toujours selon son profil) par des cours de remédiation-matière, des travaux en étude ou au Centre de documentation et d’infor-mation, ou encore par la réalisation d’un projet en technologie, eninformatique, en arts… Nous avons recours également aux stages enentreprise, si l’âge le permet, et à l’aide psychologique éventuelle assuréeau départ par l’infirmière puis en relais avec le Centre médico-psycho-pédagogique du quartier. La fiche de suivi peut être aussi un moyen d’ai-der l’élève. Celui-ci s’engage à l’utiliser selon les règles établies, à laprésenter à chaque adulte qui s’occupe de lui. Un bilan est fait par le prin-cipal-adjoint en fin de semaine. La fiche de suivi est visée par la familleet rapportée le lundi. Une nouvelle grille est donnée à l’élève jusqu’à uneamélioration durable de son comportement. Un autre moyen utilisé estle conseil d’équipe éducative. Les éducateurs de prévention ont parfoisapporté leur contribution. Des réunions d’ensemble (délégués/profes-seurs/élèves volontaires) ont permis à chacun de prendre vraiment

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conscience des problèmes. Les sanctions voulues par les élèves qui sup-portent mal le climat existant étaient beaucoup plus répressives et plusfortes que ce que l’on aurait pu imaginer. Même si la loi du silence prime,ils sont très lucides et sévères dans la liste de sanctions qu’ils ont établieà propos des actes d’incivilité.

Un bilan positif, mais des changements à prévoir

L’indifférence de l’institution est à relever : elle ne demande jamais debilan ou de suivi de notre action. Les éducateurs de prévention du quar-tier sont difficiles à joindre (horaires irréguliers, difficulté de leur tâche).La multiplicité des réunions non rétribuées, des décisions prises heure parheure, sont des obstacles à une bonne circulation de l’information. Enfin,l’équipe est parfois déstabilisée lorsqu’une personne change. Cependant,beaucoup d’aspects nous semblent positifs. L’action a été perçue commeconstructive par les enseignants qui se sentent soutenus dans leurs diffi-cultés avec les élèves. Une très petite minorité reste fermée à l’innova-tion. Ces enseignants n’ont pas adopté nos objectifs. D’autres membresde la communauté scolaire en revanche participent, personnels admi-nistratifs, techniques, ouvriers et de service en prenant en charge desélèves dans des travaux d’intérêt collectif. La mobilisation est donc trèsforte, les professeurs répondent présents lors des réunions de concerta-tion et des conseils d’équipes et le chef d’établissement n’a jamais fait dedifficulté pour trouver des volontaires pour prendre en charge des élèves.Il y a eu inflation des fiches de suivi. Il faut mieux déterminer à qui on lesdonne et dans quelles conditions car elles sont inefficaces pour certainsélèves. Nous soulignons l’importance de la communication et de la dispo-nibilité de l’équipe éducative qui doit pouvoir faire le point très souventavec l’équipe administrative, les professeurs, le personnel socio-médi-cal, les partenaires du quartier, les parents… Pour rendre ces actions lesplus efficaces possibles, il faut bien connaître son public, en analyser cor-rectement les besoins par exemple, le temps de cerner de façon précise lefonctionnement de l’élève en difficulté (travail, comportement) puisd’adapter nos mesures à son évolution. Pour conclure, nous dirons que lesmesures disciplinaires (conseil de discipline, exclusions) sont mieuxacceptées qu’auparavant par les élèves qui comprennent que tout a étéfait pour éviter l’exclusion, même si elle a finalement été prononcée.

Modules et tutorat

Collège Ampère, OyonnaxAcadémie de Lyon

Dans ce collège, des enseignants volontaires ont mis en place un dispo-sitif d’aide aux élèves en difficulté. Il s’agit d’une aide individuelle sousforme de tutorat pour les cinquièmes et les troisièmes et d’une aide parmatière dans le cadre de modules pour les quatrièmes. Les sixièmes,quant à elles, bénéficient de deux heures d’étude pédagogique par semaine.

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Lors de la prérentrée, il est fait un bref rappel de l’action et de ses objec-tifs. L’observation des élèves a lieu jusqu’au premier conseil des pro-fesseurs et débouche sur une proposition d’aide. La recherche decandidatures de professeurs s’effectue avant le premier conseil et l’éta-blissement de la grille de réunion des professeurs volontaires et desprofesseurs principaux. Ensuite, à partir de fin février ont lieu lesévaluations: une fiche-tuteur, une fiche-professeur principal et une fiche-élève. Si possible, une réunion-bilan a lieu, sinon le bilan est établi parle coordonnateur et conservé précieusement pour alimenter la discus-sion avant une nouvelle mise en route.

Action modules

L’année précédente une liste prévisionnelle est faite à partir des élèvesayant posé des problèmes d’orientation en fin de cinquième. À la rentrée,on observe ces élèves jusqu’au conseil de mi-trimestre afin d’établir la listedéfinitive. Ensuite a lieu l’inscription des élèves volontaires (cinquante-huit) après sollicitation de leur professeur principal. Puis, les profes-seurs intéressés (treize) et les professeurs principaux se réunissent pourmettre en place des modules. À la fin du fonctionnement de chaquemodule, une réunion de bilan avec les intervenants a lieu et permet lesaménagements éventuels. L’évaluation finale est faite par les interve-nants (professeur principal ou professeur de la matière) et par les élèvessous forme d’auto-évaluation. Dans le cadre de cette action, il s’agitd’apporter une remise à niveau, de répondre à des problèmes ponctuels,de proposer une aide méthodologique, à partir de la matière, aux élèvesen difficulté en faisant appel à une pédagogie fondée sur l’entraide etl’aide personnalisée à l’élève. Le nombre d’enseignants est déterminéen fonction du nombre d’élèves (un enseignant pour cinq élèves au maxi-mum). Le moment réservé à l’origine pour l’heure de vie de classe est uti-lisé pour tous les enseignants et les élèves du collège. Il y a quatreséquences avec le même groupe, suivies d’une séquence-bilan (ensei-gnants et coordinateurs). Trois modules ont lieu dans l’année, approxi-mativement un par trimestre. On essaie de donner la possibilité à tous lesvolontaires d’en suivre un et on accepte que certains élèves en grande dif-ficulté en suivent plusieurs. Les équipes se réunissent trois fois, c’est-à-dire à la fin de chaque module pour dresser le bilan et prévoir lesmodifications en cours de route.

Action tutorat

Le grand nombre de professeurs volontaires (dix-huit) a fait que le projets’est finalement déroulé avec deux classes (vingt-six élèves). La réunionpréparatoire a mis l’accent sur le volontariat et il a été décidé que lesélèves choisiraient eux-mêmes un professeur sur une liste. Une grilled’emploi du temps indiquant les plages horaires, les lieux, les noms desprofesseurs disponibles est remise à chaque professeur principal pourdiffusion auprès des élèves concernés par l’action. Un rappel déontolo-gique est fait lors de la réunion préparatoire de la grille. Tout entretien estobtenu par rendez-vous et à la demande de l’élève.

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Réajustements nécessairesUn journal de bord a été tenu au fil des évolutions. Les comptes rendusde réunions ont été publiés dans le livret d’accueil destiné aux ensei-gnants pour la rentrée. Le besoin de travailler par projet et en équipe etla volonté de prendre en compte les problèmes des élèves sont des élé-ments qui ont largement contribué à faciliter le déroulement de cesactions. Cependant, il y a des obstacles. Il est difficile d’arriver àconvaincre les élèves les plus en difficulté de participer et l’effet del’action est immédiat mais de courte durée. De plus, arriver à définir età délimiter les objectifs et le rôle respectifs de chaque structure (tuto-rat, module, vie de classe) reste une tâche difficile et l’action dans l’éta-blissement reste le projet d’un noyau, d’où la difficulté d’obtenir unsentiment d’appartenance générale. Cela explique la difficulté d’impli-quer les professeurs principaux concernés, de trouver des intervenantspour le projet module (surcharge en heures pour beaucoup d’enseignants).Le créneau horaire commun à la vie de classe et aux modules crée des per-turbations (choix à faire, suivi chaotique).Quelques réajustements ont été effectués. Pour les modules, nous sommesarrivés à la création d’un créneau banalisé, à l’augmentation du nombrede séances et à la préinscription des élèves afin de prévoir le nombred’intervenants nécessaires par matière. Pour l’action tutorat, le niveautroisième remplace celui de quatrième, du fait que ce dernier bénéficie déjàdes modules.

Nouvelles interrogationsL’évaluation du vécu et de l’impact est faite par le biais de question-naires adressés aux intervenants, aux élèves et à leurs professeurs. Pourle bilan chiffré de la participation, les indicateurs utilisés sont les classesconcernées, le nombre de participants et de personnes s’investissant dansle projet, les résultats des élèves (évolution des notes, des comporte-ments) et la nature des problèmes posés par les élèves. Les résultats del’évaluation sont communiqués à l’ensemble des personnels lors du bilande l’action en fin d’année.La décision de poursuivre ou non se prendra lors de l’assemblée généralede fin d’année, mais le projet peut être reconduit avec les modificationsapparues nécessaires lors de l’évaluation (quel niveau?… quel horaire?…).De nouvelles interrogations émergent : Comment trouver des gens dis-ponibles pour s’investir dans ce type d’action alors qu’ils ont déjà desheures supplémentaires ? Comment ne pas tomber dans l’assistanat ?Comment faire en sorte que l’élève n’utilise pas ces structures uniquementpour se donner bonne conscience?

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Famille, école et médiation

Pour qu’école et familles, adultes et enfants et enfants entre eux recon-quièrent le calme nécessaire à un fonctionnement commun qui soitharmonieux et scolairement fructueux, différentes expériences de média-tion ont été menées. Les équipes ont en commun d’avoir affronté dessituations délicates qui ont nécessité un travail approfondi pour(re)construire des liens entre les acteurs de la communauté scolaire. Le col-lège Georges-Méliès de Paris a conduit plusieurs actions de médiation :entre élèves, entre adultes et élèves et entre collège et familles; il s’agit dansce dernier cas d’une médiation interculturelle avec l’aide d’une personne« qui joue le rôle d’interface entre l’école et les familles africaines ». Lacohésion collège/famille est aussi au centre de l’action menée àValentigney par le collège Les Tâles, où un enseignant-médiateur se renddans les familles avec une médiatrice là encore issue des communautés.La constitution, rendue possible par la communication, de repères ou deréférences communs, conduit à la connaissance réciproque nécessaire àl’acceptation de l’école par les enfants qui lui sont confiés.

Projets « Médiations »

Collège Georges-Méliès, Paris XIXe

Académie de Paris

« Notre collège est implanté dans un quartier où les familles sont, sou-vent, en grande difficulté, où l’environnement socioculturel n’est guèrefavorable, dans l’ensemble, à la valorisation de l’école, perçue comme uneinstitution représentative d’une nation et d’une culture qui, dans cer-taines communautés, ne provoque pas l’adhésion. Dans un tel contexte,l’école et son environnement proche se trouvent comme coupés l’un del’autre. Discours, langages, comportements, attitudes, références, valeurssont fort peu partagés entre adultes et enfants de la communauté scolaire.La classe devient, dans ces conditions, le lieu de tous les affrontements.Loin d’être dialectiques, ceux-ci engendrent des situations de blocagedans lesquelles les membres de l’équipe éducative se voient enfermésdans le cercle vicieux: manquement à la règle-punition et les jeunesenfermés dans un autre cercle vicieux : exclusion-violence. Nous nedévelopperons pas ici l’analyse de cette situation, mais il était clair pournous que si nous n’instituions pas d’autres formes de relation à l’autre,cet état de fait nous menait vers des situations de plus en plus difficilesà vivre pour l’ensemble des personnes fréquentant l’établissement. »

Deux actions de médiation élève/élève sont mises en place : une action-parrainage faisant appel à des élèves de troisième qui accueillent et dia-loguent avec des élèves de sixième et une action-monitorat pendant

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laquelle des élèves de niveau supérieur aident sur le plan scolaire desélèves de niveau inférieur. Deux actions de médiation adultes/élèves ontlieu sous la forme de tutorat qui permet aux adultes de dialoguer avecdes jeunes en situation de difficulté et sous la forme de médiation péda-gogique pendant laquelle des adultes interviennent pour réguler unecommunication défaillante entre les acteurs de l’action pédagogique.Enfin, il existe également une action de médiation adultes (collège)/adultes(familles) qui est en fait une médiation interculturelle assurée par unefemme africaine qui joue un rôle d’interface entre l’établissement et lesfamilles africaines.

Dialogue et confiance

Le but général est de développer des espaces de dialogue privilégiéadultes/jeunes et collège/familles afin de restaurer un lien de confiancequi permette à l’action pédagogique d’avoir lieu. En effet, les objectifssous-jacents sont les suivants : apporter une aide aux élèves dans le suivide leur travail scolaire; leur donner des méthodes de travail et des repèressur leurs attitudes et habitudes face à l’apprentissage; combler les lacunesdans les connaissances de base (lire, écrire, calculer) et remédier aux dif-ficultés comportementales d’une façon éducative et pédagogique, plutôt quepar la répression. Les objectifs ont évolué par rapport au projet initial. Ilsse sont enrichis et complexifiés, dans la mesure où le projet « Médiations »est considéré comme se construisant encore. En effet, au fur et à mesure quedes solutions se mettent en place, d’autres besoins émergent…

Échanger en toute liberté

Différentes stratégies relationnelles sont envisagées. C’est ainsi quel’adulte établit avec chaque enfant un dialogue centré sur sa vie de personnedans la communauté scolaire ; il s’agit d’échanger sur le vécu quotidiendans cet environnement : les relations adultes-enfants, enfants-enfant ; lessentiments d’utilité/d’inutilité, de justice/d’injustice… L’adulte établitdes « relations de parité ontologique » (Lerbet, 1992) afin qu’un vrai dia-logue puisse s’instaurer. Au cours de ces entretiens, l’enfant est invité àadopter le point de vue d’autrui dans l’analyse de situations concrètes. Ilest également placé en situation de choix : il est le maître d’œuvre de savie, il doit pouvoir choisir sa voie en connaissance de cause. Si l’enfant nes’approprie pas les valeurs sous-jacentes à ce type de démarche, l’actionest vouée à l’échec. L’élève est invité aussi à raisonner sur les consé-quences de ses actes et de ses choix (prévision de scénarios, changementde point de vue…), à se projeter dans l’avenir, à se construire une imagede lui-même adulte (physique, caractère, relations sociales, attitudes,comportements dans des situations concrètes)… Il faut donc une miseen œuvre concrète, dans le présent, des moyens qui vont permettre deconstruire cette image de l’avenir lorsqu’elle est positive…

Dans la complexité de l’action présente, chaque acteur (parrain, moniteur,tuteur, médiateur) choisit, à chaque moment, les stratégies qui lui parais-sent les plus adaptées en fonction des besoins qui semblent émerger.Dans la mesure de nos moyens, nous tentons de trouver des moments

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d’échange à propos des expériences de chacun, des difficultés rencontrées,des sentiments de réussite et des sentiments d’échec, de façon à objectiveret instrumentaliser le plus possible le vécu de chacun des intervenants.

Apports utiles au développement de l’action

Jusqu’à présent une seule personne coordonnait et animait, avec des ten-tatives de décentralisation plus ou moins réussie, les actions de médiation.L’année prochaine, l’organisation pourra être la suivante : d’une part,une personne assure la coordination de l’ensemble du projet médiationsavec pour tâche l’animation de la mise en œuvre, des moments de concer-tation et la formalisation des résultats et d’autre part, chacune des cinqactions existantes est coordonnée par un binôme intercatégoriel, parexemple un enseignant et un administratif.

La communication est un des atouts majeurs pour mener à bien cette action.Il est donc essentiel d’organiser des réunions entre adultes animateurs etenfants volontaires dans les actions de parrainage et de monitorat afin deguider leur réflexion antérieure et ultérieure à l’action elle-même et entrecoordonnateur et personnels de direction et/ou d’éducation afin de per-mettre l’échange d’informations, le suivi et la régulation des actions. Uneinformation des personnels par la coordonnatrice a permis une meilleureadhésion de l’ensemble des acteurs de l’équipe éducative. Les communi-cations écrites régulières permettent également d’établir un lien entre l’en-semble des acteurs dans les différentes actions et elles constituent unemémoire de chacune d’elles, afin de créer un lien entre les personnelsanciens et les nouveaux arrivants ainsi qu’entre les actions passées et lesprojets à venir. De plus, une participation active à la journée «Valorisationdes réussites» organisée par la direction de l’académie de Paris a permisla valorisation externe, mais aussi interne, de ces actions et donc une ému-lation et une remotivation des personnels volontaires.

Aides et obstacles rencontrés

Le dégagement de trois heures hebdomadaires inclues dans l’emploi dutemps de la coordinatrice a permis à celle-ci de s’investir dans l’organisationet l’animation des différentes actions. L’inscription de la coordinatricedans une recherche doctorale portant sur des dispositifs de formation, oùl’autonomie de l’apprenant est un axe majeur, a facilité la formalisationécrite et a apporté les éléments théoriques qui ont étayé les expériencesempiriques. La relative stabilité du personnel enseignant impliqué dansles actions, notamment celle des titulaires académiques, a permis un recru-tement sans cesse augmenté des personnels adhérents à ces actions.L’engagement de l’équipe de la Vie scolaire et notamment d’une conseillèreprincipale d’éducation et ceux du principal et du principal adjoint pourdonner tous les moyens nécessaires à la réussite des actions sont primor-diaux. Cependant, il est regrettable que dans certaines disciplines, le nombred’heures d’enseignement trop élevé dû à l’impossibilité de nommer,pour l’instant, un collègue à temps partiel, empêche certains enseignantsde s’inscrire dans ce projet. Il faudrait alléger l’emploi du temps des

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personnels motivés, afin que, grâce à une plus grande implication de leurpart, ces actions s’inscrivent dans la culture de l’établissement.

Des projets innovants

Par rapport aux pratiques, on passe d’une centration sur les résultats à unecentration sur les démarches, des pratiques du contrôle aux pratiques del’autonomie, de la gestion de groupes à la fédération de personnes, de laprise en compte du groupe à la prise en compte de la personne. Quant àleur influence sur l’établissement, ces actions permettent la mise en cohé-rence des projets, contribuent à générer une dynamique et à évoluer versla notion d’équipe intercatégorielle et vers l’intégration du concept deculture d’établissement.L’évaluation reste empirique. L’évaluation globale positive, qui nous encou-rage à continuer dans cette voie, se base sur les regards croisés des différentspersonnels en contact avec les enfants, sur les discours des enfants eux-mêmes et sur ceux des parents. Ces évaluations portent essentiellement surl’atmosphère qui règne dans le collège et dans les classes, le comporte-ment des jeunes à l’égard des adultes et de leurs pairs, les attitudes face àl’apprentissage et les résultats scolaires analysés d’une manière globale.Ces cinq actions de médiation sont transférables à des degrés divers etadaptables à des terrains très différents. Cependant quelques précautionssont conseillées. Les personnels doivent être acquis à l’importance del’implication du sujet dans son processus de formation, être soucieuxde participer à la construction de la personnalité du sujet et pas seulementà la transmission extérieure de connaissances et il doit y avoir l’exis-tence d’une équipe intercatégorielle, même si elle n’est composée dansun premier temps que de deux personnes. Toutefois ce transfert doits’opérer avec différentes formes d’aides telles que : intervention del’équipe dans des stages ou forums, publications, banques de données,invitations d’autres équipes dans l’établissement innovant, participationà des groupes de recherche. Toutes ces formes sont, en effet, complé-mentaires et souhaitables. Elles permettraient d’objectiver le vécu, deconceptualiser des expériences empiriques, de formaliser les outils les plusopérationnels à des fins de transmission et de diffusion de pratiques posi-tives. Elles permettraient également aux personnels concernés de s’enrichirde toutes les interactions qu’elles généreraient et de tous les apportsthéoriques et pratiques qui seraient ainsi partagés.

Communication avec les familles

Collège Les Tâles, ValentigneyAcadémie de Besançon

Pour combattre violence et incivilité, l’équipe a mis en place diversesactions dont une de médiation/communication avec les familles, en vuede renforcer la liaison collège/parents. Soixante-quinze pour cent desélèves sont d’origine étrangère et de nombreux parents ne maîtrisent pastoujours bien la langue française, à l’oral et encore moins bien à l’écrit.

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On comprend alors les difficultés majeures de communication. C’estpourquoi, quand le lien ne peut être établi par les moyens habituels,un enseignant-médiateur se rend dans les familles accompagné d’unemédiatrice issue des communautés.

Quand nous, enseignant ou conseiller principal d’éducation, sommesconfrontés à un problème, nous avons d’abord recours aux procéduresordinaires de contact avec les familles : mot sur le carnet de liaison, coupde téléphone, courrier. Quand le contact n’a pu être établi, une visite estdécidée, sauf en cas d’urgence, pendant la réunion de concertation hebdo-madaire où se retrouve le groupe opérationnel (le principal du collège, leconseiller principal d’éducation, l’assistante sociale, le professeur-média-teur, la médiatrice scolaire et la médiatrice de l’association). Généralement,nous n’avertissons pas la famille et c’est le binôme professeur-médiateurqui lui rend visite. Cette solution permet un dialogue plus fructueux avecles parents, en évitant les malentendus linguistiques ou culturels et per-met de mieux cerner les difficultés. Juste après, une fiche confidentielleest remplie indiquant les raisons de la visite et les réponses ou réactions desparents. Un compte rendu oral de la rencontre est fait au principal, auconseiller principal d’éducation, au professeur principal de la classe ouau professeur demandeur ; les fiches sont accessibles aux enseignants.

Nous avons mis en évidence des interférences ou des contradictionsentre le fonctionnement familial de l’autorité et l’école. Les enfants habi-tués à la violence de l’autorité du père ne sont guère sensibles aux répri-mandes ni aux types de punition infligés au collège. Nous avons d’ailleurspu constater, chez ceux qui craignent particulièrement leur père, desphénomènes de défoulement au collège. Nous avons donc jugé utiled’organiser des réunions sur cette question. Des spécialistes du droit del’enfant et de la famille ont ainsi pu expliquer la différence entre unecorrection et des mauvais traitements, qui peuvent faire l’objet de pour-suites pénales. Il nous paraît indispensable de faire progresser la cohérencede l’autorité entre le collège et la famille.

Nous l’avons dit, une des raisons qui nous ont poussés à mettre en placece dispositif, c’est la rétention de l’information par les enfants. Mais,même quand on a réussi à établir le contact avec les parents, les pro-blèmes ne sont pas réglés pour autant. On s’est aperçu que les élèvesqui posaient problème étaient généralement des jeunes qui allaient mal :violence familiale, problème d’identité, exclusion sociale, parfois racisme.Le rejet de l’école est alors un symptôme de ce mal vivre. Nous avonssouhaité mieux les cerner et le concours d’un psychologue est devenunécessaire pour tenter d’éviter que ne se développent les phénomènesde marginalisation et de délinquance. C’est pour répondre aux difficultésde ces adolescents qu’une nouvelle action a démarré par des mini-séjourspour toutes les classes de quatrième. Nous l’avons intitulée « S’acceptersoi-même pour accepter les autres ».

Dans certains cas, les défaillances éducatives de la famille sont trèsimportantes et rien n’a été socialement prévu, pour se substituer auxparents défaillants, sauf dans les cas de délinquance caractérisée. Lesélèves n’ont plus d’autres références que leur quartier. Le partenariatavec les associations, qui avait bien marché au départ, n’est pas à la hauteur

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de nos attentes. Notre projet souffre peut-être aussi de ne pas assez impli-quer l’ensemble des enseignants. Les retombées pédagogiques sont sansdoute insuffisantes pour l’instant et il serait nécessaire de réfléchir à leurgénéralisation et à leur mise en cohérence.Au niveau de l’école, notre problématique consiste à essayer, malgrétout, de sortir des cercles vicieux : faire en sorte que les jeunes margi-nalisés, peut-être parce que leurs parents le sont eux-mêmes, puissentêtre remis dans le circuit de l’école. On peut espérer créer ainsi une dyna-mique où ils s’intéresseront à l’éducation, à la culture, et seront capablesde jouer un rôle positif dans la société. Mais les cercles vicieux ne sebrisent pas facilement et nous avons souvent l’impression d’être devantune tâche immense et de ne disposer que de moyens dérisoires.

Amplifier le projetSi nous nous refusons d’envisager la pérennisation des visites dans lesfamilles, cette action reste aujourd’hui nécessaire. Il nous est venu àl’idée de repenser les relations avec les parents de façon différente. Ilfaudrait envisager de ne plus privilégier seulement ceux dont les enfantssont en difficulté afin de faire un travail avec les autres aussi.Le rapport Moisan 41 sur les zones d’éducation prioritaire pose le pro-blème de la représentation des parents dans l’école en milieu défavo-risé. Il conviendrait d’ouvrir un dialogue avec eux en trouvant les formesles plus adéquates et cela passe souvent par la création de relations inter-personnelles.La rencontre avec les parents et les associations a fait apparaître le besoind’une aide aux devoirs sur le quartier des Buis. Sa mise en place a per-mis des prolongements sous forme d’activités éducatives visant à moti-ver les élèves. Ainsi, les parents rencontrés dans les réunions ont puexprimer leurs besoins. Ce rapprochement par un dialogue plus nourri aaussi permis à l’équipe éducative de modifier certaines pratiques.Le jeune se trouve alternativement dans des milieux qui ne fonctionnent pasavec les mêmes règles ni avec les mêmes exigences: l’école, la famille, lequartier, la bande. Trop souvent, l’école reste le seul endroit où il se trouveconfronté à des règles. Le partenariat entre le collège, le centre social, le sec-teur « jeunes » de la ville devrait permettre d’avancer dans la mise enplace d’exigences communes. À la rentrée, une nouvelle étape devrait êtrefranchie avec la venue de huit agents de médiation sociale. Ces emplois-jeunes vont être chargés de la surveillance et de la prévention des actesd’incivilité, aux abords des établissements scolaires ou dans les quartiers.Le Comité d’environnement social (CES) devrait être le lieu de concerta-tion de cette expérience avec notre problématique proprement scolaire.Nous avons fait des observations sur l’origine sociale et familiale desdifficultés, sur le comportement des élèves, sur les problèmes de rela-tions, entre eux et avec les adultes. Pour agir sur ces aspects relationnels,

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41. Moisan C. et Simon J., Les Déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducationprioritaire, inspection générale de l’Éducation nationale et inspection générale de l’admi-nistration de l’Éducation nationale, septembre 1997.

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des actions devraient être poursuivies si les moyens le permettent : uneinformation sur les transformations de la puberté, un lieu de parole où lesélèves sont invités à exprimer leurs émotions. Il conviendrait sans douted’impliquer davantage l’ensemble des enseignants dans ce travail surl’amélioration de la communication entre tous les acteurs de la commu-nauté scolaire, en essayant de faire en sorte que tous appliquent lesmêmes règles et qu’une instance de mise en garde dans le cadre duComité d’environnement social se mette en place. En cas de problème àrépétition, il s’agit d’engager un dialogue ferme avec l’élève avant quele comportement se soit tellement dégradé qu’un conseil de disciplinedevienne nécessaire.

Un processus de changement s’est enclenché chez les enseignants.Comment inventer des pratiques pédagogiques nouvelles qui tiennentdavantage compte du milieu familial des élèves, de leur vécu? En bref,comment promouvoir une pédagogie différenciée qui permette aux élèvesde s’approprier les savoirs, en tenant véritablement compte de ce qu’ilssont? Des pistes ont déjà été explorées dans différentes disciplines. Ainsi,un travail a été réalisé en histoire sur les religions dans le cadre d’un pro-jet intitulé L’Étoile, la Croix, le Croissant. Le projet a été l’occasion des’ouvrir aux autres cultures et de veiller à la tolérance si nécessaire aujour-d’hui dans un contexte où grandissent les risques de repli identitaire.

On peut citer aussi le travail entrepris en français avec les classes desixième. Connaissant le milieu familial des élèves, nous ne sommes pasétonnés de constater qu’ils lisent peu. Une action a été proposée sous laforme d’un jeu-concours avec comme objectifs de faire lire et de donnerenvie de lire. Il reste maintenant à formaliser davantage ces changementsde pratiques pédagogiques et à poursuivre dans le sens d’une meilleureadaptation de notre enseignement aux spécificités de notre public.

Cependant, il nous semble qu’il reste à s’interroger sur les modalités dela réussite des apprentissages fondamentaux. Le soutien reste indispensableaussi bien au collège que dans le quartier (l’aide aux devoirs, la moti-vation) et il nous faut convaincre les élèves de la nécessité du travailpersonnel. Les parcours diversifiés de cinquième s’inscrivent dans cetteperspective. Les activités périscolaires du mercredi au centre social ont lesmêmes objectifs que la pédagogie différenciée dans les disciplines.

Sur beaucoup de questions, il nous semble que nous avons réussi à adap-ter nos pratiques à nos élèves. Mais les enseignements disciplinaires res-tent sous l’influence de nombreux impératifs : programmes, effectifs,contraintes matérielles de tous ordres. Notre travail de réflexion sur lerenouvellement des pratiques pédagogiques doit se poursuivre. Mais, ilaurait besoin d’un soutien théorique et pratique, par exemple, dans lecadre d’une recherche-action.

Mais nous sommes aussi confrontés aux limites de ce que peut fairel’Éducation nationale. Si les phénomènes de ghetto continuent de se ren-forcer dans le quartier des Buis, si l’économie continue de conduire àl’exclusion et au chômage, si les adultes ne jouent pas leur rôle, nousne pourrons pas régler tous les problèmes depuis l’école. Mais nousn’avons que peu de prise sur ces éléments extérieurs à l’Éducation natio-nale. Par contre nous pouvons aider les enfants à rencontrer d’autres

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personnes, à être confrontés à d’autres références que celles de leurmilieu ou de leur quartier. Dans ce sens, les sorties pédagogiques ou lin-guistiques, les classes vertes, ont une importance particulière. Une autrefaçon de sortir du ghetto serait de revoir la carte scolaire pour que lespopulations d’élèves se mélangent davantage.

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Écoute

Les « taisez-vous! » ou les « silence! » ont longtemps rythmé les heuresde cours, le mutisme était requis même dans les couloirs et les perma-nences. Les perturbateurs dans leur immense majorité dérangent le bondéroulement des cours d’abord parce qu’ils parlent : ce sont les bavardsimpénitents, les insolents qui répondent, les agités qui crient, les exaltésspécialistes de la remarque intempestive, les grands démotivés qui grom-mellent. Ces paroles se signalent bien souvent parce qu’elles n’ont pas deréels destinataires et disqualifient ainsi d’entrée leurs émetteurs priésd’aller se taire en permanence. Cependant lorsqu’on les écoute, on res-taure leur statut d’interlocuteur en s’affirmant comme destinataire. Lacommunication (re)devient possible car ces élèves se trouvent de faitreconnus comme ayant droit si ce n’est à la parole, tout au moins à uneparole. Alors un dialogue peut s’instaurer au sein duquel la confiancequi va naître construira pas à pas les conditions rendant possibles lesapprentissages. Que ce soit au collège Bellefontaine, à Toulouse, où unepartie de l’action a été de « libérer la parole » des élèves à l’occasionde réunions régulières avec des accompagnateurs ou au collègeCronenbourg de Strasbourg qui a créé un Lieu d’accueil temporaire indi-vidualisé qui se veut « lieu de développement de la parole de l’élève »,c’est l’attention à l’expression libre des jeunes qui est privilégiée puis-qu’elle ouvre la voie à d’autres échanges, dont bien sûr le dialogue péda-gogique. L’équipe du collège Miramaris de Miramas a tout simplementnommé son dispositif « Point-Écoute ». Ces trois collèges ont tousaffronté des situations d’incivilité, d’agressivité, voire de violence franche.Dans les trois aussi l’ambiance, à la suite des actions menées, s’est paci-fiée pour un profit individuel et collectif.

Accompagnement adultes-jeunes

Collège Bellefontaine, ToulouseAcadémie de Toulouse

Le rôle des accompagnateurs est d’instaurer dans un premier temps, lesuivi individualisé de sept élèves qui déstabilisent une classe par leuragitation ou bien leur inhibition. L’objectif est alors de reconstruire parl’écoute ce lien adulte/jeune qui semble déficient et de redonner à l’élèveune motivation, de façon à le placer dans une situation d’apprentissageoptimale.

Le professeur principal de la classe concernée s’est entretenu avec leprincipal adjoint pour lui exposer la situation. Certains élèves posaient detels problèmes de comportement que finalement le bon déroulement des

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enseignements ne pouvait plus être assuré. La recherche de solutionss’est concentrée autour de ces élèves-là, car chacun à sa manière inter-pellait l’ensemble des enseignants de la classe. Le principal adjoint s’estadressé à six adultes de l’établissement n’enseignant pas dans cette classe,pour constituer l’équipe des accompagnateurs. Ensuite, les critères dechoix se sont portés sur ce que l’on pourrait appeler le professionna-lisme de chacun et les qualités nécessaires pour dialoguer, échanger, etretisser une relation de confiance, individualisée. Le groupe des adultesvolontaires a réfléchi aux différentes procédures d’accompagnementpossibles. Le fait de ne s’appuyer sur aucune expérience antérieure agénéré quelque angoisse. Ce qui était sûr, c’était que ce ne serait ni del’accompagnement scolaire, ni du soutien psychologique puisque seulle dialogue devait alimenter ces rencontres. La relation avec les parentss’est mise en place après que la proposition d’accompagnement a étéfaite aux différents jeunes. Le principal adjoint a informé par téléphoneles familles sur les raisons et les objectifs de cet accompagnement.L’ensemble des parents a donné son accord de principe, une seule famillea souhaité nous rencontrer pour de plus amples renseignements. Enfin, uncourrier aux familles a officialisé la mise en route du projet.

Une liberté d’expression dynamisanteCes rencontres hebdomadaires se déroulaient au collège, dans un bureauou une salle de classe. Pour l’adulte, la première difficulté a été de faireémerger ches les jeunes les centres d’intérêt susceptibles de le mettre enconfiance et de libérer la parole. C’est ainsi que selon l’élève, il pouvaitêtre question de football, des sorties du dimanche, de la famille… Par cebiais, chaque adolescent a pu trouver ses marques avec son accompa-gnateur. L’activité s’est déroulée tout naturellement pour chacun de nous,entrecoupée de réunions de régulation entre les accompagnateurs et leprofesseur principal de la classe. Chacun y exprimait ses sentiments surl’évolution de l’accompagnement et du comportement de l’élève. Nouspouvions remarquer les progrès rapides de jeunes introvertis qui s’exté-riorisaient et participaient davantage à la vie du collège et de la classe.

La première année l’assiduité et la ponctualité des élèves se sont nette-ment améliorées. De même, s’ils ont tous éprouvé des difficultés, audébut, pour s’exprimer, prendre la parole, dès la troisième rencontrepour certains et la quatrième pour d’autres, ils ont réellement mis à pro-fit l’heure hebdomadaire qui leur était consacrée. À la fin du mois demai, le terme de l’année approchant, les différents couples accompa-gnateur/accompagné ont cessé leurs rencontres : seule une élève et sonaccompagnatrice ont souhaité continuer jusqu’à la fin du mois de juin, etmême au-delà puisqu’elles ont participé, pendant le mois de juillet, àl’opération « École ouverte » organisée par le collège en Aveyron. La pré-paration de la rentrée a permis l’envoi d’un bilan jugé positif par tous, eta posé la question de la modification de l’organisation du dispositif pourl’année scolaire à venir : ouverture à un nombre plus important d’élèves,recrutement d’accompagnateurs bénévoles.

Au début de l’année, l’intérêt de l’expérience et ses effets bénéfiquessur les enfants ont conduit vingt-cinq adultes à se porter volontaires :

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professeurs du collège, de la Section d’enseignement général et profes-sionnel adapté (SEGPA), conseillères principales d’éducation, surveillants,aides-éducateurs, infirmière, assistante sociale, documentaliste, person-nel d’intendance, conseillère d’orientation. Le recrutement des élèves aquelque peu différé de celui de l’année précédente. En effet, le principaladjoint a demandé à tous les professeurs principaux du collège et à ceuxde la SEGPA d’identifier les élèves posant certaines difficultés, dans lecadre des profils repérés l’année passée. Une fois les élèves repérés, leprincipal adjoint a réuni les accompagnateurs pour prendre connaissancedes élèves et aborder la constitution des binômes. Par la suite, les septaccompagnateurs de l’année précédente ont rencontré ceux de l’année encours, pour parler de leur expérience personnelle, sans omettre lesmoments forts, leurs doutes et leurs angoisses initiales. En janvier, leprincipal adjoint a planifié les rencontres entre chaque accompagnateuret élève accompagné, les a présentés l’un à l’autre, puis a laissé cettepremière rencontre se dérouler sans lui.

Peu de conclusions peuvent, pour l’instant, être tirées mais le premierconstat qui s’impose, est celui qui concerne l’organisation. En effet, lestemps de régulation qui se pratiquaient à sept, sont plus difficiles à mettreen œuvre pour les vingt-cinq accompagnateurs : le partage du vécu dechacun sur le déroulement de l’accompagnement, avec la présence desprofesseurs principaux des élèves concernés, est envisagé dans le cadred’une organisation différente. En effet cette année, les élèves accompa-gnés proviennent de tous les niveaux (de la sixième à la troisième), qu’ilssoient issus des classes de l’enseignement général ou de la SEGPA du col-lège. Aussi, les rencontres sont-elles organisées par niveau de classe.

La volonté d’installer l’accompagnement adulte-jeune dans la pratique del’établissement semble acquise.

Un cas parmi d’autresJ’avais demandé à travailler avec M… explique la conseillère princi-pale d’éducation, puisque je connaissais ses parents et sa sœur, qui posait,elle aussi, de gros problèmes. La situation familiale méritait égalementun minimum d’attention. Le père, d’origine étrangère, sans travail,s’adonne à la boisson et généralement les quatre filles assistent à desscènes de violence dont la mère, obèse et asthmatique, subit les consé-quences autant psychologiques que physiques. Pendant les entretiens,M… était très agitée, instable sur sa chaise, avait du mal à me regarderdans les yeux plus d’une ou deux minutes et ne parlait pas. Elle se conten-tait de répondre ou non à mes questions sur sa vie au collège, à la mai-son ou à l’extérieur. À l’issue du conseil de classe du premier trimestre,M… a reçu la sanction la plus lourde : double avertissement pour le tra-vail et le comportement. Après les vacances de Noël, le déclic que j’es-pérais s’est produit et elle s’est mise à parler, dirigeant elle-même nosentretiens hebdomadaires, et pendant une heure elle me racontait sesweek-ends, ses problèmes en classe, ses disputes… Bref, elle s’est miseà se raconter. La seule chose dont elle ne parlait jamais c’était des pro-blèmes de ses parents. Pour elle tout allait bien même si, de temps entemps, elle entendait sa mère dire qu’elle allait divorcer ou que je savais

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par l’éducatrice qui suit la famille depuis longtemps, qu’elle et ses sœursavaient fini la nuit à l’hôpital avec la mère, mettant un terme provisoireaux violences du père. Tout n’a pas toujours été simple avec M… puisqueau mois de février après lui avoir demandé plusieurs fois de se ranger, ellene m’a pas écoutée, s’est promenée dans le collège comme à son habitudeavant de monter en classe et, bien sûr, est arrivée en cours après l’heure.Je me suis mise alors très en colère et le principal, qui était présent, m’ademandé de convoquer les parents. Le père est donc reparti avec sa fille,exclue pour la matinée. Quand M… est revenue au collège, je lui ai parlétout de suite pour savoir si les choses s’étaient bien passées avec sonpère et comment elle avait vécu son exclusion. Elle a répondu que sonpère n’avait fait preuve d’aucune violence à son égard et qu’elle avaitcompris pourquoi elle avait été punie. Ainsi nos séances ont pu reprendreleur cours normalement, la mise au point s’étant avérée nécessaire.

Pendant toute la durée du second trimestre, j’ai essayé de faire prendreconscience à M… qu’elle avait une attitude en classe et dans les cou-loirs qui n’était pas acceptable. Je lui disais : « Quand tu es en classe tudevrais agir comme si tu te regardais dans un miroir et demande-toi si ceque tu fais est bien ou pas bien, si tu peux le faire en classe ou non. » Petità petit, les choses ont commencé à rentrer dans l’ordre sur le plan ducomportement tant et si bien, qu’à l’issue du second trimestre, l’aver-tissement pour le comportement a disparu. M… s’est ainsi trouvée dansde bonnes dispositions pour aborder le travail scolaire et elle a pu passeren cinquième à la fin de l’année.

« Au mois de juin alors que les autres élèves “accompagnés” avaientdéjà arrêté de voir leur accompagnateur, M… m’a demandé de la suivrejusqu’au dernier jour de l’année. Qui plus est, elle était quasiment laseule de sa classe à venir encore au collège. En juillet, j’ai eu en quelquesorte envie de récompenser M… d’avoir été aussi régulière à ses ren-dez-vous, de s’être parfois levée tôt pour venir me rencontrer et peut-être aussi parce qu’un certain attachement nous liait. Ainsi, je lui aiproposé de passer une semaine dans l’Aveyron dans le cadre du projet“École ouverte” dont j’étais accompagnatrice. Des ennuis de santé m’ontobligée à repartir dès le lendemain, j’en ai fait part à M… qui m’a envoyéplusieurs cartes postales pendant l’été. Mes vacances se sont achevées etM… m’a demandé de reprendre l’accompagnement avec elle. À sademande, j’assure toujours le suivi de M… »

Lieu d’accueil temporaire individualisé

Collège Cronenbourg, StrasbourgAcadémie de Strasbourg

Le Lieu d’accueil temporaire individualisé (LATI) du collège deCronenbourg, inscrit au projet d’établissement, fut le premier lieuouvert dans l’académie de Strasbourg pour lutter contre l’exclusiondes élèves en difficulté relationnelle. Il a été créé à l’initiative du

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principal, du conseiller principal d’éducation et de l’équipe ensei-gnante. Visant la réinsertion et une meilleure orientation, tout endemeurant un lieu de travail scolaire, le LATI se veut également lieude développement de la parole de l’élève, de l’échange avec ses pro-fesseurs et ses parents ainsi qu’une ouverture vers les services spécia-lisés le cas échéant. À partir d’un constat commun, il est possible demettre en place un système d’aides personnalisées.

Une vingtaine d’élèves sont très fréquemment exclus par l’ensemble desprofesseurs et d’autres élèves font apparaître un problème de relationplus personnel avec certains enseignants. La réflexion sur « commentrésoudre ces exclusions » est menée par une équipe volontaire. Il estalors décidé dans un premier temps de transformer le règlement inté-rieur en un règlement en quatre points intelligibles par tous. Pour sortird’une logique d’exclusion et aboutir à une logique d’intégration, il fautque quelqu’un accueille ces élèves, les calme et entreprenne un travail demédiation en y associant des partenaires. C’est alors qu’est né le LATI.

Comment ça marche?Installé à côté du bureau du principal, face à la bibliothèque des profes-seurs, mais loin des lieux d’enseignement, le LATI présente une dimen-sion répressive par l’isolement d’avec les élèves de la classe et laproximité de l’espace administratif. Cependant, la porte toujours ouvertepermet le contact spontané avec les professeurs qui reconnaissent l’élève,viennent voir son travail et discuter.

Les séjours au LATI sont adaptés à chaque cas. L’élève y est dirigé parle conseiller principal d’éducation à la demande de l’équipe pédago-gique ou d’un membre de l’administration. Il est accueilli pour un ouplusieurs cours par une coordonnatrice. Si les parents ne se présentent pas,l’accueil peut durer cinq jours ou plus. De même, après un absentéismenotoire, l’élève se réadapte aux horaires et au travail scolaire avant derejoindre sa classe.

Pour donner à l’élève la possibilité de se découvrir sujet, acteur réfléchi desa propre vie, le LATI lui offre un horaire plus large que celui de sa classe,autorise les entretiens, le travail scolaire et des exercices ludiques deconcentration. L’élève doit donc être présent de 8 h à 12 h et de 13 h 45 à16 h 30, même s’il n’a pas cours ou si un de ses professeurs est absent.

La présence des élèves est mentionnée dans un cahier de bord tenu parséquences avec mention du travail effectué, entretien… Les absencessont signalées au bureau de la Vie scolaire. Les notes prises lors desréunions y sont également reportées. Les rendez-vous de suivi et les ren-contres avec les professeurs, les parents, les partenaires sont inscritsdans un agenda et affichés en salle des professeurs. Ces derniers sont,de plus, individuellement avertis par un mot sur leur casier, ce qui n’ex-clut pas les contacts spontanés avec le personnel du LATI en salle des pro-fesseurs. Le classeur Vie scolaire avec l’emploi du temps des élèves,des professeurs, les adresses des élèves et les adresses utiles renseignentégalement les différents partenaires. Les nécessaires traces écrites des

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entretiens et les feuilles de suivi, qui permettent de revenir sur certainesquestions et de tracer un bilan personnel, sont conservées dans un dossiernon joint au dossier scolaire de l’élève.

Pour s’intégrer

La parole et le temps sont en effet les outils d’épanouissement utilisés auLATI. La coordonnatrice s’entretient au départ individuellement avecl’élève difficile : sa place dans la famille, ses loisirs, l’école, ses rela-tions, son orientation. Se déroulent ensuite la médiation élèves/professeurs,les entrevues avec les parents, avant le retour en cours et les entretiens desuivi qui maintiennent le contact. En général, un climat de confiances’installe entre l’élève et le LATI, celui qui est en difficulté intègrehoraires, travail scolaire et se plie aux règles de politesse.

Les contacts entre personnel du LATI, parents, partenaires et élèves sedéveloppent spontanément. Le groupe de Parole-Parents initié par leLATI s’est ouvert au collège entier puis au quartier, avec la participationde partenaires extérieurs (équipe de prévention du quartier, relais pédo-psychiatrique, associations…) et la coordonnatrice de la zone d’éduca-tion prioritaire. Ce groupe nommé désormais « Rencontres entre parents »compte un noyau actif soucieux de son développement qui demande lamise à disposition d’une salle pour les parents au collège.

Les professeurs qui envoient un élève au LATI en demeurent respon-sables et lui fournissent le travail scolaire en relation avec celui de saclasse. Ainsi, à la différence des classes-relais, l’élève n’est pas coupé desactivités de ses camarades et rejoint le groupe plus facilement. Certainsprofesseurs s’investissent jusqu’à venir y donner un enseignement à leurélève. Cela peut être leur enseignant ou un autre qui intervient, soit à lademande de la coordonnatrice, soit spontanément. L’élève profite enoutre de l’aide méthodologique individualisée d’une aide éducatrice et dela coordonnatrice. Le LATI est équipé du matériel scolaire indispen-sable: livres, fiches de travail, ordinateur. Le travail effectué est rendu auprofesseur concerné qui le corrige et le note.

Afin d’éviter la marginalisation, l’élève ne doit pas rester longtemps auLATI. Pour l’accompagner dans sa démarche de réintégration, il lui estdonné une feuille de suivi avec l’horaire de ses cours, le rappel du règle-ment en quatre points et les deux rendez-vous au LATI. Ce documentcontenant des renseignements relatifs au comportement et au travail,doit être rempli par les professeurs à chacun des cours.

Un lieu de parole

Le LATI s’associe à des partenaires internes et externes au collège pourtrouver des aides adaptées. Une réunion mensuelle réunit les partenairesinternes : principal, principal adjoint, directeur de Section d’enseigne-ment général et professionnel adapté (SEGPA), le conseiller principald’éducation, l’assistante sociale, l’infirmière, la conseillère d’orientation,l’aide-éducatrice, la coordonnatrice du LATI. Les cas sont étudiés unpar un. Une réunion trimestrielle élargie procède de manière identique

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avec les partenaires externes, à savoir l’équipe de prévention du quartier,le relais pédo-psychiatrique, le centre loisir jeunes (police de préven-tion), la Papothèque (association de quartier pour le développement de lacommunication dans les familles).

Attentives à leur sens de l’écoute et d’analyse, l’aide-éducatrice et lacoordinatrice, avec des professeurs et des partenaires extérieurs du LATI,ont participé aux stages de formation, à l’intérieur des établissements,« Travailler avec des élèves difficiles », animés par une psychanalysteformatrice. La coordonnatrice suit avec la même formatrice les ateliersEntraînement mental, et l’aide-éducatrice suit avec différents interve-nants de l’académie, la formation Équipe relais dans l’établissement.

Une enquête menée auprès des élèves, des professeurs et des partenaireschaque fin d’année sert à l’élaboration du bilan écrit, à la préparation del’année à venir. Sur les cinq années de fonctionnement du LATI, on peutconsidérer que 10 % des élèves de l’établissement ont été concernés. Lebureau de la Vie scolaire convoque les familles dès le premier renvoide cours et joue ainsi un rôle de prévention.

L’évaluation personnelle des élèves qui sont passés au LATI se mesureaux annotations des professeurs sur la feuille de suivi et au nombre de cesfeuilles. Si toutes les remarques sont positives à la fin de deux semainesde suivi, il est considéré que l’élève a compris et le suivi est arrêté. Dansle cas contraire, l’élève continue à venir au LATI avec des adaptations aucas par cas pour l’encourager et non le lasser. Il est possible d’inter-rompre le suivi « pour voir » et de le reprendre si l’élève ou les profes-seurs le décident, avec ou sans nouveau séjour LATI.

Le dialogue et la confiance qui s’instaurent généralement entre l’élève etses interlocuteurs sont difficilement quantifiables. Il s’agit plus d’unequestion de qualité de vie que nous évaluerons au cours des mois et desannées. « Le collège de Cronenbourg est un établissement où la parole cir-cule » mentionnait un formateur. Le LATI est un des lieux privilégiés decette parole qui s’est, dans les cinq dernières années, beaucoup déve-loppée dans les rapports entre élèves, professeurs, parents et partenairessur l’ensemble du collège.

Bien sûr, il n’y a pas de miracle et nous devons admettre nos limites,en effet les moyens ne sont pas toujours de notre ressort et les démarchesauprès des partenaires peuvent échouer.

Le LATI n’est pas transférable tel quel. Chaque équipe doit penser sapropre structure avec le soutien indispensable de son administration :preuve en est du nombre d’ouvertures de lieux d’accueil temporaire dansl’académie dans ces dernières années. Les séminaires Écoute et Médiationde Strasbourg et Mulhouse ont réservé un atelier aux « Lieux d’AccueilTemporaire ». Le LATI de Cronenbourg en fut la référence première,comme à Strasbourg pour l’atelier Parole-Parents. L’expérience des cinqannées à Cronenbourg a démontré que l’efficacité d’un tel lieu dépend de« l’épaisseur » humaine de la personne en charge du dispositif et exigel’engagement total de l’équipe administrative et éducative.

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Point-écoute

Collège Miramaris, MiramasAcadémie d’Aix-Marseille

La population de ce collège, situé à une cinquantaine de kilomètresde l’agglomération marseillaise, est issue en grande partie de l’immi-gration et largement touchée par le chômage. La gestion et la préven-tion des phénomènes de violence font partie des priorités du projetd’établissement. Diverses actions sont mises en place, en particulierl’ouverture d’un lieu d’accueil et d’écoute à la disposition des élèves,animé par une équipe d’adultes volontaires.

Le personnel de notre établissement est stable et travaille avec une grandeconnaissance du terrain. Chacun a compris depuis longtemps la nécessitéd’adapter ses méthodes pédagogiques et/ou éducatives aux difficultés sco-laires, mais aussi sociales, identitaires, relationnelles des élèves, afin deprendre en compte toutes les composantes des individus. Face aux phé-nomènes de violence et d’incivilité, les personnels ont ressenti le besoin demettre en œuvre une politique de prévention passant par l’apprentissage d’unsavoir-être, synonyme de citoyenneté et de responsabilisation.

Les objectifs des différentes actions menées au collège visent à prévenirles conduites à risques par le développement d’actions participativesd’éducation à la santé et à la citoyenneté, à diminuer les comportementsviolents en favorisant le dialogue et l’écoute, enfin à encadrer les élèvesen difficulté, notamment ceux qui sont sujets à l’absentéisme.

Accueillir et répondre

Un sondage réalisé auprès de 420 élèves a mis en lumière deux éléments:d’une part la nécessité d’une formation sur la sexualité, les toxicomanies,le SIDA…, d’autre part le besoin ressenti par les élèves d’être écoutés etde dialoguer avec les membres de la communauté scolaire. Cette analysea abouti à la création d’un Point-écoute dont la vocation première estl’accueil, par des adultes volontaires, d’élèves en vue de discussions sur desthèmes divers, d’explicitation de problèmes individuels ou collectifs.

Nous avons défini cette structure comme un « lieu, espace-temps convi-vial où des collégiens sont accueillis par un ou deux adultes, prêts à ani-mer un débat sur un sujet choisi par les élèves, et ce avec échangesd’informations à la demande et utilisation éventuelle de supports pouvantservir de points d’appui et faciliter la rencontre ». C’est d’ailleurs à ce titreque nous devrions le nommer non plus Point-écoute mais Point-rencontre. En effet, l’équipe a opté pour un mode de fonctionnement nes’appuyant pas sur la pratique d’une écoute au sens strict du terme, c’est-à-dire impliquant une relation duelle, strictement confidentielle, sansengagement ni implication de la part de l’écoutant. Cela nous paraît limi-tatif, sans véritable possibilité de dialoguer et d’informer. L’écoute, telleque nous la concevons, privilégie la relation d’aide, l’échange avec

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l’adulte au travers de discussions impulsées par les élèves et d’uneréflexion de groupe où chacun est partie prenante.

Le Point-écoute bénéficie au sein de l’établissement d’un local neutreloin des salles de cours, spécialement aménagé et convivial. C’est uneparenthèse dans le temps scolaire et un lieu d’accueil pour tous les col-légiens. Cependant, nous insistons sur le fait que le nombre de participantsdoit être limité afin de faciliter la prise de parole et l’expression de tous.Le pointage des passages est fait systématiquement par l’animateur.C’est à la fois un outil de contrôle de la circulation des élèves dans l’éta-blissement mais aussi un outil d’évaluation où sont consignés les nomsdes participants, leurs classes, les thèmes abordés. L’animation du Point-écoute est assurée par un ou des adultes volontaires, bénévoles, garantsdu lieu, de la discipline et des contenus. Ce sont, pour une partie, desmembres de l’équipe de prévention (infirmière, conseiller principal d’édu-cation, quelques enseignants) mais aussi, en fonction des années, laconseillère d’orientation-psychologue, l’assistante sociale. Ces person-nels ont bénéficié d’une formation sur la « Prévention des conduites àrisques », complétée par une action de formation négociée portant surla « Gestion de la violence et des conflits dans les établissements sco-laires».

Dans ce lieu privilégié pour aborder les préoccupations quotidiennes denombreux élèves (demande d’information sur la sexualité, la contra-ception ou sur l’expression d’un mal-être, l’incertitude face au devenir,à l’orientation, difficulté relationnelle dans et hors l’école…), l’adulte-animateur se heurte parfois à l’expression de sentiments violents, qu’il fautcanaliser et apaiser. Parfois, face à une situation conflictuelle, il joue lerôle de médiateur. En ce qui concerne l’échange d’informations, chaqueadulte se doit de connaître ses limites et d’orienter au mieux l’adoles-cent vers la personne ressource la plus apte à le renseigner. De plus, lePoint-écoute est équipé de multiples brochures informatives, du logicielSais-je?, de bandes dessinées, de livres éducatifs.

Malgré tous ces points positifs, le principal écueil est qu’il est parfoisdifficile de ne pas considérer ce lieu d’écoute convivial comme le foyerdes élèves. Le dialogue est quelquefois délicat à instaurer car certainsont des difficultés à verbaliser leur problème calmement ou à l’expri-mer. Parfois la gestion du groupe est périlleuse, car certains ont du malà adhérer au fonctionnement du lieu, ce qui peut entraîner des exclu-sions. Bien que la fréquentation de ce lieu soit un succès, il est regrettableque très peu d’élèves de SEGPA s’y rendent (pas de créneaux horairesdans leurs emplois du temps, peur de la prise de parole, timidité en pré-sence des autres élèves du collège).

L’accès y est libre, mais dans la mesure de la disponibilité des élèves etde celle du ou des animateurs. C’est là que réside le frein le plus impor-tant au bon fonctionnement de ce lieu. C’est ainsi qu’à certains momentsle Point-écoute n’a pu fonctionner qu’en pointillés et n’a pas pu répondrecomplètement à l’attente des élèves. L’adéquation entre les heures depermanence des élèves et la disponibilité des volontaires est très difficileà réaliser, cependant l’élaboration du prochain emploi du temps desprofesseurs volontaires et des classes tiendra compte de ces données.

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En effet, l’utilisation de l’informatique a optimisé les emplois du tempsdes élèves en diminuant les « trous » entre les cours. La mise en place,cette année, des heures de « Vie de l’établissement » va peut-être per-mettre de résoudre en partie ce problème: rien n’empêche les élèves deles employer pour se rendre au Point-écoute. Quant à l’arrivée des aides-éducateurs, elle va peut-être donner un second souffle à l’action. Eneffet, certains d’entre eux, intéressés par le projet, commencent à s’yimpliquer activement.

Profit collectifLes filles fréquentent deux fois plus le Point-écoute que les garçons: ont-elles plus de problèmes dans cette communauté dont plus de 60 % estd’origine maghrébine? Ce sont plutôt les élèves reconnus en difficultéou à risque, par la Vie scolaire, qui sont assidus, mais il est important denoter que les élèves de troisième qui n’ont pas d’heures creuses dansleurs emplois du temps participent malgré tout au Point-écoute dans desproportions presque identiques aux autres. Cela tend à démontrer quel’existence du Point-écoute est un adjuvant bénéfique au bon déroule-ment de la scolarité des élèves de l’établissement. Il peut permettre éga-lement de désamorcer des situations conflictuelles entre élèves ou desconflits de classe, d’exprimer un mal-être ponctuel : on s’y exprime avecconviction, parfois avec véhémence. Cela peut contribuer à canaliser unecertaine violence et éviter des passages à l’acte. Pour les tuteurs, c’estl’occasion d’aborder les élèves différemment, de mieux appréhender leursdifficultés autres que scolaires et d’avoir un contact privilégié avec eux.C’est aussi l’occasion de travailler en équipe pluricatégorielle et d’échan-ger des informations importantes sur les élèves, sur les objectifs et lesdémarches à mettre en œuvre pour que ce Point-écoute profite à tous.

Troisième partie – Tenir compte des singularités

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VERS UN AUTREENVIRONNEMENTÉDUCATIF

Quatrième partie

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Les parties précédentes montrent qu’il est possible d’inclure dans sonenseignement des dimensions de l’acte éducatif longtemps reléguéesaux confins de l’école. Ce faisant, les enseignants désamorcent, on l’a vu,les comportements de ruptures que certains jeunes adoptent à l’égard del’école et placent leurs élèves sur la voie de l’autonomie, de la respon-sabilité, de la civilité et de la connaissance. Ils les aident à renouer avecla réussite, à se réconcilier parfois avec eux-mêmes. Cependant, ces pra-tiques novatrices, cette façon différente de travailler avec les élèves n’estpas sans subvertir quelque peu l’organisation canonique des établissementsni bousculer les habitudes de travail des enseignants entre eux. À partird’extraits et de citations d’écrits rédigés par des équipes de terrain, ilest ainsi possible de mettre en lumière combien de transformations sontinitiées par les praticiens en action auprès de leurs élèves, comment cesenseignants réinterprètent la scène pédagogique et quelle force de pro-position à l’institution ils représentent.Dans cette partie, il s’agit davantage de regrouper les paroles des acteursautour de grands thèmes pour mieux confronter les pistes et les analysesqu’ils proposent. Lorsque les extraits choisis renvoient à des actions déjàprésentées, des notes permettent de s’y reporter.

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Réorganiser

Des jeunes pendant une heure dans une salle écoutent un professeur quienseigne une matière, nul doute : c’est un collège, un lycée. Pourtantpendant une partie de la semaine, le temps scolaire peut s’égrener autre-ment, les matières se rejoindre en dépassant les cloisonnements disci-plinaires. On peut créer, à côté des cours, des temps et des lieux inéditsqui, en retour, vont enrichir les « leçons » plus traditionnelles.

D’autres temps, d’autres lieux pour apprendre

Collège Jean-Baptiste-Clément, Paris XXe

Académie de Paris

Dans la première partie ont été présentés plusieurs exemples d’ateliersinterdisciplinaires 42. Les enseignants de ce collège nous font perce-voir tout l’intérêt de ce mode d’enseignement.

[…] Nous avons mis en place des ateliers en décloisonnant les quatreclasses de cinquième une fois par semaine, pendant une heure mise encommun pour les huit enseignants (sept professeurs et la documenta-liste) engagés dans l’action. Nous avons choisi de travailler sur deuxans en sept ateliers différents : mathématiques/arts plastiques, enseigne-ment physique et sportif/jeu de rôles, pratique théâtrale, image filmique,technologie, tutorat, lecture de documents. Les élèves participent en uneannée à trois ateliers différents ; nous nous sommes fondés sur le décou-page trimestriel, pour ne pas rajouter une nouvelle organisation du temps,justement peu maîtrisée par les élèves. Finalement après réflexion, nousn’avons pas laissé le choix aux élèves, nous les affectons en fonction deleur sexe (mixité des ateliers), de leur caractère, de leurs difficultés etde leurs réussites… L’atelier aide les élèves à se repérer dans le collègeet à être plus autonomes. Chacun se retrouve dans un espace nouveauavec des camarades autres que ceux de sa classe […] Mais c’est surtout un temps privilégié pour apprendre. Dans l’ateliertechnologie, dès les premières séances, les élèves ont été confrontés àdes difficultés liées à une ignorance complète des unités de mesure etdes règles de conversion usuelles. Peu à peu, ils ont commencé à perce-voir le principe des représentations en deux dimensions. L’usage de l’ou-til informatique est intéressant dans la mesure où l’élève confronte sontravail à celui de la machine : déception pour certains qui croyaientqu’elle faisait tout, soulagement pour d’autres ; ceux-là ont compris quele travail était d’abord fait par l’être humain et que la machine ne fai-sait qu’exécuter des consignes bien précises.

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42. Voir pages 19, 23 et 32.

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Dans l’atelier arts plastiques et mathématiques, les deux professeursmontrent aux élèves l’importance de la logique et de la géométrie dansdes réalisations où la beauté est la finalité. Ils montrent aussi qu’il faut êtresavant pour être artiste et que l’artiste est un sujet connaissant… Le travailet l’apprentissage sont donc ce qui supporte la création. Lors de la réali-sation d’un mobile, des questions se posent : comment créer des illu-sions de relief, de profondeur et de mouvement ? Les élèves sontimpressionnés par la simplicité des procédés provoquant des illusionsoptiques. Du premier brouillon à l’exécution de l’œuvre, les élèves tourà tour s’étonnent, étudient, découvrent la mathématisation de l’art.L’exposition du mobile a permis aux élèves à la fois de présenter leurœuvre et d’en décrire l’exécution. Découvrir cet espace de création aucollège a permis à certains de porter un autre regard sur leur travail, d’endécouvrir la dignité. Ils peuvent alors s’approprier la modeste copiescolaire, à la fois trace et étape d’un apprentissage…

Ces ateliers ne viennent pas en concurrence du cours mais plutôt leconforte, ils renouvellent le désir d’apprendre des élèves en concréti-sant leur savoir par la construction d’objets, de maquettes ou la consti-tution de dossier. Chaque élève perçoit très vite que l’atelier peut êtrele lieu d’une création, au double sens de l’acte et de l’œuvre, par oppo-sition à la copie scolaire (consommée sitôt notée) attendue de lui. Il ne serapas noté comme une copie, certes, mais la réalisation peut être montrée.

Le passage constant du concret à l’abstrait, par exemple dans les ate-liers mathématiques, arts plastiques et technologie, permet à l’élève des’approprier des codes et de retrouver du sens aux disciplines. La créa-tion pour certains élèves représente un domaine où ils peuvent donner uneautre image d’eux-mêmes et ainsi reprendre confiance en eux.

Les élèves ont une autre perception des enseignants. Ils connaissent mieuxleur professeur et lui portent un autre regard. Paradoxalement cet autreregard sur le professeur conforte ce dernier comme autorité de référence,il demeure celui qui sait et qui transmet. Il guide le groupe pour réalisersa recherche ou pour éclairer sa propre parole. Les élèves se sentent plusencadrés par les enseignants qui, au sein des ateliers ou des classes par desapproches diverses, peuvent leur donner un savoir qu’ils ne possèdentpas. Ils découvrent aussi leurs camarades et modifient leurs relations.

Si la complémentarité avec les cours est probante, il nous paraît évidentque la généralisation des ateliers à la place des cours, aboutirait à deseffets destructeurs tels que morcellement des espaces, émiettement dusens, éparpillement des connaissances. Ceux-ci doivent rester à la péri-phérie, les cours restant au centre du système scolaire […].

Collège Édouard-Manet, MarseilleAcadémie d’Aix-Marseille

Dans ce collège, les enseignants se sont portés volontaires pour réflé-chir aux modalités de fonctionnement d’une nouvelle organisation dela semaine qui permet, sans toucher au volume des heures d’ensei-gnement dues, une nouvelle répartition du temps d’enseignement et

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une prise en charge éducative (deux cents heures/année) pour desélèves en grande difficulté.

[…] Chaque classe dispose de deux après-midi libérées pour la mise enplace des activités éducatives. Pour mener à bien ce projet, une struc-ture de centre de loisirs sans hébergement a été montée au sein du collège.Les enseignements ont été ainsi majoritairement concentrés sur les mati-nées à des moments de plus forte vigilance des élèves, tandis que lesactivités les inscrivent dans une dynamique de réussite.Le projet a permis d’améliorer la relation avec les élèves à la fois parun regard croisé de différents adultes sur l’enfant et par une modificationdes représentations entre enseignants et enseignés s’inscrivant dans uneréciprocité positive… Dans ce projet, des réunions de travail entre pro-fesseurs, animateurs, professeurs/animateurs et équipes de direction per-mettent de préciser les tâches des uns et des autres et de les inscrire encomplémentarité et non en substitution. Les quelques obstacles rencon-trés ont tenu à la crainte que certains avaient qu’il y ait confusion desrôles, voire transfert de compétences. Il apparaît que pour qu’il y ait unevéritable continuité entre les cours et les activités éducatives les temps deconcertation sont indispensables […].

Collège Gustave-Flaubert, Paris XIIIeAcadémie de Paris

Ici43 l’heure du déjeuner devient un nouvel espace pour apprendre ! Leconseiller principal d’éducation a décelé qu’un grand nombre de diffi-cultés qu’il rencontrait étaient liées à une pause méridienne trop longue.Comment canaliser les élèves et faire de la prévention contre la vio-lence ? Savoir-faire et intuition lui ont permis de mettre en place uncertain nombre d’activités pour occuper les demi-pensionnaires pen-dant cette pause et faire de l’établissement un lieu de vie où les élèves ontpu, dans un cadre réglementaire défini, développer une vie collectiveet participative plus importante.

[…] Les activités fonctionnent tous les jours ouvrables du collège. Elles ontlieu dans différents endroits: salles de classe, gymnase, jardin, etc. Le col-lège est alors occupé autrement et les élèves circulent librement dans l’éta-blissement, les maîtres de demi-pension effectuant une surveillance globale.Dans les différents lieux d’activité, chaque animateur vérifie la présence desinscrits. Les activités se mettent en route sous sa surveillance mais avec unerelative autonomie des élèves. Elles se terminent cinq minutes avant lasonnerie de reprise des cours de l’après-midi. Toutes les activités sont àdominante éducative mais certaines ont pour objectifs la détente, le plai-sir, d’autres favorisent l’entraide, la solidarité, le civisme, la responsabilité,d’autres enfin sont davantage axées sur l’aide aux apprentissages (soutienscolaire, tutorat), sur l’approfondissement ou l’accès aux connaissancespar d’autres moyens que la classe. Ainsi sont organisés des clubs (théâtre,jeu d’échecs, jardinage, musique, jeux de rôle, chorale, atelier d’architec-ture, photo), des activités sportives (basket, badminton, tennis de table,

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43. Voir page 82.

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judo), des actions de remise en selle (tutorat, « canal maths », aide auxdevoirs). L’adhésion à l’une ou plusieurs de ces activités procède d’unedémarche volontaire de l’élève-acteur […].Les enseignants-intervenants ont une meilleure connaissance, une autrevision des élèves que celles qu’ils peuvent avoir dans la relation ensei-gnants-enseignés traditionnelle. Les jeunes de leur côté vivent des situa-tions éducatives nouvelles: démarche individuelle, autonome et volontairede s’inscrire à une activité, programmation réfléchie de cette activitédans leur emploi du temps quotidien, appropriation de l’animation decertaines activités… En même temps la solidarité entre élèves se déve-loppe, des liens plus étroits se créent entre les participants à une acti-vité, à la notion de classe se superpose la notion de groupe réuni par desintérêts communs (exemple : le club théâtre) et enfin, le respect entreclasses d’âge s’instaure (exemple : le tutorat).Dans l’établissement la définition des fonctions se modifie. Les sur-veillants ne sont plus confinés dans une tâche de surveillance ou derépression mais participent à la formation en faisant profiter les élèves deleurs compétences ; ainsi le contenu du travail du conseiller principald’éducation se transforme.Nous voudrions établir plus nettement des liens entre les activités de cettepause et les activités scolaires, trouver des moyens de valoriser les réussitesdes élèves, fédérer les finalités des différentes activités autour de quelquespôles pour donner plus de cohérence à l’ensemble de l’action. Il seraitsouhaitable de mettre en place d’autres activités (projet d’un journal) impli-quant de nouvelles catégories de personnel comme les emplois-jeunes.

Des groupes pour gérer l’hétérogénéité

Collège Victor-Hugo, HarnesAcadémie de Lille

Les enseignants de cet établissement 44 se sont interrogés sur la façonla plus fructueuse de gérer l’hétérogénéité des élèves. En partant de cesprémisses, les enseignants organisent à côté des cours des temps d’en-seignement différents. Ainsi un même élève se trouve-t-il en mêmetemps dans des structures hétérogène et homogène: cela nécessite uneforte coopération entre les enseignants.

[…] Les élèves, individus singuliers, sont groupés par ensemble de vingtà trente : les classes. Selon quels critères les constituer? Pour les uns, ilfaut les regrouper par niveaux: le professeur, ayant devant lui des élèvessemblables, peut répondre aux besoins de tous. Mais que faire de ceuxqui réussissent le moins? Et peut-on penser qu’un assez bon élève quidevient le plus mauvais d’une bonne classe a de la chance de se trouver là?D’autres pensent qu’il faut mélanger tout le monde. Mais alors, le niveauest tellement dispersé que restent deux choix: s’adresser aux meilleurs et

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44. Voir page 57.

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semer les autres ou s’adresser aux plus faibles et ennuyer les autres. Ouencore le professeur, s’adressant à tous, ne s’adresse plus à personne. Et lapédagogie différenciée ? C’est en effet la solution, mais vingt-cinq ouvingt-sept pédagogies différenciées dans un même groupe, qui y croit vrai-ment? Une solution exclusive n’est sans doute pas la bonne voie. […] […] Dans chaque niveau, les élèves sont groupés en petites unités d’unedizaine de même profil scolaire : les modules constitués sur la base d’unerelative identité de forces ou de besoins scolaires ; dont la compositionreste stable toute l’année. Les classes regroupent un, deux ou trois modulesde niveaux différents. Le temps scolaire est réparti en trois périodes : letemps en classe qui correspond à vingt-cinq à trente pour cent du tempsscolaire; le temps en groupes à effectifs allégés où, dans les disciplines oùil faut manipuler (sciences physiques, sciences de la vie et de la terre,technologie), les élèves se trouvent dans des structures moins nombreuses.Les groupes sont égaux et formés de deux modules d’origines diverses,l’hétérogénéité est donc la règle. Cette organisation correspond à vingt-cinq pour cent du temps scolaire. Enfin, il y a le temps en groupe debesoin pédagogique de taille inégale (trois, deux ou même un seul module)car leur but n’est pas l’allégement en soi mais l’homogénéité des besoins.Cette organisation est prévue en mathématique, en français, en premièrelangue vivante et, dans le cycle d’orientation, en histoire-géographie. Ellecorrespond à trente-cinq pour cent du temps scolaire.Ces formes différenciées de décloisonnement préservent un cadre péda-gogique et social stable pour l’élève et augmentent sensiblement lestemps d’enseignement en groupe restreint. Les professeurs des disci-plines concernées participent à un test commun rendu anonyme parniveau. L’objet de cette évaluation est double : suivre le positionnementobjectif des élèves pour former les modules et préserver des exigencesminimales dans une organisation éclatée.Bien que concernant l’ensemble de l’établissement et imposant descontraintes d’organisation, la structure modulaire permet néanmoins laréalisation de projets particuliers comme la constitution d’une quatrièmede suivi qui regroupe deux modules. Les élèves de cette classe adhèrentpar contrat à une politique pédagogique et éducative spécifique mise aupoint par une équipe éducative volontaire regroupant personnels de direc-tion et de la vie scolaire et bien sûr enseignants.Cette organisation n’exclut pas non plus la prise d’initiatives pédago-giques disciplinaires ou interdisciplinaires, par exemple en français larédaction d’un livre accompagné par un auteur professionnel de l’écriture,ou en mathématique la construction d’une encyclopédie hypertexte degéométrie plane ou encore en sciences et vie de la terre, la réalisationd’un document hypermédia sur les maladies, encadrée par des ensei-gnants de différentes disciplines et par un professionnel de la santé.La constitution des emplois du temps est un vrai casse-tête. Seul lerecours à un logiciel spécialisé de gestion d’emplois du temps a permisde résoudre le problème, résoudre ne signifiant pas réalisation d’uneorganisation harmonieuse, satisfaisante pour tous et définitive. Ainsi,pour limiter les demi-heures ou les heures où les élèves n’ont pas cours,les fameux « trous », il fut décidé d’augmenter le nombre de séancesd’une heure et demie. Après expérimentation, cette durée s’est révélée trop

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longue pour de nombreux élèves, en particulier les plus jeunes, et péda-gogiquement inefficace. Des séances de cours plus courtes ont donc étéprogressivement reprogrammées.

Cette organisation et la volonté des chefs d’établissement ont favorisé lacoopération entre enseignants. En effet, l’implication dans le projet anécessité la réalisation de tests communs et la mise en accord des ensei-gnants sur des objectifs pédagogiques et sur des modalités d’évaluation. Lesconceptions sur l’enseignement des uns et des autres ont dû s’exprimer etles débats furent parfois vifs et sources de tensions. Certains professeurs quise trouvaient face à des groupes importants (assemblage de trois modules,soit une trentaine d’élèves, parfois plus) ont revendiqué la possibilité d’en-seigner à des effectifs moins importants. Une redistribution des moyens apermis de les satisfaire mais, en contrepartie, ils ont dû s’engager dans unprocessus d’évaluation commune à tous les élèves […].

Collège Wolf, MulhouseAcadémie de Strasbourg

Beaucoup d’élèves en très grande difficulté de ce collège 45 en côtoientd’autres qui obtiennent de bons résultats scolaires. Des groupes desoutien et des groupes d’approfondissement en mathématiques ont étémis en place.

[…] Le groupe de soutien réunit une heure par semaine les élèves quiéprouvent de réelles difficultés dans la matière, avec le professeur de laclasse. Ce dernier a pu, à partir de différents indicateurs, établir un dia-gnostic des difficultés rencontrées. L’objectif est de faire acquérir auxélèves les compétences exigées par les programmes officiels. Le professeurest le plus apte à venir individuellement en aide à ses élèves en difficultéqui reprennent confiance en eux, car ils sont mis en situation de réussite leplus souvent possible. Leur comportement évolue souvent de façon favo-rable. L’élève lent a enfin le temps de maîtriser un savoir-faire. La possi-bilité de changer de groupe est également un bon stimulant pour certains.Le groupe d’approfondissement permet aux plus à l’aise dans la disci-pline d’aller plus loin avec un professeur supplémentaire extérieur à laclasse. Ils travaillent sur une notion antérieure à celle de la progressionen cours, mais à un niveau de recherche et de réflexion plus élevé. L’heured’approfondissement oblige ceux qui ont des acquis solides à utiliser et àréinvestir leurs connaissances dans différentes situations-problèmes. Ilrésulte de la confrontation avec des élèves d’autres classes une saine ému-lation. La plupart sont en général très motivés et soucieux de bien faire.

Les groupes de niveau durent toute l’année scolaire et font partie de l’em-ploi du temps de tous les élèves et des professeurs de mathématiques.L’organisation est différente selon les niveaux. Pour les six divisions desixième, l’heure de groupe de niveau est dans l’emploi du temps. Troisenseignants interviennent pour deux classes. Dans chaque classe un groupede soutien est constitué et pris en charge par l’enseignant de cette classe, le

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45. Voir page 55.

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groupe d’approfondissement constitué des élèves des deux classes « à l’aiseen mathématiques » est, quant à lui, pris en charge par un autre enseignant.En cinquième et en quatrième, chaque classe est dédoublée une heurepar semaine. Le professeur de la classe gère lui-même le soutien et l’ap-profondissement, une étroite collaboration entre les professeurs est cepen-dant toujours de mise, ainsi qu’une progression commune.Au début de l’année, la répartition dans chacun des deux groupes se faità l’aide des différents indicateurs mis à la disposition des enseignants :évaluation nationale à l’entrée en sixième, livret scolaire, bulletins del’année précédente…Toutes les six semaines, en fonction de la réussite ou non aux devoirs, desajustements sont effectués. Les groupes de niveau offrent une certaine per-méabilité. Des devoirs alignés sont proposés en fin de chaque trimestre.En soutien, le professeur teste à nouveau les élèves sur une notion nonacquise auparavant, mais qui semble l’être à ce moment-là.Une progression commune est donc nécessaire, cela est rendu possible pardes concertations régulières et fréquentes surtout en début d’année. Le pro-fesseur supplémentaire, chargé de l’heure d’approfondissement avec desélèves provenant de deux classes différentes, peut ainsi s’intégrer trèsnaturellement en tant qu’enseignant du groupe. Il n’y a donc pas deconflits entre les diverses méthodes de chacun des professeurs. En mêmetemps, l’équipe des professeurs essaie d’améliorer ses tactiques péda-gogiques, en habituant l’élève à travailler avec des supports multiples :logiciels informatiques, jeux de constructions, documents […].

Des lieux spécifiques

Organiser différemment les activités dans l’établissement, c’est aussiproposer des lieux où les élèves se sentent chez eux et deviennent plusresponsables par rapport à leur scolarité. Les deux actions dont nousproposons des extraits de récits ont la même finalité mais ne s’adressentpas aux mêmes élèves. Dans un cas, il s’agit « d’une classe à soi » pourles sixièmes ; dans l’autres, ce sont des locaux spécifiques pour les élèvesen risque d’exclusion.

Collège Charlemagne, LaonAcadémie de d’Amiens

Les classes de sixième sont localisées dans un mini-collège où chacunea sa salle pour limiter les déplacements, pour éviter agitations et agres-sions, pour diminuer la charge du cartable, pour responsabiliser lesélèves par rapport à leur environnement quotidien. À partir d’une nou-velle organisation de la salle de classe, une approche plus collective dela pédagogie se dessine au bénéfice des élèves.[…] L’expérimentation porte sur un ensemble de trois salles de classesattribuées à trois des neufs divisions de sixième du collège, les élèvesde ces classes alimentant le groupe de consolidation. Le but de cetteopération est avant tout d’éviter, à l’intérieur du collège, trop de dépla-

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cements pour diminuer les risques de bousculades, d’énervement maisaussi de responsabiliser les élèves dans le cadre de vie nouveau qui leurest donné. Chaque division de sixième concernée dispose d’une salle àl’année réservée le matin pour les enseignements dits généraux (mathé-matiques, français, histoire-géographie, langue vivante). Les déplace-ments des élèves ne se font que vers les salles spécialisées (sciences dela vie et de la terre, technologie, musique, dessin). Ils sont donc limitéset ont lieu en priorité l’après-midi. La mise en place de ce projet néces-site une organisation particulière au moment de la mise en place desemplois du temps, avant la rentrée, par le principal adjoint du collège.

Pour ces classes, un programme intitulé Méthodologie, suivi et orientation(MSO) est mis en œuvre. Il personnalise le suivi et l’acquisition desméthodes tout en impliquant les familles. Les parents, en effet, sont misau courant au moment de la réunion du début d’année par le professeurprincipal de la classe de leur enfant. Des réunions régulières de l’équipeet des échanges avec les élèves permettent de faire le point et de repérerles aspects positifs et les aspects négatifs de cette expérimentation.

Cette organisation donne satisfaction aussi bien aux élèves qu’aux pro-fesseurs. La salle fixe constitue donc pour les élèves leur lieu de viepropre qui établit aussi une continuité avec l’enseignement élémentaire.Une armoire supplémentaire a été installée pour permettre de stockerdu matériel leur appartenant en attendant l’installation de casiers. Lesprofesseurs principaux sont unanimes pour décrire les avantages de cetteorganisation. La grande majorité des jeunes se sent sécurisée. L’intégrationau collège est ainsi facilitée.

Les mouvements dans les couloirs sont limités entraînant moins de bous-culades ou d’agressions verbales. Les élèves ne se perdent pas et n’arri-vent pas en retard au cours suivant. Ils se sentent privilégiés de posséderune salle et surtout d’avoir « l’honneur » d’accueillir leurs professeurs.Ils se sentent donc valorisés. Un autre avantage signalé par tous: le trans-port de salle en salle du cartable, toujours trop lourd, est évité. Les élèvespeuvent, s’ils le désirent, laisser certains livres et cahiers dans la deuxièmearmoire. Un professeur peut même demander à un élève de laisser sonmatériel, si ce dernier se montre trop oublieux. Ce système permet ausside limiter les vols ou dégradations de livres et de fournitures scolaires.

Un autre apport, non négligeable, est le gain de temps pour la durée descours: moins de répétitions de déballage des affaires personnelles, moinsde demandes aussi pour le retour au calme. On constate l’action léni-fiante d’une espèce de chez soi et d’une approche concrète du respectdu cadre de vie et des locaux. Un élève dit : « C’est notre salle, donc onrespecte, c’est comme à la maison, on n’écrit pas sur les tables, et on nemet pas de papiers par terre ! »

Collège Jacques-Twinger, StrasbourgAcadémie de Strasbourg

Plusieurs collèges ont imaginé un lieu pour prendre en charge certainsélèves. Il suffit parfois qu’un ou deux élèves dérangent un cours pourque l’enseignant ne puisse mener à bien son action. Au collège

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Cronenbourg à Strasbourg46, a été installé un Lieu d’accueil temporaireindividualisé (LATI); au collège Jacques-Twinger, dans la même aca-démie, il s’agit d’une Permanence d’accueil concerté temporaire édu-catif (PACTE), ouverte pendant les horaires normaux des cours et de13 h 00 à 13 h 30, afin d’accueillir les élèves sans rendez-vous.

[…] C’est un lieu accueillant, calme, au sein même du collège mais loinde l’agitation des salles de classes. Il est équipé de manière à favoriser letravail scolaire : tables, chaises, manuels scolaires et fournitures diverses.Il accueille des élèves à plein temps, son espace est donc aménagé afinde permettre une alternance d’activités éducatives, proprement scolaires,et d’activités plus ludiques (expression artistique, par exemple), ponctuéespar de véritables temps de détente (revues, livres à disposition, dans unespace de la salle spécialement équipé pour cela). À cette salle est annexéun petit bureau, qui permet aux permanents de recevoir les élèves, lesparents ou les enseignants en entretien individuel, en toute discrétion.Il est équipé d’un ordinateur utile à l’élaboration des documents relatifsà la structure : fiches de suivi des élèves, comptes rendus des réunions,courriers, synthèse de recherches documentaires, tout document néces-saire à l’évaluation concrète de notre action.Deux aides-éducateurs ont été embauchés pour s’occuper à temps plein dela structure. Ils prennent en charge l’accueil des élèves, le suivi des acti-vités scolaires, l’animation des ateliers divers et des groupes de discussion,les entretiens avec les élèves, les contacts avec les parents. Ils sont membrespermanents du groupe de pilotage composé par : le principal, le principaladjoint, le conseiller principal d’éducation, les aides-éducateurs (perma-nents du PACTE), l’assistante sociale scolaire, la coordinatrice, deuxenseignants, un surveillant, un parent d’élève. Cette équipe est représen-tative des personnes impliquées dans la vie du collège. Elle a pour missionde superviser et d’évaluer le dispositif. Elle veille au respect des objectifsconvenus, des procédures et méthodes choisies, dans l’intérêt de tous.A priori, tous les enseignants ont vocation à intervenir. Un système derotation des différents intervenants, matière par matière, est organisé.Le fait que les enseignants participent aussi activement les amènera àélaborer de nouvelles méthodes de travail, adaptées aux élèves en situa-tion de rupture scolaire. Les élèves, eux, ne pourront que se sentir sou-tenus et aidés par une démarche collective, qui valorisera à leurs yeux unevie et une communauté scolaires avec lesquelles ils étaient en froid.À partir de ce lieu, un lien étroit se développe entre l’éducatif et le péda-gogique qui se manifeste tant lors de l’admission de l’élève que dansles activités qui lui sont proposées. Ainsi aucun élève ne peut être admisau sein de la classe-relais sans une réunion de concertation en vue deson admission. Cela exclut d’office toute procédure d’urgence, le tempsnécessaire pour réunir les intervenants et pour réfléchir au cas de l’élèveimposant un délai d’au moins une journée. Les participants à cette réunionsont : le conseiller principal d’éducation (présence obligatoire), le profes-seur principal de l’élève concerné.

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46. Voir page 153.

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Décloisonner

Ce qui frappe surtout à la lecture des récits d’action, c’est l’évolutiondes pratiques : les enseignants ne sont plus isolés, les occasions d’un tra-vail collectif se multiplient et se diversifient.

L’interdisciplinarité

Travailler ensemble, c’est souvent convoquer différentes disciplines surun thème commun. Plusieurs actions présentées dans la première par-tie 47 relatent ce type de travail. Les trois témoignages suivants rendentcompte de l’intérêt de cette démarche.

Collège Claude-Debussy, Aulnay-sous-BoisAcadémie de Créteil

Les emplois du temps de deux classes de sixième sont alignés l’après-midi afin de permettre un travail pluridisciplinaire. Les enseignantsdécrivent les différentes stratégies pédagogiques et témoignent de larichesse du travail en commun.

[…] La réalisation par les élèves, en classe ou à la maison mais dans untemps harmonisé, de travaux de disciplines différentes avec un supportcommun, sanctionnés par des évaluations faites en commun est l’axecentral de notre action. En effet, la violence de certains élèves noussemble être, entre autres choses, l’expression d’une perte du sens del’école, expression qui se radicalise à mesure que la déscolarisation s’ac-centue. La réalisation de séquences communes et croisées renforce lalégitimité des objectifs et des évaluations et sécurise des élèves fragiles,leur donnant l’occasion de travailler un même sujet sous plusieurs angles.En plus d’espérer des élèves plus sereins, le travail interdisciplinairenous donne la satisfaction du travail personnel, soutenu, critiqué, améliorépar le regard de l’autre. Nous voilà nous aussi affermis dans notredémarche pédagogique, plus sereins nous aussi.

Les arts plastiques et l’éducation civique ont cheminé ensemble le tempsd’un projet interdisciplinaire portant sur les droits de l’homme. Quelquesarticles de la Déclaration des droits de l’homme sont choisis et étudiésavec les élèves. Ils donnent lieu à un travail de réécriture d’un articledans le contexte collège. Les élèves familiarisés avec les idées déve-loppées par les articles qu’ils ont réécrits se lancent dans l’expressiongraphique de ces mêmes idées. La réalisation des travaux est faite sur

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47. Voir notamment les pages 17, 19, 23, 28 et 32.

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panneaux à la peinture acrylique. Douze panneaux sont réalisés (six parclasse). L’ensemble est exposé dans le hall des élèves.

En français et en éducation physique et sportive (EPS), les élèves créentune chorégraphie en mimant des adjectifs qualificatifs utilisés dans lespoèmes qu’ils ont produits. Le travail d’expression corporelle (occupationde l’espace, changements de rythme, expression de sentiment) se construitau fil des séances d’EPS tandis qu’en français s’élabore la rédaction despoèmes. Chaque poème donne finalement lieu à une double auto-évaluation(critères EPS et français pris en compte) durant le cours de français, tandisque les mimes sont évalués par le professeur d’EPS, qui remarque une réus-site générale des objectifs fixés, marquant une forte implication des élèves.

La réalisation de séquences mathématiques/histoire et géographie a étéassez facile, avec des objectifs propres à chaque discipline mais aussicommuns comme le repérage spatio-temporel. Par exemple, le chapitresur les nombres relatifs, introduits généralement en fin d’année en mathé-matiques, a été avancé au mois d’octobre pour correspondre aux exigencesde l’histoire travaillant au même moment sur la chronologie. Par ailleurs,les nombres égyptiens ont été abordés dans le cadre d’un cours sur lesnombres. Les constructions de figures géométriques complexes ont portésur des monuments parisiens. Des cartes de Paris, de New York, du Caire,d’Athènes au Ve siècle avant Jésus-Christ ou d’Alexandrie, ont permis devoir les notions d’échelle et de repérage dans le plan. Des schémas simplifiésdu masque dit d’Agamemnon, du Parthénon d’Athènes ou du phared’Alexandrie ont permis d’introduire la notion de symétrie. Ces séquencesde mathématiques, choisissant des objets historiques ou géographiques,se déroulent en écho des séquences parallèles de ces matières.

Deux professeurs de français, tout en gardant une autonomie dans des pro-gressions communes aux deux classes, ont pris l’habitude de mettre enœuvre des projets communs et des projets destinés au regard ou à la lecturede l’autre classe. Il s’agit de faire travailler le plus possible les deux classesen écho afin de répondre à l’un des objectifs principaux de l’année: favo-riser la communication. De petits textes théâtraux ont été réalisés par uneclasse de sixième puis joués devant l’autre classe. Des séquences sur lescontes (écriture, réécriture ou parodie d’un conte) se terminent par la lec-ture mutuelle des productions de chaque classe.

Deux professeurs de mathématiques ont pratiqué l’échange d’élèves enconstituant des groupes de travail et en pratiquant l’intervention simul-tanée. Le mélange d’élèves (pratiqué également en EPS), en cassant legroupe classe, crée des groupes de travail inédits à l’existence parfoisunique, des groupes plus dynamiques. L’intervention de deux profes-seurs différents peut infléchir la trop grande spécialisation des élèvesaux méthodes ou aux marottes d’un seul. L’aide d’un polytechnicien,présent dans le cadre de son service national, a permis à trois adultes deconstruire trois groupes de niveau. La constitution d’un groupe faible aprovoqué une démotivation des élèves concernés. Des groupes ont étéensuite reconstruits soit par ordre alphabétique, soit par hasard, soit paraffinité. La co-intervention s’est révélée très riche. Le double discours estpresque simultané. Certains élèves réagissent différemment aux expli-cations données de manière distincte. Ceux qui comprennent mieux l’un

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que l’autre bénéficient de cette double intervention. La première séancea été brouillonne. Aucun des deux professeurs n’osait empiéter sur ledomaine de l’autre. Dans le grand groupe, les hésitations sur les prises deparole provoquaient des retards quant à l’exercice de l’autorité. Le seuilsonore tolérable a souvent été dépassé, aucun des enseignants n’osantréagir. Chacun n’a trouvé sa place qu’à la deuxième séance lorsque la gênede se trouver sous le regard de l’autre avait disparu. L’expérience s’estalors révélée pleinement efficace. […]

Une expérience enrichissante« […] Ouvrir la porte de ma salle à la compétence de mes collègues mesoutient et me donne l’impression d’un travail mieux fait. En quatre ansd’expérience professionnelle, c’est la première fois qu’à Noël, j’ai devantmoi des élèves de sixième aussi tôt “en place”, ils sont paisibles, enconfiance. Peu avant les vacances de Noël, fatiguée, je remarque que j’as-pire aux heures partagées avec ces deux classes qui sont les plus calmes.Les élèves prennent la relève, ils ont compris comment cela marchait :ils travaillent sur New York, cette semaine là, en maths, en éducationmusicale, en français et en géographie. Il m’a semblé pouvoir disposer trèsrapidement de groupes de travail qui savaient se prendre en charge »explique le professeur d’histoire et de géographie des deux classes.

« Sur une période d’un trimestre et demi, dans le cadre du travail réaliséavec le professeur d’éducation civique, l’entrée en classe des élèves desixième C et de sixième D dans la salle d’arts plastiques est pour moisynonyme d’interdisciplinarité. Le dialogue est ouvert et les élèves dis-cutent des droits de l’homme tout en cherchant les formes pouvant illus-trer leurs idées. Lors de chaque étape dans la réalisation des douzepanneaux, j’ai noté une autonomie remarquable de ces élèves tant face aumatériel que dans leur relation à l’espace » précise l’enseignant d’arts plas-tiques des deux classes.

« Ayant travaillé quelques années dans l’animation et la formation pro-fessionnelle, deux secteurs où le travail d’équipe est primordial, j’avais étésurpris, voire choqué, par l’individualisme fort courant dans les collèges.Dans ce projet, j’ai retrouvé la communication, les échanges que j’avaisconnus ailleurs. Le fait de travailler ensemble induit une dynamique trèsprofitable. La première séquence interdisciplinaire mathématiques/his-toire-géographie sur New York a demandé une demi-journée de discus-sions et de recherches. Il a suffi d’une demi-heure, trois mois plus tard, pourlancer une séquence liant géographie, arts plastiques, français et mathé-matiques avec pour support une photo aérienne d’un open field améri-cain. Cette interdisciplinarité fréquente et rarement lourde donne auxélèves une image cohérente de l’enseignement au collège. Les premièresfois, c’était la surprise : « mais c’est de l’histoire ! », cela leur semblaitincohérent, anormal. Dernièrement, j’ai donné un devoir sur Alexandrieet son phare, les élèves m’ont demandé quand ils allaient le faire enhistoire. Ces travaux ont également permis de construire une équipe péda-gogique solide. Des échanges de contenus on passe à des échanges sur laclasse ou inversement. Ce genre d’expérience donne une très grosse dosede confiance et d’optimisme. D’habitude, on ne prend jamais ce recul et

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l’on désespère de voir ses élèves progresser si peu » reconnaît le profes-seur de mathématiques de l’une des deux classes.

« Il est agréable et formateur de travailler en commun. Les professeursinvestis dans le projet se rencontrent souvent, les élèves des deux classesse connaissent et fonctionnent même comme miroirs à l’occasion de goû-ters où tous prennent connaissance des réalisations et travaux de l’autreclasse. Des ponts de communication sont donc établis et permettent uneavancée pédagogique (en français, les séquences organisées sur l’annéesont à peu près similaires et décidées en commun). De la même façon, lesgrands objectifs communs à toutes les disciplines, définis lors de réunionsde préparation, nous semblent concourir à une meilleure cohésion péda-gogique d’une part grâce à la réflexion commune qui est engagée, avecapport des compétences des autres collègues, et d’autre part grâce à lalogique d’ensemble qui est ainsi créée. En second lieu, il est motivant detravailler dans de bonnes conditions. En effet, les élèves se sentent enca-drés par une équipe soudée et semblent donc rassurés. Peut-être faut-ilvoir également dans le nombre croissant de parents présents aux réunionsle signe d’un succès de cette communication établie, de ce mieux-être,les élèves ayant peut-être encouragé leurs parents à se déplacer. Ainsi, àpartir de l’élève, une relation pédagogique triangulaire s’est nouée. Lesparents deviennent de véritables partenaires éducatifs et l’élève peut fairel’apprentissage de la vie en groupe et du respect dans de bonnes conditions.Il y a réussite de l’action pédagogique, même si des problèmes de violenceont eu lieu à l’extérieur » conclut le professeur de français.

Collège Diderot, BesançonAcadémie de Besançon

À l’initiative d’un enseignant ayant mené des travaux universitaires surl’image, les enseignants des classes de cinquième, quatrième et troi-sième, se proposent d’étudier les différentes sortes d’images figurativesprésentes dans la vie quotidienne (images cinématographiques ou télé-visuelles, photos, illustrations, bandes dessinées, etc.) pour que les élèvespuissent les regarder avec un esprit critique. Ainsi, les classes de cin-quième étudient l’image fixe à partir d’une œuvre de Gustave Doré. Ilsapprennent à discerner les niveaux de lecture d’une image. Ils assimilentle vocabulaire de sa description (champ, angle de vue, échelle des plans).En quatrième, l’analyse porte sur la bande dessinée, un récit développéau moyen d’une suite d’images fixes « sonorisées » par un texte (analysede l’album d’Astérix, Le Devin). En troisième, le cinéma est au centre del’étude, dans sa relation à l’écrit (avec notamment le problème de l’adap-tation d’un roman à l’écran) et dans sa relation à la bande dessinéecomme art du montage (analyse du storyboard du Nom de la Rose). Lesenseignants décrivent ainsi l’intérêt d’une approche interdisciplinaire.

[…] Les approches disciplinaires, de plus en plus spécialisées, ont parfoispour effet pervers de dépersonnaliser la relation au savoir et de « méca-niser » les opérations d’apprentissage. À la manière de Charlot dans Les Temps modernes, le professeur peut avoir le sentiment de n’être plus

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que le maillon d’une immense chaîne de production dont il ne contrôleni les tenants ni les aboutissants… Aucune raison, dans ces conditions,que l’élève puisse s’y retrouver aisément. Le risque est grand, à démem-brer le vivant, qu’on n’ait bientôt plus affaire qu’à des morceaux sans vie.

Cohérence des savoirs enseignés

La cohérence d’ensemble ne peut être obtenue que par un rapprochement desdifférentes disciplines et c’est ainsi que des professeurs d’histoire/géographie,de lettres et d’arts plastiques ont travaillé ensemble. À cet égard, l’image estun thème puissamment fédérateur. La relation à l’image s’est enrichie de ladiversité des points de vue portés à son endroit: il y a beaucoup à apprendrede la pratique de celui – professeur d’arts plastiques –, qui a appris àconstruire une image, à mettre en œuvre le trait et la couleur, et a acquis unevéritable culture dans le domaine artistique… L’historien/géographe, parcequ’il discourt sur des images diverses et d’époques différentes, a lui aussiune approche de l’image: il y verra un « document », un témoignage parlequel l’homme a exprimé, à différentes époques, sa conception du monde,son rapport aux autres et à son environnement. L’occasion est donnée àcette discipline de mettre l’image en perspective, sur le long terme, exercicequi, plus généralement, participe aussi d’une démarche philosophique.Marquée par le poids des préjugés, la relation entre le mot et l’image neva pas de soi pour qui est professeur de lettres… À y regarder de plus près,cependant, l’étude comparative d’un roman et d’un film est riche d’ensei-gnements, l’un et l’autre s’éclairent mutuellement… À l’occasion, on dirad’un film qu’il est « très écrit » et on soulignera, à propos d’un roman,la « force de ses images »… Pourtant, le Moyen Âge mis en images parJean-Jacques Annaud n’est pas exactement celui qu’Umberto Eco a misen mots dans Le Nom de la Rose.

Une autre image de l’enseignant

Pour les élèves, les interventions successives au sujet d’Astérix, parfoissimultanées, du professeur de lettres (à propos de la conduite du récit), puisdu professeur d’arts plastiques (pour analyser la planche comme unité decomposition d’une bande dessinée) et enfin celles du professeur d’histoire(sur le thème du mythe gaulois) ont été l’occasion de découvrir que desprofesseurs de disciplines différentes peuvent concourir ensemble à uneréflexion commune… La perception par les élèves du professeur devientmoins réductrice, ils n’ont plus autant l’impression d’avoir en face d’eux unindividu « enfermé » dans sa discipline, qui leur paraît séparée des autres.La relation aux élèves s’en est donc trouvée notablement modifiée. Souventaussi, nous avons eu le sentiment que, face au groupe classe, se dessinait pourles élèves un groupe de professeurs qui en sortait renforcé. Ainsi, le faitd’être deux ou trois devant une même classe apparaît-il très positif: la mobi-lité des collègues dans cette action (intervention dans des classes dont ils nesont pas « titulaires »), les échanges entre collègues devant les élèves, la situa-tion d’apprenant d’un collègue par rapport à un autre, surprennent les élèveset entraînent une meilleure adhésion de leur part. Sur ce dernier point, on peutparler d’un phénomène d’identification : « Puisque le “prof” prend desnotes, nous pouvons le faire aussi. »

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Collaboration entre enseignantsÀ travers les nombreux échanges et les fréquentes réunions qu’il a suscités,tout ce travail a permis à des collègues de mieux se connaître, de mieuxcomprendre la relation que chacun entretient avec sa propre discipline etplus généralement avec le monde dans lequel il vit. La collaboration estd’autant plus fructueuse qu’elle rompt avec la routine et l’isolement de cha-cun et n’a d’autre enjeu que la réussite de l’action, laquelle ne repose passur des rapports de pouvoir mais de savoir: rien ne s’impose aux autres quin’ait été admis par tous comme utile à l’action… Tout apport est bienvenumais demande un effort d’intégration. À cet égard, un tel projet ne peutfonctionner sans un responsable chargé d’animer l’équipe, de relancerl’intérêt, de maintenir la cohérence d’ensemble.

La solidarité affirmée entre les membres de l’équipe, le plaisir éprouvé àtravailler ensemble sont des atouts importants pour maintenir, au sein d’uncollège classé en zone d’éducation prioritaire, une dynamique bénéfique àl’ambiance générale. Même si tous les professeurs ne sont pas directementconcernés, l’équipe constitue un noyau actif qui contribue à faire vivre l’éta-blissement et, par effet d’entraînement, peut faire naître d’autres vocations.

De nouvelles modalités de travail

Collège Georges-Clemenceau, Paris XIXe

Académie de Paris

La mise en place d’ateliers centrés sur la communication au niveauquatrième est née du souci d’une équipe de cinq enseignants (trois d’his-toire et géographie et deux d’anglais) d’aider les élèves à mobiliser leursconnaissances et à maîtriser la communication entre eux et avec lesadultes, dans le contexte difficile d’un collège classé en zone d’éducationprioritaire, dans le quartier de la Goutte d’Or. Les enseignants engagésdans cette action font part des transformations qu’ils ont perçues.

[…] Cette action a impliqué de nouvelles modalités de travail pour lesenseignants et a ouvert la voie à une autre approche du métier. En effet,concevoir des dossiers hors discipline pour les ateliers, les transmettre àun collègue qui doit se les approprier, observer, mettre en commun,entraîne échanges et remises en cause des pratiques. Après avoir rap-pelé le fonctionnement général des ateliers, nous présenterons deuxmoments forts de notre travail collectif : l’observation du fonctionne-ment de l’atelier par un enseignement et la transmission des dossiers.

Le fonctionnement des ateliers : une ruptureDès le départ, l’équipe a délibérément voulu rompre avec le groupe-classeet avec le cours traditionnel. En même temps, pour respecter la politique del’établissement, aucun groupe de niveau n’a été constitué. Les élèves sontrépartis en petits groupes hétérogènes de quinze individus et proviennent declasses différentes. Ainsi, régulièrement, ils évoluent dans un cadre inhabituel

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où ils voient d’autres camarades. Quatre classes de quatrième sur les cinqde l’établissement ont été choisies (excluant les élèves qui suivent uneoption, pour ne pas alourdir leur charge de travail). Les séances rompent avecle rythme du cours traditionnel. Elles durent 1 h 30 par semaine.

Les thèmes ont été entièrement construits par l’équipe, le choix des sup-ports, la définition des objectifs, la progression ont été définis en commun.Nous avons ressenti la nécessité de sortir du champ disciplinaire pourréconcilier les élèves avec l’école et les aider à faire le lien avec le mondeextérieur. Sept thèmes ont été retenus: l’analyse de l’image, les consignes,la compréhension du texte écrit, les médias et l’information (deux séances),le geste et la parole, l’entraînement de la mémoire. Les membres del’équipe ont la volonté de sortir de leur discipline.

Trois séances semblent nécessaires à une appropriation des thèmes. Ellessont liées entre elles par une progression dans la difficulté. En partantdes acquis des élèves, l’enseignant propose un cadre et a le souci duréinvestissement des méthodes proposées. Ainsi pour le thème « ana-lyse de l’image », des photographies de paysage, puis des publicités ontété données aux élèves, qui partent d’un univers familier pour s’initier aumonde des adultes. À chaque étape, l’enseignant les amène à prendredu recul, à analyser et à exercer leur esprit critique. Il a la préoccupa-tion de varier les temps pédagogiques en passant régulièrement de l’oralà l’écrit, de l’observation à l’analyse… Il a aussi le souci d’utiliser des sup-ports et des thèmes qui ne soient pas uniquement scolaires mais plutôtludiques : journaux, magazines, publicités, informations télévisuelles,films, recettes de cuisine. Le travail accompli permet de développer chezles élèves des compétences transversales réutilisables.

Lorsque les trois séances sur un même thème sont achevées, les ensei-gnants font le bilan au cours d’une quatrième séance.

Des dossiers communs

L’équipe a souhaité dès le départ élaborer des dossiers utilisables partous les intervenants. La transmission des dossiers d’un professeur àl’autre a soulevé un double problème : travailler sur un dossier conçupar quelqu’un d’autre était parfois déstabilisateur, et certains dossiersavaient un contenu trop disciplinaire. L’équipe a pris conscience qu’unetransmission simple était insuffisante. Nous avons cherché à améliorer lapassation des dossiers et avons réfléchi sur nos pratiques.

La première année, toutes les quatre semaines, l’équipe faisait une réunionde bilan avec passation des dossiers sans commentaire. Certains dossiersétaient à forte tendance disciplinaire et d’autres hors champ disciplinaire.Nous étions dans une situation de demi échec, à cause des difficultés à sor-tir de nos disciplines et d’un dialogue minimal entre les membres de l’équipe.

Puis la passation est devenue plus efficace car nous avons réfléchi à nosobjectifs, aux contenus et aux situations d’apprentissage. La communi-cation est réelle et accrue entre l’utilisateur du thème et celui qui prendle relais. Les dossiers sont mieux construits et la progression précisée. Aucours du temps, les objectifs de chaque thème et de chaque séance sesont précisés et sont spécifiés sur le dossier lui-même.

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La passation se fait toujours toutes les quatre semaines, lors de la concertationde l’équipe. Mais le dialogue est réel et l’échange commenté. Le responsabledu dossier, qui l’a conçu, explique ses objectifs et ses choix. Le successeurquestionne et porte un regard neuf, voire critique. Le responsable dresseun bilan des temps forts (réussites et échecs) en vue de l’amélioration etde l’adaptation du dossier, et de la nécessité de l’appropriation.

L’expérience nous prouve que l’une des conditions de réussite de la pas-sation réside dans le soin apporté à la confection du dossier originel :les objectifs doivent être précis, les supports choisis utilisables par toutel’équipe, les questionnaires ou les grilles d’analyse adaptables. Parexemple, pour le thème « les médias et l’information » très lié à l’ac-tualité du jour, il a fallu changer les documents en fonction de la périodeoù la séance a eu lieu, avec réaménagement du questionnaire.

Les différents dossiers ont subi des modifications au fur et à mesure deleur utilisation par les enseignants. Les objectifs des thèmes et des séancessont restés cependant identiques. L’exemple du thème « les consignes »est l’un des plus significatifs en terme d’adaptation. L’un des objectifs dudossier originel était d’appréhender la notion de consigne, en partantdes représentations des élèves. Après avoir réfléchi sur ce concept, lesélèves travaillent par petits groupes à partir d’un questionnaire et essayentde donner une définition au mot consigne. Ensuite, ils élaborent desconsignes empruntées à plusieurs disciplines. L’objectif final est d’ame-ner l’élève à s’approprier la consigne, à l’analyser puis à l’appliquer. Ily a donc plusieurs étapes par lesquelles passe l’élève où l’enjeu est del’amener à faire éclater ses représentations, en lui faisant prendre unedistance par rapport aux tâches et exercer son esprit critique

Ce dossier a été jugé trop théorique au départ, axé surtout sur la recherchede la définition du mot consigne. Les enseignants qui ont pris la suite du dos-sier ont voulu insister davantage sur la mise en pratique. Par conséquent, dessituations concrètes et ludiques ont été insérées. Un deuxième professeur aprésenté et travaillé sur une recette de cuisine (un gâteau au chocolat) pourmontrer l’importance du respect de la consigne dans le résultat final. Untroisième enseignant, après une nouvelle transmission du même dossier, aeu l’idée de réaliser en commun, en classe, un gâteau, différent du précédent.

De la co-animation à l’observation

Lors de la première année, nous avions décidé de pratiquer le teamteaching: deux enseignants ensemble face aux élèves. Il s’agissait pour cha-cun d’entre nous, à tour de rôle, de travailler en duo avec un membre del’équipe pour élaborer et animer en commun une séance. Nous avions unsouci double: d’une part, être plus disponible et à l’écoute des élèves et leuroffrir un plus grand encadrement; d’autre part, entre enseignants, romprenotre isolement et pouvoir échanger, construire, avec un collègue de disciplinesemblable ou différente, et ainsi amorcer une réflexion sur nos pratiques.

Mais la préparation commune entre le professeur-animateur et le pro-fesseur en « double » exigeait une concertation soutenue. Il fallait fixerles objectifs, mettre en place les contenus et les situations d’apprentissage,définir et répartir les fonctions de chacun des deux enseignants…

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Le temps et l’énergie nous ont fait défaut pour continuer dans cette voie.Souvent, le professeur en « double » assistait aux séances en simple spec-tateur non averti! Ces difficultés, trouver une dynamique du duo, le manquede temps et une réflexion collective inopérante, nous ont amenés ladeuxième année à changer l’optique de notre démarche. Nous avons alorsdécidé de transformer le professeur en « double » en un observateur critique.

Pour chacune des trois séances, l’observateur accompagne le professeur-animateur et ses élèves. Durant toute la séance, l’observateur n’intervientnullement, et doit rédiger un compte rendu selon une grille définie durantnotre concertation mensuelle, les comptes rendus sont examinés etcommentés. Plusieurs enseignements sont à tirer de cette expérience. Unerelative déstabilisation est ressentie, due à la présence d’un pair. Certainsmembres de l’équipe ont vécu cette présence et le compte rendu qui en aété établi comme une inspection. Cependant, l’observation s’est révélée unoutil utile pour améliorer notre gestion de l’espace et du groupe, et notrecomportement face aux élèves. Ainsi, les différents observateurs se sontaperçu qu’un professeur sollicitait moins un groupe d’élèves, parce qu’ilsétaient plus passifs; un autre enseignant restait plus d’un côté de la salle quede l’autre ; le professeur était en général trop directif ; souvent, lors desséances, nous nous attachions plus à l’oral qu’à l’écrit. En définitive,l’observateur renvoie l’image de notre enseignement, de notre pratique.Il permet également de mieux théoriser, d’accentuer cette mise à distancenécessaire, même si sa présence peut déranger.

La démarche nous semble à plus d’un titre innovante. Elle repose avant toutsur la volonté commune d’une équipe d’enseignants de travailler diffé-remment pour mieux aider les élèves. Ainsi le choix de sortir du champdisciplinaire exige de notre part une réflexion accrue sur notre pédagogieet nos pratiques. Nous portons une plus grande attention aux élèves et àleurs difficultés. Un réel échange, voire un dialogue, s’est instauré entreces derniers et nous. Les élèves n’ont pas de note dans ces ateliers. S’il ya eu des rappels à l’ordre il n’y a pas eu de sanction, fait rare! Des élèvesqui posent problème ont eu des attitudes positives et ont montré des qua-lités d’observation et d’analyse que nous ne soupçonnions pas. […]

Un cours à deux têtes

C’est le pari qu’ont tenté des enseignants de ces deux collèges quiexpliquent quels effets ils perçoivent de la dynamique ainsi créée.

Collège Henri-Wallon, BezonsAcadémie de Versailles

[…] Pour rompre avec la passivité ou la violence provoquée par l’échec etl’humiliation d’un savoir non partagé, dans cinq classes, des binômes deprofesseurs « font des cours à deux têtes ». Les enseignants engagés danscette action cherchent des éléments de réponses au cœur même de leurs pra-tiques et partent du postulat que la prévention de la violence passe par unemodification du rapport au savoir des élèves. Il s’agit de créer des condi-

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tions favorables à l’apprentissage des notions nouvelles par la mise enconfiance des élèves qui ont souvent peur d’apprendre, de faire des erreurs.

Deux professeurs, l’un de français, l’autre de mathématiques, chacunayant sa méthode et sa spécificité, interviennent en même temps chaquesemaine, au cours d’une séance de deux heures. Tout le travail seconcentre sur les mathématiques, compte tenu des difficultés repérées àl’évaluation de sixième. Le professeur de français endosse un rôle decandide et ose interpeller, questionner le cheminement mathématique.Ce faisant, il active le questionnement et la reformulation. Par les ques-tions posées à voix haute, dans un langage construit, il éveille l’enviechez les élèves de dire ce qu’ils comprennent, ce qui bloque. Parfois lesexplications, les réponses, sont apportées par l’un d’entre eux. Il peutaussi intervenir dans l’exposition d’une notion, dans la construction d’unénoncé. À deux, ils cherchent à décoder les erreurs commises. En retour,le professeur de mathématiques s’exerce au dévoilement de ses façons defaire. Cette approche nécessite de la part des protagonistes disponibilité,adaptabilité rapide et acceptation de l’autre.

Profits pour les élèvesLes matières enseignées paraissent moins désincarnées. Grâce à l’asso-ciation mathématiques-français, les élèves découvrent que le françaisne consiste pas à lire et à répondre aux questions qui sont sur la page dedroite du manuel. Le français est la langue que l’on parle, lit et écrit tousles jours, que l’on utilise dans toutes les disciplines scolaires. Quand ona appris à accorder les adjectifs, on n’orthographie plus de la mêmemanière tracez la droite D telle que… ou tracez le cercle tel que… Cetteintervention du français dans les autres disciplines est matérialisée par laprésence en cours de maths du professeur de français : il vérifie lacorrection linguistique des énoncés produits par les élèves, lors d’unexercice sur la consigne par exemple. L’exercice est considéré commejuste à la triple condition que le langage mathématique, la syntaxe etl’orthographe soient tous les trois respectés.

Un des aspects de cette démarche le plus fécond est à mon sens la nais-sance et le développement de « gestes mentaux » ; appropriation deconcepts que nous pouvions imaginer évidents, acquis ou allant de soi,et qui, plaqués mais non intégrés jusqu’alors par les élèves, ne pouvaientêtre des outils de pensée. Ce fut le cas dans l’élaboration de définitionsgéométriques. Une démarche fonctionnelle a permis d’appréhender cequ’est et ce que n’est pas un objet géométrique à définir, à propos desdiverses droites parallèles par exemple ou des sécantes. Cette recherchedes limites de l’objet a été aussi utilisée en grammaire pour établir ladistinction entre article défini et pronom. Ce fut encore le cas au cours dela construction de démonstrations simples, dans l’utilisation de la défi-nition et du théorème. Ainsi s’est imposée l’idée que tout problème estune démarche dont on prévoit la fin mais dont on doit rechercher lesmoyens d’y parvenir en utilisant les objets d’identification découvertsauparavant. Ce processus qui mène sur la voie de la résolution de pro-blèmes s’oppose à la précipitation panique avec laquelle les élèves seruent sur la solution bonne ou mauvaise, pourvu qu’ils aient une réponse.

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Toute démonstration devient une aventure, un cheminement. Il a falluaussi inventer des voies de passage entre l’abstrait et le concret. Lesélèves avaient à mesurer la quantité de pluie tombée sur un champrectangulaire. Devant leur difficulté à intégrer une notion de mesure, il afallu fabriquer un objet-étalon et prendre conscience ainsi, que pourchaque mesure, il faut une unité. De même appréhender la notion d’angleest difficile. Pour que celui-ci ne soit plus considéré comme une sur-face, ni un volume, ni une longueur, les mots ne suffisent plus, d’autresapproches sont nécessaires.

Apports pour les pratiques enseignantes

Quand deux professeurs font cours ensemble, la discipline s’imposed’elle-même. Nous pouvons nous concentrer sur les apprentissages.Lorsque survient un problème quelconque, chacun des deux adopte uneattitude différente selon sa personnalité. Cette diversité d’approche faci-lite plutôt la gestion du problème.

« L’observation en situation de la relation enseignant/élève établie par macollègue de français m’a permis de percevoir nos élèves communs sousun autre angle. J’ai découvert d’autres aspects de leur personnalité m’ame-nant à reconsidérer mes réactions à leurs réactions ; j’ai découvert descapacités qui curieusement semblaient être catalysées par la présencedu professeur de français alors qu’elles restaient inhibées pendant lescours ordinaires.»

« L’essentiel aura été la découverte de nouvelles approches pédagogiquesliées à une conception “désacadémisée” de la discipline. Ainsi ma collè-gue de français a apporté fréquemment une aide dans l’appréhension desnouvelles notions mathématiques tantôt en pratiquant un détour par l’ac-ception commune de la notion, tantôt en procédant à des manipulationsconcrètes. Ainsi le fait de faire colorier des secteurs angulaires entiers afacilité la compréhension de leur nature plus efficacement qu’une phrasede définition. De même utiliser des morceaux de ficelle et de papiercontribue à distinguer le périmètre de l’aire d’une figure. J’ai alors com-pris l’intérêt de l’utilisation de biais aussi inattendus qu’efficaces.»

« Il nous est arrivé aussi d’expliquer la même notion selon notre mode dereprésentation et de mémorisation personnelle. Évidemment au grandbénéfice des élèves qui en privilégieront une ! C’est la démonstrationque l’approche de l’un n’est pas obligatoirement imaginable par l’autre. »

Collège Elsa-Triolet, RoubaixAcadémie de Lille

Les enseignants mettent en œuvre des démarches pédagogiques inno-vantes pour impliquer tous les élèves, leur donner envie de participer,de progresser ou éviter qu’ils ne décrochent. Un travail en « duettes »interdisciplinaires a ainsi été mis en œuvre en classes de sixième etcinquième. Dans chaque classe concernée par ce projet, durant deuxheures par semaine, deux enseignants de disciplines différentes tra-

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vaillent sur le thème Mesures et voyages. Les « duettes » associent :mathématiques/français, musique/français, technologie/physique,mathématiques/sciences de la vie et de la Terre. Les enseignants fontpart de leurs découvertes.

[…] Les collègues engagés dans des « duettes », un peu inquiets audébut, ont très vite apprécié les possibilités d’ouverture et d’épanouis-sement qu’elles offraient, aux élèves comme aux professeurs. Bien quen’ayant pas toujours choisi ce cadre de travail (remplacement de congéde maternité en sciences de la vie et de la Terre, collègue de mathéma-tiques qui partage ses heures entre un lycée et le collège), tous s’accor-dent à remarquer le changement d’attitude de la plupart des élèves et larelation différente qui s’établit entre eux, l’importance de l’investissementen temps pour les enseignants (concertations, recherches, suivi desélèves…), la flexibilité d’utilisation et d’organisation qu’offrent cesplages horaires. En effet, chaque équipe a aménagé ces temps selon lesbesoins des élèves et la personnalité de ses membres, l’un apportant àl’autre et réciproquement, chacun offrant un regard différent sur lesélèves, une approche nouvelle. Malgré le travail et les contraintes sup-plémentaires, l’observation des élèves dans un autre cadre de travail esttrès enrichissante et le regard plus positif, plus humain que l’on portesur eux retentit sur l’ambiance de la classe. Ils ont tendance à être plusbavards, mais c’est devenu un bavardage d’intérêt, attentif à l’autre,dénué de rébellion à l’égard du professeur à qui on s’en explique volon-tiers en des termes responsables. La confiance s’est instaurée entre ensei-gnants et élèves et si par mégarde l’un d’eux enfreint l’accord taciteétabli, il en est vertement réprimandé.Des élèves en difficulté scolaire deviennent créateurs en poésie et enmusique, chercheurs en latin, français, musique, construisent des appa-reils de météo. Certains imaginent des jeux sur la poésie et les voyages,sur les grands navigateurs et les distances qu’ils ont parcourues, sur lesmétiers et les mesures, sur les instruments de mesure dans les voyages,sur les métiers du voyage. Un groupe très hétérogène fait toutes lesdémarches nécessaires à l’organisation d’un voyage scolaire pour fairedécouvrir l’Exposition universelle de Lisbonne à leurs camarades.Par contre des élèves d’un bon niveau ont développé leurs recherches defaçon assez anarchique, par simple souci de satisfaire une curiosité, parailleurs légitime, mais n’ont pas bien maîtrisé le cadre du travail en projet.Au fil des ans, on devient de plus en plus audacieux dans la liberté et l’ini-tiative (sous contrôle) qu’on accorde aux élèves: ils ont le droit de se dépla-cer, d’aller chercher un document ou une information au Centre dedocumentation et d’information, de passer un fax, d’utiliser le Minitel, dediscuter entre eux (sans gêner les autres), de poser des questions aux autresgroupes sur leur projet, de donner leur avis sur la façon de procéder,d’apporter ou de signaler parfois un document qui servira à un autregroupe… Les échanges centrés sur la réussite du projet sont constructifs. Encas d’erreurs (et on a le droit d’en faire), c’est parfois un camarade qui lasignale, ajoutant même aussi un conseil pour la corriger. Certains n’hésitentpas à recommencer, à venir terminer le travail pendant un créneau horaireou un après-midi libéré par un changement d’emploi du temps […].

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Construire et faire vivre la dynamique collective

Développer une culture de coopération, travailler ensemble autourd’un projet, ce n’est pas chose facile. Les analyses citées ci-dessousfont apparaître les conditions favorables mais aussi les obstacles à lamobilisation collective.

Des questionnements

Lycée professionnel Brossaud, Saint-NazaireAcadémie de Nantes

Les enseignants, décrivant une action portant sur la fabrication depetites voitures sans moteur qui concernait deux spécialités, structuresmétalliques et productique mécanique, insistent sur l’importance deconstituer une équipe.

[…] Au départ, ce qui est apparu le plus important aux enseignants de qua-trième et de troisième technologique a été de fédérer l’équipe autour duprojet, aussi bien en enseignement général qu’en enseignement profes-sionnel. Cette constitution d’équipe était un objectif du projet, au mêmetitre que l’ouverture sur l’extérieur et l’ancrage de l’apprentissage dansun projet réel. Pourquoi? Quand le professeur de mathématiques vient àl’atelier parce qu’il a un problème à résoudre en lien avec le projet de laclasse, c’est profitable à tous : au professeur de mathématiques parcequ’il est perçu par les élèves comme partie prenante de l’équipe, au pro-fesseur d’atelier parce que son travail n’apparaît pas coupé du savoirsavant, aux élèves parce qu’ils peuvent être vus dans des situations deréussite qu’ils ne vivent pas toujours en mathématiques…

Ainsi, autant que le projet, la création d’une équipe, si possible restreinte,apparaît comme un préalable au travail avec les élèves les plus en diffi-culté. C’est elle qui va permettre que les élèves se sentent encadrés, aidés.À travers les contacts interpersonnels nécessités par le projet se jouent biend’autres enjeux: les difficultés rencontrées avec tel ou tel élève ou dans lagestion de la classe peuvent être sinon évitées, du moins gérées plus vite etmieux, si elles sont partagées. Ce qui paraît une évidence se heurte sou-vent au cloisonnement des disciplines, que le projet permet de dépasser.

Mais une équipe ne se décrète pas: elle se forme autour d’un projet où cha-cun doit retrouver sa mise. Autour du projet technique se sont donc retrou-vés, et sont encore cités par les élèves, un an après: l’éducation physique etsportive pour les calculs de temps et l’entraînement des pilotes, les mathé-matiques pour la réalisation de la maquette et les statistiques de temps, les

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sciences, pour l’étude de la variation (sur maquette) des paramètres decharge et de profil sur la vitesse, le dessin d’art pour la maquette et la déco-ration de la carrosserie, le français pour l’étude du cahier des charges etl’élaboration d’articles sur l’avancement du projet, la vidéo, encadrée par unappelé du contingent, grâce à laquelle tous les élèves de la classe, pargroupes de deux, ont pu filmer les différentes étapes de la fabrication.

L’action menée ne nous semble pas innovante au premier abord. Nousavons simplement tenté de faire en sorte que l’équipe pédagogique,l’interdisciplinarité, l’ouverture sur l’extérieur tant prônées ne restentpas des vœux pieux. Quand cela marche, les résultats sont plutôt meilleurset les problèmes moins nombreux. Pour cela on peut citer un certainnombre de conditions, un projet fédérateur, un noyau de quelques per-sonnes qui s’entendent bien et qui entraînent les autres, un corps pro-fessoral stable, du temps pour se rencontrer, se concerter, un établissementou règne une certaine confiance et une bonne concertation enseignant,administration, ce qui donne envie de s’investir.

Collège Anatole-France, BethoncourtAcadémie de Besançon

De façon un peu différente, les enseignants de ce collège 48 exprimentcomment le projet (la production du journal du collège par les élèves)est un espace où chaque enseignant garde sa liberté de choix tout enfavorisant son intégration dans une équipe et dans l’établissement.

[…] Le projet-journal est pour l’enseignant un cadre à l’intérieur duquel ila toute latitude pour définir le thème et le contenu de l’atelier qu’il présenteraaux élèves. Chacun a pu faire correspondre son travail avec ses passions enprivilégiant des activités qui lui plaisaient et qu’il souhaitait partager avecses élèves. Ainsi un professeur d’allemand passionné de dessin a-t-il décidéde faire travailler les élèves sur la bande dessinée. D’autres collègues ontproposé aux élèves de travailler à partir de leur discipline d’enseignementparce qu’ils considèrent que ces activités doivent faire partie de leur pro-gramme. Par exemple, un collègue d’histoire et géographie a invité lesélèves à rédiger des articles à partir de recherches documentaires dans sondomaine d’enseignement. Un autre a souhaité développer un aspect par-ticulier de son champ disciplinaire, l’équilibre alimentaire, car, pour lui,« c’est un choix utile pour des élèves en pleine croissance ».

De manière générale, les collègues ont proposé des activités avec lesouci de consolider les acquis des élèves en particulier dans le domainede la lecture, de l’écriture et de l’expression orale en mettant en œuvre unepédagogie différenciée.

Sur les dix-sept personnes participant à notre action, neuf sont des collèguesqui travaillent pour la première année dans le cadre du journal du collège etparmi eux, sept sont de nouveaux enseignants au collège. Le principal ajoué un rôle primordial dans la constitution de l’équipe intervenant dans

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48. Voir page 25.

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ce projet en proposant aux collègues de compléter leur service dans le cadrede cette action pour élargir l’équipe. Cette augmentation de l’effectif del’équipe pédagogique avait été demandée par les enseignants de l’annéeprécédente. La participation au projet-journal ne s’est donc pas faite sur labase du volontariat pour les nouveaux. À la suite de cette expérience, noussouhaitons dire que, dans un collège classé en zone sensible dans lequels’ajoutent aux difficultés des élèves les difficultés des enseignantsnouvellement nommés ou de passage (titulaires académiques, maîtres-auxiliaires, sortants d’IUFM en première affectation…), le projet-journal estintéressant car fédérateur. Il permet à des enseignants qui ne pensent resterqu’un an, de mieux connaître les élèves du collège, de s’intégrer plus faci-lement à l’équipe en place et de se sentir partie prenante dans l’établissement.Ce sont des projets de ce type, ouverts aux propositions des nouveaux collè-gues et ne supposant pas a priori de compétences particulières de leur part,qui peuvent permettre à des enseignants récemment arrivés en zone sen-sible de se sentir plus à leur place dans l’établissement, plus à l’aise avec lesélèves et partie intégrante de l’équipe existante.

Dans notre collège, de tels projets sont ouverts aux nouveaux en sixième(consolidation), cinquième (action-journal) et quatrième (éducation à l’orien-tation, dispositif d’aide et de soutien) depuis plusieurs années. Ces projetsd’équipes, mis en œuvre en concertation, ont permis à certains collègues quise pensaient de passage dans l’établissement de demander à rester aprèsune année pour poursuivre le travail commun auquel ils ont été associés.

Collège Youri-Gagarine, TrappesAcadémie de Versailles

Dans certains collèges, le travail collectif est une obligation pour pré-venir la violence, construire un contrat social et rendre possible l’ins-cription des élèves dans un parcours scolaire. Une question se posealors: comment assurer la continuité de ce travail collectif? Les ensei-gnants de cet établissement apportent un éclairage sur les principesqui permettent d’assurer la continuité du projet.

[…] Malgré un changement d’équipe de direction et un certain taux derenouvellement des équipes enseignantes, un processus de transmission del’héritage s’est engagé en s’appuyant sur des personnes (certains « anciens »et certains jeunes ayant fait le choix de rester), des structures et des valeurs.Au collège Gagarine, on peut dire qu’il y a eu à ce moment-là une volontéde poursuivre le travail collectif entamé depuis plusieurs années, du fait dela présence d’un noyau dur d’enseignants stables et du fait de l’adhésion dunouveau principal aux mêmes grands principes. Il a manifesté sa volonté demaintenir les efficaces structures existantes. À chaque rentrée, un tempsd’accueil est prévu pour les nouveaux collègues. Toute possibilité leur estlaissée de s’intégrer en se joignant à certaines équipes ou groupes de travail:binômes en tutorat, groupes « Contrat de vie et Règlement » mêlent ancienset nouveaux. La mise en place d’un centre de ressources avec un tableau ensalle des professeurs présentant les personnes-ressources dans tel ou tel

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domaine est aussi un moyen d’intégrer les nouveaux. Face aux événements,la volonté de ne pas détruire les habitudes communes, une certaine facultéd’adaptation, et même de remise en cause, sont des éléments constitutifs dela culture au collège Gagarine […].

Collège La Villeneuve, GrenobleAcadémie de Grenoble

Les enseignants de ce collège 49 analysent comment la pérennité d’unedynamique collective est possible mais difficile.

[…] Né sur la base d’un projet pédagogique particulier, élaboré par tous lesenseignants, ce collège a toujours eu un projet d’établissement construit parl’ensemble des acteurs : enseignants, administratifs, vie scolaire, parents,etc. La fin du statut expérimental, qui s’est traduite par l’arrivée d’unpersonnel non nommé sur profil, qui n’adhérait donc pas nécessairementau projet initial, aurait pu conduire à sa disparition, mais cela n’a pas étéle cas. Il a évolué pour diverses raisons, mais il a gardé des caractéris-tiques du projet initial, et en particulier que l’élève doit être acteur de sonpropre développement et donc associé, individuellement et collectivement,à l’acte éducatif. La persistance de ce projet d’établissement est-elle due àla simple volonté des personnels, à l’existence d’une structure de cogestionou à une synergie entre volonté humaine et structure?

Période expérimentaleLe projet initial s’inscrivait dans un projet plus vaste : la création par lamunicipalité d’un quartier pilote dont les principaux objectifs étaient dedévelopper la convivialité (projet architectural), de susciter la partici-pation des habitants à la vie du quartier (création de nombreuses asso-ciations), de leur faciliter la vie (équipements intégrés) ; en bref dedévelopper la démocratie de proximité par des structures de cogestion.Le collège était partie prenante de cette expérience.À sa création, le projet du collège comportait un objectif central : faire ensorte que l’élève soit acteur de son apprentissage, de son devenir. Cetobjectif était présent dans les cours, mais aussi dans certaines instancescomme le tutorat et le conseil de classe. Bien entendu, l’élève étantmineur, les parents étaient associés au projet de leur enfant, en parti-culier par l’intermédiaire d’une remise de bilan trimestriel en présence desparents et des autres enfants.Pour mettre en place, appliquer, évaluer ce projet, des structures de concer-tation ont été organisées. Une assemblée générale hebdomadaire en présencede tous les acteurs du collège (délégués des parents d’élèves, administra-tion, secrétariat, personnel de laboratoire, enseignants) avait pour fonc-tion de traiter des difficultés rencontrées, de présenter des projets. Elledonnait lieu parfois à de mémorables empoignades, mais était toujourstrès tonique. Dans certains cas, l’assemblée générale était transformée en

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49. Voir pages 76, 97, 132.

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commissions de travail. Des réunions hebdomadaires par discipline,permettaient d’élaborer des démarches pédagogiques. Ainsi, en mathé-matiques chaque élève disposait d’un fichier autocorrectif personnel qui pou-vait être utilisé selon plusieurs parcours. Le choix du parcours était faitpar l’élève avec l’aide du professeur. L’élève pouvait travailler seul ous’associer avec un autre. Lorsqu’il avait terminé un parcours il devaitpasser l’évaluation correspondante. Pour être validée, elle devait être un sansfaute, ce qui supposait un certain nombre d’allers et retours élève-professeur(il n’y avait pas de notation des élèves). Lors de réunions hebdomadairespar équipes de classe les enseignants assuraient le suivi des élèves, maisaussi élaboraient et mettaient en place des projets.

Une heure hebdomadaire de tutorat enfin, permettait aux élèves indivi-duellement ou collectivement d’exprimer leurs difficultés, voire leurs colères,de parler des évolutions de chacun, de participer aux projets de la classe.Chaque professeur était tuteur d’une demi-classe ou d’un tiers de classe.

Au fil des années, le statut expérimental a disparu entraînant notammentla fin des heures de concertation, ce qui n’a pas été sans conséquencesur le projet. Les concertations disciplinaires ont été les premières tou-chées par la disparition des moyens. Cela a entraîné la suppression d’uneévaluation commune dans la discipline et celle d’un bilan par matière. Laréflexion collective sur les apprentissages dans les disciplines a consi-dérablement diminué. Il y a plusieurs facteurs qui ont poussé vers cechoix, des facteurs objectifs et d’autres plus subjectifs, plus inconscients.

En même temps, la participation des parents délégués aux réflexions surle projet a fortement diminué. L’évolution sociologique du quartier estcertainement un facteur important de cette évolution. Il existe proba-blement d’autres facteurs. Cependant, la persistance de rencontresparents/enseignants, de type syndical, ou lors des demi-journées banali-sées, permet en particulier au sein du conseil d’administration de main-tenir l’action des parents et leur collaboration.

Malgré une normalisation progressive, différents éléments ont permis desauvegarder une partie de l’esprit initial. A persisté tout d’abord ce quiconcerne le suivi (au sens large) des élèves, le travail d’équipe-classe, lasocialisation, la citoyenneté, les relations avec les parents. Cette conti-nuité est probablement liée à la persistance dans les esprits de la convictionque tous les acteurs de la communauté doivent être associés à l’acte édu-catif. Cependant, plusieurs structures ont rendu possible le maintien duprojet dans sa spécificité et en premier lieu le tutorat. Une heure hebdo-madaire est prévue dans l’emploi du temps. Le tutorat est tout à la fois untemps de suivi des élèves, un temps où élèves et tuteur font un bilan del’état de la classe et du collège et cherchent des solutions aux problèmes sou-levés. Les mini-collèges et le groupe de coordination en second lieu ont euleur importance. Un mini-collège est une structure verticale, comprenanttous les niveaux. L’objectif de cette création est de centrer les enseignantssur un mini-collège et donc de favoriser le travail des équipes éducatives.

Des réunions ont lieu chaque semaine qui permettent aux enseignants defaire un bilan sur les classes, de préparer collectivement des projets declasse et jouent un rôle important dans l’efficacité du tutorat. Elles per-mettent de préparer les demi-journées banalisées et d’une manière générale

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de faire le point sur l’état du collège, bilan que le coordinateur du mini-collège est chargé de faire « remonter ». Le groupe de coordination composéde l’administration, d’un enseignant élu de chaque mini-collège, a vocationd’assurer la cohésion du collège au travers d’un projet commun. À sesdébuts il comportait des parents délégués.

Les demi-journées banalisées, quant à elles, centrées sur des thèmes défi-nis dans les réunions de mini-collège permettent de peaufiner le projetd’établissement. L’achèvement des travaux étant fait lors des dernièresjournées de l’année scolaire qui sont, elles aussi, banalisées.

Les rencontres parents d’élèves et enseignants participent, elles aussi, aumaintien d’une dynamique de cogestion. Comme dans tout collège, l’ensei-gnant ou le tuteur peut être amené à rencontrer les parents d’un élève en coursd’année, il participe aux traditionnelles rencontres de début d’année. Desurcroît, et cela est un corollaire à la fonction de tuteur, celui-ci rencontreà chaque fin de trimestre chaque parent pour lui remettre et commenter lebilan de son enfant. Cette rencontre de fin de trimestre « institutionnalise »l’importance de la collaboration parents-enseignants.

Deux autres instances favorisent la participation des différents acteurs àla vie du collège. Des réunions régulières des délégués des élèves avecla vie scolaire permettent de faire le point sur les améliorations à appor-ter à la vie des collégiens. Enfin, depuis quelques années une commission« comportement » a été créée, dernière instance avant le conseil de dis-cipline ; elle comprend des enseignants volontaires, des parents, l’admi-nistration et la vie scolaire, ainsi que les délégués des élèves de la classeconcernée. Elle se réunit chaque fois que le comportement de l’un d’entreeux gêne fortement la vie de la classe ou du collège.

Il apparaît donc que si la volonté d’une partie des acteurs a été un facteurimportant dans la persistance du projet d’établissement, seules la persua-sion et la discussion ont permis de convaincre et d’entraîner l’adhésiondes collègues. L’existence d’une structure co-gestionnaire a facilité leurtâche. En effet, le groupe de coordination assure la continuité du projet,tandis que les coordinateurs des mini-collèges, qui sont tous des « anciens »,sont pour une part les dépositaires de la mémoire, de l’expérience, voirede la culture du collège, tout en restant en prise directe avec les préoccu-pations de leurs collègues. Ils ont pu anticiper la normalisation et proposerune orientation pédagogique en tenant compte des derniers moyens existantset en dégageant des moyens nouveaux. L’existence de réunions de mini-collège, de journées banalisées, a permis de débattre et de prendre des orien-tations majoritairement acceptées par les personnels.

La cogestion pédagogique en question

Un projet d’établissement qui considère que l’élève doit être acteur de sesapprentissages ne peut exister réellement sans une cogestion de tous lespartenaires, élèves, parents, enseignants, vie scolaire, administration etcela dans le respect des rôles de chacun. La cogestion est une conditionnécessaire de l’existence d’un tel projet d’établissement, elle est partieconstitutive du projet.

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Cette forme d’organisation, et le projet qu’elle sous-tend, n’est pas insti-tutionnelle. Elle n’est pas intégrée à l’organisation traditionnelle d’uncollège, elle existe à côté d’elle et n’a pas de caractère contraignant. Ellene vit que par la volonté majoritaire des enseignants, de l’administrationet des fédérations de parents. Elle exige conviction et persuasion de lapart de ceux qui veulent la pérenniser et peut être remise en cause d’uneannée sur l’autre. Est-ce positif ou négatif? Il est certain que cette situa-tion favorise les situations de refus, quels que soient les motifs invoqués.

Ainsi, depuis plusieurs années, se pose le problème du refus de certainsenseignants d’être tuteurs. Fatigue, découragement, heures supplémen-taires, travail sur plusieurs établissements sont les motifs avancés. Il estvrai qu’il n’est pas toujours facile de « supporter » ce droit de paroleaccordé aux élèves et cela d’autant plus qu’aucune formation initiale nenous y prépare, même si les nouveaux arrivants reçoivent une rapideformation « maison ».

Un autre exemple concerne les réunions de mini-collège et les demi-journées banalisées. Leur fréquentation est très variable, selon les mini-collèges, selon les thèmes abordés, alors même que tous les enseignantssont censés être associés au contenu de ces réunions. Les motifs invoquéssont parfois d’ordre personnel, mais l’opinion qui ressort en filigrane estla suivante: « Beaucoup de paroles, mais pour quelle efficacité? » Le résul-tat, c’est une très grande variabilité des projets (de mini-collège, de classe)et de leur ampleur. Un mini-collège poursuit depuis de nombreuses annéesle même projet : cela est sans doute lié à la stabilité de son noyau dur.L’élément fédérateur reste le tutorat et le travail d’équipe classe.

Mais la difficulté majeure provient des conditions de travail. Le quar-tier s’est, en vingt-cinq ans, fortement paupérisé (plus de 20 % dechômeurs). La délinquance et l’incivisme se sont développés. Le col-lège en subit les contrecoups : élèves en grande difficulté scolaire et psy-chologique, parfois agressifs. Comment mieux les associer à leursapprentissages, comment mieux individualiser notre pédagogie, avecdes classes à vingt-sept ou vingt-huit élèves ? Comment demander auxenseignants de s’investir plus sur des projets, sur le tutorat, alors qu’ilsdoivent assurer des heures supplémentaires? Comment mieux associer une« demi-assistante sociale », « une demi-infirmière » aux problèmes ren-contrés dans une zone d’éducation prioritaire ? Où prendre le temps demaintenir des relations suivies avec les éducateurs de certains de nosélèves ? Où prendre le temps d’une participation active dans les ins-tances de la zone d’éducation prioritaire? Toutes ces questions se posentavec acuité et la liste n’est pas exhaustive !

Malgré les difficultés que rencontre le collège, il y a eu très peu d’agressionsphysiques sur les personnels ou sur leurs biens, même si certains échangesverbaux sont parfois très vifs. Il y a eu très peu d’agressions graves entreélèves et peu d’incursions extérieures. Comment expliquer cette moindredégradation des conditions de vie à l’intérieur du collège alors que le quar-tier a vécu et vit des moments difficiles? Le projet du collège, avec sesstructures de dialogue et de concertation entre partenaires explique, enpartie cette constatation. En sera-t-il longtemps comme cela?

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Des témoignages

Pour clore sur la mobilisation collective, voici deux témoignages concer-nant un aspect qui ressort fortement dans les écrits présentés : l’aide indi-vidualisée aux élèves passe par la coopération, la collaboration entre lesdifférents partenaires éducatifs.

Collège Cronenbourg, StrasbourgAcadémie de Strasbourg

Ces témoignages émanent d’enseignant qui interviennent dans le LATI,structure particulière mise en place au sein de ce collège50.

Un enseignant en Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA)« La mise en place du LATI a permis une intégration réelle de tous lespersonnels enseignants au sein du collège. Les enseignants de la SEGPAont pu faire valoir leurs compétences de manière concrète. Leur inter-vention a permis d’affiner les diagnostics par rapport aux difficultés sco-laires de certains élèves et de préparer l’arrivée dans la section d’élèvesperdus au collège, présentant de réelles difficultés cognitives (bien sûraprès passage du dossier de l’élève à la Commission de circonscriptiondu second degré et affectation par celle-ci). Le LATI est un lieu où unélève qui présente des difficultés de comportement peut aussi, loin detout public adolescent et dans le cadre d’une relation individuelle avec unpédagogue, reconnaître ses lacunes scolaires et démarrer un travail deremédiation efficace. Dans le même ordre d’idée, c’est le lieu où un pro-fesseur peut se rendre compte des difficultés scolaires qu’ont souventles élèves au comportement délicat et ainsi adapter son enseignementfutur. Le coordonnateur n’a pas tout à fait un statut d’enseignant. Il peutêtre garant des relations tissées avec les partenaires sociaux hors dutemps scolaire et induire une démarche thérapeutique (centre médico-psycho-pédagogique, relais pédo-psychiatrique). Cette expérience m’a per-mis de mieux connaître les élèves et d’intervenir plus efficacement dansles temps hors classe (interclasse, récréation). Les rencontres avec desinterlocuteurs extérieurs (éducateurs de prévention, etc.) nous rendentcapables d’offrir un autre éclairage à ces jeunes. En tant qu’enseignantde SEGPA, j’ai découvert les contenus et méthodes de travail au collège,échangé des supports et des idées avec les autres enseignants. Le coordon-nateur ne doit pas forcément être un enseignant mais sûrement un péda-gogue, avoir une connaissance minimale des dispositifs sociaux etjuridiques, une réflexion sur la notion de citoyenneté. Les aides-éducateurssont nécessaires et ainsi la structure n’est pas trop centrée sur la remé-diation. Le coordonnateur sert à éviter de tenir, surtout auprès des parentssouvent méfiants, voire hostiles, des discours discordants. Il est indis-pensable de présenter une image cohérente aux différents partenaires.Un établissement vit mieux avec un LATI (j’ai vécu les deux cas) qui

Apprendre sans violence

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50. Voir page 153.

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permet de traiter les cas d’élèves difficiles, évite les exclusions de fait,permet la médiation, c’est un plus pour la citoyenneté. »

Un conseiller principal d’éducation stagiaire« Partenaire privilégié des élèves avant leur admission ou non-admissionau LATI, je regroupe les informations venant des professeurs sur lesélèves et les transmets. Je suis l’évolution après le passage dans ce dis-positif, l’impact sur l’élève. L’existence de ce lieu permet de soulagerdes classes : le climat s’apaise. Les professeurs se sentent soutenus. Ils’agit de tenir compte d’un adolescent vivant dans un milieu parfois dif-ficile. Pour certains élèves, il n’y a pas de portée à court terme. Au niveauadministratif strict, le LATI fait naturellement partie de la vie scolaire.Quant à ses pratiques et aux personnels qui en ont la charge, ils s’endissocient, ce qui est un enrichissement. Après une période de formationet d’accompagnement avec un enseignant, je pense qu’un aide-éducateurpeut gérer la coordination du LATI. Il n’en reste pas moins qu’un travailefficace suppose une équipe forte donc des interventions de toutes lesfonctions dans l’établissement. La formule souple : suivis et séjours étu-diés au cas par cas, permet des réponses individualisées qui portent leursfruits. Il me semble indispensable de sensibiliser les professeurs aux sui-vis préventifs et d’y associer les parents. Quant à la médiation, il estimportant que les parties trouvent la personne qui leur convient : peuimporte sa fonction dans l’établissement, dans la mesure où elle aconscience de sa responsabilité et fait preuve de ses compétences. Lecontact avec les parents est l’apport le plus important. En tant que conseillerprincipal d’éducation débutant, je tâcherai de promouvoir ce type destructure dans l’établissement où je serai amené à exercer. »

Quatrième partie – Vers un autre environnement éducatif

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DES PISTESPOURPOURSUIVREL’ACTION

Conclusion

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Il serait vain et contradictoire de prétendre donner ici une conclusion àce qui est en train de se faire, à ce qui se caractérise par une inventivitéremarquable et toujours renouvelée : les pratiques quotidiennes d’ensei-gnants décidés à faire barrage à l’échec, à ouvrir la voie de la connaissanceà des jeunes qui, par leurs violences, expriment souvent des difficultéssociales et économiques qui excèdent l’école. Cependant, il est possiblede tirer des enseignements fructueux de leurs actions, de leur réflexion,de leur pratiques, de leur créativité. À la lecture des expérimentationsrelatées, c’est-à-dire au fil des heures que le lecteur passe avec les élèveset leurs professeurs, des lignes de forces se dégagent. Elles ébauchentles contours de l’école future, plus particulièrement en gestation dansles classes où les problèmes mettent les enseignants en demeure de réin-venter leur métier. Les actions menées pour évacuer des établissementsla violence quand elle s’y manifeste font ainsi apparaître de nouvellesformes d’enseignement. Toutes ces expériences ont, de fait, deux desti-nataires : les élèves au premier chef mais aussi l’institution elle-mêmepuisque lui sont ouvertes des pistes de changement.

Le travail proposé est un travail de fond, toujours complexe, qui n’isolepas le symptôme – la violence – de ses causes profondes et si chaqueaction privilégie plutôt un ou deux domaines d’intervention (contenus,élèves, enseignants, établissement, environnement) aucune ne fait d’im-passe sur les autres.

Comprendre et connaître

Ce qu’ont proposé les enseignants dans cet ouvrage, c’est d’abord lapratique d’activités multiformes au cours desquelles les jeunes ne sont plusles simples réceptacles de savoirs déversés mais des découvreurs,accompagnés d’adultes avertis, de leurs propres compétences et les béné-ficiaires de savoirs désormais partagés et non plus simplement transmis.La différence est de taille puisqu’elle érige les élèves en agents de leurspropres apprentissages. Second levier, les approches interdisciplinaires.En effet, la juxtaposition de matières cloisonnées favorise un type d’en-seignement qui reste pour les élèves purement théorique et occulte lesens même de ce qu’on veut leur faire comprendre. Mises en relationles disciplines se complètent et s’éclairent au profit des jeunes pour queceux-ci puissent reconnaître, déchiffrer et élucider les méthodes dedescription et d’explication du réel. Ainsi s’approprient-ils mieux lescontenus selon un parcours à la fois global et multiple qui aborde lesconnaissances dans leurs aspects concrets et abstraits. Mis en situation demieux discerner les objectifs de l’école qu’ils fréquentent, les élèves

Cinquième partie – Des pistes pour poursuivre l’action

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apprennent mieux et s’apaisent, nous enseignent les praticiens. Ils offrenten outre aux jeunes la possibilité d’exercer des types d’intelligence quine sont pas toujours sollicitées ni valorisées par l’école: avec les ateliers,mémoires, travaux personnels, réalisations spécifiques, etc., les jeunes peu-vent donner à voir des compétences et capacités jusque là négligées.

Tous et chacun

Le but que se sont fixé ces pédagogues est le même: faire réussir leursélèves, les conduire sur la voie d’une émancipation citoyenne. Cet uniqueobjectif doit être atteint par des individus aux capacités diverses, aux per-sonnalités, aux sensibilités, aux intelligences et aux cultures multiples: lesjeunes sont plus que des élèves. Ce qui est efficace pour l’un n’est pasnécessairement la bonne stratégie pour l’autre. C’est ce paradoxe auquell’individualisation tente de répondre. Elle y réussit bien souvent car ellesuppose que l’on tienne compte de toutes les dimensions, y compris fami-liales, de l’individu singulier que le professeur a face à lui et qu’il s’yadapte, même au sein d’un groupe.

L’écoute des élèves participe de ce jeu entre la réussite de tous et celle dechacun en ce qu’elle reconnaît aux jeunes une parole légitime et leurconfère un espace d’échange avec les adultes qui les encadrent.L’approche qu’enseignants et élèves ont les uns des autres s’en trouvechangée : plusieurs équipes évoquent alors la confiance qui se substitueà l’affrontement, l’ambiance scolaire débarrassée des querelles qui fai-saient obstacle aux apprentissages.

À deux et à plusieurs

Ce faisant les équipes désignent à la fois des inadaptations du système sco-laire, même si cela est en creux, et les moyens de les corriger. Ces ensei-gnants enfreignent des règles tacites du métier : au professeur seul maîtredans sa classe une fois la porte fermée, ils substituent des duos, acceptentde se soumettre au regard d’un collègue et frayent ainsi aux élèves un che-min vers l’esprit critique. À plusieurs, en équipes, ils confrontent leurs pra-tiques professionnelles, partagent des documents, acceptent l’arbitrage deleurs pairs, déterminent en commun des projets… Les traditionnelsdomaines de compétence peuvent paraître bousculés, mais ils en devien-nent plus lisibles pour l’ensemble des acteurs.

Ailleurs et autrement

L’ordinaire répartition des élèves en divisions est souvent commuéepour une partie de la semaine ou de l’année en regroupements par ate-liers, modules, projets. Les élèves se fréquentent en dehors de leursclasses, apprennent à se connaître et se respectent ainsi davantage. Lesjeunes perturbés, et perturbants, dans de grands effectifs où ils se sen-tent noyés, se trouvent rassurés par un contact proche, un véritableaccompagnement, qui leur permettent d’exercer des capacités jusqu’alorsinconnues non seulement de leurs professeurs, mais aussi d’eux-mêmes.L’ouverture de l’école à d’autres partenaires, en particulier vers des

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entreprises où ils effectuent des stages, les sorties et voyages qu’ils réa-lisent, les réunions qu’ils organisent, les lieux spécifiques créés poureux… établissent des solidarités nouvelles entre jeunes, entre l’inté-rieur et l’extérieur des établissement à travers de partenariats étroits.Familles et élèves peuvent réinvestir alors l’école comme lieu familier,le rendre à sa première vocation : être le leur.Ces témoignages montrent qu’il est ainsi possible d’évincer des établisse-ments une partie de la violence, pour que les jeunes y apprennent ce pourquoi ils y sont inscrits, à condition que les méthodes d’enseignement serenouvellent, que les dispositifs adéquats soient inventés. Cette nouvellepaix scolaire devrait permettre que l’on franchisse un seuil : d’apprendresans violence, à apprendre contre les violences avec des professeurs qui, s’ilsenseignent autrement, ne cèdent en rien sur l’exigence des savoirs.

Cinquième partie – Des pistes pour poursuivre l’action

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Annexes

Liste des établissements cités

Apprendre sans violence

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Établissements

Collège Edgar-QuinetCollège les ÉcrinsCollège MiramarisCollège Édouard-Manet

Collège André-MalrauxCollège Charlemagne

Collège Anatole-FranceCollège Les TâlesCollège Denis-Diderot

Collège Claude-DebussyLycée FeyderCollège Henri-MatisseCollège MolièreCollège Albert-Camus

Collège La Villeneuve

Collège Victor-HugoCollège Jacques-BrelLycée Jean-MoulinCollège Elsa-TrioletLycée Jean-DeconinckLP Pierre-Mendès-FranceLP Charles-Deulin

Collège Victor-SchoelcherCollège Ampère

LP Léonard-de-VinciLycée Joliot-Curie

Collège Les-Hauts deBlémont

LP Brossaud

Collège François-VillonCollège Georges-MelièsCollège Gustave-FlaubertCollège George-ClemenceauCollège Jean-Baptiste-Clément

Villes

MarseilleEmbrunMiramasMarseille

CompiègneLaon

BéthoncourtValentigneyBesançon

Alnay-sous-BoisÉpinay-sur-SeineChoisy-le-RoiIvry-sur-SeineMeaux

Grenoble

HarnesFrugesRoubaixRoubaixSaint-Pol-sur-MerBruay-en-ArtoisCondé-sur-Escaut

LyonOyonnax

MontpellierSète

Metz

Saint-Nazaire

Paris XIVe

Paris XIXe

Paris XIIIe

Paris XIXe

Paris XXe

Académies

Aix-Marseille

Amiens

Besançon

Créteil

Grenoble

Lille

Lyon

Montpellier

Nancy-Metz

Nantes

Paris

Pages

80, 135127157165

52170

25, 186145176

173322872111

76, 97,132, 185

57, 164603518010792130

138139

87102

64

185

2314282, 163175

161

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Seules les contributions d’équipe avant juillet 2000 sont reproduites dansle présent ouvrage. Les monographies arrivées après cette date ferontl’objet d’une publication sur le site www.eduscol.fr/innovation

Annexes

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Collège Louis-PasteurCollège Trois-FontainesCollège Pierre-Brossolette

LTP Françoise-de-GrâceCollège Jean-Moulin

Collège MolièreCollège François-TruffautCollège WolfCollège Jacques-TwingerCollège Le RiedCollège Cronenbourg

Collège La ReynerieCollège BellefontaineCollège Paul-Éluard

Collège Henri-WallonCollège Youri-Gagarine

Sermaize-les-BainsReimsReims

Le HavreLe Havre

ColmarStrasbourgMulhouseStrasbourgBischheimStrasbourg

ToulouseToulouseTarbes

BezonsTrappes

Reims

Rouen

Strasbourg

Toulouse

Versailles

4247121

105124

171955, 166168112153, 189

38118, 14995

178184

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Apprendre sans violence

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Annexes

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Apprendre sans violence

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Annexes

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Page 208: Service des Formations Bureau de la Valorisation des ... · À la manière d’un «cahier d’expériences » la relation écrite occupe une place centrale dans ce dispositif pour

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