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PUBLICATIONS OE ITNSTITUT OE CIVILISATION INDIENNE ÉRIE IN-«« FA80 IOULE M ETUDES SUR LE SlVAlSME DU KAÖMlR ÉCOLE KRAMA LA MAHÄRTHAMANJARI DE MAHESVARÄNANDA AVEC DES EXTRAITS DU PARIMALA TRADUCTION ET INTRODUCTION PAH LILIAN SILBURN MaItRE HB RECHERCHE« AU C. N. H. S. Publii avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique PARIS EDITIONS E. DE BOCCARD 1, HUE DE MÉDICIS, 1 1968

Silburn, Lilian - La Maharthamanjari de Mahesvarananda, Avec Des Extraits Du Parimala (232p)

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  • PUBLICATIONS OE ITNSTITUT OE CIVILISATION INDIENNERIE IN- FA8 0 IOULE M

    ETUDES SU R L E S lV A lSM E DU KA M lR

    COLE KRAMA

    LA MAHRTHAMANJARI DE MAHESVARNANDA

    AVEC DES EXTRAITS DU PARIMALA

    TR AD U C TIO N ET INTRO D U C TIO N

    PAH

    LILIAN SILBURNMaItRE HB RECHERCHE AU C. N. H. S.

    Publii avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

    PA R ISE D IT IO NS E. DE BOCCARD

    1, HUE DE MDICIS, 1

    1968

  • LA MAHARTHAMANJARI DE MAHESVARNANDA

  • PUBLICATIONS DE L'INSTITUT DE CIVILISATION INDIENNE8RIE IIM-B FA60I0ULE 29

    ETUDES SUR LE SlVA lSM E DU K A S m IR

    COLK KRAM A

    LA MAHRTIJAMANJARI DE MAHESVARNANDA

    AVEC DES EXTRAITS DU PARIMALA

    TR AD U C TIO N ET INTRO D U CTIO N

    LILIAN SILBURNMaITHE DE RFCIlEKCHF.3 av C. N. H. S.

    PublU uvee le conconrs du Centre National de la Recherche Scientifique

    PARISEditions e. de uoccard

    1, HL1- IMv MDICI, 1

    1968

  • A la mmoire vnre de LOUIS HENOU.

  • AVANT-PRO PO S

    Mahesvarnanda prsente son pome comme une gerbe de llcurs1 qui, bien quc distinctes, dgagent un parfum unique : ces flcurs sont Ics symboles divers quil utilise dans [ intention de suggrcr le sens profond ' : chacun deux elTectuant un retour perptucl vers la Source, exprience fondamentale, si simple et si intime, du Je. Pour rette raison, cn dpit de son rel talent, l'auteur nchappe pas aux redites, et qui le suit ldlement fait de mme, sans avoir comme lui lavantage du Sanskrit o les longs composs signalent ce retour l origine sans interrompre la progression de la pense. Par contre, un langage aussi analytique et logiquc que le fran$ais ne se prte pas une telle dmarche.

    La traduction du commentaire paraltra dautant plus dcousue quil a fallu faire des coupurcs, ne conserver que lcssenticl du thme, choisir d importantes citations doeuvrcs perdues pr- cieuses par le fait mme supprimcr les rptitions ou remettre dans leur contextc Ics allusions trop brvcs pour trc comprises par un non-initi.

    Comme il est habilucl dans les ouvragcs indiens, le lien entre les ides n'cst pas toujours perceptible, spcialement entre les citations choisics par Mahesvarnanda qui laisse au lecteur le soin de vivrc lui-mme l'exprience qui les unitic.

    A vrai dire la prsente introduction nvitc pas, elle non plus, ce dfaut. Mais comment une approche mystique, exprience intuitive de la totalit, ne scrait-elle pas trahie par un cnchalne- ment logique adapt nos facults rationnelles et qui ne peut pas sappliquer au donn mystique dans lequcl tout s interpntre.

    On abordera lexprience intrieure par touches successives sans jamais perdre de vue lessentiel, lacte indivisible dont on prtcnd arbitraircment analyser les parties Constituantes, intro- 1 2

    1. Mafjarl.2. Mahrlha.

  • duisanl un ordre l o il ne pcut y en avoir. Cest done au paradoxe de la kramamudr1 quici encore on revicnt.

    Nous nous sommes refuses faire passer une sphere dans le laminoire de la pense pour en tirer le fd qui aurait permis au lecteur de sorienter plus facilemcnt. Puisse-t-il nanmoins cuciltir quelques fleurs de cette gorhe antique, la Mahrthamanjarl, et cn dgager le sens profond.

    1. Sop cette attitude voir pp. 57, 168 el si. 51.

  • INTRODUCTION

    Goraksa, auteur de la Mahrthamanjari, futsurnomm Mahesva- rnanda, flicit du Seigneur, par son maitre Mahpraksa au moment de son initiation1.

    Fils de Mdhava et natif du pays Cola, au sud de l Inde*, il devait vivre aux environs du x ii* siede, postrieur Kscmarja quil mentionne souvent. Dans les stances initiales et finales de sa propre glose la Mahrthamanjari, intitule Parimala, il donne lui-mme de nombreux dtails sur sa vie et ses oeuvres. Disciple de Mahpraksa qui vivait dans la mmc rgion, il fut purifi de toutes ses impurets par son regard bni ( katksapla*) et eut la complte rvlation du Soi. Dautre part, initi aux diverses coles sivaitcs du Kasmir, lAuttarmnyai. * 3, au Krama sotrique, cest la Pratyabhijn quil dut la Connaissance illuminatrice. Il vcut en profonde intimit avec les oeuvres dAbhinavagupta auquel il tmoigne le plus grand respect chaque fois quil le cite4 5. Il tudia non sculcment ses ouvrages philosophiques mais aussi ses traits potiques, Dhvanyloka et Lorana, auxquels il devait, dit-il, sa science dans ce domaine.

    Il appartenait la tradition mystique Mahrtha ou Mahnaya, identique lAuttarmnya, et plus particulircment la secte des Yogininielpa dont la tradition dilTre quelque peu de celle du Trika. Il fut en efTet initi par unc siddhaijogini au cours dun rvc . Il prcise autre part quc cette gogint lui apparut dans ltat intermdiaire entre veillc et sommeil qui corro6pond lcxtase du Quatrime (tat, lurga). Les gogin ne sont autres que les facults dun yogin devenues des puissances divines et le terme siddha dsigne la pure nergie procdant du souffle et relevant de Bhairava lui-mme. I ourtant Mahesvarnanda id enti lie la gogini qu il vit

    i. M. M.p. Si, 7 ei io2. M. M. p. 202, l 3.3. M. M. p. 6 milieu vi p. i l. 6, Cf. p. 1-2 cl 11)0 '202 pour lensemble. Sur sa vie

    Cf. Dr. K. C. l andey, Atihinavagupla p. 272 s

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    cri rve avcc la ralit ultime du systme Krama et il la salue avec dfrcncc du nom de Klasainkarsanl1.

    Aprs un bref expos du systme Krama, de ses origines et de sa transmission par Sivnandantha puis par unc srie de mattres jusqu son propre guru Mahpraksa, il confic quil avait coutumc dadorer constamment la divinit, de mditer et de rcitcr des formules. L'n jour, il venait daehever un rituel, ofTrandes de llcurs, de parfums, de boissons la suprme Dcsse et il se tenait en compagnie de sa partenairc [dilli) dans le ccrcle sacrifciel, absorb dans la flicit, quand lui apparut unc siddhayogini extraordinaire vtue cn ascte de haillons rapics (kanlh), portant un trident dune main et un crne de lautrc.

    Mahesvarnanda lui oiTrit un sige, lui rendit hommage et chargea la dilli de lui donner de largent, mais la siddhayogini, eourrouce, dit en mahrslri quoi bon tout cela ! elle fit de la main le nombre sept et ajouta : ' cette nuidr doit tre transmise et (son) fruit rcolt . Sur ces mots, elle toucha le front de Mahesvarnanda avec la tte de mort et disparut. Le matin suivant Mahesvarnanda alla trouver son maitre et lui conta Ics vncments de la nuit ; cclui- ci y vit le signe quil lui fallait se dtourner de la multiplicit des ohjcts du culte et exposer la vritablc voie en soixante-dix versets et cn langagc Mahrstri. Il interprta lhabit en guenilles de nuances varies commc le Symbole du monde objectif dans sa diversit, le trident, commc la triple nergie : volont, connaissance et activit, et la tte de mort, comme Ttre humain, Texpression kanlhsillakaplanwlrai'ibhi'a dsignant ce qui manifeste Tunivers entier travers le sujet limit grce aux trois nergies. Cest pourquoi Mahesvarnanda transcrivit cette rvlation en soixante- dix vers et en prkrit Mahrstri ; il Tintitula Mahrthamajarl ' gerbe de lleurs au sens suprme ; il la traduisit ensuite en sanskrit et la glosa lui-mme dans un long commentaire nomm Parimala, parfum*.

    Il existe deux ditions de cct ouvrage avec Ics versions prkrites et sanskrites : la premire, ditc dans les Kasmir Series of texts and Studies, possed un commentaire abrg ; la seconde, dite Trivandrum1 2 3, saccompagne dune glose complte. A partir de la vingtime strophe, lordre des versets diffre. N'ous avons choisi, dans lensemble, la seconde de ces versions.

    1. M. M. p. 197. La description de la yoyinl commence p. 197 1. 15, p. 1922. Glose el litre rftunis donnent ainsi : le parfum du bouquet de lleurs doni le sens

    est absolu. Sur sa vie, ses ccuvreB cf. str. d'Inlrod. 1-2, 7-8 p. 2 el 73, 115 el 178, 202.3. The Mahrlhamailjarl with the commentary Parimala of Maheivarinanda.

    Trivandrum Sanskrit Series n 66 ed. by Mah3mahop3dhyya T. Gaiiapali Sistrl. 1919.

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    L aulcur mcntionnc au long de sa glosc dautrcs dc scs oeuvres aujourd'hui pcrducs : Pdukodaya, Samvidullsa, Parstotra, Mahrthodaya dont il cite dc nombreux passages ; Komalavalll- slava, Skta, Kundalbharana, Mukundakeli, Sakhapralpa tout juste nomms. II cite galcmcnt deux ouvrages de son paramaguru1 : la Kramavsan et la Rjuvimarsini et deux dc son maitre : le Manosnussanastotra et lnanda Tndavavilsastotra, inspir par lcolc Pratyabhijn et dont unc stance sculc demeure*.

    La Mahrthamanjari se prsente comme unc synthese des divers courants mystiques et philosophiques du sivai'sme monistc qui ricurircnt au Kasmir : le Mahrthadarsana (nomm aussi Mahnaya et Krama), le Kula, originairc d'Assam, le Trika ctle Pratyabhijn- darsana.

    Goraksa connaissait bicn la vaste littraturc dc ccs colcs ainsi que Ics Agama sur Icsqucls elle repose et il prcnd plaisir citcr scs auteurs favoris. Unc grande partic dc ccttc littraturc ayant entirement disparu, nous avons tcnu traduirc Ics passages Ics plus significatifs de ccs ancicns traits que Mahesvarnanda nous a conscrvs.

    Le sivaisme monistc du Kasmir se partagc cn trois principaux courants remontant chacun un fondateur et possdant unc ligne dc mattres initis, sans que nous constations la moindre discorde ou dissension entro cux. D ailleurs la plupartdcs grands mystiques tels Somnanda, Utpaladcva, Laksmanagupta, Abhinavagupta, Kscmarja appartenaient souvent deux ou plusicurs traditions dont ils commcntaicnt Ics traits dans le mme esprit que Mahesvarnanda : donnant dc longs extraits des mattres Ics plus divers, de quclquc tradition quils rclvcnt. L autcur dc la Mahrthaman- jarl reconnatt (p. 199) que le contenu de ses crits est commun aux colcs Kula, Trika et Krama.

    Hritires dircctcs des Tantra qui considrcnt iva comme un l)ieu vivant, grand danseur et maitre des rythmes par lesquels il manifeste lunivers et le rsorbe, en se liant et en se dliant, ces diverses coles partagent un mme dynamisme : toutes posent demble lActc1 2 3 identique la Conscience ultime, nergie autonome et puissance de jeu ; lmanation qui procde de cet acte ne leur apparait pas comme unc dgradation du spirituel au matrici

    1. Cest--dire le madre de son maitre. Cf. p. 115, 178 et 193.2. p. 166 com. au il. 62. Il Cile aussi p. 193 un passage de la Rjuvimariinl pour

    justilier l'emploi de la (angue Malir$trl.3. Acte, terme commode qui, & dfaut dun vocable appropri, couvre Ics nuances

    varies de viniarsa et de spanda; aclivil ' convieni mieux kriy, accomplissemenl d une action qui dure, a des elfels et comporle une certame potentiality tandis que l'Acle opre dans l'inslanl prsenl.

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    mais comme unc transition dun rythmc intense et subtil un rythme grossier et ralenti, celui du mouvement ordinaire.

    iva se prsente comme Acte pur et vibrant fsuddhaspanda) : pur parce que rien dextrieur lui ne le conditionne, et acte parco qu'il n'est nullemcnt un tre statique mais luniquc agent perp- tucllement agissant. La vibration ternelle de la conscience possde un mouvement si intense et une telle rapidit quon ne peut le percevoir, pas mme l imaginer.

    Aln de manifester Ics diverses catgories, et bien quil soit unique et immuablc1, iva fulgure par sa volont* et revt laspect de lacte pur intrioris qui nest autre que cette vibration originelle en sa forme suprme ( kirncicca/ana) : lorsque lnergie subjective le Je (aham) prdomine, lintriorit apparalt ; puis par son nergie cognitive, Siva met en relief l nergic objective* cela fidarti) do l univers tire son origine. Ainsi la phase d'intcrio- rit ou de reploiement succde la phase dextriorit ou de dploie- ment1 2 3 4 5 6, ces deux ples de rsorption et dmanation entre lesqucls lActc spanouit. Cet acte qui vibrait de fa^on inliniment subtile et sans sortir de soi, llchissant davantage, devient attivit limite, raidie, obissant une alternative constante (vikalpa). Si le rythme ralcntit encore, aux phases prcdentes de volont et dactivit cognitive, fait suite Faction proprement dite incarne dans un corps, la vibration devenant grossire en tant que mouvement perceptible : L nergie considrc en son activit intricure, savoir branlemcnt et prise de conscience de soi, pntre grcc son pouvoir inhrcnt dans un corps au moyen du souUIe, des Organes de la pense et des sens subtils et, de par sa nature vibrante (spandano), elle devient visible dans le domaine de l illusion sous forme daction ordinaire*.

    En consqucnce, les ncrgics ou les catgories de la ralit* ne sont jamais considres comme des choses mais comme des mouve-

    1. Acato, et pourlant vibrant comme la llamme d'iine bougie qui vibre et se meut sans arrl mais en elle-mime et sans changer de lieu.

    2. lechiakti. En sivataltva, catgorie suprme, toules les energies divines, qui ne soni elles aussi que vibration, demeurenl indivises (ghana). Laghuvftti, di. 27-28. Puis l'nergie autonome (svtantryaiakli) se montre sous des aspects variis : en obsciircissanl partiellement son essence, Taisant vibrer cerlaines energies, tiliciti ou connaissance, landis que les autres restenl cachies.

    3. Sur saiivalattva et livaratatlva Cf. M. M. il. 15.4. Nimtfa el unmesa.5. I. P. v. I. I. 15. voi. I. p. 47. Cf. M. M. il. 27, sur le clieminemenl de l'nergie,

    adhvan, glos par vibration. T. A. XI. 50.6. Kali du Krama et tattva du Trika.

  • inenls quc cos systmes, la suite du Krama, sc plaiscnt analyser en vue de retourner au mouvement initial suprme*.

    Ces coles demeurent (idlcs un autre caractre de lantique Siva. Dieu profondment humain danseur, asctc, amant, etc. bicn cnracin dans le conrrct immdiat et qui intgre sa divinit la vie totale jusque dans ses plus humbles aspects. Il scnsuit qucllcs ne tournent pas le dos la vie et quclles accucillcnt avec empresscment tout ce qui remplit le coeur de joic : ellcs selTorccnt d'intcnsilier les rythmes vitaux, de diviniser le corps et ses fonctions, rcjoignant ainsi une ancienne conception tantrique scion laqucllc lhomme ne pcut sidentiter Bhairava tant qu il na pas satisfait le jeu de ses Organes intellectuels et corporei.

    lnlin, une autre caraetristique importante les distingue des diverses philosophies de l Indc tcndues vers la libration : l intrt quellcs portent la seulc libcrt. Cest que tous ccs mattres origi- naux, vritablcs crateurs, et non simples commcntatcurs, furcnt aussi de Ires grands mystiques : vivant mme la Ralit profonde et libre, ils claircnt leurs problmes mtaphysiqucs ou psychiqucs la lumire dunc cxpricncc vcuc, celle de la parfaite intriorit.

    Nous traccrons une brve esquissc de ces coles sivaitcs* o NI ahcsvarnanda puisc son inspiration et dont il prsente Ics grands Ihmcs en un tout harmonieux.

    Le Trika, pris au sens troit, dsigne la branche Spanda, rclativc- mont tardive, fonde par Yasugupta au dbut du ix e siclc, avec pour Lraits les ivastra et la Spandakrik ainsi quc leurs commentaires. Ce trs pur monisme ( advaila) fait une place importante au spanda, Acte vibrant, et insiste galement sur les trois niveaux de la ralit : sujet connaissant, connaissance et objct connu et sur les trois voies corrcspondantes qui mnent la rvlation (sdmbhavopya, sklopya et navopya).

    Au sens large, le systme Trika expos par la l artrimik se scinde en deux coles : Kula et Krama. Abhinavagupta tmoigne une prdilcction marque pour le systme Kaula, aspect du Kula qui acrorde la primaut lnergie (saldi). Il dvcloppc ce systme 1 2

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    1. Cf. M. M 41. 36-37 comm.2. Pour la parlie liistorique el philosophique de ces coles se rfrer l'lude

    imporlanle du Ur. K. C. Pandcy : Abhinavagupla. An liislorical and philosophical Study. Seconde fid. Chowkhamba Sanskrit Series, Ilnars. 1063. Pratyabhijii p. 289 sqq. Krama p. 461 eli. VI et Kula p. 542 eh. VII. Sur la Pralyabhijii et le Spanda Cf. ParamSrlhasra. 1.. Silbiirn ; Tanlrisme, Vijftnabhaiiava !.. Silburn. d. de Boccard. Systme Krama, Ft. Cnoli : Essenza dei Tantra, Introd. p. 66. Systme Kula, A. Padoux : Itecherches sur la symbolique et l'nergie de la Parole, d. de Uoccard. 1963.

  • dans scs commcntaires la Partrimsik et dans certaines portions du Tantrloka*.

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    Sy s t e m e K u i.a

    Originale dAssam (Kmarpa), cette cole remonte Ardha Tryambaka qui vivait probablement la (in du iv e siede de notrc re. Cest au ix c siede quun de ses agama, le Ymakesvara, fut introduit au Kasmlr par Isvarasiva et ankararsi qui commen- trentce/an/raet que lon considre comme les avalraka, propaga- teurs du Systeme Kula*, de mcme que Sivnandantha fut celui du Systeme Krama.

    Au x c siede un mattre de lcole Kula, Sambhuntha, lenseigna Abhinavagupta ; de Sambhuntha nous savons peu de choses : il tait le meilleur disciple de Sumati, avait pour ditti Bhagavat! et crivit le Tantrasadbhvassana.

    Farmi Ics tcxtcs Ics plus notoires de cette cole signalons : le Siddhayoglsvarlmata et le Hudraymalatantra ; du premier ne dcmcure quun sommairc important, Ic Mlinlvijayatantra ou rlprva, et du second la partie finale Partrimsik dont nous possdons deux commcntaires dAbhinavagupta : un vivarana et la Laghuvrtti.

    Outre ces deux Tantra, Mahesvarnanda cite dautrcs textes de cette cole, presque tous disparus : le Trisirobhairava, la Batnaml le Kllkula, le Kulagahvara, le Kulamlvatra, la RjuvimarsinI, glose du N'itysodasikrnvatantra, portion du Vmakesvara- tantra partiellement publi, et dont une dernire partie forme lo Yoginlhrdaya, enfin le Kulakamala.

    Le Kuladarsana exer^a une influence si profonde sur les autres systmes sivaites du Kasmir quil est malais den dgager les traits caractristiques ; notons nanmoinsses tendances mystiques* prononees, l importance accorde la grce ainsi quau maitre spirituel ; celui-ci liber de tout lien, identique Bhairava et qui confre la grce au disciple dun simple coup doeil, lamne au mme niveau que le sicn, faisant de lui un joanmukta. Ce Systeme insiste done sur la lignee des maltres et de leurs femmes dont les noms taient conscrvs dans des traits comme le Kllkula et le 1 2 3

    1. Ch. I li, 11. 75 ; 1. 48. Cti. X III. XXVIII 1. 166-167 et eh. X X IX

  • Pancasatika1. La Temine du maitre joue un certain rle dans ( instruction du disciple.

    Le terme Kula dsigne la Ralit ultime qui contient en elle- mme iva et saldi ou anullara et anullari dont lunion engendre la flicit. Tandis que le Trika met l accent sur la non-dualit ( advaila) de la Conscience, le Kula insiste sur son infinite et sa libert (svlanlrya) : en cet inlini qui nexclut rien, trouvent place les points de vue les plus opposs, dualisme et non-dualisme tant titre gal considrs comme un jeu ile iva qui samuse voiler son essence ou la rvler.

    La libert celle du .le rside dans la prise de conscience du Je en toute son ellicience grce Iintuition indicible de la formule A -II-A M * ; lellicience et la libert se prsentent ainsi comme les traits essentiels du systme Kula.

    Pour atteindre la libert ou lunion indissoluble le rudray- mala de iva et de lnergie cette cole prconise la voie directe de iva* qui dcouvre la libert ultime dans l acte de volont : hardiesse du vira, audace de gnie par del tous les interdits;le hros intrpide, sans rien renier, sunit iva dans la flicit et par elle, do ( importance accorde aux pratiques koala et au juan muhla entendu au sens dtre libre qui, en cette vie mme, a pris conscience de sa libert totale.

    Dans la dernire partie de la Mahrthamanjari, Coraksa fait de frquentes allusions au systme Kula, reconnaissant que sa propre doctrine a pour base la tradition Kaulika (p. 195) qui, daprs le Klkula, est prsent dans tous les Tantra comme le parfum dans la lleur ou le nectar dans leau (p. 177). Il admet aussi la supriorit du Kula sur toutes les autres coles, suivant en cela Abhinavagupta qui lixe la hirarchie des coles daprs la grce dont elles bnli- cient : partant du dualisme Siddhnta, il atteint le monisme Trika mais va, par-del encore, jusquau systme ultime, celui du Coeur, llrdaya, essence mme du Trika que dveloppent lIsva- rapratyabhijnkrik et la Partrimsik1 2 3 4 5 : Le domaine du coeur celui de Paramasiva qui renferme tout en lui-mme est spontanment ralis par lhomme sur lequel tombe la grce du Seigneur, lelTorL personnel ne jouant ici aucun rlc6 .

    Si le Trika accepte les initiations externes paralllement l ini- tiation interne, il rejette, comme la Pratyabhijn, tout crmonial

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    1. Cf. T. A. 111.1)3-54, X XVIII 166-167 el M. M. p. 86.2. A ham par maria et mantravlrya. Cf. ici p. 27 et p. 2U.3. I.e imbhavop'hja.4. T. A. X III. 294-301.5. I. P. v. voi. I. p. 7, 1. 14.

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    sexuel. Lc Krama fait place aux initiations et au culle externe m vuo de prparer ladepte au culto intrieur. Il accorde aussi une grande importance aux pratiques sexuelles. Le Kula insiste sur los pratiques sotriques diics ' kaitla rite d'union sexuelle associe lascension de la kundalinl (kulai/ga). En cc qui concerne lo cultc externo, il l interdil ceux qui clierclient atlcindrc la Conscience indiffrcncio par la voic de lnergie, et qui scraient on danger do rctomhor dans la dualit au sortir du nirvikolpasamdhi. Par contro, il ne le defend pas aux dbutants do la voie infrieure qui peuvent en tircr quolquc profit. Quant aux adeptes de la voic de Siva qui jouissont sans interruption du samdhi indifTrenci et pcrjoivont toute chose dans le miroir de la Conscience, ils peuvent leur gr accomplir ou non Ics rites, puisque pour eux plus rien n importo.

    SYST: m !: K ham a - Ma h uth a

    Daprcs le titre de doux de sos ouvrages, la Mahrthamaujarl et le Mahrthodara, et do nomhreusos allusions quil fait dans son commentaire. Mahcsvarnanda appartenait fcole mystique Mahrlhadarsana nomme encore Mahnaya, kllnaya, Devinaya, Atinaya, Atimrga et Krama ; co domior. lant originairc du Kasmlr (Lttaraplia), est connu aussi sous Io nom de AuLtarmnya (p. 0 et 1%). Mahesvarnanda dii daillours expressment dans la Mahrlhamanjarl quo lo syslme Mahrlha qu'il expliquo ne difTre gure du Trikudarsana (p. 190). Mahrlha, sens ahsolu, dsigne la Raiit qui nadmet aucunc distinction ent re supricur et infrieur ; par contee, paramrlha sigili fio Iranscendant par rapport un tat infrieur.

    Daprs uno tradition rapportc par (oraksa (p. 196), Siva rvla la doctrine krama B ha ira vi ou Icch^akti. la Desse- norgic sous forme de volont (p. JO I. 1). O llc-ci la transmit Sivnandantha, appel aussi Avaliirakanlha et Doraksa auteur du Srl klikstotra, le soul do ses ouvrages qui nous soil parvenu. Goraksa vivait au kasmlr (p. 19H) probahlemcnt la fin du vn e ou au dhut du viti sicle ; un de sos disciples loigns, Govindarja, fuI le maitre do Somnanda.

    Le systomo krama avail sos gama, le Kramasad lill va ol la Kramasiddhi < ils cliacun qua tre reprises par la Mahrfha-

    .. Cf. * Abhinavafmpla (in lir. K. C. l aiidey, |>. 466.

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    manjari le Tanlrarja, ses slra, Ics Kramastra dont nous traduisons Ics deux courts passages qui demurent ainsi pie dautres traits de maltrcs inconnus : le Kramodaya (M. M. p. 30 et 87), le l aicasatika ou Devipaicasatika que l'on peut partiellement rcconstituer cornine le Kramastotra - partir Ics citations |uen donne Jayaratha (T. A. IV ). Abhinavagupta s'interessa au systme Krama e t crivit deux gloses au Kramastotra : la Krama- kcli, dont seules quelques lignes sont prservcs par la MahSrtha- manjarl, et un chant en lhonneur des louze bli, le Kramastotra, que nous possdons intgraicment1.

    Mcntionnons enfin parmi Ics ouvrages conccrnant lcolc Krama le Mahnaya praksa*, le Mahnayapaddhati consacr au rituel (M. M. p. I 12), le prsent ouvragc et le Mahrthodaya de notre auteur, enfin les deux ceuvres de son paramaguru, la Kramavsan et un commentaire au Nitysodasikrnavatanlra, la Itjuvimarsini(p. 110, 178).

    Le systme Krama admet pour Ralit ultime lnergie cons- ciente compie comme la dessc Vyomavmcsvarl, Mtrsadbhva, ou >ncore Blius, Splemleur, le Tout hors duquel rien nexistc, la fois Raudra et RaudresvarT. Quanl elle engendre l'univers en lui imprimant la vie, elle est appele KlI e t quand elle le rsorbc en i*lle-mme, Klasamkarsanl1 celle qui pressure le Temps pour le vider de son contcnu : car sous linlluencc lu Bouddhismc, ce systme accordo unc granile importance au temps et la manire de le surmonter.

    Ainsi eentr autour de lnergic universelle, le Krama porte leur plus haut degr Ics tendances dynamiques des divers systmes sivait.es. O t te energie conscientc de soi, spontane et libre, se transforme inlassablement en revtant de multiples aspects bien quYllc reste galc cllc-mmc, la manire de limmuablc ocan dont les vagues ne ccsscnt de surgir et de se rsorber. Toutcfois ces vagues de la conscience ne formen! pas un remous incohrent : la gerbe jaillissant de l'indiffrcnci le Coeur traverse des zones de plus en plus distinctcs, cedes du sujet puis de la connais- sanee et de ses moyens pour al teindre lolt jet. Kllc rei ourne cnsuitc rindillrcnci originaire bhs et en rcjaillit aussitAt. Cest done lout instant que se produit ce prodigieux tinccllcmcnt de fure.es qui formcnt le noi et lunivers. Mais ces forces surgisscnt et se rsorbent ave.c une felle rapidif que leur succession ne peut 1 2

    1. lolite par K. C. Pandoy la Un de sn Al.liinavaguptu ' p. 94$.2. d. Trivandrum. 1937.

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    tre apprhende par lhomme ordinaire, comme la fiamme dune lampe, bien que faite dune succession ininterrompue de llammes similaires, apparalt continue au regard non averti.

    Par contre le siddha qui a pieine conscience de cette succession subtile et vibrante ( kramaparmarsa) apprhende le Soi, source inpuisable dont celle-ci procde1. Le Soi se manifeste alors en sa libert inlinie, en tant que Splendeur cosmique* car il contient toutes Ics nergies qui formcnt lunivers.

    Aln de mettre la porte de ladepte cette conception dyna- mique de lunivers, le systme Krama utilise le Symbole dune Roue immense mille rayons, cest--dire inlinie, Roue de l'indi- cible ( ankhi/acakra) ou de la Conscience universelle. A l intrieur de la roue, des cercles cmbotts ofTrent une classilcation exhaustive de la ralit et permettent ladepte de saisir en un seul coup doeil lnergie sous tous ses aspects, dabord unile au centre, puis se dispersant vers la priphrie : roue intrieure quatre rayons, celle du pramili, pure connaissance de soi ; puis roue huit rayons, celle du sujet conscient (pramlr) ; plus externe, une roue douze rayons, celle des moyens de connaissance (promana ) ou roue des douze hall associe des pratiques mystiques, tandis que les deux roues prcdentes nen comportent pas; enlin la roue extrieure seize rayons, celle de lob jet connu (pramei/a). On ignore si le Krama rendait un culte aux seize kl nergies ou fonctions qu'elle renferme.

    La roue de lobjet correspond la perception ordinaire o le sujet se tient face lobjet quil saisit par la connaissance. Dans la roue de la connaissance, le sujet et sa connaissance demeurent seuls en prscncc. Avec la roue du sujet, objet et moyens de connaissance disparaissent, cngloutis par lui, et seul subsiste le pur sujet dou de conscience de soi (pramili). Avec la roue de pramili, le sujet sablmc dans le suprme Sujet conscient qui renferme, bien panouis, les trois aspects de la connaissance, trait quil partage avec le cercle de lobjet la diltrence que ce Sujet a une parfaitc conscience de soi et connalt toutes choses dans leur vritablc perspective. ncrgic parpille la superlicie, ou nergie ramassc au centre, cest toujours la mme nergie : il sullt celui qui aspire l nergie cosmique de briser ses limitcs indivi-

    . Cf. l. 40 sur bhs et Introd. p. 25.3. Dans l'ouvrage consacr au svstme Krama, nous examinerons les diverses roues

    llescopes en donnant la traduction de la seconde moiti du eh. IV du Tantriloka qui traile de ce sujet sotrique. Nous y approfondirons les problmes du temps, de la vacuili, des douze kll ainsi que des autres aspects originaux de cette ancienne (cole.

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    duelles et d intensilier ses propres nergies pour que celles-ci recouvrent leur spontanit et inlinit naturelles. Contrairement lcole PraLyahhijii qui va droit lessentiel et insiste sur linti- mit vritable qui suppose uniquement une plonge en soi-mme, dans la parfaite tranquillit, le systme Krama veut tout embrasser et, par la voie de lnergie accessible chacun, cherche rcuprer lnergie tous les niveaux, pense, corps et ses organes, et lui restituer sa nature vibrante, ciuciente, intgrale. Le retour au pian cosmique se fait ainsi partir de lnergic intensifie et libre.

    A cette Un, la voie de lnergie met en oeuvre diverses vocations et pratiques, adoration de Siva, contemplation de la roue des nergies, rituel avec une partenaire (dliyajana), grandes runions d hommes et de femmes ( mahmdpa) ayant pour but de raviver de fagon naturelle les nergies somnolentes et de les rassembler en une seule dune intensit exceptionnelle (urya).

    Le trait essentiel du systme Krama est la kramamudr qui donne son nom lcole et sur laquelle nous nous tendrons longue- ment.

    Krama et les autres systmes

    Comme la sede des Yoginl-melpa, le Krama s intresse aux siddha1 et aux yogini, leurs rpliques fminines, ainsi quaux grands banquets o ils se runissaient, les mahmelpa. En commun avec le Kula, il accorde une importance primordiale au principe fminin, saldi; les femmes jouent un rle dans la vie spirituelle, puisque des ouvrages consacrs la ligne des mattres indiquent galement le nom de leurs dati. C'est encore des yogini que iva- nandantha transmit dabord son enseignement, et celles-ci leur tour initirent des disciples qui rpandirent la doctrine Kraina. Mahesvarnanda lui-mme fut initi cn rve par une yogini4.

    Le Krama sloigne bien des points de vue du systme Pratya- bhijn. Contrairement ce dernier qui fait une large part aux spculations mtaphysiques, bases il est vrai, sur une exprience mystique, le Krama-Mahrtha se borne la pratique*.

    Ces coles diffrent aussi par leur mthode dapproche : la premire se situe demble dans la Ralit et descend de niveau en niveau, le degr infrieur tirantson ellicience et son intelligibilit du degr suprieur dont il est la manifestation. Elle adopte une 1 2 3

    1. noni Gorak$a donne une clasBiltcation, comm. 1. 38.2. Cf. ici p. 63.3. D'aprfcs les rares lexles qui

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    mme mthode dans ses explications philosophiqucs et dans la pratique ; il scnsuit que le partisan de cette cole se laisse porter par la grcc et na jamais dcITort fournir. L cole Krama obit par contro un dynamisme asccnsionnel, et si son partisan fait appel lcITorl, ce nest pas un elTort systmatique Lei que lcntcnd un Goraksantha1 ; elle utilise lnergie dune manire spontane et en obissant aux tendances inncs et naturelles (sahja). ivnandantha nous paraTL tre un des premiers propagateurs du courant sahja qui devait dferler plus tard sur l inde. On rctrouve cette spontanit tous Ics niveaux du Systeme : dans le mouvement de la roue des nergics, dans celui des centres de la kundalini, Ics cabra se mouvant sans aucun effort ds qu'on dveloppe la pure conscience au cours du samdhi. On constate le mme souci de spontanit dans l'altitude kramamudr dont le mouvement sedectue de lui-mme, ainsi que dans la manire naturelle d intcnsiler lncrgie par l initiation sexuelle ou les pratiques kramacartj*.

    Mahesvarnanda expose, partir du sloka 34, divers aspects du systme Krama : il insiste sur lnergie universelle. Klammkarsini, sur les trois yeux de i va et surtout sur la classification par pen tades, earaetristique de l'cole : cinq courants, cinq roues, cinq types de siddha, le tout compris lintrieur de la roue totale (vmdacakra), la plus importante des roues du Maliartha-Krama (M. M. p. 194). 11 dgage aussi nct.Lement un trait essentiel du Systeme Krama qui remonte probablement son fondateur. Sivnandantha : une analyse (ine et subtile qui dcomposc en lmcnts discontinus aussi bien les nergies apparemment ininterrompues, que le mouvement, la purification des vikalpa, ou nimporte quelle sensation, en vue datteindre la conscience du Soi.

    COLK l HATYABHIJiN

    La Pratyabhijn fut fonde la Un du ix e siclc par Somnanda, auteur de la ivadrsti, puis systmatise par son disciple Utpala- deva ou Utpalcrya qui crivit entre autres l Isvarapratyabhi- jnkrik, lAja

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    gupta fit plusieurs commentaires au premier dc ces ouvrages : villi, uivrli, cimarsi ni et uiurtiuimarsini.

    Ces grands maltres dvcloppent el approfondissent Ics vues de lcolc Spanda-TriUn mais cn leiir imprimant un caractre pistmo- logiquc alin de luttcr contro Ics BouddhisLcs Yijiinavdin. Bien qu'ils admettent peu prs tout des doctrines essentielles des Vijnnavdin dont ils subirent profondment l inlluencc, ils se refusent faire du Soi une srie impermanente de connaissance et d imprcssions discontinues. Ils posent demble un Sujet permanent la fois sur le plan universe! et sur le pian individucl, coinmc distinct de ses connaissances et sans lequel la synthse ne pourrait se produire. 1,accent pse done sur le Sujet conscient (jtramlr) dont la vibrante prise de conscience rend compie de lapparition de lunivers.

    L'tpaladcva commence ses versets - - manifeste de fcole l ratyabhijn cn faisant du Seigneur* la libert meine, la Conscience mme*, deux aspects insparablcs dune Ralit indicible mais qu'il faut distinguer dans le discours.

    Si lunivcrsclle Conscience est omniscicntc et toute-puissante, ccst quelle a le libre pouvoir de manifester le monde quelle renfcrme en son sein ; elle le prsente son gr comme identique elle-mme ou comme spar delle, mais ce monde et ses phno- mncs ( dbluisa) ne sont jamais cxtricurs elle, qui est le Tout. Ainsi est-elle pur Sujet et tous les sujets individuels comme clic conscicnts de soi nen different nullcment : il nexistc done pas dautre su jet indpendant poni lequel elle deviendrait objet ; contcnant les notions et les activits de tous les individus, ses manifestations limites, elle chappe aux critres de la connaissance, car elle est la source lumineuse (pii Ics claire ; elle se drobe ainsi toute preuve.

    Quant la voie qui pcrmet chacun de ces individus de recouvrer sa libert inne, la l ratyabhijii rvlc un nouvel accs la Halit ultime rcconnue immdialemcnt par le coeur, ce qui a valli au Systeme son nom de l ratyabhijn \ Reconnaissance.

    Il ne sagil ni de [acquisition d une chose nouvelle, ni dune connaissance (jrna) portant sur une ralit inconnue, mais dunc prise de conscience du Seigneur omniscient et tout-puissant, jusque dans l individu, en nous-mmes, dans notre coeur, le Je dont nous sommes intuitivement conscienls ; do l importance accordc par co Systeme au Je ( altam) et la dcouverte mystique 1

    1. Malicivara, Ralit ultime.1. Vinaria ou mtantrija d une part et prakia d'autre part.

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    de l intriorit qui fait cho celle de Vlman, le Soi, au temps des L'panisad.

    Dj Yasugupla avail insist sur le spanda, vibration prouve par lui au cours dtats spirituals et il en avait tendu lapplication tout acte de conscience. Clierchant dlinir cel actc vibrant, les partisans de la Pratyabhijii distinguent dans lunique Ralit, Paramasiva, pour les besoins de lanalyse, praksa, conscience- lumire et vimarsa, conscience-nergie, qui correspondent respecti- vement iva et akli. Cette distinction forme leur principale originalit et leur permei d'introduire la libert au Coeur de l'absolu.

    Les V'edntin nignoraient pas praksa, ultime Rel ou brahman lumineux par lui-mme. Mais, dit Abhinavagupta, il faut sentendre sur le sens du terme svapraksa: si le Soi brille par lui-mme, de quelle nature est sa luminosit propre ? Sil brille seulement en tant que pure conscience immuable1, on ne peut rendre compte de la dilTrenciation des connaissances et de leur unification subsquente. Il faut done admettre quil se manifeste en tant que Soi spontanment lumineux et libre*. Ainsi lacte conscient et autonome fspanda ou vimarsa) appartieni l essence de la Conscience tandis que pour un Sankara, Loute cspce de dynamisme relve uniquement de lillusion.

    Les Yijiinavdin pour qui la connaissance domine, faisaient place la conscience de soi (svasvasamvitli) et, sur le plan des phnomnes psychiques, une raction mentale (adhyavasya) dont dpendait la validit de la connaissance, mais en rcusant tout agent permanent. Le Trika met au contraire lacccnt sur le sujet qui illumine ct de [ illumination et de lobjet illumin, sans pour autant tomber dans un trialisme.

    Les philosophes kasmlriens ne considrent done pas la conscience uniquement comme une lumire indterminc, substrat lumineux permanent sur lequel se dtache le devenir multiple et que rien nalTecte, mais aussi comme un acte, une prise de conscience de soi et une force vive qui anime l univers. Il ny a pas de conscience sans nergie ni d ncrgie sans conscience.

    Mahesvarnanda expose dans la premire moiti de son pome ainsi que dans son commentaire les thmes principaux de Fcole Pratyabhijn : distinction de la conscience en lumire et en nergie, thories de la connaissance, de la causalit, de (existence et de la non-existence ; il donne de longues explications sur les trente-six catgories de la manifestation, sur les trois impurets, les douze 1

    1. 1arinitthitasowoinmtra, selon la Illse de Sartkara.1. Suatantraivoprokilma. 1. p. v. I. I. 2. voi. I. p. 30.

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    types de grcc ; il admet aussi commc supricurc aux autres voics, la voic di recte de la conscience de soi qu il dsigne du terme vimarsopya. Nous ninsistcrons que sur le premier et le dernier de ccs aspects cn raison de l'importancc que Mahesvarnanda leur accordc.

    Praksa et vimarsa

    L indissolublc union de praksa et de oimnrsn constitue la Ralit indilTrcncic nommc Paramasiva, cailanya, Coeur ou Soi ( tman), tcrncl et suprme Sujet conscicnt qui brille toujours de son propre clat et que caractrisc unc libre prise de conscience.

    Dans la stance d'introduction sa Pratyabhijiivimarsinl, Abhinavagupta rsum cn quelques versets puissants tout le systme Pratyabhijn et sa conception de labsolu quil nomme nikhila1 : J c m'inclinc devant la non-dualit absoluc, totale identit de Paramasiva et de lncrgic qui d'abord rvlc, hors de la plnitudc sans dsir, le Jc qui scxprimc soi-mme (aham i l i ), puis a le dsir de scinder son propre pouvoir cn deux branches : Je et cela*. Alors partir de ('Essence ultime*, il s'adonnc au jcu de unmesa-nimesa : s il dploic lunivcrs, il cache son essence et sil rvle son essence, lunivcrs disparatt.

    Le Je est done plnitudc sans dsir, flicit parfaitc, sans lombrc dune dlicience. La dficicncc commence apparattre avee le dsir ou l intention1 2 3 4, au moment o Paramasiva, qui conticnt omniscience et omnipotence encore indiviscs, slancc dans lavcn- ture cratrice en lissurant scs deux ncrgics et cn sacrifanl lune ou lautre, ou encore toutes deux simultanmcnt, en vuc de susciter un univers infinimcnt vari.

    Alin dapprofondir le sens du terme uimarsa prise de conscience de soi nous citcrons quelques versets dUtpaladcva avee des extraits du commcntairc dAbhinavagupta qui chcrchent montrer que vimarsa forme le caractrc csscnticl de la lumire consciente, praksa.

    On sait que vimarsa est l'csscncc de la manifestation conscicntc, sinon la lumire conscicntc, mme aITcctc par lobjct, possderait une inconscicncc semblablc celle du cristal de roche (de leau, du miroir), etc. 4 (1 .5 . 11).

    1. Text, sans Taille ni lacune (akhila-advaila).2. Aham-idam correspondanl & sadiiva et lvarataLLva. M. M. 41. 15.3. Suarpa.4. Irehiakti, nergie intenlionnelle ; nous

    tantt par intention.traduirons ieeh tantl par volont,

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    Commentaire dAbhinuviigupta : ... La conscience dlre alfeit qui constitue la vie mme dii sensible a pour essence le libre pouvoir de sint- rioriser 011 de sexlrioriser et appartieni par nature fi la lumire consciente ; sans dpendre de rien, elle repose en elle-mme. Quand siirgil la prise de conscience : moi seni, lumire consciente, je brille . la conscience se connalt alors en lanl que sujel connaissant, moyen de ninnaissance et objet connu, sans taire appel un tre spar delle. Au conti-aire, le cristal de roche, mme si un retlet s'y produit, ne peni lre connu sans un sujel ilillrent de lui : aitisi priv de prise de conscience, on le dii inconscienl.

    En ralil, tonte chose, avant de se dlacher du Je ou aprs Sy lre rsorbe, est consciente parce que reposant dans la conscience du Jc, et ne ditTre nullement de l'essence du Sujel ou libre conscience de soi... Elitre ces deux extrmils initiale et liliale, s'lend l'tape intermdiaire de lobjecl ivil maniteste, sphre de lillusiou (my et le satfisra).

    Puisque li; Soi ne se caractrise pas comme inconscienl, on le dclare (idenlique) la conscience mme, cailamja ayanl pour synonyme aclivil consciente ou autonomie de lnergie consciente (12).

    La conscience dynamique est conscience de soi. (Vest la parole suprme qui se manifeste temellement par soi-mme. (Vest lautonomie, la souverainet minente rlu Soi absolu ( I3 )1 .

    Commentaire d'Abhinavagupta : Citi dsigne lacte de conscience qui se rfrc fi Soi, exprieuce de soi ou conscience de soi. La eruche dite incons- cienle, nayanl pas conscience de soi ne se manifeste pas indpendammenl. Mais l'homme dou du pouvoir dinitialive' se rvle lui-mme en disanl Je ' : il est conscient de soi', et il a conscience immdiate de soi comme distinct de la manifestation limile conslitue dimpressions varies de couleur, de plaisir qui l afTecleiil... Celle conscience de soi est esseiitielle- meiit parole intrieiire', exprience de soi iuiiilerrompiie' et alTranchie de tonte relation objective. Elle forme la vie mme des sons conveutioiinels propres au domaine de (illusion (le plan ordinairr) et l arrire-fond sur lequel se dtachenl les aulres prises ile conscience : je suis un lei cest

    I : II. Svabhilvam avabhsasya vimaram vidur anyalh / prakiio* rthoparaklo'pi sphatikfidijadopamah //

    (commentaire : ... Tathi parmarfanam eva ajdyajlvalam antarbahiskaranasvtan- tryasvarpaip svSbhSvikam avabhsasya svtma-viirantilakjaiiam ananyamu- khaprek$ilvaip nima / * aham evaip prakilm prakiie 'ili hi vimarlodayesvasanivid eva pramtrprameyapramndi caritrlham abhimanyale na tu aliriktaip khksali...

    12. tmtaiva caitanyam citkriyft citikarlrts / ttparyenoditas lena ja^it sa hi vilak$anah //

    13. Citil.i pratyavamar^tma par vksvarasodilfi / svtantryam etanmukhyaip tadaivaryoni paramtmanal //

    14. S3 sphuratl mahsatU de4akMSvi4e$inI / sai$5 sratay5 prokta hrdayani paramc$(liinah //

    2. Sarprambha, uyoga, initiative intrieure par laquclle il prend possession de lui-mime el s'engage en toute conscience et liberti dans des activitis varies.

    3. Svlma paramfiyate et tamalliriyale.4. Antarabhitpa.5. Aoieehinnacamatkra.

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    un pol . On lu nomine Parole suprme (parvk) en raison de su plnilude... Puree qu'elle esl conscienle, ipi'elle repose en soi el possde son essence propre, on lu dii lernellemenl juillissunle (udil satatam), se manifestuiit suns inlerruplion sous lu forme du Je. Pouvoir principal du Seigneur, eile esl uussi su liberl, su souveruinel, son indpendunce ubsolue. En vril, celle indpendunce nesl pie suprme flicil, loule-puissunce, liberl cl Conscience.

    C e lle1 (conscience) esl vibration, Halit absoluc (mahsall) par dcl Ics distinctions spatiales et tcmporcllcs. lin tant qucssence universelle, c'est elle quon nomme Coeur du Seigneur (14).

    Commtnlairt. Dire : celle crucile e\isle signilie ipie lu eruche mest prsenle, quelle ulleinl ma conscience, que celle-ci vibre, sphurana lunl glos pur spanda, brunlemenl, lger frmissemenl* ; lger, cur un semblunl de vibrulion se produil ; lu conscience, immuuble pur nulure, parlili changer en sussociunl fi une mulliplicil de munifeslutions. Pour le Soi ou ivuqui esl essenliellemenl conscience uu repos, vibrer signilie que les nergies uclivil el connuissuiice - ne cessenl denlrer en mouvemeiil*.

    Mahsatt, Bulil ubsolue, dsigne lucliiulisulion de l'exislence, lu libre nulure delugenl en loulessesuclions. Engendruiil le lem p sellespuce, elle ne peni lre limile par eux. lernelle el omniprsenle, elle couslilue lu vie de lunivers. Sra, mulle, nergie de lu prise de conscience de soi (vimarsaakti), distingue su jet el objel, lous deux lumire conscieule pur essence.

    La reconnaissance de cotte nergie conscieule1 2 3 4 5 6 se produit dans le Coeur, souticn univcrscl ; en clVet l inscnsible repose dans le sensible, celui-ci dans la Lumire conscieule et ccttc lumire a pour assises lnergie consciente de soi. Daprcs certains textes rvls, ce Coeur est le lieu du repos de lunivers. On dit aussi quil repose dans la demeure ultime (Paramasiva). Ainsi Ic Coeur est identique la prise de conscience, la formule suprme, .le, et lnergie de la Parole*...

    Pourquoi insiste-t-on sur lnergie de libre conscience, tant donn que Paramasiva possde d innombrables nergies ? Abhina- vagupla rpond cette question en commentant le verset 15 : l nergie propre lopration de l agenl* cssentiellemcnt souve-

    1. Citi ou reconnaissance de lnergic conscienlc.2. Kinicit calano.3. L'accenl porle sur le premier inslanl ou acte mme. Ahliinavagupta Cile ici la

    stance de la Sivadr$ti 1. 2. (Cf. ici p. 98) puis la S. K. 22 alln de discerner la vrilablu nature do cel acte vibrant qui se rvle sans eUorl dans cvrtains lats Tavorables au brusque arril des llucluations mentales (vrttinirndha) : colre, dsespoir, transport de joie, pouvante...

    4. ahl ipralijabhijnna.5. Hrdayavimaria-paramanlra-parukiakli (p. 28).6. liarlrlvaiakti.

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    rainet et libre conscience de soi contient toutes Ics autres energies. Cette libert four nit la seule explication possible du devenir puisque, par elle, iva se manifeste sous Iaspcct dobjct connu (jneyikaroli) bicn que lui, le pur Sujet, ne soit jamais un objet (ajhetja) : existant en soi, il ne peut tre reli aucun autre sujet en qualit dobjct. II prend lappnrence dun objet par sa propre energie conscicnte parce quil est conscient de soi1 et parcc que le monde repose cn lui. Il ny a l nulle incompatibilit puisque loli jet na pas dcxistcnce sparc de lui et que le Soi sans-sccond est parfaitement libre : sil dpcndnit dun objet extrieur lui, il perdrait son autonomie.

    Il cre non seulemcnt le monde objcctif mais encore, et par sa seule volont, des aspects divins tels le Souvcrain, leTout-puissant (Isa, Prabhu), dous de libert et objets de mditation et de vn- ration pour Ics lidcles. Comment, objectera-t-on alors, le cr peut-il sans contradiction, jouir de libert ? Pour les mmes raisons qui viennent d tre exposes, rtorque Abhinavagupta : la totale libert de luniquc Conscience dont l activit ne rencontre jamais aucun obstacle, cn sorte que ce qui apparati, tres difficile dans la sphrc de lillusion ne lest pas pour la libre Conscience. Dailleurs ce que le Soi engendre doit tre con

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    de fagon immdiatc et intense ; glos par parmarsa*, fait de saisir, d etre puissamment aiTeet et de ragir tout la fois, vi mars a connote line prise de contact avec soi-mme ou conscience de soi*.

    La Conscience est autonome et absoluc car elle ne dpend que de soi par contraste avec lobjet qui ncxiste que pour un autre et quon nomme en consquence bhsa, apparcncc. Pourtant, mme manifest lextrieur, lobjet ne peni pas son intriorit8 en ce sens quil nexistc pas hors de la lumire du Sujet conscicnt, sinon il ne serait pas manifest*. Sujet connaissant et objet connu (yrhaka et ijrhya) en leur nature distincte brillcnt dans le Sujet universel toujours actuel. Mais Pobjct, en tant que tei, nest-il pas spar de cette lumire ? Comment alors une seule et mme chose peut-cllc, au mme moment, tre dite spare de la lumire et pourtant rsider dans la lumire ? Abhinavagupta explique : le su jet limit ( mypramlr) dont la lumire est artiliciclle ( kalpila- praksa) spar les objels les uns des autres et Ics spar aussi de sa lumire limite, pourtant ccllc-ci, mme cntache dobjec- tivit, est apprhende comme un ' Jc et pour ainsi dire libre de limitations. En consquence la manifestation simultane du sujet et de lobjct scITectue dans le Soi et ne diiTcre pas de sa nature spontanment lumineuse6.

    Toutc chose possed done la conscience du fait quelle repose dans la conscience du Je, universel substrat*, do eile surgit et o elle sc rsorbc. Mais eile na pas conscience de soi et na pas dcssence vritable puisquclle na pas son fondement en ellc-mmc.

    Acte de lagent (karlrl)

    A loppos, le Soi ou 1c Je, reposant en lui mme et ne dpendant de nul autre, est caractris par la conscience conscience en son acte7 cailanija qui a pour synonymes vimarAa, libre prise de

    ). De mime racine que uimaria, ce terme a le sene de tirer Tare, d'intuition, de prise de conscience globale selon A. Padoux op. cit., p. 74. Sur les nombreux synonymes de uimaria qui expriment lacte, sa vibration, la conscience de soi, voir ici p. 30.

    2. Mime extriorisi, uimaria dsigne l'acte qui s'empare en toute conscience de lobjet, bien plulOl qu'il ne l'claire.

    3. Abbinavagupta dtlinit l'intriorit comme une idenlil au suprme sujet conscient, le Seigneur en qui lout repose. I. P. v. I. V. IO. p. 192.

    4. Puisque cc qui difTire de sa lumire et ne se manifeste pas la conscience n'est rien. Cf. p. 118

    5. I. P. v. p. 118 I. 6. I. IV. 8.6. AhamparSmariauiirnti I. P. v. I. V. 11. voi. I. p. 199.7. Abhinavagupta met bien en valeur ccl aspect d'activiti (p. 201, 1.11) : eailamja

    par son aflixe exprime l'activit de l'agent (karlr/.rdanla) ; on ne dit pas : le Soi est conscient (ctiana), mais il est la conscience mime (eailamja).

  • conscience, cilkriy, activit consciente, karlrl, acte de lagcnt, la libert qu'il a dunir on de dissocicr les notions et par laquelle il se distingue de l'inconscient.

    L'activitc conscientc apaise, reposant en elle-mmc, appartient au sujet conscirnt agissant, Ic Soi universel. A vrai dire, par Iexpression cilikarlrln, Abhinavagupta vent prcciser quo cet actc exprime la conscience en son cxercicc mme : d'une part cili, artivite spirituelle toujours loeuvre o arte et agent nc sont nullement distincls, et, dautre part, karlrln, agent dans son acte de conscience, tant donne que par cet actc seni l agent inerite son noni et premi conscience de son acte intcrieur. L acte n'a done pas pour point d'appui un sujet tantt agissant et tantt passif, un crcateur qui suhsistcrait cte de sa creation ; lacte est comparable lactivitc du reveur par rapport son rve, lacte de rever se conrondant aver le rve meme. car ds qu il cesse, le reve premi fin.

    Mahcsvarnandn lui aussi discerne deux types ile prises de conscience relatives lactivit : Icriyviniarsu qui porte sur un acte tout enlier intrieur soi formant I'essence de la conscience, acte illimitc, sans aucune passivit et karmaoimarsa, prise de conscience de Taction au sens ordinaire du terme, modalit intermittente (lun sujet trouble par lobjet vers lequel il se Unirne ; cot te action qui se disperse et produit uniquement un effet extrieur a nanmoins pnur support larte reposant en soi*.

    (Conscience de soi (pralyavamara)

    Ayant inontrc qu'on dcouvre Vlman* dans l acte conscient, cn uno adhsion intrieure, Utpaladeva approfondit celle intimit et la dli nil cornine ime pure presence soi-mme, simple prise de contact avec soi (pralytwamarsti), acte qui atteint son apogee en mh/uma quand le yogin realise la totale interiorit et la parfaitc conscience ile soi. Abhinavagupta glose pralyavamara par si'tlmmamnlkrlra, cri spontan dmcrveillemcnl au moment o fulgore la conscience immdiate du Je, l'veil de la subjcclivit. ("est dans rette exiirience personnellc prouve sculeincnt au dedans de moi que j'alleins le Je, absolu et nnivcrsel.

    Parole suprme ( panvk)

    Si la libre conscience ternelle et oinnipntrantc se rvlc cornine une constante expriencr de soi, e'est en lant que Vcrbe I. * 3

    I . KartrIS, lerme dillicile Iraduire en (ran;ais ' agency ' du sujet adii, mise enacle, acte pur et parfait. Cf. il. II.

    3. Le Sui.

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  • 29

    intrieur', expression de soi soi-mme qui accompagne toujours la prise de conscience du Je absolu ( prnharnvimarsa). I a; rlc de la parole, libre nergie, est dactualiser lexistence et de donner vie aux phonmes du langage ; clle-mme anLrieurc toute expression1, cnonciation ou formule, elle na ricn de commun avee le langage ordinaire insparable de la pense dualisante ; nanmoins elle tend en quelque sorte sexprimer de fa

  • ramnc cn cfTct aux sources du Rel, au Je, unique Sujet d'o jaillit la vritablc libert.

    La conscience pcut trc dite sualanlra aux dilTrents sens du terme : autonome puisquc rcposant cn ellc-mmc, elle ne dpend que de soi, cause ultime, premier terme au-dcl duquel on ne remonte pas. Libre encore si on la considre en son eflcacit ; douc aussi de ccttc pure libert de choix quand, son gr, elle peut mettrc lunivers ou le rsorber : Le Seigneur est libre, crit Abhinavagupta ; sa libert sexprime de fa^ons diverses : elle rduit le multiple lunit par unification intrieure et de lun elle fait du multiple. On la dsigne done comme un sujet agissant et connaissant, parfaitement libre en tous ses actes et tout-puissant1, la libert formant la nature essentielle de la conscience* *.

    Conscience dynamique (cailanya), vibration ( spanda, spliurall), existence ( mahsall), Vcrbe ( parvk) ne soni, que des aspects de la libert divine, la seule relle, la seule agissante.

    EfTicacit (siddhi)

    L eflicience suprme est celle du Soi : en lui acte conscient, eflcacit et russite coincident. Mahcsvarnanda (si. 51) dfinit son succs ou eflcience comme une gioire triomphale ( oibhli), flicit rayonnante et libert absolue. Si toute efficace particulire a son origine dans lcfficience du Je, lhomme a la rvlation de sa puissance relle en mme temps que de celle du Soi vritablc ; seul le voile de l ignorancc lui cache sa toute-puissante libert.

    Vibration ( sphurall)

    Utpaladeva dgage un autre caractre essentiel de l'actc conscient, la vibration intrieure ds que la conscience repose toute fluctuation disparue en une tranquillit parfaite, ce repos de la conscience en elle-mme signifiant quelle ne fait quun avee lactc spiritucl toujours agissant (salalodila). Chaque fois que l'on dit j e , lactc sexerce et prend un nouveau dpart puisquc, ainsi que nous lavons dit, il ne peut trequ une origine3. Cesten ce sens que lactc est branlcmcnt intrieur constant (nlaraspanda), 1 2 3

    30 -

    1. Sarvakriysvalanlra.2. Samvihvabhvo. I. P. v., voi. I, p. 31-32.3. Prathamtiili. Cf. V. B. Inlrod. p. 59-61 et 90. Point de dpart mais aussi point

    darrive (prvparakofi) parce que toute chose, avant et aprs sa manifestation spare du Soi, repose dans la conscience de soi el ne Tail qu'un avec elle. L'tape inlermdiaire forme la sphre de l'illusion. Comm. (ln du I. IV. il. 11.

  • 31

    jaillisscmcnt intarissablc, un ternel lan. Toujours nouveau el pourlanl loujours le mnie, vibrant sur place dans un ternel present, jamais immobile puisquil est source dc tout mouvcmcnt, et mouvcment en soi bien quil naillc pas dun point un autre, dun instant au suivant.

    Mais alors si lactivit lumincusc nc sinlerrompl jamais en tanl quo conscience du Je toujours present, pourquoi dcmeurc-t-clle invisible, elle qui clairc tout le reste ? D'aprs Maliesvarnanda (si. 9), comme le joyau cach par son propre clat, la conscience se Lrouve obscurcie par ses propres ctats, prises de conscience dler- minces et lluctuantes qui sc succcdent sans repit. Pour parvenir son essence indlermine et atteindre le Je en toute sa gloricuse cllicicnce, il faut done elTcctucr une pcrcce 1 ravers Ics determinations grce lacuit dune prise dc conscience exceptionnelle, apte faire vibrer la personne entire. Cet branlcment inat- tendu et v if sc produit au premier moment dans les profondeurs du Je et jaillit de lui1.

    Une telle vibration devient sensible dans lmotion violente, epouvante, surprise etc. o lcncrgie, ne trouvant aucunc issue possible vers Tcxlrieur, se concentre en elle-mme, restant bloque son origine ou refoule vers elle, dans linstanl present. La vibra- I ion surgissant du Je submerge e l rccouvre alors les fluctuations mentales qui, en s'vanouissant, le rvlenl comme luniquc Sujet. Pourtant la conscience particulirement vive du premier moment nc sufi it pas, il faut encore qu'on sy tienne : on sc precipite au contraire vers 1objet, on fait face aux circonstances sans mettre profit celle pcrce dans ltcrnit soudain ofTcrtc, parce que manquent la force ct la connaissance ncccssaires pour sctablir dfinitivement dans l instanl.

    La Ralil absoluc ( mahsall)

    Abhinavagupla nc pose pas sparmenl Ttre ct lacte qui en scrail (operation. Pour lui tout le reel tient dans Tactivit cons- cicnlc ou la conscience-en-actel . La Ralilc est par dfinition Tessence indivisible dc 1agent, lequel coincide absolument avee Tactivitc existentielle1 2 3, la libert en toules Ics aclivils. Ainsi cct acte eflicace constitue Ttre mme et son intriorit est celle du Soi.

    On ne pcut rien ajouter ni relranchcr la Ralit ; il sagil seulement de la rcconnaltre en sa grandeur e l en son infinil.

    1. Dans la voie de Siva on se silue l'origine, dans celle de l'nergie on y retourne.2. Cf. supra, le Ihime du rveur et du rve.3. BMvankarlrl, l'acle dtre, l'actualisalion de l'exislence, cesl la liberi, cause

    de loutes choses et de toutes les manires possibles.

  • .12

    Aucun cITort ncsl done requis : ds que I ignorance disparatt, les pouvoirs du Soi quellc dissimulait sc rvlent*. Cette reconnaissance (pratyabhijn) s'clTectue dans le Coeur cosmique qui est aussi le coeur de lhommc toujours cach et universellcment evident, toujours nouveau el (pourtant) ancien* , comme le dit Abhinavagupta, il est le secret de la mani Testation, son fondement en minc temps que notre vritalde intimit. Dans cot acte ultime, conscience, existence et manifestation nc font quun. Plus mme, Abhinavagupta identitie I'actc conscient de soi avec le Coeur du Seigneur, avec le Je dou de sa parfaite eflicicncc. avec la libre energie cn ses multiples aspects.

    La manifestation

    Aprs avoir dfini l'acte centrai prise de conscience de soi il nous reste tudier praksa et vinmr.ia dans leur rapport mutuel puis l'gard de la manifestation quils engendrent en se sparant lun de lautre.

    Paramasiva, Conscience lumincuse indilfrencie, tant la plni- tude, renferme tout cn lui-mme, praksa et oimarsa y sont indistinct^. Pour faire apparaltre lunivers, il doit pour ainsi dire se retircr en lui-mme et se vider de son nergie contenant lunivers en germe. Il fulgure alors sous forme de praksa, lumire consciente1 2 3 qui voile l'nergie (oimarsa). Tel est ltatappeliva-sans-relalion ou vacuit transcendantc4 5. lien quil sp dtourne dun univers possible, il reste en quelque sorte cn rapport avec lui. Conscient de soi, iva-sans-rclation possed la totale intriorit (aham- vimarsa), mais il est dpourvu dautonomie parce quil refuse dexercer sa libre volont.

    Par r.ontre iva, en tant que premire des catgories de la manifestation6, se trouve indissolublement associ lnergie, oimarsa, il est done conscient de soi et aussi de ses propres nergies qui, unies, constituent sa libert*. Ce libre pouvoir sexprime par la possibilit de manifester les nergies hors de lui sous forme dunivers ou de les unifier dans la conscience de soi. Ainsi iva renferme la fois conscience et libre elficience7. dont lunion est nomme

    1. m . M. il. 2. p. 12.2. Slance d'Inlroduction, l.aghuvrlli 2 p. I.3. Cil, saqiuid, bodha.4. Anirilasiva dlini cornine Smjiliiwuja. Silu au acuii de l'manation, il nc

    Tail pas parlic des catgories (latIva) s'lagcanL de iva la lerre. Cf. M. M. il. 12-25. P. H. comm. sdir 4.

    5. Hwalattva.S. Si'tantnja7. Bodha cl sutantnja.

  • 33

    consciencc-cn-actc ' ( cailanya) et existence dynamique fmah- sall). Les energies divines nc sont que divers aspects dc la conscience de soi : que viniarsa repose en elle-mme et iva jouit d'une pieine flicit (nnanda); quelle dsire crcr et elle dcvicnt ncrgic-aclivit1.

    Sous ce second aspect et quand sa volont entre en vibration*, Siva apparalt comme plenitude, car il est combl des modalitcs de lunivcrs clairemcnl inanifestes en lui. Il samusc cngcndrcr toutes choses la manire dun magicien qui excrce librcmcnt scs energies, unissant et dissociant ses connaissances relatives aux manifestations objectives, en liaison avee un su jet conscicnt3.

    Abhinavagupta donne un bref apergu des moments de Tmana- tion envisages sous Tangle de praksa et de viniarsa : dabord emanation trs pure tant que Siva est maitre des trois energies : connaissance, activit et illusion, puis emanation impure quand ccs mmes energies prennent Taspect des trois guna, ces qualits qui Tasservissent en Tindividualisant (anu) : Toutes les lumircs et les prises de conscience parscs dans Tunivers sont identiques au Seigneur qui ne diiTre pas de Tunivers, praksa formant sa connaissance et viniarsa son activit4. De lcnergic creatrice d illusion* depend la double prise de conscience je et cela ccs deux moments de Tcmanation nommes tcrnel siva et souve- rain*. Si Tobjcctivit y apparalt distinctcmcnt, elle repose pourtant encore dans la conscience de soi parco que la prise de conscience (parmarsa) de la lumire et de son acte continue porter sur la nature essentielle du Soi. Ce sont l les energies innes du Seigneur. Mais lorsque cette intuition parfaite de la nature de soi fait dfaut et que la connaissance apprhendc Ics objets comme spars du Soi, spars entre eux et dpourvus de (vritables) praksa et viniarsa7, alors se manifestcnt les trois qualits : plaisir, doulcur et inconscience qui ont pour fonctions la connaissance, Tactivit et la limitation8.

    Abhinavagupta explique plus claircmcnt dans un autre passage que, pure et bien intriorisc, la conscience du Je repose uniquement

    1. Kriysaltli. Abhinavagupta dans I. I , v. IV. I. G.2. Iccltspandodija.3. I. I>. v., II. 3. 17. voi. II. p. 128-129.4. ./liana Cl Ari yd.5. AfytUakli.6. Sadtiv el livaratattra. Cl. M. M. 1. 15 el l>. S. Iiilrod. p. 28-29.7. A savoir lumiere en sa splendeur et prise de conscience parfaile.8. Prakdia, kriy el niyamana, (onclions rcspeclives de saliva, rajas el lamas.

    l.'nergie qui engendre l'illusion, myiakii, en se limilanl, devienl moka ou lamas au niveau de l'individu. Sur les gtina M. M. 1. 18 et I. S. Inlrod. p. 31-33. Le passage ici Cil est exlrail de I. I>. v. IV. I. 4. voi. II., p. 254.

  • 34

    sur la conscience identique l'univcrs ou encore sur le Soi dans Icqucl lunivcrs cntier se rcllte. Lorsque ccttc conscience de soi perd sa puret sous Iinllucncc de maya libre volont de Si va qui obscurcit le pur et unique praka elle se manifeste commc un su jet distinct l intrieur de la pense ou du corps qucllc prcnd pour le Sujet rcl. Elle nobit plus qu laltcrnativc ( vikalpa) dans laqucllc soi et non-soi scxclucnt mutuellemcnt, car pour connaltre, elle doit sopposcr un autre que soi. Mais lorsquelle est pure, la conscience de soi na jamnis de contrairc, elle ne peut cn eITct rien exclurc ni nicr1. ... Ainsi puisque ricn nexistc hors du Soi, comment cclui-ci comporterait-il alternative ou determination1 ?

    Mahesvarnanda* rattache la sparation progressive des deux aspects de la conscience aux chcmincmcnts paralllcs du signifi ( vctja) qui stcnd des parodies dynamiques jusquaux uni vers, Ttre lans sa spontanit se dployant dans Tcspacc quil engendrc pour linalcmcnt devenir maticrc inerte. Par contre vimarsa ou nergie en tant quactc vibrant de la conscience, correspond au son ( vcaka) ou signiliant ; elle sexprimc dans le temps sous forme dc phonemes, de formulcs et de mots et, symtrique la lumiere conscientc dont pourtant elle va divergeant, elle linit par prendre Taspcct dc sujet limil face la nature incocciente, laqucllc aboutit dc son ct praksa.

    Si praka, conscience de soi, reprimente au sommet dc la hirar- chic siiia-sans-rdation1 2 3 4 5, l'autrc extrmit, il revt lapparcnce des choscs inertes et done inconscicntcs ; pourtant ccs choscs existent du fait qu'clles sont manifestes un sujet, saisics par lui en unc impression immdiate et sans dualit*.

    1. Pas mime un poi lequel lanl essentiellemenl conscience (pral-'saj el non de nalure dilTrenlc, ne peul en dire exclu.

    2. Taira uddhe ' hairipratyauamare pratiyogi na kaicid apohilavyah sambhavali ghaldtr api prakiasratvenpraliyogitvennapohyalrjl ity apohyalvbhve kalhaip latra oiUatparpal. I. P. v. t. VI. 4-5. p. 218. I. I. Cf. comm. du SI. 10 dans M. M. el I. 1. v. III. 2. 4 7 o la scission de la conscience elde la liberti, originellemenl indivises, caraclrise le vijnnnakevala dou d'ominiscience mais non de totale autonomie, ou inversemenl. De mime quant aux siddha [voir ici p. 135), certains ne recouvrenl que la pure conscience el les aulres possidenl en outre la liberti. Celle scission entre bodha et svlanlrya et la perle de l'un au profit de l'autre soni dues l'impureti navamala. Ct. M. M. il. 10 ici p. 94.

    3. M. M. SI. 27.4. Anirilaiiva.5. Xirvikalpa. Cf. analyse de l'aperceplion p. 124. Praka correspond au donni, ce

    qu'est la matire pour les syslimes rialistes mais qui, pour les Sivaites monistes, est essentiellemenl conscience. Cf. SI. 17 avec citation en Un de comm. d'un verset d'Abhina- vagupta.

  • 35

    Quant au sujet limit, il lui faut vibrer pour tre conscient : La manifestation du sujet limit, dit Abhinavagupta, consiste aussi en un branlement ( sphurana) de la conscience ; sans lui, il serait plong dans l'inconscience du sommeil * (1. 1*. v. II. 1. 6-7).

    Toute la manifestation cosmiquc dpcnd done des jeux entre praksa et vimarsa ou iva et saldi; prenant d'abord plaisir se distinguer lun de lautrc dans la flicit pour mieux se connattrc et saimer, Siva et lnergie se croient cnsuite elTectivement spars : praksa, scind de vimarsa semble perdre son ellicicnce et, parvenu la fin du processus volutif, son mouvement sarrtc dans les corps et Ics objels inanims ; il na plus conscience de soi et ignore son pouvoir rel ; pourtant il conserve certains aspects de la Conscience, il reste capable de redet, ofTrant sa claire surface le spectacle dun univers dont il ne se distingue plus. Paralllemcnt, mesure que lnergie vimarsa perd la parfaite conscience de soi, elle separpille en prises de conscience limitcs portant sur un objct pareillement limit ; nanmoins elle conserve sa force : mme cr (nirmila), le soi nest pas dpourvu de libcrt , crit Abhinavagupta1. De surcrolt, lactc de prise de conscience tant libre par essence, il lui sullt de se purifier pour que sadirme nouveau son cfficacit et sa parfaite conscience de soi.

    Prise de conscience extriorise dans la connaissancc et la perception objective

    La philosophic Trika distingue trois niveaux dexprience* : le sujet connaissant saisi en son acte de volont ou intention ficch), la connaissancc dans laquelle domine l nergie cognitive (jrna) et lobjet connu o sexerce lactivit (kritj).

    Nous avons dj longuement tudi le sujet dans son acte initial ; il nous reste examiner les domaines de la connaissancc et de lobjet connu ou lextriorisation de la prise de conscience*.

    La prise de conscience intellectuclle relevant des modes de connaissance ( promana) et du mantra sur le plan mystique subtil1 2 3 4,

    1. I. P. v., I. V. 17 voi. I. Un de la p. 222.2. Pramlr, promana el prameya comparables aux cinq niveaux du systtme Krama ;

    ici p-3. I-Jn dpit de ses formes varies, il s'agii d'une mime prise de conscience, car

    d'aprs Abhinavagupta : La connaissance (jnna) esl animie par vimarsa et l'activil (kritj) se ramine uniquement vimaria. I. P. v., 111. I. I. voi. Il, p. 189-190. Seule l'orienlalion dilTirc.

    4. Cf. ici p. 155.

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    forme transition entrc la volont du sujet et lactivit en contact avec le monde extrieur1, elle se prsente sous un double aspect selon la manire dont elle apprhende lobjet : En raison des ractions didrentcs qui se rattachent au sujet et lobjet, il arrive que la conscience : de soi1, cn tant que volont ou intention de voir, prcde la perception de la chose et lon se dit : vu par moi ; d'autres fois, sans quon cn ait le dsir, lohjet se prsente soudain la conscience : cest unc eruche ; mais si le sujet se trouve alors halay par loh jel considr cn son utilit immdiate, ceci nimplique pas lahsence de conscience de soi1 2 3, sinon on naurait pas conscience (de lob jet)4 5 6.

    A plusieurs reprises* Ahhinavagupta insiste sur Ics niveaux quasi-simultans de Lout processus conscient ou trois mouvements de la conscience durant la perception dun ohjet ; cette distinction importante qui correspond aux trois aspects : sujet, moyen de connaissance et ohjet, caractrise galemcnt les trois manires de supprimer lasservissement l'ohjet :

    1. Au premier instant de la vision on reste sans pense, incit par le seul dsir de voir stade iccka Simpose alors la sensation immdiate et globale', lumincuse par elle-mme et qui se manifeste cssentiellement comme .le. La chose apprhende de cette manire ne possde pas encore la structure dun ohjet dfini : ayant pour nature la conscience (eil), elle est, comme elle, universelle et plnire7 8 9. Get tat prpcrceptif* est celui mme de iva, Sujet omniscient et tout-puissant* ; sans recourir des preuves on atteint lessence divine dans une vision fulgurante indilTrencie (sphurall) : telle est la voie de iva qui se rclame uniquement de lintensit du dsir.

    1. Le prise de conscience inlellectuelle confre la certitude (adhyavasya) quand la conscience de soi est limite par bttddhi: elle devient sentiment du moi si elle se restrcinl lego (ahanil(ra) et facults d'analyse et de synthtse lorsqu'elle sc borne & la pense ou sensus communis (manasf.

    2. Solma par maria.3. Prakiaparmaria.4. I. I1, v. I. IV. 7-8. voi. I. p. 147. Sujet et ohjet Umilt se manirestent dislincts

    mais l'inlrieur du vritable sujet conscient (pramtr). Mime analyse quant J'activil ordinaire qui se raltache la volont.

    5. Tanlruloka I. 61. 146 sqq et 181 sqq. Cf. les neuf vibrations dcriles dans la M. M. comm. 41. 37 p. 124.

    6. Dariana ou pratyakfa, connaissance nirvikatpa, indtlcrmintc, rrposanl dans le sujet et non stpare de lui (aamauetam... avastari darianam). I. 1*. I. IV. 7.

    7. Viiuaiarlra, puma. 1. I , v. I. VI. 3. p. 244.8. Prthamiktoeana.9. Si dans racle l'opralion de la volonlt et de la connaissance ne soni plus dislincts,

    on comprend que le Sujet soil omniscient et omnipotent.

  • - 37 -

    2. A cette apprehension non polariscc, vive et certame1, succde aussitt le second instant : la perception (grahana), on prend conscience de l'objet dej vu au moment initial je le pergois maintenant ' ; autrement dit, sous l'influence de l illusion, le sujet scinde la plenitude originelle*, il dclimite et difTrcncie lobjet de ce qui nest pas lui, cartant ainsi tout le reste. Cette ctape de la connaissance notionnelle (/iraniana), domarne des prcuveslogiques, est au fond purement negative. Nanmoins la prise de conscience encore globale* bien que dlermince1 2 3 4 5, ne laisse pas detre, elle aussi, lumineuse par ellc-mme, car elle prend pour appui le Je indiffe- renci. Clic dcbouche rlans la voie de l'cnergieou voie de la connaissance ( salilo jxija ).

    3. Au troisime instant, l'objet est pergu clairement dans la perspective de lactivite (Irriga). La perception ordinaire semble commencer ce stade mais elle existc en fait des la premire phase indifTrencice qui donne clat et certitude la perception ultrieurc. En ce troisime moment qui relve de la voie individuelle (navopga), la chose devient un objet defini par son utilit pratique. Pourtant, l cornine prcccdemment, le Je sert dassise cette phase terminale de la perception.

    Ainsi l occasion de toute sensation : 1 je vois le vasc par exemple, en degageant les trois elements : vu, vision et sujet qui voit, on retourne la conscience du Je, au moment nirvikalpa qui est joie, omniscience et liberte.

    Prise de conscience subtile

    A cte de la prise de conscience extravertie des lals de vcille, o l'objet cache le sujet, et o la connaissance dlermince et prcise s'associe au langage6, il existe unc prise de conscience subtile', purement intcrieure7 8 9 que cette analyse de lacte de perception permet de situer au niveau du premier moment indiffcrencic* : experience immediate*, tendance indctermince allice une bauchc de langage intcrieur et qui donnera ensuite

    1. Virvikalpa, niicayagrhita2. Prnant khaiviayal.3. Parmaria.4. Yikalpa.5. Sthlaoikalpa.G. Slttmavimaria, skfmapralyavamarsa ou ahatpprolyavamaria.7. Anlahparmaria.8. Pralltamasamaya, nirvi!talpa.9. Sltftkra. Cf notre tude de bhvami avee trad, dii passage dAlihinavagupla,

    I*. S. Introd. p. 31 sqq el V. D. p. 30-35.

  • 38

    naissancc la dtermination ordinaire. Vimarsa, vie mme de la conscience certitude unificatrice est lnergie du Seigneur qui sempare du mot et de lobjet cornine ne faisant quun : elle sexerce avant toute difTrenciation, dans la lumire consciente o la chose et son expression ne sont pas encore spares1. Bien quune telle prise de conscience ait pour enveloppe la Parole (oak) identique la conscience, elle se manifeste toujours sous forme de Je et jamais sous celle de lobjet. tant une expricnce totale et indifTrencie comme la lumire, elle na rien de la pense dualisante, clairement dtermine, et dont la certitude discriminative ( viniscaya) implique difTrenciation puisquelle ne peut connaltre un objet sans le distinguer de tout ce qui nest pas lui*.

    Dans les tats inconscients, sommeil profond, vanouissement etc. qui ne comportent aucune activit mentale3 et dans lesquels le Je (un je trs obscurci) cache lobjet, on trouve cette mme conscience subtile et globale (parmarsa), sinon on ne garderait aucun souvenir de tels tats. Il ne faut pas que, se trompant sur la nature de cette lgre conscience, on confonde l introversion du sommeil avec Pintriorit proprement mystique4. Pour essayer de caractriser cette dernire dans la mesure du possible nous allons dcrire successivement quelques tats de recueillement dans lesquels laccent porte dabord sur praksa puis sur vimarsa.

    Praksa et vimarsa dans les tats mystiques

    Dans la ligne de siva-sans-relation4, pur Jc libre dnergie objectivante, o prdomine la lumire de la conscience (praksa), on peut situer les profondes absorptions vides et quasi-inconscientes dans lesquelles la pense nopre plus. Quand on en sort, on ne se souvient de rien car de cc qui est per

  • 39

    apprhende par les facults ordinaircs, sentiment, impression, souvenir qui relvent ciu seul domaine de lobjectivit. Le mystique considre done cet tat comme un vide1, une passivit, une tnbre*, et pourtant il nen mconnait pas la valeur*.

    Une absorption de mme ordre, mais moins profonde, comporte une prise de conscience de soi (irimorsa) inlnimcnt subtile, conscience diaphane, lgre, parfait repos dans la douceur et le calme du Moi recouvr, o le temps et lcspacc sabolisscnt ; le moi individuel el lunivers tombent dans l oubli. Cette conscience elle-mme ne laisse aucune trace ; elle alllcure d instant cn instant.

    Dans dautres recueillements, vimarsa extrioris est prsent mais attnu : la conscience rellte les choses sans tre capable de ragir, une paix profonde et dense engloutit mcsurc qu'clles naissent intentions, aspirations et pcnses. On peut aller et venir, soccuper de fa^on active tout en restant parfaitement absorb en soi-mme, parce que subsiste cette prise de conscience subtile libre de concepts dont parie Abhinavagupta*, simple orientation de Ttre vers un but indfni. Si Ton est tir brusquement dun recueillement semblablc, la prise de conscience ordinaire et extraverlie fait un v if contraste avec le fond apais sur lequcl elle se dtache. Dans cet acte dini, on se connait comme un sujet individuel, on sempare de Tidc : o suis-je ? alors des vagues tumultueuses recommencent troublcr la conscience prcdemment sans objet.

    Vimarsa intrioris et sa vibration

    Lorsque dans Texprience spirituelle, vimarsa sintriorise et premi le pas sur praksa, la prise de conscience inintcrrompuc est plnitude, srnit, joie indicible et enchantcment. Tel est Taspect flicit de vimarsai * 3 4 5 6. Quant son aspect dacte libre, il surgit inopinment durant les instants privilgis qui tranchent sur le cours ordinaire de la vie : simples apergus de la Ralit ou veil merveill de la conscience de soi* lorsquon atteint le

    I. Ayant l'intenlion de consacrer un ouvrage la vacuili, jc ne m'ilendrai pas sur le vide dans les ilals mystiques.

    *2. Prakia, pure lumire indicible, aveugle la pense en l'iblouissanl, elle est dune tinibre pour elle.

    3. L'apaisemrnl qui en risulte dipasse ce que l'un a pu prouver auparavant.4. Cr. analyse de hhvan, I. P. v. I. V. Un du 19.5. Rien que la prsente tude d'tats mystiques ne se truuve pas dans nus lexles,

    elle permei Ira au lecleur de saisir de (a;on plus concrte la distinction enlre vinaria et prakia.

    6. Nirvikalpasandhi. Jalonnanl la vie mystique, vinaria se contend son sommet avec pralyabliiji ou mlyana. Cf. p. 47. Nolons qu' plusieurs reprises Cl divers

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    samdhi, scion quc les voiles obscurcissant le rcl se font moms opaques ou disparaissent jamais.

    Sous ses deux aspects, apais ou jaillissant, la prise de conscience sc caractrisc par unc vibration intricurc1. Cette vibration accompagnc, il est vrai, n importc quelle prise dc conscience, mais lhomme ordinaire ne la pergoit quc dans ses cITcts* ; seul le mystique qui ne perd pas la conscience du Je indilTrcnci, est apte la saisir dans lbranlement du vouloir pur, encore indter- min, tat origincl de lnergic intime, dans l instant rapide coinmc lrlair o il va se mcttre parler, pcnser, agir...

    l our comprendrc le rle important jou par cctte vibration dans la vie spirituelle et sur laqucllc insistent tant Ics mystiques kasmlriens, il nous taut la situcr par rapport la simple vitalit (prna) d'une part, et lactivit du sujct conscicnt ( karlrl) dautre part. Quand domine le souffl vital (prna) troubl par l illusion, lignorant a lcxpricnce dune vie horizontale se droulant dans le temps et oscillant sans rpit entre deux plcs : souffles inspir et expir (apna et prna) doni la dualit cngcndrc tension et dsquilibrc constants ; la prise de conscience cxlravcrtic constituc ltat de vcillc Liraill entre le plaisir et la douleur. Aver le souffl samna (inspiration et l'cxpiration sapaisent et se font quilibrc cn un seul point ; alors apparali la vacuit caract- risc par l'inconscicnce du sommcil profond ou de certains tats mystiques.

    Mais si l'agent consc.ient lcmportc, le yogin aver le soullle ascendant (udna) possde la dimension verticale, pcrpcndiculaire Taxe temporel. Ce nest plus a son insu quil pntre dans la vacuit mais en toute conscience, la vibration faisant chcc l inconscicnce du vide ou du sommcil. En effet, ce stadc premi naissance la vibration intricurc propre l extasc du quatrime tat et qui se confond avec le souffle ascendant. La prise de conscience bien intriorise se concentre sur cctte vibration pieine de flicit. Plus tard le souffl ut/na lomnipntrant pcr-

    niveaux, au long de la tenie avance vere la dcouverle de eoi, on constate de nouvelles prises de conscience toujours plus vasles scion que se rvlent les profondeurs du Coeur, le Soi cn sa balilude (lman dans l'exlase), ou Siva mime lorsque s'inslaure targatila et que le mystique dill accde par lout son Sire la lolalit du cosmos. A Tissue de chacune dc ces prises de conscience fulguranles, succde unc prise de conscience continue, absorption (samoeia) dans laquelle la Ralit, dgagie de ses voiles, doit s'insinuer en nous et Imprgner enlirement de vie divine corps, pense et incons- cience.

    1. Spanda et sphuralt.2. Le mouvement grossier.

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    mettra daccder lurylila sitt que lagent conscient rgncra sans interruption'.

    Cette vibration se fait sentir plus ou moins vivement srlon les moments de la vie intrieure des que le recueillement devient permanent : elle varie par ses rythmes, sa finesse et son intensit ; ayant le coeur pour foyer, elle stcnd aux divers Organes revetant laspect dun son intrieur et vibrant ( nda) pour louic, de manifestations lumineuses ( bindu) pour la vision.

    Gomme nous lavons signal, elle prut apparatre aussi inopin- ment et pour la premire fois rhez tout bomme, lors dun choc, motif qu i coupe le souffl et engendre une tension exerption- nelle. pouvante, surprise, colere, lnergie brusquement accumule ne pouvant se dcharger travers les Organes ou la pense momen- tanment paralyss, se contraete sur elle-mmc. lille sintriorise en produisant une vibration qui fait fondre les tendances la dualit ( vikalpa) Landis que les couples des contraires (dvandva), en lutte constante, se dsagrgent ; ils cedent la place un sentiment de paix frmissante et bienheureuse, accompagne dunc scurit totale.

    La vibration ddenche par un choc motif ne surgit pas seule- menl lors du retour sur soi-mme mais aussi au moment de 1 expansion* de Loutes les nergies chez un yogin recueilli et stahilis dans le Soi. Les nergies profondes ngliges jusque-l par la conscience vont se trouver libres et spanouir dune manire spon- tanc.

    Si les maltres sivates comparent la vibration paisible au premier frisson per$u sur une cau limpide ou celle ressentie dans la main quand on desserre soudain le poing dabord tenu bien serr3, ils ne donnentgure de prcisions sur celle de Pactc de prise de conscience : vibration arrive une telle frquence quelle tend l instantanit. On la nomme ghrni, tourbillon de vibrations qui enivre ; la limite, elle rejoint le sfxitida cosmique de Siva barattant l univers*.

    ln se concentrant sur la vibration prouve constamment dans le Coeur, on accde au spanda qui envahit le cosmos en trois tapes correspondanl aux trois voies libratrices :

    1. Pntration dans le corps (dchavypli) lorsque la vibrai ion 1 2 3 4

    1. 1. Y. v. III. 2. 18 ; voi. Il, p. 242-3.2. Hylhme de sarjiftoca uiksa.3. S. D. I. 14.4. Manlhnabliairava. Cf. p.fict p. 1 8 Cesi l dbvani

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    cncorc grossire se Lransmet du Coeur au corps entier. V'oie individuelle.

    2. Pntration du Soi (lmavypli) ; la vibralion inliniment subtile stend ensuile au pur sujet conscient : elle imprgne alors la totalit de scs nergies dont, grce elle, le yogin devient le maitre. Voie de lnergie.

    3. Pntration de Siva (simvypli) : la vibration sous sa forme suprme envahit tout, y compris les liens et les obstacles. Dans cette pntration totale, l'univers n'esl plus que vibration divine. Voie de Siva.

    YO IKS DE LA L IB R A T IO N

    Ainsi que nous l'nvons vu, l nergie consciente (sakli), centre dans le Coeur (Siva), se dploic et se disperse en formant autour de lui des cercles de plus en plus larges : Sujet conscient universcl, vraie Connaissance ou gnose, pur sujet connaissant, moyens de connaissance et ob jet connu1. Mais Siva et sakli parvenus au niveau objectif de l'individualit, n'aspirent qu' recouvrer la totalit indivise du Coeur dans laquelle conscience et toute-puissante autonomie ne font quun*.

    Pour pntrer dans le Coeur, il fautse frayer un chemin l'inter- scction de deux plans : la jonction de lobjct connu et de la connaissance, ou celle de la connaissance et du pur sujet ou encore cntre ce dernier et le Sujet universel, chaque type de pcrcc correspondant respectivement la voie individuelle, celle de lnergie et la voie de Siva.

    Nous ne nous tendrons gure sur la voie individuelle ( navo- pya) puisque Mahesvarnnanda ne sy intressc pas ; qu'il sullisc de dire, a fin de la situcr par rapport aux autres, que ses nomhrcuses pratiques couvrent le ccrcle de lobjcctivit (prameya) rattach lnergie qui met en oeuvre l'activit (kriysakli ) des Organes senso- riels, cognil ifs, etc. c ts orientc versl'objct apprhend au troisime moment de la perception. Ce cercle a pour expression le langagc ordinaire ( oaikhari).

    Celui qui progrcsse dans la voie individuelle cherchc saffran- chir de la catgorie des objets et, a fin de parvenir au ccrcle de la connaissance, il eITcctu** une pcrce entre les deux soulllcs inspir 1 2

    1. Parapramdlr, pramili, pramlr, promana el prameya.2. l our les besoins de ia ciarli nous rassemblons ici les remarques tparses

    dans les pages pricidenles au sujel des cercles.

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    et expir fapna et prna): il dcouvre le souffl apais et vibrant qui ranime les rythmes dtendus et fluctuants en leur restituant la nature originelle du spanda. L vocation du cosmos sous la forme de la Roue des nergies lui sert rassenibler en un seul point ses nergies organiques disperses dans le monde sensible o lindi- vidu reste esclave des choses. Il s'lve alors la voie suivante.

    La voie de Tnergie (sktopnya) de lcole Krama a pour champ daction le cercle des modes de connaissance (promana) dgags de lobjet externe. Elle tend la gnose (pram iti)1 dans laquelle l'objet, enfn connu, repose dans le sujet2.

    Le cercle du promana appartient au second moment de la perception propre lnergie cognitive (jnnasakti ) encore soumise la dualit conceptuelle ( vikalpa) et ayant pour enveloppe verbale la parole intermdiaire (madhyanivk). Aprs stre aiTranchi des donnes sensorielles de la voie infrieure, le yogin s'efTorce maintenant de mettre un terme aux modalits de la connaissance et, faisant retour aux sources du promana, d'atteindre le pur sujet connaissant. La perce qui ouvre accs au pian imm- diatement suprieur. celui du sujet, a lieu entre deux connaissances : le yogin utilise cette fin son nergie tendue Pextrme en vue de produire une excitation intense, un tourbillonnement de vikalpa qui transforme cette excitation en une nergie divine (spanda). Mais un apaisement constant rend seul apte supporter une telle vibration et capter ce mouvement intrieur, celui de l'acte pur.

    La voie de Siva (sdmbhavopya) quo prconise le Systeme Kula stend du sujet libr de toute bi-polarit3 jusquau Sujet universel. Le cercle du pur sujet (pramtr) se caractrise par la parole 1 pasyanlV et par l'nergie intentionnelle (icchsakli) qui se pose au premier moment de la perception. L'est entre cette volont tendue en un surpassement de soi et le pur sujet que se situe la perce qui fait pntrer dans le Lceur, lorsque le sujet, tout ramass en son ultime lan (adyama), y dcouvre le supreme Sujet conscient4.

    1. Evidence de la totalit sans discursivit et rsult.at de la connaissance mme, que nous iraduisons ici par gnose suprme.

    2. 1. P. v. II. 3. 16. p. 125. I. 2.3. Nirvikapa. Le pramtr, que nous qualiflons de pur, est toujours affranchi de

    tendances dualisantes, lobjet se trouvant dissout en lui. La dcouverte du sujet correspond celle du Soi ( tman), mais non lveil cosmique ou identification au suprme Sujet.

    4. Daprs Mahevarnanda, comm. au il. 56. Il semble que le passage qui livre accs au vide interstitiel aille en se retrcissant de voie en voie. Entre le pur sujet et le sujet universel, le systme Krama insre le cercle du pramiii, gnose ou profonde conscience de soi ; elle se situerait au niveau de la parole subtile ( sksma), de giva-

  • M

    La voie de la prise de conscience ( vimarsopeya) qui mne la reconnaissance de soi, dont se reclame l'cole Pratyabhijii, relve du cercle du suprme Sujet ( parapramlr) ; elle a pour energie propre la flicit ( nandasakli). Cette voie dbouche sur la Ralit absolue sans manire d'trc, dans Inquelle baignent toutes les clioses, qui exclut tout moyen d'approche (anuptja) et quon identilie au Coeur, la parole suprme (parvk), la lumire eonscicntc surmincntc (parapraksa).

    Aprs cel apergu d'ensemble, nous rcprcndrons ltude de chacune de ces voies : anuptja et vmarsopija pour la Pratyabhijn, snmbhavopija pour le systme Kula et skloptja pour le Krama.

    Von; ni; l a p r is e de c o n s c ie n c e . co i.e P r a t y a b h ij S

    Mahesvarnanda expose au dbut de son com m entale1 la reconnaissance du Soi pratyabhijii quil appelle oimarsoptija, voie qui, par la prise de conscience apprhende le Soi comme identique au Soi universel : Cette parfaite connaissance ( pari- jntina) tant le but poursuivi, il faut cherchcr, dit-il, dlinir en quoi consiste cette prise de conscience dont depend la revelation de notrc propre souverainct fmhaisvart/a). tant donne que le monde, compris comme il convient, nenchane pas mais procure flicit et dlivrance en cette vie mme (p. 1-1), on doit analyser lexprience prouve au contact d un objet quelconque : au moment o les organes sensoriels le saisissent, on doit prendre conscience* du su jet libre et sans artilice, substral de ce processus, les organes prenant appui sur la pense e