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SNAEF – SNEPMA – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010 Table des matières Page Glossaire et définitions ……………………………………………………………………….. 3 Guide de lecture ……………………………………………………………………………… 5 Présentation de l’enquête ………………………………………………………………….. 6 Justification du domaine et de la question d’étude …………………………………………………. Objectifs de l’enquête …………………………………… Méthodologie ………………………………………………………………………………… Problématique générale ………………………………………………………………………………….. 9 Hypothèses ………………………………………………………………………………………………… 9 Echantillonnage et échantillon …………………………………… 9 Techniques de collecte des données ……………………………………………………………………… 10 Analyse des résultats …………………………………………………………………………………………… 10 Conduite de l’enquête …………………………………………………………………………. 11 Résumé exécutif……………………………………………………………………. 12 SECTION I : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS Chapitre I : CONTRIBUTIONS DIVERSES ………………………………………………………………… 1

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SNAEF – SNEPMA – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

Table des matières

Page

Glossaire et définitions ……………………………………………………………………….. 3

Guide de lecture ……………………………………………………………………………… 5

Présentation de l’enquête ………………………………………………………………….. 6

Justification du domaine et de la question d’étude ………………………………………………….

Objectifs de l’enquête ……………………………………

Méthodologie …………………………………………………………………………………

Problématique générale ………………………………………………………………………………….. 9

Hypothèses ………………………………………………………………………………………………… 9

Echantillonnage et échantillon …………………………………… 9

Techniques de collecte des données ……………………………………………………………………… 10

Analyse des résultats …………………………………………………………………………………………… 10

Conduite de l’enquête …………………………………………………………………………. 11

Résumé exécutif……………………………………………………………………. 12

SECTION I : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

Chapitre I : CONTRIBUTIONS DIVERSES …………………………………………………………………

I.1. Contributions non institutionnalisées ……………………………………………………………………..16

I.1.1. contributions financières ……………………………………………………………………………..16

Existence des contributions …………………………………………………Montants et fréquence des contributions ……………………………

I.1.2. Contributions matérielles …………………………………………………………………………… 21

Existence des contributions ………………………………Nature des contributions ……………………………………………………………………………………….. 23

I.2. Raisons et décideurs des contributions ………………………………………………………………28

Chapitre II. CONTRIBUTIONS INSTITUTIONNALISEES : FRAIS APE ……………………………… 32

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SECTION II. CONSEQUENCES DES CONTRIBUTIONS

Chapitre I. CONSEQUENCES LIEES A LA SCOLARISATION DES ELEVES

I.1. Absentéisme …………………………………………………………………………………………………34

I.2. Redoublements …………………………………………………………………………………………… 34

I.3. Abandons …………………………………………………………………………………………………….35

Chapitre II. CONSEQUENCES ECONOMICO-MATERIELLES LIEES AUX PARENTS D’ELEVES

II.1. l’état des lieux ……………………………………………………………………………………………….36

II.2. Aggravation de l’état des lieux ………………………………………………………………………….. 36

Chapitre III. CONSEQUENCES LIEES A L’OMD2* ET SES ENJEUX POUR LE CAMEROUN

III.1. L’atteinte de l’OMD2 hypothéquée …………………………………………………………………… 37

III.2. Conséquences de la non atteinte de l’OMD2 ………………………………………………………… 38

Conséquences humainesConséquences socio-politiquesConséquences économico-matérielles

SECTION III. RECOMMANDATIONS

Recommandations aux syndicats enseignants et autres ANE …………………………………………..40

Recommandations aux Pouvoirs Publics ……………………………………………………………………40

Recommandations aux Autorités Educatives du MINEDUB ……………………………………………… 43

Recommandations aux chefs d’établissements et enseignants …………………………………………44

CONCLUSION GENERALE …………………………………………………………………………………………………. 46

ANNEXES ………………………………………………………………………………………………………………….47

GLOSAIRE ET DEFINITIONS

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ANEActeur non étatique. Entendons l’ensemble des citoyens qui, au sein des organisations collectives (Ong, associations à but non lucratif, mouvements, syndicats, communautés religieuses, etc.), interagissent avec l’Etat et les acteurs du marché.

AONO Appel d’offre national ouvert. Conformément au Décret présidentiel du 24 sept 2004 portant Code des marchés, tout marché public doit se faire par appel d’offres, ouvert ou restreint et attribué à l’offre la moins disant. Une fois ouvert à la concurrence et après étude des différentes offres, l’AONO peut se révéler infructueux c’est-à-dire que la commission n’a pu retenir aucun des candidats. Ceci parce qu’aucun dossier technique ne s’est révélé satisfaisant au regard du cahier de charges défini par le maître d’ouvrage, ou que l’offre la moins disant n’est pas économiquement supportable par ledit maître d’ouvrage.

APE Association des Parents d’Elèves. Constituée par les membres dont chacun est parent d’un élève de l’Etablissement, l’APE élit un président parmi les représentants des parents. L’APE est financée par les contributions libres des membres via leurs enfants élèves de l’Etablissement. Ces sommes, collectées par l’Etablissement et aussitôt reversées au bureau de l’APE, lequel le plus souvent sont investies dans diverses infrastructures au sein de l’Etablissement, à recruter le personnel (enseignant surtout) vacataire, etc.

BFBudget de fonctionnement : allocation financière que le Ministère de tutelle octroie à l’Etablissement. Le montant de cette allocation est calculé au prorata du nombre d’élèves de l’Etablissement et donc varie d’un Etablissement à l’autre. Le BF vise à couvrir les dépenses de fonctionnement de l’Etablissement, dont principalement celles sous-rubrique.

C2D

Contrat de Désendettement et de Développement. Né de l’engagement (dans le cadre bilatéral) de la France à « conforter le désendettement des pays éligibles à l’initiative PPTE » dont le Cameroun, le C2D porte sur l’allègement de la dette publique contractée au titre de l’aide publique pour le développement (APD) auprès de la France. Ce contrat est la formalisation, entre la France et l’Etat bénéficiaire, d’un système par lequel la France, via l’Agence Française de Développement (AFD) reverse sur un compte spécifique de la Banque Centrale de l’Etat débiteur la somme correspondant à l’échéance remboursée par ce dernier, au fur et à mesure de ces remboursements. Sommes qui sont alors affectées à des programmes de lutte contre la pauvreté, sélectionnés d’un commun accord avec l’Etat partenaire. Affectations qui prennent la forme d’aides budgétaires globales en soutien au cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) dudit Etat, ou de financements harmonisés de programmes sectoriels. Les quatre programmes prioritaires de concentration, tous alignés sur les OMD, identifiés au Cameroun pour le 1er C2D en cours sont la santé et la lutte contre le SIDA, l’Education de base, les infrastructures, et l’Agriculture.

Contribution Tout ce que, à la demande de l’Etablissement (Délégués, Inspecteur d’arrondissement, Directeur/Directrice, Enseignant, APE), l’élève y apporte mais qui ne ressortit d’aucune réglementation en vigueur.

DDEBDélégation départementale de l’éducation de base

Déclaration du Millénaire En septembre 2000, le Sommet du Millénaire de New York a réuni 189 Etats-membres de ONU, en vue de s’engager individuellement et collectivement dans un « pacte solennel » afin d’ « enclencher la lutte contre la pauvreté humaine ». Au cours de ce sommet, les Etats ont fixé 8 objectifs et 18 cibles à atteindre,

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d’ici à 2015 pour lutter contre la pauvreté, la faim, le VIH/SIDA, le paludisme, l’analphabétisme, la dégradation de l’environnement et la discrimination à l’égard des femmes. Ces objectifs ont été baptisés : les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). La déclaration issue de ce sommet est la Déclaration du Millénaire. Adoptée le 08 septembre 2000, parmi ses 08 engagements figure celui en faveur du « Développement et l’élimination de la pauvreté » (engagement III), et dont le 3ème

point est que, « d’ici 2015, les enfants partout dans le monde, garçons et filles, seront en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et les garçons auront à égalité accès à tous les niveaux d’éducation ».

Développement humain Concept plus normatif qualitatif qu’il n’est simplement économique (descriptif quantitatif), le développement humain s’entend comme un processus qui, embrassant toutes les dimensions de l’existence d’un individu, travaille à optimiser sa qualité de vie au sein d’une société où il s’accomplit matériellement, culturellement, politiquement, intellectuellement, moralement et symboliquement. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) crée en 1990 l’indice de développement humain, pour évaluer le niveau de développement des pays du monde (IDH). Bien que le concept de développement soit plus large que ce qu’en décrit l’IDH, celui-ci manifeste la conscience (tardive) que l’indicateur précédemment utilisé, le PIB par habitant, ne prend pas en compte la qualité (psychologique, politique et morale, etc.) de vie, tout réductionniste qu’il est à la production économique. L’IDH est calculé par la moyenne de trois indices dont le savoir ou niveau d’éducation. Celui-ci est mesuré par le taux d’alphabétisation (pourcentage des 15 ans et plus sachant écrire et comprendre aisément un texte court et simple traitant de la vie quotidienne) et le taux brut de scolarisation, lequel est une mesure combinée des taux pour le primaire, le secondaire et le supérieur.

Il traduit la satisfaction des besoins immatériels tels que la capacité à participer aux prises de décision sur le lieu de travail ou dans la société, ainsi que l’accès à la culture. Cette capacité comme cet accès suppose un outillage par l’individu, et qui est donné à partir du cycle primaire.

DREBDélégation (ou Délégué) régionale de l’éducation de base

Education de BaseCycle primaire, et qui ouvre au cycle secondaire.EP Ecole primaire

EPP Ecole primaire publiqueEPTEducation pour tous

FECASEFédération camerounaise des syndicats enseignants

GratuitéIci et suivant l’étymologie latine (donner), le caractère de ce qu’on reçoit sans que l’on ait à donner une contrepartie ni à payer un prix, ni à contribuer de quelque façon.

IAEBInspection (ou Inspecteur) d’arrondissement de l’Education de Base. L’IAEB vient après le DDEB.

MINEDUB Ministère de l’Education de Base

OMDCf. Déclaration du millénaire ci-dessus

OMD2Le second des 08 OMD, et dont voici le contenu déclaratif : « d’ici 2015, les enfants les enfants partout dans le monde, garçons et filles, seront en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et

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les garçons auront à égalité accès à tous les niveaux d’éducation ».

ONUOrganisation des Nations Unies

PM Paquet minimum. Il désigne l’ensemble du matériel d’administration et de pédagogie, de quantité minimale, que chaque Ecole Publique reçoit en tout début d’année scolaire, afin de pouvoir démarrer celle-ci.

SNAEF Syndicat national autonome de l’éducation et de la formation.

SNEPMA Syndicat national de l’enseignement primaire et maternel.

UE Unité d’enquête. Elle désigne tout lieu où l’enquêteur administre les outils d’enquête et

donc entre en contact physique avec l’enquêté.

UNESCOUnited Nations’ education, science and culture organization (Organisation des Nation Unies pour l’éducation, la science et la culture) ZE Zone d’enquête. Une ZE est un ensemble d’UE

ZEOZone d’éducation ordinaire

ZEP Zone d’éducation prioritaire. Prioritaire parce qu’on y relève, par rapport à d’autres zones, un retard ou faible taux de scolarisation. Ce qui justifie l’attention ou les efforts particuliers des pouvoirs publics en direction de cette ZEO. L’Est le Grand Nord du Cameroun sont des ZEP. Cette détermination est cependant plus « politique » qu’elle n’est réelle : Le Cameroun tout entier devant être classé ZEP.

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GUIDE DE LECTURE

Il nous est apparu indispensable de fournir au lecteur non pas le code mais un guide de lecture des graphiques et diagrammes dans le présent rapport, et ainsi de le prévenir contre le reflexe statistique classique (ou de statistiques classiques) qui consiste à vérifier l’exactitude d’une série statistique en n1% + n2% + n3% = 100%. Les pourcentages qui sont reportés sont déterminés à partir du nombre de répondants positifs (« oui ») ou négatifs (« non ») à la question fermée ou, dans le cas d’une question préformée, à partir du nombre de répondants sur une modalité. Un même répondant pouvant indiquer plusieurs modalités dans une question, les pourcentages dans un graphique plusieurs séries (modalités) dans une catégorie, et donc ne devront pas être lus de manière sommative (n 1% + n2% + n3% = 100%) mais comme représentant pour chacune des séries le nombre de répondants ayant indiqué cette modalité1. Encore ne seront-ils pas compris comme indiquant les quantités d’objets ou les nombres d’individus-acteurs (bien qu’on puisse déduire ou estimer ces quantités ou ces nombres à partir de ces pourcentages).

La rédaction (et donc la lecture) du présent rapport est conduite comme suit :

Section 1 : Nous avons regroupé dans chacun des deux chapitres et, à l’intérieur de celui-ci dans chaque sous-chapitre les éléments de chaque ZE y relatifs, ce afin de faciliter la lecture horizontale et celle verticale ou comparative desdites ZE. Dans chacun des indicateurs ou sous-chapitres, nous procédons en deux temps : 1) présentation des résultats (tableau, graphique, diagramme et texte) puis 2) interprétation de ces résultats.

Section 2 : Les deux groupes de conséquences (chapitres 1 & 2) sont déterminés à l’échelle nationale sur la base de notre échantillon, et regroupés dans chaque indicateur ou sous-chapitre.

Section 3 : Nous procédons de même qu’à la section 2, ici en identifiant les destinataires ou groupes de destinataires de chaque recommandation ou groupe de recommandations.

Quant au Résumé Exécutif, celui-ci propose une vue synoptique du contenu du rapport : ses articulations et les contenus de celles-ci, les liens organiques et logiques entres ces articulations. Le résumé exécutif présente ces articulations, contenus et liens organisés autour de la vérification de l’hypothèse générale et des suites de celle-ci et selon une projection nationale à partir de notre échantillon. Le lecteur pressé se trompera cependant en y voyant un compte-rendu ou un raccourci qui le dispense de lire le rapport lui-même.

Tous les mots, expressions, abréviations et acronymes dans le texte suivis d’un astérisque (*) sont définis ou expliqués dans le glossaire.

PRESENTATION DE L’ENQUETE1 Il est utile de se référer aux outils d’enquête en annexe du présent rapport.

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A- Justification du domaine d’étude

Il eut été plus « actuel » ou dans l’air du temps de se pencher sur les questions relatives au SIDA, à l’emploi, à la corruption ou à la gouvernance. Nous aurions alors intéressé plus d’un sinon tous. Mais nous avons choisi de porter notre attention (et d’attirer celle des camerounais, des pouvoirs publics comme celle des partenaires du Cameroun) sur l’Education de Base. Plus qu’un choix, c’est pour nous une démarche qu’imposent trois considérations majeures : 1) Les questions « à la mode » énoncées plus haut naissent et fleurissent sur le sol de l’éducation de base, dans la mesure où la santé, l’emploi (la formation) la morale publique comme la morale politique sont problématiques là où l’Education de Base est problématique. 2) si les objectifs jumeaux que sont l’OMD 2* et l’EPT* constituent le socle de la Déclaration du Millénaire* pour le Développement comme programme à réaliser par et pour chaque société, il faut bien se rendre à cette évidence et selon le principe de subsidiarité qui la porte que le développement humain qui est au cœur de cette Déclaration comme des obligations (politiques, économiques, sociales, etc.) qu’elle implique pour chaque Etat n’est atteignable ni même pensable sans la promotion d’une offre quantitative et qualitative conséquente d’ éducation de base à chaque individu2. 3) la présente étude est conduite par les syndicats enseignants, aussi est-ce une obligation pour ceux-ci de se pencher sur les questions relatives à l’Education et, primitivement, sur cette fondation de l’édifice qu’est cette Education : l’enseignement de base, fondation sur lesquelles sont gagées aussi bien la solidité que la hauteur de cet édifice.

Parmi ces questions, la plus déterminante dans un ordre logique nous est apparue être celle à partir de laquelle se problématise l’offre de l’éducation de base au Cameroun, savoir la question de son effective gratuité dans l’Ecole Primaire Publique. Déterminante parce que l’Enseignement Public, outre qu’il ressortit du service public non marchand et donc s’inscrit dans les principales missions régaliennes de l’Etat, absorbe plus des ¾ des enfants en âge de scolarisation, et qui sont issus de la majorité des familles pauvres du Cameroun3. L’effectivité de cette gratuité est par conséquent le gage de voir ces enfants achever chacun son cycle primaire.

B- Objectifs de L’enquête

Nous avons voulu définir les objectifs du présent suivi à deux niveaux, selon la logique de la généralité décroissante, où ces objectifs ou groupes d’objectifs s’emboitent les uns dans les autres, ceux généraux intégrant les spécifiques.

2 Le lecteur ou l’utilisateur de ce travail se référera nécessairement au Protocole et canevas méthodologique du suivi, Section I, pp 2-6. Nous y développons plus amplement les enjeux (de développement économico-matériel, social, politique et humain) de l’enseignement de base, ainsi que les impératifs intégrés de l’OMD2 et de l’EPT. Pour l’ONU*, « L’accès à l’éducation détermine l’avenir des garçons et des filles. L’éducation les insère dans la société et les prépare à la vie civique. L’éducation est la base du développement. Elle est indispensable à la lutte contre la pauvreté. Elle est une condition de la croissance économique. Elle contribue aux progrès de la santé et à la protection des ressources naturelles ».3 En Afrique sub-saharienne et dont le Cameroun fait partie, les familles dépensent le ¼ de leur revenu à l’éducation de leurs enfants. Cette fraction, qui peut paraître « supportable » devient importante lorsqu’il s’agit d’une famille pauvre.

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B.1. Les Objectifs propres au suivi

- Apporter des éléments d’appréciation de la gratuité effective de l’éducation de base à l’EPP au Cameroun.- Accroître les informations et la sensibilisation sur la gratuité de l’enseignement de base

dans l’EPP au Cameroun.- Accroitre les informations et la connaissance des parents et élèves sur le droit à

l’enseignement de base gratuit à l’EPP.- Documenter sur les diverses pratiques (et leurs groupes d’acteurs/responsables)

d’extorsions financière et matérielle dont élèves et parents font l’objet dans les EPP du Cameroun.- Apporter les informations sur les conséquences du non-respect de la gratuité de

l’enseignement de base à l’EPP- Conduire un plaidoyer ciblé à partir des résultats de l’enquête.

B.2. Les objectifs généraux auxquels contribuera le suivi

- Eclairer les Pouvoirs Publics sur la situation réelle de la gratuité de l’enseignement de base dans l’EPP.- Fournir aux parents et élèves ainsi qu’à la communauté éducative les éléments et

informations pour le débat autour de l’effectivité de la gratuité de l’enseignement de base à l’EPP. - Fournir aux syndicats de l’Education ainsi qu’à l’ensemble de la Société Civile les

bases de propositions pertinentes et argumentées sur la réforme du système ainsi que de la politique d’éducation.- Permettre éventuellement aux autorités éducatives ainsi qu’aux pouvoirs Publics

camerounais la prise de décision correcte sur l’effectivité de la gratuité de l’enseignement de base dans l’EPP.- Renforcer les capacités du SNEPMA* et des autres syndicats enseignants sur le suivi-

évaluation des politiques d’éducation- Permettre au SNEPMA, à la FECASE* ainsi qu’au SNAEF* de s’approprier le débat sur

la problématique de l’offre d’éducation au Cameroun à l’horizon de l’OMD2 et de l’EPT.

C- Méthodologie

Nous nous sommes proposés simplement, dans ce suivi, de mettre en œuvre un ensemble concerté d’opérations en vue d’atteindre les objectifs définis, ainsi que l’imposent et la nature de ce travail et la tradition méthodologique des sciences sociales, ici adaptée à l’analyse des politiques d’éducations à forte implication socio politique et socioéconomique. Il s’agit donc rien moins et rien plus que d’un plan de travail dont voici ci-dessous les articulations.

C.1. Problématique générale et hypothèses

a) Problématique générale : La gratuité de l’enseignement de base dans le primaire public au Cameroun est-elle effective ?

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b) Hypothèse primitive : L’enseignement primaire public au Cameroun est resté payant (quand il ne l’est pas devenu plus qu’avant) malgré les déclarations officielles et le décret présidentiel de 1996 sur la gratuité de l’enseignement primaire Public.

c) Hypothèses secondes

Hypo 1 : De plus en plus d’élèves sont de plus en plus victimes de diverses formes d’extorsions financières et matérielles.

Hypo 2 : Peu de parents et d’élèves sont informés sur le droit à la gratuité de l’Enseignement de base à l’EPP comme sur les textes et décrets y relatifs.

Hypo 3 : Les APE sont le sujet d’extorsion financière auprès des parents et des élèves.

Hypo 4 : les extorsions financières dont parents et élèves sont victimes fleurissent à l’ombre de la complicité active et/ou passive des Autorités Educatives.

Hypo 5 : les abandons, redoublements et absentéismes témoignent de la non-effectivité de la gratuité de l’éducation de base dans l’EPP

C.2. L’échantillonnage et l’échantillon

a) L’échantillonnage

Nous avons pris option pour les deux méthodes : raisonnée et aléatoire. Pour la première, nous avons pris, pour des raisons de représentativité, cinq (05) des dix Régions du Cameroun, en conjugaison avec d’autres critères. C’est ainsi que le critère de ZEP a présidé au choix des Régions de l’Est, Adamaoua et Nord ; celui de ZEO au choix du Sud, et le Sud-ouest a été retenu parce que représentant le sous-système anglophone. La seconde méthode, cette fois à l’intérieur des ZE retenues, nous à conduit à retenir un certain nombre de ZE dépendantes (Départements et Arrondissements) ainsi que les UE à l’intérieur de ces ZE dépendantes.

b) L’échantillon 

Notre échantillon se compose de :

- 05 Régions- 09 Départements dans ces Régions- 97 Etablissements dans ces Départements

A l’intérieur de ceux-ci, nous définissons cinq (05) groupes de populations :

- Autorités Educatives : 28 individus- Chefs d’établissements : 64 individus- Enseignants : 123 individus- Elèves (8ème et 7ème) : 72 individus

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- Parents : 43 individus

Nous avons sélectionné les UE-établissements et la population-élèves selon les variables dépendantes de zone et de genre :

- Variables de zone : 31 EPP (32%) de zone rurale et 66 (68%) en zone urbaine- Variable de genre : 32 élèves-filles (44,5%) et 40 garçons (55,5%)

C.3. Les techniques de collecte des données

En conjuguant les techniques documentaires avec les techniques vivantes, nous avons confectionné cinq outils d’enquête, dépendamment de nos indicateurs4 lesquels manifestent pour chacun parmi eux une hypothèse seconde.

a) Les techniques documentaires

Appliquées aux autorités éducatives (régionales, départementales et d’arrondissement) ainsi qu’aux Directeurs/Directrices d’école, elle est utilisée à cette fin d’obtenir les documents statistiques relatifs aux absences, redoublements et abandons. Nous tenons ici compte des deux variables dépendantes filles/garçons dans chacun de ces trois indicateurs.

b) Les techniques vivantes

Nous utilisons les questionnaires d’entretien écrits où le degré de liberté des questions comme leur

niveau de profondeur sont fonction des objectifs d’entretien. Aussi nous sommes-nous décidés pour les

questions fermées et celles préformées.

C.4. L’analyse des résultats

Dépendamment des décisions prises en rapport avec nos objectifs (spécifiques et généraux) 5 de

notre suivi, nous sommes efforcés de rester le moins possible éloignés des exigences scientifiques en

matière d’enquête sociale. Aussi avons-nous opté pour la conjugaison entre l’analyse quantitative et

celle qualitative, celle-ci suspendue à celle-là.

a) L’analyse quantitative Elle est conduite sur la base des indicateurs de résultats tels que définis dans le protocole et canevas méthodologique.

b) L’analyse qualitative L’établissement des corrélations statistiques ou, à défaut, des écarts entre la norme de la gratuité de

l’enseignement de base et la pratique dans les EPP constitue l’essentiel de l’analyse qualitative.

4 Voir Protocole et canevas méthodologique, pp 15-17.5 Voir B1 et B2 plus haut.

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L’analyse des résultats nous a permis de confirmer et de comprendre la chaîne des rapports de

cause à effet relevant par sympathie de l’action des contributions et du paiement des frais APE sur

l’absentéisme, les redoublements et l’abandon de l’école par les élèves de l’EPP. Cette causalité établie

et ses mécanismes identifiés, notre hypothèse générale est vérifiée. A partir de là, nous formulons des

recommandations.

D- Administration de l’enquête

Quinze (15) enquêteurs ont été déployés sur le terrain, pendant 20 jours ouvrables, soit du 1 er mars au 26 mars 2010.

E- Difficultés rencontrées

Elles sont de divers ordres. Outre les difficultés inhérentes à tout enquête sociale, nous avons fait face à :

- L’absence de documents statistiques et d’archives dans les différentes UE- Le difficile accès à certaines UE, principalement celles de l’Est- La résistance de certains individus (les parents surtout) à l’entretien.

RESUME EXECUTIF

I. CONTRIBUTIONS DIVERSES

I.1. Contributions non institutionnalisées.

L’enquête sur l’effectivité de la gratuité de l’éducation de base a donné les résultats ci-dessous :

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A. Relativement aux contributions financières exigées des élèves

EXISTENCE DES CONTRIBUTIONS MONTANT ANNUEL MOYEN/ELEVE

FREQUENCE ANNUELLE

47% 2650Fcfa 04

B. Relativement aux contributions matérielles

B.1. Existence et fréquence des contributions

61% des acteurs et des bénéficiaires de l’EPP affirment que les élèves sont appelés à contribuer matériellement à l’école, selon une fréquence de 17 contributions/an.

B.2. Nature des contributions

NATUREENTRETIEN PEDAGOGIE

EQUIPEMENT ET CONSTRUCTIONS

Seaux Balais Serpillères Craie Torchons Papier Ciment Tables-bancs

% 52% 71% 39,5% 21,5% 67% 11% 28% 11%

C. Relativement aux raisons des contributions

TYPEPAQUET MINIMUM ALLOCATIONS FONCTIONNEMENT MATERIEL AUTRES

Insuffisant Arrivée tardive Insuffisante Arrivée tardive Insuffisant

34,5%%

57% 46% 74% 43% 39%

D. Relativement aux décideurs des contributions

DECIDEURDirecteur/Directrice Conseil

d’EcoleIAEB* DDEB* Maître/

MaîtresseAutres

% 19,5% 20,5% 41,5% 33% 56% 24%

I.2. Contributions institutionnalisées : Frais APE*

Il existe une APE dans la grande majorité des EPP du Cameroun, laquelle exige, par l’entremise du chef d’établissement et des enseignants, le paiement des frais APE aux élèves, et dont le montant moyen est de 2215Fcfa. L’inscription de l’élève (l’ancien comme le nouveau dans l’établissement) est

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suspendue au paiement desdits frais. C’est donc l’école, institution publique, qui est chargée de collecter les contributions de l’APE, institution privée.

Plus de la moitié des parents d’élèves savent que le paiement des frais APE n’est pas obligatoire mais tous, qu’ils soient membres de l’APE ou non, les paient quand même pour leurs enfants. La direction de l’école s’y emploie en usant des techniques de contrainte variées, dont la rétention du bulletin de l’élève « récalcitrant ».

II. CONSEQUENCES DES CONTRIBUTIONS

II.1. conséquences liées à la scolarisation des élèves

A. Absentéisme - Pour l’année scolaire 2008/2009 : 11,16%- Pour l’année scolaire 2009/2010 : 09%

B. Redoublements

TOTAL FILLES

2006/2007 23% 18%2007/2008 19,5% 16%2008/2009 17% 15%

C. Abandons

TOTAL FILLES

2008/2009 05% 04,5%

II.2. conséquences économico-matérielles et existentielles liées aux parents d’élèves

80% des parents d’élèves de l’EPP, en raison de la pratique des contributions ainsi que des frais APE sont – plus qu’ils ne l’étaient en situation « normale » - désormais incapables d’assumer les charges financières liées à la scolarisation de leurs enfants, situation plus intenable lorsqu’on sait que plus de la moitié de ces parents ont trois (03) enfants à l’EPP à la même période. Il en résulte plus d’appauvrissement chez ces familles qui dépensent déjà le ¼ de leurs revenus à la scolarisation de chacun de leur enfant (fournitures, uniforme, transport, alimentation, etc.).

Le parent dont l’enfant a dû abandonner l’école fait l’expérience sociale de l’échec à préparer son enfant à une vie meilleure. L’enfant qui abandonne l’EP – et donc n’accède pas au secondaire – c’est l’espoir de la famille qui est supprimé. Sur le plan existentiel, le parent, désormais incapable d’assumer sa responsabilité naturelle de père ou de mère, en arrive à douter de lui-même, d’elle-même.

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Expérience castratrice raidie par l’image de lui-même que lui renvoie sa communauté et la société toute entière.

II.3. conséquences liées à l’OMD2* et ses enjeux pour le Cameroun

Certes le Cameroun chaque année – et ce depuis l’engagement international pris le 08 septembre 2000 à l’ONU en faveur de l’éducation de base de tous les jeunes Camerounais à l’horizon 2015 – mais ces efforts, que manifeste justement la décision prise pour la gratuité de l’éducation de base dans les EPP, se retrouvent plombés par les pratiques d’extorsions qui ont cours dans ces EPP. L’atteinte de l’OMD2 se trouve donc hypothéquée, et le Cameroun risque de se retrouver parmi les 58 pays dont l’ONU dit qu’ils risquent de ne pas atteindre la scolarisation primaire universelle en 2015.

L’OMD2 non atteinte, suivent les conséquences humaines (incapacité de ces jeunes camerounais à devenir autonomes), politique (incapacité d’enraciner la démocratie dans notre société) et économico-matérielles (absence de développement faute d’agents de ce développement).

III. RECOMMANDATIONS

III.1. A l’intention des syndicats enseignants et autres ANE* impliqués dans l’Education

a) Conduire un plaidoyer en faveur de la gratuité effective de l’éducation de base, en s’appuyant sur les résultats de la présente enquête

b) Sensibiliser les Enseignants du primaire public aux exigences d’éthique professionnelle et citoyenne, ainsi qu’à leur devoir d’être la conscience critique de la communauté éducative.

c) Engager des démarches collectives vers les pouvoirs publics en vue des concertations autour des questions relatives à l’éducation de base.

III.2. A l’ intention des Pouvoirs Publics

a) Maintenir l’EPP comme un service public non marchandb) Financer l’Education de Basec) Redéfinir le statut institutionnel, associatif et juridique de l’APE

III.3. A l’ intention des Autorités Educatives du MINEDUB

a) Le contrôle permanent de la gratuité effective de l’EPPb) La redéfinition des mécanismes de financement des Ecoles, entre autres la suppression du

paquet minimum (que la nouvelle temporalité budgétaire ne justifie plus), la décentralisation du BF.

III.4. A l’ intention des chefs d’établissements et des enseignants du primaire public

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a) Respecter les principes public et citoyen de l’institution b) Respecter le principe de séparation individu-institution

SECTION I : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

Chapitre I : CONTRIBUTIONS DIVERSES

Pédagogie et Méthodologie : sur l’ensemble des six (06) groupes de populations interrogées lors de l’enquête (autorités éducatives, chefs d’Etablissements, Enseignants, élèves et parents), nous recensons les deux différents pourcentages de réponses (oui et non)6 pour chaque groupe dans chacune des ZE* secondaires (Départements) puis tertiaires (Arrondissements) à l’intérieur de la ZE principale (Région). Ensuite nous déterminons les pourcentages régionaux à partir de ceux secondaires, ceux-ci obtenus des pourcentages tertiaires. Les contributions* des élèves sont ce que l’Etablissement demande à l’élève d’apporter à l’école et qui n’est pas exigé par le MINEDUB*. Parmi ces contributions, les non institutionnalisées c’est-à-dire qui ne rentrent pas dans un cadre formel (APE*) bien que non exigibles, dont celles financières et celles matérielles.

6 Se rapporter chaque fois aux outils en annexes pour les questions correspondantes, ainsi qu’au Protocole et Canevas méthodologique pour les indicateurs correspondants

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I. Contributions non institutionnalisées

I.1. contributions financières

I.1.1. Existence des contributions

A. Adamaoua

Diagramme I  : contributions financières exigées

Exigées; 56.11%

Non exigées; 43.89%

CONTRIBUTIONS FINANCIERES EXIGEES

Source : SNEPMA – FECASE – SNAEF

Ici comme dans les autres ZE de l’échantillon, l’enquête a conclu à l’existence des contributions financières exigées des élèves des EPP. Si les répondants-responsables et les Directeurs/Directrices des EPP du Département du Djerem sont unanimes sur la non exigence de ces contributions, ils sont prés de la moitié pour les seconds dans la Vina qui affirment qu’ils exigent des élèves et parents qu’ils versent de l’argent à l’Ecole. Du reste, 72% des répondants-élèves tous les deux départements confondus affirment qu’il leur est demandé de contribuer financièrement à l’école au cours de l’année scolaire, contribution dont le montant moyen par tête est de 300Fcfa, soit 1200Fcfa/an. Sur la fréquence de cette contribution, l’enquête a révélé qu’elle est plus occasionnelle (67%) qu’elle n’est régulière. Ce qui n’empêche pas l’EPP de Malang I, arrondissement de Ngaoundéré 3, d’établir deux records : celui de la fréquence (07 contributions par an, soit une contribution chaque mois de l’année scolaire) et celui du montant moyen annuel par élève (2450Fcfa). Du reste, on peut se demander à quelle fréquence devrait-on parler de régularité, les chefs d’établissements de l’Adamaoua estimant « occasionnelle » une fréquence de quatre (04) contributions par an.

En soustrayant les weekends, les jours de congés (Noel et Pâques) et les jours fériés, une année scolaire dure 170 jours effectifs. 04 contributions dans l’année c’est donc une contribution tous les 42 jours. Nous sommes ici à la frontière entre la contribution occasionnelle et l’impôt régulier. Relevons ici que l’élève de l’Adamaoua contribue six (06) fois moins que celui du Sud, autant que celui du Nord et 750Fcfa de moins que son camarade de l’Est.

Quant aux décideurs/initiateurs de ces contributions, si les répondants-chefs d’établissements citent le Conseil d’Ecole et la hiérarchie (départementale et régionale), ils sont prés de ¾ (71,42%) qui affirment que c’est leur Inspection d’arrondissement qui décide de ces contributions. Traduction : Eux,

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Directeurs et Directrices des EPP de l’Adamaoua, ne sont pas les initiateurs des contributions financières des élèves, ni des montants et de la fréquence de celles-ci.Nos chefs d’établissements des EPP de la Vina et du Djerem ne feraient donc qu’exécuter les instructions des IAEB, lesquels disent tous ne pas être informés des contributions financières des élèves dans leurs arrondissements respectifs. L’écheveau devient encore plus difficile à démêler lorsque la moitié des répondants-responsables départementaux du MINEDUB et la moitié des répondants-IAEB déclarent avoir reçu des rapports faisant état de l’existence de ces contributions dans les EPP de leur département et arrondissement. Face ce jeu de renvoi de la responsabilité à l’autre, attitude que conseille la prudence – les contributions des élèves étant interdites – notre enquête, qui n’est pas policière, se limite à ce qu’établissent les faits : des contributions financières sont demandées aux élèves des EPP de l’Adamaoua.

B. Est Diagramme II  : contributions financières exigées

Exigées: 33,8%

Non exigées: 66,2%

Contributions financières

Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

Si elles sont moins récurrentes que leurs jumelles matérielles, les contributions financières sont néanmoins une réalité dans les EP de l’Est, à en juger à partir des 33% des répondants positifs. Plus occasionnelles qu’elles ne sont régulières, ces contributions s’élèvent en moyenne à 650Fcfa par élève, lesquels sont donnés par celui-ci en moyenne trois (03) fois au cours de l’année scolaire, soit donc 650fcfa chaque trimestre, pour un total de 1950Fcfa que chaque élève débourse dans l’année. Si l’on prend une moyenne de 500 élèves par Etablissement, c’est la rondelette somme de 975 000Fcfa que récolte chaque EPP de l’Est. Si les répondants-responsables se défendent en donnant les raisons de ces contributions, l’enquête n’a pu obtenir d’informations sur l’utilisation de cet argent.

C. Nord

Diagramme III : contributions financières exigées

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Délégués Départementaux: 50%

Inspecteurs Arrondissement: 50 %

CONTRIBUTIONS FINANCIERES

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASE

Ainsi que l’indique le graphique ci-dessus, moitié répondants-responsables départementaux et moitié répondants-responsables d’arrondissements du MINEDUB déclarent, non sans surprise, que des contributions financières sont exigées des élèves dans les EPP du Nord. Mais plus instructif serait de savoir si ces responsables disent ce qu’ils constatent qui se fait dans les EPP, ou sont-ils initiateurs de ces demandes de contributions. Ces contributions, dont la fréquence est de trois fois/trimestre, s’élèvent en moyenne à 1300Fcfa/an/élève. Occasionnelles selon les répondants-responsables et les répondants-chefs d’établissements, les parents et les élèves et les parents déclarent ces contributions régulières. Rien d’étonnant à cette divergence : chaque camp à de bonnes raisons de dire ce qu’il dit.A quel usage sont destinées ces sommes d’argent collectées auprès des élèves ? Si dans les deux Départements de l’échantillon (Mayo Louti et Bénoué) cet argent est dépensé aux photocopies diverses, les parents d’élèves du Mayo Louti doivent chaque semaine débourser 50Fcfa de plus et pour chaque enfant à l’EPP pour les photocopies des pages de lecture en classe. Ceci suffit pour rendre compte de l’obligation où se trouvent ces parents à verser ce qui leur exigé à l’école de son ou de ses enfants : Pas d’argent, pas de lecture en classe pour l’enfant, avec les conséquences que l’on sait. Et ceci est bien plus qu’une figure d’esprit pour les élèves (sont-ils les moins nombreux ?) dont les parents sont dans la précarité.

D. Sud

Diagramme IV : contributions financières exigées

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Exigées; 47,00%Non exigées;

53,00%

CONTRIBUTIONS FINANCIERES

Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

L’ensemble des répondants-autorités éducatives comme des répondants-chefs d’établissements du MINEDUB/Sud affirment qu’il n’est demandé de contribution financière à aucun élève de l’EPP. Pourtant 16% des répondants-enseignants, 46% des répondants-élèves et 74% des répondants-parents affirment que les élèves contribuent financièrement à l’école. Appuyé sur la logique administrative qui au Cameroun énonce que « la vérité vient d’en haut et l’erreur du bas », on devrait conclure à la non existence de contribution des élèves. Mais il faut bien convenir que c’est ce que disent les trois derniers groupes qui exprime la réalité. Ce pour trois raisons principales :

- Sachant, l’Ecole Publique étant déclarée gratuite au Cameroun, que toute forme de contribution non institutionnalisée exigée des élèves est par conséquent hors-la-loi, un responsable de l’administration scolaire (ici le Délégué Régional, le Délégué Départemental, l’Inspecteur/Inspectrice d’Arrondissement, le Directeur/la Directrice d’école), plus prudent que son collègue du Nord, ne peut avouer qu’il exige ou laisse exiger des élèves des contributions financières. Leur réponse négative et collective est donc dictée par la prudence, celle-ci du reste « compréhensible » : ce ne serait point techniquement intelligent pour un responsable du MINEDUB et dont est connu le sens de son intérêt bien compris, de reconnaître devant un enquêteur cela qui justement doit être dissimulé à ce dernier.

- Les Enseignants7, plus proches du « terrain » que ne le sont les responsables, savent mieux que ceux-ci et in situ sur la vie et le fonctionnement quotidiens de l’Etablissement. Les déclarations des premiers sont à prendre plus au sérieux.

- Les élèves8 et parents, objets d’extorsions diverses ont, plus que les responsables et les enseignants, intérêt à dénoncer cette pratique et la faire cesser.

Nous sommes par conséquent fondés à dire qu’il existe bien des contributions exigées des élèves. L’enquête a révélé (mais est-ce une surprise ?) un écart entre zone rurale et zone urbaine. Si l’on s’en tient aux 66% de répondants-parents positifs des zones urbaines, il ressort que c’est dans les villes, en dépit (ou à cause) de la proximité des Autorités Educatives, que les contributions financières sont le plus exigées.

7 Si l’on considère que, obéissant à la même prudence que les responsables, nombre d’enseignants qui exigent des contributions financières (qu’ils savent interdites) aux élèves ne l’avouent pas, les 16% de « oui » obtenus sont bien inférieurs au pourcentage réel.8 Le faible pourcentage des répondants positifs s’explique du fait que parmi les répondants négatifs se trouvent ceux dont les contributions sont faites directement par les parents : ces élèves disent alors qu’ils ne contribuent pas, pour signifier soit que ce n’est pas eux qui contribuent, soit qu’ils ignorent que leurs parents le font pour eux.

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Le graphique ci-dessous indique la situation d’existence et de montants annuels moyens des contributions financières dans les EPP du Sud à partir des différents groupes de répondants positifs quand le tableau ci-dessous établit les différentes moyennes et les écarts entre les deux départements de l’échantillon

Tableau

DEPARTEMENT

CONTRIBUTION FINANCIEREDEPARTEMENT DE LA MVILA DEPARTEMENT DU DJA ET LOBO

Moyenne annuelle contributions /élève

Cfa 9000 Cfa 5750

Moyenne annuelle contributions la plus élevée /élève

EP Groupe II Ebolowa

Cfa 10000 EP Akon Cfa 7500

Moyenne annuelle contribution moins élevée/élève

EP Adoun Cfa 3000 EP Nkolebou Cfa 4000

Moyenne régionale/an/élève Cfa 7375Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

Le Département du Dja et Lobo à lui seul fait le plus et le moins en la matière : Cfa 7500/an/élève pour l’EP d’Akon I et Cfa 4000/an/élève pour l’EP de Nkolebou. Un tel pic de Cfa 7500 inquiéterait le plus impassible sur l’effectivité de la gratuité de l’éducation de base à l’enseignement primaire public au Cameroun. Nous revenons en lieu utile (réf ?) sur les conséquences de cette pratique, tant au niveau de son incidence financière sur les parents d’élèves que sur la scolarisation de ces derniers.

I.2. Contributions matérielles

I.2.1. Existence des contributions

A. ADAMAOUA

Ici, les ¾ des répondants-chefs d’établissements, 83,33% de la Vina et 66,67% du Djerem, reconnaissent qu’il est demandé aux élèves d’apporter divers matériels et matériaux à l’école, à des fins d’entretien et de pédagogie principalement : Outre qu’on peut s’étonner des seize (16) contributions matérielles par an et par élève, il y a cette question sur l’usage fait de ces contributions, non pas au regard de leur nature mais des quantités, dont les graphiques ci-dessous permettent l’estimation.

Diagramme V : contributions matérielles exigées

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Données; 75.00%

Pas données; 25.00%

Contributions matérielles

Source : SNEPMA – FECASE – SNAEF

B. EST

Diagramme VI : contributions financières exigées

Exigées:64,8%

Non exigées:35,2%

Contributions matérielles

Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

Nous pouvons conclure de ce graphique que les contributions matérielles sont exigées des élèves. La totalité des répondants-responsables, 67% des répondants-Chefs d’établissements, 66% des répondants-enseignants et plus de la moitié des élèves interrogés admettent l’existence de ces contributions matérielles de diverses natures et que nous avons regroupées en plusieurs types et dont voici ci-dessous les principaux, sélectionnés sur la base de leur importance proportionnelle.

C. NORD Diagramme VII : contributions financières exigées – Nord

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Autorités Educatives:

100 %

Chefs Ets: 100 %Enseignants: 100%

Elèves: 100%

Parents:75%

CONTRIBUTIONS MATERIELLES

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASE

L’unanimité sur l’existence des contributions matérielles des élèves est ici établie. Contraints de se rendre à la réalité ou animés par un accent de sincérité, répondants-responsables locaux du MINEDUB et répondants-chefs d’établissements ne cachent pas, à la différence de nombre de leurs collègues des autres Régions de l’échantillon, qu’il est demandé des contributions matérielles aux élèves des EPP du Nord. Soit cet aveu repose sur l’assurance de l’impunité, soit il doit être interprété à partir de la désormais normalisation de la pratique, le fait, légitimé, se muant en droit.

D. SUD

A la différence des contributions financières, dont l’effectivité ne fait pas l’unanimité parmi les répondants, ils sont ici plus de 4/5ème – responsables compris – de répondants à reconnaître qu’il est demandé aux élèves d’apporter divers types d’objets à l’école à des fins pédagogique (craie et torchons), de nettoyage (balais, serpillères et seaux), d’équipement (tables-bancs), voire de construction (ciment). Le diagramme ci-dessous est éloquent pour ce propos, et qu’il faut lier à ceux IX,

X, XI & XII plus bas. Prés des 2/3 des répondants tous groupes confondus reconnaissent que divers types de matériels sont exigés des élèves dans les EPP du Sud.

Diagramme VIII : contributions financières exigées – Sud

Exigées: 87,3%

Non exi-gées:12,7

%

contributions matérielles

Source: SNEPMA - SNAEF - FECASE

I.2.2. Nature des contributions matérielles

A. ADAMAOUA

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Bien plus que ne le font leurs camarades du Sud et du Nord mais à proportion sensiblement égale à ceux du Nord, les élèves de l’Adamaoua pourvoient leur établissement en matériel d’entretien et en matériel pédagogique. Les 2/3 des répondants-chefs d’établissements du Djerem et prés de 85% de leurs collègues de la Vina admettent sans crispation aucune que les élèves apportent balais, seaux, craies, torchons, etc. à l’école. Ce que confirment 78% des répondants-élèves des deux départements. Nous avons retenu les contributions principales, regroupées dans les graphiques ci-dessous en catégories.

Diagrammes IX, X, XI & XII : Nature des contributions matérielles – Adamaoua

PROPRETE

Balais: 83 %

Seaux: 83 %Serpillères: 83

%

MATERIEL PEDAGOGIQUE

Craie: 34%

Torchons:67 %

Rames papier: 11%

Source: SNEPMA – FECASE – SNAEF

MATERIAUX CONSTRUCTIONS

Ciment: 11%

EQUIPEMENT

Tables-bancs: 11%

Source: SNEPMA – FECASE – SNAEF

Les EPP du Djerem, qui ne demandent ni de craie ni de tables-bancs, ni serpillères et papier aux élèves, se rattrapent en ce qui concerne les balais (25% de plus que la Vina) et les torchons (le double de la Vina). Les EPP de la Vina en plus d’être les plus grandes consommatrices de seaux (75%) sont avec les EPP du Sud les seules à exiger du ciment aux élèves. Faut-il s’en étonner, un responsable sur trois est au courant de cette pratique dans les EPP de l’Adamaoua, mais – et c’est là le paradoxe – aucun parmi eux ne dit y avoir mis un terme. Faut-il conclure à leur complicité (passive ou active), ne voulant pas se contenter des raisins de Corinthe ?

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Nos EPP seraient-elles devenues des auberges espagnoles dans le temps même où est proclamée la gratuité de l’enseignement de base? Ceci ne suscite pas seulement la question de l’impunité dont se savent jouir les demandeurs, mais aussi et surtout celle de la désormais institutionnalisation de cette pratique, personne ne s’en cachant plus du côté des demandeurs et personne du côté des élèves et parents n’y résistant. On peut supposer dans le second cas que ces derniers ignorent qu’ils n’ont pas à donner ce matériel mais cette ignorance n’est-elle pas entretenue par les responsables et les enseignants ? Dans l’hypothèse où les « victimes » savent qu’ils n’ont pas à apporter torchons et autres sacs de ciment mais le font quand même, cette conduite paradoxale et économiquement irrationnelle peut être lue comme la volonté des parents et élèves de contribuer au fonctionnement de leur école, l’incapacité ou la faiblesse de l’Etat ayant été constatée ou déclarée. Cette autre lecture est plus vérifiée par l’expérience qu’elle ne le fait de la première : élèves et parents contribuent sous la contrainte sourde ou manifeste de l’ombre portée des sanctions et autres représailles diverses et dont les personnels de l’EPP font preuve d’une ingéniosité sans limites à l’endroit des « récalcitrants » :

- L’élève est envoyé au fond de la classe où, le tohu-bohu aidant, il ne pourra rien suivre de ce que dit l’enseignant, habituellement scotché devant pendant toute la durée de la leçon. L’on peut facilement imaginer les conséquences.

- Le maître/la maîtresse s’emploient consciencieusement à exclure l’élève du processus d’apprentissage, en ne lui posant pas de questions et en ne répondant à aucune des siennes, ou en ignorant toute la journée le doigt levé de l’élève qui veut répondre à une question. Toutes choses qui créent un sentiment de frustration chez ces enfants dont la moyenne d’âge n’excède pas sept ans en 7ème.

B. EST

Diagrammes XIII & XIV : Contributions matérielles – Est

PROPRETE

Balais: 58%

Seaux: 24%

Serpillères: 24%

MATERIEL PEDAGOGIQUE

Craie: 8.5%

Torchons: 43%

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASE

Ainsi qu’on peut le déduire, les contributions en matériel de propreté représentent 59,58% parmi les contributions principales retenues, contre 40,42% de contributions liées au matériel pédagogique

C. NORD

Diagrammes XV & XVI : Contributions matérielles – Nord

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SNAEF – SNEPMA – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

PROPRETE

Seaux: 60%

Torchons:86%

Balais: 96%

CONSTRUCTIONS

Paille: 45%

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASE

S’il existe une constance, bien qu’à des proportions différentes, entre les Régions de l’échantillon aussi bien sur la fréquence occasionnelle des contributions matérielles que pour ce qui est de la prévalence des contributions en matériel de propreté, le Nord se distingue dans la contribution en matériel de constructions : la paille ici remplace le ciment du Sud, avec un accent marqué par le Département où 67% de répondants citent la paille comme contribution en matériel de construction de salles de classes, contre 19% dans la Bénoué. Ici comme dans le Sud, l’EPP est « gratuite » mais dans les salles de classes construites aux frais de ceux-là qui justement sont sensés être les bénéficiaires de cette gratuité.

Dans le cadre du Contrat Désendettement et Développement (C2D) entre le Cameroun et la France via l’Agence Française de Développement (AFD), le 1er C2D prévoit depuis 2007 dans l’un des quatre secteurs de concentration qu’est l’Education, la construction de 4500 salles de classes dans certaines Régions du Cameroun. Le Suivi Indépendant du C2D conduit par la Centrale Syndicale du Public (CSP) a établi que jusqu’au 1er trimestre 2010, le MINEDUB, maître d’ouvrage de ce projet financé par l’Aide Publique au Développement (APD) française, n’a pas encore fait commencer cette construction de salles de classes. La raison, depuis trois ans et chaque année évoquée est celle de l’AONO y relatif infructueux9.

D. SUD

Apparaissent ici de manière prévalente, par ordre décroissant de fréquence et de quantité 1) le matériel pédagogique (craie et torchons : 42,29%), 2) le matériel de propreté (balais, seaux et serpillères : 41,5%), 3) le matériel lié aux nécessités domestiques des responsables et enseignants (bois de chauffage et autres: 13,11%). Ensuite vient, bien qu’en faible fréquence et quantité, les contributions de constructions et d’équipement (ciment et tables-bancs : 03,1%).

Il est à noter ici que les contributions matérielles ne sont pas toutes de nature identique ni ne sont de quantité et fréquence annuelle égales selon qu’il s’agit de la zone urbaine ou de celle rurale : Il n’existe pas de répondant positif urbain pour ce qui est du bois de chauffage et autres contributions domestiques. Ainsi des serpillères parmi les répondants ruraux. La raison ? Dans le

9 Le lecteur se rapportera pour amples informations au rapport du suivi indépendant du C2D, année 2009, disponible au bureau du Suivi (Emombo, Yaoundé) et au siège de la CSP.

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SNAEF – SNEPMA – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

premier cas, les enseignants et responsables urbains, dont nous verrons ci-dessous qu’ils sont avec leurs collègues ruraux les demandeurs des contributions domestiques, emploient pour la majorité parmi eux du gaz domestique, ce qui soulage les élèves de la corvée ou de l’achat de fagots de bois. Tout autre est de la zone rurale, où les élèves sont en charge de l’approvisionnement permanent de la maîtresse ou l’épouse du maître10 en bois de chauffage. Dans le second cas et expliquant l’absence de contribution en serpillères, les de salles de classes à sol cimenté (et donc nécessitant des serpillères) dans le grand nombre des EP rurales

La lecture des tableaux ci-dessous permet de voir, dans chaque groupe de contributions, cela qui est le plus demandé aux élèves et parents. Si l’on peut se féliciter de l’accent mis sur la propreté, ce satisfecit masque cependant réalité et signification de la pratique, et dont manifestent ces interrogations, en plus de celle primitive portant sur la légitimité et la légalité des contributions :

- Tous ces balais, seaux et serpillères servent-ils à la seule propreté de l’Etablissement ?- Si les contributions en matériel de propreté, pédagogique et de construction peuvent

être logiquement compréhensibles relativement aux raisons ci-dessus évoquées par les répondants, quid de celles domestiques dont on voit qu’elles placent enseignant et responsable sous le tutorat des élèves et parents, lesquels de facto se retrouvent chargés de l’entretien des premiers ?

Diagrammes XVII & XVIII : Nature contributions matérielles – Sud

PROPRETE

Balai

s: 49

.27 %

Seaux: 41.5%

Serpil-lères: 9.23%

CONTRIBUTIONS DOMESTIQUES

Bois: 13.84%

Autre

s: 86

.16%

Source: SNEPMA - SNAEF - FECASE

10 L’enquête révèle que la plupart des enseignants des EP rurales sont allogènes, et parmi ceux-ci un taux important d’anciens IVAC* nouvellement contractualisés, dont des enseignantes, connues pour leur résistance aux activités domestiques. Ceci expliquerait cela.

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SNAEF – SNEPMA – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

MATERIEL PEDAGOGIQUE

Torchons: 78.47 %

Craie: 21.53%

CONSTRUCTIONS ET EQUIPEMENT

Table-bancs:

61.52 %

Ciment: 38.48%

Source: SNEPMA - SNAEF - FECASE

I.2.4. Raisons et décideurs des contributions

A. ADAMAOUA a) Raisons des contributions non institutionnalisées

Diagramme XIX : Raisons des contributions non-institutionnalisées – Adamaoua

PM insuffisant: 80%

Arrivée tardive du PM: 27%BF insuffisant: 75%

Arrivée tardive du BF: 37%

BF non reçu:20%Autres raisons: 24%

RAISONS DES CONTRIBUTIONS NON INSTITUTIONNALISEES

Source : SNEPMA – FECASE – SNAEF

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

Parmi les raisons ci-dessus que les répondants-chefs d’établissement disent justifier la demande faite aux élèves d’apporter argent et objets à l’école vient en tête l’insuffisance du PM. Si tous les répondants-responsables (IAEB et DDEB*) affirment que chaque EPP de l’Adamaoua reçoit son PM, ils confirment tous pour les quatre dernières années scolaires que celui-ci est insuffisant au regard des besoins de démarrage de chaque EPP en septembre. Qui plus est, ce PM arrive tard dans l’Etablissement : en Décembre-Janvier, soit en fin du 1er trimestre-début du 2nd trimestre de l’année scolaire11.

Quant à l’insuffisance des allocations de fonctionnement et qui vient tout juste après l’insuffisance du PM, responsables et chefs d’établissements interrogés font chorus pour dire que le montant du BF ne tient pas compte de la taille de établissement12.

L’on est ici tenté de s’attendrir sur la situation des chefs d’établissement, contraints qu’ils sont de se rabattre sur les élèves pour pallier aux manquements des pouvoirs publics ou aux dysfonctionnements du MINEDUB. Mais pour objectives que paraissent ces raisons, elles ne peuvent aucunement justifier ni légitimer la pratique des contributions, puisqu’elles vont contre la gratuité de l’enseignement de base à l’EPP, gratuité qu’on sait inconditionnelle. De plus et si l’on porte l’attention sur les « autres raisons » que déclarent 24% des répondants mais sans dire lesquelles, on se rend rapidement compte que ce sont ces raisons tues qui ultimement motivent ces contributions. Il suffit, pour convaincre les plus optimistes, de rappeler que 40% parmi ces répondants affirment que ces contributions sont demandées « autant de fois qu’il est nécessaire ». Bien entendu, c’est eux qui jugent de cette nécessité.

b) Décideurs des contributions

Diagramme XX & XXI  : Décideurs des contributions financières et matérielles – Adamaoua

IAEB: 75%

Maîtres:72%

Conseil d'Ecole:

33%

DDEB*: 33%

Autres: 33%

Directeur: 22%

DECIDEURS CONTRIBUTIONS FINANCIERES

Maîtres:77,5%

Directeur: 23,5%

Conseil d'Ecole: 20%

Autres: 20%

DECIDEURS CONTRIBUTIONS MATERIELLES

Source : SNEPMA – FECASE – SNAEF

Ici comme dans les contributions financières, et une fois éliminées les réponses à la Marie-Antoinette, chaque groupe de répondants déclare que c’est l’autre qui exige des contributions

11 Le PM, qui est sensé permettre à l’établissement de fonctionner dès les toutes premières semaines de la rentrée, doit être parvenu à chaque EPP en début du mois de Septembre.12 Certains Directeurs d’EP disent en off qu’ils ont reçu moins de 25000Fcfa au titre de l’allocation de fonctionnement pour toute une année scolaire. Ce montant perçu est-il le même que celui envoyé ?

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

(financières et matérielles) aux élèves et parents : les répondants-chefs d’établissements citent l’IAEB, les enseignants et la DDEB comme étant à l’initiative des contributions. Les répondants-élèves, lesquels ne connaissent que ceux qui à l’école leur demandent d’apporter ceci ou cela, citent le Directeur et le maître/la maîtresse, ce qui autorise à douter de l’innocence proclamée des premiers. Nous sommes finalement à la foire d’empoigne, où tous, responsables, chefs d’établissements et enseignants s’en donnent à cœur joie pour exiger des élèves qu’ils apportent des contributions.

Une lecture plus serrée permet de voir, sur la base de la chaîne hiérarchique que :

- la décision de contribution, prise par la DDEB, est répercutée par escalier jusqu’à l’enseignant - en passant par l’IAEB et le Directeur/la Directrice - lequel l’annonce aux élèves dans sa classe.

- La décision de contribution est prise par l’IAEB et suis le même chemin.- La décision est prise par le Directeur/la Directrice et est annoncée par le maître/la maîtresse.- L’initiative de contribution (financière surtout) est prise par le maître/la maîtresse, à l’insu du

chef d’établissement.

La première place qu’occupent les enseignants, si elle prouve que ceux-ci de leur propre initiative s’érigent en collecteurs d’impôts dans leur salle de classe, doit par conséquent être relativisée, aussi bien ici que pour ce qui est des autres Régions de l’échantillon. Le plus souvent en effet, c’est l’enseignant qui a charge d’annoncer ou de répercuter les décisions de la hiérarchie13 auprès des élèves. Ceux-ci, qui donc ne reçoivent l’information que du maitre ou de la maitresse, iront dire au parent : « la maitresse/le maitre a dit d’apporter 100fr /un seau demain ». On comprend pourquoi la grande fraction des répondants-élèves indique le maitre/la maitresse comme celui/celle qui leur demande telle chose/somme d’argent.

B. EST

Diagramme XXII & XXI II : Raisons et décideurs des contributions financières et matérielles – Est

Autorités Educatives

38%

Direct

eur/D

irectr

ice17

%

Enseignants33%

Conse

il d'éc

ole11

%

DECIDEURS DES CONRIBUTIONS

Arrivée tardive PM: 50.00%

Arrivée tardive BF: 50.00%

RAISONS DES CONTRIBUTIONS

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASE

13 Quiconque est averti sur cette hiérarchie sait que les instructions se répercutent selon le mécanisme top-down : Délégation Régionale – Délégation Départementale – Inspection d’Arrondissement – Directeur/Directrice – Maître/Maîtresse. L’enseignant ici n’étant que la caisse de résonnance.

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

Relativement aux raisons des contributions, il est à noter que l’arrivée tardive du BF (en Juin pour l’année 2008/2009)14 est évoquée par les seules Autorités Educatives (départementales), lesquelles ne parlent donc pas de la seconde raison, que les Chefs d’Etablissements sont de leur côté les seuls à mentionner. On pourrait en conclure, sans trop y croire cependant, que chaque camp ignore la raison de l’autre, ou la tient pour n’en être pas une. A croire que le BF arrive tard auprès de la Délégation (régionale puis départementale) quand il arrive à temps dans l’Etablissement, lequel est sensé le recevoir de la première. Ou encore, la Délégation du MINEDUB réceptionne le PM à temps mais l’EPP destinataire/bénéficiaire le reçoit tard : 77% des répondants-chefs d’établissements déclarent avoir reçu le PM en janvier les quatre (04) dernières années scolaires.

C. NORD

Il n’est pas surprenant que prés de la moitié des enseignants citent l’insuffisance de matériel de travail (bien qu’ils n’en précisent pas les natures) comme raison de demande des contributions, si on lie cette raison aux trois autres raisons indiquées dans le graphique XXIV ci-dessous, il est logique que les enseignants n’aient pas suffisamment de craie et autre matériel pédagogique lorsque le BF et le PM sont insuffisants et que ce dernier arrive tard, soit trois (03) mois après la rentrée scolaire.

Diagramme XXIV & XXV : Raisons et décideurs des contributions financières et matérielles – Nord

Insuffisance du PM: 73.35%

Arrivée tardive PM: 61.80%

Insuffisance du BF: 74.21%

Insufisance de matériel: 42 %

RAISONS DES CONTRIBUTIONS

Enseignants: 82.50%

Conseil d'Ecole: 17.50%

DECIDEURS DES CONTRIBUTIONS

14 La totalité des répondants-responsables déclarent au moment de l’enquête (Mars) n’avoir pas encore reçu le BF 2009/2010.

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

Source : SNEPMA - SNAEF – FECASEPour ce qui est du fort taux de répondants indiquant les enseignants comme décideurs des

contributions ci-dessus, la lecture est la même que plus haut dans l’Adamaoua.

D. SUD

Diagramme XXVI & XXVII : Raisons et décideurs des contributions financières et matérielles – Sud

Chef d'Etab-lissement:

18.91 %

Conseil d'Ecole: 18.91 %

Enseignants: 35.13 %

Inspection Ar-rondissement: 10.81

%

Autres décideurs: 16.21%

DECIDEURS DES CONTRIBUTIONS

Insuffi-sance PM:

18.18%

Absence matériel: 36.36%

Autres: 45.46%

RAISONS DES CONTRIBUTIONS

Source: SNEPMA - SNAEF - FECASE

Justifiant cela qui en soi est injustifiable, les raisons ci-dessus ne nous disent pas pourquoi les contributions financières sont exigées des élèves et parents, attendu que ceux-ci pourvoient déjà les écoles en matériel pédagogique, d’entretien et de construction. Mais le paradoxe ne s’éclaire-t-il pas si l’on interroge les 45,46% des « autres raisons », sachant que leur spécification n’a pas été faite par les répondants.

S’il n’est pas surprenant de retrouver le Conseil d’Ecole parmi les décideurs des contributions, On a cependant peine à créditer les déclarations des responsables régionaux et départementaux, lesquels disent ignorer que les contributions sont demandées aux élèves dans les Etablissements. Organe d’administration de l’Etablissement, le Conseil d’Ecole est composé selon les règles de proportionnalité définies de membres provenant de l’Etablissement et de la communauté éducative locale. Entre autres prérogatives, le Conseil d’Ecole, qui tient trois réunions ordinaires par an, approuve l’identification, la programmation et l’exécution des dépenses de fonctionnement et d’investissement ; rejette ou approuve le rapport de gestion du chef d’établissement. Les rapports et autres procès verbaux de réunion du Conseil d’Ecole sont transmis par voie hiérarchique aux responsables départementaux et régionaux du MINEDUB. Si les décisions de contributions prises par le Conseil sont mentionnées dans ces rapports, on comprend mal comment ces responsables peuvent ne pas en prendre connaissance.

II. Contributions institutionnalisées : Frais APE

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A. ADAMAOUA

Tableau I  : Contributions institutionnalisées – Adamaoua

DEPARTEMENT DU DJEREM15 DEPARTEMENT DE LA VINATaux moyen/élève Cfa 1500 Cfa 2430Taux /élève le plus élevé EP de Bala

Cfa 2000EP GBPS GROUP I, Ngaoundéré

Cfa 4000

Taux /élève le moins élevé EP de Bou-Wala

Cfa 1000 Ecole Annexe d’Application du Centre II

Cfa 1500

Taux moyen/élève Région Cfa 2225 Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

B. EST

II.2. Contributions institutionnalisées : APE

Il existe une APE dans chacune des EPP de notre échantillon, le montant des frais APE variant entre 2000 et 2500fcfa/élève, montant supérieur à celui annuel moyen que cet élève verse comme contribution financière. Ici comme dans les autres EPP de notre échantillon, parents et élèves sont contraints de s’acquitter des frais APE

C. NORD

Aucune EP de l’échantillon n’est sans APE. Le taux moyen des frais APE est de 2250 Fcfa.

D. SUD

Tableau II  : Contributions institutionnalisées – Sud

DEPARTEMENT DE LA MVILA DEPARTEMENT DU DJA ET LOBOTaux moyen/élève Cfa 1600 Cfa 2500Taux /élève le plus élevé EP Groupe II,

Ebolowa Cfa 2500EP Lobo-si

Cfa 3500Taux /élève le moins élevé EP Adoun Cfa 1000 EP Evele si Cfa 1500Taux moyen/élève Région Cfa 1995Source : SNEPMA - SNAEF - FECASE

85% des répondants (dont la totalité des responsables et des chefs d’établissements) disent savoir que le paiement des frais APE n’est pas obligatoire, mais tous les répondants-parents et parmi eux les 46% qui savent que le paiement de ces frais APE est libre paient quand même. L’explication de cette contradiction est que ce paiement déclaré libre et su comme tel par la plupart est dans la réalité obligatoire. Parents et élèves sont en effet contraints de payer lesdits frais par différents décideurs, et

15 La Direction de l’EP de Boudjouma déclare que le montant des frais APE n’est pas défini. Traduction : il est fixé à chaque rentrée en fonction du programme de dépenses du Bureau de l’APE. C’est la porte ouverte à tout…

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

qui sont, comme dans les autres régions mais à des proportions différentes le Directeur/la Directrice, le Conseil d’Ecole, les enseignants et en tête de file le bureau de l’APE.

Une fois encore et ainsi que nous l’avons démontré pour l’Adamaoua, on se tromperait en concluant que les enseignants sont ceux qui le plus contraignent les élèves et parents à payer les frais d’APE. L’enseignant, qui n’a aucun intérêt à exiger des élèves et parents le paiement des frais d’APE est, souvent malgré lui, celui qui répercute les instructions de sa hiérarchie, et donc est désigné par l’élève ou le parent comme celui qui exige ce paiement. Les véritables initiateurs de cette contrainte étant le bureau de l’APE et le Directeur/la Directrice, dont on sait du reste la collusion d’intérêt avec le premier pour ce qui est du pactole récolté auprès des élèves.

E. SUD OUEST

L’enquête révèle que la totalité des EP de la Région ont en leur sein une APE ; de même que nous avons pu établir la moyenne de 2100Fcfa de frais APE par élève. Prés de 99% de Chefs d’établissements interrogés disent savoir que le paiement des frais est libre, quand dans le même temps nous notons que des élèves n’ayant pas payé ces frais voient leur bulletins retenus jusqu’à épuisement de la « créance ». Symétriquement, élèves et parents disent ne pas savoir que payer les frais APE n’est pas obligatoire. Ce qui pose la question aux 90% des Autorité Administratives interrogées et qui déclarent avoir fait savoir dans chaque EP ainsi qu’aux parents d’élèves que le paiement des frais APE n’est pas obligatoire.

SECTION II. CONSEQUENCES DES CONTRIBUTIONS

Chapitre I. CONSEQUENCES LIEES A LA SCOLARISATION DES ELEVES

I.1. Absentéisme

SUD OUEST ADAMAOUA SUD

ABSENTEISME2007 /2008 X 17% X2008 /2009 10% 12,43% 11,21%2009 /2010 10% 09,49% 09,74%

Ce taux d’absentéisme peut paraître « très bas », selon le jugement d’un directeur de l’Adamaoua, mais il existe ; nous voulons dire qu’il est pour nous révélateur d’une situation qui justement n’est pas acceptable : On ne peut parler de taux de redoublement zéro, objectif déclaré (et poursuivi ?) là où n’existe pas de taux d’absentéisme zéro. Du reste, faut-il qualifier de « très bas » les 38% d’élèves absents de l’EP de Djakbol I de Ngaoundéré 1er, Adamaoua ?

Que l’incapacité ou le refus des élèves et parents est la cause majeure de cet absentéisme, c’est ce qu’affirment la moitié des répondants-responsables d’arrondissements et départementaux du MINEDUB, quand l’autre moitié dit que c’est là seulement l’une des raisons. Dans un cas comme dans l’autre, les contributions financières et matérielles poussent l’élève de l’EPP à manquer l’école. Le

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mécanisme n’est un secret pour quiconque est familier des EPP : l’élève « insolvable » est exclu de la classe où s’en exclut lui-même, en « choisissant » de ne pas venir à l’école tant qu’il n’a pas ce qui lui y est demandé, sans doute par crainte de la punition (fouet, corvée, etc.) du maître ou de la maîtresse.

Certes la pratique des contributions peut ne pas être la seule cause de l’absentéisme ; elle peut même ne pas en être la cause. Mais moitié répondants-chefs d’établissements affirment que l’incapacité des élèves à fournir ce qui leur est demandé à l’école constitue la cause majeure de leur absentéisme, quand l’autre moitié dit que cette incapacité en est l’une des causes. On ne peut raisonnablement mettre leurs déclarations en doute. D’un autre côté et à partir de ce qui vient d’être posé, le montant de la contribution financière ainsi que la nature de celle matérielle (et donc du coût) conjuguée à sa fréquence rend compte de l’absentéisme.

Démonstration à partir du cas de l’EP de Malang, Adamaoua : il y est demandé aux élèves d’apporter du ciment et des tables-bancs. Lorsqu’on sait qu’un sac de ciment coûte plus de 5000Fcfa et qu’il faut débourser près de 20000Fcfa pour une table-banc16, on se rend vite compte du caractère prohibitif de cette dépense pour un élève dont la famille vit sous le seuil de pauvreté. Pendant que le temps que le parent s’emploie à chercher l’argent nécessaire, son enfant sera à la maison c’est-à-dire hors de la classe.

I.2. Redoublements

ADAMAOUA SUD OUEST SUD

REDOUBLEMENT2006 /2007 23% 19% 27%2007 /2008 18% 17% 23%2008 /2009 16% 14% 20%

REDOUBLEMENT DES FILLES

2006 /2007 26% 17% 10%2007 /2008 20,37% 13% 11%2008 /2009 18,86% 11% 16%

De même que nous avons pu lier causalement contributions non institutionnalisées à absentéisme, celui-ci explique tout aussi causalement les abandons. Notons que les seaux, serpillères, tables-bancs et autre ciment exigés des élèves coûtent de l’argent. Chaque parent d’élève a donc à débourser, pour un seau et une serpillère environ 2000Fcfa à chaque contribution 17. Si ledit parent à plus d’un enfant à l’EPP, c’est au moins 4000Fcfa qu’il aura à dépenser. Au regard du faible pouvoir d’achat de ce parent, lequel aura déjà dépensé pour les fournitures de ses enfants à la rentrée, on comprend que le parent à un moment donné ne puisse pas contribuer pour son, ses ou l’un de ses

16 Cette somme est sans doute plus élevée dans l’Adamaoua, où le bois de menuiserie est rare.17 L’on objectera que l’élève n’achète qu’un seau dans l’année. Mais outre que ce seau coûte de l’argent au parent, rien ne permet de prouver que seul un seau est donné à l’école. Le nombre de seaux que collecte l’école dans l’année, estimable à partir du nombre de contributions/an/élève et du nombre d’élèves/classe achève d’invalider l’objection.

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SNEPMA – SNAEF – FECASE. Suivi de la gratuité de l’éducation de base dans l’Ecole Publique. Mars-mai 2010

enfants. L’enfant n’ayant pas contribué étant sorti de la classe, si cette situation se répète, l’élève qui aura raté plusieurs cours redoublera finalement la classe.

En reprenant l’EP de Djakbol comme laboratoire d’étude, nous nous apercevons qu’elle enregistre le plus grand taux d’absence (38%) et le plus grand taux de redoublement (27%) : il est donc indéniable, et ce sur la base de l’analyse puis la démonstration relatives à l’absentéisme plus haut, que ce dernier explique le redoublement.

I.3. Abandons

ADAMAOUA SUD OUEST SUDABANDONS 2008 /2009 06% 04% 05%

ABANDONS FILLES

2008 /2009 05% 03,70% 04,35%

Le triptyque de causalité absentéisme → redoublement → abandons vient d’être mis en évidence pour ce qui est de la première relation causale. Nous sommes parvenus à identifier les abandons comme conséquence du redoublement. L’élève qui reprend deux fois la classe finit par abandonner l’école. Cette décision – laquelle n’en est pas une stricto sensu – est prise par le parent lequel malgré lui ne peut pour une autre année et pour la même classe recommencer à pourvoir aux dépenses qu’implique la scolarisation de son enfant : fournitures (cahiers, crayons, uniforme, livres) et diverses contributions (financière et matérielle).

Autant la pratique des contributions n’explique pas seule l’absentéisme, autant tout redoublement n’a pour seule cause cet absentéisme. De même tout abandon ne s’explique pas par le seul redoublement. Mais dans la mesure où notre 5ème indicateur de suivi et l’hypothèse seconde 518 y relative manifestent dans notre enquête la recherche de la causalité par sympathie entre ces trois phénomènes, les résultats obtenus vérifient notre hypothèse seconde 5. Aussi pouvons-nous affirmer que la pratique des contributions dans les EPP du Cameroun a pour effet l’abandon de l’école par les élèves19, ou tout au moins constitue l’une des causes de ces abandons.

Chapitre II. CONSEQUENCES LIEES AUX PARENTS D’ELEVES

II.1. l’état des lieux

Faut-il le rappeler, plus de 75% des élèves dans les EPP du Cameroun appartiennent à des familles pauvres. Chacune de ces familles – dont on sait qu’elle a en moyenne trois (03) enfants à l’école primaire et un (01) en âge d’y entrer – dépense le quart de ses revenus pour la scolarisation d’ un enfant (fournitures, uniforme, transport, alimentation, etc.). L’on peut ainsi facilement se représenter la situation de ces familles camerounaises, confrontées qu’elles sont aux difficultés de vie quotidienne en

18 Cf. Protocole et canevas méthodologique, pp. 13 et 15, ou p. 7 du présent rapport.19 EPP de Djakbol I, Adamaoua : Existence des contributions → 38% d’absents → 26% de redoublants → 10% d’abandons.

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même temps qu’elles doivent envoyer leurs enfants à l’école. Envoyer son enfant à l’école est pour un père ou pour une mère20, plus qu’une contrainte, une obligation. Un espoir aussi.

L’obligation foro interno, de nature morale, pousse le parent à assurer l’éducation de son enfant, pour faire de lui ou d’elle un Homme. C’est là une question de responsabilité naturelle imprescriptible, de responsabilité sociale et de fierté humaine. Pour tout homme comme pour toute femme, beaucoup plus en Afrique qu’ailleurs, le signe net de réussite de sa vie est d’être parvenu à élever correctement ses enfants, de leur avoir donné les moyens d’être visibles et audibles au sein de la communauté et de la société.

Aussi bien, le père et la mère d’enfant camerounais voient en leur enfant l’espoir d’une vie meilleure demain, une fois les études de ce dernier achevées. Il pourra alors, grâce aux revenu de l’emploi qu’il occupera tirer ses parents et sa fratrie de la misère. En reculant devant aucun sacrifice pour envoyer son enfant à l’EP, le parent lutte contre la pauvreté ; il ou elle travaille à rompre le cycle des Rougont-Maquart à la Zola, où la famille pauvre « produit » des pauvres lesquels à leur tour produisent les pauvres, ainsi de suite et infernalement.

Cette responsabilité naturelle, le parent d’élève camerounais l’assume avec difficulté, et parfois en étant obligé de choisir parmi ses enfants, lequel continue la scolarisation, puisqu’il ne peut supporter le coût financier qu’implique la scolarisation de tous ses enfants. L’espoir du parent d’élève d’un avenir meilleur pour la famille et d’une autre vie que la sienne pour son enfant se retrouve hypothéqué.

II.2. Aggravation de l’état des lieux

La non effective gratuité de l’enseignement de base aggrave la situation du parent d’élève de l’EPP telle que ci-dessus décrite. 55% des parents d’élèves de l’EPP interrogés affirment non supportables les charges financières classiques liées à la scolarisation primaire de leurs enfants. Ils sont 80% à dire qu’avec les contributions (financières et matérielles) et les frais APE leur situation est devenue carrément intenable. Situation redoublée par le fait que ces parents n’ont pas le choix (dixit) : ils sont obligés de donner de l’argent et autres objets demandés à leurs enfants à l’EPP.

Plus encore et selon les 27% des parents dont les enfants ont dû abandonner l’école (en raison des redoublements liés à l’incapacité du parent à continuer à pourvoir l’EP en argent, seaux, tables-bancs, ciment, etc.), c’est l’expérience sociale et humaine de l’échec : Echec à préparer son enfant à une vie meilleure, échec à assumer sa responsabilité, à être un père ou une mère pour son enfant, aux yeux de la société comme – et c’est le pire – à ses propres yeux de père, de mère, d’Homme. C’est l’expérience de la castration, à laquelle ces pratiques d’extorsions dans les EPP du Cameroun condamnent des millions de parents d’élèves ou d’ex-élèves.

Chapitre III. CONSEQUENCES LIEES A L’OMD2* ET SES ENJEUX POUR LE CAMEROUN

III.1. L’atteinte de l’OMD2 hypothéquée

20 Le nombre de familles monoparentales va croissant au Cameroun. En raison de l’éclatement de la famille triangulaire classique (père – mère – enfant(s)), éclatement lui-même dû à la gestion problématique de la pauvreté (le père abandonne – physiquement ou matériellement – épouse et enfants) : la femme/mère se retrouve seule à élever les enfants. Evoquons aussi le cas de ces filles et femmes qui, à l’ombre de la déréglementation sexuelle que connaît la société camerounaise, se retrouvent « involontairement » mère-célibataire de plusieurs enfants, qu’il lui faut alors toute seule et sans ressources envoyer à l’école.

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Dans le 2ème objectif du millénaire pour le développement, les Etats-membres – dont le Cameroun – signataires de la Déclaration du Millénaire en Septembre 2000, se sont engagés à « assurer l’éducation primaire pour tous ». Le texte dit in extenso que « d’ici 2015, les enfants les enfants partout dans le monde, garçons et filles, seront en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et les garçons auront à égalité accès à tous les niveaux d’éducation ». Le Cameroun fait partie du monde, et nous sommes à cinq (05) ans seulement de l’échéance. Certes un effort considérable est fait chaque année par l’Etat Camerounais dans le sens de l’atteinte de cet objectif, mais il reste toujours l’ombre portée voire la menace de voir le Cameroun parmi les 58 pays dont l’ONU dit qu’ils « risquent de ne pas atteindre la scolarisation primaire universelle en 2015 ». La raison ? La gratuité de l’éducation de base est le gage de l’accroissement de la population scolaire primaire, en pays sous-développés surtout. De même que cette gratuité garantit l’achèvement par cette population scolaire de leur cycle primaire. Or et ainsi que l’établit une étude de l’UNESCO*, si le taux de scolarisation dans le primaire est en nette augmentation en Afrique sub-saharienne depuis 2007 21, celui de la scolarisation secondaire y reste toujours très faible22, et va même décroissant dans certains pays. On voit donc que la non effective gratuité de l’enseignement de base rejette les élèves hors des salles de classes et ainsi hypothèque l’atteinte par le Cameroun de l’OMD2

III.2. Les conséquences de la non atteinte de l’OMD2 par le Cameroun.

Ces conséquences peuvent facilement être identifiées à partir des enjeux que porte l’universalité de l’éducation de base. Ainsi que le résume l’ONU, « L’accès à l’éducation détermine l’avenir des garçons et des filles. L’éducation les insère dans la société et les prépare à la vie civique. Elle contribue aux avancées de la démocratie et des droits de l’homme. L’éducation est la base du développement. Elle est indispensable à la lutte contre la pauvreté. Elle est une condition de la croissance économique. Elle contribue aux progrès de la santé et à la protection des ressources naturelles ».

a) Les conséquences humaines

Faut-il le rappeler, l’éducation est un droit fondamental. Une chose cependant est de se voir reconnaître ce droit, une autre est de se voir donner par l’Etat les conditions de jouissance ou de la pratique de ce droit, ou de voir cet Etat abolir les obstacles (ici obstacles économico-matériels) à cette pratique. Nous voulons dire que tant que la gratuité de l’éducation de base n’est pas effective dans l’EPP, il n’y aura pas de droit à cette éducation de base pour l’élève camerounais. On nous objectera qu’une fraction non négligeable d’élèves de l’EPP achève leur cycle primaire, malgré ces pratiques d’extorsions. Nous répondrons par l’esprit même du droit : le droit à l’éducation de base, comme tout droit, est optimal (l’individu en jouit complètement) et intégral (tous sans exception en jouissent). C’est cet esprit qui a inspiré l’OMD2, et dit que là où comme au Cameroun tous les enfants en âge de scolarisation primaire ne vont pas à l’école parce qu’ils ne le peuvent pas, là où tous les élèves de l’EP ne parviennent pas à achever leur cycle primaire en raison des obstacles économico-matériels, il n’y a de droit effectif à l’éducation de base pour personne : le droit à l’éducation de base est tout et pour tous ou il n’est pas. Il n’y a pas de demi droit ni de droit pour quelques-uns.

Faut-il encore le rappeler avec l’UNESCO, l’éducation offre à l’individu les moyens de son autonomisation et de prise en main de son avenir. Savoir lire, écrire et calculer au sortir de l’école primaire émancipe l’individu de sa dépendance aux autres, l’outille à s’exprimer avec confiance au sein 21 De 80% en 1991, ce taux de scolarisation est de 88% en 2007.22 55% des pays africains sont concernés par ce faible taux de scolarisation secondaire. Le patriotisme étroit de nombre de Camerounais les poussera à dire que leur pays n’en fait pas partie.

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de la société et à décoder la complexité grandissante du monde contemporain dans lequel le sujet éduqué, avec nettement moins de difficultés que celui qui ne l’est pas, pourra s’adapter et qu’il pourra travailler à transformer. C’est cette autonomie et cette adaptabilité des millions de jeunes Camerounais que vient hypothéquer la non effective gratuité de l’éducation de base à l’EPP.

b) Les conséquences politiques

Reprenons le texte de l’ONU : « L’éducation prépare les individus à la vie civique. Elle contribue aux avancées de la démocratie et des droits de l’homme ». En effet, Les droits fondamentaux de chaque individu sont soumis à l'accès à l'information et à la bonne compréhension, tout comme ils sont soumis à la possibilité de s'exprimer, de faire un recours, etc. Or qu’est-ce d’autre sinon l’éducation – celle de base d’abord – pour favoriser à l’élève d’aujourd’hui et citoyen de demain la connaissance de ses droits fondamentaux, lui donner les possibilités de les revendiquer, en un mot lui permettre de devenir un sujet politique ? Où l’élève citoyen de demain apprendra-t-il les valeurs démocratique et s’initiera-t-il à la culture démocratique si ce n’est d’abord à l’école primaire ? On le voit donc et ainsi que le vérifie l’expérience, la démocratie à de la peine à prendre pieds dans une société où peu d’hommes et de femmes sont éduqués, au double sens intellectuel et moral. L’absence d’esprit critique (que l’école développe) chez ces masses non éduquées ou qui ne le sont pas suffisamment fait le lit des dictatures et le jeu des dictateurs en Afrique. Faute d’éducation de base, le citoyen ignore les valeurs de tolérance et de débat constructif, lesquels sont les piliers de la démocratie.

Ainsi vu, la non effective gratuité de l’éducation de base, en maintenant les enfants hors de l’école et empêchant aux autres d’achever leur cycle primaire pour accéder au secondaire, obstrue leur chemin vers la citoyenneté et, partant, freine l’avancée de la société camerounaise vers la démocratie 23. La constitution démocratique et les institutions démocratiques ne suffisent pas pour faire exister la démocratie dans une société politique.

c) Les conséquences économico-matérielles .

« L’éducation est la base du développement », dit l’ONU. Elle a raison. Il n’existe pas dans l’histoire des sociétés une seule qui se soit développée avec l’agriculture traditionnelle, ni avec les victoires remportées au football. Le développement économico-matériel est affaire d’inventions techno-scientifiques, d’industrialisation, d’organisation rationnelle des activités, de commerce, de finances, etc. Toutes choses qui ne sont possibles que si la société a en son sein un nombre important de savants, d’ingénieurs, d’informaticiens, etc. Or l’école primaire est à la science ce que la commune est à la démocratie. C’est en effet à l’école primaire que le futur savant ou le futur ingénieur apprend aussi bien les bases mathématiques, logiques et biologiques de la science que les bases de toutes les activités créatrices de richesses. L’école primaire prépare ainsi l’élève à être un agent du développement de sa société. Du point de vue du développement humain* et si on rappelle que ses trois indices de calcul sont la santé/longévité, le savoir/niveau d’éducation et le niveau de vie, il est sans conteste que c’est l’éducation – celle de base d’abord – qui en déterminant ces indices est ultimement le levier de ce développement humain.

A-t-on besoin de dire que plus il y a au sein de la société des hommes et des femmes éduqués - et qui donc auront achevé leur cycle primaire – plus cette société compte d’agents de développement 23 S’il est possible d’avoir une démocratie formelle sans démocrates comme c’est le cas en Afrique, la démocratie existentielle, celle-là, la véritable, n’est possibles que là où la société est constituée de démocrates. Ce sont ces démocrates que l’EP est chargée d’inaugurer la formation.

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et donc a plus de chances de se développer que la société où, du fait de la non gratuité de l’EP en raison des pratiques d’extorsions diverses dont les élèves font l’objet. L’EPP camerounaise, en renvoyant de plus en plus d’enfants à la maison et en bloquant l’accès à l’EP à d’autres, se supprime un potentiel humain de développement.

SECTION III. RECOMMANDATIONS

Recommandations aux syndicats enseignants et autres ANE impliqués dans l’Education.

La double position des syndicats enseignants obligent ceux-ci à s’impliquer activement dans la lutte pour l’effectivité de la gratuité de l’enseignement de base : les syndicats enseignants regroupent les principaux acteurs de l’Education, ils ont donc le devoir de justifier leur statut de syndicats enseignants dans et par leur rôle de sentinelles et de contrôleurs constructifs du système éducatif, à l’intérieur d’un cadre de partenariat avec les autorités éducatives ou en dehors de celui-ci.Trois lignes principales invitent ainsi les syndicats enseignant à ce travail :

- Le plaidoyer

Les résultats de l’enquête consignées dans le présent rapport permettent aux utilisateurs dudit rapport d’identifier les différentes cibles vers lesquelles conduire un plaidoyer ainsi que les termes de références de celui-ci. Un plaidoyer conduit par les syndicats enseignants, mieux outillé et argumenté que ne le sera celui conduit par d’autres acteurs (bien que non moins soucieux des questions relatives à l’Education de Base) permettra de minimaliser les pratiques que l’enquête a permis de mettre à jour et donc de travailler pour l’effectivité de la gratuité de l’enseignement de base à l’Ecole Publique.

- La sensibilisation des enseignants

L’enquête à établi que les enseignants du primaire sont acteurs et initiateurs des pratiques d’extorsion financières et matérielles. Dans la mesure où certains parmi ces enseignants sont membres des syndicats, nous sommes là face à une attitude doublement condamnable. Il s’agit donc de les sensibiliser aux exigences d’éthique professionnelle et citoyenne. Tout comme il s’agit d’y sensibiliser les enseignants non membres des syndicats. Aussi bien, les sensibiliser à leur devoir d’être la conscience critique de la communauté éducative : une conscience qui exhorte, dénonce et se fait apôtre des valeurs de l’Education.

- Démarche vers les pouvoirs publics

Les syndicats enseignants devront initier des rencontres avec les pouvoirs publics, en vue des concertations visant à définir un code de conduite de l’acteur de l’Education, quel qu’il soit.

Recommandations aux Pouvoirs Publics

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L’offre d’Education est un service public non marchand, primitivement24. Principalement dans des pays où le pouvoir d’achat est bas pour la grande majorité de la population, celle justement où l’on enregistre plus de 90% des jeunes en âge de scolarisation primaire. Le Cameroun est de ces pays pauvres, et où paradoxalement l’école devient de plus en plus une marchandise, un business aux mains du secteur privé, lequel en fait un service payant inaccessible à ces centaines de milliers d’enfants dont on vient de dire que les familles vivent au-dessous du seuil de pauvreté. On se doute que cette situation interpelle les pouvoirs publics, engagés (au niveau du discours) qu’ils sont dans l’atteinte de l’OMD 2. Mais hypothétique sera l’atteinte de cet objectif dans les 05 ans qui restent si, tant que l’Etat ne récupère pas cet espace de l’Education chaque année abandonné au secteur privé ; tant que, au sein même de l’espace resté public la gratuité de l’Education de Base n’est pas effective. L’école primaire étant au développement (social, culturel, économico-matériel : humain) ce que la commune est à la Démocratie, on devra cesser de se payer de mots et faire montre d’une volonté politique traduite en actes financiers, infrastructurels, institutionnels et juridiques quotidiens. Deux directions jumelles doivent fonder cette volonté et inspirer ces actes :

- Le financement de l’Education de Base.

Si l’on note une augmentation de l’enveloppe budgétaire du MINEDUB 25, force est de reconnaître qu’elle reste insuffisante au regard des besoins de ce secteur, principalement ceux de fonctionnement et d’investissement26. Il a été établi que l’insuffisance et des allocations de fonctionnement et du Paquet Minimum sont les raisons objectives qui poussent chefs d’établissements et enseignants à exiger des élèves que ceux-ci contribuent financièrement et matériellement à l’Ecole Publique. Une hausse budgétaire, en venant supprimer ces raisons, supprimera ces contributions et ainsi rendra effective la gratuité de l’enseignement de base à l’EP. Où trouver cet argent ? La question est la même quand ceux qui, interpellés et qui la posent à partir de leur bureau climatisé ou en descendant de l’une de leurs trois limousines de fonction ont de plus en plus de difficultés à convaincre que l’Etat manque vraiment d’argent pour l’Education.

Deux observations autorisent à mettre en doute la bonne foi et les bonnes intentions de nos gestionnaires.

Sur la centaine de milliards alloués à l’Education de Base, une bonne partie est utilisée dans les services centraux. Le budget de chaque Direction (donc de chaque Directeur 27) est reparti

24 Différente d’une entreprise publique nationale (CAMTEL), le service public désigne juridiquement l'ensemble des activités, exercé par la puissance publique, dans le but de satisfaire des besoins sociaux devant être disponible pour tous. Le service peut cependant être rendu par des entreprises privées, comme c’est le cas au Cameroun de la distribution d’eau, d’électricité (AES-SONEL), d’une partie (de plus en plus grandissante) des soins de santé (Pharmacies, cliniques, etc.) et de l’Enseignement (Etablissements privés, dont la plupart sont subventionnés par l’Etat).25 Il était de 113 milliards de FCFA en 2008. Il faut préciser que la contractualisation des instituteurs vacataires (IVAC) a été financée par le C2D et non sur fonds budgétaires. Il en va de même pour la construction de 4500 salles de classes et la réfection de 450 autres, sur fonds C2D et non du BIP. (Cf. p.26)26 Dans la même année budgétaire, la Présidence de la République s’octroyait la part léonine de 48,7 milliards, soit une augmentation d’environ 23% ; 48,7 milliards auxquels il faut ajouter 4,6 milliards des services rattachés. 27 Au représentant de l’Union Européenne à qui nous demandions pourquoi l’UE n’intervenait pas en appui budgétaire dans sa coopération avec l’Etat camerounais, il nous répondit que le Cameroun est un des rares pays où on met trop d’argent à la gestion libre des individus : Directeurs, Ministres, etc. Et qui en font ce qu’ils veulent, le déplacent comme ils veulent.

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entre les crédits de carburant, le matériel roulant, les missions28, les dizaines de réunions et autres ateliers à des centaines de milliers de francs Cfa de per diem per capita, le remplacement chaque année du matériel (ordinateurs, photocopieurs, rideaux, bureaux, etc.) d’équipement à partir des prestataires qui pour la plupart sont liés à ceux qui font ces commandes. Combien de ce qui reste va-t-il dans l’EP ?

Autre spécificité du Cameroun et que révèle la loi dés règlements : entre l’exercice budgétaire 2004 et celui 2008, le Cameroun à accumulé 1776 milliards de francs Cfa d’excédents budgétaires, ainsi que l’indique le tableau ci-dessous.

ANNEE

ELEMENT

2004 2005 2006 2007 2008

Prévision des dépenses 1617 1721 1861 2251 2482Réalisation des dépenses 1345 1476 1530 1729 2055Prévision des récettes 1617 1721 1861 2251 2482Réalisation des récettes 1452 1761 2119 2225 2354Excédent budgétaire 107 285 589 496 299Excédent cumulé 107 392 981 1477 1776

L’origine de ces excédents budgétaires ? La non-exécution des dépenses publiques, et surtout les dépenses d’investissement29. Ceci est pour le moins étonnant que l’on réalise des excédents budgétaires paradoxaux dans notre contexte de délabrement de l’Education : infrastructures vétustes ou de mauvaise qualité, Ecoles Primaires sans allocations de fonctionnement suffisants, enseignants mal rémunérés, etc. Plus étonnante est l’affectation de ces excédents dans les budgets futurs : l’Education n’est pas mentionnée. Plutôt le reporting du gouvernement nous dit ceci sur l’affectation des 299 milliards de francs CFA d’excédent budgétaire 2008 : « L’excédent a permis d’apurer les restes à payer des exercices 2007 et 2006 pour un montant de 246,9 milliards. Le reste de l’excédent qui s’élève à 52,6 milliards a accru les disponibilités réelles en trésorerie dans les comptes du Trésor Public ouverts à la BEAC »30. Il nous semble donc que l’Education de Base peut être mieux financée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Et si elle peut l’être, cet indicatif fonde et justifie l’impératif de ce financement.

- La redéfinition du statut de l’APE

Le statut de l’APE ressortit de la liberté d’association, inscrite au préambule de la loi fondamentale du Cameroun. Etre membre de l’APE est un droit c’est-à-dire une permission bilatérale, et donc en aucun

28 La règle dans nos ministères et Délégations veut que chaque responsable aie 100 jours de frais de mission (et non de missions effectives) par an.29 Dans le budget 2010 en cours d’exécution et qui est de 2570 milliards de francs Cfa, les dépenses d’investissement s’élèvent à 677 milliards (contre 597 en 2009) et les dépenses courantes (personnel : 685mds, biens et services : 555mds, transferts et subventions : 286mds) à 1526 milliards.30 Lire Le « rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales, et financières de la Nation, exercice 2009 » du Gouvernement, novembre 2009, p73.

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cas d’une contrainte : tel parent peut s’il le veut et dans le cadre de la règlementation interne de l’APE, en devenir membre sans que nul ne l’en empêche, ou ne pas ou plus en être sans que nul ne l’en empêche. C’est dans cette bilatéralité que se définit le droit. A l’Etat donc de le faire savoir à tous.

Aussi bien et considérant ce qui vient d’être posé, aucun parent, s’il n’est membre de l’APE ne doit être contraint de payer les frais d’APE pour son enfant élève dans l’école. Et la direction de l’école n’a pas à suspendre le recrutement de tel élève ou l’inscription de tel autre au paiement des frais d’APE, attendu qu’il n’appartient pas à l’institution publique de recouvrer les fonds appartenant à une institution privée, encore moins d’empêcher le bénéficiaire du service public non marchand (ce qu’est l’EPP) de jouir de ce service pour la raison qu’il n’est pas en règle avec une association. Cela aussi, l’Etat doit le faire appliquer.

En dernier lieu, il s’agit pour les pouvoirs publics de séparer institutionnellement l’EP de l’APE. Donc de supprimer la collusion d’intérêts entre la direction de l’école et le bureau de l’APE.

Recommandations aux Autorités Educatives du MINEDUB

- Le contrôle permanent de la gratuité

Les enjeux qu’emporte l’enseignement de base interdisent qu’on reste enfermé dans les seules déclarations « politiques ». Il s’agit de s’assurer que la gratuité proclamée est respectée. Si tout acteur de l’Education de Base a le devoir de respecter cette gratuité et de la faire respecter, c’est aux pouvoirs publics surtout de veiller à ce respect. Ainsi doivent être définis des instruments de contrôle permanent du respect de cette gratuité, à toutes les marches de l’escalier de la communauté éducative. C’est bien moins que les douze travaux d’Hercule que de faire contrôler par cercles concentriques que les élèves et parents ne subissent pas les extorsions financières et matérielles. Bien entendu, des sanctions seront appliquées à ceux qui sont reconnus coupables, passifs ou actifs, d’actes d’extorsion sur les élèves et parents.

- La redéfinition des mécanismes de financement des Ecoles.

Supprimer le paquet minimum : Il est établi que la politique du Paquet Minimum est un échec. D’abord parce que les frais de convoi dudit PM dans les EP sont plus élevés que le montant investit à l’achat des composantes de ce PM, ce qui est tout simplement économiquement irrationnel : Dépenser le maximum pour offrir le minimum est déroutant du point de vue des standards du management public. Ensuite, l’arrivée tardive de ce paquet minimum ne permet plus à celui-ci d’atteindre les objectifs à lui assignés. De plus, l’année budgétaire étant désormais coextensive à l’année civile, au moment où les EP ouvrent leurs portes aux élèves en septembre, on ne voit pas pourquoi, le budget de l’Etat étant voté neuf mois avant, l’on continuerait la politique du paquet minimum décidée quand l’exercice budgétaire s’achevait en juin. Les fonds jusqu’ici affectés audit PM (achat du matériel et frais de convoi dans les EP) seront donc transférés à ceux du BF.

Décentraliser le BF : Le constat est que les allocations de fonctionnement destinés aux EP passent par trop de mains. Ainsi que l’a établi en 2006 le Suivi physico-financier des dépenses publiques dans le secteur Education, année 200431, il existe des écarts entre le montant alloué au départ du BF et celui effectivement reçu par le chef d’établissement : l’Autorité administrative de la

31 Ce suivi a été effectué par Dynamique Citoyenne, et le rapport est disponible au COSADER, point focal de Dynamique citoyenne, et au SNAEF, qui a assuré la coordination technique dudit suivi.

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localité (Préfet, sous-préfet) retient un pourcentage du carton de l’EP, de chaque EP de son aire de commandement ou, pour dire juste, d’exploitation. Aussi en créant un compte trésor pour chaque EP l’on préviendra ces coupes dans le BF de l’EP. Ce compte approvisionné à temps réduira le retard constaté de l’arrivée du BF. Bien entendu, on définira les mécanismes de suivi et de gestion de ces fonds par les chefs d’établissements32.

Recommandations aux chefs d’établissements et enseignants

S’ils n’en sont pas les seuls initiateurs, le chef d’établissement et le maître/la maîtresse sont les acteurs des extorsions financières et matérielles, véritable racket auquel se livrent ces collecteurs d’impôts du MINEDUB. Ils sont en dernière instance l’élément du problème, mais tout aussi en dernière instance l’élément de la solution.

Respecter les principes public et citoyen de l’institution : Objectivement, on ne peut tenir élèves et parents pour responsables du disfonctionnement du système en matière tant du PM que du BF. Que le Directeur ou la Directrice d’école ne comprennent-ils pas qu’aucune raison ne les autorise, ni nécessité ni contrainte quelconque, d’exiger des élèves et parents qu’ils suppléent aux manques et manquements de l’institution, pas plus qu’ils n’ont à pourvoir aux besoins de vie de tel Directeur ou de tel Inspecteur d’arrondissement, dont on sait qu’il s’institue en véritable roi du 17 ème siècle dans son arrondissement. L’Education de Base est une institution, et il est de la nature comme de l’esprit de l’institution publique de ne reposer, pour son fonctionnement, sur les individus, encore moins sur ceux pour lesquels elle existe, ici la jeunesse camerounaise à scolariser. On ne peut donc demander aux élèves et parents de faire fonctionner l’EPP33.

Respecter le principe de séparation individu-institution : lors du débat qui suivit la restitution publique des résultats de la présente enquête, M. Jean-Marc Bikoko34 releva que les extorsions qui venaient d’être relevés pourraient s’expliquer par le fait que les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier sont mal rémunérés : « Revalorisez le salaire de l’enseignant et vous verrez disparaître ces pratiques », telle fut la solution proposée par M. Bikoko. Si l’on peut comprendre que la précarité de l’enseignant pourrait « contraindre » ce dernier à exiger de l’élève qu’il contribue à ses efforts en vue de boucler ses fins de mois, cette « solution », bien que pertinente n’est pas suffisante. Si l’enseignant désormais bien rémunéré aura des difficultés à justifier ses demandes de contributions faites aux élèves, il reste que La morale publique, la morale privée comme celle professionnelle ne reposent pas sur la seule l’aisance matérielle, au sens où celui qui serait à l’abri du besoin serait moins incliné à des actes que ces morales répriment. Si c’est le cas, comment expliquer que nos Ministres et Directeurs Généraux, dont on ne puis dire qu’ils sont dans le besoin, s’emploient avec frénésie à la délinquance financière.

Cela que le maître et la maîtresse ont à comprendre, c’est que maître et maîtresse sont une institution, qu’occupent des individus qui l’incarnent mais sans jamais se confondre à elle, ni s’en servir 32 Les Conseils d’Ecole, jusqu’ici composés de faire-valoir qui font à ce jour de ces Conseils des caisses d’enregistrement, devront pleinement justifier leur raison d’être et jouer leur rôle.33 Il est erroné de croire que les bénéficiaires d’un service public ont la charge de le financer ou de le faire fonctionner. C’est le cas de l’Education de Base, où l’autorité publique l’a compris, en rendant l’enseignement de base gratuit. Si la participation de tous au financement du service public (chacun en fonction de ses moyens) est un principe constitutionnel qu’inspire le droit politique interne, ce principe est appliqué, dans la pratique, par la puissance publique au moyen de la fiscalité. Les recettes fiscales servent au financement du service public, ce qui fait de l’Etat camerounais l’entité par excellence (et par devoir régalien) sur laquelle repose le financement du service public. On comprend mieux le caractère impolitique et juridiquement illégal des contributions demandées aux élèves dans les EPP.34 Président de la Centrale Syndicale du Public (CSP).

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qui pour s’approvisionner en bois de chauffage, qui pour compléter ses frais de loyer. Est-ce trop demander à l’enseignant de l’EPP d’être enseignant c’est-à-dire celui-là qui, par les valeurs dont il a à se faire l’apôtre35, inculque à l’élève des savoirs être et des savoirs faire. Mission dont le succès est gagé sur l’érection de l’enseignant en modèle.

35 Enseigner n’est pas un sacerdoce. Les pouvoirs publics se servent de cette expression pour susciter chez l’enseignant une intériorisation théologique sacrificielle de sa situation d’acteur pédagogique aujourd’hui renvoyé dans l’invisibilité sociale et économico-matérielle, et à qui on demande alors d’être satisfait de cette condition. Enseigner est un apostolat, et donc emporte et la conscience de ses devoirs et, symétriquement, celle de ses droits.

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