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EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 1 Infrastructures Sportives SND30 TERROIR L’art de transformer le bois en guitare Viande d’escargot Un régal pour les palais Agir ensemble... c’est maintenant ! Macroéconomie Les indicateurs de 2021 Investissement Le coup de pouce du Programme Agropoles N° 003 mai 2021 Le Cameroun séduit le monde DÉCOUVERTE

SND30 Agir ensemble c’est maintenant

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EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 1

Infrastructures Sportives

SND30

TERROIR

L’art de transformer le bois en guitare

Viande d’escargotUn régal pour les palais

Agir ensemble... c’est maintenant !

MacroéconomieLes indicateurs de 2021

InvestissementLe coup de pouce du Programme Agropoles

N° 003 mai 2021

Le Cameroun séduit le monde

DÉCOUVERTE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 20212

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 3

EDITO

SND30 TOUS À L’ACTION !

Après une année 2020 difficile marquée par la persistance de la crise sécuritaire dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et

l’impact de la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie du Coronavirus, voici venue 2021. Avec les mêmes défis certes, mais des perspectives nouvelles. Oui, 2021 est une année à forte charge symbolique. Elle s’inscrit dans la continuité du démarrage en 2020, de la deuxième phase de mise en œuvre de la Vision 2035, opérationnalisée par la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30). Ce nouveau cadre de référence des actions de développement du Cameroun pendant dix années, est le fruit d’un large processus consultatif avec notamment l’implication et la participation des différents acteurs de développement et des populations à la base. Cette Stratégie ambitionne de favoriser une transformation structurelle de l’économie nationale et promouvoir un développement plus inclusif. En particulier, elle entend dynamiser le secteur productif industriel et manufacturier en promouvant la consommation locale et la production locale dans des filières stratégiques.La SND30 est donc le reflet des aspirations légitimes d’un peuple déterminé à apporter sa contribution à l’émergence de notre pays, dans un élan de cohésion sociale. Elle est davantage l’expression d’un appel renouvelé à la mobilisation des filles et fils de notre pays, de l’intérieur et de la diaspora, pour s’inscrire positivement en faveur de la dynamique irreversible de construction nationale, à laquelle le Président de la République, Son Excellence Paul BIYA convie tous ses compatriotes. L'émergence est une cause nationale.L’année 2021, dont les projections de croissance sont de 3,3%, se révèle également une année au cours de laquelle les objectifs de relance économique, sont alignés sur les options stratégiques fortes contenues dans la SND30: la transformation structurelle, le développement du capital humain, le renforcement de la gouvernance et la décentralisation, la revue

des politiques publiques et le soutien à la production et à la transformation des produits de consommation courante.Aussi, le choix des investissements inspiré par la conjoncture actuelle, nous conduira prioritairement vers l’achèvement de la mise en service des grands projets d’infrastructures, la finalisation des projets et programmes spéciaux du Gouvernement (CAN 2022, Plan d’Urgence pour l’Accélération de la Croissance), la mise en œuvre des plans de reconstruction des régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord, la réalisation des préalables à la mise en place de la Couverture Santé Universelle et l’accélération de la décentralisation.Toutefois, l’atteinte des objectifs assignés par le Chef de l’Etat dans cet environnement, exige une plus grande rigueur dans la rationalisation des choix budgétaires. Nous devons pour cela faire mieux, avec souvent moins de ressources. Il nous faudra donc optimiser, rationnaliser pour être efficients. Dans cette perspective, le Gouvernement entend s’appuyer pleinement sur le dynamisme du secteur privé, l’implication de la société civile, la mobilisation de tous les acteurs de développement et l’appui des partenaires économiques, techniques et financiers, afin que les fruits de la croissance bénéficient à tous les camerounais comme le résultat d’un effort collectif, dans un élan de solidarité nationale. Pour y arriver, chacune, chacun et tous ensemble sommes appelés à l'action.

Alamine OUSMANE MEYMinistre de l’Economie, de la Planificationet de l’Aménagement du Territoire

La SND30 est davantage l’expression d’un appel renouvelé à la mobilisation des filles et fils de notre pays, de l’intérieur et de la diaspora, pour s’inscrire positivement en faveur de la dynamique de construction nationale, à laquelle le Président de la République, Son Excellence Paul BIYA convie tous ses compatriotes".

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Editorial

SOMMAIRE

DossierActualité

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40

Focus

Ligne ferroviaire Cameroun-Tchad 1,6 milliard pour l’étude de faisabilité

Programmation budgétaire Le Minepat présente la banque des projets d’investissement public

Reconstruction du Nord-Ouest et Sud-OuestL’appui qui vient du Japon

SND30, le Cameroun tient sa nouvelle boussole

Élaboration de la SND30Une démarche consultative, inclusive et participative

Décennie 2020-2030Cap sur une croissance économique moyenne de 8%

Emploi et lutte contre la pauvretéLa SND30 trace les sillons d’une embellie

SND30 :Tous à l’action !

Covid-19Le Cameroun face à un choc d’une ampli-tude inhabituelle

L’invité

10Dossier

Alamine OUSMANE MEY, Ministre de l’Economie, de la Planification et de

l’Aménagement du Territoire35

Agir ensemble…C’est maintenant !

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CONJONCTURE46

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Investissement

Terroir

Découverte

Le+ du Mag

AgropolesCoup de pouce pour l’agriculture de seconde génération

L’Art de transformer le bois en guitare

Viande d’escargotUn régal pour les palais

Alain NteffLe Serial-winner révolutionne la santé par les TIC

Indicateurs économiquesÉvolution en 2020 et perspectives pour 2021

Tel :222236507/222344483

[email protected]

Directeur de publication : Alamine OUSMANE MEY

Assisté de : Paul TASONG

Conseil éditorial : Jean TCHOFFO, Charles AZOLA AZOLA,

Jaël Christine MBAMBAND, Isaac TAMBA, Charles ASSAMBA

ONGODO

Directeur de la Rédaction : DPRPC

Rédacteur en Chef : Rosine NKONLA AZANMENE

Rédaction : Joceline ASSOUMOU, Wilson TANGONG TAH,

AÏSSATOU, Adonis ABONDO, Romuald AKOA ZOE, Priscille

BOSA’A, Aboudi OTTOU,

Brice MBODIAM, Josiane TCHAKOUNTE, Pascal DIBAMOU,

Ferdinand LEMOFOUET, Junior MATOCK,

Eric Vincent MFOMO

Relecture : Ernest NNANGA, AVA BEYEME, Nestor BlaiseFOHOPA Raymond

Traduction : Diane EDZOUGOU

Photographie : Christophe KABEYENE

Credit photos : Archives

Production : Division de la Promotion, des Relations Publiques et de la Communication (DPRPC)

Montage : MINEPAT

Distribution : Courrier MINEPAT

Impression: COLORIX

Agir ensemble…C’est maintenant !

SND30

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 20216

ACTUALITé

LIGNE FERROVIAIRE CAMEROUN-TCHAD

1,6 milliard de FCFA pour l’étude de faisabilité Le Ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, Alamine Ousmane Mey, et le Responsable-pays de la Banque Africaine de Développement (BAD) au Cameroun, Solomane Kone, ont co-signé l’accord de prêt y relatif le 20 février 2021 à Yaoundé.

3,2 milliards de FCFA. C’est le coût global de l’étude de faisabilité en vue du prolon-gement de la ligne ferro-

viaire entre le Cameroun et le Tchad. Celle-ci est financée à parts égales par le Fonds africain de développe-ment (l’un des guichets de la BAD), à travers un don de 1,6 milliard de FCFA à la République du Tchad, et un prêt concessionnel de 1,6 milliard de FCFA à la République du Came-roun. Après le Tchad, le Cameroun vient de bénéficier des ressources nécessaires à la conduite de cette étude de faisabilité. Les résultats permettront d’établir la viabilité so-cio-économique de la voie ferrée et de déterminer la meilleure solution (technique et économique), tout en prenant en compte les conditions institutionnelles, sociales et environ-nementales. Pour le Responsable-pays de la BAD au Cameroun, cette signature de l’accord de financement répond à la volonté d’assurer une bonne maturation du projet de prolon-gement de la ligne ferroviaire Ca-meroun-Tchad. Le Minepat a invité les administrations des deux pays en charge du suivi de ce projet, à combler au plus vite les attentes légitimes des populations par le respect du calendrier d’exécution de l’étude, dont les résultats sont attendus au bout de 22 mois. Alamine Ousmane Mey, en saluant

le rôle moteur de la BAD dans le financement des projets inté-grateurs en Afrique centrale, est revenu sur les enjeux du projet dont l’étude de faisabilité est an-noncée. Il explique que le projet de prolongement de la ligne fer-roviaire Cameroun-Tchad a pour objectif majeur le renforcement de l’intégration sous-régionale en Afrique centrale. Il vise à fa-ciliter et à booster les activités de transit entre les deux pays, à soulager le réseau routier et à éviter les ruptures de charges qui renchérissent malheureu-sement les coûts de transport et impactent négativement la compétitivité des marchandises en provenance de Douala et vendues à Ndjamena. Au plan environnemental, la réalisation

de cette voie ferrée contribue-ra à la croissance verte pour les deux États, en facilitant l’accrois-sement des échanges utilisant le chemin de fer, moyen de trans-port peu polluant comparé au transport routier. « C’est un projet ambitieux, qui s’inscrit en droite ligne de la mise en œuvre du Document de stra-tégie d’intégration régionale de la BAD pour l’Afrique centrale au cours de la période 2019-2025 », a déclaré Solomane Kone. Ce projet s’intègre également dans la mise en œuvre du programme régional de développement des infrastructures de transport de la Cemac.

Adonis Abondo

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ACTUALITÉ

PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

Le Minepat présente la banque des projets d’investissement public L’objectif est d’amener les administrations à s’approprier le contenu et les fonctionnalités de cet outil, ainsi que les procédures de maturation des projets.

Mise en place depuis 2018 à la faveur du décret N° 2018/4992/PM du 21 juin 2018

fixant les règles régissant le pro-cessus de maturation des pro-jets d’investissement public, la banque des projets est cet outil qui vient apporter des réponses aux difficultés liées à la matura-tion des projets. L’atelier de pré-sentation de cette banque le 09 février 2021, était donc l’occa-sion pour tous les responsables des administrations publiques de s’approprier cet outil, pour une utilisation plus efficiente dans la recherche des financements et dans les activités de préparation, d’exécution et de suivi des projets d’investissement public.

Dans son discours d’ouverture, le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, de la Pla-nification et de l’Aménagement du territoire chargé de la Planifi-cation, Paul Tasong, a relevé que « la responsabilité de tous est de s’assurer qu’on ne peut inscrire dans le budget de l’État que des projets à maturité avérée ». En effet, l’atteinte des objectifs de développement du Cameroun, déclinés dans la Stratégie Natio-nale de Développement 2020-2030, exige une plus grande ri-gueur dans la rationalisation des choix d’investissement public et la promotion des investissements privés. « Pour ce faire, il est néces-

saire selon Paul Tasong, de mettre en place une programmation plus intelligente, doublée d’une dose de réalisme, de dirigisme et de prag-matisme ».

Le Mindel Minepat a par ailleurs in-diqué que le renforcement de l’ef-ficacité des investissements publics passe entre autres par la sélection et la conduite d’un nombre réaliste des projets ; la maîtrise complète de leur cycle de vie ; la préparation de ces projets dans une démarche intégrant les dimensions économique, sociale et environnementale ; et l’améliora-tion du caractère participatif, à tra-vers une meilleure synergie entre les

différentes parties prenantes. C’est donc dans cette logique que le gouvernement a engagé une grande restructuration de la banque des projets avec comme action majeure, son implémentation dans le sys-tème « Probmis ». Objectif : rendre la banque disponible dans les sys-tèmes informatiques de toutes les administrations et assurer l’articu-lation entre la banque et la gestion budgétaire. Il est d’ailleurs envisagé de transformer la banque des projets en un système intégré de gestion des investissements publics.

Joceline Assoumou

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ACTUALITéS

RECONSTRUCTION DU NORD-OUEST ET DU SUD-OUEST

L’appui qui vient du Japon L’Empire nippon vient de mettre à la disposition du Cameroun environ 1,5 milliard de FCFA, en guise de contribution à la mise en œuvre du Plan présidentiel pour la reconstruction et le développement (PPRD) des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest.

L’accord de financement a été signé le jeudi 18 février 2021 dans les services du Premier ministre, entre le

ministre de l’Économie, de la Pla-nification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat), Alamine Ousmane Mey, l’Ambassadeur du Japon au Cameroun, Tsuto-mu Osawa, et le représentant-ré-sident du PNUD au Cameroun, Jean Luc Stalon. Cette enveloppe servira principalement à la réha-bilitation des infrastructures sa-nitaires et hydrauliques dans le département du Fako, dans la ré-gion du Sud-Ouest. Pour le Minepat, à travers ce financement, l’Empire du so-leil levant est ainsi le premier pays partenaire à apporter son soutien au Cameroun, dans le cadre de la mise en œuvre réus-sie du Plan présidentiel pour la reconstruction et le déve-loppement (PPRD) des régions anglophones. Selon Alamine Ousmane Mey, la reconstruc-tion des régions touchées par la crise séparatiste est une pré-occupation gouvernementale, qui figure en bonne place dans la liste des programmes et pro-jets prioritaires contenus dans la Stratégie nationale de dévelop-pement 2020-2030. Le Minepat n’a pas manqué d’exhorter le PNUD, partenaire d’exécution

du gouvernement, à capitaliser les ressources mises à disposi-tion, afin que, très rapidement et dans la mesure du possible, la population commence à res-sentir au quotidien les effets po-sitifs du Plan présidentiel pour la reconstruction et le dévelop-pement (PPRD).En rappel, un accord de finan-cement du gouvernement, des-tiné au démarrage de la mise en œuvre du PPRD, avait été signé le 5 mai 2020 entre le Minepat et le Représentant-résident du PNUD au Cameroun. Ledit fi-nancement, d’un montant de 8,9 milliards de FCFA, soit 10% du budget global, représen-

tait la contribution initiale du gouvernement camerounais à la mise en œuvre du plan. Le PPRD, dont le coût global s’élève à 89,682 milliards de FCFA, vise à réduire les effets de la crise sur les populations et l’économie des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Il est axé sur trois piliers, à savoir : la restauration de la cohésion so-ciale, la reconstruction et la ré-habilitation des infrastructures de base et la redynamisation de l’économie locale.

Rosine Nkonla Azanmene

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ACTUALITÉ

COOPÉRATION

Le Cameroun et le Royaume-Uni signent un Accord de Partenariat Economique Ce nouvel Accord commercial est une réelle opportunité pour le renforcement des relations économiques et diplomatiques entre les deux pays.

Sur Très Hautes Instructions du Chef de l’Etat, S.E Paul BIYA, le Haut-Com-missaire du Cameroun

au Royaume-Uni de Grande Bre-tagne et d’Irlande du Nord, S.E Al-bert NJOTEH FOTABONG, a pro-cédé le 09 mars 2021 à Londres, avec M. Ranil JAYAWARDENA, Sous-Secrétaire d’Etat Parlemen-taire au Ministère britannique du Commerce International, à la si-gnature d’un Accord de Partena-riat Economique Bilatéral entre le Cameroun et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord.Il s’inscrit dans la continuité des relations commerciales qu’en-tretenaient déjà le Cameroun et le Royaume-Uni dans le cadre de l’APE bilatéral Cameroun-Union Européenne. Cela permettra aux deux pays de poursuivre sereinement les échanges com-merciaux après la sortie du Royaume Uni de l’Union Euro-péenne, le 31 décembre 2020. Avec cet accord, le Cameroun continuera de bénéficier d’un

accès préférentiel sans droit de douane et sans contingentement pour la totalité de ses produits sur le marché britannique. Il permet en outre, sur le plan diplomatique, de sauvegarder les liens historiques entre le Cameroun et la Grande Bretagne.Il convient de souligner que l’APE Bilatéral Cameroun-Royaume Uni marque la phase ultime d’un pro-cessus de négociations entamées en octobre 2018, après d’une part, la saisine en date du 12 février 2018 du Gouvernement camerounais

par le Royaume Uni, en vue d’en-gager des négociations pour la conclusion d’un APE bilatéral entre le Cameroun et le Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, et d’autre part, la conduite au Cameroun d’une étude sur l’im-pact de cet accord sur l’économie camerounaise, qui a recommandé la négociation d’un accord de qua-si continuité entre les deux pays./-

Rosine Nkonla Azanmene

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202110

DOSSIER SND 30

Agir ensemble…C’est maintenant !

SND30

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SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

Après une première phase (2010-2019) dont le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) a été le cadre de référence de mise en œuvre

de la Vision adoptée en 2009, le Cameroun fran-chit une nouvelle étape depuis le début de l’année 2020, avec la mise en œuvre de la Stratégie Na-tionale de Développement (SND30). Ce nouveau document de planification, constitue la boussole pour la décade 2020-2030. De l’évaluation globale du DSCE il en ressort que l’économie camerou-naise a généré une dynamique positive de crois-sance, dans un environnement interne et externe pourtant défavorable. Toutefois, la situation du sous-emploi s’est dégradée et le taux de pauvreté monétaire n’a que très faiblement reculé.Elaboré par le Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT), la SND30 est le fruit d’une combi-naison d’exercices techniques ayant fait recours aux experts sectoriels des administrations, aux consultants nationaux externes et à l’ensemble de la nation et des acteurs de développement, à travers des consultations participatives. Elle vise à favoriser une transformation structurelle de l’économie nationale et à promouvoir un développement plus inclusif. En particulier, elle entend dynamiser le secteur productif industriel et manufacturier en promouvant la consomma-tion locale et la production locale dans des fi-lières stratégiques.

Pour y parvenir, après avoir tiré tous les ensei-gnements de la mise en œuvre du DSCE, le

Gouvernement camerounais entend cette fois-ci s’appuyer sur quatre (04) principaux piliers : la transformation structurelle de l’économie dont le cap est de faire du Cameroun un nou-veau pays industrialisé (NPI) ; le développement du capital humain et du bien-être, aux fins de disposer d’une main-d’œuvre suffisante et de bonne qualité ; la promotion de l’emploi et l’in-sertion économique ; puis l’amélioration de la gouvernance, l’accélération de la décentralisa-tion et la gestion stratégique de l’État.Comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre ce vaste programme ? Quels sont les résultats concrets attendus et les indicateurs économiques et de développement associés pour mieux mesurer la performance ? Quelles sont les synergies d’actions à mettre en œuvre ? Quels sont les préalables à mettre en place en vue de l’atteinte des objectifs fixés et surtout, comment sera financée la SND30 et quelles sont les menaces qui pèseraient sur cet ambi-tieux programme gouvernemental ? Telles sont quelques-unes des questions aux-quelles cette livraison de votre magazine es-quisse des réponses, afin de faciliter la com-préhension de la SND30, boussole qui guidera l’action du gouvernement camerounais et de ses partenaires au cours de la décennie cou-rante.

Brice R. Mbodiam

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202112

ÉLABORATION DE LA SND30

Une démarche consultative, inclusive et participativeLe document mis en œuvre depuis 2020 est le fruit de la participation de toutes les composantes de la société.

Tirant les leçons du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), qui a constitué la première phase (2010-2019)

de mise en œuvre de la Vision de déve-loppement à long terme du Cameroun, les autorités ont placé la participation de toutes les forces vives de la Nation au cœur de la formulation de la Stratégie Nationale de Développement (SND30), nouveau cadre de référence et d’actions du gouvernement et ses partenaires au développement (2020-2030), en vue de la marche du pays vers l’émergence. Il est question de conforter la volonté politique de faire de l’émergence une « cause nationale » et garantir le succès de cette stratégie.

Ainsi au cours de l’année 2019, le Gou-vernement a organisé des consultations avec différentes composantes de la so-ciété camerounaise (administrations, membres du parlement, élus locaux, Secteur Privé, Société Civile, Partenaires Techniques et Financiers, CTD, univer-sitaires/chercheurs, populations à la base, etc.). Ces rencontres ont permis de discuter avec les participants sur le bilan de la mise en œuvre du DSCE et de recueillir leurs contributions pour ac-compagner le pays dans sa marche vers l’émergence. Des séances consultatives spécifiques ont également eu lieu au-tour de certaines thématiques particu-lières notamment la cohésion sociale, le bilinguisme, le multiculturalisme et les droits de l’homme.

DOSSIER SND 30

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«Le processus ayant conduit à l’élaboration de cette Stratégie Na-tionale de Développement a été un processus participatif. Je vou-drais confesser que les milieux universitaires ont été assez large-ment consultés, et que le résultat auquel on est parvenu aujourd’hui est un résultat dans lequel l’université a sa part de responsabilité », a indiqué le professeur Roger Tsafack Nanfosso, Recteur de l’Uni-versité de Dschang, à l’Ouest du pays.C’est au milieu universitaire qu’on doit notamment l’inscription: «transformation structurelle de l’économie comme pilier de la SND30». Dans un ouvrage paru en 2017, sous la direction du pro-fesseur Henri Ngoa Tabi, le socle théorique du DSCE (Big Push) est fortement critiqué par les chercheurs de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Yaoundé II. Il est re-proché au document d’embrasser le développement de trop de secteurs en même temps. Ce qui implique des investissements colossaux dans un contexte de rareté des financements. Ces cher-cheurs proposent donc à la place du Big Push, le développement structurel intégré par les pouvoirs publics dans la SND30 ?

La contribution du monde universitaire

Satisfaction du secteur privé

Participation de la société civile

« Nous saluons la mise en place de cette Stra-tégie Nationale de Développement », a indi-qué pour sa part l’industriel Célestin TAWAM-BA, président du Groupement Inter-Patronal du Cameroun (GICAM), la plus importante organisation patronale du pays, au cours de la même cérémonie de présentation de la SND30. Le GICAM a en effet de quoi se ré-jouir : son plaidoyer mené depuis plusieurs années pour la promotion des « champions nationaux » a trouvé un écho favorable dans ce document. Selon la SND30, l’un des rôles de l’État stratège au cours des dix prochaines années sera « en partenariat avec le secteur

Roger Tsafack Nanfosso, Recteur de l’Université de Dschang

Célestin TAWAMBA, président du GICAM

BABISSAKANA, ingénieur financier

« Moi je m’exprime ici comme un connaisseur du docu-ment. Parce que j’ai participé à son élaboration à quelques étapes… Pour moi, le document est assez robuste », a également avoué l’ingénieur financier BABISSAKANA, CEO du cabinet Prescriptor, dont la liberté d’esprit fait l’unanimité. « Nous nous réjouissons du processus parti-cipatif qui a été mis en place, avec les différentes compo-santes de la société camerounaise pour l’élaboration du présent document (…)

privé, de renforcer la structuration des filières de production autour des “champions natio-naux” ». Le secteur privé, et plus globalement les mi-lieux économiques, peuvent aussi se réjouir de l’engagement pris par le gouvernement de « porter à au moins 60% la part de la com-mande publique en biens et services, adres-sée aux industries locales, y compris pour les forces de défense et de sécurité ». L’intégra-tion de cette doléance des opérateurs éco-nomiques et autres intellectuels est, en effet, une autre preuve de l’ouverture des pouvoirs publics dans la formulation de la SND30.

Le document présenté au public le 16 novembre 2020, est le fruit d’une combinaison d’exercices techniques et d’idées venues de tous les horizons. Lors de cette présenta-tion, plusieurs acteurs ont d’ailleurs avoué se reconnaitre en ce document.

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Tirant certainement tous les enseignements de la mise en œuvre du Document de Stratégie pour la Croissance

et l’Emploi (DSCE), le gouvernement camerounais se veut plus prudent (pas de croissance à deux chiffres) en matière d’évolution des principaux agrégats macroéconomiques dans la Stratégie Nationale de Développe-ment 2020 -2030 (SND30). En effet, ce nouveau cadre de référence visant à faire du Cameroun un pays émer-gent à l’horizon 2035 anticipe un taux de croissance économique moyen de 8% en 2030. Ainsi, selon les projec-tions de la stratégie, cet agrégat de-vrait évoluer progressivement sur les périodes 2020-2022 (4,7% de taux de croissance), 2023-2025 (7,7%) et 2026-2030 (9,3% en moyenne annuelle).Au demeurant, dans cette hypo-thèse dite « scénario volontariste » ou de « Vision », il est pris en compte « les efforts supplémentaires que le gouvernement devrait mettre en œuvre non seulement pour lever les contraintes structurelles actuelles, mais également pour assurer un meilleur suivi-évaluation en vue d’at-teindre les objectifs de la Vision ». Cette vision projette également une réduction substantielle du déficit de la balance commerciale du Came-roun, qui passerait de 8,8% du PIB en 2018, à moins de 3% du PIB en 2030, grâce à la mise en place d’un tissu in-

dustriel robuste, capabled’une part de conquérir les mar-chés sur le continent, voire au-de-là, et d’autre part d’accompagner les mécanismes de substitution à l’importation.

Au plan sectoriel, et contrairement au scénario de référence qui met en exergue le foisonnement des

activités dans le primaire et le secondaire, la croissance écono-mique dans le « scénario volonta-riste » de la SND30 sera impulsée par le secteur tertiaire, dont le taux de croissance moyen annuel est projeté à 8,3% (+2,3 points par rapport au scénario de référence) entre 2021 et 2030. « Cette per-formance sera principalement le

DÉCENNIE 2020-2030

Cap sur une croissance économique moyenne de 8% Cette projection repose sur une dynamisation tous azimuts des activités dans les secteurs clés de l’économie et une réduction drastique du déficit de la balance commerciale.

DOSSIER SND 30

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fait des évolutions dans les branches du com-merce, de la banque et des organismes finan-ciers, de l’hôtellerie et de la restauration, des transports, des entrepôts et des communica-tions », précise la stratégie.Par ailleurs, sur la même période, un taux de croissance moyen annuel de 7,9% (+2,2 points au-dessus du scénario de référence) sera en-registré dans le primaire, contre 7,5% (+2,4 points par rapport au scénario de base) dans le secondaire. Dans ce secteur, apprend-on officiellement, la performance reposera sur le dynamisme dans l’industrie manufacturière (+6,4%, contre +4,7% dans le scénario de base) et le BTP (croissance moyenne de 11,8% contre 7,9% dans le scénario de base). Cependant, prévient le gouvernement, toutes ces performances projetées peuvent être plombées par la persistance de la crise sé-curitaire dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; les retards dans l’exécution des projets agricoles, éner-gétiques et infrastructurels ; les conséquences d’un dérèglement climatique prononcé ; ou encore la survenue ou la persistance d’une pandémie planétaire comme le coronavirus.

Brice R. Mbodiam

Secteurs sociauxAméliorer l’accès à une éducation de qualité et promouvoir la santé Au cours des 10 prochaines années, grâce au nouveau cadre de référence de ses actions de développement, l’État du Cameroun se propose d’amé-liorer substantiellement les conditions de vie de ses populations, ainsi que l’accès aux services sociaux de base. De ce point de vue, dans le sec-teur éducatif, les actions à mettre en œuvre contribueront, apprend-on, à faire passer le taux net de scolarisation combiné (proportion de la tranche d’âge 6-24 ans scolarisée), qui stagne à 54% pratiquement depuis 2015, à 72% (soit un bond de 18%) sous le scénario de référence évoqué plus haut. Cet indicateur, selon la SND30, pourrait même atteindre 81,2% au cours de la période sous revue, selon l’hypothèse la plus optimiste de la straté-gie. Afin d’atteindre cet objectif, le gouvernement ambitionne d’augmen-ter successivement la part du budget alloué à l’éducation. De 14,7% de l’enveloppe globale en 2020, elle sera portée à 20,8% en 2030, en hausse de plus de 6% sur 10 ans.Dans le même temps, côté santé, l’espérance de vie à la naissance, of-ficiellement estimée à 58 ans en 2018, devrait sensiblement progresser. « Sur la base d’une bonne couverture santé universelle, et de façon glo-bale du renforcement du système de santé, l’espérance de vie à la nais-sance connaîtrait une évolution considérable pour se situer à l’horizon de la stratégie à 62,1 ans dans le scénario de référence, et 65,2 ans dans le scénario Vision ».De même, la SND30 projette « la mise en place d’un dispositif de soutien des prix d’accès aux nutriments et aliments des nourrissons, et d’un plan national de lutte contre la malnutrition des femmes enceintes et des en-fants de moins de 5 ans ». Ainsi, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans (79 décès pour 1000 naissances vivantes en 2018) devrait passer à 54,2 pour 1000 en 2030 dans le scénario de référence, contre 36,2 pour 1000 dans le scénario Vision. Pour atteindre ces objectifs dans le secteur de la santé, l’allocation budgétaire annuelle du Ministère de la Santé Pu-blique est annoncée à 6,4% du global en 2030, contre 4,4% en 2020.

BRM

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Avec un taux de pauvreté estimé à 37,5% en 2014, les efforts déployés par le gouvernement camerou-

nais depuis plusieurs années pour diminuer la proportion de la popu-lation qui vit encore sous le seuil de la pauvreté, n’ont pas produit les ré-sultats escomptés. Afin d’infléchir da-vantage la courbe de cet indicateur, la Stratégie Nationale de Développe-ment 2020-2030 (SND30), récemment révélée par le gouvernement, ambi-tionne de ramener le taux de pauvre-té dans le pays à « moins de 25% en 2030 », soit une réduction de plus de 12 points, apprend-on officiellement.Sur la période 2021-2030, à travers de nombreuses réformes et autres investissements, il est également question de « porter l’Indice du capital humain de 0,39 en 2018 à 0,55 et l’Indice de développement humain de 0,52 en 2016 à 0,70 en 2030 », souligne Pierre NGUETSE. Le Chef de la Cellule d’élabora-tion de la Stratégie Nationale de Développement au Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT), s’exprimait ainsi le 19 janvier 2021 à Yaoundé, à l’occa-sion d’un atelier d’appropriation de la SND30 organisé par le MINEPAT. Parmi les leviers qu’entend action-ner le gouvernement pour réduire la pauvreté dans le pays et amélio-

rer les indicateurs sur le dévelop-pement humain, il y a l’emploi, corollaire du développement annoncé du tissu industriel du pays. « Au cours de la période de la mise en œuvre de la Stra-tégie Nationale de Développe-ment-Cameroun 2030, il est esti-mé que le profil de croissance du scénario de référence donnerait lieu à une création nette d’envi-ron 363 889 emplois en moyenne annuelle (allant de 258 349 en

2021 à 477 122 en 2030) contre 536 661 pour le scénario vision (allant de 270 365 en 2021 à 824 701 en 2030) », peut-on lire dans la stratégie.Calculette en main, au cours de la décennie courante, le Ca-meroun table sur la création de 5,3 millions d’emplois au total, avec une préférence pour la main-d’œuvre locale. Cette stra-tégie est elle-même assise, ap-prend-on, sur « la mise en place

EMPLOI ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

La SND30 trace les sillons d’une embellieLa Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, prévoit une amélioration considérable des indicateurs y relatifs, au cours de la décennie courante.

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 17

d’un programme certifiant la forma-tion de masse et le renforcement des capacités des travailleurs du secteur informel (environ 90% des travailleurs du pays, NDLR) » baptisé « Train My Generation ». Mais, par-dessus tout, la question de l’emploi, selon la SND30, sera abordée non pas sous le prisme de la multiplication des em-plois, mais davantage sous celui de la création des emplois décents, de manière à « ramener le sous-emploi de 77% en 2014 (il était de seulement

70,6% en 2010, NDLR), à moins de 50% en 2030 ».Concrètement, « le scénario de référence qui prévoit une crois-sance comprise entre 5% et 6,2% permettrait d’atteindre un recul des emplois informels de 11,8 %, tandis que celui de la Vision pour lequel la croissance est comprise entre 6,6 et 9,3% se traduirait par une réduction de 17,2%. Ce recul des emplois

porté par le secteur informel se traduit par des effets au niveau du taux de sous-emploi, qui perd 22 points pour atteindre 55,2 % en 2030 dans le scénario de référence, et 25 points dans le scénario Vision, pour lequel il se situe à 50,1% ».

Adonis Abondo

« Parmi les leviers qu’en-tend actionner le gouver-nement pour réduire la pauvreté, il y a l’emploi, corollaire du développe-ment annoncé du tissu industriel »

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202118

« La modernisation de la gestion des finances publiques constitue l’un des

défis majeurs de la SND30, pour as-surer une utilisation transparente et responsable des ressources pu-

DOSSIER SND 30

GESTION PUBLIQUE

Une gouvernance financière et économique à consoliderEfficacité de la dépense publique, mobilisation des recettes internes, attractivité de l’environnement des affaires, gestion efficiente de l’endettement… sont autant de défis à relever pour atteindre les objectifs de la SND30.

bliques ». Selon ce propre aveu du gouvernement camerounais, la quête d’une gestion plus efficiente et efficace des finances publiques est au cœur des enjeux de gou-vernance, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle straté-

gie nationale de développement. Concrètement, il s’agira, au cours de la décennie en cours, de para-chever l’ensemble des réformes induites par l’entrée en vigueur, en 2007, du nouveau régime financier de l’État, dont l’une des retom-

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bées les plus stratégiques est l’adop-tion du budget-programme.Afin de conduire ces réformes à terme, le gouvernement s’est doté d’un Plan global des réformes de la gestion des fi-nances publiques (PGRGFP), qui couvre la période 2019-2021. Son objectif glo-bal, apprend-on, est de « doter le Ca-meroun d’un système de gestion des finances publiques (GFP) transparent, performant, conforme aux standards internationaux, respectueux des préro-gatives et attributions légales et régle-mentaires des institutions et administra-tions, ainsi que celles des autres acteurs de la GFP, et mettant résolument les finances publiques au service du déve-loppement du pays et du bien-être des citoyens ».Pour asseoir ce développement et le bien-être collectif, les pouvoirs publics entendent solliciter les bras de tous ses fils et filles, notamment ceux de la diaspora. « Un cadre incitatif sera mis en place pour encourager les citoyens camerounais établis à l’étranger à in-vestir dans les domaines porteurs. La diaspora devra également contribuer à l’amélioration de l’image de marque du Cameroun, tout comme les canaux diplomatiques classiques, qui devront veiller à renforcer l’attractivité du pays et à valoriser le “made in Cameroon”, pour attirer le maximum d’investisse-ments directs étrangers », prescrit la stratégie.Parmi les autres leviers à actionner pour une meilleure gouvernance, la SND30 énumère l’amélioration de la gestion de la dette publique, qui a rapidement grossi ces dernières années, franchis-sant même la barre des 40% du PIB en 2020 ; l’optimisation des recettes fiscales

et l’amélioration de la qualité de la dépense publique, à travers le renforcement du civisme fiscal ; ou encore la rationalisation de la gestion des établissements et entreprises publics, selon une analyse du Fonds Monétaire In-ternationale (FMI). Pour inverser cette tendance, la SND30 sug-gère l’introduction d’un « dispo-sitif d’évaluation triennale des dirigeants des établissements et des entreprises publiques ».Grief repris comme une antienne à chaque rencontre entre le Gou-vernement et les milieux d'af-faires, l’amélioration du climat

des affaires au Cameroun n’est pas épargnée par la SND30. L’objectif ici étant d’apparaître désormais comme une destina-tion attractive pour des poten-tiels investisseurs. De ce point de vue, les autorités publiques se proposent, sur les 10 prochaines années, de mettre un accent par-ticulier sur les facilitations « ayant un impact positif direct sur l’in-vestissement et l’entrepreneu-riat ».

Aïssatou

« Pour asseoir ce développement et le bien-être collectif, les pouvoirs publics entendent solliciter les bras de tous ses fils et filles, notam-ment ceux de la diaspora ».

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202120

Les efforts dans le secteur des infrastructures induit par la mise en œuvre du DSCE a permis de porter la part de

l’industrie manufacturière dans le PIB du Cameroun, de 8% en 2010 à 12,9% en 2016. Cet indicateur dépasse de 0,4 point les prévisions contenues dans la Vision 2035, souligne-t-on au ministère de l’Économie, de la Pla-nification et de l’Aménagement du territoire. Mais, en dépit de ces pro-

DOSSIER SND 30

TISSU ÉCONOMIQUE

La transformation structurelle en ligne de mireGrâce à des mutations profondes envisagées dans l’industrie manufacturière, les infrastructures, la production agricole et les services, la SND30 veut faire du Cameroun à la fois le grenier et l’usine de l’Afrique centrale

grès, souligne la SND30, les expor-tations du pays continuent d’être constituées à 66% de matières premières. Mieux, une analyse de la structure des importations du Cameroun met en évidence une hausse des biens de consomma-tion finale, dont la part dans les importations est passée de 32% sur la période 2000-2009, à 34% sur la période 2010-2017. Cette réalité obère considérablement la balance commerciale du pays et en fait une nation à l’économie ou-trancièrement extravertie.Afin d’inverser cette tendance, la SND30 ambitionne de transfor-mer structurellement l’économie camerounaise au cours des 10 pro-chaines années. Cette transforma-tion, apprend-on, « passe par une densification de l’industrie manu-facturière ainsi que des secteurs

des services à haute productivité, et un rattrapage technologique se traduisant par une hausse de la productivité dans l’agriculture et sa modernisation ». Concrètement, il s’agira d’investir massivement pour profiter de toutes les oppor-tunités qu’offrent les secteurs clés tels que l’énergie ; les services fi-nanciers ; l’agro-industrie ; le nu-mérique ; les filières forêt-bois, textile-confection-cuir, mines-mé-tallurgie-sidérurgie, hydrocar-bures-pétrochimie-raff inage, chimie-pharmacie ; constructions ; services, etc.Dans le cadre de la transformation structurelle de l’économie came-rounaise, il est également ques-tion de porter de 1 650 à 5 000 MW en 2030, les capacités d’énergie électrique installées dans le pays ; accueillir 3,5 millions de touristes

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 21

en moyenne par an (contre à peine un million de nos jours) ; faire passer le taux de bancarisation de 12,2% (contre une moyenne africaine de 29%) actuellement à 80% en 2030, tout en boostant le taux de financement bancaire de l’économie de 15,9% du PIB en 2018 à un minimum de 70% du PIB en 2030. Il s’agit, par ail-leurs, de réduire substantiellement les importations par la mise en œuvre d’une politique d’import-substitution, dont le corollaire est la promotion du « made in Cameroon » ; construire 3 500 km de routes et réhabiliter 2 000 km existants ; ou encore d’exploiter le potentiel pé-tro-gazier de la presqu’île de Bakassi,

dans la région du Sud-Ouest...Toutes ces actions et bien d’autres prévues par la SND30 permet-tront, au final, de « porter la part du secteur secondaire dans le PIB du pays de 28,2% en 2018 à 36,8% à l’horizon 2030 ; porter la valeur ajoutée manufacturière (VAM) de 12,9% en 2016 à 25% en 2030 ; et de porter la part des exporta-tions des produits manufacturiers de 26,25% en 2015 à 54,5% en 2030 », souligne la stratégie. Une telle performance, apprend-on, fera du Cameroun « le commuta-teur (fournisseur d’énergie élec-

trique), le nourricier (fournisseurs des produits agro-industriels) et l’équipementier (fournisseur de biens d’équipement notamment les meubles) de la CEEAC (Com-munauté Economique des États de l’Afrique Centrale) et du Nigé-ria », dans un contexte d’opéra-tionnalisation effective de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF).

Brice R. Mbodiam

« Il s’agira d’inves-tir massivement pour profiter de toutes les opportu-nités qu’offrent les secteurs clés tels que l’énergie ; les services financiers ; l’agro-industrie ; le numérique… »

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202122

« La transformation structurelle de l’économie na-tionale requiert

la disponibilité d’un capital humain compétent et compétitif. Celui-ci représente un facteur indispensable pour le développement d’un secteur industriel dynamique et repose sur l’existence d’une importante main-d’œuvre bien formée et occupée de manière optimale ». Sur la base de ce postulat édicté dans la SND30, la nou-velle stratégie de développement du Cameroun suggère la mise en œuvre de politiques de santé, de formation, de protection sociale (ambition de porter le taux de couverture sociale de 22% actuellement à plus de 50% d’ici 2030, NDLR) et d’éducation, qui « permettront le développement d’un capital humain sain et productif ». Pour ce faire, au cours de la décennie courante, le gouvernement camerou-nais se propose de « promouvoir un système éducatif à l’issue duquel tout jeune diplômé est sociologiquement intégré, bilingue, compétent dans un domaine capital pour le dévelop-pement du pays et conscient de ce qu’il doit faire pour y contribuer », souligne Pierre NGUETSE, Chef de la Cellule d’élaboration de la Straté-gie Nationale de Développement au MINEPAT. Pour atteindre cet objectif, le gouver-nement s’emploiera, selon la SND30,

DOSSIER SND 30

CAPITAL HUMAIN

Un pilier à… capitaliserÉducation, formation professionnelle et actions induisant un bien-être sanitaire et socio-économique sont envisagées, à l’effet de faire de la population camerounaise à la fois un facteur et un bénéficiaire du développement.

à garantir l’accès à l’éducation primaire à tous les enfants en âge de scolarisation ; atteindre un taux d’achèvement de 100% au niveau primaire ; réduire les disparités régionales en termes d’infrastruc-tures scolaires et de personnel enseignant ; accroître l’offre de formation professionnelle et tech-nique de 10 à 25% au secondaire et de 18 à 35% au supérieur.

Sur ce dernier volet, il est égale-ment question, au plan opération-nel, d’aller bien au-delà des 1 648 centres et instituts publics et pri-vés de formation professionnelle offrant actuellement près de 240 spécialités de formation à plus de 45 000 apprenants chaque an-née. Par ailleurs, apprend-on, le gouvernement « entend introduire dans les contenus et programmes

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 23

de formation, des enseignements re-latifs aux valeurs sociales et écono-miques nécessaires au renforcement de l’esprit patriotique et l’esprit d’en-treprise chez les apprenants ».Sur un tout autre plan, en plus de l’amélioration de l’accès à l’habitat, à l’eau (61% de la population en 2014) et à l’électricité (62,1% en 2016 sur une projection initiale de 70%), le nouveau cadre de référence pour le dévelop-pement du Cameroun anticipe sur des évolutions notables dans le secteur de la santé. En clair, au cours des 10 pro-chaines années, grâce à l’amélioration de l’offre sanitaire, le pays nourrit l’am-bition de faire passer le taux de morta-lité maternelle en dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes ; ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus, et la mor-talité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus (contre 48 pour 1000 en 2018). La SDN30 anticipe également une réduction d’au moins 30% de la pré-valence et la mortalité des maladies transmissibles et non transmissibles ; une réduction de 2/3 de la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans ; la viabilisation de 80% des formations sanitaires intermédiaires et périphé-riques, etc.

Rosine Nkonla Azanmene

« Le gouvernement camerounais se propose de « pro-mouvoir un système éducatif à l’issue duquel tout jeune diplômé est sociolo-giquement intégré, bilingue, compétent dans un domaine capital pour le développement du pays…»

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202124

Au Cameroun, les données officielles révèlent que la part des emplois créés par le secteur privé formel a baissé

sur la période 2005-2010, passant de 4,8% à seulement 3,8%. En plus de cette réalité dans un secteur pourtant appelé à être le moteur de la croissance économique, le marché du travail au Cameroun se caractérise par une forte prédominance du secteur informel, véritable terreau du sous-emploi dans le pays (77% en 2014). Selon le rapport Ecam-4, le taux de l’emploi informel au sein de la population active culminait à 88,6% en 2014, en baisse de seulement 1,9 point sur une période de 4 ans. Afin de promouvoir l’emploi décent et l’insertion économique dans le pays, le gouvernement a fait de cette question l’un des quatre piliers de sa stratégie de développement 20-30, avec pour objectif principal de créer plus de 5 mil-lions d’emplois de qualité au cours de la décennie courante.Afin de réaliser cet objectif, le gouver-nement entend d’abord actionner le levier de la commande publique, en ca-pitalisant sur les opportunités qu’offre l’approche « Haute intensité de main d’œuvre » (Himo) dans la réalisation des projets d’investissements publics, y compris ceux à financements exté-rieurs. Cette approche, qui consiste en l’utilisation de la matière première et de la main-d’œuvre locales, permet égale-ment de laisser 70 à 80% du budget du projet dans la localité qui l’accueille, soutient Médard Kouatchou, respon-sable de l’unité Himo au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire.

PROMOTION DE L’EMPLOI

La thérapie par la commande publique et la réduction de l’informelApproche HIMO dans les projets, migration des activités de l’informel vers le formel, ac-croissement de la productivité en milieu rural et des emplois dans le privé sont autant de leviers à actionner pour asseoir l’insertion socio-économique des populations.

Ensuite, dans son ambition de boos-ter la création des emplois sur la pé-riode 2020-2030, le gouvernement s’engage à faire migrer le maximum d’entreprises du secteur informel vers le formel, au travers de cer-taines mesures incitatives. Il s’agit notamment, énumère la SND30, de « l’accompagnement spécifique des très petites entreprises (TPE) en termes de fiscalité et d’accès au micro-crédit, afin de renforcer l’at-trait de ce statut ; l’incitation des TPE à se transformer en PME/PMI ; la consolidation des dispositions d’accès réservé des PME/PMI à cer-tains marchés publics ; la réforme du dispositif de sous-traitance ; et l’implantation accélérée des incu-bateurs d’entreprises dans les éta-blissements d’enseignement » tech-nique et professionnel. Sur ce même registre, il est prévu la préservation des emplois dans les grandes entre-prises et l’encouragement à créer de nombreux autres, notamment par le biais du « respect du principe géné-ral de la “camerounisation de l’en-

cadrement” », l’exploitation et la va-lorisation optimale des « gisements d’emplois qu’offrent les économies verte et bleue ».Enfin, selon la SND30, le gouverne-ment entend combattre le chômage et la tendance au sous-emploi dans le pays par la création des Sociétés coopératives de développement (SCD) dans toutes les communes camerounaises. Cet instrument vise à concrétiser le potentiel des petits paysans et autres exploitants agri-coles familiaux, qui, apprend-on, constituent plus des trois quarts des producteurs agricoles au Came-roun. Concrètement, à travers des actions telles que la facilitation de l’accès aux intrants, la vulgarisation des techniques plus productives, l’organisation de la commercialisa-tion groupée des produits, le déve-loppement de l’assurance agricole, les SCD ambitionnent, d’ici à 2030, d’augmenter la productivité agri-cole, l’emploi et les revenus des ha-bitants en milieu rural.

BRM

« Le gouvernement a fait de l’Emploi l’un des quatre pi-liers de sa stratégie de développement 20-30, avec pour objectif principal de créer plus de 5 mil-lions d’emplois de qualité au cours de la décennie courante ».

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 25

Plusieurs années après l’enclen-chement du processus de dé-centralisation au Cameroun, le constat fait par les concepteurs

de la SND30 est cinglant : « malgré le transfert des 63 compétences prévues par les lois de 2004 sur la décentralisa-tion et des ressources financières y af-férentes aux communes, la persistance de la pauvreté, en particulier en milieu rural, impose de rendre pleinement ef-fectif le transfert des compétences de première génération aux communes, de transférer aux régions les compé-tences prévues par la loi et, en confor-mité avec les résolutions du Grand dialogue national, de parachever et approfondir le processus de décentrali-sation, de renforcer le développement local pour faire des CTD (collectivités territoriales décentralisées) des pôles de croissance et de développement ».Pour réaliser cet objectif, et en droite ligne de sa nouvelle stratégie nationale de développement, le Cameroun s’est doté, en 2019, d’une loi portant Code général des Collectivités Territoriales Décentralisées. Cette loi, qui fait dé-sormais office de bible de la décentra-lisation dans le pays, en fixe le cadre général et renforce les principes relatifs à la libre administration et l’autonomie fonctionnelle des CTD ; impose le prin-cipe de l’exclusivité de l’exercice des

DÉCENTRALISATION ET GOUVERNANCE

Le coup d’accélérateur attendu de la SND30Dans son 4e pilier, la nouvelle stratégie de développement prône l’autonomisation de la gestion des collectivités ter-ritoriales et l’efficience dans la conduite des politiques pu-bliques

compétences transférées aux CTD ; prévoit l’affectation des ressources financières afférentes aux compétences transférées (pas moins de 15% des recettes de l’État) directement aux collec-tivités.Mais au-delà de ces considéra-tions d’ordre général, le gouver-nement a attribué un statut spé-cial aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et s’est enga-gé à renforcer l’autonomisation des autres régions (les premiers conseils régionaux sont connus depuis peu, NDLR) et communes. Dans le même temps, à travers une réforme du Fonds Spécial d’Equipement et d’Intervention Intercommunal (FEICOM), la banque des communes camerou-naises, il est question d’optimiser le recouvrement et la redistribu-

tion des impôts locaux et régio-naux, dans l’optique de doper les capacités financières des CTD.S’agissant de la gouvernance économique et financière , la bonne implémentation de la SND30 passe par la poursuite de la modernisation de la ges-tion des finances et de la dette publiques, la rationalisation de la gestion des établissements et entreprises publiques jugés bud-gétivores et peu compétitifs, la poursuite de l’amélioration du climat des affaires réputé à la fois difficile et risqué, l’implication de la diaspora dans les actions de développement du pays, ain-si que la régulation et la surveil-lance de l’espace économique national.

Romuald Akoa Zoé

« Le gouvernement a attribué un statut spécial aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et s’est engagé à renforcer l’autonomisation des autres régions… »

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202126

« Le rôle du secteur privé dans la SND30 est celui de prin-cipal moteur du

développement économique. Pour l’amener à jouer ce rôle, le gouver-nement a fixé des orientations aussi bien au niveau de la transformation structurelle de l’économie que de la gouvernance économique et finan-cière, et la transformation du système financier ». Cette assertion de Paulin MENDO, Chef de la Cellule des Ana-lyses Conjoncturelles au Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINE-PAT), trahit tout l’espoir que le gou-vernement camerounais place dans le secteur privé, pour assurer une mise en œuvre réussie de la SND30, au cours de la décennie en cours.C’est que le succès de l’implémenta-tion de la SND30 est étroitement lié à l’implication du secteur privé. « La stratégie est bâtie en mettant le sec-teur privé au centre du processus. Par exemple, sur le volet de la transfor-

ACTEURS

La nécessaire synergie entre les secteurs public et privéLa SND30 édicte un certain nombre de réformes à implémenter par l’État, pour permettre aux créateurs de richesses de jouer pleinement leur rôle de moteur du développement économique.

mation structurelle de l’économie, neuf secteurs moteurs ont été sé-lectionnés, en cohérence avec le Plan directeur d’industrialisation (PDI). Ce sont les entreprises qui portent ces différents secteurs », corrobore l’ingénieur financier BA-BISSAKANA.Tenez par exemple ! L’atteinte des objectifs de croissance éco-nomique projetés par la nouvelle stratégie implique un accroisse-ment des investissements dans le secteur productif, dont le secteur privé est le principal acteur. Dans le détail, apprend-on officielle-ment, cette croissance des inves-tissements devrait se situer autour de 11,4% en moyenne annuelle entre 2021 et 2030 dans le scénario vision, contre 7,6% dans le scéna-rio de base. « Cette évolution sera principalement portée par l’inves-tissement privé, dont la croissance sur la période est estimée à près de 12%. En pourcentage du PIB, l’investissement global devrait se

situer autour de 25,2% en 2025 et continuer graduellement sa pro-gression pour s’établir en 2030 à près de 29%, soit une hausse de près de 4 points par rapport au ni-veau postulé dans le scénario de référence », souligne la SND30.

Développement des entreprises

Pour permettre une telle pro-gression des investissements des opérateurs privés (+12% sur une période de 10 ans), après les in-vestissements colossaux réalisés par l’Etat dans le secteur des in-frastructures ces dernières années (barrages, ponts, port, projet d’ad-duction d’eau, etc.), il importe que les pouvoirs publics apportent da-vantage de pierres à l’édifice, au travers des réformes visant notam-ment à inciter le développement des entreprises. De ce point de vue, en plus de la loi de 2013 (ré-visée en 2017) portant incitations à l’investissement privé en Répu-

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 27

Collaboration

La partition de la société civile et de la communauté scientifique

Au Cameroun, la vulgarisation des résultats de la recherche demeure un réel défi. Et de leur propre aveu, les chercheurs, pourtant porteurs de trouvailles pouvant parfois révolutionner des pans entiers de la société et de l’économie locale, pour peu qu’on prête une oreille attentive à leurs travaux, se sentent un tout petit peu à la remorque des initiatives de développement dans le pays. Cette absence d’un véritable pont entre la communauté scientifique, les décideurs et autres opérateurs économiques prive le Cameroun d’un anneau majeur sur la chaîne du développement. De ce point de vue, la stratégie 20-30 apparaît comme une initiative devant sonner le tocsin de la renaissance d’une communauté scientifique engagée, résolument tournée vers la recherche des solutions aux problèmes qui freinent le décollage économique et sociétal du Cameroun. Pour ce faire, en plus d’être écoutés, les entrepreneurs de la recherche vont bénéficier de certaines facilités édictées dans la SND30. « En vue d’améliorer la contribution de la recherche au développement du pays, le gouvernement envisage de mettre en place un Système national d'innovation ; mutualiser les capacités infrastructurelles et scientifiques des centres de recherche et des universités, en veillant au relèvement des plateaux techniques ; créer un mécanisme de financement pérenne de la recherche dans tous les secteurs ; définir une stratégie de partenariat international, afin de capter les technologies et les connaissances qui auraient une plus-value significative pour le développement du pays », apprend-on officiellement.Dans le même ordre d’idées, la société civile, en gendarme des intérêts non partisans, devrait en tout temps être en alerte, à l’effet de s’assurer que les promesses faites dans le cadre de la SND30 sont tenues, ou alors que les obstacles à l’implémentation réussie de la nouvelle stratégie nationale de développement sont effectivement levés. Ces dernières années, les actions de cette composante de la gouvernance publique dans le suivi des projets inscrits dans le Budget d’Investissement Public (BIP), ont bien démontré l’importance que revêt désormais la société civile dans la gestion efficiente des affaires de la cité.

BRM

blique du Cameroun, la SND30 préconise des réformes supplémentaires.Concrètement, il s’agit de « bâtir un dispositif rénové d’incitations au développement des en-treprises (investissements et exportations), en combinant l’ensemble des instruments utilisés au niveau international ; constituer progressive-ment une masse critique des “champions na-tionaux”, représentant des fleurons ou têtes de proue dans les différents piliers industriels ainsi que dans le secteur financier ; créer et mettre en place des organes spécialisés, conformé-ment aux dispositions de la Charte des investis-sements sur la promotion de l’initiative privée, et réformer les chambres économiques pour les rendre plus efficientes ; bâtir des mécanismes de suivi et d’évaluation des performances des entreprises bénéficiaires des incitations, et prendre des mesures correctrices contre tout dérapage constaté ».Mais, au-delà de ces actions liées à la transfor-mation structurelle de l’économie, la nouvelle stratégie propose des mesures en rapport avec la gouvernance financière et économique. Ici, il s’agit principalement d’« alléger les coûts des facteurs et les procédures liés à la disponibilité foncière ; améliorer la mobilisation de l’épargne

nationale pour le financement du secteur privé ; lever les prin-cipaux obstacles qui pèsent sur l’éclosion des partenariats public-privé ; promouvoir l’utilisation des produits locaux, notamment par le biais de la commande publique… » Cette commande publique, de l’avis de nombreux experts, devrait également prendre en compte la préférence nationale.

Brice R. Mbodiam

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202128

« Le scénario Vision est celui sur lequel est assise l’atteinte des objectifs d’émer-

gence. Il est conçu sur la base d’un ensemble d’hypothèses clés concer-nant l’environnement économique national et international. Par consé-quent, il fait face à des risques spé-cifiques, des contreperformances induites notamment par des change-ments importants qui pourraient être enregistrés sur la réalisation de cer-taines hypothèses clés ». Ce postulat souligné par les concepteurs de la SND30 démontre à suffire que le dé-ploiement des actions de la nouvelle stratégie de développement du Ca-meroun, ne se déroulera pas dans un contexte sain. Ce contexte est même

DÉFIS

Une SND30 à l’épreuve des risquesLe succès de l’implémentation de la nouvelle stratégie de développement est assu-jetti au non-durcissement des crises en cours dans le pays et la réalisation dans les délais de certains projets.

pollué par certaines crises, dont la persistance ou le durcissement porteront un sérieux coup à l’am-bition d’émergence du pays.Parmi ces crises, il y a les exactions de la secte islamiste Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord. Ces violences perdurent depuis l’année 2013. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en septembre 2018, depuis 2013, en-viron 17 000 têtes de bovins et des milliers d’ovins et de caprins ont été emportés par des membres de Boko Haram dans les villages de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, ce qui représente une perte sèche de plus de 3 milliards de FCFA.

Le tissu économique déjà mori-bond de cette partie du pays a été lessivé, contraignant le gouver-nement à attribuer à la région de l’Extrême-Nord le statut de zone économiquement sinistrée, statut assorti de facilités administratives et fiscalo-douanières pouvant inci-ter des investissements nouveaux. Du fait de l’insécurité créée par les terroristes de la secte islamiste, le Niger a abandonné le projet d’ex-portation de son pétrole brut via le pipeline Tchad-Cameroun, indui-sant d’importantes pertes de re-cettes pour le Trésor public came-rounais, au titre du droit de transit.En plus de porter ainsi un sérieux coup aux activités économiques

DOSSIER SND 30

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La menace climatique

et aux investissements, Boko Haram im-pose au gouvernement des dépenses sécuritaires supplémentaires, qui, en temps normal, auraient pu être orien-tées vers des projets d’investissements catalyseurs de croissance. Pour com-prendre l’ampleur des dépenses sécuri-taires ainsi imposées à l’État, le collectif budgétaire pris par le chef de l’État le 29 mai 2019 révèle une augmentation de 20 milliards de FCFA de la dotation de sécurité, enveloppe financière destinée à maintenir le déploiement de l’armée dans les régions en crise. Il en est ainsi des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui sont en proie à des revendi-cations séparatistes depuis fin 2016. « Dans le cadre de la SND30, une hy-pothèse clé est le retour progressif de la paix dans lesdites régions à l’hori-zon 2023. La non-réalisation de cette hypothèse devrait notamment avoir des conséquences non seulement sur le développement économique, mais également sur les finances publiques et l’amélioration des conditions sociales

de base », souligne le document. Concrètement, un tel scénario engendrerait, apprend-on, une dynamique moins favorable dans le sous-secteur agricole, en lien avec la baisse des activités à la Cameroon Development Corpo-ration (CDC) et PAMOL ; les dif-ficultés d’approvisionnement et d’écoulement des produits dans ces régions ; le ralentissement des activités dans le BTP, en rai-son de l’impossibilité de mettre en œuvre le plan de reconstruc-tion des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; la non-réalisa-tion des objectifs de mobilisa-tion des recettes publiques dans cette partie du pays, etc.Au demeurant, en plus de ces défis sécuritaires à relever, le gou-vernement camerounais, pour une implémentation réussie de la SND30, se doit de réaliser certains projets dans les délais. Il en est ainsi des projets agricoles, dont

le « non-respect des objectifs assignés pourrait compromettre la compétitivité des industries et les chances de diversification de l’économie », apprend-on offi-ciellement. Dans le même temps, précise la SND30, « le non-res-pect du calendrier énergétique pourrait mettre en péril les pers-pectives de développement glo-bal et sectoriel envisagées », avec pour conséquence un taux de croissance moyen annuel du PIB sur la période 2021-2030, qui se situerait autour de 7%, contre 8% dans le scénario Vision, soit un recul d’un point, souligne-t-on au MINEPAT. Un retard dans les pro-jets d’infrastructures occasionne-ra, quant à lui, une baisse de 1,1% sur le taux de croissance moyen du PIB projeté en 2030.

Priscille Bosa’a

Selon les concepteurs de la SND30, bien que le Cameroun soit un petit émetteur de gaz à effet de serre, le risque d’un dé-règlement du climat plane sur la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de développement. En effet, souligne le document, « certaines études de la Banque mondiale sur le Cameroun ont notamment mis en exergue les liens entre le dérèglement cli-matique, les inondations, l’as-sèchement des points d’eau et la perturbation des calendriers agricoles dans plusieurs régions. Ces conséquences se traduisent notamment par la baisse de la productivité agricole et pasto-rale, l’accroissement des pertes post-récoltes et des coûts de main-d’œuvre, les catastrophes naturelles et la dégradation des infrastructures routières, la sur-

venance des situations d’insécurité alimentaire notamment dans les régions septentrionales, et les épidémies de choléra ». L’amplification du phénomène, souligne la Banque Mondiale, est susceptible de provo-quer une perte de points de croissance dans la branche agricole, qui oscille entre -1% et -3%. En conséquence, un réchauffement climatique accru pendant la période d’implémentation de la SND30 au Cameroun engendrerait, selon les simulations officielles, « un recul de 1,5 point sur les taux de croissance moyens annuels envisa-

gés (sur la période 2021-2030) dans le scénario Vision et dans les branches les plus exposées, à savoir l’agriculture vivrière et l’élevage. À cet effet, les dynamiques économiques de ces branches sont considérées dans cette simula-tion respectivement à 7% et 6,5% en moyenne sur la période 2021-2030, contre 8,5% et 8% dans le scénario Vision ».

BRM

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202130

C’est un secret de poli-chinelle de dire que la SND30 est un gigantesque chantier, qui de ce fait, a

grand besoin de fondations solides. L’une de ces fondations, selon les concepteurs de la stratégie, est la communication. « La communication permettra de renforcer le dialogue autour des questions clés de la stra-tégie et favorisera la dissémination des informations à tous les niveaux »,

MISE EN ŒUVRE DE LA SND30

Les préalables administratifs, un impératif catégoriqueCommunication tous azimuts, dispositif de pilotage et de suivi-évaluation, mise en cohérence des stratégies sectorielles, réformes réglementaires… sont autant de chan-tiers qui devront précéder l’implémentation de la nouvelle stratégie de développe-ment.

souligne le document, qui exalte ainsi l’utilisation tous azimuts des canaux disponibles, aux fins d’une meilleure appropriation de la SND30 par les différents acteurs. Ce volet est d’autant plus capital que, apprend-on officiellement, « la communication a constitué un maillon faible dans la mise en œuvre du DSCE ».Par ailleurs, en concomitance avec le déploiement de la communi-

cation autour de la stratégie, qui « doit se faire avant et pendant » la mise en œuvre de la SND30, ses concepteurs soulignent la nécessi-té de mettre en place une structure de pilotage et de suivi-évaluation. Il s’agit du Conseil national de pla-nification et d’aménagement du territoire, qui, en plus des autori-tés publiques, comptera dans ses rangs des représentants du sec-teur privé et de la société civile. Cette superstructure chapeautée par le Premier ministre aura pour missions principales « de supervi-ser la mise en œuvre de la straté-gie ; définir les plans de mobilisa-tion des ressources nécessaires ; valider les programmes des diffé-rentes administrations publiques à exécuter au titre du plan d’actions prioritaires de la stratégie et orien-ter en conséquence la program-mation budgétaire ; apprécier les résultats, les effets et impacts de la mise en œuvre de la stratégie sur le développement économique et social du pays, à travers le suivi

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 31

régulier des indicateurs clés ; veiller constamment à l’alignement et la cohérence de l’ensemble des plans d’action sectoriels, ministériels, ré-gionaux et communaux sur les prio-rités définies dans la stratégie ».Sur ce dernier volet, il faudra préa-lablement adapter pas moins d’une cinquantaine de stratégies secto-rielles à la nouvelle stratégie natio-nale de développement, avec en prime l’adoption d’une « loi portant cadre général de la planification ». Ce texte réglementaire définira l’ar-ticulation entre ces différents ins-truments et la stratégie nationale, apprend-on officiellement. Dans le même ordre d’idées, insistent les experts ayant travaillé sur la SND30, plusieurs réformes doivent être conduites. Il en est, par exemple, de la relecture du cadre légal et ré-glementaire sur le mix énergétique, en vue de la promotion des éner-gies renouvelables telle que la bio-masse-énergie ; la mise en place de l’agence de promotion des exporta-tions, ou encore la relecture du cadre

légal et réglementaire régissant le régime foncier et domanial, afin de le mettre en cohérence avec l’indus-trialisation annoncée, la modernisa-tion de l’agriculture, le développe-ment des villes, de l’immobilier et du logement…Dans le même temps, apprend-on, de nombreuses autres réformes doivent être conduites ou alors être simplement finalisées. Il s’agit, entre autres de l’adoption des textes d’ap-plication du code minier ; la mise en place effective de la Caisse de dé-pôts et consignation (CDC), d’une banque de financement des investis-sements, de la Banque camerounaise d’Import-Export (Exim Bank), d’un fonds souverain pour accompagner les investissements dans les secteurs moteurs de l’industrialisation ; ou en-core la réforme du cadre légal sur le statut de la diaspora camerounaise, afin d’optimiser sa participation au développement du pays.

BRM

Une loi pour assurer une meilleure planification Conscient des efforts de planification nécessaires pour asseoir l’opérationnalisation de la SND30, le gouver-nement a prévu de soumettre au parlement un projet de loi portant cadre général de la planification. Elle définira l’articulation entre les différents instruments et la stratégie nationale. Il s’agit des schémas d’amé-nagement du territoire ; des stratégies sectorielles et thématiques ; des plans intersectoriels ; des plans d’aménagement ; des plans régionaux et communaux de développement ; des projets structurants ; des ins-truments de cadrage à moyen terme (CBMT, CDMT) ; des programmes budgétaires au niveau national et lo-cal ; des programmes de coopération ; des sous-pro-grammes des établissements publics ; des dispositifs de contrôle de gestion… Il s’agira, en effet, de réa-liser l’ensemble des études de faisabilité des plans, programmes, projets phares, ainsi que les réformes pré-identifiées. Ces exercices exigeront des efforts de budgétisation conséquente au cours des trois pre-mières années de mise en œuvre de la stratégie.

AO

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202132

D’où viendra l’argent pour financer la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement 2020-

2030 (SND30) ? On parle bien des res-sources suffisantes pour conduire à bien, pendant dix ans, tous les chan-tiers arrêtés par le gouvernement. Ces chantiers dont l’aboutissement signi-fiera la transformation structurelle de l’économie camerounaise, trame de fond de cette stratégie. De l’argent, il en faudra beaucoup. Énormément. À tel point que, dans l’équation du fi-nancement de la SND30 telle que po-sée, il n’est nullement question pour l’État de faire exploser sa dette. L’approche du financement retenue s’assimile quelque peu à la « tech-nique du pêcheur » en mer. Le filet jeté devra couvrir la plus large surface possible, de manière à réaliser une prise aussi bien qualitative que quan-titative. Dans le cadre de la SND30, la première source de revenus reste in-contestablement le budget de l’État. Cependant, d’autres leviers seront actionnés pour trouver les fonds né-cessaires : la coopération bilatérale et multilatérale ; le marché financier, le secteur privé, les partenariats pu-

FINANCEMENT DE LA SND30

L’État va à la pêche aux sous Outre ses ressources budgétaires, le marché fi-nancier sera mis à contribution, tout comme les transferts de fonds de la diaspora et le recours aux privés, etc

blic-privé, l’épargne nationale et les transferts de fonds de la dias-pora.

Les ressources propres

Pour que le budget puisse finan-cer conséquemment les investis-sements contenus dans la SND30, il faudrait que les recettes suivent. La politique de recouvrement de ces ressources budgétaires va être renforcée à dessein. Pour ce faire, seules les exonérations fiscales ayant un réel impact sur l’écono-mie seront retenues au terme de l’audit prévu. Idem pour la collecte systématique des informations sur les moyennes et les grandes entre-prises, le but visé ici étant de ré-

duire à leur plus simple expression l’évasion et la fraude fiscales.L’État compte aussi aller chercher du côté des forêts, afin de capitali-ser sur les ressources découlant de leur exploitation, non sans tordre le cou aux exploitants illégaux et en accentuant le recouvrement. Des taxes innovantes seront intro-duites, question d’élargir l’assiette fiscale.Enfin, il y a toute une stratégie à mettre en place pour augmenter la part des recettes non fiscales dans les ressources budgétaires. Tout au long de la décennie 2020-2030, le gouvernement entend mainte-nir à 30% au moins, la part des in-vestissements dans le budget.

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 33

Les concours extérieurs

Hors des poches de l’État, il y a de l’argent. L’épargne nationale, par exemple, ces économies des par-ticuliers et ménages aujourd’hui domiciliées dans des comptes bancaires sont évaluées à envi-ron 4 000 milliards de FCFA. Cette somme n’intègre pas le cash qui circule dans les tontines (regrou-pements associatifs à caractère so-cial), système d’épargne tradition-nelle très répandu dans le pays, et dont les transactions ne sont pas encore assez canalisées dans les circuits formels de l’économie. La mise en œuvre de la stratégie na-tionale inclusive devrait permettre

de ramener toutes ces ressources « en banque », afin qu’elles servent effectivement le développement du pays. Sur le marché financier notam-ment, les détenteurs de capitaux sont présents, prêts à placer leurs ressources. La riche et fructueuse expérience de l’État du Came-roun sur ce marché, qui dure de-puis 2010 à travers l’émission de bons et obligations du Trésor et des emprunts obligataires, sera mise à profit. Sur le seul marché monétaire, le niveau de liquidités est officiellement estimé à 2 000 milliards de FCFA. Des capitaux à capter pour les injecter dans les différents investissements prévus.

Des partenaires privés

Les partenariats public-privé (PPP) restent le mode de financement qui sied le plus à la réalisation de lourds investissements. Pour l’État, partenaire public en l’occurrence, le recours à cet instrument lui garantit des économies significatives sur le coût global du projet à réaliser, la ré-duction des délais administratifs de manière à accélérer le temps de réa-lisation des chantiers et la libération de la contrainte financière. Le pays, qui dispose déjà d’un cadre légal et institutionnel, n’a plus qu’à surfer sur cet outil pour attirer les bons partenaires, grâce à des projets financièrement rentables. Le Conseil

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202134

Source : SND30 (Données Minfi, Caisse autonome d’amortissement, 2019). *juillet.NB : En dépit de sa viabilité, le rythme d’endettement du Cameroun commande de la prudence.

Évolution du ratio dette publique/PIB de 2006 à 2019 (en %)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019*

21,4 16,1 13,2 13,4 16,3 17,3 16,9 19,9 22,6 27,5 24,7 31,3 33,1 36,8

11,7 9,9 9,0 8,9 9,6 10,2 10,9 13,1 16,0 20,8 20,3 23,3 25,5 -

d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (CARPA) sera donc à la manœuvre pour dénicher ces inves-tisseurs privés tant au niveau national qu’à l’étranger. Ce sera un plus à la contribution du secteur privé natio-nal et étranger, dont il est attendu des investissements à hauteur de 60% des ressources nécessaires à la transformation structurelle de l’éco-nomie visée par la SND30. Le Cameroun a reçu en 2016, d’après les données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), 6,9 milliards de dollars (plus de 3 700 milliards de F) au titre des investis-sements directs étrangers (IDE). Pour en attirer plus, l’accent sera mis sur la stratégie de promotion des inves-tissements. L’Agence opérant dans ce segment sera plus que jamais au front de la séduction. Par ailleurs, l’État envisage de mettre en œuvre une stratégie de partenariat avec les grands groupes industriels et les entreprises leaders dans les secteurs stratégiques, mais également avec des fonds d’investissement.

L’incontournable diaspora

Les Camerounais vivant à l’étran-ger ont voix au chapitre. En 2018, ils ont transféré au bercail 345 mil-lions de dollars, soit environ 187 milliards de FCFA. Cet argent, jusqu’ici essentiellement utilisé comme soutien aux familles, pour-rait constituer un réel « stimulant » pour l’accroissement de l’épargne nationale et ainsi, être réorienté dans les investissements produc-tifs. L’État sait donc qu’il faudra penser des mécanismes incitatifs, pour

non seulement continuer à rece-voir ces versements de la diaspora, mais aussi et surtout en faire des fonds dédiés à l’investissement. Un ensemble d’actions est prévu à cet effet, notamment la création d’un fonds de garantie et de sou-tien aux projets d’investissement ayant une envergure nationale, voire l’émission des obligations de la diaspora (« diaspora-bonds »).

Josiane Tchakounte

DOSSIER SND 30

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 35

Lors de la présen-tation de la Stratégie Na-

tionale de Développe-ment, le 16 novembre 2020, d e s acteurs ont exprimé des préoccupations en lien avec son suivi et son évaluation. « Je voudrais souligner qu’il va nous fal-loir, de manière très impérative, un méca-nisme contraignant de suivi », a indiqué le Professeur Roger TSAFACK NANFOSSO. Pour le recteur de l’université de Dschang, à l’Ouest du pays, « si on n’a pas un mé-canisme contraignant de suivi, on pourrait élaborer plusieurs stratégies de dévelop-pement et avoir des déconvenues comme avec le DSCE ». « Dans la chaine décision-nelle de l’État, il faudrait qu’il ait une dy-namique offensive, agressive et proactive pour pouvoir implémenter ce qui est dans le document… », a renchéri l’ingénieur fi-

SUIVI-ÉVALUATION

Des rapports attendus tous les trimestres…Un dispositif institutionnel, placé sous l’autorité du Premier ministre, a été prévu pour veiller à chaque instant à la bonne mise en œuvre de la SND30.

nancier BABISSAKANA, CEO du cabinet PRESCRIPTOR.S’appuyant justement sur l’ex-périence de la mise en œuvre du DSCE, la SND30 a prévu un dispositif institutionnel de pilo-tage et de suivi-évaluation, placé sous l’autorité du Premier mi-nistre. Il s’agit du Conseil Natio-nal de la Planification. Constitué de l’ensemble des membres du gouvernement, des acteurs du secteur privé et de la société ci-vile, il a pour principale mission

de superviser globalement la mise en œuvre de la

stratégie et d’appré-cier les résultats, les

effets et impacts de la mise en œuvre de la stratégie sur le développement économique et social du pays, à travers le suivi régulier des indicateurs clés.

Plusieurs rapports attendus par an

Pour la réalisation de ses mis-sions, le Conseil sera assisté par un Comité national de suivi-éva-luation. Ce Comité, placé sous l’autorité du ministre chargé de la Planification, sera chargé de réaliser l’ensemble des produits attendus du suivi-évaluation des activités de la mise en œuvre de la stratégie. Il s’agit entre autres des rapports trimestriels, semes-triels et annuels. Le Comité est composé des secrétaires géné-raux de tous les départements ministériels, les représentants

des autres administrations et or-ganismes publics, des Collecti-vités territoriales décentralisées, des Chambres consulaires et du secteur privé, des organisations de la société civile et des parte-naires techniques et financiers. Le tout irrigué par un programme statistique reposant sur une Stra-tégie nationale de développe-ment de la statistique actualisée.Pour le gouvernement, ce dispo-sitif de suivi-évaluation participa-tif vise « l’instauration d’un dia-logue constructif et durable entre tous les acteurs de développe-ment (État, secteur privé, socié-té civile, partenaires techniques et financiers et bénéficiaires) ». Mais, certains experts souhaitent sa perfection. C’est le cas du pro-fesseur Viviane Ondoua Biwolé, qui s’inquiète de sa lourdeur et du fait que les acteurs chargés de la mise en œuvre de la SND30 soient aussi à l’évaluation. Pour l’experte en management public, « le gouvernement gagnerait à avoir un corps d’évaluateurs cer-tifiés (qui siègerait dans le comité technique à la place des ministres et des secrétaires généraux) ou sous-traiter cette évaluation dans le cadre des audits externes ou se faire assister par des experts neutres aux compétences avé-rées ».

Aboudi Ottou

SUR LES SENTIERS DE L’ÉMERGENCE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202136

ALAMINE OUSMANE MEY

« Le cap de l’émergence nous impose un grand volonta-risme »

Mise en œuvre de la SND30, cohé-rence avec le budget et le plan de

relance post-Covid, réformes, finan-cements, risques, suivi-évaluation… le Ministre de l’Économie, de la Planifi-

cation et de l’Aménagement du Terri-toire, qui a conduit l’élaboration de la

Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, fait la lumière sur les

zones d’ombres.

L’invité

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 37

La Stratégie Nationale de Dévelop-pement 2020-2030 (SND30) a été présentée au public le 16 novembre 2020. À quand le début de sa mise en œuvre ? Permettez-moi d’emblée de dire que la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30), nouveau cadre de référence de l’action gouvernementale, a été adoptée lors du Conseil de Cabi-net du 28 novembre 2019 et présentée au grand public le 16 novembre 2020, comme vous l’avez indiqué. Toutefois, sa mise en œuvre est effective depuis l’exercice budgétaire 2020, par l’implé-mentation de plusieurs orientations et considérations clés. Il s’agit notamment de la promotion de l’import-substitu-tion, à travers une provision budgétaire en faveur de la production des biens de grande consommation qui grève notre balance commerciale ; l’accélération de la mise en service intégrale des grands projets de première génération, entre autres.

Le budget 2021 s’appuie-t-il sur la SND30 ? Peut-on avoir quelques élé-ments qui l’illustrent ?Le budget 2021 est effectivement ados-sé à la SND30. C’est d’ailleurs une ins-truction du Président de la République. À travers la circulaire N° 001/CAB/PRC du 10 juillet 2020 relative à la préparation du budget de l’État pour l’exercice 2021, il a instruit un arrimage du budget de l’exercice 2021 aux réformes sous-ten-dues par la SND30, qui opérationnalise la seconde phase de la Vision de déve-loppement 2035. Le Débat d’orientation budgétaire qui s’est tenu en 2020 pour le triennat 2021-2023, s’est appuyé sur les orientations de la SND30 comme socle de formulation des politiques publiques pour le triennat 2021-2023.

L’INVITÉ

Concrètement, la plupart des réformes et innovations du bud-get 2021 portent sur la trans-formation structurelle de notre économie, qui constitue le pi-lier fondamental de la SND30. On peut ainsi retrouver dans le budget 2021 : une dotation de l’ordre de 50 milliards de FCFA pour la production des biens de grande consommation (riz, poisson, mais, mil, sorgho) dans le cadre de l’import-substitution à laquelle nous avons fait men-tion plus haut ; les innovations fiscales et douanières de la loi des finances 2021 qui visent à favoriser et protéger la produc-tion dans les secteurs agricole et industriel ; l’accroissement des dotations en faveur des Col-lectivités Territoriales Décentra-lisées etc.Le Cameroun lance simulta-nément la SND30 et un Plan triennal de relance de l’écono-mie post-Covid-19. Comment vont se déployer ces deux ou-tils de planification ?Il faut noter que le Plan trien-

nal de relance de l’économie post-Covid-19 fait partie inté-grante de la SND30, prévue pour se déployer en trois grandes phases. Ce plan de riposte, ainsi que d’autres initiatives comme le Plan de soutien aux produits de grande consommation, nous permettront de renforcer la ré-silience de notre pays face aux chocs exogènes. Il convient également de sou-ligner que la pandémie de la Covid-19 est venue conforter les options stratégiques de la SND30, notamment la nécessité de nous appuyer, plus que par le passé, sur nos potentialités et ressources nationales pour bâtir notre développement so-cio-économique.

La SND30 envisage de réaliser une croissance moyenne de 8% sur les 10 prochaines an-nées. Au regard du contexte de crise dans lequel la straté-gie est lancée, ce chiffre n’est-il pas trop ambitieux ?Permettez-moi de rappeler à ce

« Concrètement, la plupart des réformes et innovations du budget 2021 porte sur la

transformation structurelle de notre économie, qui constitue le pilier fondamental de la SND30.»

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202138

la mesure où des simulations ont montré

que ce niveau de crois-sance sera atteint si les

réformes et plans pré-conisés dans la SND30 sont effectivement

mis en œuvre. Il s’agit notamment

de : l’orientation de la commande publique vers les prestataires locaux ; la promotion de nos meilleures entreprises dites « Champions na-

tionaux » ; la valo-risation du label « Made in Ca-meroon » ; l’accroissement de la production et de la productivité agricoles ; la mise en œuvre des plans et initiatives majeures de la stratégie. Dans ce contexte, la place du secteur privé est essen-tielle.

Parmi les risques pouvant compromettre la réalisation de cette performance, il y a les re-tards dans l’exécution des pro-

jets. Qu’est-ce qui est fait à ce jour pour minorer ce risque ?

Il est important de relever qu’après l’évaluation globale du DSCE, il est ressorti que les nombreux retards accusés dans l’exécution des projets de la pre-mière phase ont impacté néga-tivement le taux de croissance tout au long de cette période. L’immaturité des projets et le manque de financements en étaient les principales causes. Pour minorer ce risque, la SND30 a mis l’accent sur la maturation des projets et un financement des projets par l’approche (Pro-jet-Finance) qui privilégie le par-tenariat public-privé, en trouvant des financements alternatifs au Budget d’Investissement Pu-blic, limité face à l’ampleur des grands projets à réaliser.

Une cinquantaine de réformes ont été pré-identifiées pour ac-compagner la mise en œuvre de la SND30. N’est-ce pas aus-si un défi à relever pour le suc-cès de cette stratégie ?

L’invité

stade que le taux de 8% de crois-sance moyenne envisagé a des fon-dements objectifs. Il est le résultat d’un exercice rigoureux de cadrage macroéconomique et budgétaire, réalisé lors de l’élaboration de la stratégie. 8% est le niveau de per-formance que nous devons réaliser en termes de croissance écono-mique, si nous voulons atteindre notre objectif ultime qui est d’accé-der au stade de pays à revenu inter-médiaire de la tranche supérieure en 2030. Il est donc tout à fait réaliste, dans

Pour minorer ce risque, la SND30 a mis l’accent sur la maturation des projets et un financement des projets par l’approche (Projet-Finance) qui privilégie le partenariat public-privé, en trouvant des financements alter-natifs au budget d’inves-tissement public qui est limité face à l’ampleur des grands projets à réaliser.

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 39

L’INVITÉ

Cela pourrait paraître très ambitieux, mais ces réformes sont absolument né-cessaires et indispensables. D’autres sont des réformes à caractère législatif ou réglementaire, avec l’avantage de ne pas générer des coûts importants. En tout état de cause, le cap de l’émer-gence nous impose un grand volonta-risme et un réel changement de para-digme qu'induisent les réformes.

Lors de la présentation de la SND30, des points de vigilance ont été soule-vés par de nombreux acteurs, relative-ment à l’absence d’une stratégie de financement, de gestion des ressources humaines ou encore à l’architecture du suivi-évaluation. Ces observations vous semblent-elles pertinentes ?En matière de financement, l’on devra recourir à différents leviers, notamment : les ressources budgétaires propres, à travers une politique fiscale adéquate ; les ressources du marché financier ; les ressources de la coopération bila-térale et multilatérale ; les ressources propres du secteur privé ; les partena-riats public-privé (PPP) ; la mobilisation de l’épargne nationale et les transferts de fonds de la diaspora. Par ailleurs, un travail est en cours au MINEPAT à l’ef-fet de décliner de façon opérationnelle les options de financement prises par la SND30.En matière de gestion des ressources humaines, la SND30 a mis l’accent sur la qualité du capital humain qui devra être utilisé pour atteindre les objectifs d’in-dustrialisation de la seconde phase de notre Vision de développement. Un ac-cent particulier sera mis sur l’accroisse-ment de l’offre de formation technique et professionnelle, en relation avec les filières prioritaires de la stratégie.

Concernant le dispositif de sui-vi-évaluation de la SND30, enca-dré par le décret du Premier Mi-nistre, Chef du Gouvernement, il permettra d’identifier les points de contreperformance et d’ap-porter le cas échéant des correc-tions nécessaires à la gestion de l’action, pour atteindre les objec-tifs d’une part, et d’autre part de réorienter les choix stratégiques en vue d’accroitre l’impact des politiques sur le développement. Nous comptons aller vite dans la mise en oeuvre de ce dispositif qui se veut inclusif. Il comprendra les représentants des différentes catégories des acteurs du déve-loppement.

Propos recueillis par Rosine Nkonla Azanmene

Un accent parti-culier sera mis sur l’accroissement de l’offre de forma-tion technique et professionnelle, en relation avec les filières prioritaires de la stratégie.

« Il faut noter que le Plan triennal de relance de l’économie post-Covid-19 fait partie intégrante de la SND30, qui est prévue pour se déployer en trois grandes phases. Ce plan de riposte, ainsi que d’autres initiatives comme le Plan de soutien aux produits de grande consommation, nous permet-tront de renforcer la résilience de notre pays face aux chocs exogènes.»

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202140

COVID-19

Le Cameroun face à un choc d’une amplitude inhabituelleDu fait des conséquences économiques de cette crise sanitaire, le pays enregistre le taux de croissance le plus bas jamais connu depuis 20 ans.

FOCUS

Le Cameroun est entré en ré-cession en 2020, avec un taux de croissance de -2,6% contre 3,7% en 2019. Selon les ex-

perts, le pays n’avait pas enregistré une telle baisse de la croissance de-puis 20 ans. Par rapport au 4% initia-lement projeté, le taux de croissance baisse de 6,6 points. « Cette baisse inédite depuis les 20 dernières années est principalement la conséquence de la crise sanitaire puis économique de la Covid-19, qui

a entrainé entre autres une baisse sensible de l’offre et de la de-mande nationale et internationale, une désorganisation profonde des chaînes d’approvisionnement, et un retournement massif des flux de capitaux et des transferts privés et officiels à destination du Came-roun », explique-t-on au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat).Parmi les secteurs frappés de plein

fouet par la pandémie du coro-navirus, plusieurs études listent les services, particulièrement les branches du tourisme (héberge-ment, restauration, etc.) ; le com-merce et le transport, les industries agroalimentaires, les bâtiments et travaux publics, et plus générale-ment les filières dont l’activité est principalement orientée vers l’ex-portation. L’on observe dans ces entreprises, un ralentissement important de

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 41

FOCUS

l’activité se traduisant par une baisse considérable de la production et du chiffre d’affaires, des mises en chômage technique, ainsi que le report des pro-grammes d’investissement. « Il y a lieu de craindre des dépôts de bilan, avec des conséquences dommageables sur l’em-ploi, particulièrement pour les très pe-tites, petites et moyennes entreprises », alerte le Minepat.

Opportunité

La crise sanitaire impacte aussi négati-vement les finances publiques. En effet, elle réduit les fonds propres de l’État, no-tamment les avoirs en devises et obère sa capacité d’importation, alors qu’au même moment la pandémie entraine un accroissement des dépenses publiques, notamment des dépenses de santé. Conséquence, il est prévu une détériora-tion du solde budgétaire global de -2,1% du PIB prévu dans la loi de finances 2020 initiale, pour atteindre -3,1%. Ces indicateurs macro-économiques

dessinent une tendance qui sort complètement le pays de la tra-jectoire vers l’émergence, ce qui constitue de ce fait un défi majeur. « La pandémie du Co-vid-19, bien qu’étant aujourd’hui un défi majeur, doit également être considérée comme une op-portunité pour nos pays de se positionner, de changer de pa-radigme, développer davantage des échanges et de le poursuivre, en renforçant les échanges entre différents pays », soutient le mi-nistre Alamine Ousmane Mey. Dans cet état d’esprit, le gou-vernement dit avoir tiré deux principales leçons de cette crise : il s’agit de la nécessité de « re-définir notre modèle de dévelop-pement, en tenant compte des variables qui ont ces dernières années vulnérabilisé le secteur productif camerounais, à savoir la montée des risques et des menaces exogènes », d’une part, et « de l’importance de travailler à l’avènement d’une véritable souveraineté alimentaire et sa-nitaire du pays », d’autre part. Ce membre du gouvernement rejoint ainsi le colonel Roger Kuitcheu. L’officier supérieur à la retraite, qui le martèle depuis le déclenchement de la pandémie, propose d’ailleurs que la stra-tégie militaire soit appliquée à l’économie pour tirer le meilleur de la situation.

Audace « Aussi, importe-t-il de remédier à certaines tendances lourdes de notre économie, notamment notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur, en produisant davan-tage ce que nous consommons, d’une part, et d’autre part, en construisant des bases solides pour accéder efficacement aux marchés internationaux, d’abord sous régionaux, et ensuite régio-naux et mondiaux », souligne le gouvernement. Et d’ajouter : « il est évident que le secteur agri-cole est celui pour lequel nous disposons d’atouts indéniables pour conquérir des marchés cap-tifs, tout en réduisant notre dé-pendance alimentaire ».En guise de réponse à la crise, le pays prévoit donc de favori-ser une véritable transformation structurelle de l’économie came-rounaise sur la base d’une option de politique volontariste qui est le « patriotisme économique ». Pour le colonel à la retraite Roger Kuitcheu, les options du gouver-nement vont dans le bon sens. Il reste maintenant à les mettre en œuvre « avec audace ». C’est-à-dire, avec une « hardiesse, qui ne connait ni obstacle, ni limite ».

Aboudi Ottou

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202142

Pour relancer son économie, plongée dans la récession par la pandémie à coronavirus, les autorités camerounaises

ont élaboré un plan. Annexé à la loi de Finances 2021, le document inti-tulé « Plan de relance économique post Covid-19 » est une déclinaison concrète de la Stratégie nationale de développement (SND30) sur la pé-riode 2021-2023. Le plan vise notamment à apporter un soutien aux branches d’activités forte-ment impactées par la crise et à celles capables de favoriser une relance ra-pide du secteur productif. À cet effet, « les mesures envisagées s’inscrivent entre autres dans le cadre de la poli-tique nationale d’import-substitution et de promotion de la préférence na-tionale, en vue de renforcer la capaci-té de résilience du tissu économique local face aux chocs extérieurs », pré-cise le gouvernement. Objectif : « si-tuer la croissance économique sur le taux de référence de la Vision 2035 ».Dans le détail, plus de 80 actions re-groupées en quatre axes constituent l’ossature dudit plan. Il s’agit du soutien à la production et à la trans-formation des produits de grande consommation ; de la mise en place des dispositifs adaptés et dédiés au financement des entreprises ; de la dynamisation des branches/filières de croissance ; et du renforcement de la compétitivité des entreprises.

Actions Concrètement, il sera question de ren-forcer la production et la transforma-tion agricole des spéculations jugées

RELANCE POST-COVID

Cap sur le patriotisme économique La préférence nationale guidera l’action de l’Etat en faveur des entreprises au cours des trois prochaines années.

FOCUS

sensibles dans la mise en

œuvre de la politique d’import/

substitution et de préférence na-tionale. Il s’agit principalement du riz, du mais, du soja, du mil/sorgho, du poisson, et de l’huile raffinée. Il sera par ailleurs question de favo-riser un plus grand accès de cer-taines entreprises au financement à moindre coût pendant cette pé-riode critique. En d’autres termes, le plan sus-mentionné vise la ré-duction des difficultés d’accès au financement du haut et du bas du bilan des entreprises, à travers des lignes spécifiques de financement logées dans les établissements bancaires.En outre, l’accent sera mis sur des

mesures visant à alléger les coûts des facteurs des très petites, pe-tites et moyennes entreprises exerçant particulièrement dans le secteur agricole. De manière spé-cifique, il sera question de renfor-cer les infrastructures de facilita-tion du commerce, les capacités des acteurs dans les techniques de développement des chaînes de valeur, la recherche et l’innovation en particulier dans le développe-ment agricole. De même, un effort sera consenti en vue d’améliorer l’accès au marché national des en-treprises locales, à travers notam-ment la commande publique.

Aboudi Ottou

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 43

Mesures à mettre en œuvre

FOCUS

Axe 1 : soutien à la production et à la transformation des produits de grande consommation• Aménagement de 5 000 ha de terres pour les cultures des produits de grande consommation (riz, maïs, mil/sorgho, soja, etc.) ;• Appui des groupements de producteurs pour la mise en place des dispositifs de stockage et de conservation des produits agricoles ;• Appui à la production et à la distribution des se-mences améliorées et autres intrants (riz, maïs, mil/sorgho, soja, manioc, etc.) ;• Appui au renforcement des capacités des unités de production et de transformation des produits de grande consommation (riz, soja, etc.) ;• Exonération de TVA pour les intrants et équipements agricoles ;• Appui au renforcement de la production locale d’ale-vins et d’aliments pour poissons ;• Construction de 09 débarcadères pour la capitalisa-tion des eaux de retenues des barrages ;• Appui à la construction et à l’acquisition des infrastruc-tures aquacoles (cages, bacs, étangs aménagés…) ;• Appui à des groupements de pêcheurs pour la mise en place des équipements et dispositifs de séchage et de conservation du poisson ;• Exonération de TVA des intrants et équipements d’élevage et de pêche ;• Appuis à la production et à la transformation locales des substituts utilisés dans les industries agroalimen-taires (malt, lait, poudre de cacao, amidon…) ;• Structuration des acteurs des maillons non organisés de certaines filières (horticole, avicole, etc.), en vue de l’émergence/consolidation d’une interprofession cré-dible ;• Appui à la réhabilitation de la Société des conserve-ries alimentaires du Noun (SCAN) ;• Appui à l’extension des capacités de production des industries agroalimentaires (oléagineux, transformation de cacao, etc.).

Axe 2 : Mise en place des dispositifs adaptés et dédiés au financement des entreprises• Cartographie des besoins de financement des entre-prises ; • Cartographie des besoins en renforcement des capaci-tés ; • Cartographie des opportunités de marché/économiques• Cartographies des établissements de crédit ; • Fonds de garantie en faveur des entreprises ;• Fonds de soutien aux entreprises à taux bonifié ; • Fonds de soutien aux start-ups et entreprises innovantes ;• Fonds spécifique d’appui aux entreprises du secteur in-formel ;• Appuis directs aux entreprises des branches cibles ;• Relèvement du plafond de garantie prévu dans la loi de finances 2020 de 40 milliards à 200 milliards de FCFA ;• Poursuite de l’apurement de la dette intérieure ;• Augmentation du plafond de remboursement des crédits TVA de 6 milliards à 7 milliards de FCFA ;• Mise en place par un pool d’établissements bancaires (BGFI, etc.), de lignes de crédits à des taux bonifiés au pro-fit des entreprises affectées ;• Assouplissement des conditions de déductibilité des provisions sur créances à l’encontre des entreprises justi-fiant des difficultés de trésorerie ;• Enregistrement gratis des conventions de rachat de la dette publique intérieure par les établissements de crédit ;• Baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) de 2% pour les PME/PMI ;• Réduction de 2,2% à 1,5% du taux de l’acompte et du minimum de perception au profit des entreprises cotées en bourses ;• Mensualisation du paiement de la redevance forestière annuelle (RFA) ;• Recours aux sources de financement innovant à l’exemple du crédit relais.

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202144

Axe 3 : Dynamisation des branches/filières de croissance• Reconduction au titre de l’exercice 2021 de la suspension de la taxe de séjour des établissements d’hébergement ;• Exonération fiscale et douanière sur les investissements de re-lance des activités dans le secteur hôtellerie et restauration ;• Exemption de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les entreprises du secteur hôtelier ;• Appui à la rénovation des infrastructures et sites touristiques ;• Appui à l’organisation des évènements touristiques, aux res-taurants, ainsi qu’aux établissements de loisirs et d’hôtellerie ; • Exonération totale des droits et taxes de douane en faveur des intrants destinés à l’industrie pharmaceutique ; • Application du droit de douane réduit de 5% et exonération de TVA sur les équipements industriels destinés à l’industrie phar-maceutique ; • Appui au renforcement des capacités des unités de production des industries pharmaceutiques locales ;• Appui à la production des médicaments génériques essentiels et/ou traditionnels ; • Aménagement de 10 000 ha de terres pour les cultures des pro-duits de grande consommation (riz, maïs, soja, etc.) ;• Appui des groupements de producteurs pour la mise en place des dispositifs de stockage et de conservation des produits agri-coles ; • Mise en place d’un fonds de soutien à la production et la trans-formation des produits de grande consommation ; • Réduction de 4% à 3% du taux de la taxe d’abattage au profit des entreprises forestières justifiant d’un certificat en matière de gestion durable des forêts ;• Exonération de la patente et de toutes les charges fiscales y compris les retenues à la source des salaires pour une période de 3 à 5 ans pour les entreprises du secteur du numérique ;• Exonération de la TVA sur les prêts consentis par les établisse-ments de crédits aux start-ups dans le secteur des TIC ; • Dispense des droits d’enregistrement des baux, des mutations immobilières et prêts consentis par les non-professionnels de crédit ; • Appui au développement et à la vulgarisation des plateformes d’e-commerce, d’e-learning et du télétravail ;• Appui à la mise en place de cinq (05) « open space » dédiés au développement des start-ups du secteur du numérique ; • Renforcement du patriotisme économique ;• Appui à la promotion et à la vulgarisation des produits locaux dans les grandes surfaces ;• Appui au renforcement du système d’information sur les mar-chés ;• Suppression de la taxe à l’essieu au profit des transporteurs ;• Appui au développement de la sous-traitance et de la cotrai-tance ;• Appuis à la production et à la transformation locales des subs-tituts du malt ;

Axe 4 : Renforcement de la compétitivité des entreprises• Désenclavement des principaux bassins de production des produits de grande consommation ; • Appui au renforcement de la normalisation et du contrôle qualité aux exigences nationales et internationales ;• Opérationnalisation de l’Agence de promotion des exporta-tions (APEX) ; • Clarification du régime de TVA sur les prestations de services fournies aux clients étrangers ; • Application des valeurs imposables minimales à l’importation des biens produits par des entreprises locales, en vue de pro-téger les industries naissantes et lutter contre la fraude com-merciale ;• Mise en œuvre d’une politique de restrictions normatives, à travers des mesures sélectives d’importation de certains pro-duits qui menacent la production locale ; • Mise sur pied d’un dispositif d’application des mesures com-pensatrices et antidumping pour protéger les filières victimes d’une concurrence déloyale des produits importés ; • Soumission au droit d’accises à taux général de 25% pour les meubles et ouvrages en bois, les cure-dents, les fleurs natu-relles et artificielles importées ; • Mise en place des mécanismes préférentiels d’accès au mar-ché pour les entreprises nationales à travers la commande pu-blique ; • Appui au renforcement des capacités et techniques et mana-gériales des entreprises ; • Appui à l’amélioration du climat des affaires en faveur des TPE et PE ; • Appui au renforcement de la recherche et de la produc-tion des semences améliorées pour les produits de grande consommation ; • Soutien à la formation et au développement des compé-tences des chaînes de valeur, notamment en faveur des TPE et ME ; • Relèvement du seuil d’exonération des intérêts sur les comptes d’épargne et l’impôt sur le revenu des capitaux mobi-liers de 10 millions à 50 millions de FCFA ; • Exonération de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, des intérêts sur les bons de caisse autres que ceux émis par le trésor public et souscrits pour une période supérieure à un an ; • Application de la déductibilité intégrale pour la détermina-tion de l’impôt sur les sociétés, des dépenses engagées par les entreprises au profit de leurs salariés en raison de la crise sanitaire de la Covid-19 ; • Reconduction au titre de l’exercice 2021 de la transaction spéciale prévue par la loi de finances 2020, dans l’optique d’ai-der les entreprises fortement affectées par la crise sanitaire à se libérer de leurs dettes fiscales.

FOCUS

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 45

Pour mettre en œuvre les actions des quatre axes de son Plan de relance économique post Covid-19, le Came-roun aura besoin de 871,8 milliards de

FCFA sur les trois prochaines années (2021-2023). Le gouvernement compte injecter 96,4 milliards de FCFA dans le soutien à la pro-duction et à la transformation des produits de grande consommation ; 709,4 milliards dans le financement des entreprises ; 50 milliards dans les branches/filières de croissance et 21 milliards dans la compétitivité des entreprises. Pour mobiliser ces fonds, le gouvernement en-visage de mettre la main dans sa poche, mais également de solliciter ses partenaires finan-ciers extérieurs. Au niveau des ressources intérieures, il est envisagé de recourir notamment à une partie des ressources du compte d’affectation spé-ciale Covid-19, doté en 2021 d’un budget de 150 milliards de FCFA, dont 50 milliards pour la relance de la production locale des produits de grande consommation ; aux ressources rési-duelles des projets clôturés, dont l’évaluation du montant se fera en collaboration avec la Caisse autonome d’amortissement (CAA).Au niveau des ressources extérieures, il est pré-vu la prise en compte des ressources relevant des conventions de financement en cours de négociation, notamment avec la Banque arabe de développement économique en Afrique (BADEA), des ressources à mobiliser dans le cadre du « Basket Fund » à mettre en place avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ainsi que la sollicita-tion d’une contribution de certains partenaires techniques et financiers, à savoir la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale, Afreximbank, etc.

AO

FINANCEMENT

Plus de 870 milliards de FCFA pour relancer l’économieL’argent viendra des sources internes et extérieures.

FOCUS

Suivi-évaluationDes rapports périodiques attendusUn dispositif de suivi-évaluation de la mise en œuvre du Plan de relance économique post Covid-19 sera mis en place. Il sera piloté par une équipe conjointe Minepat-Minfi, ainsi que certaines administrations sec-torielles impliquées dans son implémentation. Ce suivi-évaluation veille-ra, apprend-on du document, à assurer l’atteinte des objectifs du plan, aussi bien au niveau des différents axes que sur le plan global.Le suivi des résultats se fera notamment à travers la définition des indi-cateurs et des cibles trimestrielles, semestrielles et annuelles ; la mise en œuvre des méthodes et des outils normalisés pour faciliter la collecte et le partage des informations ; et enfin la production périodique des rapports de mise en œuvre du plan.

AO

Coût de la relance économique post-Covid-19

Axes Coût (en milliards de FCFA)

2021 2022 2023 Total

Soutien à la production et à la transforma-tion des produits de grande consommation

34,1 37,8 24,5 96,4

Mise en place des dispositifs adaptés et dédiés au financement des entreprises

285,4 217 207 709,4

Dynamisation des branches/filières de croissance

23,8 12,1 9 44,9

Renforcement de la compétitivité des entreprises

14,3 3,8 3 21,1

Total 357,6 270,7 243,5 871,8

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202146

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Évolution en 2020 et perspectives pour 2021L’évolution de la situation économique au Cameroun au cours de l’année 2020 et les perspectives à court et moyen terme reposent sur un ensemble de paramètres tant au plan national qu’international.

CONJONCTURE

Au plan international, on enregistre une re-prise graduelle de la de-mande mondiale induite par les effets conjugués

de : la réduction des craintes liées au coronavirus avec la généralisation de la vaccination dans de nombreux pays, notamment en Chine, en Eu-rope et aux États-Unis ; • une réduction progressive des tensions commerciales et géopoli-tiques entre les Etats-Unis et la Chine; • la diminution des inquiétudes liées à un Brexit sans accord ;• la mise en œuvre de politiques de relance post-covid dans la plupart des économies avancées et en dé-veloppement, notamment les poli-tiques monétaires accommodantes qui devraient contribuer à favoriser l’investissement et la consommation.

Toutefois, des risques suscep-tibles de fragiliser cette progres-sion demeurent, notamment en ce qui concerne la persistance de la crise sanitaire en liaison avec de nouveaux variants, et ses consé-quences sur la demande mondiale et les cours des matières pre-mières, mais aussi l’intensification des troubles sécuritaires dans cer-tains pays en développement.

Au plan national, les principaux faits marquants sont notamment : • la mise en œuvre du plan de re-lance post-covid-19 avec ses effets sur l’amélioration de l’offre des biens et services dans plusieurs secteurs d’activité ;• le démarrage de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement 2020-2030

(SND30) ;• la mise en œuvre de la politique d’import-substitution, à l’effet de renforcer l’offre nationale de cer-tains produits de grande consom-mation notamment alimentaires, pharmaceutiques et d’équipe-ments ;• l’organisation de certains évène-ments spéciaux à savoir le CHAN 2021 et la CAN 2022, avec des in-cidences positives sur la demande intérieure (notamment dans l’agroalimentaire et les services) ;• l’amélioration de l’offre de la production gazière avec la montée en régime de l’usine flottante de Kribi ;• la mise en exploitation progres-sive de certains grands projets de première génération, notamment dans le domaine énergétique ;

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 47

• la conclusion et la mise en œuvre à partir de 2021 d’un nouveau programme écono-mique triennal avec le FMI ;• la poursuite de la mise en œuvre des ré-formes structurelles engagées avec les Par-tenaires Techniques et Financiers en faveur du renforcement de la compétitivité du tis-su productif national ;• l’amélioration progressive de la situation sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, avec ses conséquences sur la dynamique économique locale.Dans ce contexte, l’économie camerou-naise qui a connu une croissance de 0,8% de l’activité en 2020 du fait des contre-coup de la Covid-19, devrait de nouveau s’ins-crire dans une dynamique favorable avec une croissance estimée à 3,6% en 2021 et à près 5% en moyenne entre 2022 et 2024. Le taux de croissance du PIB non pétrolier et gazier devrait se situer autour de 4% en 2021 et de 5,2% en moyenne sur la période 2022-2024. Ce profil qui s’aligne davantage sur la dynamique postulée dans le cadre du scénario vision de la Stratégie Nationale de Développement (SND-30).Du point de vue sectoriel, le ralentisse-ment enregistré en 2020 dans les différents secteurs d’activités devrait notamment s’estomper à partir de 2021. Ainsi, la dy-namique de croissance dans le secteur primaire devrait passer de 3,8% en 2021 à 5,3% entre 2022 et 2024, après s’être situer à 1,1% en 2020 contre 2,8% en 2019. De même, dans le secteur secondaire hors in-dustrie extractive, le taux de croissance de-vrait passer de 3,9% en 2020 à 4,1% en 2021 et 6,1% en moyenne entre 2022 et 2024. Par ailleurs, après le recul de 0,8% enregistré en 2020, l’activité dans le secteur tertiaire devrait s’inscrire dans une dynamique haus-sière avec une croissance estimée à 3,7% en 2021 et 4,8% en moyenne sur la période 2022-2024.L’inflation qui s’est située à 2,5% en 2020, devrait rester maitrisé et contenue en des-sous du seuil de convergence communau-taire de 3%.

Risques macro-budgétaires

Cette dynamique de croissance demeure sujette à divers risques et contraintes macro budgétaires. On peut ainsi relever entre autres :• la persistance de la pandémie du corona-

virus en 2021 et 2022, du fait de la résurgence des nouveaux va-riants et des nouveaux foyers de contamination. Ceci pourrait non seulement retarder la mise en œuvre des différentes politiques de relance post-Covid, mais éga-lement favoriser une réaffection des ressources budgétaires aux dépenses sanitaires ;• la volatilité des cours des prin-cipales matières premières ex-portés par le Cameroun avec les incidences aussi bien sur l’activité économique nationale que sur la mobilisation des recettes budgé-taires ;• la non-conclusion d’un nouveau programme économique et fi-nancier avec le FMI en 2021, qui pourrait perturber le financement du budget de l’État ;• l’amplification de la crise sécuri-taire notamment dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et à l’Extrême-Nord qui pourrait continuer à perturber les activi-tés économiques et maintenir un niveau élevé de dépenses mili-taires. L’enchevêtrement des réformes et des programmes dans l’agen-da politique, conduisant à des engagements de plus de plus importants qui installent une forte sollicitation budgétaire. Il s’agit notamment de la mise en

œuvre simultanée du plan de ri-poste contre la covid-19 et ses répercussions, du plan de re-lance de la production locale des produits de consommation de masse à l’origine du déficit de la balance commerciale, du plan de reconstruction des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, de la décentralisation, du PLANUT, du PTS-Jeunes, de la CAN, des grands projets d’infrastructures et de la Couverture santé uni-verselle (CSU). Tous ces engage-ments constituent un risque bud-gétaire important en cas de choc sur les finances publiques.

DGEPIP

Tableau : Projections des taux de croissance du PIB

Source : MINEPAT/DGEPIP

Années 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024

Croissance annuelle (en %)

PIB à prix constant 3,5 4,1 3,7 0,8 3,6 4,5 4,9 5,3

PIB pétrolier et gazier -16,4 -2,7 8,5 2,9 0,9 -0,6 -0,3 03

PIB non pétrolier et gazier 5,0 4,4 3,5 0,7 3,8 4,8 5,2 5,5

Secteur primaire 3,2 5,1 2,8 1,1 3,8 4,6 5,3 5,9

Secteur secondaire 1,3 3,1 4,9 3,7 3,4 4,4 4,8 5,4

Secteur secondaire hors ind. ext. 7,1 4,6 4,1 3,9 4,1 5,7 6,0 6,5

Secteur tertiaire 4,3 4,4 3,0 -0,8 3,7 4,5 4,8 5,1

CONJONCTURE

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202148

AGROPOLES

Coup de pouce pour l’agriculture de seconde générationCe programme a permis d’amélio-rer la production, de réduire le coût de certains produits agricoles, et de créer de nombreux emplois sur l’étendue du territoire national.

INVESTISSEMENT

Une cinquantaine de projets soutenus et presqu’autant de success-stories. Sept années après le lancement

effectif des activités, le programme Agropoles continue d’accompagner la révolution agricole au Cameroun. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, cet outil, au sens de son coordonna-teur, permet de poser les jalons de la modernisation de l’appareil de pro-duction local. C’est donc fort opportunément que le coordonnateur du Programme Agropoles, Adrian Ngo’o Bitomo, invite ceux qui le souhaitent à se rendre dans la région de l’Ouest pour faire ce constat : l’alvéole d’œufs est vendu à 1 000 F à Baleng, dans la Mifi, et à Mbouda, dans le département des Bamboutos.

Deux bassins que le programme a accompagnés. Tout comme à Kekem où une usine de transfor-mation du cacao a été inaugu-rée en avril 2019 par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute. En effet, l’entreprise a reçu un appui considérable du programme.De même, le prix du poivre a aussi, au plan interne, connu une baisse considérable du kilo-gramme, alors qu’à l’internatio-nal, il a été revalorisé, passant de 9 000 FCfa à 17 000 FCfa, pour le poivre de Penja. À ce sujet, le programme est en train de mettre sur pied 300 hectares de poivre à Njombe-Penja. L’ananas est également l’une des spécula-tions sur laquelle le programme se penche. Il s’agit surtout de la transformation, afin de capitali-ser la production locale avec les agropoles de Manjo et d'Awae.« Nous avons dans les 49 agro-poles à peu près 250 entreprises qui ont réellement été créées pour plus de 6 000 emplois di-rects et 25 000 emplois indirects. Par ailleurs, 68 tracteurs entière-ment équipés ont déjà été acquis,

pour une centaine de tractoristes formés à la conduite et au dépan-nage des engins agricoles, pour les productions végétales. Nous sommes en train d’en acquérir 11 pour les productions animales », résume Adrian Ngo’o Bitomo.

Cap sur l’élevage

Les perspectives du programme sont tout aussi ambitieuses que les réalisations engrangées jusqu’ici. Un projet d’embouche bovine dans l’Adamaoua vise ain-si à revoir le système d’élevage extensif déjà en place. Il s’agit d’amener les éleveurs à s’inté-resser à cet élevage intensif sur-place. Ainsi, la construction des étables et des magasins pilotes d’intrants est en cours dans le Mayo Banyo et le Mbéré, aux frais de l’État, alors que les champs fourragers et points d’eau sont à mettre à l’actif des bénéficiaires du projet. Pour avoir suffisamment d’eau, le programme mise sur les fo-rages photovoltaïques. « Nous sommes en train de conduire un

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 49

programme d’amélioration du pâturage avec des éleveurs, de construire 110 étables dans le département du Mayo-Banyo et du Mbéré. D’autres partenaires nous aident à faire comprendre à l’éle-veur la nécessité d’équiper des points d’eau pour que le berger et les animaux puissent avoir suffisamment d’eau », ex-plique le coordonnateur. Le maïs, le manioc et le plantain béné-ficieront également d’une attention par-ticulière. « À côté du soja, qui a permis de stabiliser le prix du poulet autour de 2 500 FCFA l’unité de 1,5 kg, il faut égale-ment suffisamment de maïs », renseigne-t-on. De même, des aménagements hy-drauliques sont envisagés pour la culture du riz.Les actions du programme Agropoles portent sur les investissements d’accrois-sement des capacités de production, les équipements de production, les intrants, les infrastructures socio-communautaires et le renforcement des capacités des producteurs. Durant ses sept années d’activités, le programme aura reçu une dotation de 14,475 milliards de FCFA, dont deux pour le fonctionnement et le reste pour l’investissement.

Pascal Dibamou

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202150

TRANSFORMATION DU CACAO

Le géant de Kekem

INVESTISSEMENT

Fondjomoko, un village dans l’arrondissement de Kekem, département du Haut-Nkam, région de l’Ouest. Une usine

change le quotidien des populations de cette petite localité depuis bien-tôt deux ans, Neo-Industry SA. Cette entreprise est présentée comme l’un des fleurons de l’économie nationale. Selon les responsables des services du personnel, Neo-Industry emploie plus de 2 000 personnes. Il s’agit pour l’essentiel des employés qui ont contribué à sa construction. A en

croire Emmanuel Neossi, le pro-moteur, l’entreprise ambitionne de fonctionner à court terme avec près de 4 000 personnes et est en pleine phase de déploiement de son personnel. Au-delà de l’entre-prise, des emplois indirects sont effectifs. D’après les estimations de certains experts, la mise sur pied de Neo-Industry devrait gé-nérer au moins 3 000 emplois in-directs. Depuis son inauguration le 26 avril 2019, c’est le branle-bas au sein des équipes techniques.

Neo-Industry a réalisé avec succès, un test de ses installations en 2020 en broyant un peu plus de 4 000 tonnes de fèves de cacao.Pour mettre sur pied l’entreprise, le promoteur a bénéficié d’un accompagnement permanent de l’État. Dans le cadre du pro-gramme Agropoles, le Minepat a en effet accordé un financement de 1,2 milliard de FCFA pour ren-forcer les équipements de produc-tion et pérenniser l’approvisionne-ment en fèves (matière première)

La société Neo Industry SA est non seulement l’un des fleurons de l’industrie camerounaise, mais aussi le porte-flambeau d’un partenariat public-privé qui conforte le gouvernement dans ses options stratégiques pour la relance de l’économie.

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 51

auprès des jeunes cultivateurs de ca-cao. Le promoteur a également été assisté par le pro-gramme Agropoles, afin de bé-néficier des autres incitations à l’investissement accordées par les pouvoirs publics. L’économie nationale boostée

Financée à ce jour à près de 54 milliards

de

F C F A , N e o - I n -

dustry SA est bâtie sur une su-

perficie de 4,5 ha. L’usine va transformer annuellement 33 000 tonnes de fèves de cacao, avec près de 26 000 tonnes de pro-duits finis (beurre, poudre et masse de cacao). Lors de la cé-rémonie d’inauguration en 2019, le Premier Ministre déclarait que la naissance de cette entreprise rentre en droite ligne de la poli-

tique économique définie par le Chef de l’État, qui prescrit qu’au moins 40% de la produc-

tion agropastorale du pays soit transformée localement à l’hori-zon 2020. Le fonctionnement de cette agro-industrie permettra au Ca-meroun, selon le Ministre du Commerce, Luc Magloire Mbar-ga Atangana, de « sortir de la politique ancienne qui consiste à produire des fèves pour les ex-porter en totalité. Ne serait-ce qu’en raison du déséquilibre commercial entre l’offre et la demande qui ne profite pas aux producteurs locaux, la trans-formation d’une bonne partie de ces productions s’impose comme un atout ».

Investissement

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Une entreprise futuriste

Une révolution pour le Cameroun, positionné à la cinquième place mon-diale des producteurs de l’or brun, avec environ 330 000 tonnes récoltées par an. De même, précise Gabriel Mbairobe, le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, « le ca-cao est l’une des principales sources de rentrée de devises au Cameroun avec plus de 15% des revenus d’ex-portation en général et près de 30% des exportations hors pétrole. Ce qui représente 2,1% du produit intérieur brut ».Plus concrètement, c’est environ 500 000 hectares de plantations qui sont exploités comme principale source de revenus pour 500 à 600 000 familles dans les zones rurales de 8 des 10 régions du Cameroun. « Neo-Industry SA doit absorber près de 10% de la production nationale au départ, avec la possibilité d’accroître ses besoins. Cela va rassurer les pro-ducteurs locaux sur leurs capacités à vendre facilement leur cacao au pays, en ces temps où les facilités ne sont pas toutes réunies pour l’écoulement du cacao national brut sur le marché

international », précise dans la même veine, Michael Ndoping, directeur général de l’Office natio-nal du cacao et du café (ONCC).

Un marché prometteur

Pour concurrencer ses princi-paux challengers directs dans la transformation du cacao, Neo Industry a dû s’arrimer très vite aux normes internationales, en construisant l’une des meilleures usines d’Afrique subsaharienne. Surtout qu’à côté des géants tels que Barry Callebaut et Cargill, qui ont des tentacules en Afrique, il y a l’Atlantic Cocoa Corporation (ACC) de l’ivoirien Kone Dosson-gui, qui a consenti à investir dans la mise en place à Kribi d’une usine de traitement et de trans-formation du cacao, pour obtenir des produits tels que le beurre, le tourteau et la poudre de cacao. Selon Félix Lepri Lagbo, direc-teur de l’usine, « Neo Industry SA a lourdement investi pour sa construction en respectant toutes

les normes. Un cahier de charge a été dressé avec tous les parte-naires, avec des spécifications qualité. L’usine et ses produits sont aux standards internationaux et répondent à la démarche qua-lité avec une rigoureuse certifica-tion du process ». Avec ses produits de qualité la-bélisés made in Cameroon, Neo Industry compte exploiter le filon des Accords de Partenariat Eco-nomique pour aller à la conquête des divers marchés classiques, et aussi des nouveaux marchés que constituent la Chine, l’Inde et les autres pays asiatiques.En Afrique, l’entreprise entend conquérir l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb. La zone de libre-échange continentale afri-caine devrait lui ouvrir l’accès à un marché d’un milliard 300 millions de consommateurs.

Eric Vincent Fomo

INVESTISSEMENT

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Comment se porte le pro-gramme Agropoles au-jourd’hui ? Je voudrais d’emblée dire

que le programme Agropoles, est l’un des rares programmes financé exclu-sivement par le Budget d’Investisse-ment Public (BIP) de la République du Cameroun. Pour dire en d’autres termes que malgré les temps assez difficiles que connaissent les finances publiques, du fait des multiples sollici-tations que nous connaissons tous, le programme se porte bien. Nous avons pendant quelques temps connu des difficultés notables en termes d’ac-compagnement de nos partenaires agriculteurs dans le financement des investissements. Je pense que la hié-rarchie actuelle du MINEPAT a don-né une nouvelle impulsion au pro-gramme, avec le paiement récent à concurrence d’un milliard de FCFA, des dettes accumulées. Je n’aime pas beaucoup parler du fonctionnement, car comme dans toutes les adminis-trations publiques, le fonctionnement est régulièrement assuré, le personnel sous contrat est régulièrement affilié à la CNPS avec des cotisations tout aussi régulièrement versées.

Quel bilan faites-vous de ce pro-gramme, sept ans après son lance-ment ?« Le moi est haïssable ». C’est pourquoi cette question mériterait d’être posée aux bénéficiaires directs que sont les agriculteurs. L’observation du compor-tement du marché en est également

un indicateur. Dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre agricole et aussi du vieillissement notable des agriculteurs, tout comme des exploitations agri-coles, le programme Agropoles a été conçu pour contribuer à la résolution de l’écart entre la demande et l’offre des produits agropastoraux. Ledit programme n’est pas un outil isolé. Aussi, vient-il en renfort à l’action des sectoriels, qui sont à la base des études de faisabilité des organi-sations paysannes qui sollicitent

un accompagnement. Le bilan, le meilleur est appré-ciable à travers quelques faits et notamment au niveau de l’at-ténuation de certaines dérives. Dans le secteur halieutique, par exemple, le Conseil de cabinet de février 2019 a relevé que grâce au programme Agropoles le pays a pu, depuis 2017, réduire de 52 milliards de FCFA les importa-tions de poissons. En dépit de la survenue en 2016 d’une seconde épizootie aviaire de source grip-pale, le poulet est à nouveau dis-

ADRIAN NGO’O BITOMO

« La réussite et la satisfaction sont perceptibles »Le Coordonnateur national du programme Agropoles présente la contribution au Produit intérieur brut de ce programme important pour la transformation structu-relle de l’économie camerounaise.

Investissement

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202154

ponible sur le marché au même prix qu’avant. Le poulet de 1,5 kg coûte sensiblement 2500 FCFA. Les œufs de table ont retrouvé leur niveau des prix d’avant l’épizootie, soit 1350 FCFA l’alvéole. Le manioc de Batou-ri est commercialisé sur les places de Yaoundé et de Douala et même au-delà de nos frontières ; etc.Bien évidemment, ceci n’est pas que le fait du programme Agropoles. Il conviendrait de relever que les mul-tiples investissements opérés çà et là, notamment en termes de construc-tions et équipements divers, ne sont pas l’œuvre des amateurs, mais le produit des hommes et femmes qui ont adopté l’agriculture comme moyen pour se faire de l’argent.

Quelle a été la situation des uni-tés lorsque vous preniez le pro-gramme ?Lorsque nous prenions le programme en main, les unités de fabrique d’ali-ments pour bétail se comptaient au bout des doigts à Yaoundé. Celles que nous avons trouvées étaient pour l’essentiel importées.

Aujourd’hui, est ce que ces unités s’achètent toujours à l’étranger ? À ce jour, un broyeur-mélangeur d’une tonne/heure se fabrique à Yaoundé à moins de 4 millions de FCFA, alors que des ateliers pour le faire foisonnent. Des extrudeuses pour fabriquer l’aliment flottant du poisson étaient une vue de l’esprit. Présentement, des importateurs des-dits équipements sont visibles sur les places de Yaoundé et de Douala. La toute première castreuse pour faire de la semence de maïs en quantité est disponible au Cameroun. Grâce

au programme Agropoles, 68 kits de tracteurs ont été distribués et ont permis une augmentation si-gnificative de la production de maïs, d’ananas et de pomme de terre. Le seul agropole pomme de terre de l’Ouest a une production qui avoisine 80 000 tonnes.

Qu’en est-il du poivre ?Le poivre, bien qu’ayant reçu d’autres accompagnements, a bénéficié d’une communication appropriée du programme Agro-poles au point de devenir une niche. Par ailleurs, il conviendrait de signaler qu’actuellement, le programme a permis de mettre en place environ 98 ha de culture alors que deux boutiques témoin « Agropoles Shop » sont visibles à Douala et Yaoundé. Au-delà de la commercialisation du poivre, elles

exposent le « made in Cameroon » en termes agroalimentaires.Le bilan peut également s’appré-cier en termes d’emplois créés, plus de 25 000 en cumulant les em-plois saisonniers et permanents, une centaine de conducteurs d’engins et équipements agricoles (tractoristes). Les agropoles em-ploient à ce jour, des Ingénieurs de conception, des techniciens et autres cadres techniques issus du système national de formation. Pour dire en d’autres termes qu’il ne s’agit pas uniquement des em-plois précaires, mais aussi et très souvent d’emplois décents.La mise en œuvre du programme n’aura pas été un long fleuve tranquille, au contraire, il a fallu quelques fois et sur trois ans, opé-rer des choix très difficiles. Mais, le programme respire, il vit et sur

INVESTISSEMENT

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 55

l’ensemble du territoire bien évidem-ment avec des regroupements consi-dérables d’agropoles dans deux ou trois régions, qui sont soit de grands centres de consommation, soit des bassins avec une main-d’œuvre abon-dante et généreuse.

Le programme devait aussi réduire les déficits de production dans le secteur de l’agriculture, et donc li-miter les importations de certaines denrées alimentaires. Peut-on dire que cet objectif a été atteint ?Je répondrai sans hésiter par « non » et « oui ». Non parce que sur une période de sept ans en agriculture et dans l’agro-industrie que nous visons, ce n’est même pas le temps de la concep-tion, de la recherche de financement et de la réalisation d’un investisse-ment porteur. L’heure au programme agropoles n’est pas au bilan. Les plan-

tations d’avocatiers en cours de mise en place dans le Noun et les Bamboutos depuis 2016, commencent seulement à porter les fruits. Les couvoirs envisagés pour les œufs de table de Nkon-gni et de Babété sont en cours d’installation ; les constructions d’étables en vue de l’embouche bovine dans le Mayo Banyo et le Mbéré ne sont pas achevées ; il en est ainsi des unités de trans-formation de l’ananas en jus et confiture.Maintenant, en répondant par l’affirmative, je m’appuie sur le fait que l’action du programme a permis, au-delà de limiter les importations, d’aller vers des marchés de plus en plus lointains. Le tourteau de soja issu de So-proicam permet non seulement de maintenir le prix du poulet à 2 500 FCFA l’unité, mais aussi contribue à fragiliser l’oligopole fait par quelques importateurs véreux. Ceux-ci avaient déjà por-té cet intrant dans l’élevage à

24 000 FCFA le sac de 50 kg. Ledit sac est aujourd’hui vendu entre 16 000 et 18 000 FCFA. Aussi, faut-il souligner, cet industriel (Soproi-cam) n’importe plus la graine de soja qu’il transforme. Les importants apports du maïs sur le marché ont permis de dimi-nuer les importations de celui-ci, donné du travail à des milliers de familles, etc. La pomme de terre, le poivre, les œufs permettent de trouver à l’extérieur, les devises dont le pays a besoin pour équili-brer sa balance commerciale.

De tous les projets qui ont bé-néficié de votre appui, quel est celui dont la mise en œuvre est un exemple de réussite ? Le projet de transformation du cacao de Kekem pourrait être considéré comme un modèle de réussite, au même titre que le projet soja, encore conviendrait-il de voir ce que les promoteurs vont en faire et ce que le mar-ché malheureusement extérieur

Investissement

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va réserver aux produits qui en sor-tiront. Un modèle de réussite parce qu’au-delà des modiques apports des pouvoirs publics, et malgré la morosité ambiante, nous avons ac-compagné avec succès le jeune pro-moteur dans les négociations en vue de lever des financements bancaires.Le soja fait déjà la fierté du pays dans le secteur des oléagineux, mais aus-si, et surtout, des éleveurs quand bien même le tourteau n’est qu’un sous-produit. Le café, l’ananas, l’avo-cat, le manioc ne sont pas encore au stade de la transformation dans notre adresse des chaines de valeurs agri-coles. La réussite et la satisfaction sont donc perceptibles. Je pense que le meilleur est à venir.

Quelles perspectives tracez-vous pour le Programme Agropoles ? Une mission d’audit et d’évaluation du programme est envisagée à l’ef-fet d’apporter un regard externe à son quotidien. Cette évaluation sous-entend un nouveau départ. Le programme a durant les sept années, testé un changement de paradigme dans notre approche agricole. Il a ac-cumulé des expériences bonnes et moins bonnes, à implémenter dans l’avenir pour celles qui sont positives. Pour celles qui sont moins conformes, il faudra travailler pour rectifier le tir.Le haut discours des instances appro-priées reste constant dans l’approche choisie par le programme, à savoir intensifier, développer des exploita-tions de moyenne et grande impor-tance, transformation plus poussée et conditionnement des produits agropastoraux. L’embouche bovine contribuera à l’industrialisation du

secteur tel que projeté par le Mi-nistre en charge de l’Élevage avec l’abattoir industriel de Ngaoun-déré. Il est question d’opérer la même révolution dans le secteur du poisson, comme cela s’est pas-sé avec le poulet. Arriver à insérer les céréales locales et autres fécu-lents locaux dans la panification ou la fabrication de la bière consti-tuent pour l’équipe du projet, des objectifs à atteindre. Ils sont à por-tée de main. La hiérarchie du Ministère de l’Économie, qui y croit, vient en fait de décider de la rédaction d’un nouveau document de projet du programme. Les missions qui nous sont confiées dans le cadre du Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance économique (Planut) ou encore la décision stratégique d’ouvrir la première unité interrégionale du programme pour un meilleur maillage du territoire en sont des gages.

En un mot, l’objet du programme Agropoles a été réaffirmé dans la SND30 (Stratégie nationale de développement 2020-2030) en termes de développement des agro-industries. Le nouveau do-cument projet du programme Agropoles s’arrime parfaitement à cette vision, qui a toujours été la mission première du programme, à savoir le développement des fi-lières fondé sur les chaînes de va-leur agropastorales. Ce document est disponible depuis décembre 2020. 2021 est pour nous considé-rée comme une année charnière durant laquelle, avec le haut appui de la hiérarchie, nous allons re-chercher les financements en vue de sa mise en œuvre.

Interview réalisée par Pascal Dibamou

INVESTISSEMENT

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Le concept de la transforma-tion de matières premières locales en produits finis n’a plus de secret pour Clovis

Tchoupa. Autant dire qu’il en a fait son affaire. Sa principale activité au quotidien, consiste à manier le bois, pour lui donner la forme des guitares. L’amour pour ce métier, remonte à sa prime enfance. « J’ai toujours souhaité devenir un très grand fabriquant de guitares. Je ta-touais cet instrument sur certaines parties de mon corps. », indique-t-il. Le défaut de moyens pour pour-suivre ses études ne lui a pas fait baisser les bras. Après y avoir mis un terme au CM2, il va prendre la décision de se consacrer à sa pas-sion : la menuiserie. Il quitte son Ouest natal pour se rendre dans la capitale économique, Douala. Au cours des sept ans de formation passées dans une menuiserie de fortune, Clovis Tchoupa peaufine son art. L’approvisionnement en matière première semble ne pas être une équation difficile à ré-soudre pour Clovis. « En tant que menuisier, je n’éprouve pas de difficultés particulières à m’appro-visionner. Nous avons nos réseaux d’approvisionnement. Une fois en possession du bois, je n’ai qu’une seule chose à faire, le poncer et lui donner la forme d’une guitare », déclare-t-il. A force de travailler, les résultats suivent.

Clovis Tchoupa fabrique en moyenne 30 guitares par mois. L’unité est vendue entre 50.000 et 95 000 F. En termes de vente,

affirme-t-il, « pour les deux pre-mières semaines du mois de fé-vrier 2021, j’ai vendu deux gui-tares. En quatre ans d’exercice de ce métier, j’ai liquidé environ 200 guitares. » Les clients de Clo-vis Tchoupa se recrutent dans les hautes sphères de la musique ca-merounaise. Ses publications sur les réseaux sociaux vont contri-buer à accroître sa notoriété. Au point d’attirer vers lui de grands artistes à l’instar de Christian Solo ou encore la méga giga star Belka Tobis. Cette activité lui permet d’ailleurs de se prendre en charge. « C’est la menuiserie qui me fait vivre, c’est-à-dire que c’est grâce à cette profession

que je paie mon loyer et règle mes autres charges incompres-sibles. » Mais pour ce jeune en-trepreneur à la vingtaine révolue, il n’est pas question de s’arrêter en si bon chemin. « J’ai envie de me faire connaître davantage », précise-t-il. Mais pour atteindre cet objectif, Clovis Tchoupa sou-haite mettre sur pied sa propre structure. Ce besoin est d’ailleurs pressant, car Clovis Tchoupa est de plus en plus sollicité et ses congénères lui font déjà des ap-pels de pied pour se mettre à sa « petite école », confesse-t-il.

CLOVIS TCHOUPA

L’art de transformer le bois en guitareCe jeune de 29 ans séduit l’univers artistique dans la capitale économique à travers la fabrication de cet instrument. Les retombées se comptent à la pelle. Et il déborde d’ambitions.

TERROIR

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Sous un soleil de plomb un vendredi de d’avril 2021, les voyageurs de retour de l’Ouest font escale à

Ekoum-douma, petite bourgade si-tuée entre le péage de Nkometou et le carrefour Obala. Dans cet endroit devenu célèbre, se trouve une pe-tite grillade spécialisée dans les bro-chettes d’escargots. « J’aime les escargots pour leur goût. Leur chair n’est pas fibreuse comme les autres viandes. C’est vraiment un régal quand c’est bien préparé », confie Pierre Zebaze, chauffeur dans une agence de voyage. Même son de cloche chez Hortense Assamba, institutrice qui déclare qu’au-delà du goût et du prix attractif, les escargots séduisent par leur valeur nutrition-nelle.

Jeanine Mvondo, responsable de la grillade d’Ekoum-Douma, éva-lue son chiffre d’affaires journalier en centaine de mille. « Un jour comme celui-ci, nous accueillons les amateurs de la viande d’escar-got. Nous ne parvenons pas à sa-tisfaire les clients, tellement la de-mande est forte », indique-t-elle.Plusieurs restaurants de la ville de Yaoundé, ont fait de la viande d’escargot une spécialité. C’est le cas du restaurant PenjaLand situé au quartier Essos à Yaoundé. Le chef cuisinier, Armand Kameni, fin gourmet en la matière, accueille chaque semaine dans son établis-sement, des centaines d’amateurs de viande d’escargot. « Dans ce restaurant, nous offrons des plats d’escargots sautés, en brochette. L’escargot est le plat phare du res-

taurant, c’est un menu qui se fait tous les jours ici. Nous le mettons à la disposition des clients 24h/24h », explique Armand Kameni. Mais pour tous ces restaurateurs, l’approvisionnement demeure un casse-tête. « Nous avons des éleveurs à Dschang, à Obala et des livreurs au marché du Mfoun-di. Nous nous appuyons sur ces réseaux de fournisseurs pour ne pas avoir de ruptures de stocks», confie le chef cuisinier de Penja-Land. Il conclut en déclarant « En saison sèche les escargots sont rares, mais l’activité reprend de plus belle dès le retour des pluies ». L’élevage des escargots se ré-vèle donc un filon à exploiter.

Ferdinand Lemofouet

VIANDE D’ESCARGOT

Un régal pour les palaisTrès consommée par une grande franche de la population, la viande d’escargot fait désormais partie des menus proposés dans les restaurants du pays.

DECOUVERTE

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iImageArrêtsur…

Le Cameroun séduit le monde

INFRASTRUCTURES SPORTIVES

L’organisation du Championnat d’Afrique des nations a étalé aux yeux de l’Afrique et de la planète des stades de niveau internatio-nal que les amateurs de football ne cessent d’apprécier.

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Il suffisait d’oser. Et ça le Cameroun a su le faire en offrant au monde entier des infrastruc-tures sportives aguicheuses au cours du dernier Championnat d’Afrique des nations de football (CHAN). Entraineurs, joueurs, supporters, officiels de la Confédération africaine de football (CAF) ont tous été séduits par la qualité des stades. Au point de ne tarir d’éloges à l’endroit des autorités camerounaises.

Stade Ahmadou Ahidjo :

indétrônable 49 ans d’âge et toujours aussi séducteur... Le stade Ahmadou Ahidjo construit au quartier Mfandena à Yaoundé est un habitué des grandes compétitions internationales. Après avoir pris un coup de vieux ces dernières années, il a été relifté. Il a, à cet effet, accueilli la Coupe d’Afrique de nations (CAN) féminine en 2016, puis le CHAN en 2021 et s’apprête à servir de nouveau lors de la CAN 2022. Tout dans ce stade donne envie d’y pousser le ballon. Les gradins, les vestiaires, les loges et notamment l’espace média ont fait peau neuve. La cuvette de 40 000 places est plus que jamais adaptée aux exigences internationales.

« La Réunification » :

ARRET SUR IMAGE

une seconde vieSœur jumelle du stade Ahmadou Ahidjo, l’in-frastructure a été construite en 1972 pour abriter la CAN. Ce joyau a par la suite servi à l’équipe my-thique de l’Union de Douala en coupes africaines des clubs. N’ayant pas subi de relookage, le stade a pris des rides qui ne donnaient plus envie d’y livrer des parties de football. Après un récent coup de neuf, le stade situé en plein cœur du quartier Bépanda a dévoilé son charme lors du dernier CHAN. Là aussi, la qualité de la pelouse (gazon naturel) a marqué les esprits des différentes délé-gations. Ce stade est désormais doté de deux ter-rains d’entraînement et un gymnase multisports.

Japoma :

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 61

charmante infrastructure Ce stade a conquis les cœurs et presque tué de plaisir tous ceux qui y ont séjourné. Les images ayant fait le tour du monde ont fait dire aux uns et aux autres qu’il est l’un des meilleurs du monde. Supporter, officiels de la CAF et autres curieux voulaient y prendre des photos sou-venirs. À l’image d’un vaisseau spatial, ce stade de 50 000 places construit par le groupe turc Yenigun et livré en 2019 est d’un charme tout particulier. Il dispose de deux stades annexes de 2000 places chacun et d’une piscine olympique de 8 couloirs et 1000 places.

Stade omnisport de Limbé :

un air d’AtlantiqueL’atout majeur du stade omnisport de Limbe est la vue imprenable qu’il offre sur l’océan atlantique. Livré en 2014, il est situé à moins de dix kilomètres du centre-ville. Doté d’une piste d’athlétisme, d’une aire de jeu en ga-zon naturel, des voies d’accès adaptées aux personnes handicapées et des installations de pointe pour la presse. Il possède éga-lement deux stades annexes et un parking. C’est également l’un des stades construits dans le cadre du programme national de dé-veloppement des infrastructures.Junior Matock

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202162

La maturation des projets comme gage d’ef-ficacité de l’action de l’État, permet une exécution harmonieuse et satisfaisante des projets d’investissement public au bénéfice

de la demande économique et sociale.

La transformation structurelle de l’économie came-rounaise et la promotion du développement inclu-sif sont au cœur de la Stratégie nationale de déve-loppement 2020-2030 que le gouvernement vient d’adopter. L’atteinte de ces objectifs de dévelop-pement socio-économique passe inéluctablement par une parfaite maîtrise du processus de matura-tion des projets d’investissement public.

En effet, les résultats des travaux de suivi-évalua-tion de l’investissement public invitent à se pen-cher résolument sur la bonne préparation des pro-jets avant leur inscription au budget de l’État ou de celui de ses démembrements. Et pour cause, il est observé que les administrations publiques n’ont pas encore pris la pleine mesure de l’intérêt que re-vêt la maturation des projets dans le processus de préparation et d’exécution du budget de l’État. En clair, il apparait une rigueur insuffisante dans la pré-paration desdits projets. Toute chose qui conduit à l’abandon de nombreux projets, la prolifération des avenants, des retards dans l’exécution de cer-

INVESTISSEMENTS PUBLICS

La maturation des projets comme gage d’efficacité de l’action de l’ÉtatElle permet une exécution harmonieuse et satisfaisante des projets d’investissement public au bénéfice de la demande économique et sociale.

BON À SAVOIR

tains d’entre eux, des malfaçons, ou encore l’exécu-tion partielle ou la non-exécution des projets du fait d’une évaluation approximative, etc. C’est fort de ce tableau peu reluisant, et au vu des effets vertueux de l’investissement public sur le dé-veloppement économique et social, que le gouver-nement accorde une place de choix à la probléma-tique de la maturité des projets d’investissement public. Par cette démarche, il est question de ren-forcer l’efficacité de la dépense publique dans un contexte de ressources limitées, en garantissant le succès des projets dans leur mise en œuvre ; et de s’inscrire dans une logique de résultats, afin d’at-teindre les objectifs définis dans la SND-30.

Bien plus, la maturité des projets répond aux exi-gences des partenaires techniques et financiers du Cameroun et celles de la réforme budgétaire tra-duite par la loi du 11 juillet 2018 portant régime fi-nancier de l’État, et le décret du 21 juin 2018 fixant les règles régissant le processus de maturation des projets d’investissement public. Il s’agit davantage de donner corps à l’interpellation du chef de l’État, Paul Biya, à l’endroit des administrations publiques, d’augmenter le taux de consommation des crédits alloués au budget d’investissement public, pour avancer sereinement vers l’émergence souhaitée.

Adonis Abondo

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 63

ALAIN NTEFF

Le Serial-winner révolutionne la santé par les TICCe diplômé de l’école polytechnique accumule les prix nationaux et inter-nationaux, dont le fruit permet à son équipe de développer des applications numériques facilitant l’accès aux soins de santé.

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202164

Contrairement à son habitu-de, en 2020, Alain Nteff n’a pas gagné un nouveau prix récompensant son ingénio-

sité dans la recherche des solutions innovantes visant à faciliter l’accès aux soins de santé au Cameroun et en Afrique. Mais, l’ingénieur informa-ticien de 28 ans, diplômé de l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, a réalisé une nouvelle prouesse l’année dernière. À travers sa start-up Healthlane, il a annoncé, le 7 septembre 2020 sur son compte Twitter, avoir clôturé avec succès une levée de fonds de 1,3 milliard de FCFA. La mobilisation de ces finan-cements s’est faite par crowdfunding, technique de financement partici-patif qui permet aux start-ups de se départir des contraintes du marché traditionnel des capitaux.À en croire Alain Nteff, les fonds ainsi mobilisés permettront de dé-velopper l’application Healthlane, qui compte déjà plus de 60 000 uti-lisateurs au Cameroun et au Nigeria. Cette plateforme, qui met en relation les patients, les médecins, les hôpi-taux et les pharmacies, combine des services médicaux à distance et sur le terrain. « Ne passez pas 5 heures à

attendre pour recevoir des soins. Prenez rendez-vous avec health-lane et soyez reçu immédiatement à votre arrivée. (…) Un médecin affecté à la santé de votre famille, vous permettant de prendre des décisions éclairées et vous offrant des services de santé illimités », indique en guise de réclame cette plateforme, qui permet égale-ment d’obtenir des consultations à distance, des visites médicales à domicile, ou encore des livraisons de médicaments…Avec Healthlane, Alain Nteff reste sur le créneau qui l’a révélé il y a quelques années : la facilitation de l’accès aux soins de santé, y com-pris par les populations des zones rurales. En effet, capitalisant sur le taux pénétration du mobile au Ca-meroun, ce jeune ingénieur a déjà conçu, il y a quelques années, l’ap-plication baptisée « GiftedMom ». Grâce à cette trouvaille, des SMS sont envoyés aux femmes pour leur rappeler les dates de leurs visites prénatales, pour celles qui sont enceintes, ou de vaccination des enfants, pour celles qui ont récemment accouché. Grâce à ce service, apprend-on, le nombre de décès des suites d’accouchements

a considérablement diminué dans les zones où le projet GiftedMom est implémenté, et les centres de santé partenaires ont vu leur taux de consultations prénatales aug-menter de 35% en 2 ans.

Collectionneur de prixC’est cette première innovation, aujourd’hui déployée dans plu-sieurs pays en Afrique et récem-ment à l’essai à Haïti, qui a révélé le jeune Alain Nteff aux yeux du monde. Grâce à cette trouvaille, ce jeune camerounais a rempor-té plusieurs distinctions dans son pays et à l’international. Concrète-ment, en 2014, il remporte le prix du meilleur entrepreneur social de l’Afrique décerné par la Fondation Mastercard, ainsi que le prix Anzi-sha, assorti d’une récompense de 25 000 dollars. Ce dernier sacre permet au jeune entrepreneur de participer au World Econo-mic Forum (WEF), la grand-messe des opérateurs économiques du monde entier. Au cours de cette rencontre, Alain Nteff noue un partenariat avec la firme agro-ali-mentaire Nestlé, qui est devenue le « premier client » de sa start-up, précise-t-il.En 2015, le jeune innovateur came-rounais reçoit à Libreville, au Ga-bon, le Prix de la jeune entreprise africaine décernée à l’occasion du New York Forum Africa, et est à nouveau finaliste du Prix Anzisha cette année-là. Son premier sacre dans son pays survient en 2016. Avec le Prix start-upper de l’année de Total Cameroun, qu’il décroche quelques mois seulement avant de se voir attribuer le prix du Com-monwealth de la meilleure appli-cation en e-santé.

Brice R. Mbodiam

le plus du Mag

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 2021 65

L’ECO FACILE Chiffres les plus

marquantsde l’économie en 2020

Produit intérieur brut (PIB)

Endettement public

Prêt concessionnel

Transformation structurelle

Fonds de contrepartie

Inflation

Solde budgétaire

Solde des transactions courantes

Le PIB est un indicateur économique qui permet de mesurer la richesse créée par tous les agents économiques, privés et publics, au sein d’un pays ou sur une zone géographique au cours d’une période don-née. En d’autre terme, c’est la somme des valeurs ajoutées générées par l’ensemble des agents économiques en activité sur une zone géographique donnée. Son évolution d’une période à l’autre est communément appelé le taux de croissance du PIB. Cet indicateur qui est donné en pourcentage apprécie l’évolution de la créa-tion de richesse.

L’endettement, « au sens de Maastricht », représente le total de toutes les dettes de l’État, résultant des emprunts que ce der-nier a émis ou garantis. Au Cameroun, après s’être pendant longtemps restreint à la dette globale de l’administration centrale, l’endet-tement s’étendra désormais, conformément aux conventions internationales, à l’ensemble des emprunts contractés par tous les établis-sements et entreprises publics, puis aux CTD. Sa gestion est assurée par la Caisse autonome d’amortissement (CAA). Notons également que l’endettement est comptabilisé en terme brut, dans le sens où les actifs financiers des administrations publiques (administration centrale, entreprise et établis-sements publics, CTD) ne sont pas déduits de leurs dettes. Aussi, il représente une valeur de stock et non de flux, qui est donné en ratio du PIB. En zone CEMAC, l’endettement d’un pays ne devrait pas excéder 70% du PIB.Par ailleurs, il faut relever que l’endettement peut se diviser en endettement intérieur (li-bellée FCFA) et endettement extérieur (li-bellée en devise étrangère).

Un prêt concessionnel, à l’opposé du non concessionnel, est un prêt obtenu à un taux nul, ou à défaut, inférieur au taux du marché. Il se caractérise également par des niveaux de maturité assez éle-vés, pouvant aller jusqu’à 10 ans. Cette catégorie de prêt est ma-joritairement obtenue auprès des partenaires multilatéraux (FMI, BM, BAD, AFD, UE, etc.). Il peut également être obtenu des par-tenaires bilatéraux, qui sont habituellement des gouvernements étrangers. Les prêts non concessionnels quant à eux sont octroyés par les banques privées, habituellement les banques d’exporta-tions, et sont encore appelés prêts commerciaux. Ils sont caractéri-sés par des taux d’intérêt plus élevés et des maturités plus faibles. Sur la base de ces types de prêts, l’endettement peut également être réparti en endettement concessionnel et non concessionnel.

Plusieurs définitions existent pour ce terme, en fonction de la conception de l’organisme qui l’utilise. Toutefois de manière générale, et en droite ligne des objectifs de la vision de déve-loppement à l’horizon 2035, la transformation structurelle signi-fie la réallocation de l’activité économique des secteurs à faible productivité vers ceux où elle est plus forte, permettant ainsi de maintenir une croissance forte, durable et inclusive.Ce processus est généralement caractérisé par au moins deux faits stylisés : (i) l’augmentation de la part du secteur manufactu-rier et des services à forte valeur ajoutée dans le PIB, couplée avec une baisse soutenue de la part de l’agriculture ; et (ii) la baisse de la part de l’emploi agricole et le transfert des travailleurs vers les autres secteurs plus productifs de l’économie.

Dans le cadre de la réalisation des projets sur financements exté-rieurs (FINEX), les fonds de contrepartie représentent en réalité la contribution nationale au financement du projet. Ils sont habituel-lement supportés par le gouvernement sous forme de paiement des droits de douanes, de TVA ou diverses autres taxes.

L’inflation est un indicateur économique qui permet d’apprécier l’évolution des prix dans un pays ou dans une zone géographique donnée. Il existe plusieurs techniques de calcul. Au Cameroun, l’inflation est apprécier à par-tir de l’Indice des prix à la consommation (IPC). L’évolution de cet indice est commu-nément appelé le taux d’inflation. A cet effet, une évolution positive traduit une perte de pouvoir d’achat des agents économiques. Les conséquences de l’inflation varient se-lon son niveau, son origine et la structure de l’économie qui la subit. La principale mission de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) est de favoriser une maitrise de l’in-flation à un niveau inférieur à 3%.

Le solde budgétaire représente la différence entre le niveau total des recettes (hors dons) et le niveau des dépenses constatées dans le budget de l’État. Lorsque ce solde est positif, il s’agit d’un excédent. Dans le cas contraire, on parle de déficit. Plusieurs va-riantes du solde budgétaire existent. En de-hors du Solde budgétaire globale qui fait référence à la définition susmentionnée, on distingue notamment le solde budgétaire primaire obtenu en retranchant du solde global, le paiement des intérêts sur la dette publique. Il permet de mieux apprécier le poids de la dette sur les finances publiques

La balance courante d’un pays est la somme de la balance commerciale, c’est-à-dire des flux monétaires résultant des échanges de biens et services de ce pays avec l’étranger (exportations nettes des importations), de sa balance des revenus (sur facteurs de pro-duction) et de sa balance des transferts courants.Elle est particulièrement scrutée par les économistes, car elle traduit la capacité ou le besoin de financement en devises exté-rieures de l’économie nationale. En effet, on considère qu’une balance courante positive (= un excédent courant) permet aux rési-dents du pays concerné de rembourser leurs dettes ou de prêter à des résidents d’autres pays, et qu’une balance courante négative (= un déficit courant) est compensée par les résidents en contractant des emprunts dans d’autres pays, en y liquidant des actifs (actifs extérieurs nets), ou en faisant des bénéfices grâce à l’effet de valorisation associé à leurs actifs extérieurs nets.

0,8%

2,5%

43,6% du PIB à fin décembre 2020 (environ 10 334 milliards de FCFA), dont 65,2% de dette extérieure.

-3,1% du PIB(solde budgétaire global)

-4,0% du PIB

EMERGING CAMEROON - N°003 Mai - 202166