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    Les Peulhs, les Senoufo et les vtrinaires

    Pathologie dune opration de dveloppement dans le nord de la Cte dlvoire

    Claude ARDITI

    propos des agriculteurs Senufo du nord de la Cte dIvoire et de leur relation avec le btail,

    Louis ROUSSEL crit : Etranges leveurs qui (...) prouvent une crainte assez tonnante

    lgard des bovins. Etranges leveurs qui laissent errer le troupeau ou le confient des Peulhs.

    Etranges leveurs qui tuent assez facilement la vache du voisin si elle sgare dans leurs

    champs digname ou de riz. (1965 : 73) On aurait pu penser quun tel jugement surLtranget de leurs comportements aurait dcourag dfinitive ment vtrinaires,

    zootechniciens ou conomistes chercher ici des leveurs dynamiques et motivs. Il

    nen a rien tet une vaste opration de dveloppement de llevage a tengage dans le

    nord de la Cte divoire ds 1972. Cest lhistoire, parfois mouvemente, des relations entre

    les Senufo, les Peulhs, et les agents de la Socitpour le dveloppement des productions

    animales (SODEPRA) que nous voudrions retracer.

    Cette opration sinsrait dans un programme ambitieux de mise en valeur de la zone de

    savane reste lcart du dveloppement qui a marqu la zone forestire o se sont

    dveloppes les plantations de cafet de cacao. Ces disparits entre le Nord et le Sud du pays,

    Ltat ivoirien esprait les attnuer par une politique volontaristeimpliquant la cration de

    complexes agro-industriels (sucre), le dveloppement de la culture cotonnire et de llevage.

    Aussi bien par son milieu naturel que par ses populations, la zone de savaneapparaissait

    plus proche des pays voisins, Mali ou Burkina Faso, que du Sud forestier. Elle faisait partie,

    dans les reprsentations de la classe politique, dun Nord sahlien plus vaste, priodique

    ment touch par la scheresse. Archaque car peu scolarise, elle est reste lcart du

    miracle ivoirien et souffrait ce titre dune image ngative. Les fonctionnaires qui y sont

    nomms ne considrent pas cela comme une promotion. En ralit, le programme de

    dveloppement du Nord relve bien davantage de lidologie politique que de

    lconomie. Il sagit dtendre le pouvoir de ltat lensemble du pays afin de distendre

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    symboliquement les liens historiques et culturels qui unissent Malinke, Senufo et Lobi leurs

    homologues situs au-deldes frontires. La justification du projet SODEPRA rpond au

    mme objectif : attnuer la dpendance en btail vis--vis du Mali et du Burkina, en

    dveloppant llevage parmi les populations du Nord.Les Peulhs, trangers maliens ou

    burkinab, sont cependant concerns par cette affaire, cela un double titre : en tant que

    propritaires dimportants troupeaux et comme bouviers des paysans.

    Lopration SODEPRA-NORD comprend deux volets : le projet taurin et le projet

    zbu . Cette dichotomie, fonde sur les races bovines leves respectivement par les Senoufo

    et les Peulhs (1) est symptomatique de lapproche qui a caractrisla conception, la mise en

    uvre ainsi que le suivi de cette opration, comme de nombreuses autres en matiredlevage. labore par des vtrinaires et zootechniciens et reprise par des conomistes, elle

    consiste collecter des donnes quantitatives sur la composition des troupeaux (sexe, ge,

    etc.) et en tirer des conclusions sur leur mode de gestion, sans que propritaires et bergers

    ne soient consults.

    Caractrise par une conception techniciste des questions dlevage, cette (approche

    vtrinaire (Ministre . . . . 1974 : 117) devait permettre de disposer en un court laps detemps dassez dinformations sur les leveurs et leurs troupeaux pour pouvoir rpondre un

    certain nombre de questions juges fondamentales, savoir : limportance globale du

    cheptel, la localisation et les dplacements principaux du cheptel, la structure du

    troupeau.

    Bien que, cette fois les leveurs soient mentionns, il est clair que les informations collecter

    concernent bien davantage les troupeaux (comptages et relevs statistiques) plutt que ceuxqui les possdent ou les gardent. Ainsi le systme de droits rgissant la proprit et la

    transmission des animaux nest jamais voqu. Il en sera question cependant de faon

    indirecte quand, en 1981,la suite de lchec de certains thmes techniques, sera instaurun

    nouveau systme dencadrement, privilgiant slectivement les gros propritaires .

    Une telle volution caractrise dailleurs un grand nombre doprations de dveloppement.

    Dans ce cas, ( lapproche vtrinaire qui est centre sur la notion statistique de troupeau

    et, plus encore, sur celle de troupeau moyen,se caractrise par un refus de considrer la

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    stratification sociale et la rpartition ingale du cheptelqui en est la consquence. Celles-

    ci sauront pourtant rappeler diverses reprises leur importance.

    LES PEULHS EN CTE DIVOIRE

    La prsence peu1h en Cte dIvoire est rcente et circonscrite principalement aux prfectures

    de Ferkessdougou, Korhogo, Boundiali , Tengrela et Odienn. Cette rgion peu infeste en

    glossines est plus favorable llevage des zbus. Dans la zone dense(2) de Korhogo, les

    Peu1hs ne sont prsents quen tant que bouviers des Senufo car la conduite dimportantstroupeaux et la raret du pturage y rendraient leur passage prilleux. On y rencontre

    principalement des Peu1hs originaires du Burkina Faso, particulirement des cantons de

    Barani et Dokuy o, ds lanne 1959, les administrateurs recensent des dparts de familles

    entires. Ils se sont poursuivis jusqu la priode actuelle, vidant ainsi le Boobola de sa

    population (BENOT, 1979). La socitpeulh de Barani fonde sur des lments originaires

    du Macina est compose de deux groupes fondamentaux : les fulbedorigine aristocratique et

    les rimabe (sing. &~a@), anciens captifs. Les fulbeasservissaient les populations locales

    quils utilisaient des fins productives. Depuis leur rcente mancipation, commence au

    dbut du sicle, les rimabe ont eu la possibilit dacqurir du cheptel et de devenir

    autonomes.

    Lmigration vers la Cte divoire a donn naissance en 1964 au premier village de

    Foulabougou (en dioula, le village peulh) :fondpar des habitants de Barani ayant quitt

    le Boobola dans les annes cinquante pour San (Mali)oils ont sjournplusieurs annes.

    En 1973 Foulabougoucomptait prs de 500 habitants, mais les scheresses qui ont affectles

    pays sahliens ont acclrle mouvement vers le Sud. Ce flux continue cependant avoir

    pour origine gographique la zone soudanienne. On rencontre galement en zone dense

    senoufo des Peulhs dont les chefs de famille sont employs comme bouviers. Ils ont perdu

    tout ou partie de leur cheptel et sont venus en Cte divoire pour reconstituer leur troupeau,

    dabord seuls, ensuite avec leur famille. Ils ont conservdes liens troits avec leur socit

    dorigine. Ces deux types de peuplement cohabitent avec une population de bouchers, de

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    commerants de btails, de marabouts et constituent une socit en pleine mutation. Les

    Peulhs tant ici des trangers, ils nont pas fait lobjet de recensement ou denqute

    dmographique.Par contre, leur cheptel a bnficide plus dattention : il tait estimplus

    de 200 000 ttes dans les annes quatre-vingts (BERNARDET, . 1988).

    Lincertitude concernant les effectifs de la population peulh (entre 10 000 et 50 000

    personnes) et les tensions qui ont marqules rapports avec les agriculteurs autochtones et les

    autorits ivoiriennes, sont lorigine de situations trs conflictuelles. Les responsables de la

    SODEPRA et les politiques ont souvent posla question : Les Peulhs ont-ils lintention de

    se fixer dfinitivement en Cte divoire?.Il tait bien entendu impossible dy rpondre de

    faon catgorique, car de nombreux facteurs faisant intervenir les stratgies des diversescomposantes de la socit Peu1 doivent tre pris en considration. Les cadres et les

    encadreurs sont, pour la plupart, originaires de Basse-Cte ; ils participent dune idologie qui

    considre les Peulhs comme des envahisseurs trangers indsirables, mme si leur cheptel

    reprsente lvidence une richesse pour le pays. Il nest donc pas surprenant que ce type

    dapproche ait rencontrleur assentiment.

    diverses reprises, les relations entre paysans senoufo et leveurs peulhs ont pris le

    caractre daffrontements violents. Ainsi en 1974, dans la rgion de Boundiali, aprs des

    dgts causs aux cultures par des zbus, des Senoufo turent des animaux et empoisonnrent

    les points deau. Le prsident HOUPHOUT-BOIGNY fut confrontce problme lors

    de sa visite dans la rgion. Les discours de bienvenue qui laccueillirent, malgr leur

    caractre officiel en firent tat. Il dclara notamment cette occasion : Notre devoir est

    dassurer la protection efficace de vos champs, de vos rcoltes menaces par les animaux

    qui viennent des pays voisins. Des mesures nergiques et appropries permettront de

    mettre fin ce que vous considrez juste titre comme une calamitnon pas rgionale

    mais nationale. (Fraternit Matin du 22.03.1974). Une image de Peulhs venus en Cte

    divoire en cohortes et se dplaant avec leurs troupeaux dun finage villageois un autre, au

    grde leurs humeurs (COULIBALY, 1980) est entretenue par les mdias, aussi bien que par

    certains universitaires et hommes politiques.

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    Cette image est fausse double titre. Dune part, les Peulhs venus du Burkina Faso sont en

    majeure partie originaires de la zone soudanienne oils sont depuis longtemps en contact

    avec des agriculteurs. Dautre part, depuis leur arrive en Cte divoire, ils sont nombreux

    avoir adoptun ingnieux systme de rotation de parcs, qui leur permet, grce limportancede leurs troupeaux, de raliser une association levage-agriculture particulirement efficace

    (LANDAIS; 1983 ; BERNARDET, 1988). Certains pratiquent mme la culture attele.

    Pourtant, limage du Peulh nomadecontinue prdominer jusque chez les encadreurs de

    la SODEPRAqui sont pourtant en contact direct avec les bouviers. Ils supportent mal la

    fiert dont ceux-ci ne se dpartiraient pas, qui fait mauvais mnage avec la pauvretcense

    caractriser leur condition. Leur comportement semble en ce domaine directement li la

    notion de pulaaku.

    LA ZONE SYLVO-PASTORALE DE LA PAL

    En 1982, les effectifs taurins appartenant des paysans (Senoufo, Malinket Lobi) taient

    estims plus de 400 000 ttes; ceux des Peulhs plus de 200 000 ttes. Ceci montre

    suffisamment limportance de llevage peulh dans un contexte national caractrispar

    un dficit en viande. Les autorits ivoiriennes, dsireuses de conserver ce capital et dapaiser

    les conflits avec les agriculteurs laborrent un projet visant crer dans le massif de la

    Pal,une zone sylvo-pastorale dune superficie de 220 000 ha . Cette zone fut choisie en

    raison de son trs faible peuplement, rsultant de la mauvaise qualitdes sols mais galement

    de la prsence de glossines. En 1975furent lances les premires tudes en vue douvrir les

    pturages de la zone destine devenir un centre important pour lapprovisionnement en

    viande du pays : on prvoyait alors de sdentariser 30 000 zbus par lintroduction

    progressive de 160 troupeaux sur une priode de 5 ans, avec lobjectif de produire par an

    1 600 animaux de rforme, 2 400 bouvillons et 600 gnisses (ministre du Plan 1976, III :

    25). Des fonds furent dbloqus (650 millions F CFA, rpartis entre 1USAID et le budget

    ivoirien) et mis la disposition de lopration zbu de la SODEPRA-NORD.En 1979,

    des ponts furent construits, des pistes ouvertes et des barrages dhydraulique pastorale

    amnags. Un village peulh, Zanyana , comportant une mosque en dur fut aussi

    construit. Tout leveur acceptant le principe de la mise en quarantaine de son troupeau pour

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    contrle sanitaire se voyait attribuer une superficie de 2 500 ha et un titre foncier. Les tudes

    ralises ont portsur des questions techniques.

    Quelques rares enqutes ont teffectues auprs des Peulhs: au vu des rsultats peu

    encourageants, elles nont pas tapprofondies.

    Bien que lobjectif de cette opration tait dintresser au premier chef les Peulhs, nous

    apprenons quen 1977, seulement sept troupeaux zbus, soit environ 700 ttes sy taient

    installs. La fort classe de la zone de la Pal constituait un milieu favorable la

    multiplication des gtes glossines et des zbus prirent. Une campagne dradication

    ayant t ralise fin 1978 et dbut 1979, la densit de mouches ts-ts baissa

    considrablement. Lattitude des Peulhs ne fut cependant pas sensiblement modifie.Un

    premier bilan de lopration au bout de trois mois montre que seulement 10 % des effectifs

    attendus taient arrivs. Lmigration peulhs a cependant continu, augmentant ainsi les

    effectifs humains et bovins.

    La tentative de cration dune zone sylvo-pastorale rserve aux troupeaux de zbus

    appartenant aux Peulhs sest donc finalement solde par un chec. .Elle illustre

    lambigutde lattitude des autorits qui, pour attnuer les tensions entre Peulhs et Senoufo,

    ne savent que proposer de parquer hommes et troupeaux dans un environnement peu

    favorable. Une telle situation ne tient pas compte de la ncessit de rapprocher les

    troupeaux des villages ou de centres urbains qui constituent un dbouchpour le lait des

    Peulhs.

    AGRICULTURE ET LEVAGE CHEZ LE SENOUFO

    Les Senoufo occupent la majeure partie du nord de la Cte divoire et sont installs depuis

    plusieurs sicles dans leur habitat actuel.

    Leur systme de production est caractris par le rle dominant quy joue lagriculture.

    Longtemps consacre la production vivrire (mil ou igname),elle sest oriente vers des

    productions destines la consommation comme la vente (riz, mas, arachide),soit vers

    les cultures de rente (principalement le coton).La culture du coton, introduite dans le Nord

    ds 1962, connut des dbuts difficiles. Par la suite, lextension de superficies cultives sest

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    traduite par une rduction des parcours et a exacerbles contradictions entre lagriculture et

    llevage (3).

    Chez les Senoufo, socitsegmentaire, aucun pouvoir ne dpasse traditionnellement le cadre

    villageois. Le village et son terroir constituent la base de la socit. Le matrilignage tait

    dans le pass lunit conomique fondamentale. Le systme de production sest

    profondment transformsous laction de plusieurs facteurs. Les groupes de rsidence sont

    aujourdhui de petite dimension et la force de travail familiale a diminu du fait de

    lmigration et de scolarisation. Les valeurs quelle vhicule sont lorigine dune profonde

    dsaffection des jeunes pour les tches de gardiennage. En outre, depuis plusieurs annes, des

    jeunes originaires de la zone dense, cherchant smanciper de la tutelle familiale, sinstallentau sud de celle-ci pour y cultiver du coton. De nos jours, lconomie villageoise ne peut tre

    apprhende quen tenant compte des ressortissants urbains et des revenus quils investissent

    en milieu rural (construction, achat de btail, etc.). Lmigration qui affecte celui-ci nest que

    partiellement compense par la venue de travailleurs maliens et burkinabqui semploient la

    journe en zone cotonnire. Les bouviers peulhs, qui se sont progressivement substitus aux

    jeunes enfants pour la garde des troupeaux, constituent donc un cas particulier dun

    phnomne beaucoup plus gnral.

    Malgrlexistence dun masque reprsentant un buf, ou le fait que certains groupes Senoufo

    ensevelissaient leurs morts dans des peaux de buf, il est difficile de dterminer lanciennet

    de llevage. Les vieux affirment encore que le troupeau appartient aux morts, quil est

    interdit de vendre des bufs pour son usage personnel. Ils ajouteront, il est vrai que si lon

    manque dargent pour entourer le mort de pagnes, il est possible de vendre une ou deux btes.

    (ROUSSEL, 1965 : 73), Les taurins demeurent des animaux sacrificiels et cest une

    honte de ne pouvoir en abattre loccasion des funrailles. La discrtion, voire le secret,

    entourent toute transaction portant sur le cheptel. Ainsi, il est courant quun troupeau soit

    rparti entre plusieurs villages. Seul le responsable du par cet quelquefois son hritier

    prsomptif, un garon de 10 15 ans, peut dire exactement qui appartient chacune des btes

    dont ils ont la charge. (ibid. 1965 : 73). Cette pratique qui consiste confier une ou

    plusieurs ttes un parent ou un ami a toujours tinterprte par les vtrinaires comme

    une mesure de prophylaxie. Lamlioration des conditions de santanimale aurait d,

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    terme, la faire disparatre.Il nen a rien t. Les taurins, taient estims par la SODEPRA

    moins de 100 000, rpartis entre 5 000 propritaires de la zone dense. Tous les paysans, tant

    sen faut, nont pas de btail, et les estimations les plus optimistes indiquent quun

    exploitant sur trois seulement possde des animaux (DU BOIS et al. 1982 : 13). La

    possession de taurins, achets gnralement partir de revenus agricoles, demeure pour

    beaucoup temporaire : en priode de pnurie,ceux qui nont que quelques ttes peuvent

    tre obligs de sen sparer.Les gros propritaires, au contraire, possdent des troupeaux

    plus stables.

    Ceux-ci constituent lune des seules manifestations dune richesse qui traditionnellement ne

    peut tre dvoile. Le terme dleveur utilis de faon courante la SODEPRA pourdsigner tout individu ayant accept le principe de lencadrement, parat dans ce contexte

    pour le moins abusif.

    LA CONDUITE DU TROUPEAU

    La structure de la propritdu btail oppose dinsurmontables difficults toute tentative de

    rglementation de lassociation agriculture-levage. Comment parvenir, par exemple, un

    consensus visant dlimiter des couloirs de passage qui permettent aux animaux daller du

    parc de nuit aux pturages; comment envisager des cultures fourragres, alors que la

    majeure partie des villageois, nest pas concerne par ces actions?La plupart des villages

    senoufo possdent pourtant des taurins, regroups en un ou plusieurs parcs, le plus souvent

    lextrieur du village. Le parc traditionnel tait constitudun enclos circulaire (50

    80 m de diamtre) fait de troncs darbres fichs dans le sol. Les propritaires, peu nombreux,

    utilisaient le fumier pour leurs champs sils ntaient pas trop loigns du village(BERNARDET, 1974). Lun deux exerait la fonction de chef de parc, chargde contrler

    les soins donner aux animaux et de recruter des bouviers, dans le cas o les enfants

    assuraient mal le gardiennage. Avant la SODEPRA, le recours des bouviers peu1 tait rare.

    Les jeunes enfants qui ne pouvaient pas encore participer aux travaux agricoles taient

    chargs dloigner les troupeaux des cultures en saison des pluies . Ils ne trayaient pas les

    vaches, et le lait tait, en gnral, laissaux veaux.

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    Avec larrive des Peu1 et le type de parc vulgarispar la SODEPRA, le systme a connu

    dimportantes transformations suite la scolarisation dune partie de jeunes, et au recours

    gnralis des bouviers peulhs (85 % des parcs de la rgion de Korhogo) rmunrs

    principalement avec le lait du troupeau. Les jeunes enfants rests au village refusentdsormais de soccuper du btail, de peur dtre pris pour des Peulhs (BARRY, 1979 : 7) (4).

    Cette volution qui sest faite massivement et en quelques annes, va linverse des

    prvisions de la SODEPRA (5).

    Antrieurement la rmunration comprenait outre le lait, et lentretien (nourriture et

    logement) du bouvier, un salaire mensuel en espce et le don annuel dun jeune animal.

    Cela permettait thoriquement, une poque o la concurrence entre bouviers tait moins

    importante, de se constituer un troupeau. Bien que cette forme de paiement existe toujours

    chez les leveurs peu1 elle a pratiquement disparu chez les Senoufo. De nos jourscelle-ci

    combine numraire et avantages en nature selon le principe suivant :

    - Le lait du troupeauest intgralement cdau bouvier qui se charge de la traite avec sa

    famille. Il en consomme une partie et vend le reste, principalement Korhogo oil se rend

    quotidiennement.

    - Le logement et la nourrituresont fournis par les propritaires collectivement ou tour de

    rle.

    - Une somme dargent, variable dune zone lautre (en fonction du revenu laitier quelle

    complte ; 75 F CFA, par exemple, en 1982 dans la rgion de Korhogo), est attribue

    mensuellement au Peulh pour chaque animal adulte.

    Remarquons que ce systme suppose que chaque propritaire connaisse avec prcision le

    nombre danimaux quil a confis (y compris ceux qui lui ont tprts),car il nest pas

    question de dpenser plus dargent que le ncessaire. Ce systme contredit les allgations qui

    ont longtemps prvalu selon lesquelles les propritaires ignoraient le nombre de leurs

    animaux et seraient mme incapables de les identifier. 11 ne sagissait par lque de conforter

    limage dun propritaire passif et naf, face un Peulh malhonnte et rus. La discrtion

    dont font preuve les propritaires de btail nest pas synonyme dignorance.

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    Aux yeux des Senoufo, le travail de gardiennage ne consiste en rien dautre que de tenir les

    troupeaux loigns des champs cultivs. Les connaissances zootechniques et

    agrostologiques des bouviers peulhs ne sont donc pas considres comme essentielles.

    Ainsi de nombreux propritaires refusent de prendre en charge le bouvier durant toutelanne. Cela contre lavis de la SODEPRA qui, obnubile par son optique de production

    de viande, voulait conserver le lait pour assurer une bonne croissance des veaux. Elle

    sest heurte au refus des propritaires de verser une indemnit montaire au bouvier en

    remplacement des revenus laitiers.

    LA PRODUCTION LAITIRE

    Laccent mis sur la production de viande, caractristique de nombre doprations de

    dveloppement de llevage, a donc eu pour consquence de relguer la production laitire au

    second plan. Bien que cette question et t aborde auparavant dans les rapports

    sociologiques, il a fallu attendre 1984pour que la SODEPRA sy applique par une tude

    (DECHERVOIS, 1984). Elle souhaitait, comme on la vu, revenir un systme de

    gardiennage autochtone : les bouviers senoufo ne trayant pas les vaches , la croissance des

    veaux tait plus rapide. Les pratiques des Peulhs au contraire allaient contre les objectifsde lopration.Ceci nest pas tout fait vrai car le bouvier peulh ntant pas toujours assur

    dcouler en ville sa production, il ne trait pas toutes les femelles allaitantes.

    La ville de Korhogo est principalement approvisionne en lait par des Peulhs. Ceux-ci

    transportent leur produit sur leur bicyclette ou plus rarement sur leur vlomoteur, dans des

    bidons de plastique de 4 litres. Ils peuvent charger jusqu16 litres et ils arrivent Korhogo

    entre 10 et 12 heures. La clientle est constitue de Dioula dont certaines revendent le lait, de

    femmes peulhs qui le transforment de produit brut en lait caillou en beurre et de quelques

    rares Senoufo. Le lait est vendu cru et il arrive que, par manque de clients, la totalitne puisse

    tre coule. Pendant lhivernage 1983, le prix tait de 100 FCFA le litre. Les revenus

    laitiers sont donc en moyenne de 50 000 FCFA par mois en saison des pluies . On ne peut

    pas extrapoler ce revenu lanne entire, car les bouviers ne bnficient du lait que durant la

    saison des pluies. On constate que le prix du lait a triplentre 1970 et 1980 Korhogo. Ceci a

    permis aux bouviers de supporter linflation laquelle ils sont soumis du fait de leurdpendance vis--vis du marchpour leurs principaux produits de consommation. La somme

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    alloue par les propritaires volue peu car elle rsulte dun rapport de forces entre les

    parties : plus le parc compte de propritaires et plus il sera difficile de collecter largent

    destinau Peulh. Celui-ci reste un tranger, un mal ncessaire (BARRY, 1979 : 4).

    Ainsi, quen est-il de laccusation, maintes fois reprise par le personnel de la SODEPRA,

    concernant linstabilit des Peul?

    Certains bouviers ont effectivement vol des animaux et se sont enfui donnant quelque

    fondement la rputation qui leur est faite par les propritaires. Il est vrai galement que le

    vol constitue chez les Peulhs un mode courant et prestigieux dacquisition du btail.

    Mais il est galement vrai quil est devenu beaucoup plus difficile de conduire les troupeaux,particulirement en zone dense. En cas de dgts aux cultures, le bouvier est; dans un premier

    temps, tenu pour responsable. Il doit aussi subvenir lui-mme ses besoins en saison sche.

    En labsence de donnes prcises sur la mobilit des bouviers et sur ses causes, on peut

    seulement faire tat dune grande diversitde situations : certains parcs ont le mme bouvier

    depuis une ou deux dcennies et dautres depuis seulement quelques mois.

    Le fait quils soient ici en famille et quils intgrent leurs animaux dans le troupeau dont ils

    ont la charge, reprsente un facteur de stabilit. Par contre, leur dpendance vis--vis de

    lextrieur pour lapprovisionnement les oblige rechercher ailleurs des emplois plus

    rmunrateurs et induit une certaine mobilit.

    Les salaires prconiss par la SODEPRA pour les bouviers des Groupements vocation

    cooprative (10 000 15 000 F CFA par mois),sont largement infrieurs ceux des parcs

    villageois. Ils nont permis de recruter que des clibataires - quelquefois des non peulhs-, qui

    ne constituent pas une catgorie particulirement stable. Il parat donc ncessaire, si lon

    dsire analyser la mobilit des bouviers et ses causes, dexaminer lvolution de leur

    condition dans les diffrents systmes dlevage. Tout jugement sur la mobilitdes Peulhs ne

    peut par dfinition qutre relatif. Elle devrait tre compare celle des encadreurs qui ne

    semble pas moins leve.

    LOPRATION TAURIN-NORD : LES PRINCIPAUX THMES TECHNIQUES

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    Lopration Taurin-Nord avait pour objectif dintervenir depuis la production

    jusqula commercialisation sur lensemble de la filire bovine .Cependant certains

    niveaux dintervention taient comme prioritaires. La transformation des leveurs en

    producteurs actifs , lorganisation du terroir, laugmentation de la productivit du

    troupeau et lamlioration de la commercialisation taient de ceux-l.Chacune de ces

    actions taient portes par un certain nombre de thmes techniques devant faire lobjet dune

    diffusion de la part des encadreurs. Ceux-ci devaient en outre collecter des donnes sur la

    santanimaleet des informations statistiques sur les parcs dont ils avaient la charge.

    La principale difficult a consist identifier des propritaires qui, en milieu senoufo,

    appartiennent des groupes sociaux qui doivent tre consults pour toute dcision importante.

    Avant le dmarrage de lopration aucune enqute sur la notion de propritdu cheptel

    navait t mene. Etant donn lampleur de la tche, les rares missions sociologiques

    effectues par la suite nont pu que constater cette lacune. Il est cependant apparu que le

    troupeau taurin se scindait en deux catgories : ceux du patrimoine familial et ceux

    appropris individuellement. Les premiers proviennent dun hritage ou dachats au

    moyen des revenus du groupe et il est vident quun animal faisant partie du patrimoine ne

    saurait tre abattu ou vendu sans le consentement de tous. En cas de vente, lutilisation de

    largent est contrle par le groupe.

    Lapproche de ces notions aurait ncessit des enqutes minutieuses et difficiles. Les

    encadreurs navaient ni le temps, ni la formation pour les mener bien. cause de cet

    handicap, ils ont collectdes informations approximatives sur les propritaires ,puis

    cette tche sest rapidement dilue. De toute faon, les paramtres retenus comme essentiels

    taient dordre zootechnique. Pour expliquer aux financiers la faible pntration de certains

    thmes techniques, on a avanclargument que dans la pratiqueon avait effectivement

    mieux encadrles animaux que les leveurs.Cet aveu na dailleurs pas tsuivi dune

    rorientation, et les structures mises en place ont continufonctionner comme par le pass.

    Afin dillustrer notre propos on peut analyser plus en dtail comment certains thmes

    techniques ont tperus.

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    Le parc SODEPRA

    Le parc btail tait considrcomme la marque, le symbole de ladhsion au projet. Dans

    un premier temps, le modle prnpar la SODEPRA pouvait contenir jusqu300 ttes. Par

    la suite on lui prfra un modle plus petit (100 ttes).Chaque adhrent devait participer au

    financement des piquets en bois et des barbels (cot global : 45 000 F CFA) et dun couloir

    de contention (40 000 F CFA)pour faciliter les traitements et vaccinations. En 1979,prs de

    la moiti des parcs recenss e n taient quips, mais au vu du mauvais entretien,

    lencadrement fut retir.

    Dans le vocabulaire de lopration, taient dits collectifs (ou communautaires ) les

    parcs regroupant plusieurs propritaires.

    Ces qualificatifs sont rvlateurs : ils attribuaient aux parcs de nuit une base sociale quils

    nont pas. En effet, le parc constitue avant tout le lieu de stationnement pour un troupeau

    dune centaine de ttes, effectif considren matire de gardiennage comme un optimum.

    Le troupeau qui y rentre chaque soir reprsente un ensemble composite ochaque propritaire

    continue grer son bien en fonction de ses besoins rituels et conomiques. Etablir la

    structure du troupeau dun parc (par sexe, ge, entres, sorties, etc.) na littralement pas de

    sens ; en tirer des conclusions sur la gestion, comme sil appartenait un propritaire

    unique est absurde.

    Lapproche vtrinaire trouve ici son expression la plus rductrice.

    Le Groupement vocation cooprative (GVC) constitue un autre thme technique. Il mrite

    quon sy arrte un moment. Aux yeux des inspirateurs du projet, il devait induire une

    transformation de la mentalit de lleveur : en faire un producteur actif. Cette

    structure devait faire voluer les propritaires en leur dmontrant, sur un chantillon de jeunes

    mles quune gestion rationnelle du troupeau, associe une complmentation alimentaire,

    pourrait avoir des effets bnfiques sur le poids des animaux. Ces amliorations devaient par

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    la suite toucher lensemble du troupeau. Ici encore, lapproche technique sest heurte

    lingale rpartition du cheptel.

    Lexprience dbuta en 1975 avec la cration de deux GVC. Par la suite, le nombre passa

    16 (1978-79)avant de redescendre 13 (1981-82).Mais ceci correspond des effectifs ne

    dpassant jamais le millier de ttes. Deux types dobstacles taient survenus: ils tenaient au

    gardiennage et lingale rpartition du btail entre les propritaires. La faiblesse des salaires

    proposs, non compenss par la vente du lait, na permis de recruter que des bouviers

    clibataires, non peu1 dans certains cas. Leur mobilitsen est trouve accentue.

    Le refus de considrer la propritdu cheptel a eu des incidences importantes sur lopration.

    Les calculs conomiques nonaient quun GVC devait, pour tre rentable, compter 70 80

    ttes.Un cas rencontrnous semble assez significatif; il concerne un GVC ocoexistent un

    propritaire possdant lui seul 40 ttes, et plusieurs petits propritairesse partageant le

    reste du troupeau (40 ttes environ): les petits refusent de travailler pour le gros ,

    comme dans le cas des parcs villageois; ils compromettent ainsi la russite de lopration.

    Limplantation gographique montre en outre une concentration des GVC en zone dense.

    Partout ailleurs, les taurillons sont utiliss prioritairement pour la culture attele. En zone

    dense au contraire, le projet coton (CIDT) a tmoins actif : il existait potentiellement moins

    de terres pour le coton, et la traction animale y est donc peu dveloppe. Ailleurs, les

    structures dencadrement de la CIDT se trouvent en concurrence directe avec celles de

    la SODEPRA, et les avantages procurs par lune dfavorisent lautre. Une conception

    fonde sur des moyennes arithmtiques du troupeau, faisant comme si tous les propritaires

    avaient des intrts communs, ne rend pas compte des structures de production senoufocaractrises par la cohabitation, au sein dun mme village, de paysans utilisant des

    technologies diffrentes : culture manuelle, culture attele et dans certains cas tracteurs. Les

    revenus montairesdont ils disposent se sont sensiblement diversifis, en particulier avec la

    culture du coton. Il sensuit une capacitingale daugmenter son troupeau.

    Les thmes complmentaires :Lorganisation du terroir et lassociation agriculture-levage

    constituaient aussi des niveaux daction privilgis. Dans ces domaines, il a tparticulirement difficile dobtenir un consensus, la majeure partie des villageois est faite de

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    paysans non propritaires de btail. Lintroduction de plantes fourragres (Stylosanthes)

    qui devait permettre de compenser le dficit du pturage en saison sche a t

    compromise par lapparition dune maladie, lanthrachnose. Dailleurs lintrt dune telle

    culture ntait pas rellement apparu aux paysans. Surtout, lexprience ayant tmene endpit des systmes fonciers, les paysans proposrent, pour effectuer les semis, les terres les

    moins fertiles et les plus loignes du village. Par la suite, ils sen sont dsintresss.

    Lamlioration gntique devait permettre laugmentation de la productivit du troupeau.

    Dans un domaine o vtrinaires et zootechniciens sont a priori comptents, les rsultats

    nont gure tplus convaincants. En effet, des taureaux NDama ont tdiffuss, dans un

    premier temps, en milieu paysan. A cause dune forte mortalit, la demande sest davantageporte vers des taureaux zbus ou mtis. Linsuffisance des recherches en matire de

    gntique et le faible nombre de taureaux diffuss ont fait que la cellule dappui na pas pu

    constater deffet sur le troupeau, En matire de commercialisation, il ntait pas prvu au

    dpart dintervention directe du projet. Cependant, peu peu et bien que les circuits de

    commercialisation du btail et de la viande naient pas fait lobjet dune tude approfondie

    avant 1979 (STAATZ, 1979), il dut intervenir pour faire profiter les propritaires des parcs

    encadrs et les GVC de prix attractifs, en fonction du poids et de la qualitde lanimal.

    Les animaux des GVC taient ainsi achets par la SODEPRA mais des prix qui nont pas

    toujours tsuprieurs ceux offerts par les commerants. De plus, les ventes la SODEPRA

    nont pas reprsent, en 1978 et 1979,plus du dixime des ventes de btail : bouchers et

    commerants ont continudominer le march.

    BILAN DU PROJET

    Lapproche vtrinaire qui a caractris lintervention de la SODEPRA, a t

    fondamentalement marque par lignorance des caractristiques socio-conomiques du milieu

    senufo. Aprs quelques tentatives infructueuses pour identifier les propritaires de bovins, les

    proccupations de pathologie animaleet de zootechnie ont repris le dessus. Devant le faible

    cho rencontr par les thmes techniques demandant aux propritaires une participation en

    travail et en argent, il apparut ncessaire de formuler une nouvelle stratgie. A partir de 198

    1, on dcida ainsi de dfinir des niveaux de rceptivit des propritaires (talonns de 0 3)aux thmes diffuss. On passait ainsi une phase dencadrement slectif. Cest le niveau 3,

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    compos de propritaires de gros troupeaux, censs tre plus rceptifs aux actions de la

    SODEPRA qui bnficient dsormais explicitement de lencadrement (6). Autrement dit, cela

    revenait privilgier les riches : ce qui na dailleurs pas chapp aux auteurs dune

    valuation qui concluait : cette politique conduit subventionner les gros levages et accrotre la diffrenciation sociale et les ingalits entre leveurs (FRESSON et al., 1982).

    Le nouveau systme de classification des parcs appliqula fin de 1981 donnait les rsultats

    suivants : 78 % pour le niveau O- 1, plus de 20 % pour le niveau 2 et seulement 1,7 % pour le

    niveau 3. partir de 1981, bien que la grande majoritcontinuait bnficier de laction

    sanitaire du projet, lessentiel des efforts dencadrement ont ainsi port sur 1,7 % des

    propritaires de bovins. Avec lapparition de lencadrement slectif on renonait aux objectifs

    initiaux de lopration visant transformer fondamentalement la mentalitdes leveurs .

    Dans les annes soixante-dix, une tude insistait sur le fait que les pays fournisseurs de la

    Cte divoire en cheptel vif (Mali, Burkina Faso, Niger) auraient dans lavenir des difficult s

    faire face laccroissement de la demande en viande dont limportation tait passe de

    50 000 tonnes en 1966 plus de 134000 en 1980.

    Toujours daprs des estimations, la viande bovine ne reprsentait que la moiti de la

    consommation totale de viande presque totalement importe. En 1974, une autre tude

    (ministre...) concluait de faon optimiste la possibilitde dvelopper llevage traditionnel,

    grce la mise en place dun encadrement rapproch pour la diffusion de techniques

    nouvelles, lintensification de laction sanitaire, ainsi qu la mise en uvre dun

    programme dhydraulique pastorale. Il tait cependant envisag, au vu du faible intrt

    manifestpar les Senufo pour leurs bovins, de lancer, dans un premier temps, une opration

    pilote de caractre exprimental afin danalyser les rponses fournies par les propritaires aux

    thmes techniques proposs (lutte contre le parasitisme, malnutrition des veaux, embouche

    bovine). La production de viande apparat clairement ici. On prfra alors imprudemment,

    un projet de recherche-dveloppement de caractre artisanal, une opration de vaste

    envergure sur huit dpartements peupls dune population dun million et demi dhabitants.

    Les autorits ivoiriennes et les bailleurs de fonds justifirent cette orientation par la ncessit

    de parvenir rapidement un accroissement substantiel de la production. Limpasse faite sur

    une phase dtude et dexprimentation, indispensable face un milieu mal connu, a conduit un certain nombre derreurs que nos avons analyses en dtail.

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    Les objectifs du projet, intgrs ceux du Plan quinquennal (1971- 1975), visaient

    laccroissement des revenus dans le Nord, lattnuation des disparits rgionales et

    lapprovisionnement en viande des principaux centres urbains. Ils avaient tfixs alors que

    les donnes disponibles sur la consommation de viande provenaient uniquementdestimations. Ainsi, les rsultats de lenqute budget-consommation ralise en 1979, et

    publis beaucoup plus tard, sont particulirement intressants. Il y apparat que le poisson est

    commercialisdans lensemble du pays et que sa consommation annuelle moyenne est de 39

    kg en ville. Les protines animales proviennent donc pour les deux tiers du poisson (autour de

    la moitiailleurs). Le complment est fourni par la viande dlevageet les volailles en ville ;

    en milieu rural, par le gibier dont la consommation pour lensemble du pays est suprieure

    celle de la viande dlevage et des volailles (DURUFL, 1984). Sans anticiper sur les

    rsultats quantitatifs du projetSODEPRA-NORD, on pourrait dores et dj se poser la

    question : dans la perspective du projet, le dveloppement de llevage bovin tait-il le

    moyen le plus rapide et le moins onreux pour rduire le dficit en protines animales du

    pays ? En termes quantitatifs et dans loptique de lopration, laugmentation de production

    de viande, objectif principal aurait tde lordre de 30 % (passage de 3 100 tonnes en

    1975 4400 tonnes en 1980). Cest principalement laction sanitaire (vaccinations) mene sur

    lensemble du troupeau qui a permis dobtenir ce rsultat. On ne peut cependant, en

    considrant lchec des principaux thmes techniques qui taient supposs modifier de faon

    radicale le comportement des propritaires de bovins, sempcher de sinterroger. Etait-il

    vraiment ncessaire de mettre en uvre une opration aussi coteuse et ambitieuse, alors

    quun rsultat du mme ordre aurait sans doute pu tre obtenu en augmentant sensiblement les

    moyens des Services de llevage?

    Lapproche vtrinaire qui a caractris lopration SODEPRA- NORD est directement

    hrite des conceptions prophylactiques de la priode coloniale. Paralllement aux actions

    sanitaires, la collecte de donnes statistiques sur des troupeaux, puis leur traitement

    informatique, ont mobilis lessentiel des nergies des encadreurs et des experts. Dans la

    logique de cette approche, le troupeau est considrcomme une unitpathologique, le parc et

    le couloir de contention comme des lments compltant un dispositif damlioration de la

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    sant animale. Les propritaires senufo et les bouviers peu1 ne pouvaient, dans un tel

    contexte, qutre considrs comme de simples figurants.

    Notes

    (1) Les taurins sont de races bovines autochtones) ( NDama et Baoul). Ils ont pour

    principale caractristique dtre trypanotolrants. Ce nest pas le cas des zbus des Peu1 qui

    cependant mtissent depuis longtemps dj leurs animaux avec des taurins pour les rendre

    plus rsistants, et mieux adapts leur nouveau milieu cologique.

    (2) Cette appellation tient au fait quil y a une quinzaine dannes, la densit humaine

    moyenne y tait denviron 70 hab/kmz. Suite limmigration vers le Sud la densita diminude moiti.

    (3) Difficults de conduite du troupeau, particulirement en zone dense, demande de

    taurillons pour la culture attele qui soppose la cration de Groupements (GVC)

    dembouche par la SODREPA, etc. Bien que lassociation agriculture-levageait fait lobjet

    de nombreuses runions et colloques, chaque organisme de dveloppement a poursuivi son

    action sans aucune concertation avec ses voisins. La primautaccorde par ltat la culture

    du coton donne la Compagnie ivoirienne des textiles une position privilgie qui se traduit,

    par exemple, par une rmunration de lencadrement trs suprieure celle que pratique la

    SODEPRA.

    (4) En 1978, lencadreur devait remplir une fiche concernant le bouvier peul. Il sadressait

    presque toujours au chef de parc ou aux propritaires qui la plupart du temps ignoraient

    jusquau nom du Peul. Un paysan dclare dailleurs, qui peut, connatre le nom dun Peu1 ?

    On les appelle simplement Foulabe , cest--dire le Peulh. Citpar M. B. BARRY, op. cit.,

    p. 5.

    (5) Se fondant sur des observations menes dans les annes soixante cinq, suivant lesquelles

    on aurait assistun abandon du gardiennage par les Peul, TYC pensait que cette pratique

    allait se gnraliser. Il crit : Un nombre de plus en plus grand de propritaires ont

    rcemment abandonn le gardiennage par le Peulh pour le confier leurs enfants. Ces

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    leveurs sont encore une minoritmais une certaine volution semble se dgager. La raison

    principale serait le cot trop levdu gardiennage par le Peulh. (SEDES, 1965 : 224).

    (6) On peut cependant douter que les gros propritaires du niveau 3 constituent une catgorie

    stable. Ce sont, en effet, la plupart du temps des hommes gs, susceptibles de disparatre

    rapidement. Il nest pas certain que leurs hritiers, villageois ou citadins soient aussi rceptifs

    queux aux thmes du projet. Aprs leur mort, le troupeau risque donc dtre dispersdans

    des parcs dun niveau infrieur. La mconnaissance des rgles dhritage, consquence des

    options choisies, a constituune lacune importante.

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