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SOMMAIRE ÉDITORIAL Félicien Kazadi P. 1 DOSSIER FLUX MIGRATOIRES, DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION Implication des organisations issues de l’immigration dans le développement et la coopération Yéra Dembele P. 2-5 Implication des associations initiées par des africains dans des actions de développement et de coopération Entretien avec Valérien Mudoyi - CINTERAD P. 6-8 Entretien avec Mathias Niyonzima - AFLENET P. 9-10 TRIBUNE Paroles de terrain Hélène Madinda P. 11 Culture et développement Témoignage documentaire de Christian Coppin P. 12-16 Du jumelage Témoignage de Gilles et Arlette Labeeuw P. 17-19 MUNGAZI - ENGLISH P. 20-39 MUNGAZI - NEDERLANDS P. 40-60 MUNGAZI - TRIMESTRIEL DE L’ONG CCAE/B-RVDAGE/B 171 rue Royale B-1210 Bruxelles - Belgique TÉL 02 219 63 25 FAX 02 219 66 88 E-MAIL [email protected] ABONNEMENT 750 FB/AN 068 - 2159070 - 71 Ont collaboré à ce numéro: Emmanuel Mde Feukam Willy Devos Agnès Mukarugomwa Roxane Beaurang Sophie Waterkeyn Hélène Madinda Graphisme: Minot@ure Impression: CIACO - LLN Éditeur responsable: Félicien Kazadi

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SOMMAIRE ÉDITORIAL

Félicien Kazadi P. 1

DOSSIER FLUX MIGRATOIRES, DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION

Implication des organisations issues de l’immigration dans le développement et la coopération Yéra Dembele P. 2-5 Implication des associations initiées par des africains dans des actions de développement et de coopération Entretien avec Valérien Mudoyi - CINTERAD P. 6-8 Entretien avec Mathias Niyonzima - AFLENET P. 9-10

TRIBUNE Paroles de terrain Hélène Madinda P. 11 Culture et développement Témoignage documentaire de Christian Coppin P. 12-16 Du jumelage Témoignage de Gilles et Arlette Labeeuw P. 17-19 MUNGAZI - ENGLISH P. 20-39 MUNGAZI - NEDERLANDS P. 40-60 MUNGAZI - TRIMESTRIEL DE L’ONG CCAE/B-RVDAGE/B 171 rue Royale B-1210 Bruxelles - Belgique TÉL 02 219 63 25 FAX 02 219 66 88 E-MAIL [email protected] ABONNEMENT 750 FB/AN 068 - 2159070 - 71 Ont collaboré à ce numéro: Emmanuel Mde Feukam Willy Devos Agnès Mukarugomwa Roxane Beaurang Sophie Waterkeyn Hélène Madinda Graphisme: Minot@ure Impression: CIACO - LLN Éditeur responsable: Félicien Kazadi

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que le CCAE/B-RVDAGE/B s’est assi-gnée. Quand au choix du nom, Mungazi, rappelons que le palmier est un arbre des régions chaudes et humides du globe appartenant à la famille des pal-macées dont on dénombre plus d’un millier d’espèces. Parmi ces espèces, le palmier doum, le raphia, le cocotier et surtout l’elaeis guineensis (palmier à huile) sont les variétés les plus répan-dues en Afrique. Arbre à mille et un usages, le palmier est intimement lié à la vie des Afri-cains, surtout ceux de la campagne. Il couvre, à lui seul, la quasi totalité de leurs besoins. On peut comparer cet arbre à un supermarché dont les rayons les plus importants auraient à leur étalage, les articles suivants : Construction: cordes, poutres, bois

de charpente, lattes, poteaux, … Ameublement: chaises, sommiers,

articles de vanneries (paniers, armoi-res, …)

Articles de décoration Alimentation: légume, sel, protéines

végétales, noix, huile de palme, huile de palmiste, moambe, beurre, vin, …

Divers: balais, doseurs d’huile, sa-vons, onguents, cosmétiques, …

D’autre part, beaucoup de termes tels que rameaux, palmarès, palme d’or se rapportant au palmier sont familiers même aux populations des régions du monde où cet arbre ne pousse pas. En effet, symbole de la victoire, la palme est largement utilisée dans le monde comme insigne de décoration et de distinction. Nous avons choisi cet arbre providen-tiel comme symbole de notre revue afin de souligner la diversité de richesses autres que minérales dont regorge l’Afrique. La prise de conscience de l’existence de telles richesses et de l’impact qu’elles peuvent avoir dans le processus de développement devraient inciter ceux qui œuvrent dans le cadre de ce processus, à accorder une atten-tion particulière à la mise en valeur et à la promotion de l’exploitation de telles richesses. Nous espérons, en toute modestie, que notre revue rendra, à l’instar du pal-mier, des services aussi variés à ses lecteurs et qu’elle égalera, en profon-deur, en taille et en longévité, ce prodi-gieux arbre dont elle tire son nom.

Félicien KAZADI, Président

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MUNGAZI

EDITORIAL

La publication du premier numéro d’une revue est un événement compa-rable à un accouchement. Une des pré-occupations majeures, mêlée de joie et d’angoisse, est de savoir comment le public cible va en apprécier la forme, l’orientation et le contenu. Par l’arrêté ministériel du 10 décembre 1998, le CCAE/B-RVDAGE/B a été agréé, en qualité d’ONG, au sens de l’arrêté royal du 18 juillet 1997. La publication de la présente revue s’inscrit dans le cadre des activités du CCAE/B-RVDAGE/B à ce titre. La revue est essentiellement un organe d’information, de recherche, d’échange et de diffusion des réalités africaines et des actions de solidarité internationale. En plus de l’information, elle vise à offrir des documents et des outils de travail permettant de faciliter l’analyse et la compréhension du processus de coopération et de solidarité internatio-nales. Accessible aux organisations tant du Nord que du Sud ainsi qu’à un large public d’ici et d’ailleurs, la revue est également un outil de sensibilisation, de conscientisation et de formation, et, à ce titre, elle contribue à la réalisation de la mission d’éducation au dévelop-pement et à la solidarité internationale

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PALMIER EN SWAHILI USUEL

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Avant de rapporter d'éventuelles écono-mies aux sociétés d'origine, les immi-grés leur en coûtent énormément. En effet, les frais nécessaires à l'entre-tien, l'éducation et la formation du mi-grant, de sa naissance à sa date de dé-part du pays d'origine, constituent un coût non négligeable que supporte seule la société d'origine. C’'est autant d'économie pour le pays d'accueil. Ce qui fait dire à Julian SIMON que « les immigrants contribuent plus à l'écono-mie qu'ils n'en retirent, dans la plupart des pays hôtes ». (1) En plus de cette évasion de ressources humaines, l'émigration est une aventure qui coûte triplement plus cher qu'un déplacement ordinaire à l'étranger.

Ainsi, il n'est pas rare de voir que le candidat à l’immigration dépense trois fois le prix du billet aller-retour et des frais annexes, à fonds perdus, avant de se voir refuser l'entrée sur le territoire d’élection. A-t-on jamais évalué les pertes que cela entraîne? En toute logique, ces dépenses de-vraient être déduites de tout gain résul-tant de l'immigration et rapatrié dans les pays d’origine, dénommé dès lors flux retour, avant de le qualifier de contribution des migrants aux écono-mies des pays d'origine. Quant à la contribution au développe-ment, elle proviendrait d'une valorisa-tion convenable des flux retour.

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FLUX MIGRATOIRES, DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION

DOSSIER

Les phénomènes migratoires ont toujours été accompagnés d’effets retour pour les pays d’origine: épargnes envoyées aux fa-milles ou aux groupements sociaux, achats d’équipements et investissements en infrastructure dans les pays d’origine. Peut-on vraiment établir une corrélation de cause à effet entre ces actes et la contribution au développement? A quelle aune peut-on jau-ger les flux migratoires en terme de participation effective au processus de développement des pays d'origine ? Tel est le thème de ce dossier. En vu d’une amorce de réflexion/réponse à cette interrogation, ce dossier laisse s’exprimer des responsables d’organisations de France et d’associations de Belgique.

IMPLICATION DES ORGANISATIONS ISSUES DE L’IMMIGRA-TION DANS LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION

(1) Julian L. SIMON « L'Homme notre dernière chance » Libre Échange - PUF 1985 Page 13 FR

YÉRA DEMBELE

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APPORTS AUX PAYS D’ORIGINE Les flux issus de l'immigration sont multiples et variés. L’on isole trois formes classables en ordre de liquidité décroissante suivant: les flux finan-ciers, les flux matériels, les flux des compétences et des savoir-faire. LES FLUX FINANCIERS Ils sont de loin les plus importants car plus faciles à mettre en oeuvre. Échap-pant, en grande partie, aux circuits ban-caires formels, ces flux proviennent de deux principales sources: l'épargne individuelle et les cotisations d'associa-tions. Les transferts individuels Les transferts individuels sont d'autant plus importants qu'ils touchent l'ensem-ble des régions d'émigration du monde. Pour une bonne partie des populations qui émigrent volontairement, l'épargne à rapatrier est l'objet même de l'émigra-tion. Elle permet de compenser l'ab-sence du migrant dans son pays d'ori-gine et explique les sacrifices et les privations que celui-ci est prêt à consentir dans le pays d'accueil. L'épargne est, en effet, un des princi-paux objectifs de l'immigration délibé-rée. Cette épargne n’est pas du tout un flux financier à mobiliser au profit de banques. Il se traduit par des transferts vers les pays d’origine qui dépassent souvent les budgets de la coopération au développement avec ces mêmes pays. Une des bases d'estimation rete-nue est la proportion transférée du re-venu qui varie en moyenne de 40 à 60%. Quant aux transferts formels, ils figu-rent dans les statistiques de la balance des paiements du pays hôte. Une esti-mation du FMI donne un chiffre de 65 milliards de FF, à l'échelle mondiale pour 1989. Ce chiffre qui sous-estime très largement le volume réel des trans-ferts, dépasse quand même les 46 mil-liards d'Aide Publique au Développe-ment, pour la même année. Les circuits bancaires des pays en développement étant souvent peu fiables aux yeux des migrants, ils transfèrent, de préférence, les épargnes via des circuits informels. Les études qui ont traité de ce sujet, et notamment une récente étude comman-dée par le Ministère des Affaires socia-les et celui de la Coopération ont sous-estimé l'ampleur de cette épargne en l'enfermant dans les normes occidenta-les. Elles ont adopté le raisonnement

suivant : « L'immigré est généralement smicard, donc pauvre. Actuellement, il a tendance à se faire rejoindre par sa famille avec beaucoup d'enfants qu'il a du mal à prendre en charge. Il a par conséquent, une capacité d'épargne presque nulle. Il faut, dès lors, l'aider à s'occuper de sa famille. Les États et les ONG du Nord vont s'occuper du déve-loppement de son pays d'origine ». Le second postulat qui a faussé les ré-sultats de ces études stipule que l'épar-gne des migrants est plutôt une consommation différée. L'épargne a-t-elle jamais été autre chose qu'une consommation différée? Dans le même temps où cette assertion est appliquée à l’épargne du migrant, le banquier ne travaille-t-il pas avec mon argent entre le moment où je lui remets un chèque et le moment où je retire le montant correspondant de mon compte? N'est-ce pas là déjà une façon de transformer l’épargne en investissement ? Il faut indiquer au passage, qu'un des principaux obstacles au développement des pays africains et donc des pays d'origine des immigrés, est induit par le fait que le diagnostic des problèmes de ces pays est confié à des experts qui n'en sont pas. Les solutions que ceux-ci proposent sont, par conséquent, force-ment inadaptées sinon désastreuses pour ces pays. Il est vrai qu'une bonne part de l'épar-gne des migrants est redistribuée aux membres de la famille restée au pays. Mais cela ne suffit pas à expliquer en-tièrement l'effort consenti dans les pays hôtes. Et on peut s'interroger sur la rationalité d'une telle démarche. Il est évident que l'effort d'épargne ne peut donner lieu à des projets d'inves-tissement si l'on ignore les opportunités d'investissements. Nul n'ignore que les pays africains manquent cruellement d'information sur les opportunités d'in-vestissements productifs. C'est ce qui fait que dès qu'on a une bonne idée de projet, elle devient rapidement inopé-rante du fait que la concurrence s'en mêle également. Les transferts collectifs La principale spécificité des organisa-tions issues de l'immigration est de financer la plupart de leurs actions sur fonds propres et en partenariat direct avec les populations bénéficiaires qui sont souvent les initiateurs des projets en question. Prolongement plus ou moins naturel des caisses d'entraide, ces fonds proviennent essentiellement

des cotisations des membres qui peu-vent mobiliser, pour certains projets, une part considérable des revenus des immigrés. Mais ils proviennent égale-ment des recettes des manifestations diverses et des prestations et cela, no-tamment pour les associations nationa-les et de jeunesse. Ainsi, pour la réalisation d'un centre de santé dans la région de Kayes, au Mali, les cotisations dites spéciales étaient de 10.000 FF par membre, auxquels s'ajoutent 50 FF par mois et par mem-bre. Les populations bénéficiaires ont apporté leur contribution en consacrant bénévolement la main-d’œuvre à la réalisation des travaux et en mettant en place un système de couverture des coûts de fonctionnement du centre qui repose sur une adhésion volontaire de chaque famille et le payement des tic-kets de consultation. Compte tenu du nombre d'organisa-tions issues de l’immigration interve-nant au Mali, plus de 300, on peut rai-sonnablement estimer au minimum à 15 millions de FF, le montant moyen des investissements annuels. Ce chiffre vient s'ajouter aux transferts individuels dont le montant transitant par le circuit officiel est estimé à près de 300 mil-lions de FF pour la seule année 1995 (2). Si l'on tient compte du fait que les transferts par les circuits formels ne représentent que 15% du total des transferts, ce total dépasserait les 2 milliards de FF par an. Il s'agit là des flux financiers issus de l'immigration en France des ressortissants du Mali et du Sénégal. Pour une campagne de forages équipés de pompes manuelles, j'ai été person-nellement chargé d'organiser la collecte des contributions villageoises exigées par forage: 1.500 FF. Le montant col-lecté en une journée, dans un foyer de la région parisienne, a vite dépassé les 200.000 FF versés en espèces. Cette opération ne concernait pourtant que deux arrondissements de la région de Kayes au Mali, soient 60 villages.

ENVOI DE BIENS MATÉRIELS C'est la forme par laquelle s'effectue la plus grande proportion des transferts destinés aux investissements. Les mi-grants souhaitant acquérir un équipe-ment préfèrent souvent payer, petit à petit, celui-ci jusqu'à réunir la somme nécessaire avant d’entrer en possession de son bien. Chacun connaît bien les

(2) Source: enquête Flore GUBERT -ORSTROM 3 FR

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risques inhérents à une telle opération. Si l'entreprise qui reçoit ces versements faisait faillite, rien ne garantit le rem-boursement au migrant. Il en est de même si celui-ci change d'avis. Ainsi, il s'agit ici, de biens d'équipements même si les migrants exerçant une activité commerciale, s'approvisionnent dans les pays de résidence ou dans d'autres pays européens telle que la Hollande et l'Angleterre pour les tissus. Ces biens matériels peuvent comporter un fort contenu technologique et répon-dre à l'absence ou la pénurie de ces biens dans le pays d'origine ; un besoin de qualité ou une pénurie de devise dans le pays d'origine amenant les po-pulations à instaurer des systèmes de compensation. De même que pour les transferts finan-ciers, les envois d'équipements ne sont pas qu'individuels. Les interventions des organisations issues de l’immigra-tion concernent aussi les achats d'équi-pements qui sont souvent effectués dans le pays de résidence des membres. Ces transferts physiques échappent généralement aux systèmes de compta-bilité officielle alors qu'ils peuvent constituer un apport essentiel au déve-loppement des pays d'origine. Les douanes des frontières enregistrent bien évidemment les importations de mar-chandises. Mais ces enregistrements distinguent difficilement la part attri-buable à l'émigration.

TRANSFERT DE COMPÉTENCES ET DE SAVOIR-FAIRE Le migrant acquiert, par son séjour, par sa formation et ses activités profession-nelles, dans un pays plus développé, des compétences et des savoir-faire multiples et variés qu'il transfère, à son retour, au pays d'origine. Ce qui consti-tue un apport en ressources humaines pouvant être allouées directement à l'activité productive. L'expérience montre, en effet, que les personnes issues de l'immigration pro-fitent généralement de visites aux pa-rents restés au pays pour effectuer des missions sur le terrain. Missions qu'el-les financent pour le compte les organi-sations issues de l’immigration et por-tant sur l'appui aux relais ou correspon-dants locaux. Ces missions sont des occasions pour mettre en place des structures d'organisation associative, réaliser des études de diagnostic des besoins de développement et de faisa-

bilité de projets, et, former des respon-sables d'associations et des animateurs de projets. Elles s'appuient sur des connaissances, à la fois, professionnel-les et associatives de ces personnes en mission. Ce qui produit un transfert de compétences et savoir-faire sans com-mune mesure avec ce qui peut se passer entre le personnel expatrié et les popu-lations locales de cultures différentes. A ces transferts directs de compétences et savoir-faire viennent s'ajouter les transferts induits par les réalisations d'infrastructures à contenu technologi-que et organisationnel relativement élevé avec un système de gestion plus ou moins normalisé. Il faut ajouter que ces infrastructures de base, essentielles pour l'amorce d'un processus de déve-loppement économique, n'arrivent dans certaines régions d'Afrique que grâce à l'action des organisations issues de l'immigration. Ainsi, elles ont permis à beaucoup de villages du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal de disposer des écoles, des centres de santé, des réseaux d'adduc-tion d'eau, des aménagements hydroa-gricoles, des banques céréalières, etc. La mise en oeuvre de telles réalisations nécessite de nouveaux apports de com-pétences et de savoir-faire que seules ces organisations de migrants sont dis-posées à prendre en charge sur fonds propres, en formant, si nécessaire, un des leurs. Ici intervient l'autre originalité des or-ganisations issues de l'immigration : la double culture support de transfert, de promotion et de valorisation des com-pétences et savoir-faire propres aux populations bénéficiaires. Ce qui leur permet d'assurer elles-mêmes la péren-nité des actions mises en oeuvre. La double culture africaine et européenne des personnes issues de l'immigration constitue donc le meilleur facteur de solidarité entre sociétés civiles du Nord et du Sud et même de coopération in-ter-étatique. Non seulement, les apports des organisations issues de l'immigra-tion, au développement des pays d'ori-gine coûtent beaucoup moins cher au contribuable, mais aussi et surtout, ils sont beaucoup plus générateurs de dé-veloppement au regard des transferts de compétences et de savoir-faire et de la pérennité des actions. Les organisations issues de l'immigra-tion sont, par ailleurs plus à même d'exiger et exigent effectivement des

comptes à leurs correspondants locaux. Il n'est pas étonnant, dans ces condi-tions, que leurs réalisations soient les plus visibles sur le terrain même si elles mobilisent beaucoup moins de masse financière en Europe. Il ne suffit pas, en effet, de mobiliser d'énormes moyens de financement et même de les consacrer à des réalisations sur le ter-rain, pour amorcer un processus de développement auto-entretenu. On sait maintenant que, si les populations bé-néficiaires ne s'approprient pas ces ré-alisations, au lieu de processus de dé-veloppement, on se trouve en face d'un véritable gâchis. Il ne s'agit pas, pour autant, d'affirmer ici, que les organisa-tions issues de l'immigration sont les seuls acteurs de développement qui vaillent. Mais tout simplement que la spécificité de leurs organisations et de leurs actions peut être d'un apport effi-cient à la solidarité internationale, la valeur ajoutée qui manquerait pour en faire un véritable support de transfert de compétences et de savoir-faire et par conséquent d’un développement dura-ble. FONDEMENT ÉCONOMIQUE DES FLUX RETOUR ET LEUR APPORT AU DÉVELOPPEMENT

Ces flux relèvent de la logique d'alloca-tion internationale des facteurs de pro-duction. De même que le capital, le travail a tout naturellement tendance à se déplacer vers les économies les plus rémunératrices, il en découle que, si l’affectation du produit du travail du migrant revient à l'économie du pays d'accueil, la rémunération revient logi-quement à l'économie d'origine appor-tant à celle-ci, des effets retour, d'en-traînement et de développement. De ce point de vue, on peut dire que les pays en développement sont actuelle-ment pour les pays industrialisés, ce que fut en Europe le secteur rural pour le secteur moderne durant la Révolu-tion industrielle: une armée de réserve pour les économies en croissance ra-pide à la différence qu'on ne trouvait rien d'anormal en cela tandis qu'on ju-geait normal et souhaitable que cet exode rural profite en retour au déve-loppement de l'agriculture qui voit ses productivités s'accroître. Nous avons là, à la fois l'explication et la justification du lien entre immigra-tion et développement.

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FLUX MIGRATOIRES, DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION DOSSIER

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Ce lien peut être renforcé par l'éléva-tion du taux de transformation entre les flux retour issus de l'immigration et les activités productives mises en oeuvre dans les pays d'origine. Les migrants consentent eux-mêmes beaucoup d'ef-fort pour contribuer au développement des pays d'origine. Ils s'organisent en associations pour financer, essentielle-ment sur fonds propres, des infrastruc-tures relevant du domaine public. Des actions sont en cours pour mieux viabi-liser ces réalisations par des activités productives permettant d'élever le pou-voir d'achat local. Cependant, les flux générés par l'immi-gration auraient un impact sur le déve-loppement s'ils pouvaient bénéficier de l'appui des autres partenaires de la coo-pération internationale. Or ces partenai-res adoptent, le plus souvent, une atti-tude défavorable à l’action des mi-grants : Les pouvoirs publics des pays d'ori-

gine les bloquent par des procédures administratives contraignantes dont le but inavoué est d'effectuer des ponc-tions illégales sur les flux en ques-tion ;

Les autres organisations civiles de Solidarité Internationale les considè-rent, et injustement, comme des concurrents. En effet, peut-il y avoir concurrence pour la solidarité inter-nationale ?

Les pouvoirs publics des pays d'ac-cueil préfèrent ignorer l'apport des migrants au développement des pays d'origine en les orientant davantage vers des actions d'intégration dans le pays d'accueil.

Il est pourtant évident que la solidarité internationale et le développement ont énormément à gagner dans une intégra-tion valorisante de l'apport volontaire des migrants. A cet effet, un premier pas serait d'ad-mettre que ces apports sont utiles au développement des pays d'origine. Si tel est le cas, ils doivent être encoura-gés par des politiques plus volontaris-tes, intégrant les organisations des mi-grants comme partenaires à part entière et responsables.

Les perspectives d'avenir des organisa-tions issues de l'immigration résident dans la poursuite des évolutions organi-sationnelles. Ces évolutions vont dans le sens d'un renouvellement et d’un enrichissement permanents des apports de compétences, de savoir-faire et d'ex-périences de plus en plus diversifiées ; d'un décloisonnement entre, d’une part, les organisations issues de l'immigra-tion, les organisations de Solidarité Internationale et les Pouvoirs Publics, et d'autre part, la mise en oeuvre de projets basés sur le multipartenariat. Les organisations issues de l’immigra-tion s'enrichissent de compétences, de savoir-faire et d'expériences nouvelles et diversifiées. On a pu penser que l'ar-rêt de l'immigration allait entraîner l'affaiblissement puis la disparition à terme des organisations issues de l’im-migration. Non seulement on n'assiste pas à un arrêt complet de l'immigration, mais on voit aussi que celle-ci s'enri-chit de nouvelles formes de compéten-ces. Le niveau d'instruction des immi-grés est de plus en plus élevé comme l'indique les statistiques officielles: étudiants restés après les études, an-ciens fonctionnaires émigrés suite à la dérégulation de la fonction publique en Afrique, jeunes immigrés profitant des périodes de chômage pour suivre des cours d'alphabétisation, etc. Même si le faible niveau d'instruction n'est vraiment pas un handicap insur-montable en matière d'actions de déve-loppement, ces nouvelles compétences viennent renforcer les capacités d'inter-vention des organisations issues de l’immigration qui sont de plus en plus en mesure de se passer d'assistance extérieure pure et simple et de recourir à d'autres activités génératrices de re-cettes alimentant leurs fonds propres. A côté de l'apport de ces vagues d'im-migration plus récentes, les jeunes issus de l'immigration prennent la relève dans la participation des migrants à de la solidarité internationale, en adoptant

une démarche consistant à être plus présents sur le terrain et à recourir le moins possible aux cotisations de membres. La pérennité des actions dé-pendra donc beaucoup plus de la mobi-lisation des membres que de leur dispo-nibilité et/ou leur capacité à s'acquitter des cotisations. L'autre changement notable introduit par les jeunes est le décloisonnement des actions qui ne sont plus exclusivement tournées vers le village, la région ou le pays d'ori-gine. Le choix de la région d'interven-tion est surtout liée à la fiabilité du projet. Cela permet de diminuer les contraintes dans l'affectation des res-sources mobilisées par l'organisation issue de l’immigration qui peut ainsi choisir la région où elle est la bienve-nue. Les organisations issues de l’immigra-tion s'organisent de plus en plus en collectifs et en coordinations. Cons-cientes de la nécessité de se mettre en-semble pour mieux se faire entendre, les organisations issues de l’immigra-tion sont désormais engagées dans un processus de recomposition du milieu associatif. Ainsi, se multiplient les fé-dérations qui n'hésitent plus à se retrou-ver au sein des coordinations pour par-ler d'une même voix face aux autres partenaires. Le multipartenariat devient le moyen d'action privilégié des organisations issues de l’immigration. De même que les organisations issues de l’immigration procèdent à des re-groupements comme outils relation-nels, le multipartenariat sur un même projet devient le meilleur moyen de bénéficier d'une diversité et d'une mul-tiplicité d'expériences et de rendre le coût du projet plus supportable par les uns et les autres. Les organisations issues de l’immigra-tion vont de plus en plus avoir besoin de recourir à ce type de partenariat si elles ne veulent pas se voir exclues du

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QUELLES SONT LES PERSPECTIVES D'AVENIR DES ORGANISATIONS INITIÉES PAR LES IMMIGRÉS DANS LE DÉVELOPPEMENT DU CONTINENT AFRICAIN?

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La solidarité envers la famille nucléaire et atomique est quasi une obligation morale pour tout africain qui a des revenus grâce aux sacrifices consentis par la collectivité. Mû par cette valeur, profondément enracinée, le migrant africain, selon ses possibili-tés, s’est automatiquement engagé à affecter le fruit de son épargne à des projets initiés par des organisations de sa collectivité d’origine, soit à titre individuel soit via une association. Réalisant que les actes ainsi posés rentraient dans le cadre de la coopé-ration, laquelle bénéficie d’une enveloppe budgétaire publique dont une partie est accessible à des organisations qui oeuvrent dans ce champ, il a frappé aux portes ad hoc, pour accéder à plus de moyens pour déployer ses actions. Et là …oh stupéfaction ! Il ne correspond pas aux critères.

Créée en 1981, CINTERAD est une des plus vieilles organisations initiées par des africains à Bruxelles, quand bien même l’on en entend peu parler. A cette époque, existaient peu d’orga-nisations initiées par des africains, et on ne parlait pas non plus des ONG du Sud. Il y avait quelques organisations pionnières dont certaines à tendance religieuse. Peu après sa création, CIN-TERAD s’est engagé dans le renforce-ment des capacités d’organisation de travail et d’association auprès des par-tenaires en Afrique subsaharienne. Il a une longue expérience, dans le champ de la coopération au développement, sans pour autant avoir une reconnais-sance comme ONG de droit belge. Il est l’émanation d’un premier Centre de formation qui avait son siège à la

Place Stéphanie, à Bruxelles, et qui avait pour mission d’aider, ici, les étu-diants africains qui avaient des diffi-cultés dans certaines matières. Ce Cen-tre de formation initial faisait la remise à niveau des connaissances. Cette expé-rience conduisit CINTERAD à élargir son champ d’action à l’aide à l’amélio-ration des méthodes de travail et d’or-ganisation des associations locales. En 1982, le Centre organise son premier congrès où il présente son programme d’installer 1000 jeunes agriculteurs africains par an. Il prit en charge la participation de 60 jeunes agriculteurs africains, ce fut l’intégration du monde rural au programme d’origine du Cen-tre de Formation. Lors de leurs déplacements, dans des pays africains, les formateurs et les

IMPLICATION DES ASSOCIATIONS INITIÉES PAR DES AFRICAINS DANS DES ACTIONS

DE DÉVELOPPEMENT ET DE COOPÉRATION

ENTRETIEN AVEC M. VALÉRIEN MUDOYI, RESPONSABLE DE CINTERAD (CENTRE INTERNATIONAL D’ETUDES ET DE RECHERCHE D’ACTIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT)

FLUX MIGRATOIRES, DÉVELOPPEMENT ET COOPÉRATION DOSSIER

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experts de CINTERAD rencontrent les membres et responsables des organisa-tions non gouvernementales locales. Ils discutent avec eux, observent et analy-sent ce que ces dernières font sur le terrain: c’est la phase d’identification et de la sélection des partenaires. Lors-qu’il est constaté une similitude d’ac-tions dans un rayon restreint, les forma-teurs, souvent, stimulent les organisa-tions locales à se regrouper et les ac-compagnent dans cette démarche. C’est ainsi que par exemple, dans un pays comme le Mali, avec l’appui de CIN-TERAD, un collectif de stratégie ali-mentaire regroupant une vingtaine d’organisations non gouvernementales fut créé. L’association préfère travailler avec un collectif qu’avec une organisa-tion individuellement, étant donné que les problèmes auxquels les organisa-tions locales sont confrontées sont énormes, et qu’il est quasi impossible de les résoudre au cas par cas. De même que CINTERAD privilégie les collectifs, de même il travaille dans le sens de projet global intégré. Autour d’une action agricole s’articulent d’au-tres actions contribuant en symbiose à l’amélioration des conditions de vie des collectivités, à savoir: les installations sanitaires, l’organisation de l’instruc-tion des enfants, l’amélioration des habitats, etc. La démarche du Centre implique tous les membres d’une collectivité dans un projet: hommes, femmes et enfants. Dans un village, tout le monde met la main à la pâte. Prenons le cas de grou-pements de femmes qui s’occupent des mangues au Mali. C’est un groupement de femmes bien sûr, c’est la femme qui dirige. Mais à la récolte tout le village y compris les hommes travaillent. Nous avons contribué à la résolution des problèmes de terre dans certains pays où les femmes ne peuvent acqué-rir un lopin de terre où en labourer, en facilitant la collaboration entre les hommes et les femmes, en les faisant travailler ensemble. Cette étroite colla-boration sur le terrain a fait prendre conscience à tous que les femmes ont autant d’aptitudes à travailler aux champs que les hommes. Par cette ap-proche, les chefs des villages arrivent à résoudre le problème des terres, tout en évitant que les femmes qui travaillent sur les terres soient dépendantes des fainéants qui s’en disent propriétaires. Étant donné que les collectivités parti-cipent à toutes les étapes d’une entre-

prise, à son terme elles relèvent les erreurs dans l’exécution et la gestion des ressources tant humaines que finan-cières, de sorte à les éviter dans l’ave-nir. C’est déjà une bonne chose. Si el-les sont satisfaites, moi aussi je suis content d’une oeuvre réalisée en totali-té ou à moitié. N’étant pas reconnue comme une ONG de droit belge, CINTERAD ne bénéfi-cie pas des subventions de la Direction Générale à la Coopération Internatio-nale. Ses moyens étant limités, dès lors, non seulement en ressources humaines mais aussi en ressources financières, cela limite aussi son rayon d’action. Il intervient dans les pays suivants: Bé-nin, Mali, Togo, Burkina Faso, Séné-gal, Niger, Congo, Île Maurice et Ma-dagascar. Nous sommes essentiellement presta-taire de services, nous effectuons des études pour les institutions internatio-nales. Nous organisons pour le compte de l’Union Européenne des séminaires et des congrès pour les ressortissants des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Il y a deux ans CINTERAD a réalisé deux audits des caisses de sécurité sociale pour le compte du Bu-reau International du Travail. Il affecte l’argent qu’il perçoit de ce travail au renforcement des capacités humaines chez ses partenaires en Afrique Pour notre Centre, le développement est un ensemble qui considère l’être humain dans sa globalité: son épa-nouissement non seulement sur le plan moral mais aussi sur les plans physique et spirituel. CINTERAD seul, ne mène pas des actions de développement, mais colla-bore, plutôt avec des partenaires sur le terrain. Ce sont les partenaires sur le terrain qui définissent leurs priorités ; l’association discute avec eux et essaie de les aider à mieux cibler les vraies priorités. Au terme de cette étape, CIN-TERAD et les partenaires recherchent, ensemble, des financements auprès des bailleurs de fonds. Nous ne fonctionnons pas du tout comme un bureau de Bruxelles qui conçoit des projets pour les partenaires du Sud. Il travaille en étroite collabora-tion avec les partenaires, à toutes les étapes du processus. Tout le monde n’envisage le développement qu’avec le cofinancement, c’est triste. Si le cofi-nancement n’existait pas, aucune action ne serait alors entreprise et réalisée? Nous fondons nos actions sur ce qui est

possible d’être entrepris sur place avec le concours des ressources locales d’a-bord avant de songer à prendre de l’ar-gent du Nord. Quand on lit certains projets qui viennent du sud et qui sont chiffrés en millions, on s’interroge sur la provenance de tels montants. Locale-ment, il y a moyen de réduire ces mil-lions. C’est l’objectif que poursuit le Centre. Son principe d’intervention donne la priorité à la réflexion sur les possibilités locales tout en élaguant tout ce qui est superflu, plutôt qu’à la recherche de l’argent. Les mécanismes de financement existants induisent des dérives dans les projets de développe-ment et faussent le concept du partena-riat. Le financement des ONG locales tran-site obligatoirement par les ONG du Nord, selon des critères édictés unilaté-ralement par le Nord. En terme de par-tenariat effectif, ces critères auraient dû être établis, autour d’une table, en y associant aussi les partenaires du Sud. Comme ce n’est point le cas, les parte-naires du Sud subissent les dictats du Nord qui donne l’argent et qui donc forcément choisit la musique. Il est vraiment temps d’arrêter la coopération au développement en vue d’en faire le bilan, depuis les indépendances jusqu’à nos jours. Aujourd’hui nos pays sont tellement endettés que l’on se demande à quoi et à qui ont servi ces dettes. On ne peut tout de même pas dire que toutes les dettes sont entrées dans les poches des dictateurs africains ! Donc un bilan est nécessaire. Il y a 20 ans, il fut décrété par les pays du Nord que la quote-part destinée à la coopération devait correspondre à 0,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB). Cet objectif de 0,7% du PIB prévu n’a été atteint que par très peu de pays. Les pays scandinaves sont arrivés à 0,7% voir même 1%. Les autres pays qui brandissent, haut et fort, toujours le slogan de la coopération sont loin d’a-voir cet objectif fixé! Le bilan dans ce champ doit aussi être fait. En outre, j’attends toujours le jour où l’on célébrera la fin du terme «Tiers Monde». Nous risquons d’être des éter-nelles collectivités du Tiers-monde. A-t-on jamais défini le seuil à partir duquel un pays du Sud sortirait de la caste du Tiers-Monde ? Est-ce un catégorie gelée d’office et à tout jamais ?

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Par un effet de mode, aujourd’hui tout le monde parle de partenariat, mais qui est partenaire de qui ? CINTERAD a des partenaires parce que ceux-ci assistent aux réunions de son Conseil d’Administration. Pour-tant, le Centre est censé leur apporter des moyens financiers ; c’est accepté parce qu’il est co-responsable avec ses partenaires à tous les niveaux des pro-jets. Être «partenaires», c’est apporter chacun ce qu’on a. On ne dit pas qu’on est partenaire parce qu’on apporte de l’argent, et que peut être au retour on ramène une oeuvre d’art. C’est abusif. Nous sommes partenaires lorsque nous gérons ensemble, évaluons ensemble et sommes co-responsables des réussites comme des échecs. C’est le seul sens acceptable du partenariat. Si le partenariat ne se limite qu’à l’apport des moyens de financement, alors c’est une notion à revoir.

Il est grand temps de sortir de la vision prédominante d’une coopération au développement emprunte de l’esprit d’une police financière, pour enfin l’axer sur les intérêts majeurs des popu-lations cibles. A cette fin, il est impéra-tif que les partenaires du Sud et les ONG du Nord dialoguent pour définir ensemble les critères des choix des projets et du financement. Actuelle-ment, les critères de financement vien-nent plus du Nord que du Sud. C’est celui qui finance qui décide. Les ONG américaines ont déjà changé leur méthode de travail. Les ONG ca-nadiennes font comme CINTERAD. Dans leur conseil d’administration fi-gurent et participent leurs partenaires du Sud parce qu’ils ont pris conscience qu’ils ne peuvent pas décider sans l’a-vis de ceux qui sont les plus concernés. Il faut que les gens du Sud siègent aux conseils d’administration des ONG partenaires du Nord lorsqu’il s’agit de

prendre des décisions déterminantes sur des projets qui vont conditionner leur devenir. Il est difficile d’entreprendre une action de grande envergure sur des fonds pro-pres uniquement. Collaborer avec les ONG du Nord est, hélas, un passage obligatoire, mais à la condition sine qua non que cette collaboration table sur des bases égalitaires, en terme de participation à la prise des décisions majeures. Dans la plupart des ONG ici, les gens agissent comme des fonctionnaires ou des salariés. Ce qui n’est pas le cas pour les ONG du Sud dans lesquelles des personnes travaillent bénévole-ment. Ici les travailleurs des ONG sont souvent des ACS (Agents Contractuels Subventionnés), donc pris en charge par l’État. Dans le Sud, ce n’est pas le cas, ils n’ont aucun salaire, ils doivent se sacri-fier.

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AFLENET, African Legal Network, un réseau juridique africain, est une asso-ciation de juristes africains, initiée et gérée par des africains. Nous faisons du juridique tant en direc-tion des migrants et que dans le champ des rapports Nord-Sud. Nous entrepre-nons des activités en matière du respect des droits de l’homme et de la coopéra-tion juridique avec les pays africains. En outre, nous produisons et diffusons des outils de travail: nous avons déjà publié deux livres: l’un sur la migration africaine et l’autre sur le droit et la mi-gration africaine. Dans le domaine de la coopération juri-dique, nous agissons essentiellement à deux niveaux: contribuer à faire respec-ter les droits de l’homme en Afrique et participer à la mise en place des États de droit, dotés d’un système judiciaire opérationnel qui puisse faire respecter les droits civiques et commerciaux pour le développement économique. Nous avons organisé en 1998 un collo-que, dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de la Décla-ration Universelle des Droits de l’Homme, en collaboration avec d’au-tres associations initiées par des afri-cains, notamment les associations Na-nou et le Cercle Nkwame Krhuma. Durant la même année, nous avons organisé une conférence sur le partena-riat Nord-Sud. En 1999, nous avons organisé une conférence sur le génocide et les crimes contre l’humanité. Nous organisons, de façon récurrente,

des formations, des séminaires et des journées d’études qui traitent des règles applicables dans la coopération Nord-Sud, à l’attention des acteurs et des opérateurs en matière de coopération au développement: les membres, res-ponsables et travailleurs des ONG et des associations initiées par des afri-cains, et des autres personnes intéres-sées aux relations entre le Sud et le Nord. Depuis 1995, nous travaillons à la mise sur pied et au développement d’un ré-seau de juristes du Nord et du Sud. Le travail consiste à la promotion des rela-tions et des échanges des pratiques entre les juristes qui sont basés dans le Nord notamment à Bruxelles, une dou-zaine, et des juristes qui sont basés dans le Sud, huit pour le moment. Nous aidons les membres du réseau à développer leurs cabinets. Lorsque des juristes quittent l’Europe, la Belgique plus spécifiquement, pour aller travail-ler dans un des pays où des membres du réseau sont installés, nous les orien-tons vers les avocats membres de façon à leur permettre de développer plus leur participation au niveau du barreau, mais aussi de pouvoir augmenter leurs revenus. Nous les aidons à acquérir de la documentation. Dans certains pays africains, l’accès à certains documents et aux livres juridiques est un sérieux problème. Malheureusement, nous n’avons pas assez de moyens pour maintenir ce niveau de coopération et développer ce réseau à un niveau suffisamment actif

ENTRETIEN AVEC MAÎTRE MATHIAS NIYONZIMA, PRÉSIDENT DE AFLENET ASBL

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au point par exemple, d’organiser des rencontres entre toutes ces personnes. Idéalement, cela devrait être réalisé au moins deux fois par an. Il y a des per-sonnes qui font partie du réseau en Afrique que nous n’avons jamais vues à cause du manque de moyens finan-ciers. Ce manque de moyens est lié notam-ment aux énormes difficultés que ren-contrent beaucoup d’associations ini-tiées par des africains, pour obtenir la reconnaissance comme ONG. Dans ce pays, il ne suffit pas d’être une asbl qui agit dans le champ du développement et/ou de la coopération au développe-ment pour être agrée comme ONG. C’est une question politique, il nous semble. Beaucoup d’associations de droit belge ou dépendant d’autres sys-tèmes juridiques en Europe, initiées par des africains, agissent effectivement dans ces domaines et se voient, malgré tout, refuser cette reconnaissance insti-tutionnelle. Cette discrimination, qui entraîne automatiquement l’exclusion des moyens financiers publics affectés à cette fin, fait que l’on n’a pas accès aux fonds qui pourraient nous aider à développer le réseau. Malgré cette bar-rière nous essayons de nous débrouiller avec les moyens de bord tout en nous battant pour essayer d’obtenir, dans le futur, le statut d’ONG afin de pouvoir nous doter des moyens nécessaires nous permettant de déployer et d’éten-dre notre action. Le peu des moyens dont nous dispo-sons consiste en des ressources humai-nes, nos membres qui se donnent plei-nement bénévolement. En ce qui concerne les ressources financières, nous bénéficions de l’aide de la Com-munauté flamande, du soutien du Cen-tre pour l’Égalité des Chances et de certaines associations comme OCIV (Overleg Centrum voor de Integratie van de Vluchtelingen), Le Foyer et d’autres. Tant que les pays développés ne res-pecteront pas leur engagement d’affec-ter 0,7 % de leur PIB à la coopération au développement et au développe-ment, cela restera un problème général qui fait que la coopération au dévelop-pement en pâtira. Cependant, ça n’ex-plique évidemment pas la situation spécifique de notre association qui souffre du fait qu’elle n’a pas pu, no-nobstant ses actions sur le terrain afri-cain, accéder pleinement aux mêmes ressources financières auxquelles les

autres ONG notamment belges ont droit. Le migrant est ainsi exclu d’un champ d’action qu’il peut enrichir. Après une certaine période passée ici, le migrant finit par connaître et comprendre le système d’ici. Par ailleurs, par sa parti-cipation aux événements éducatifs rela-tifs à la problématique du développe-ment et de la coopération au dévelop-pement, il affine sa compréhension de la matière, tout en la confrontant aux cultures d’origine. Un tel sujet est mieux outillé, pour être un agent coo-pérant ou pour participer, à son retour dans son pays d’origine ou un autre pays africain de son choix, au dévelop-pement. La migration et le développement sont intimement liés. On le constate, au vu, par exemple des contributions assez substantielles des migrants marocains dans leur pays, et aussi, de plus en plus, en Afrique centrale, de par les familles entretenues, et la prise en charge des frais de scolarité des frères, sœurs et cousins, grâce à l’épargne que les réfu-giés et les migrants envoient au pays.

En plus du transfert de l’aide finan-cière, il y a aussi le transfert des connaissances. Ce processus pourrait être amplifié si on laissait les personnes circuler librement tant dans les pays d’accueil que d’origine. Et si on per-mettait aux migrants d’être pleinement actifs dans leurs pays, ils feraient beau-coup de choses. Malheureusement, il y a aussi des restrictions dans le Sud. Tous ceux qui peuvent contribuer au développement dans leurs pays ne sont pas toujours admis à le faire librement. Au delà des préjugés, des censures et des interdits, l’émigration pourrait ab-solument contribuer au développement et à une coopération dans le sens pre-mier du terme, si elle était envisagée de manière plus positive ; à savoir: ne plus considérer le migrant comme une force vive productrice perdue pour son pays d’origine et comme un fardeau à perte pour le pays d’accueil. La coopération au développement, pour moi, implique inéluctablement le parte-nariat. Le fait que l’on parle enfin du partenariat est, sans doute, un signe de la prise de conscience par les ONG du Nord du fait que cette dimension a été absente jusqu’à l’utilisation du terme dans ce champ, et qu’enfin peut-être les ONG du Nord entendent-elles inclure dans la coopération un peu de partena-riat.

Elle n’y était pas incluse à mon avis dans la mesure où la coopération ne comportait que des actions unilatérales. Donc, maintenant que le terme partena-riat est mis en exergue, osons espérer que l’on tiendra un peu plus compte des desiderata des ONG et des popula-tions du Sud. La terminologie en soi ne me semble pas importante mais c’est peut être le signe qu’il y a une nouvelle orientation volontaire à enfin suivre ! La coopération au développement au-rait dû dès le départ impliquer une véri-table collaboration entre deux ou plu-sieurs parties ; il y a eu une assistance mais jamais de coopération. De même, il n’y a jamais eu de développement non plus me semble-t-il. Le développement est un terme polysé-mique couvrant divers champs: l’aspect économique, mais aussi les aspects social, écologique, etc. En ce qui concerne les pays africains, le concept en appelle à un processus multidimen-sionnel durable, dépassant le para-digme de la croissance économique et respectueux de tous les aspects de la vie de l’être humain. En tant que juristes évidemment, nous entendons aussi qu’il y ait développe-ment dans le sens de contribuer à met-tre sur pied un système judiciaire qui puisse faire respecter l’État de droit dans les pays africains. L’impact de nos actions est difficile à évaluer. Nous estimons qu’en moyenne 400 personnes par an sont aidées par AFLENET. L’analyse des listes des participants aux conférences, séminai-res, formations et journées d’études montre que plus de 400 personnes par-ticipent effectivement et reviennent témoigner des retombées. L’évaluation est empirique. Nous n’a-vons jamais fait une étude systématique pour voir ce que les personnes que nous avions aidées étaient devenues. Par contre nous observons que les gens reviennent régulièrement. Un certain public dépend d’une certaine façon de l’aide juridique d’AFLENET. Les in-formations et les conseils que nous diffusons sont utilisés au niveau des procédures de la naturalisation et de l’acquisition du titre de séjour. Le pu-blic y accède par la lecture, en partici-pant aux conférences et lors des entre-tiens téléphoniques. En ce qui concerne la coopération juridique, l’in-dicateur majeur dans l’évaluation reste l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement des cabinets d’avocat.

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TRIBUNE

Il est impossible de décrypter ces concepts en vue d’une dynamique ana-lytique sans braver l’interdit de la mé-moire des populations qui, dans un premier temps les ont subis, et qui, par la suite, se les sont appropriés. Dans la quasi totalité des langues des régions de l’Afrique centrale, ces concepts sont inexistants et ne renvoient à aucune réalité sociétale, fût-ce symbolique. Dichotomie source des malentendus qui ont généré un gaspillage monstrueux tant en temps q u ’ e n e s p è c e s s o n n a n t e s e t trébuchantes. Le concept du développement fut pla-qué aux pays africains, durant les colo-nisations. Jusqu’au 16e siècle, les so-ciétés de l’Afrique Centrale avaient des modes organisationnels et fonctionnels

fondés sur les lignages, régis par les traditions et dont la primauté consistait en la sauvegarde des cultures. Le tout dans l’oralité, support précaire de la conservation du legs culturel à travers le temps. Les traditions se transmettant de père/mère à fils/fille, chaque mort d’un initié signifiait la perte d’un pan de savoirs. Ces systèmes ont bâti des royaumes, des nations, des communautés, mais pas des États. Un État est une construction volonta-riste, dont l’axe névralgique est une organisation essentiellement matérielle des sociétés et des nations: des lois, une administration, une armée, des constructions en dur et des écrits qui lèguent les savoirs et les règles. Les indépendances politiques en Afri-que Centrale ont laissé des États lar-vaires, émanations directes des coloni-sateurs. De tels États ne pouvaient continuer à fonctionner qu’avec une aide polyvalente de ceux-là mêmes qui les ont créés: aide militaire, aide finan-cière, aide technique et culturelle. Aus-si, l’assistance d’abord, ensuite la coo-pération au développement furent-elles envisagées comme une impérative né-cessité. Mais pour qui et pourquoi ? Quelle est la finalité de ces aides des États du Nord? S’agit-il d’aider les

pays africains à devenir acteurs de leurs propres destins ? Les réponses plongent leurs racines dans les réalités et le vécu actuels des pays africains. Les luttes pour la libération et les fami-nes des années soixante, générèrent une nouvelle forme de coopération internationale, lancée par les associa-tions et les ONG, prise en charge, dans une large proportion, par les gouverne-ments et les élus locaux, et soutenue par la solidarité des collectivités. En outre, la mauvaise gérance des aides d’État à État, par les dirigeants de certains pays africains, conduisit les gouvernements d’Europe à utiliser de préférence et davantage les ONG dans la coopération internationale. Cette action internationale par des associations provient à l’origine des jumelages de réconciliation initiés peu après la seconde guerre mondiale pour promouvoir et faciliter l’amitié entre les peuples, notamment avec l’Allema-gne. Les jumelages ne consistaient qu’en des échanges culturels entre les peuples. Dans les années 80, cette pra-tique fut transférée aux relations entre les collectivités des pays d’Europe et d’Afrique. Transfert idoine ?

Hélène MADINDA

DE LA COOPÉRATION, AUX JUME-

LAGES, À LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT, AU PARTENA-

RIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT ET À LA COOPÉRATION INTERNA-

TIONALE. APRÈS UN DEMI-SIÈCLE DE MALENTENDUS, QUEL EST LE BILAN DE CES PRATI-

QUES ?

PAROLES DE TERRAINS

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Je travaille en tant que réalisateur et formateur dans le monde de l’audiovi-suel. Mes chemins de rencontre ont aimé le Bénin, le Congo, le Burkina Faso, le Sénégal. Mes chemins de tra-verses ont partagé bien de «sucrés» avec des amis réalisateurs africains. J’entends encore la phrase de Jupiter : « Nous avons de beaux paysages, de bons acteurs, tout fleuris d’exotisme. Tous nos films sont gérés par des pro-ductions étrangères. Donc, le cadreur, le directeur photo, le monteur, le pre-neur de son … sont des blancs. Tous nos sons, nos images sont montés ail-leurs. Nous n’avons pas accès à nos images, nos sons. Nous ne pouvons constituer une mémoire collective ex-primée par nos images, nos sons. Ils sont chez vous. Pas de mémoire, pas de culture, pas de développement, pas d’avenir. Tout vous appartient, c’est vous qui êtes responsables de notre image. Et quand le film sort en salle, c’est chez vous. Parfois, nous pouvons les voir lors d’onéreuses et prestigieu-ses et éphémères manifestations cultu-relles organisées par vous ».

L’HORIZONTALITÉ NE CONNAÎT QU’UN ALLER SIMPLE Le propos ci contre ne voudrait en au-cune façon engager une polémique qui d’emblée distingue le bon du méchant, le bourreau et de la victime. L’écriture tente de dire que tout est en marche malgré le désarroi, les non-dit du passé, les résistances du présent, les incertitu-des de l’avenir. Le propos se voudrait simple et direct. Il témoigne d’un vécu de terrain rencontré lors de stages de formation données (1988–2000) en Afrique de l’Ouest. Que n’ai-je trop souvent, lorsqu’on exprime le mot culture intégrée dans des plans d’action de développement, perçu, entendu une résistance, des réti-cences, voire un rejet cinglant comme si ce mot pourvoyait de la suspicion, de la jalousie, du marasme. C’est comme s’il était facteur de troubles, qu’il met-tait en danger la tranquillité de la socié-té civile et la bonne conscience des pouvoirs politiques.

CULTURE ET DÉVELOPPEMENT

UN TÉMOIGNAGE DOCUMENTAIRE DE CHRISTIAN COPPIN

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CULTURE, CET INTRUS QUI FAIT PEUR AUX HOMMES DES LOIS DE CAPE ET D’ÉPÉE ET À LEURS HOMMES DE MAIN.

Dernièrement, j’entends: « Le dévelop-pement n’a pas besoin de culture, la priorité reste les bananes, les arachi-des, l’aspirine, …, pour la culture on verra après … ». Puis, un ami africain me dit: «Comment voulez-vous développer le développe-ment si vous ne passez pas par la com-munication, et communiquer c’est pas-ser par la culture qui exprime la recon-naissance et l’expression des identités culturelles autres. Quand on ne com-munique plus, ce sont les armes qui parlent, et pour acheter des armes, il faut la drogue ». Un peuple, une ethnie, un individu qui a perdu sa culture, n’existe plus, part à la dérive et se met en abîme de mala-dies, de délocalisation, d’enclavement, d’effritement irréversible des valeurs communautaires, de sens humain et de droit à la citoyenneté. PARFOIS JE ME DIS QUE LE SORT DE LA MISÈRE DU MONDE SE JOUE DANS DES PALACES. QUI EN EST LE CROUPIER ? CE QUI FAIT QUE ÇA N’A PAS MARCHÉ (LES CONTRAINTES DU PASSÉ) 1988, Kinshasa, face à la télévision, films Laurel et Hardi, et Fernandel. Même si la beauté du noir et blanc me fascine et que les acteurs ont nourri pas mal de sourires de mon enfance, une impression de camelote, de rebut, de trop plein de soupe. Quelque chose de grossier au cœur des ténèbres de l’hu-manité. 1993, à la RTNB (radio télévision na-tionale burundaise), lors d’un stage de formation à l’audiovisuel, le directeur me demande de comprendre le pour-quoi de la vacuité (ou des vicissitudes) des outils de production de film. J’ai ouvert les armoires des technicités de production. Selon les accords culturels respectés entre la Belgique et la Burun-di, évidemment, il y avait toute une quincaillerie de haute qualité profes-sionnelle au coût élevé. Le seul pro-blème résidait dans le fait qu’il y avait de quoi faire vivre l’industrie capita-liste occidentale, mais pas un sou pour la formation, ni pour les fournitures, ni pour la maintenance. Exemple : il im-

porte, à travers cette technologie de communication pour le développement de toucher directement le milieu rural, donc d’œuvrer en des terres où il n’y a pas d’électricité. Les enregistreurs et les caméras ne disposaient pas de batte-ries. Le matériel était adéquat seule-ment pour un travail de régie de studio. De plus, rapporté par mes amis réalisa-teurs et techniciens, il était plus réquisi-tionné à la captation des discours politi-ques reconnus qu’au réel travail de l’expression créative de communica-tion. Autre chose, les bandes magnéti-ques (vidéo et sonores) rapidement ont fait défaut. Donc, ils furent obligés de réenregistrer mille fois sur les mêmes supports. La mémoire des langages exprimés ne proposait qu’un espace d’écoute et de vision éphémère où n’existe aucune mémoire. D’où, d’une part, la mauvaise qualité de diffusion à portée internationale et, d’autre part, l’inexistence absolue à interpeller une banque de données de manière participative et constructive. Le plus grand des censeurs, sur les chaînes de télévision, c’est le monsieur qui contrôle la définition de votre si-gnal d’image et de son. Pas le contenu. Dans d’autres armoires, restaient des centaines de films datés du temps des colonisations. On les a regardés tous à travers et dans toutes les ironies du sort. 1998, au Burkina Faso, à la DCN (Direction de la Cinématographie Na-tionale), d’autres bailleurs de fond ins-tallent une panoplie de nouvelles hau-tes technicités (3 jours d’installation). Pas d’argent pour la formation, rien que des modes d’emploi en allemand. Mon ami Frédéric a pleuré. Pour le réconforter, je lui ai dit qu’il avait de la chance parce que les modes d’emploi auraient pu être en japonais. Dehors gisaient sous le soleil pour le bonheur des poules, des araignées, des moustiques, toute une époustouflante mécanique de réalisation de films (tables de montage 16 et 35 mm., repi-queuses 16 et 35 mm., projecteurs 16 et 35 mm.), tous, toutes à l’air libre, ven-tres en l’air et entrailles à ciel ouvert. Le charivari et le tohu-bohu des nou-velles technologies de communication bouleversent et précipitent le droit à l’expression de la parole, de l’image et du son de la mémoire d’un peuple sans tenir compte, au présent, des techni-ques de langage de son passé en deve-

nir de faire savoir et savoir faire de sa réalité. Le bât blesse d’autant plus qu’il n’intè-gre aucunement les valeurs humaines des grandes civilisations de l’oralité et ne prend guère en considération une sensibilisation partagée entre plusieurs cultures. Je ne m’exprimerais pas sur la préda-tion et la corruption qu’on accorde à ceux qui connaissent la génuflexion et le silence des grenouilles de bénitier. Souvent pour ceux qui osent sourciller, la mort est au bout de la prise de parole où conter le regard des autres signe son arrêt de mort. Je ne parlerai guère des sommes dépen-sées à outrance pour la mondanité des festivités culturelles. J’ai profité en abondance des alcools et des friandises de leurs cocktails de fortune. Mais pourquoi ne pas s’étonner des sommes exorbitantes des investitures de leurs fiefs ? Il n’y a pas si longtemps de cela, en ces temps d’ici, un ami me rapporte que le salaire d’un haut fonctionnaire culturel français vagabonde mensuellement aux alentours de 470.000 FB (sans, bien sûr toutes les facilités et les commodités d’usage). Je me suis dit que l’irrespectueux n’est pas de gagner de l’argent pour la vie, mais que vivre sa vie par l’argent, c’est autre chose. Tout compte fait, cette honorable personne, annuellement, représente en salaire presque l’équiva-lent d’un budget royalement accordé par un État du Sud pour le développe-ment de sa culture. Je ferais fi de toutes les incommodités que subissent nos amis africains lors des grandes cérémo-nies de célébrations artistiques en tous sens (tant ici, que chez eux, qu’ail-leurs). Il serait inutile de s’emporter au vent de ceux qui se tiennent mal à table. Je ferais taire quiconque ose dire que l’art n’est qu’une révérence adressée aux pouvoirs des élégances sentencieuses. Donc, dans ce capharnaüm où les ron-ces ont plus le droit à la parole, le che-min à parcourir « à l’écho des voix discordantes» devrait épouser l’appro-prié et l’appropriable.

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CE QUI A COMMENCÉ À MAR-CHER (LES NOUVELLES EMPREINTES) A coup sûr, une conscientisation, une décrispation, une déculpabilisation contemporaine d’une nouvelle généra-tion africaine de journalistes, d’ensei-gnants, de communicateurs, d’artistes de tous bords ayant vogué par tout le bric et le broc des bourses en des pays lointains qui expriment clairement la volonté d’investir leur professionna-lisme dans leur pays. La poule magique ne pond plus ses oeufs d’or en Europe ou ailleurs. C’est sur leur propre terre qu’il faut labourer. Je me souviens des paroles de William. Il a fait des hautes études aux États-Unis en informatique. « Pourquoi rester en Amérique, là-bas je ne serais qu’un subalterne, ici tout est à faire. J’ai créé ma propre socié-té ». Les paroles de William donnent à entendre que petit à petit l’Afrique a accès par ses propres compétences aux nouvelles technologies de communica-tion tout en les gérant de manière auto-nome, sans être assujetti, à la moindre panne, aux spécialistes du Nord. Donc, des professionnels du Sud ont la capacité de former des gens du Sud, au Sud. Dieudonné me dit : « Faire des études pendant 5 ans en Europe, c’est trop long pour nous, il faut intensifier et multiplier des stages de formation poussés, courts et en immersion dans la réalité professionnelle d’aujourd’hui. Vous venez chez nous, on vient chez vous ». Ce qui m’a agréablement surpris, c’est une meilleure transversalité de coopé-ration entre les partenaires du Nord et

du Sud. Une coopération plus jeune, plus incisive, plus dynamique. Elle énonce une transparence plus naturelle, plus accessible pour une meilleure sen-sibilisation du droit à la vie de chacun intégré au plus vrai d’un sens de com-munauté. Et cela passe évidemment par la communication, qu’elle soit véhicu-lée par une caméra, un magnétophone, une sculpture, une peinture, un livre,…,un article. Nous vivons de nouvelles générations qui ne sont plus frileuses face aux langages différents de l’ex-pression de communication. Le fait que de nouvelles technologies profession-nelles, au coût abordable et à l’utilisa-tion appropriable existent, permet la réalisation, la diffusion et l’écoute d’un entendement de développement autre que celui distillé par les pouvoirs éter-nellement consacrés. L’accès à l’infor-mation, à la communication est plus vivace, plus humain. Elle cible directe-ment la parole du public concerné, ex-primée par eux sans aucune promiscui-té à révéler par l’écrit, l’image et le son une ténacité à construire par tous, entre tous, la démocratie. Cette démocratie à métisser, pas à pas, cet autre nous-même. LIBÉRER LES CHAÎNES DES ENTRAVES DES FÊLURES DES MIROIRS DE NOTRE PASSÉ, SANS CONCESSION Bien de belles initiatives concrètes abondent par la réalité du travail des ONG du Sud. Elles accordent une prio-rité à l’expression de la communication du développement par la culture. J’ai-merais maintenant, avant de conclure, prêter voix et tendre l’oreille pèle mêle à leurs paroles.

SEYDOU WANE SECRÉTAIRE ADMINISTRATIF DE L’ONG FODDE « (…) L'alphabétisation, c'est vraiment une base de permettre aux gens de sa-voir lire et écrire. Maintenant, dans la communication telle qu'elle se déve-loppe, elle doit être mise dans les droits de l'homme, sinon on est laissé en rade. On a toujours eu une civilisation orale en Afrique, donc la parole a toujours été importante, mais on s'est rendu compte, nous-mêmes, de par notre ex-périence, que quand les gens voient, c'est tout à fait autre chose, cela va beaucoup plus vite. Je suis convaincu aussi qu'il ne fau-drait pas qu'on rate cette évolution de la communication sinon on va courir encore. Déjà sur le plan économique, il y a énormément de problèmes. Il y a eu un retard, même si on peut relativiser cela, mais ce qui va creuser davantage le fossé, c'est la communication. Et je reviens encore sur cet exemple très frappant de H.S.B, rien qu’y toucher, démystifier tous ces nouveaux médium, c'est déjà une avancée significative, et cela va être les enjeux des années pro-chaines, ça c'est ma conviction. Nous, notre travail, c'est plus un travail que les gens prennent conscience que le développement doit venir d'eux. C'est pourquoi, nous avons besoin d'outils. Notre rôle, c'est plus de la communication que de planter des bananes. Planter des bananes, tout le monde peut le faire et tout le monde l'a déjà fait et ça n'a pas marché. Il n'y a pas de projet que nous soutiendrons qui n'a pas été soutenu par un bailleur d e f o n d . D o n c , c ' e s t t o u t e l'organisation, toute la prise de conscience que la population doit prendre qui manque. Nous croyons fermement que c'est ça le travail d'une organisation d’appui de développement. Nous savons ce que nous voulons, mais pour la conception et comment maté-rialiser cette conception, ça, c'est un travail d'autres professionnels. Une collaboration à ce niveau peut mener très loin, parce que ce que nous appe-lons l'animation, c'est ça, c'est de faire prendre conscience aux populations de ce qu'ils représentent et tous les enjeux, maintenant de la démocratie, c'est ça, donner le pouvoir à la majorité (…) ».

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KORY DIONE EX-RESPONSABLE DU CENTRE CULTUREL DE KOLDA « (… ) Vous savez que cette mémoire collective de l'Afrique, disons des cultures africaines parce que on peut dire qu'il y a plusieurs Afrique, il n'y a pas qu'une seule, mais la plupart des cultures africaines ont pu garder cette mémoire collective par des procédés de conservation liés à toute une organisa-tion sociale. Vous avez dans chaque ethnie ce qu'on appelle des groupes un peu sociaux qui sont par exemple des griots, suite à la stratification sociale qui existe dans chaque société, et se sont ces griots qui avaient appartenance de conserver cette mémoire collective, mais égale-ment de la transmettre de génération en génération en se faisant de père en fils des relais de transmission de cette connaissance collective. Et ceci a fonctionné pendant très long-temps. C'est pourquoi on dit que l'Afri-que a toujours été un pays de l'oralité au niveau de la communication mais c'est surtout au niveau de la transmis-sion de cette mémoire collective (…) ». ALPHA GANO ÉTUDIANT EN COMMUNICATION AUDIOVISUELLE « (…) D’une part, je dirai que la culture est très importante, c’est large dans la culture. Il y a l’éducation. On peut être éduqué à partir de choses qui sont passées. C’est ce que faisaient les ancêtres. Tout cela fait partie de la culture. La tradition, c’est important. C’est important de revenir des fois en arrière pour revoir le passé; on fera mieux le futur. En général, si les griots reviennent sur le passé, c’est pour savoir ce que nos ancêtres ont fait. Donc le courage, le courage de nos ancêtres, leur bra-voure. Cela entre dans notre éducation, c’est important. D’autant plus, en en-tendant parler de ton ancêtre, soit ton grand-père, il a fait tel combat, ça t’en-courage, en quelque sorte, d’entendre quelqu’un qui a résisté, qui a lutté. Cela permet de savoir ce que les ancê-tres sont capables de faire, donc, peut-être on peut faire mieux ou faire aussi bien que ces ancêtres. Donc ne pas déshonorer la famille (…) ».

JOSEPH NDONG DÉPUTÉ DU PARTI DÉMOCRATIQUE SÉNÉGALAIS « (…) C'est capital, chez nous, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothè-que qui brûle. C'est réel que pour nous beaucoup de choses se transmettent par l’oralité. Or, vous savez bien que l'oralité c'est ce qu'il y a de plus éphé-mère quand les moyens techniques n'existent pas pour maintenir, pour conserver cela. C'est pour cela que les moyens audiovisuels actuels peuvent permettre véritablement de conserver cela et de l'utiliser à grande échelle. Alors à ce niveau, je pense effective-ment qu’il faut qu'au niveau des techni-ques actuelles, prendre ces techniques actuelles et les mettre largement au service de ce développement, simple-ment en faisant que la puissance de la radio, par exemple, puisse arroser toute une zone, qui autrement serait isolée, complètement isolée, et je pense qu'avec les moyens audiovisuels ac-tuels, on peut réaliser toute une évolu-tion de mentalité au niveau de nos zo-nes rurales (…) ». KORY DIONE « (…) Lorsque vous avez des contes anciens comme ceux-là, a priori dans ce monde actuel, ça ne peut représen-ter rien du tout, mais, lorsqu'ils sont travaillés dans le sens de les adapter à des nouvelles réalités et que ces nou-velles réalités convergent avec toute l'architecture du conte, vous savez que ce document s'adapte à de nouvelles situations, et à partir de ce moment, cela peut apporter de nouvelles choses parce qu’il sera lu par les individus mais en fonction de ce qu’ils ont com-pris de ce monde-là. Le conte revient à un niveau de com-préhension tel quel. Mais ça, il faut savoir le conserver, le travailler et le réinjecter encore dans un niveau de consommation actuel et que cela soit digeste par rapport à tout un travail audiovisuel que les gens peuvent faire. Cela peut être une dramatisation, par exemple une pièce de théâtre à partir d'un texte africain, cela peut être un film de fiction qui est réalisé sur ce fond. Cela peut être accessible à toutes les populations. Je crois que le fond documentaire tel quel représente quelque chose, mais il

peut parfois aussi impulser une nou-velle création sur une création pour arriver justement à avoir un discours cohérent par rapport à une réalité ac-tuelle (…) ». MAGUAR KEITA BOULANGER ET DRAMATURGE - KOLDA « (…) L'artiste d'abord c'est le premier messager qui rapporte exactement les informations, qui parle exactement également de l'actualité et qui ne mâ-che surtout pas les mots. L'artiste c'est celui là qui dit la vérité dans la vérité même. Ce n'est pas comme la radio, la radio marche sur la réalité, mais chez les artistes, nous avons horreur de ce-la. Nous aimons surtout parler sincère-ment. L'artiste doit d'abord et surtout abor-der les gens, surtout les villageois. C'est l'homme également qui a des faci-lités de se faire comprendre par des villageois, parce qu’il les approche facilement et se débrouille aisément à leur faire comprendre ce qu'ils ne com-prennent pas et leur faire connaître ce qu'ils ne connaissent pas. Il se dé-brouille par tous les moyens, soit par la pratique, soit par l'oral. En tous les cas, il parvient toujours à le réussir, faire comprendre. Moi, je fais les villa-ges d'ici, j'ai créé des troupes de théâ-tre dans les villages, j'ai créé aussi des équipes de football dans les villages. Je les ai approchés ici dans les arrondis-sements de M.Y.F. C'était aussi pour les faire comprendre qu'il n'y a pas de séparation entre le citadin et le villa-geois. J'ai couché avec eux pendant des semaines, j'ai partagé avec eux des idées, on a fait des échanges d'idées et je les ai encouragés à approcher les citadins, à exploiter également leurs idées. A partir de cela, il y a une liberté et une ouverture (…) ». KORY DIONE « (…) L'audiovisuel aussi peut fonc-tionner dans nos sociétés où il y a des stratégies de développement qu'on a adoptées en termes de moyens de com-munications et de vulgarisations des concepts. C'est également le théâtre aussi qui peut toucher beaucoup de personnes, de sorte que chez nous on combine les deux moyens. On peut uti-liser le moyen artistique, comme le théâtre en donnant un peu au comédien un fil conducteur pour essayer de par-

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ler par exemple -Halte aux Feux de Brousse- parce que lorsqu'on a des slogans comme cela dans une société analphabète où tous les documents sont écrits dans une langue étrangère, on peut dire que ces documents ne sont pas accessibles à ces populations là. Mais comment les travailler pour per-mettre aux populations d’avoir accès à ce type de document? Et là, quand vous vous adressez à une population anal-phabète pour montrer les méfaits du feu sur l'environnement, vous êtes obli-gés de passer par le médium comme le théâtre. Et lorsque vous travaillez votre texte, cela attache beaucoup, parce qu’avec le théâtre vous dites beaucoup de choses, vous faites beaucoup de représentation où les populations se voient à travers tout le texte, tout le discours, et qui arrive à une compré-hension parce que cela s'adapte bien à la réalité (…) ». JOSEPH NDONG « (…) Oui, je crois que ce que vous dites là devrait être la base d'ailleurs du développement, parce qu'au fond, effectivement, la communication se fait de manière disons à sens unique. Elle vient toujours des villes, elle vient des intellectuels, elle vient de ceux qui ont été à l'école occidentale pour aller vers les autres. Il y a très rarement le volet circulaire entre paysans, par exemple,

très rarement communication à large échelle. Il n'y a que très rarement des cas de communications de paysans vers les classes intellectuelles, vers les classes dirigeantes. Mais, les nouvelles radios rurales naissantes permettent aux paysans de dire leurs problèmes. C'est vraiment des choses comme ça qui peu-vent permettre le développement à partir des réalités quotidiennes vécues par les gens, et non pas quelque chose que l'on importe ou que l'on invente et qui s'adapte plus ou moins au milieu. Quand ce sont les acteurs eux-mêmes qui disent leurs problèmes, qui voient des solutions et qui demandent un appui pour que ces solutions-là puissent être mises en branle, je crois qu'il n'y a rien de plus efficace pour le développement; c'est pour cela que c'est vraiment une idée tout à fait pertinente. Et je crois que l'on peut faire l'économie de beaucoup de conflits à partir de là (…) ». RAKY CHANPIN, SOCIOLOGUE FODDE KOLDA « (…) Moi je trouve que dans notre cadre ça va forcément ensemble, on ne peut pas faire du développement sans le culturel. On ne peut pas faire uniquement du culturel aussi et faire fi de l'économie. Les deux vont de pair et dans le cadre du centre audio, dans le cadre des interven-tions de FODDE, moi je crois que c'est vraiment un élément très, très, très im-

portant, qui a sa valeur. C'est un fait, je crois que nous le faisons même tous les jours, dans le cadre de notre anima-tion, parce que vous savez nous avons affaire à des paysans qui n'ont pas le niveau d’instruction que nous nous avons, qui n'ont pas été scolarisés, qui vivent dans des zones très enclavées et qui n'ont pas l'occasion de communi-quer avec l'extérieur. Et donc nous, dans notre travail de tous les jours, nous les sensibilisons, nous leur faisons comprendre qu’ils ont des potentialités qu'ils peuvent exploiter et qui peuvent leur servir et qu'ils peuvent utiliser, sans attendre tout du dehors, sans at-tendre que les gens viennent d'ailleurs pour les aider à se développer. Le travail, avant tout, c'est la commu-nication, parce que nous pensons que le développement passe par la commu-nication. Si nous ne communiquons pas avec les gens, si nous ne leur parlons pas, ils ne pourront pas vraiment s'en sortir, parce qu'ils sont vraiment cou-pés de la modernité, ils sont coupés de la radio, ils n'ont pas de véhicules (…) ». KORY DIONE « (…) C’est un travail culturel aussi que de restaurer cette pensée tradition-nelle à cette époque où on risque de vivre le tumulte de la mondialisation du point de vue de l’information (…) ».

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Gilles est président du comité de jume-lage entre les communes de Ganshoren et de Rusatira. Arlette en est un mem-bre actif et responsable du journal du jumelage. Ce jumelage est soutenu dans les deux communes concernées par des comités de jumelage, représentant les popula-tions qui participent directement aux actions entreprises dans ce cadre. Il fut initié en 1972, par M. Guy Dema-nez, à l’époque, échevin du Tiers Monde, mu par la conviction qu’il fal-lait impliquer les collectivités de base dans les relations Nord Sud.. Lorsqu’en cette année l’opération 11.11.11 a en-couragé les jumelages entre les com-munes, M. G. Demanez est entré dans cette démarche tout en estimant qu’il fallait une action continue permettant aux populations concernées de se connaître en profondeur, et aux interve-nants dans le Tiers-Monde de mieux cerner les réalités du pays dans lequel ils opèrent. Il chercha le moyen de ju-meler la commune de Ganshoren avec des communes des pays du Sud. Sou-mis au vote du collège des échevins, la proposition fut approuvée à l’unanimité moins une abstention. Il prit contact

avec des enseignants belges en Bolivie et au Rwanda. Un enseignant du Col-lège de Nyansa, au Rwanda, signala qu’une petite commune dynamique, non loin de là, était intéressée et dési-rait se lancer dans le jumelage. Le Rwanda fut choisi car il y avait sans doute plus de besoins à cette époque au Rwanda, d’une part, et d’autre part, en raison de la facilité de communication du point de vue de la langue, le français étant parlé au Rwanda et dans une partie de la Belgique. Cet enseignant est allé voir le bourgmestre de Rusatira. Les conseillers communaux de Rusatira ont aussi voté pour le jumelage. Se sentant un peu seul, à cause du tra-vail avec des bénévoles qui venaient et repartaient, l’échevin, en 1982, suivant l’exemple de Rusatira, où existait de-puis des années un comité de jumelage, encouragea Ganshoren à créer aussi un comité de jumelage. Il fut constitué sous la forme d’une association de fait jusqu’en 1989. Afin de garantir la continuité du jumelage, le comité prit la personnalité juridique d’association sans but lucratif. Ce qui lui permettait en outre, de jouer un rôle comme parte-naire sérieux avec des ONG et dans des

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TÉMOIGNAGE DE GILLES ET ARLETTE LABEEUW

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projets de développement. Il pouvait recevoir de l’argent d’autres sources et s’engager légalement. Une des premiè-res réalisations du comité du jumelage, sous le statut d’asbl, fut, de 1989 à 1995, l’agrandissement du centre de santé de Rusatira, premier centre de santé de cette commune, construit en 1974. Après 1989, en vu d’un suivi efficient des projets, le comité de jumelage de Ganshoren s’est uni à l’association Belgique Rwanda, une ONG belge. Cette ONG regroupe en Belgique non seulement des comités de jumelage, mais aussi d’autres groupes qui sont jumelées avec des communes rwandai-ses. Cela a permis de faire des projets plus axés encore sur la connaissance du pays et une relation plus approfondie encore avec la population. Pourquoi s’engager dans les rela-tions Nord Sud et sous cette forme ? Le développement inégal de la planète, très riche, très développé au Nord, et dans des difficultés extrêmes de déve-loppement au Sud est certainement un des principaux problèmes de notre temps auquel il faut trouver des solu-tions. Il y a trop de différences et d’inégalités entre le Nord et le Sud, on n’est pas égal même au niveau de la santé. Par exemple, nous avons des problèmes de personnes âgées dans nos familles alors que l’espérance de vie est très basse en Afrique. C’est une injus-tice insupportable sur laquelle on peut agir dans le cadre du jumelage. En ef-fet, une commune a aussi un rôle d’in-citer à la solidarité, un rôle de cons-cientisation de ses habitants et de sti-mulation, entre eux, des rapports d’en-tente et de collaboration. Le jumelage est essentiellement la création de relations entre les popula-tions à tous les niveaux, du sommet à la base. Ces relations recouvrent divers aspects : relation d’amitié, relation de solidarité. Ce qui implique que celui qui a un peu plus va aider celui qui a un peu moins, mais réciproquement il y a des retours par l’amitié et par la cons-cientisation des deux populations. Les interventions par le truchement des collectivités permet aux populations intervenantes du Nord de mieux com-prendre les problèmes du Sud, ses pos-sibilités, et par conséquent les limites à ne pas franchir. En résumé, il s’agit d’amitié, de solidarité et de conscienti-sation.

Le jumelage est avant tout un lien hu-main entre personnes. Son fondement consiste en la collaboration et la coo-pération aux actions de développement initiées par les populations concernées elles-mêmes. Pour les actions que nous réalisons avec des ONG, c’est souvent le comité local du jumelage qui en as-sure le suivi. C’est une façon d’avoir l’avis des autorités communales rwan-daises qui organisent le projet et aussi d’une certaine manière le point de vue de la population. Il s’agit de soutenir un développement qui amènerait les populations rwandaises à être pleine-ment autonomes et à gérer elles-mêmes leurs problèmes. Le jumelage n’a pas les moyens d’être le moteur financier du développement. Il faut laisser cela aux autorités rwandaises et à la coopé-ration internationale de haut niveau. Par contre, encourager les populations à participer à l’amélioration de leurs conditions de vie, les encourager à ré-fléchir ensemble et à s’organiser pour suivre le développement, c’est de la coopération au développement, plus efficiente au niveau des collectivités. De constater que d’autres personnes très lointaines s’intéressent à leur sort, à l’amélioration de leurs conditions de vie doit constituer un encouragement pour les communes du Rwanda, et réci-proquement doit constituer pour nous, une meilleure compréhension des pro-blèmes et des enjeux de l’évolution du monde, et de ces rapports Nord Sud très complexes, qui amènent des réfu-giés, mais aussi des matières premières qui ne sont pas toujours payées digne-ment à ceux qui les produisent, et qui peuvent remettre en question notre ma-nière de vivre et de manger. Par exem-ple ici nous mangeons de la viande tous les jours alors qu’au Rwanda, ce n’est que le dimanche et parfois un dimanche sur deux, pour la majorité des gens. On a envoyé des machines à coudre, les formations se faisaient avec des feuilles de papier, ce qui nous permet de réflé-chir sur le gaspillage dans le Nord. Les actions entreprises Après les troubles de 94, il a fallu re-convaincre et l’échevin et les popula-tions à reprendre le jumelage. Fin 94, l’action « Ma classe soutient une classe à Rusatira » commença, soutenue par Me Anne-Marie Vincke, alors échevin des solidarités Tiers Monde. L’on pen-sait que c’est par les écoles que les enfants rwandais apprendraient à revi-

vre ensemble et que c’est dans ce cadre aussi qu’il fallait tenter de leur expli-quer ce qui s’était passé. On a reçu beaucoup de dessins d’en-fants. Des jeunes d’ici ont écrit des lettres. Cela s’essouffle un peu car ce type d’action nécessite un suivi minu-tieux. Il faut un coopérant qui prenne les lettres à temps et les remette aux bonnes écoles. On a rééquipé le centre de santé où tout avait été emporté. On lui apporte un soutien par la prise en charge des salai-res de trois monitrices de santé. Elles parcourent les collines pour des campa-gnes d’information, de sensibilisation à la prophylaxie et de formation à l’hy-giène. Nous approvisionnons le centre en médicaments. Il y a aussi des actions continues et ponctuelles tout aussi importantes. Le comité de jumelage du Rwanda s’est aussi constitué en asbl et collecte des fonds au Rwanda même pour financer les études des orphelins, trois par an. L’envoi d’un stock de médicaments pour les animaux a permis à des vétéri-naires de commencer une activité de type économique. Pour l’opération «des bancs pour les écoles» l’argent a été envoyé pour que la fabrication des bancs se fasse à Ru-satira, par des menuisiers et des aides menuisiers. Ainsi, en plus de permettre à des écoliers de s’installer correcte-ment pour leur apprentissage, cette action a créé de l’emploi dans la région et a permis à quelques personnes d’ap-prendre un nouveau métier. Depuis un an et demi, le jumelage ap-puie un projet agropastoral, programmé sur quatre ans, en collaboration avec l’association Belgique Rwanda et avec le soutien financier de la Direction Gé-nérale à la Coopération Internationale (DGCI). Un projet d’envergure qui demande plus d’effort du comité de jumelage et de la coopération belge. Il promeut de nouvelles pratiques culturales: l’agriculture interactive avec l’élevage. En l’occurrence, l’utilisation des déjections du bétail comme en-grais ; la construction des murets anti-érosion par l’implantation des plantes comestibles pour le bétail, de sorte à avoir plus de viande et de lait. Le projet permet l’achat de chèvres par les popu-lations avec un système de rembourse-ment approprié, l’achat de gros bétail et l’encouragement à acheter des arrosoirs plus efficaces que les calebasses tradi-tionnelles.

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L’ impact des actions sur les publics cibles et les indicateurs de l’évalua-tion Le centre de santé, est classé en deuxième position sur une vingtaine de centres des communes de la préfecture de Butare, en ce qui concerne le pour-centage des enfants vaccinés. L’impact sur l’enseignement est plus difficile à mesurer. On peut cependant signaler le fait que ce sont deux étu-diants de la commune de Rusatira qui ont entièrement tapé le texte de la mo-nographie décrivant toutes les activités de la commune. Il peut y avoir de cette manière une prise de conscience par les populations sur les possibilités d’accé-der à d’autres métiers et de ce fait d’a-méliorer leurs conditions de vie et d’en faire ainsi profiter la commune. La continuation des rapports d’amitié avec les populations est un signe que les populations sont satisfaites de ce que nous faisons ensemble. Les facilités et les freins rencontrés Tant au Rwanda qu’à Ganshoren faire participer tout le monde n’est pas une chose simple. Ici à Ganshoren une fa-çon de stimuler les gens à participer est la production et la diffusion du petit journal du jumelage que dirige Arlette. Le fait que la commune est favorable au jumelage a grandement facilité les choses. L’absence d’activités concrètes consti-tue un frein. Le renouvellement des personnes est une difficulté. Quelques jeunes nous ont rejoint mais très peu. L’engagement dans un jumelage, qui est un processus durable, implique de la persévérance pour une longue pé-riode, qualité qui se fait rare dans ce monde qui bouge et change très vite. Les gens ont peur de s’engager dans du long terme. Les difficultés au Rwanda sont d’une autre nature. Avoir un comité de jume-lage élargi est fabuleux mais aussi très difficile. C’est un véritable casse-tête de parvenir à réunir trente à quarante personnes dans une région où il n’y a ni téléphone ni courrier électronique. Le courrier ne suit pas ; c’est parfois dé-courageant. Le nombre et la nature des demandes pose parfois des problèmes. Par exemple, le rêve du président du comité de jumelage de Rusatira est d’avoir une moto afin de parcourir les collines pour sensibiliser toute la po-pulation de Rusatira au jumelage. Pour

nous même si la cause est noble, on s’interroge sur le bien-fondé de cette acquisition. Avec le prix d’une moto neuve, il y a moyen d’entreprendre des actions dont pourraient bénéficier plus de monde. Maintenant l’association Belgique Rwanda a envoyé à Butare un coopérant rwandais, c’est une innova-tion qui nous permet de mieux com-prendre les réalités et les mentalités du pays. Les membres des deux comités du ju-melage se voient peu. Voyager est un véritable cas de conscience. Rien que le transport coûte une somme énorme qui comparée au salaire d’une monitrice de santé, 1.800FB par mois, correspond à deux ans de salaire. Fonctionnement En début d’année, le comité de jume-lage de Rusatira se réunit, pour sélec-tionner les projets à soutenir. Ce pre-mier tri effectué au Rwanda est envoyé au comité de jumelage de Ganshoren. Les critères d’éligibilité au niveau du comité de jumelage de Ganshoren en infèrent au montant demandé et aussi surtout au nombre des personnes pou-vant bénéficier du projet. Concrète-ment, entre l’achat d’une moto et l’ins-tallation d’une source pour disposer d’eau potable, nous opterons sans hési-ter pour la source car elle va profiter à plus de monde. Le souci du jumelage et de l’associa-tion Belgique Rwanda est de faire connaître les comptes. La première année du projet agropastoral les comp-tes ont été envoyés là-bas. Le point délicat reste les salaires. Le salaire d’un coopérant belge tout en étant inférieur par rapport aux salaires en Belgique, reste cependant très élevé par rapport au salaire d’un homologue rwandais au Rwanda. C’est une grosse difficulté, quasi insurmontable car ce que nous nous payons aux agents rwandais qui travaillent avec nous est fixé par le gouvernement rwandais. Néanmoins, les personnes qui sont payées dans le cadre du jumelage, tou-chent leur modeste salaire chaque fin de mois alors que des personnes dont les salaires émanent du gouvernement rwandais sont payées avec deux ou trois mois de retard. Le jumelage étant communal, chaque année, la commune y affecte un mon-tant deux cents mille francs belges. Somme qui correspond au soutien du centre de santé et de l’action en faveur

des écoles. Lorsqu’il n’y a pas d’action soutenue par la DGCI à Rusatira, on essaie d’économiser sur ce montant, de sorte à constituer des fonds propres pour le cofinancement à la DGCI. Au bout de trois, quatre ans, on parvient à constituer un montant conséquent pour aller chercher de l’argent pour des pro-jets plus importants. C’est ainsi que nous avons pu lancer le projet agropas-toral. Ce projet coûte chaque année 1.100.000 FB. Il faut mettre sur la table un franc pour trois francs soit le tiers de ce montant. On ne peut cependant pas renoncer au soutien du centre de santé et au reste à cause de ça. On participe chaque année d’office à l’opération 11.11.11, et on a eu gain de cause. Donc sur trois ans, sur l’argent récolté à Ganshoren, 300.000 FB seront consa-crés au projet agropastoral. Nous soutenons d’autres communes rwandaises et d’autres communes dans d’autres pays en Afrique: au Burkina Faso et au Mali. Nous visons principalement l’améliora-tion du niveau global de vie des popu-lations. Le danger général tant au Rwanda qu’en Belgique est le finance-ment projet par projet. Si le projet n’a pas atteint le stade de l’autofinance-ment, il projet s’arrête avec la fin du financement. Les gens crient alors à l’assassinat Ici, on peut citer à titre d’exemple, le cas des jeunes qui sortent de l’universi-té et qui suivent un projet ou des études pendant deux ans. Au bout de deux ans, les études ou le projet n’étant pas auto finançables, s’arrêtent, et alors les jeu-nes doivent se lancer sur un autre pro-jet, ce qui est très démotivant. Attein-dre l’autofinancement est incontourna-ble pour la continuité des projets. Dans les actions entreprises au niveau local, ne travaillent que des rwandais. La fierté procurée par le fait que ce soit un projet réalisé par les rwandais est une des clés de la durabilité des projets. La finalité du jumelage est de parvenir, après un certain nombre d’années, à ce que les populations des pays dans les-quels l’on intervient, s’approprient les projets et puissent les continuer elles-mêmes, sans l’apport extérieur perma-nent, de sorte que le jumelage devienne enfin vraiment une relation entre parte-naires adultes.

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