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 CONTRE LES GENTILS, PAU SAINT THOMAS D' AQ UI N, LB DOCTEUR ANGELIQUE, Traduction  avec le texte latin, accompagnée de notes nombreuses, et suivie d'une table analytique complète, PAR M. L'ABBÉ P.-F. ÉCALLE, Cur é de Marigny-le-Ch&tel, ancien professeur de philosophie du grand-sémin aire d e Tr oy er. Bcnè do me, Thoma, sevipsisti. Vol umu s ut R. Tiiomm doctrlntim tanquùni veri - dica m fi t cnllio licam s ect emh ii , enmqii c bUidcntis totis v f r i bus amp liare (UnD, V, but!. Laudubilis Dcus.) TOME PREMIER. PARIS LOUI S VI VE S, ÉD IT EU R, RUE CASSETTE, 23. 185Û.

Somme de La Foi Catholique Contre Les Gentils (Tome 1)

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SOMMEDE LAFOI CATHOLIQUECONTRE LES GENTILS,PARSAINT THOMAS

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CONTRE

LESPAU

GENTILS,D'AQUIN,

S A I N T THOMAS

LB DOCTEUR ANGELIQUE,

Traduction avec le texte latin, accompagne de notes nombreuses, et suivie d'une table analytique complte, PAR M. L ' A B B P . - F . CALLE,

Cur de Marigny-le-Ch&tel, ancien professeur de philosophie du grand-sminaire de Troyer.

Bcn do me, Thoma, sevipsisti.Volumus ut R. Tiiomm doctrlntim tanquni veridicam fit cnlliolicam sectemhii, enmqiic bUidcntis

totis vf ri bus ampliare (UnD, V, but!. Laudubilis Dcus.)

TOME PREMIER.

PARISLOUIS VIVES,185.

DITEUR,23.

RUE C A S S E T T E ,

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PATII

s Impr.

LACOUR ET

rue Son flot, IG.

Je soussign, m e m b r e de la commission institue pur Monseigneur l'vque de T r o j e s p o u r l'examen des livres, dclare avoir lu avec la plus srieuse attention l'ouvrage intitul Somme de la foi catholique contre les Gentils, de saint Thomas, traduite par M. l'abb Ecallc, ancien professeur de Philosophie. Apres avoir soigneusement collatioun le texte avec la traduction, je suis rest convaincu quo le Iradueiour a bien saisi et fidlement r e n d u la pense d u saint Hurleur, r/esl dire sui'Ilsainmeut q u e rien ne s oppose la publication cludiL ouvrage.Petit-Sminaire rie Trnyen, lo 27 octobre 1 8 5 3 .

AUOEK, chanoine houornin .Ancien professeur de Philosophie,

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T. I.

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PRFACE.

Depuis d e u x sicles environ, les prjugs les plus tranges contre le Moyen-Age se sont accrdits parmi nous. Dans ces d e r n i e r s temps principalement, s u r la foi de quelques h o m m e s donL le mrite ne saurait expliquer la funeste influence, on s'tait habitu l'envisager comme u n e p o q u e de tnbres et d'ignorance. Le x i u sicle n e fut gure plus pargn q u e les a u t r e s , et cependant, c'est d a n s toute cette priode celui q u i produisit le p l u s de grands h o m m e s en t o u s genres. Alors l'glise avait pour^chef Innocent III, l'un de ses p l u s pieux et de ses p l u s illustres pontifes. Il tint d ' u n e m a i n ferme les r n e s d u g o u v e r n e m e n t et se m o n t r a le dfenseur i n trpide de la j u s t i c e , m m e lorsqu'elle tait viole par des rois. C'est lui qui organisa les croisades et rassembla le quatrime concile de Latran, douzime gnral, dont les lois sont encore en vigueur. Il approuva et favorisa les ordres naissants de saint Dominique et de saintFranois d'Assise, q u i d o n n r e n t l'glise u n e foule de docteurs et de savants, et a u ciel u n e m u l t i t u d e de saints. Q u e l q u e s annes plus t a r d , brillait s u r le trne de France saint Louis, prince d ' u n e bont incomparable, guerrier d ' u n e valeur toute preuve, lgislateur d ' u n e sagesse consomme. C'est vers ce t e m p s q u e p r i r e n t naissance u n g r a n d n o m b r e d'universits clbres, entre a u t r e s , celle de Paris, o enseignaient Albert-le-Grand et, aprs lui, saint T h o m a s d'Aq u i n , q u i f u t d ' a b o r d son discipleetl'clipsabientt. Un a u t r e religieux, Roger Bacon, selivrait avec passion l'tude des sciences et faisait des dcouvertes q u i prparrent celles d o n t n o u s ne parlons a u j o u r d ' h u i qu'avec orgueil. La posie se personnifiait d a n s le Dan te, l'immortele

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PRFACE.

a u t e u r de la Divine Comdie. La peinture se glorifiait d'tre reprsente p a r Cimabu et Giotto. Dans ce sicle de foi, les h o m m e s , anims et s o u t e n u s par le sentim e n t religieux, ne savaient pas reculer devant les grandes entreprises, s u r t o u t lorsqu'elles avaient p o u r but d'honorer Dieu. L'architecture chrtienne faisait des prodiges, et ses m o n u m e n t s , qui ont fait dj l'admiration de six sicles, efthicut p a r leur majest et leur perfection tout ce qu'elle avait p u produire jusque-l. Encourage par les voques, qui souvent traaient eux-mmes les plans et dirigeaient les travaux, elle faisait surgir de terre comme par e n c h a n t e m e n t NotreDame de Paris, la Sainte-Chapelle, les cathdrales de Cologne, d'Amiens, de Reims, de Bcauvais, de Chartres, de Troycs, d'Auxerre, la basilique de Saint-Denis, et t a n t d'autres difices contemporains qui ne seront jamais surpasss et protesteront longtemps encore en faveur de cet ge. Cet lan universel ne se faisait pas r e m a r q u e r seulement en F r a n c e , mais dans toutes les coutres o la Papaut pouvait exercer librement son action vivifiante. Et cependant, malgr 1 vidence des faits, on a dit, ut l'on est parvenu croire, force de le rpter, q u ' a u MoyenAge le m o n d e tait plong dans la n u i t et le sommeil. Ses m o n u m e n t s , ses uvres philosophiques, thologiques, littraires, artistiques, tout cela fut considr comme frapp d u cachet de la barbarie. Avec quel ddain la scolastique, en particulier, ne fut-elle pas traite? Combien de fois ne l'a-t-on pas accuse d'arrter l'esprit d a n s son essor et de l'engager dans des voies q u i Floignent de la vrit? On s'obstinait n e parler q u e de ses subtilits : on ouvrait les y e u x s u r ses inconvn i e n t s ; mais ils restaient ferms s u r ses avantages. Ce jugement paraissait dfinitif et sans a p p e l ; mais depuis q u e des hommes srieux et profondment instruits ont v o u l u revoir les pices du procs et examiner p a r eux-mmes cette i m p o r t a n t e question, les choses se prsentent sous u n aspect n o u v e a u , et l'on se d e m a n d e m a i n t e n a n t comment il a p u se faire q u e Ton ait t si prvenu contre u n e poque qui sera bientt rhabilite compltement. Il faut convenir, pour rester d a n s la vrit, q u e le n o m de saint Thomas d'Aquin n ' a jamais cess d'tre prononc avec h o n n e u r . C'et t, en effet, u n e injustice t r o p criante q u e d'envelopper u n aussi g r a n d gnie dans le m p r i s q u e l'on s'est plu dverser s u r son sicle. Malgr sa modestie, qui n'eut d'gal q u e son m r i t e , il avait fait t a n t de b r u i t dans le m o n d e p e n d a n t sa vie q u e sa rputation n e pouvait descendre avecHui dans la tombe. Longtemps encore il devait continuer

croire appel, c o m m e il l'tait en ralit, Y Ange de Vcoit. Cependant on critiqua vivement sa m a n i r e d'crire. Lorsque l'on e n v i n l s ' o c c u per beaucoup de la forme et trs p e u de ride, plusieurs regardrent comme d u r , incorrect et barbare son style, q u e M. deMaistre qualifie d'admirable sous le rapport de la clart, de la prcision, de la force, et d u laconisme (2 Soire). P e u h p e u les ouvrages de l'illustre Docleur furent dlaisss, comme t o u t ce qui avait u n caractre vraim e n t srieux. On comprend a u j o u r d ' h u i q u e l'on a abandonn u n e m i n e inpuisable, et beaucoup ont dj commenc l'exploiter de n o u v e a u . C'est pour suivre cet h e u r e u x m o u v e m e n t de retour aux fortes tudes et le seconder, a u t a n t qu'il est en n o u s , q u e nous avons j u g utile de p u blier u n e traduction de la Somme contre les Gentils. Ce livre, o se trouvent exposes du la manire la plus complte les doctrines philosophiques d u saint Docteur, est u n e introduction peu prs ncessaire la Somme thologique. Userait superflu de le louer a u j o u r d ' h u i , parce que son loge se rpte et se confirme depuis six sicles sans contradiction srieuse. Ii suffira d'en d o n n e r u n aperu s o m m a i r e p o u r en faire comprendre toute l'importance. Plusieurs a u t e u r s ont pens q u e saint Thomas entreprit cet ouvrage la sollicitation d e saint Taimond de Pennafort. Cet aptre zl, qui portait aussi l'habit de saint Dominique, travaillait alors de tout, son pouvoir la conversion des Maures, tandis q u e les rois de Castille et d'Aragon cherchaient les dtruire p a r les armes. Alin de m i e u x russir faire briller la lumire de la vrit et p o u r assurer ses pacifiques conqutes, il pria saiut T h o m a s , d o n t le n o m tait dj c o n n u a u loin, de lui envoyer u n trait o se trouveraient exposs les d o g m e s catholiques et q u i comprendrait en m m e temps u n e rfutation directe des doctrines mises en vogue par quelques philosophes arabes dont les principaux sont Avicenne et Averrhos. Notice saintsc m i t d o n c l'uvre et crivit son livre intitul Somme de la foi catholique contre les Gentils, q u i p a r u t si propre remplir le b u t pour lequel il fut compos, que plus tard on le traduisit en h b r e u et en grec. Tl ne faudrait pas s'imaginer q u e cet ouvrage, ainsi q u e le titre semble l'indiquer et qu'on pourrait le supposer d'aprs les circonstances dans lesquelles il p a r u t , est dirig u n i q u e m e n t contre quelques erreurs particulires. Saint Thomas se place toujours a u point de vue le p l u s lev, et ici, c o m m e dans sa Somme thologique* embrassant toutes les vrits d ' u n seul coup d'il, il en fait u n expos l u m i n e u x p o u r instruire ceux q u i ignorent et rsoudre par des rponses premptoires

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PRFACE.

les difficults de ceux q u i savent dj; seulement la m t h o d e est change. Gomme la Thologie n'est autre chose q u e Fensemble des vrits rvles, le saint Docteur dans la Somme thologique m e t en premire ligne l'autorit divine, et il n'a jamais recours a u x a r g u m e n t s tirs de la raison naturelle que p o u r corroborer sa thse. Dans le livre qui n o u s occupe, et auquel on pourrait donner le titre de Somme philosophique, c'est le contraire qui a lieu. L'auteur prouve d'abord p a r les lumires de la raison chacune des vrits qu'il veut tablir. C'est alors qu'il cite Aristotc,l'oracle de la philosophie au Moyen-Age. U n e m a r c h e cepend a n t pas aveuglment s u r ses traces, car il n'hsite pas le corriger lorsqu'il s'gare, et modifier ses doctrines toutes les fois qu'il en est besoin. Ensuite, il a toujours soin, p o u r d o n n e r ses propositions le caractre de la certitude, de les appuyer sur q u e l q u e texte d e l Saintecriture ou s u r u n tmoignage des Pres de l'glise. Cette mthode, en effet, est parfaitement logique. L'exprience noua a depuis longtemps prouv q u e la raison h u m a i n e s'gare infailliblem e n t q u a n d elle veut m a r c h e r seule. Il luifautncessairement u n g u i d e , et jamais elle n e sera sre d'avoir rencontr la vrit, si elle n'a pas le soin de soumettre ses dcouvertes au contrle de la foi. La foi est u n flambeau qui n o u s m o n t r e la route et n o u s empoche de nous engager d a n s les voies de l'erreur; c'est la pierre de touche qui n o u s fait discerner le vrai et le faux et n o u s en dcouvre^ le mlange. Saint Thom a s , l'une des plus fortes ttes, l'un des plus g r a n d s gnies qui aient p a r u jusqu'ici, pouvait bien,semblc-t-il,se croire le droit d'avoir quelq u e confiance en lui-mme. Cependant jamais il n e fait u n seul pas sans tenir les y e u x fixs s u r cette lumire ; et c'est prcisment p o u r cela q u e , ne connaissant ni cloute ni incertitude, il n o u s parat si perspicace et si profond. D'ailleurs, il est indubitable q u e cette soumission si entire l'autorit divine lui a attir des grces extraordinaires. Ces grces, jointes a u x ressources prodigieuses de son esprit, n o u s expliquent comment ses efforts furent c o u r o n n e s d u plus tonnant s u c cs ; car n u l n e pntra p l u s avant dans les mystres de l'essence divine; personne ne posa d ' u n e manire plus prcise les questions q u i se rattachent l'origine des tres, leur essence et l e u r s rapports, comme personne aussi n e d o n n a des solutions p l u s exactes t o u s ces diffrents problmes. Saint Thomas nous fait connatre l u i - m m e dans son introduction les raisons q u i lui ont fait adopter cette m t h o d e . L ' u n i q u e occupation d u sage doit tre de rechercher la vrit q u i le m e t en c o m m u n i c a t i o n avec Dieu et le conduit a u sjour de l'immortalit. Les vrits q u e n o u s

PRFACE.

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pouvons connatre sont do doux sortes : les vrits surnaturelles ou rvles, et celles-l sont au-dessus de la r a i s o n ; viennent en second lieu les vrits n a t u r e l l e s : n o u s pouvons l'aide des l u m i r e s de notre intelligence dcouvrir ces dernires. Cependant d a n s la condition prsente de l ' h o m m e dchu, il est souvent indispensable d'invoquer l'autorit divine : d'abord, parce q u e les h o m m e s m a n q u e n t , p o u r la plupart, d u t e m p s ou des moyens intellectuels ncessaires p o u r se livrer cette t u d e et en retirer q u e l q u e f r u i t ; u n autre motif, q u i est le principal, c'est que m m e chez les plus capables, la raison h u moine est le p l u s souvent embarrasse p a r l'erreur d a n s ses rocherce ches, parce q u e notre esprit, faible dans ses j u g e m e n t s , se laisse aller l'illusion. Il en rsulte q u e beaucoup de personnes conti Hueraient douter de ce qui est d m o n t r avec la dernire vidence. II arrive aussi qu'il se mle a u x vrits parfaitement prouves des choses fausses q u i , loin d'tre rigoureusement tablies, reposent seulement s u r u n e raison plausible ou s u r u n sophisme q u e l'on prend quelquefois pour u n e dmonstration relle. Voil p o u r q u o i il est devenu ncessaire q u e la vrit, m m e concernant les choses divines, ft propose a u x h o m m e s avec u n e certitude inbranlable par la voie de la foi (ch. iv). Il ne faudrait pas conclure de l q u e saint Thomas v e u t anantir la raison. Il enseigne positivement, au contraire, que l ' h o m m e ne p e u t en faire u n p l u s noble usage que de l'appliquer la mditation des choses mmes q u i la d p a s s e n t ; et il a c o n s t a m m e n t agi d'aprs ce principe, puisque j a m a i s il n ' e n t r e p r e n d la dmonstration d ' u n e vrit rvle sans apporter des a r g u m e n t s tirs de Tordre naturel. Il doit en tre a i n s i ; car la foi et la raison sont d e u x lumires qui m a n e n t de la m m e source, et il est impossible qu'elles se contredisent, m o i n s q u e la dernire, franchissant les limites q u i lui ont t traces, ne soit accable par Vclat de la majest qvtelle essaie de sonder (Prov. x x v , 27). Si le matre q u i enseigne, dit le Docteur Anglique, n e cherche pas t r o m p e r , ce q u i n e saurait tre suppos en Dieu, les notions qu'il fait entrer dans l'intelligence de son disciple font partie de sa science. Or, les principes q u e n o u s connaissons n a t u r e l l e m e n t sont gravs en n o u s p a r la m a i n divine, p u i s q u e Dieu lui-mme est F a u t e u r de notre n a t u r e . Donc ces principes se trouvent aussi d a n s la sagesse divine; et par consquent, t o u t ce q u i leur est contraire est aussi oppos la sagesse de Dieu et n e p e u t , par cela m m e , venir de lui. Il faut donc conclure q u e les articles de foi divinement rvls ne p e u v e n t contrarier nos connaissances naturelles (ch. vu).a

S

PRFACE.

Aprs avoir pos ce principe incontestable et d ' u n e importance m a j e u r e , saint Thomas n o u s inclique avec prcision quel est le rle de notre raison par rapport aux premires vrits. 11 est propos d ob server que les choses sensibles, qui sont p o u r la raison h u m a i n e le principe de la connaissance, c o n s o l e n t en elles quelques traces de la ressemblance divine, en ce qu'elles existent et qu'elles sont bon ns. Mais ces traces sont tellement imparfaites, qu'elles n e sauce raient en a u c u n e faon suffire p o u r n o u s rvler la substance m m e de Dieu ; car les effets ont dans la m a n i r e d'tre qui l e u r est propre quelque ressemblance avec leurs causes, puisque le princi cipe actif p r o d u i t u n lre semblable lui. Toutefois, cette ressein blance entre l'effet et le principe actif n'est pas toujours complte. Lors donc que la raison h u m a i n e v e u t connatre u n e vrit de foi qui n e p e u t tre parfaitement claire que p o u r ceux qui voient la substance divine, elle p e u t cette fin r u n i r des ressemblances relles, qui ne suffisent cependant pas p o u r d m o n t r e r cetU vrit, la r e n d r e intelligible et la faire c o m p r e n d r e . l est p o u r t a n t avanta geux l'esprit h u m a i n de peser ces raisons, p o u r v u qu'il n'ait pas la prsomption de vouloir comprendre et de faire u n e dmonstra tion rigoureuse, parce q u e , q u a n d il s'agit d'objets si relevs, c'csL < u n vritable b o n h e u r d'arriver h apercevoir q u e l q u e chose, bien < q u e cette vue soit faible et borne (ch. vin).J 1

Ces prliminaires tablis, l'auteur annonce qu'il va traiter toutes les questions au point de vue de la raison h u m a i n e , afin de se placer s u r u n terrain qui lui soiL c o m m u n avec ses adversaires ; puis il entre en matire. 11 serait trop long dfaire u n e analyse, m m e trs rapide, d e t o u t l'ouvrage. Nous devons n o u s borner i n d i q u e r ici les questions q u i y sont traites et l'ordre raisonn suivant lequel elles sont disposes. Dans le premier livre, partir d u chapitre x , il prouve en premier lieu qu'on ne p e u t tablir l'existence de Dieu q u e par u n e dmonstration a posteriori, 0/est--dire en r e m o n t a n t des effets leur cause. Tl le considre ensuite en l u i - m m e , sa n a t u r e , ses attributs et ses oprations. Le second livre envisage Dieu crateur par rapport h la crature. Deux sortes de substances, spirituelles et matrielles : n a t u r e et qualits des premires ; l'me h u m a i n e , son u n i o n avec le corps, son orig i n e , sa dure ; n a t u r e et proprits des substances n o n unies des ;orps. Le troisime livre met la crature en rapport avec Dieu. Distinction

PRFACE.

)

du Ilion cl du mnl. Le b o n h e u r ; on quoi il n'est pas. l consiste a v o i r Dieu ; c o m m e n t on peut le voir. La Providence et son g o u v e r n e m e n t ; rfutation de l'astrologie et d u fatalisme. Des miracles et de la magie. Diffrentes questions s u r les lois, le mariage, les v u x , le m r i t e , la grce et la prdestination. Ces trois parties forment dj u n tout, qui va tre complt par u n quatrime livre, o l'auteur, r e n t r a n t dans le domaine de la rvlation p r o p r e m e n t dite, traite des principaux dogmes de notre religion : la Trinit, l'Incarnation. Rponse aux hrtiques des premiers sicles qui ont attaqu ces vrits; les s a c r e m e u t s , la rsurrection f u t u r e , condition des bienheureux , le j u g e m e n t d e r n i e r , tat d u m o n d e aprs Je j u g e m e n t . Tel est le plan gnral de ce Iwl ouvrage. Toutes les questions importantes y ont enchanes dans u n ordre merveilleux. Les preuves de raison ont t puises, p o u r la p l u p a r t , aux deux sources principales de la philosophie, l'Ontologie et la Mtaphysique, q u e personne ne comprit jamais mieux que l'Ange de l'cole. Toutes les objections de l'incrdulit t a n t ancienne que m o d e r n e ont l leur rponse. Quelle q u e soit l'erreur q u e l'on ait combattre, il suffit d'ouvrir la Somme contre les Gentils, et Ton est certain d'y trouver de quoi la rfuter victorieusement; car saint T h o m a s , q u i connaissait la logique de l'err e u r aussi bien q u e celle de la vrit, n o u s a fourni des a r m e s contre tous les systmes philosophiques imagins avant lui et renouvels depuis. Ces systmes se r s u m e n t dans le rationalisme, l'idalisme, ln sensualisme, l'athisme, le panthisme et le matrialisme. Il est donc impossible q u ' u n e tude approfondie de ce livre ne porte a u c u n fruit et ne fasse pas avancer u n lecteur srieux de quelques pas vers la connaissance de la vrit. On n'a pas craindre de s'garer en suivant u n tel guide. C'est ce q u e nous dclare solennellement le pape Urbain V, q u i , d a n s sa bulle Laudabilis Deus, adresse l'archevque et l'universit de Toulouse, s'exprime en ces t e r m e s : Ainsi que nous vous l'enjoignons par ces prsentes, notre volont est q u e vous receviez la doctrine du bienheureux Thomas comme l'expression de la vrit et rie la foi catholique, et que vous fassiez tous vos ef forts p o u r la propager. Plusieurs personnes, sans d o u t e , voulant se r e n d r e compte des choses par elles-mmes, regretteraient que la traduction ne fut pas accompagne d u texte latin : p o u r satisfaire ce lgitime dsir, nous le d o n n o n s en r e g a r d , aprs l'avoir minutieusement revu et fait disparatre les fautes innombrables dont fourmillent les anciennes ditions

10

PRFACE.

Des notes expliquent, lorsqu'il en est besoin, les endroits difficiles. Enfin, ce q u ' a u c u n diteur n'a fait avant n o u s , nous reproduisons tous les passages des saints Pres et d'ristote, auxquels saint T h o m a s renvoie trs f r q u e m m e n t et qu'il se contente d'indiquer. Chacun p o u r r a donc y recourir facilement ni s'pargner des recherches fort longues et souvent rebutantes. Les textes d'Aristotc sont pris clans la meilleure des traductions latines q u e n o u s avons p u r e n c o n t r e r , et qui fut collationne p a r le clbre hellniste saac Casaubon. L'ouvrage sera suivi d ' u n e table analytique trs c o m p l t e , rdige avec le plus grand soin. Nous croirions m a n q u e r u n devoir si n o u s n'exprimions pas ici toute la reconnaissance dont nous sommes pntr p o u r le vnrable et savant examinateur qui a bien voulu consentir revoir ce travail. Tous ceux q u i , p e n d a n t plus de trente a n s , ont successivement reu ses leons, savent combien il a d'autorit en de pareilles matires. Aucune de ses observations n'a t repousse, et n o u s n o u s sommes empress de faire s u r le m a n u s c r i t toutes les corrections indiques p a r lui. Son suffrage n o u s inspire quelque confiance, parce qu'il n o u s parat u n e garantie relle, et, si cette traduction est accueillie avec bienveillance, c'est l u i , en g r a n d e partie, q u e n o u s attribuerons ce succs.

VRIT UE L FOI CATHOLIQUE

CONTRE LESLIVRE

GENTILS.

PREMIER.

INTRODUCTION.

CHAPITRE PREMIER. Quel est le devoir du sage. Ma bouche publiera la vrit et mes lvres dtesteront l'impit [Prov. vin. 7]. L'usage c o m m u n , q u e selon le sentiment d'Aristote o n doit respecter lorsqu'il s'agit d'imposer des n o m s aux objets (J), a gnralement prvalu d'appeler sages ceux qui o r d o n n e n t parfaitement les choses et administrent avec habilet. C'est p o u r cette raison q u e n o t r e Philophe, entre a u t r e s attributions que les h o m m e s reconnaissent au sage, dit q u e c'est lui qu'il appartient de m e t t r e t o u t en ordre (2). Or, dans(1) In qurestioncs duo peccata incidunt quas expononda sunt. P e c c a t a enim a u t m e n tiendo, ant discedendo a verbis quro imposita sunt rebus ; nam et ab is peccatur, qui quod non cadit ad aliquem cadere confirmant, et ab iis qui res minus usitatis et tritis nominibus appellant, ut qui hominem platanum appellant nominum impositorum fines transount (Arist., Topic, l i , c. 1). (2) N o n u t sapienti prcipiatur, sed ut ilio prsccipiat; nec ut ilio ab altero, sed u t ab eo minus sapienti suadeatur, decet (Arist. Mtaph, i , c. 2 ) .

D E VERITATE CATHOLIC/E FIDEI C O N T R A G E N T I L E S .

LIBER

PRIMUS.

PROMIUM.(Top. II, o. 1 ) , communiter obtinuifc, u t sapientes dicantur qui res directe ordinant Quod sit officium sapientis. et eas bene gubernant. Unde, inter alia Veritatem meditabilur guttur meum, et la- quae homines de sapiente concipiunt, a P h i bia mea detestabuntur impium [Prov. v m , 7). losopho ponitur (Metaphys. I, c. 2 ) , quod Multitudinis usus, quem in rebus n o - sapientis est ordinare. Omnium autem g u minandis sequendum Philosophus censet bernandorum et ordinandorum ad finem,

CAPUT I.

12

SOMME CONTRE LES GENTILS, U V .

I.

tout ce qui doit cire rgl et ordonn relativement u n e fin , la rlirection prendre et Tordre tablir doivent ncessairement cire dtermines par cette fin. En effet, on p e u t dire q u ' u n e chose est parfaitement dispose lorsqu'elle est mise dans u n ordre convenable sa fin particulire; et la fin de tout ce qui existe, c'est le bien. Aussi, voyons-nous q u e , dans les a r t s , ii en est u n q u i rgle les autres, parce qu'il est le premier, et p o u r ainsi dire la il de ceux-ci. Par exemple, l'art du mdecin passe avant celui [du p h a r m a c i e n , et fixe son objet, parce que la sant, qui est le b u t de la m d e c i n e , est aussi la fin dernire de tous les r e m d e s prpars dans les laboratoires. La m m e observation s'applique Tait d u pilote, par rapport la construction des navires; l'art m i l i t a i r e , relativement Tquilation et tous les prparatifs de guerre. Ces arts qui dominent ainsi les autres reoivent la dnomination d'arehitectoniques ou arts principaux (3). Ceux qui les rduisent en p r a t i q u e , et q u ' o n appelle a r c h i t e c t e s , p r e n n e n t le nom de sages. Cependant, c o m m e ces artistes s'occupent seulement de rechercher la fin de certaines choses, ils n'arrivent pas dcouvrir la fin gnrale de tous les tres; et si on les considre c o m m e sages, relativement tel ou tel objet, c'est clans le sens de cette parole de l'Ecriture : J'ai pos le fondement comme un sage architecte [T Cor., ni, G] (4). Mais le nom de sage ne s'applique absolument q u ' celui qui mdite s u r la fia g n r a l e , qui est aussi le principe de tous les tres. C'est ce q u i fait dire au Philosophe q u e l'occupation du sage doit tre de rechercher les causes premires (8).(3) Duns dominre sunt matriel cognoscentosque artes : e a q u w u t t n r e t eaquse prseest faciendorum operum facullati,ipsa, inquam, arch;tcctouica scienta (Arist., Phys.n, c. 2). 4) La Vulgate porto : U t sapiens arcliitectus fundamentum posui. 5] Oportet etenim priraorum princpiormn et causarum cam (acentam) speculntiviun esse (Arist., Mthaph. i , c. 2 ) .

gubomntionis ct ordinis regulam ox fine srnni necesse est. Tunc enim uxmqunvpio res Optimo disponitur, qmnn ad suum finem convenionter ordinatnr. Finis enim uniuscujusquc c s t b o n u m . Unde videnms, in artihus, unam alterius esse gubernativam ct quasi principem, ad quain pcrtinot ejus finis. Sicixt mpdicinnlis nrs pigmentnrisc principatur, et earn ordinat propter hoc quod sanitas, circa quoin medicinalis versatur, finis est omnium pigmentorum, qua* arte pigmentaria conficiuntur. E t simile nppavet in arte griborcmtoria, rcspectn n a vifactivte; ct in mill tori, rospoctu equostris

et omnis bellici npparatus. Quieqnidcm avtes, aliis principati tes, archi tee touioce n o mnantur, quasi principale*; artes-, nude ri earum artifices, qui architectones vocantur, nomea, sibi vindieant sapientum.| Quia vero pricdcti artifices, singularium quarumdam rerum fiues pertractantcp, ud fincui universalem omnium non pcrtingunt, dicuntur quidem sapientes hujus vel illius rei, secundnm quem modum dicitur : Ut ta~ pievsarchifectonfundamevtum posu^I.Cor.iix, 10). Nomen autem simpliciter sapientis illi soli reservatur, cujus consideratio circa finem universi versntur, qui etinm est tini-

INTRODUCTION.

Oi , la fin dernire de chaque chose est dans l'intention de l ' a u t e u r et d u m o t e u r , et l'intelligence est le premier a u t e u r et le m o t e u r de tout ce q u i existe. C'est ce qui sera d m o n t r plus loin [1. n, c. 23 et 34]. Il faut doric q u e la fin dernire et universelle soit le bien de l'intelligence, c'est--dire la vrit. Donc la vrit est la fin ncessaire de tout t r e , et la sagesse doit s'appliquer particulirement considrer cette fin. C'est p o u r cela q u e la sagesse divine nous affirme qu'elle est venue parmi les h o m m e s revtue de noire chair, p o u r manifester la vrit, lorsqu'elle dit : Je suis n et je suis venu au milieu du monde pour rendre tmoignage la vrit [Jean, xvin, 1)1]. Aristote enseigne q u e la premire philosophie, c'est la connaissance de la vrit (6); n o n de toute espce de vrit, mais de celle dont dcoulent toutes les a u t r e s , et qui n'est q u e le principe o tout a puis l'tre; d'o il rsulte que sa vrit est la source de toute vrit, car les choses sont ordonnes p a r rapport la vrit c o m m e elles le sont par rapport l e t r e (7). Lorsqu'il y a contrarit entre deux choses, c'est encore a u sage qu'il appartient de dfendre Tune et de rfuter l ' a u t r e ; de m m e q u e la mdecine rend la sant en chassant la maladie. Par consquent, si son office particulier est de rechercher la vrit dans son premier principe et de discuter les a u t r e s , il doit aussi combattre l ' e r r e u r , sou(6) Recte autem se habet pliilosopliam scientiam veritatiscomtcmplatricem appellasso; speculativ enim Unis ventas, praticc autem opus [Mtaph. h, c. 1). (7j Nescimus vorum abaque causa, Quare verissimum etiani est iil quodpostoriorilnis, ut vera sint, causa est. Proptor quod principia sempor existentiuinneccssc est verisshnaessc. Nec enim alquando vera, nec illis ut sint, aliquid aliud causa est, sod illa cteris. Qunro ut secundam esse unumquodque se liabet, ita etiam socundum veritatem [Mtaph n , c. I ) .

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versitatis principium. U n d o , secundum Philo sop h u m (Motaph. i , c . 2 ) , snpientis est canSRS altissimas considerare. Finis autein nltimus uniuscuj usque ivi est qui intonditnr a primo auctore vol m o tore ipsius. Primus autem auctor et motor universi est intelloctiiR, ut intra ostendetur (I. II, c. 2 3 et 2 4 ) . Oportet ergo ultimum finora universi esso honum intellectus; liic autom est veritas. Oportet igitur veritatem esse ultimum tinem totius universi, et circa ejus finem et oonsiderationom principali ter sapicntiam insistere. Et ideo, ad veritatis manifestationem, divina Sapientia carne induta se venisse in munclum testatilidicens : Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in mitndum, ut (nttimaniam perhibeam verit!i (Joann. x v i l l , 37).

Sed et primam philosophiam Philosoplms (Metaphys. n , c. ]) dcterminat esse scientinm vcritatis, non cujuslibet, scd ejus veritatis, qua? est origo omnia vcritatis, scilicet quo* pcrtinet ad primnm principium essendi omnibus; undo ct sua Veritas est omnia vcritatis principium (Metaphys. II, o. 1 ) . Sic enim est dispositio rerum in vcritate, sicut iu esse. Ejusdcm autem est tinnra contrariorum prosequi, ct aliml refntnre; sicut mcdicina sanitatcm oporatur, asgritudinem vcro xcludit. Unde sicut sapicntis est verilatem prascipue de primo principio mcditari et de aliis dissererc, ita ejus est falsi tatein contrariain impugnarc. Gonvotiieuter ergo, ex ore Sapientia?, duplex aapientia officuun in verbis propositi? demonblratur, scilicet :

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SOMME CONTRE LES GENTILS, LIV. I.

contraire. C'est donc avec raison q u e , dans le passage rappel p l u s h a u t , la sagesse elle-mme n o u s indique q u e le double devoir d u sage est de rpandre d'abord la vrit divine qu'il a trouve dans ses m d i ditations, suivant cette parole : Ma langue publiera la vrit, et en second lieu, d'attaquer l'erreur q u i lutte contre la v r i t ; c'est ce q u i rsulte de ces autres paroles : Et mes lvres dlesteront Vimpil. Ce m o t dsigne Terreur oppose la vrit divine. Elle Test encore la vertu de religion, q u i s'appelle galement pit, et c'est cette opposition qui lui fait d o n n e r le n o m d'impit.

CHAPITRE IL But de l'auteur.

De toutes les occupations auxquelles peuvent se livrer les h o m m e s , la plus parfaite, la plus s u b l i m e , la p l u s utile et la plus agrable est l'tude de la sagesse. 1 Elle est la plus parfaite, parce q u e l ' h o m m e participe la vraie batitude en proportion d u zle avec lequel il recherche la sagesse. C'est ce q u i fait dire au sage : Heureux l'homme qui demeurera dans la sagesse [Eccl., xvi, 22]. 2 Elle est la plus s u b l i m e , car c'est p a r elle q u e l ' h o m m e ressemble davantage la Divinit, q u i a tout fait p a r la sagesse. Et parce q u e la ressemblance provoque l'amour, l'tude de la sagesse n o u s u n i t p l u s troitement Dieu p a r l'amiti. C'est p o u r q u o i la sagesse dit encore qu'elle est un trsor infini pour les hommes, et ceux qui y vont puiser deviennent participants de amiti de Dieu [Sap., v u , 14].veritatem divinam, quse autonom astice est picntiflB stadium est perfectius, sublimius e t

vevitas, meditari et meclitatam eloqui, quodtangit quum dicit i Veritatem meditabitvr guttur meum; et errorem contra veritatem impugnare, quod tangit quum clicit : Et labia tnea detestabuntur impiumi, per quod falsi tas contra divinam veritatem designator, qure religioni contraria e s t , qusc pietas nominatur ; linde etiam falsitns contraria ei impietatis sibi nomen assumit.

u t i l i u s et j u c u n d i u R .

CAPUT II. Qua sit auctoris in tenth. Inter omnia vero studia hominum, sa-

1 Perfectius quidem, quia, in quantum homo sapicntice studio dat sc, in tantum verse beatitudinis j a m aliquam partem h a bet. ITnde Sapiens dicit : Beatus vir qui in sapientia morabitur [Eccl, X I V , 2 2 ) . 2 Sublimius autem est, quia per ipsum homo ad divinam similitudinem prseoipue accedit,qui (Deus) omnia in sapientia fecit. Unde quia similitude causa est dilectionis, sapientiae stadium proecipue D e o per nmicitiam conjungit; propter quod dicitur quod sapientia est infinitus thesaurus hominibvs; quj qui usi sunt, facti sunt participes amiciUCB Dei (Sap. V I I , 1 4 ) . 3 Utilius autem est, quia per ipsnra s a -

INTRODUCTION.

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3 Elle est la p l u s utile, parce q u e la sagesse nous fait parvenir au sjour de l'immortalit. Le dsir de la sagesse conduit au royaume ternel [Sap. v i , 21]. 4 Elle est la p l u s agrable, car on n'prouve pas d'amertume converser avec la sagesse, et ceux qui vivent avec elle ne ressentent pas l'ennui, mais plutt F allgresse et la joie [Sap. vin, 16]. Plein de confiance dans la misricorde divine, j'essaie de r e m p l i r ce devoir d u sage, bien q u e cette entreprise dpasse m e s forces. Mon intention est de d m o n t r e r , selon mes faibles moyens, la vrit professe par la foi catholique, en repoussant les erreurs contraires. Car, p o u r m e servir des paroles d u bienheureux Hilaire, j e sens q u e le p r e m i e r devoir q u e j ' a i remplir envers Dieu, p e n d a n t m a vie, est de consa crer m e s crits et toutes les facults de m o n m e le faire con natre (1). Tl est cependant difficile d'attaquer chaque e r r e u r en particulier, pour deux raisons. La premire, c'est que n o u s ne connaissons pas assez les sacrilges inventions de t o u s les esprits gars, p o u r tirer de leurs enseignements mmes des a r g u m e n t s capables de renverser leurs e r r e u r s . C'est la mthode q u ' o n t suivie les premiers docteurs p o u r dtruire les doctrines errones des Gentils, dont ils pouvaient connatre les dogmes, parce qu'ils avaient t eux-mmes d u n o m b r e des Gentils, ou du moins q u ' a y a n t vcu a u milieu d'eux, ils avaient tudi leurs doctrines.(1) Voici le t e x t e m m e de saint Hilaire : E g o quidem hoc vel prcipuum vitse mea officium debere me tibi, Pater Omnpotens Deus, conseilla s u m , u t te omnis sermo meus et sensus loquatur. Neque enim ullum aliud majus prremium hic ipse usus mihi a te concessus loquendi potest referre quam u t prdicando te tibi serviat (Hilar. Pictav., De Trinit., lib. i , n . 3 7 ) .

pientiam ad immortalitatis regnum pervenitur; concupisceutia itaque sapienti deduect ad regnum perpetuum (Sap. v i , 2 1 ) . 4 Jucundins a u t e m est, quia non habet amaritudinem conversatio illius, ne tdium convictas illius, sed ltitiam et gaudium {Sap. v i l i , 16). Assumpta igitur e x divina piotate fiducia, sapientis officium prosequendi, quamvis proprias vires excdt, propositum nostree in tent ioni s est veritatem, quam fides catholica profite tur, pro nostro modulo manifestare , errores eliminando contrarios. U t cnim verbis Hilarii litar, ego hoc vel prsecipuxun vit mece officium tlebevp me

u D e o conscius sum, u t cum omnia sermo meus et sensus loquatur ( D e Trinit. i, > 37). Contra singulorum autem errores dimoile est procedere propter duo : Primo, quia non ita s u n t nobis nota singulorum errantium dieta sacrilega, u t , e x his quse dicunt, possimus rationes assumere ad corum errores destruendos. Hoc enim m o d e usi sunt antiqui doctores in destruetionem errorum Gcntilium, quorum positiones scire pot rant, quia et ipsi Gentiles fucrant, vel saltern inter Gentiles conversati et in eorum doctrinis eruditi. Secuitdo, quia quidam eorum, ut Mahu-

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SOMME CONTRE LS GENTILS, LIV. I.

La seconde raison, c'est q u e parmi e u x il y e n a, c o m m e les Mahom t a n s et les Paens, q u i n e s'accordent pas avec n o u s p o u r reconnatre l'autorit d ' u n e criture q u i puisse les convaincre. N o t e p o u vons disputer contre les Juifs, en n o u s a p p u y a n t s u r l'Ancien-Testam e n t , comme n o u s opposons le Nouveau a u x h r t i q u e s . Mais p o u r les p r e m i e r s , ils n'admettent ni l'un ni l ' a u t r e ; en sorte q u e n o u s smiiies dans la ncessit de recourir la raison naturelle, laquelle tous sont obligs de se s o u m e t t r e , bien q u e ses lumires n e suffisent pas pour pntrer les choses divines. En m m e temps q u e j'examinerai chaque vrit, j ' i n d i q u e r a i les erreurs qu'elle repousse, et j e ferai voir c o m m e n t la vrit ;qui est susceptible de dmonstration concorde avec la foi de l a religion chrtienne.

CHAPITRE III. Ce que nous affirmons de Dieu appartient vrits. Toutes les vrits n e p e u v e n t p a s se d m o n t r e r de la m m e m a n i r e . 11 est d'un h o m m e habile de chercher pntrer en chaque chose aussi avant que le permet sa n a t u r e , ainsi q u e l'observe trs j u d i c i e u sement le Philosophe et q u e l'insinue Boce (l). Il est donc ncessaire\ \ ) E s t hominis bene nsttuti tantam in unoquoque genere subtilitatein desiderare, quantum rei ipsius natura rccipit (Arist., Ethic, i , c. 1). A g e igUiv, ingrediomm*, et unumqnodque u t intelligi atque capi potest dispicnnms; nam sicut optime dictum videtur, eruditi est hominis unumquodque u t psum est, ita de co fidem capere tentare (Bootius, De TVfaftafc, c. 2 ) ,

deux ordres de

metistec et Pagani, non conveniunt nobisC A P U T III. um in auetoritate alicujus scripturre, per quam possint convinci; sicut contra Judasos Qaod in his, quec de Deo con/ifewur, duplex disputarc possumus per VetuR Tcs tarnen est veritatis modus. t u m ; contra hscreticos, per N o v u m . H i vero neutrum recipiuut. Unde necesse est ad Quia vero non omnis vertatis manifesnaturalem lationem reourrere, cui omnes tandse modus est idem, disciplinati miteni assontiro coguutur; qua; tarnen in rebus hominis e s t tantum d e unoquoque fidem divinis deficiens est. Simul autera veritatem nliquam investi- capere tentare, quantum natura rei permitgantes osLcndamus, qui erroves per earn tit, u t a Philosopho optime dictum est excludnntur, et quomodo demonstvativa lEthitt. i , c. 1 ) , ftt u t Boetius introduce Veritas fidei christians religionis concordet. (De Trinit. c. 2 ) , neccssc est prius osten-

INTRODUCTION.

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d'indiquer d'abord le moyen q u e l'on peut employer p o u r r e n d r e vidente la vrit propose. Nous a d m e t t o n s , par rapport Dieu, des vrits de d e u x soldes. Les u n e s dpassent les facults de l'esprit h u m a i n , c o m m e celle-ci : Il y a en Dieu trinit et u n i t . Il en est aussi q u e la raison naturelle peut dcouvrir, p a r exemple : Il existe u n Dieu; ce Dieu esl u n i q u e , et autres semblables concernant l'tre divin, et q u e les philosophes, clairs p a r les seules lumires n a t u r e l l e s , ont tablies p a r voie de dmonstration. Que p a r m i les attributs divins intelligibles il y en ait q u i dpassent toutes les forces de la raison h u m a i n e , c'est u n e vrit de la dernire vidence. En effet: lo Comme le principe de toute connaissance que la raison p e u t acqurir relativement u n tre est l'intelligence de sa substance ellem m e , parce q u e selon la doctrine d u Philosophe la base de toute dmonstration , c'est l'essence de la chose (2), il est ncessaire q u e les proprits connues d'un objet soient conformes la notion q u e n o u s avons de sa substance. C'est p o u r q u o i , si l'intelligence h u maine comprend la substance d ' u n e chose, par exemple, d'une pierre ou d ' u n triangle, a u c u n e de ses qualits intelligibles n e dpassera lu raison de l ' h o m m e . Nous ne pouvons pas en arriver l par l'apport 1 Dieu, car l'esprit h u m a i n ne saurait parvenir a u m o y e n de ses forces naturelles c o m p r e n d r e sa s u b s t a n c e , puisque dans la condition o n o u s s o m m e s p e n d a n t la vie p r s e n t e , toute connaissance q u i passe dans notre intelligence commence p a r u n sens. C'est p o u r q u o i t o u t ce(2) Omnis definito eo pertinet u t quod res sit atque essentiam declaret ; demonstrationes autem oxnnes non quid res sit concludunt, sed ante demonstrationem id positum ne perception esse dbet (Arist., nalytic. poster. 1 1 , c. 3). Aristte emploi frquemment cette manire de parler : quod quid est, ou quod quid erat esse, pour exprimer l'essence, ou encore, dans son langage, la quiddit, c'est--dire ce qui fuit qu'une chose existe de telle manire et n'est pas antre.

dere quis modus possibilis sit ad veritatem propostam manifestane!am. Est ontem in Iiis, qu de Deo confitem u r , duplex veritatis modus. Quaidani namque vera sunt de D e o , qure omnem facultatcm humnnre rationis excedunt, ut D e u m esse trinimi et u n u m . Qudam vero sunt, ad qua; ctium ratio naturalis per t i n gere potcst, sicut est D e u m esse, Deum esse u n u m , et alia hujusmodi ; qure etiam pliilosophi demonstrative de Deo probavovnnt, dticti naturalis lamine rationis. Quod autem sint nliqim intollip;ibilium T. I.

divinorum, quro h u m a n rationis poni tu 8 excedaut ingenium, evidentissime apporct 1 Quum enim principium totins scientific, quam de aliqua re ratio percipit, sit intellectus substantias ipsius, co quod, secundum doctrinam Philosophi (Anal. post. 21, c. 3 \ demonstrations principium s t qvod quid est, oportet quod secundum m o dum, quo substantia rei intelligitur, sit eorum modus, qute de re illa cognoscuntur. Unde, si intellectus humanus alicujus rei substantiam comprehendit, puta lapidis voi trianguli, nnlnm mtelligibilhrm illns m i 2

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SOMME CONTRE LES GENTILS, LiV.

I.

q u i n e t o m b e pas sous l'un des sens ne p e u t tre saisi par l'esprit de l ' h o m m e , si ce n'est en LauL q u e la connaissance de ces choses est recueillie par le canal des sens. Or, les tres sensibles ne peuvent amen e r notre intelligence voir en eux la n a t u r e de la substance divine, puisqu'ils sont dos cllets d o n t la puissance est loin d'galer celle de ja cause. Cependant, les objets sensibles conduisent n o t r e esprit la science des choses divines : c'est par eux qu'il couuat l'existence de Dieu, et les attributs qu'il faut ncessairement a d m e t t r e dans le premier principe (.'J). Parmi les qualits intelligibles qui sont en Dieu, il j eu a donc qui sont la porte de la raison h u m a i n e , et d'autre qui la dpassent absolument. 2 On p e u t encore se convaincre de la m m e vrit e n distinguant diffrents degrs dans ce q u i est intelligible. De d e u x esprits dont l'un est plus pntrant q u e l'autre, celui qui est p l u s lev comprend beaucoup de choses q u e le second est d a n s l'impossibilit de saisir.(3) On voit qu'il s'agit ici d'une doubla dmonstration : la premire a priori, dont l'objet est la nature ou la quiddit d h i n e , qui chappe aux s o n s ; la seconde a posteriori, qui tablit l'existence de Dieu au nioynn de ses oflets. .Saint Thomas udmet cette dernire par rapport D i e u ; il rejette Vautre comme impossible.Il semble tout d'abord que ce passage favorise la thorie pensualistc sur l'origine des ides qui, sol on Locko ot CondUnc, no sont que dos sensations transformes. Il n'en est rien cependant si l'on examine avec atLcntion la manire dont elles se produisent. Elles ont une double origine, l'exprience et la raison. Il faut admettre conjointement ces deux sources si l'on veut viter, la fois, deux systmes exclusifs qui sont Vampirisme sensualit et Vidalisme. Il est vident que. la perception externe dont nos sens sont les organes donne naissance aux ide * des objets physiques ; quant aux ides des choses m t a physiques, elles nous arrivent par la raison. Mais cette raison no saurait se dvelopper que par le l a n g a g e ; car, dit n u philosophe, si l'homme parle, c'est--dire s'il met des ides, c est parce qv'mi lui (t parl. Or, le langage et avec lui les ides qu'il exprime nous sont transmis par deux sens, l'oue ou la vue, selon que la parole est articule on re prsente par des signes ; en sorte qu'il est vrai do dire que toute connaissance, mme des choses que les sens ne sauraient saisir, commence et arrive l'intelligence par un sens. C'est ce qui fut dire saint Paul : Fidett er auditu (Rom. c. x , v. 1 7 ] . Et c'o&t ainsi qu'il faut entendre ce principe, dont les partisans du systme sensualiste ont si trangement abus : Nthil est in intelleclv quod non prius fiterl snb sensu.5

facultatcm hnma-noQ rationis excedet. Quod- intcleclus noster in divinam cognitioncm, quidem nobis circa Denm non aecidit. N a m ut cognoscat de Deo quia est, et alia hujusad s u h s t a n t i a m i p s i u s c a p i e n d o m , m t c l l e c - m o d i , quoa oportot attribu primo principio. tus humanus non potest naturali virtutc Sunt igitur quredam intclligibilinm divinopertingore, quum intellectns nostri, secun- rinn, quro humanro rationi sunt pervia; d u m m o d u m p r j e s c n t i s vitro, c o g n i t i o a qunjdnm vero, quae omuino vim. hunianas seunu incipiat. E t ideo ea qua? in sensu rationis excedunt. non cadunt non possunt bumano intellcctu 2 Adirne, Ex intelligibilium gradibns capi, nisi q n a t e n u s e x s e n s i b u s c o r a m c o - idem est facile videro. Duorum rnim, quognitio colligitur. Scnsibilia nutcm ad hoc rum unus alio rem aliquam intellcctu subilucerc intellectum nostrum non possunt, tilius intuetur, ille cujus intellectus est et in eis divina substantia vidcatur quid sit, elevatior, multa intelligit qurc alius omnino quum bint efiectns causa*, virtutem non capere non potest; sicut patet in rustico, ndcrqnantes. Dueitnr tnmeu c x sensibilibus qui nullo modo philosophia* snbtiles consi-

INTRODUCTION.

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C'est ce qui parat avec vidence dans u n h o m m e compltement illettr qui ne saurait s'lever aux considrations subtiles de la philosophie. Cependant, l'intelligence de l'ange l'emporte bien davantage s u r celle de l ' h o m m e q u e l'esprit d u meilleur philosophe s u r celui de l'ignorant le p l u s grossier. La raison en est q u e les d e u x t e r m e s de cette dernire diffrence sont compris dans les limites de l'espce h u maine, qui est considrablement dpasse p a r les esprits a u g l i q u e s ; car Tange connat Dieu par des clfels beaucoup plus excellents q u e ceux qui sont visibles l'homme. Si la substance de l'ange, qui lui fait connatre Dieu d ' u n e connaissance n a t u r e l l e , est plus noble que les tre sensibles et m m e q u e Tme q u i lve l'intelligence h u m a i n e la connaissance de l'tre d i v i n , la diffrence est bien plus g r a n d e encore entre l'intelligence de Dieu et celle de l'ange qu'entre l'intelligence anglique et celle de l ' h o m m e ; cor l'intelligence de Dieu est aussi tendue q u e sa substance. C'est p o u r q u o i il comprend parfaitement sa propre n a t u r e et tout ce qui est intelligible en l u i - m m e , tandis q u e l'ange n e connat pas n a turellement l'essence divine, parce (pic sa substance elle-mme, qui lui fait connatre Dieu, est u n effet dont la vertu n e peut galer celle de la cause. D'o il faut conclure q u e Fange ne saisit pas par u n e connaissance naturelle t o u t ce q u e Dieu comprend en lui-mme, et q u e la raison h u m a i n e n e s a u r a i t parvenir l'intelligence de tout ce q u e l'ange aperoit en v e r t u de sa capacit naturelle. De m m e donc q u e I o n considrerait c o m m e parvenu au plus h a u t degr de la folie l'ignorant qui soutiendrait q u e toutes les doctrines philosophiques sont fausses, parce q u e ces questions dpassent son intelligence ; ainsi, et beaucoup plus forte raison, devrait-on traiter l'homme d'insens, s'ilderationos capere potest. ntellectus ontani angeli pins oxcedit intellectual lmmanum, quam intellectiiB optimi philosoplii intcllectiun radissimi idiotn; quia xsec distantia inter specioi liumnnie limitcs continctur, quos angclicus intellootuH exeodit. C o g n o s c e quidein angelus D e u m e x nobiliori effectu quam h o m o , quanto ipsa substantia angeli, per qnam in Dei cognitionem ducitur naturali engnitione, est dignior rebus sensibilibus et otiam ipsa anima, per quam ntellectus humanus i n Dai cognitionem naccndit. Multoqnc nraplus ntellectus divnus excedit angelioum, quam angelicus humanum. Ipse onim ntellectus divinus sua capacitato substantiam suam adacquat et ideo perfecte de so intolligit quid est, ot omnia cognoscit quro do scipso intclligibilia s u n t ; non autein naturali coguitionc a n g e lus de Deo cognoscit quid est, quia et ipsa substantia angeli, per quam in Dei cognitionem duci tur, est eftectus causai virtutem non adrequans. TTndo non omnia, qua? in seipso Deus intolligit, angnlus naturali cognitions capere potest ; noe ad omnin, qun* angelus naturali sua virtu to intelligit, Hum a n a ratio sufficit capienda. Sicut i g tur maxima; amen tino cssct idiota, qui ea quo? a philosopho proponuntur falsa esse asscrcret, propter hoc qnod ca capere non potest ;

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SOMME CONTRE L E S G E N T I L S ,

LIV.

I.

souponnait de fausset les dogmes divinement rvls par le ministre des anges, sous prtexte qu'ils n'offrent pas rie prise la raison. 3 Nous avons u n e nouvelle preuve de cette vrit lorsque nous voyons tous'lcs jours combien de choses n o u s chappent dans les objets q u e nous cherchons connatre. Nous ignorons u n g r a n d n o m b r e de proprits des tres sensibles et nous ne pouvons pas dcouvrir parfaitement, le principe de celles que nous saisissons par le moyen des sens. La raison h u m a i n e se trouve donc bien p l u s encore dans l'impossibilit de scruter t o u t ce qui est intelligible d a n s cette s u b stance si excellente qui la dpasse de si loin. Aristote est de ce sentiment, lorsqu'il dit que notre intelligence est, relativement aux premiers des tres qui sont les p l u s apparents dans la n a t u r e , c o m m e l'il de la chauve-souris p a r r a p p o r t au soleil (4). L'criture-Sainte rend elle-mme tmoignage cette vrit par ces paroles : Avez-vous par hasard compris les voies de Dieu et pntr la perfection du Tout-Puissant [Job. xi, 7] ? Ce grand Dieu a vaincu notre science [xxvi, 26]. Et encore : Nous ne connaissons qu'en partie \I Cor. X I I I , 9]. Donc n o u s n e pouvons pas rejeter c o m m e faux t o u t ce q u ' o n n o u s affirme de Dieu, bien que notre raison n e puisse le pntrer, ainsi que les Manichens et beaucoup d'infidles Font pens (5).(4) Cum difficultas duobus sit modis, fortasss causa ejus non venus, sed nohis ipsis inest * quemadmodum enim vespetilionum ocnli ad lumen diei se habent, ita intellectns , animai nostrre ad ea qxue manifestissima onmium sunt {JUtaph. n , c l ) . (5) Quod dixi (In libro De vtililate credendi, c. I l ) : Multvm interesse vtrntn aliquid mentis certa rations teneatw, quod scire dicimus, an fam vel litieris credendum posteris utiUter commondetur ; et paulo post : Quod scimus igitur debemus rationi; quod credimus, auctoritati, non sic accipiendum est, u t in sermone usitatiore vereamur nos dicerc seire quod idoneis testions credimus. Propric quippe eumloquimur, id solum scire dicimusquod mentis firma ratione comprehendimus. Cum vero loquimur verbis consxietudini aptioribus, sient loquitur etiam divina scriptura, non dubitemus dicere scire nos et quod percipimus nostri corporis sensibus, et quod fide dgnis credimus testibus, dum tara en inter ha-c et illud quid distet intclligamus (Aug. Betract., lib. i . , c 1 4 . , n . 3).

ita et multo amplius nini ire s tu Ititi ai esset h o m o , si ea, que divinitus un gel oran? ministerio revelantur, falsa osse suspicaretur, ex lioe quod ratione investigan non possunt. 3 dhuc, Idem manifeste apparet e x defectu, quem in rebus cognosccndis quotidie experimur. Rerum enim sensibiliuni plurimas proprietates ignoramus, earumque proprietatum, quas sensu apprebendimus, rntionexn perfecte in pUiribus invenire non possumus. Multo igitur amplius illius exccllentissima; substantia;, transccndentis, omnia intelligibili a humana ratio investigare non sufficit. Huic etiam consonat dictum l'hilosoplr, qui assent, quod intel-

l e c t s noster sic se habot ad prima entium,' quro sunt manifestissima in natura, sieut oculns vespertilionis ad solem (Metaph. n , c. 1) Huic etiam verttati sacra Scriptura tcstimonium pcrhibct. Dicitur enim : Forsitan vestigia Dei comprehendes, et Omnipotentem usque ad pwfectum reperies [Job, n , 7)V Et : Erce Deus magnus, vincens srientiam nostram ( x x x v i , 2 6 ) . E t : Esi fiarte cognoscimus (I. Cor. X I I I , 9). N o n igitur omne quod de Deo dicitur, qnamvis ratione investigari non posbit, statim quasi falsum est abjiciendum, ut Manichiei et plures infidelium putaverunt (S. A u g . Retr. I , 1 4 ) .

INTRODUCTION.

21

CHAPITRE IV. Il convient de proposer aux hommes comme objet de la foi ce que nous connaissons naturellement sur Dieu. Puisqu'on distingue doux sortes de vrits dans les attributs divins intelligibles, les u n e s que nous pouvons dcouvrir par les efforts cle notre intelligence et les autres q u i dpassent l'esprit h u m a i n , rien n'empche de les proposer toutes l ' h o m m e comme objet de foi divine. C'est ce qu'il faut tablir d'abord p o u r les vrits accessibles aux recherches de la raison, de p e u r q u ' o n ne s'imagine q u e , p a r cela m m e que la raison p e u t les atteindre, il serait inutile de les proposer I croire c o m m e tant d u domaine de la rvlation surnaturelle. Si l'on voulait abandonner la raison seule le soin de rechercher ces vrits, il en rsulterait trois inconvnients. Le premier, c'est q u e la connaissance de Dieu serait le partage d ' u n petit n o m b r e d ' h o m m e s , puisqu'ils sont privs pour la plupart d u fruit d'une tude assidue, q u i est la dcouverte de la v r i t ; et cela p o u r trois raisons. D'abord, il en est beaucoup qui par l'effet d ' u n e constitution vicieuse m a n q u e n t n a t u r e l l e m e n t de dispositions p o u r la science. C'est pourquoi ils ne p e u v e n t se livrer a u c u n e tude capable de les faire parvenir au plus h a u t degr de la science h u m a i n e , q u i est la connaissance de Dieu. D'autres, ensuite, trouvent u n obstacle dans la ncessit de s'occu-

CAPUT IV. Quod divina naturaliter cognita convenienter hominibus creden-da proponuntur. Duplici igitur volitato divinorum intelligibiliutn existente, u n a ad quam rationis inquisitio pertingere potest, altera quae omne ingeninm humanso rationis excedit, utraque convenienter diviniti nomini credenda proponi tur. Hoc autem de illa primo ostendendum est, quee inquisitioni rationis pervia esse potest; ne forte alicui videatur, e x quo rationc hubcri potest, frustra id s u p e r n a -

tural! inspirations credendum tradiium esse. Seqnerentur tarnen tria inconvenienta, si hujus Veritas solummodo rationi inquirenda relinquerctur. Unum est, quod paucis hominibus Dei cognitio inesscl. A fructu enim studiosse inquisitiouis, qui est veritatis inventio, plurimi impediuntur tribus de causis. Quidam siquidem impediuntur, propter complexionis indispositionem, e x qua multi na tur aliter sunt indispositi ad sciendum. Undc nullo studio ad hoc pertingere possent, u t summum gradum human c o g n i tionis attiugerent, qui in cognosccndo D e u m consistit.

p e r d e leurs propres affaires, puisqu'il faut q u e [tarini les hommes il y en ait qui se consacrent l'admiuistraiion des biens temporels. Il ne reste plus ceux-l assez de temps p o u r examiner loisir ces questions et faire les recherches ncessaires pour arriver la dcouverte la plus avance de l'intelligence h u m a i n e , savoir la notion de Dieu. 11 en est, enfin, qui sont arrts p a r la paresse ; car il faut savoir b e a u c o u p de choses avant d'arriver celles q u e la raison peut dcouvrir en Dieu, puisque p r e s q u e toutes les mditations de la philosophie tendent nous le faire connatre. C'est p o u r cette raison q u e la mtap h y s i q u e , qui a p o u r objet les choses divines, est de toutes les parties clc la philosophie celle q u e l'on rserve p o u r l'tudier la dernire. Ainsi donc, ce n'est q u ' force d'application et de peine q u e Ton parvient dcouvrir cette vrit ; et il en est p e u qui veuillent s'imposer ce travail piu* a m o u r de la science, bien q u e Dieu ait m i s dans l'esprit h u m a i n u n penchant naturel q u i le porte vers elle. Le second inconvnient, c'est que ceux q u i p o u r r a i e n t enfin connatre ou dcouvrir celte vrit n'y parviendraient qu'avec peine et aprs u n loup; espace de t e m p s . Il en est ainsi, d'abord cause de la profondeur des vrits de cette espce q u e l'esprit h u m a i n ne p e u t trouver et saisir a u moyen de la raison qu'aprs s'y otov longtemps e x e r c ; ensuite parce q u e des connaissances prliminaires trs tendues s o n t a b s o l u m e n t n c e s s a i r e s , c o m m c n o u s r a v o n s d j d i t . Cela vient encore de ce que [tendant la jeunesse l'me, agite en sens divers par les mouvements des passions, n'est pas apte rechercher u n e vrit si releve; et en n'est q u ' e n se calmant qu'elle devient sage et instruite :

Quidam. vcro impediuntur necessitate rei familiaris. Oportct cnim esse, inter homines, aliquos qui temporalibus administrandis insistant, qui tan turn tempus in otio c o n templative? inquisitionis non possent expenderc, n t ad snmmnm fa&tiginm h u m a n e inquisitionis pertingerent, scilicet Dei c o gnitionem. Quidam autem impediuntur pigritia. A d cognitionem enim eorum quae do Deo ratio investigate potest, multa praicognosccrc oportct, quum fore totius philosophise considcratio ad Dei cognitionem oz*dinetur. "Propter quod metaphysics, quaj circa divina versatur, inter philosophic partes ultima remanet addiscenda.

niri potest; quemqnidem lahorem panel subire volunt pro amore sci en tue, cujus tarnen mentibus hominuin naturalem Deus inseruit appetitimi. Secundum inconveniens est, quod illi qui ad praidictre veritatis cognitionem vei i n ventionem pervenirent, vix post lonpum tempus pcrtingorent, turn propter hujusmodi veritatis profunditatem, ad quam capicndam per viam rationis nonnisi post longnm cxercitium intellect us hunianus idoneus invenitur; turn ctiani propter multa qiuc prreexiguntur, u t dictum e s t ; turn propter hoc quod, tempore juventutis, dum diversi* motibus passionimi anima iluctuat, non est apta ad tarn alta? veritatis cognitionem, svd in quicfccndo fit prudens et sciens, ut tlicitur Sic ergo nonnisi cum magno lahorc studi* ad prwdicUv veritatis inqui&itionoin pcrvc- in septimo Physicorum (o. 3|. ttcmaTiprPt

imiODMCTiOK.

2.J

c'est la i-tHoxioii (la Philosophe (1). Si clone la voie rie la raison tait la. seule qui p u t u o u s c o n d u i r e la connaissance du Dieu, le ^enre h u main resterait plong dans les tnhres de l'ignorance la plus profonde, puisque le petit n o m b r e seulement, et encore aprs u n temps trs considrable, p o u r r a i t acqurir celle notion qui rend les h o m m e s bons et parfaits. Le troisime inconvnient, c'est q u e la raison h u m a i n e est le plus souvent embarrasse par Terreur dans ses recherches, parce q u e notre esprit, faible d a n s ses j u g e m e u t s , se laisse aller l'illusion. Il en rsulte que beaucoup do personnes continueraient douter de ce qui est dmontr avec la dernire vidence, parce qu'elles ne connaissent pas la force de la dmonstration, et s u r t o u t parce qu'elles voient les choses les plus contradictoires enseignes p a r ceux qui portent le n o m de sages. Il arrive aussi qu'il se mle a u x vrits parfaitement prouves des choses fausses q u i , loin d'tre r i g o u r e u s e m e n t tablies, reposent seulement s u r u n e raison plausible ou s u r u n sophisme q u e l'on prend quelquefois p o u r u n e dmonstration relle. Voil pourquoi il est devenu ncessaire q u e Ja vrit, m m e concernant les choses divines, l u t propose aux h o m m e s avec u n e certitude inbranlable par la voie de la foi. C'est donc avec u n e sage prvoyance q u e la bont divine a voulu q u e Ton admt c o m m e articles de foi m m o les choses quo la raison peut dcouvrir, afin q u e tous participent facilement la connaissance de Dieu avec assurance ct.sans danger d'erreur. C'est ce qui fait dire saint Paul : Ne vivez plus comme les Gentils, qui suivent dans leurjl) (]uod nnhno oh moralcm vrtutem scdatnr, pvudens alqns fit c t sciens. Qimcirr.i in Tantes nec discerc possunt, noc fccnsibns pcrmdo dijudicarc atquu seniores, enrn imtlr.it in eis perturbatio sit ct motus. Sodaiitur autom et ad statuiu a uatuxa pcrducimtur (Arist. Physic auscultt v u , c. 3 ) . igitur h u m a n u m g e n u s , si sola rationis via ad P c u m cognoscendnm pnteret, in mnximis ignorantia; tencbris; qiinm Dei cognitio, qua; homines mximo perfectos et bonos facit, nomiisi quibusdam paucis, et liis paucis ctiam post temporis longitudinem, proveniret. Tertium inconveniens est, quod investigation! rationis humanas plerumquc falsi las admipcctur, propter debilitatcin intellectus nostri in judicando et phantasmatum p c r inixtioneni. lit ideo apud multos in dubiintiono remanerent e a , qunj sunt vorissimo rtiain demonstrata, d a m vim demonstrationis ignorant, et prsccipnc quum vidcant j

a divcrbift, qui sapientes dicuntur, dhcrsn doocri. Inter multa cliam \ c r a , qum demoustrautur, immiscetur nliquando alirjnitl falsum, quod non demonptnuur, sed aliqmi probabjli vol sophistica rationo asscritur, quoi hiterdum donionslrntio reputa tur. E t ideo oportut, per viani fulci, fixii ccrtitndine, ipsam vcritatem de rebns divinis h o minilms cxhiberi. Salubritor orp,o divina providit dementia, ut ea ctiam qua? ratio inicMigaro potest, iide tenpnda pra?ciperet; xit sic nmncs d fncili possent divina? cognition is participes es&e, ct nbsqno dnbitationc ct errorc. Him* est quod dicitur Jnvi wn omhuittix

24

SOMME CONTRE L E S G E N T I L S , L V .

I.

conduite la vanit de leurs penses et dont C esprit est rempli de tnbres [Eph. iv, \1 18]. Isaie dit encore : Je ferai que tous vos enfants seront instruits par le Seigneur [Isaie, L I V , 13].}

CHAPITRE V. Il est convenable de proposer comme articles de foi les que la raison ne saurait dcouvrir. vrits

U eu est qui pensent, de leur ct, q u e Ton n e doit peut-tre pas proposer l'homme c o m m e articles de foi les choses q u e sa raison n e p e u t dcouvrir, puisque la sagesse de Dieu pourvoit a u x besoins de tous les tres selon les lois de leur n a t u r e respective. U faut donc d m o n t r e r qu'il est ncessaire de prsenter, c o m m e devant tre crues de foi divine, m m e les vrits suprieures ti la rais o n ; car personne n e dsire u n e chose et n e s'y porte avec a r d e u r s'il n e la connat pas d'avance. La Providence divine ayant destin l ' h o m m e u n bien de beaucoup suprieur tout ce q u e la faiblesse de notre n a t u r e p e u t goter pendant cette vie, ce qui sera dmontr p l u s loin [1. m , c. 147], elle a d aussi diriger son intelligence vers q u e l q u e chose de plus lev q u e t o u t ce qui est m a i n t e n a n t la porte de la r a i s o n , alin qu'il apprt par l dsirer et rechercher avec empressement u n objet q u i surpasse tout ce que n o u s possdons ici-bas. Ceci regarde e n particulier la religion chrtienne, qui p r o m e t sp-

stcut et gnies ambulant, in vanitale ne usus sui, Et ideo demonstrandum est, quod necestenebrili obscuralum habentes intellcclitm [Eph. surum sit nomini divini tua erodendo- proi v , 1 7 , l u ] . Et : Pona/m vnioarso fdios tuos poni etiam iUa, qua& rationein e&cedunt. dodos a Domino (Isai. L I V , 13). Nullus enim desiderio et studio in aliquid

tend it, nisi sit ci prsccognitum.Quia ergo ad altivis bonum quam experiri CAPUT V . Quod en, qua? ratioue inve&tigar non possnntj conveniente)' fido tenenda j^roponuntur. Videtur autcin quibusdam for tasse non dobere homini ad credondum proponi ilia, quai ratio investigare non suJlicit, qnuiu divina Sapienti;i unicuiquu secundum m o dum ause n a t u r a ; provideat.

in presenti vita possit humana frogilitas, homines per divinam providentiain ordinantur, ut in sequentibus investigabitur jl, m , c. 147), oportuit meutern evocali in aliquid altius quam ratio nostra in presenti possit pertingerc ; ut sic di secret aliquid desiderare et s tu ilio tendere in aliquid, quod totuni statum praisentiB vitai excedit. E t hoc precipuo Christian religioni competit, qua; singulariter bona spiritualia et alterna promittit. Unde et iu ea plurima

INTRODUCTION.

3o

cialement des biens spirituels et t e r n e l s , et par consquent enseigne beaucoup de choses qui dpassent la porte de l'esprit h u m a i n . La loi ancienne a u contraire, dont les promesses taient temporelles, n'avait dans sa doctrine q u ' u n petit n o m b r e d'articles au-dessus de la raison. C'est aussi p o u r ce motif q u e les philosophes, c o m m e n o u s le fait voir Aristote (I), c u r c n l soin, p o u r dtourner les h o m m e s des plaisirs sensuels et leur en faire rechercher de plus n o b l e s , de leur prouver qu'il y a des biens plus excellents q u e tous ceux qui t o m b e n t sous les sens, et dont lu jouissance procure u n e plus grande s o m m e de bonheur ceux qui p r a t i q u e n t les vertus de la vie active ou de la vie contemplative. Il est encore ncessaire de proposer ces vrits la croyance des h o m m e s p o u r qu'ils aient de Dieu u n e connaissance p l u s exacte; car nous ne le connaissons vritablement q u e si nous le considrons c o m m e infiniment s u p r i e u r l'ide q u e l'homme peut s'en f o r m e r , parce q u e l'esprit h u m a i n ne saurait naturellement embrasser la substance divine, ainsi qu'il a t prouve plus h a u t [ch. 3]. Si doue on propose l'homme, s u r Dieu des vrits au-dessus de la raison, il est par l m m e continu dans cette pense, q u e Dieu est u n tre plus parfait q u e tout ce q u ' o n pourrait imaginer. Cette m t h o d e est encore avantageuse en ce qu'elle arrte la pr(1) A d virtutem morum plurimum valerc videtur iis rbus delectar quibus oportet, easque odJsso quse odio dignre s u n t . . . Alii voluptatem summum bon uni dicuntessc, alii contra magnum m a l u m ; quorum alii fortasso sibi persuasorunt etaxn i t a r e m se haberc; alii utilius hominum v i t esse putant damnare voluptatem, eamque etiamsi malum non sit in numro mal or uni locarc : multitudinem enim ad eam propensam esse, voluptatibusque servira; in contrariam partem igitur eam refloctere ac retrahero oporterc [Ethic. lib. x , c. 1). Aristote parle dans le mme sens au ch. 5 du mme livre, et au c h . 1 3 du v n l i v . , o il dit que lo plaisir no peut tre considr comme le souverain bien, et qu'il n*est vritable que lorsqu'il rsulte de l'accomplissement d'un devoir.e

humanum sensum excedentia proponuntur. Lcx autem vetus, quai teinporalia promissa habebat, pauca proposuit, qure humana rationis inquisitionem oxcederont. Sccundum etiam hunc m o d u m , philosophis cura fuit, ut patet septimo (c. 13) et decimo (c. 1 et 5] Ethicorum, ad hoc ut homines a sonsibilium dolcetationibus ad honestatem perduccrent, ostendere esso alia bona his scnsihilibus potiora, quorum gustu multo suavius qui vacant activis vel contemplativis virtutihus dclectantur. E s t etiam necessarium hujusmodi veritatem ad credemmm hominibus proponi, ad

Dei oognitionem vcriorem habendam. Tunc enim solum vercDeum cognoscimus, quando ipsum esse credimus supra omne id, quod de Deo cogitari ab hominc possibile est, co quod naturalem hominis cognitioneni divina substantia excedit, ut supra ostcnsum est (e. 3). Per hoc ergo quod nomini do Deo aliqua proponuntur, qua* rationem e x e c dunt, firmatiti* in hoinine opinio, quod Deus sit aliquid supra id quod cogitari po test. Alia etiam utilitas inde prove.nit, scilicet prajsumptionis repressio, qufe est mater erroris. S u n t unim quidam t a n t u m de suo

2(>

SOMME CONTRE LES GENTILS, LV.

I.

somptiou, mro de Terreur. Jl s'en trouve, on effet, qui ont (ani de confiance dans l e u r esprit, qu'ils pensent m e s u r e r par leur intelligence toute la nature divine; en sorte qu'ils'estiment vrai tout ce q u i l e u r parat tel et rejettent comme faux tout ce qu'ils ne peuvent comprendre. Afin donc que l'esprit h u m a i n , guri de cette prsomption, recherche h u m h l e m e n t la vrit, il a t ncessaire de proposer l'homme comme venant de Dieu des dogmes qui dpassent absolum e n t son intelligence. Aristotc nous indique encore un troisime avantage. Simonide essayait de persuader quelqu'un qu'il ne devait p a r chercher connatre Dieu, mais appliquer son intelligence aux choses h u m a i n e s , parcc"que l'homme doit savoir ce q u i le touche, et Ttre mortel connatre ce q u i le concerne. Le Philosophe r p o n d q u e T h o m m e doit faire effort p o u r s'lever a u t a n t que possible ce qui est immortel et divin (2). C'est ce qui lui fait dire encore q u e , bien q u e notre science soit trs borne q u a n d aux substances de Tordre suprieur, n o u s sommes cependant trs attachs ce p e u q u e n o u s possdons et n o u s le prfrons toutes'] les connaissances q u e nous pouvons avoir des substances infrieures (3); et ailleurs : q u e l'auditeur ressent la joie la plus vive lorsqu'il voit donner u n e solution logique et brve a u x difficults qui concernent les corps clestes. Il rsulte de t o u t cela q u e la connaissance des tres les plus exccl(2) Si meus cum homine comparata divinnm quiddam est, vita quoque menti consentanea divina sit necesse est si cum humana conferatur. Ncque vero nos oportet humana sapore ac sentire, ut quidam raonent, cum simus liomincs; neque mortalia, cum mortalcs Scd nos ipsos, quoad ojus fieri potest, a mortalitate vindicare atquc omnia facero ut ei nostri parti quto in nobis est optima convonienter vivamus (Arist. Ethin. lib. x , c. 7 ) . (3) Res superiores tametsi levitar attingere possumus, tamen ob ejns cognoscendi generis cxcellentiam, amplius oblectamur quam cum hirc nobis juncta omnia teuemus (Arist. De Partib. animai, lib. i, c. 5).

ingenio prsumentcs, ut totam naturimi divinam so reputent suo intclloctu posse m ctiri, estimantes scilicet to tu m esse v e runi quod cis vide tur, et falsnm quod AS non vdetur. Ut ergo ab bac prasumptione hum an us animus libera Lu s ad mode*tam inquisitionem ventati s perveniat, necessarium fuit homini proponi quadam divinitus, qure omnino intellectus ejus excdrent. Apparet ctiam alia ex dctis Philosophi in decimo Ethicorum (c. 7). Quum enim Simonides cuidam homini prajtcrmittondam divinam cognitioncm persuaderct, et b u mnnis rebus ingenium applicandum opor-

tere, inquiens humana sapero homincm et mortalia mortalcm, contra cum Philosophus dicit, quod homo debet se ad immortal in et divina trahcro quantum potest. Undo in libro primo do Partibus Animalium (c. 5) dicit, quod, quamvis parum sit quod de substantias superioribus porcipimus, tamen id m o dicum est m a g i s amatum e t dosidcratnm omni cognitione quam de substantiis info * rioribus habemus. Dicit etiam, iu secundo Coeli et mundi, quod, qunm de corporibns coplestibus qnrestiones possint solvi parva et topica solutions, contingit auditori ut vehemens sit gaudium ejus. Ex qnibus omnibus appnrct, quod de

XTiionuimoK.

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leuts, quelque incomplte qu'elle soit, lve l i m e i m trs h a u t degr de perfection. P a r consquent, bien q u e In raison h u m a i n e soil incapable de c o m p r e n d r e ces choses q u i la dpassent, elle se perfectionne cependant b e a u c o u p si elle les possde au moins en q u e l q u e manire par la foi. C'est p o u r q u o i il est dit au livre de l'Ecclsiastique : Il vous a t montr un grand nombre de merveilles qui surpassent Vesprit de l'homme fui. 2 3 ] ; et dans la premire ptre a u x C o r i n t h i e u s : Personne ne connat ce qui est en Dieu, sinon Vesprit de Dieu. Pour nous, Dieu nous ia rvl par son esprit [n, 1 0 , 1 1 ] .

CHAPITRE VJ. Il n'y a pas de lgret donner son assentiment aux choses de la foi, quoiqu'elles soient au-dessus de la raison. Lorsque, n o u s recevons c o m m e de foi u n e vrit dont la raison humaine n e p e u t se r e n d r e compte, ' n o u s n e croyons p a s lgrement comme ceux q u i admettent, suivant l'expression de saint Pierre, des fictions ingnieuses (HPetr. i, 16]. La sagesse divine elle-mme, q u i connat parfaitement toutes choses, a daign rvler a u x h o m m e s ses secrets, leur d o n n e r des preuves convaincantes d e sa prsence et r e n d r e certaine la vrit de sa doctrine et de son inspiration, lorsque p o u r confirmer les d o g m e s q u i sont au-del de n o s connaissances naturelles, elle a fait visiblement des uvres qui surpassent les forces de la n a t u r e entire, c o m m e la g u rison miraculeuse des maladies, la rsurrection des m o r t s , des clmn-

rebus nobilissimis quuntumcumque imprrfeetn oognitio maxmam perfeetionem anima? confer. E t ideo, quainvis en, qua, stipra rationem fiunt, ratio immana pieno capere non possit, tamen multum wb perfectionis acquh'itur, si paitnn ea qualitereumque trnent fide. E t ideo dieitur : Plurima svpra sensum hominis ostevtm sunl Uhi (Brcl. ] i i 2 5 \ . E t * Qure swt Dei nemn . iinvit, mai Spirititi Dei... Nobis autem reveItwit Deus per Sprtum iw (I. Cor. i l ,t

V I . Quod assentire hi qwp mtnt {idei est leci titi ts, quamvis svpra rationem swt. Ibijiiginodi autem v e n t a t i , cui ratio luimana expermientum non px cbet, fidran adhibeiit'-s non levitor orodunt, quasi dortas fnntias sentii, ut secundaPctr: (1,lo'jdicitur. " divina: tia* secreta ipsa divina Sapienti:), uro omnia plcnit-siine-

10, 1 1 ) .

28

SOMME CONTRE L E S G E N T I L S ,

LIV.

I.

gcmcnts surprenants dans les corps clestes e t , ce qui est plus a d m i rable encore, l'esprit h u m a i n saisi d ' u n e inspiration en vertu de laquelle des hommes ignorants et simples se trouvaient, p a r l e don de l'Esprit-Saint, subitement remplis de la plus h a u t e sagesse et parlaient avec u n e facilite extraordinaire. A la vue de ces prodiges, sans qu'il ft besoin de recourir la violence des armes ou de promettre des plaisirs, la force de cette dmonstration fut telle q u e , par la plus tonnante des merveilles, u n e foule innombrable compose non-seulement d ' h o m m e s sans lettres, mais encore des savants les plus r e n o m m s , se pronona p o u r la foi chrtienne, pour cette foi qui enseigne des dogmes hors de la porte do toute intelligence h u m a i n e , interdit les plaisirs sensuels, et n o u s apprend mpriser tout ce qui est dans le m o n d e . Que l'esprit de l'homme donne son assentiment de telles choses, c'est l u n miracle d u premier ordre. Ddaigner tout ce qui parait nos yeux pour n'aspirer q u ' des biens invisibles, c'est manifestement l'uvre d'une inspiration divine. Et cela ne se fit pas d'une m a n i r e imprvue et par hasard ; mais il est vident q u e ce fut le rsultat d ' u n e disposition divine. En effet, Dieu avait rvl longtemps auparavant ce dessein dans les oracles multiplis des prophtes, d o n t les livres sont en vnration parmi n o u s , parce qu'ils r e n d e n t tmoignage noire foi. C'est de cette dmonstration qu'il est question d a n s ces paroles : Le salut des hommes, ayant t premirement annonc par le Seiqneur lui-mme, nous a t confirm par ceux qui lavaient appris de lui. Et

novit, dignata est honiinibus revelare, quse sui priesen ti am et doc tri me et inspirations veritfttem convenientibus argumcntis ostendit, dum ad oonnrmandum ea, qua? naturalem Cognitionen! excedunt, opera visibiliter ostendit, qiuc totius naturai superant facultatem; videlicet in mirabili c u r a t i o n o languorum, mortnorum suscitatione, ccelestium corpo-rum mirabili immutarono, et, q u o d est mirabilius, hwnanarum menti um inspiratione, ut idiotre et simplice.s, dono Spiritus sancti replcti, sammara sapicntiam et facundiam in instanti consequerentur.

sod etiatn sapicntissimovum hominum ad fidem christianam convolavit; in qua o m nem humanuni intellcctum excedentia, pra?dcantur, voluptates carnis cohibentur, et omnia quae in mundo sunt haben contemptui doccntur. Quibus animos mortalium assentire et maximum miraculum est, et manifestum divinai inspirations opus, ut, contemptis visibilibus, sola invisibilia cupinntur- Hoc autem non subito nequo cam, sed divina disposinone factum esse manifestum est e x hoc, quod hoc se facturum Deus multis ante Prophctarum prsedixit oraculis, quorum libri penes nos in veneratione habenQuibus inspectis. praadictas probationis efficacia, non armornm violentiti, non v o - tur, utpote n o s t r a fidei testimonium adhilnptatum promissione, et, quod est mira- hentcs. bitihsimum,inter persecutorum tyrannidem. HujuR quidom con firma tionis modus tanitmuincrabilis turba non solum simplicium gitur : Qttfp (scilicet huinana salus) quum

INTRODUCTION.

20

Dieu lui-mme a appuy leur tmoignage par les miracles, les prodiges et diffrentes distributions des dons de VEsprit-Saint [Uebr.,11,3,-4].

Cette conversion tonnante d u m o n d e la foi chrtienne est ellemme la preuve la plus certaine de ces prodiges passs; en sorte qu'il n'est plus ncessaire qu'ils se reproduisent davantage, puisqu'on les voit encore avec vidence dans leurs effets. Quoique Dieu ne cesse, mme de nos j o u r s , de faire par ses saints des uvres merveilleuses pour confirmer notre foi, ce serait p o u r nous quelque chose d p l u s surprenant q u e t o u s les miracles, q u e t o u t le monde e t t a m e n sans miracles, p a r des ignorants et les derniers des h o m m e s , croire des dogmes si relevs, r e m p l i r des devoirs si difficiles, esprer des biens si s u p r i e u r s a u x sens. Les sectaires q u i veulent introduire l'erreur emploient des moyens tout opposs. Nous le voyons par l'exemple de Mahomet, q u i gagna les peuples en leur promettant les plaisirs des sens, auxquels on se sent port par la concupiscence de la chair. Otant tout frein la volupt sensuelle, il l e u r donna aussi des lois conformes ses promesses et auxquelles les h o m m e s charnels sont toujours prts obir. Il n'enseigna c o m m e vrits que des choses q u i sont facilement saisies par les esprits les plus mdiocres l a i d e des lumires n a t u r e l l e s ; et m m e il mla 1 ces vrits des fables n o m b r e u s e s et les dogmes les plus faux. Il ne chercha pas s'autoriser de prodiges faits par u n e vertu surnaturelle et q u i seuls r e n d e n t u n tmoignage suffisant l'inspiration d i v i n e , p u i s q u e l'opration visible ne pouvant venir que de Dieu, elle prouve q u e le docteur de la vrit est invisiblement inspir ; mais

iniLium aeeepisset enarrari per Dominum, ab eis, (ui andierunt, in nos confirrnata eief, contestante Dea sirjnis et portentis, et variis Spiritus sancti distribtitionibits [llebr. n , 3,4). Hcc autem tam mirabilis mivndi convergi ad iidom christianam indicium cortissimum est prectertomm signorum, Titea utterms iterari necesse non s i t , qnum in sno crectu appareant evidenter. Esset a u tem omnibus signis mirabilius, si, ad crcdendum tam ardua et opornndum tam dificilla 't ad spernndum tam alta, mundus absque mirablibus signis in ductus fuisset a simplicibus et ignobilibus lioniinibus; quam vis non cesset Dens, ctiam nostris temporibus, ad confirmationem fidei, per sanctos suos miracula operari.

runfc processerai!t va contraria, nt p a t e t i n Mahumete, qui, carnalium voluptatum promissis, ad quorum desiderium carnalis con cupiscentia instigat, populos illexit. P n r cepta ctiam trai lidi t proniissis conformi^, voluptati carnali liabcnas relaxans, qnilms in promptu est a carnnlibus liominibus obediri. Documenta ctiam irritatisi non ottulit, nisi qua de facili a quolibet mrdiocritcr sapiente,naturali ingenio,coguosci possint; quin potiup vera qua* docilit multis fabulis et falMssimis doctrinis immiscnit. Signa ctiam non adhibuit supernaturnliter facta, qnibus solum divinai inspiration conveniens tcstimoninin adliibctnr, dum operatio visibilis, qure non potest esse nisi divina, ostendit dnciorcni veritatis iuvisibiHi vero, qui sectas errornm i n t r o d t w liter inspiratimi : sed dixit se in armoruin1

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SOMME CONTRE L E S G E N T I L S ,

L I V . T.

il se dit envoy avec la force dos armes, caractre que peuvent revendiquer aussi les voleurs de grand chemin et les lyrans. Au commencement, il lui fut impossible de s'attacher m m e u n petit n o m b r e d'hommes senss et verss dans les choses divines et h u maines, mais ceux-l seulement q u i , vivant dans les dserts la m a nire des htes, ignoraient compltement les vrits divines. C'est avec celle multitude et par la violence des armes qu'il en contraignit d'autres plier sous ses lois. Il n'a p o u r lui le tmoignage divin d'aucun des prophtes venus avant lui. Au contraire, il altre dans u n e histoire pleine de fictions t o u t ce que contiennent l'Ancien et le Nouveau-Testament, ainsi qu'il est facile de s'en convaincre en examinant sa loi. C'est pour ce motif qu'il prit l'astucieuse prcaution d'empcher ses partisans de lire les livres des deux Testaments, de p e u r d'tre par eux convaincu d'imposture. Il est donc bien vident q u e ceux-l croyaient lgrement qui ajoutaient foi ses paroles.

CHAPITRE Vit. Il n'y a pas d'opposition entre les vrits accessibles la raison et celles qui sont du domaine de la foi chrtienne. uuoique la vrit de la foi chrtienne dopasse la porte do la raison humah'.e, il est impossible qu'elle soit en opposition avec les donnes qui forment naturellement lo fond de la raison. Eu effet : V Tl est vident que les donnes naturelles de la raison sont trs conformes la vrit ; en sorte qu'il n'est pas m m e possible de penser

potentia missuin ; nun? signa ctiam latroiiihuB i-I tyrnnnis non desunt.

gucrctur. Et sic patct,

quod ejus dirtifl

i i d e m a d h i b e u t e s levitor c r e d u n t .

Ki ctiani non aliqui sapientcs in rebus divini*, t-t do divinis et hum an is esercitati, ji principio crediderunt, ed homines "bestialfts in descrtis mormites, omuis doctrinse divinai prorsus ignari, per quorum multitudinoin alius, nrinorum violcntia, in sua ni legem coegt. Nulla ctam d u i n a oracula prft'ccdontinni rrophetarum ei testimonium perliibent; qm'u potius quasi omnia Vetcris et Novi Testamenti documenta fabulosa narration e depravat, ut patet ejus legem inspifienti. Unde astuto Consilio libros A eteris et Novi Testamenti suis sequacibus non reliqnit legendos, ne per eoa falsitatis arr

CAPUT

VII. rontrarialttr

Quod veritati fttlei chrhtiawv non veritas ratwnis.

Quam vis nutem pra?dicta veritas fidei c h r i s t i a n s h u m a n e rationis capacitatem excedat, ha?c tarnen, quas ratio naturalitcr indita habet, huic veritati contraria esse non possunt. 1 Ka e n i m , qua naturalitcr rationi sunt insita, ven'ssima esse constat, in tan-

INTRODUCTION.

l\[

qu'elles soient fausses, l n'est pas n o n plus permis de regarder c o m m e erron ce qui appartient la foi, lorsque cela est certainement attest par Dieu m m e . Puis donc q u e le faux, est oppos a u vrai, ainsi que le prouvent clairement leurs dfinitions, il est impossible que les vrits de la foi contredisent les principes naturellement connus p a r l a raison. 2 Si le matre qui enseigne ne cherche pas tromper, ce qui ne saurait tre suppos e n Dieu, les notions qu'il fait entrer d a n s l'intelligence de son disciple font partie de sa science. Or, les principes q u e n o u s connaissons n a t u r e l l e m e n t sont gravs en nous par la m a i n divine, puisque Dieu l u i - m m e est l'auteur de notre n a t u r e . Donc ces principes se trouvent aussi dans la sagesse divine; et par consquent tout ce qui leur est contraire est aussi oppos la sagesse de Dieu ct ne p e u t , par cela m m e , venir de lui. Il faut donc conclure que les articles de fui divinement rvls ne peuvent contrarier nos connaissances n a t u relles. il Les raisons opposes embarrassent notre intelligence et l'empchent d'arriver la connaissance de la vrit. Si doue Dieu mettait en nous des notions contradictoires, il serait impossible notre esprit de dcouvrir la v r i t ; ce q u ' o n ne p e u t attribuer Dieu. 4 Go qui est naturel ne peut tre chang tant que la n a t u r e reste la mme. Or, deux opinions contradictoires ne peuvent subsister ens e m b l e d a n s l e m m e sujet. Donc, Dieu n'impose pas l ' h o m m e c o m m e article de foi u n e opinion qui contredit u n e notion naturelle. C'est ce qui fait dire l'Apotrc : La parole est proche de vous, elle est dans voire bouche ; c'est la parole de la foi que nous vous annonons [Rom. x , 8]. Mais parce qu'elle dpasse la raison, quelques-uus p r tura ut nec ea esse falsa sit possihile cogitare; noc id quod fide tenctur, quum tam evidenter divinitus conlinnatuni s i t , fas est credere esse falsum. Quia igituv solum falsuin vevo contrarium est, u t ex eorum diflinitionibus ingptx'tis manifeste apparct, impossible est illis principiis, qua; ratio naturaliter cognoscit, pradictam vcritatcm iidei contrarian) esse. 2 Item, IUud idem, quod indncitur in animnm discipuli a docente, doctoris sciontia continet, nisi doccat ficto; quod do Deo ncfas est dicere. Principiorum autcin naturaliter notorum cognitiu nobis divinitus est indita, quum ipse Dens sit auctor nostra? natura?. Ha?c ergo principia etiam divina Sapientia continet. C^uidquid igitur princi piis hujusmodi contrarium est, est divina?0

Sapieutite contrarium : non igitur a Deo esse potest. Ea igitur qua?, e x revelation? divina, per iidem tencntur, non possunt naturali cognitiom esse coiitraria, 3 Adhue, Coutrariia rutiouihua iutelleetus noster ligatur, u t ad veri cognitioncm pmcedcro ncqueat. Si igitur contraria? cognitiones nobis a Deo imniittercntur, c x hoc a veritatis coguitiono intelleclus no&lcr inipedirotmr; quod a Deo esse non potest. 4 Amplius , Ea qua? sunt naturalia mutari non possunt, natura mancnto: contrarian autcin opininncs bimul eidem inessc non possunt; non igitur contra cognitiomm naturalem aliqua opinio \ e l iides liomini a Deo immiltitur. E t i d c o Apostolus dicit : Pi ope est verbum in rorde tno et in ore tuo; ho ' est rcrlntm1

32

SOMME

CONTRE

LES GENTILS,

LIA .

7

I.

tendent qu'elle lui est oppose, ce qui est impossible. On encore peut tablir la mme chose par l'autorit de saint Augustin, qui dit au second livre de Y Explication littrale de la Gense : On ne peut en aucune faon nous opposer ce que la vrit nous dcouvre dans les livres saints tant de l'Ancien que du Nouveau-Testament (1). Il faut donc videmment conclure de ce q u i prcde q u e , quelques objections que Ton fasse contre les enseignements de la foi, elles ne peuvent tre lgitimement prises dans les p r e m i e r s principes naturels connus par eux-mmes. Par consquent, elles ne peuvent avoir a u c u n e force dmonstrative; mais ce ne sont que des raisons plausibles ou des soplnsmes qu'il est facile de rfuter.

CHAPITRE VIII. Quel est le rle de la raison humaine relativement vrits de la foi. Il est propos d'observer aussi q u e les choses sensibles, qui sont p o u r la raison h u m a i n e le principe de la connaissance (t), conservent en elles quelques traces de la ressemblance divine, en ce qu'elles existent et qu'elles sont bonnes. Mais ces traces sont tellement imparfaitesqu'elies ne sauraient en a u c u n e faon suffire p o u r nous rvler la substance m m e de Dieu ; car si les effets ont dans la manire d'tre(1) Nihil creder de re obscura temere debemus ne forte quod postea veritas patefeeert, quamvis libris sanctis, sire Testamenti Veteris, sive Novi, nullo modo possit esse adversum, tarnen propter amorem nostri erroris oderfrnus (De Genesi ad Htoram, ] . I T , C . 1 8 ) . (1) Voir la note 3 du chapitre n i .

aux premires

/idei, quod prcedicamus (. X , 8 ) . Sed quia C A P U T VIII. supcrat rationem, a nommllis r e p u t a t a quasi contrarium; quod esse non potest. Huic etiam auctoritas Augusti ni concordat, Qmiliter se ha beat fiumana ratio ad veritntein qui, in secundo Super Grnesim ad UHcram [idei pi'imam. (c. 1 8 ) , dicit s i c : Illud quidem, quod Veritas patefaeit, libris Sanctis sive Vetevis OoiiMderaudmn etiam videtur, quod I T S Testamenti sive Novi nullo modo potest quidem sensibiles, e x quibus humana ratin esse adversum. cognitionis principimi! sumit, aliquale vesti Ex quo cvidenter colligitur, quacumque gium in se. divina? imitationis rotinent (vi argumenta contra iidei documentaponantnr, delicet quod sunt, ct borne sunt), ita tarnen lia;c e x principiis primis naturae inditis, per imperfectnm est illud vestigium, quod ad notis, non recte procedere. Undo nec declarandam