Sonia Anton, « Style, poétique et genèse : propositions de lecture de la "Correspondance générale" d'Octave Mirbeau »

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  • 8/7/2019 Sonia Anton, Style, potique et gense : propositions de lecture de la "Correspondance gnrale" d'Octave Mirbe

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    SONIA ANTON

    *STYLE, POTIQUE ET GENSE : PROPOSITIONS DE LECTURE

    DE LA CORRESPONDANCE GNRALEDOCTAVE MIRBEAULes lettres constituant la Correspondance gnrale dOctave Mirbeau nous donnent lire

    une correspondance dcrivain dans sa pleine acception, cest--dire qui accompagne et prolongeluvre publie, claire et enrichit la comprhension et la pratique que nous avons de celle-ci. On yreconnat un style, qui se construit avec complexit, dans un mouvement parallle celuiquemprunte le style des romans. Ces lettres dfinissent ou refltent galement de nombreux aspectsde la potique mirbellienne, de mme quelles portent en elles toute lhistoire de la production desuvres. Elles accompagnent enfin la construction progressive de la figure littraire. loccasion dutravail de chronique que nous avons eu loccasion de mener sur ces deux premiers volumes (Revuede LAire1), puis de la lecture des lettres qui constitueront le troisime volume2, nous avons pu

    dessiner quelques propositions de lecture qui resteront explorer, dvelopper et approfondir.

    Le premier volume de la Correspondance gnrale3dOctave Mirbeau rassemble les lettresproduites entre 1862 et 1888, adresses essentiellement des amis, pour la plupart crivains etartistes, et des personnalits du monde de la presse. Deux parties ont t dessines et renvoient eneffet deux moments dactivit pistolaire diffrents : la premire nous donne connatre lesmissives du collgien, du jeune bachelier puis du chroniqueur et critique ; la seconde commence en1886, anne qui concide avec la rdaction du Calvaire, et lentre officielle de Mirbeau enlittrature, pour le moins en son nom propre. Nous avons recherch dans ce corpus les lments quipouvaient nous renseigner sur la gense, sur la construction des uvres, puis sur lmergence dunepotique mirbellienne, en faisant porter plus prcisment notre attention sur deux aspects : le styledploy et le positionnement de Mirbeau en crivain. Les lettres qui stendent jusquen 1885 etappartiennent lpoque o Octave Mirbeau ne publie pas encore en son nom, sont prcieuses surces deux points. Elles nous renseignent en effet sur lhritage littraire de lauteur, nous livrent lespremires manifestations dune veine pamphltaire et annoncent enfin les multiples contradictionsqui vont habiter lcrivain. Ces missives de ladolescent, majoritairement adresses un amidenfance Alfred Bansard des Bois, relvent de la catgorie des lettres de formation, telles que lesont produites de nombreux crivains, et elles dploient des motifs topiques : la difficult ou souventlennui des tudes et des collges ( voil la maudite cloche du rfectoire , p. 45), lenthousiasmedes premires lectures, les projets. Les spcialistes de Mirbeau ont insist sur limportance deslettres Alfred Bansard des Bois en tant quelles donnent dcouvrir lapprenti crivain 4. Ces

    textes portent fortement lempreinte de lhritage romantique, dans le choix dune posturemlancolique en particulier, comme pourraient en tmoigner de nombreuses citations. Sur lamiti,notamment :

    1Revue de lAire : lettre et utopie, n 30, hiver 2004, p. 227 ; Revue de lAire : lettre et posie, n 31, hiver 2005,p. 296.

    2 Nous remercions lditeur Pierre Michel qui nous a propos de parcourir le tapuscrit du volume avant mmequil ne soit dit.

    3 Octave Mirbeau. Correspondance gnrale, Tome premier / dition tablie, prsente et annote par PierreMichel avec laide de Jean-Franois Nivet, LAge dHomme, 2002.

    4 Voir MICHEL Pierre et NIVET Jean-Franois, Alfred Bansard des Bois : de lamiti la littrature p. 57-59 dans Octave Mirbeau : limprcateur au cur fidle : biographie, Librairie Sguier, 1990 ; LEVY Alexandre, Mirbeau pistolier : lettres Alfred Bansard , Cahiers Octave Mirbeau, n4, Socit Octave Mirbeau, 1999, pp. 33-46.

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    Oui, ces amis froids, indiffrents, on les voit un instant, ils apparaissent au collge, puis ilspassent, ils vont se confondre dans cet ocan du monde, et bientt loubli a pass sur eux et lesa envelopps de son ombre impntrable. (6 avril 1864, p. 49).

    Le jeune homme fait rfrence au suave Lamartine (p. 61) et Oberman (p. 81). En

    apprenti crivain en effet, il exploite lenvi toutes les mtaphores et les clichs lexicaux

    tributaires dune littrature classique et convenue : le doux murmure du vent (p. 58), le saintconcert [de la nature] (p. 58), les larmes brlantes (p. 59), les douceurs enivrantes de ladanse (p. 52), etc. Les topo sont aussi pistolaires, avec lusage de la lettre comme lieudpanchement lyrique : Au moment o je tcris, je nen puis plus, mes larmes errent sur cettelettre. (6 avril 1864, p. 49).

    Paralllement, Mirbeau sait aussi tourner cette langue en drision et sen distancie plusieurs reprises. Les contradictions de lauteur, qui sait la fois faire usage dune rhtoriquebien huile5 et formuler le dsir de renouveler la langue et la littrature, se dessinent ds lapremire jeunesse. On relvera lironie des dveloppements suivants, qui font mention des contraintes potiques insignifiantes , et dressent un portrait ridicule de la figure et du style dupote :

    Je ne prendrai pas ma lyre, mon bien cher Alfred, pour rpandre sur ton front des flotsdharmonie et de louanges. Nous nous connaissons trop pour user de ces contraintes potiqueset insignifiantes. Retombons dans la ralit, et laissons nos vapeurs potiques aux chosnocturnes de la plaine. (8 aot 1865, p. 55).

    Jai toujours eu pour la neige une profonde aversion [] Je sais bien que les potes, lespetites personnes nerveuses, et les acadmiciens de province ont toujours trouv dans lesblancs flocons de neige des sentiments plus ou moins fantasques, et des comparaisonsvirginales et thres. ([9 mars 1867], p. 73).

    Avec une part desprit potache, cest le sexe qui vient aussi distordre les clichs. Sur Paris :

    Chaque jour, je vois lever laurore et chaque jour je me dis : quand donc pourrai-jeembrasser cette terre bnie, arrose par les scrtions vaginales de tant de jolies femmes ? ([avril 1867], p. 77).

    plusieurs reprises, il nest pas ais de dterminer si Mirbeau use dune rhtorique

    romantico-symboliste son propre compte ou sil lexploite avec ironie. Lditeur insiste sur cettepart de doute : Exercice de style ? Ou restes dun romantisme mal teint ? Difficile dire6 .Un exemple de ces passages qui font douter, tant lexcs frle la parodie. Sur les illusions passes : illusions fugitives, fantmes diaphanes que nous ne pouvions saisir que dans le monde de lidalet du vague, flammes brillantes, quun souffle faisait vanouir, toile scintillante, quun nuagedrobait nos yeux enchants. (8 aot 1865, p. 56).

    Aprs la priode de ladolescence, et alors que Mirbeau entame sa carrire de journaliste,notre attention a t attire par les dveloppements o nous reconnaissons la plume dupamphltaire. Les cibles de lpistolier sont celles contre lesquelles lcrivain naura de cesse de sedresser : lglise, la bourgeoisie catholique bien pensante, les hommes de loi, les politiciens, etc. Lestyle est dj l aussi, dans les lettres quil continue adresser Alfred Bansard des Bois, puis Paul Hervieu, partir de 1883, qui va devenir son interlocuteur privilgi. Les procds delaccumulation, de lexclamation indigne, le recours injurieux au bestiaire, les mtaphoresdprciatives, la caricature, la violence verbale, annoncent le Mirbeau polmiste et imprcateur quenous connaissons.

    Sur un mauvais crivain, Louis Veuillot : ce chien caniche qui veille aux portes de la

    religion catholique, de peur quon aille dposer des ordures autour de ce monument en ruine, jai5 MICHEL Pierre, Prface la Correspondance gnrale, Tome premier, p. 22.6Ibid, p. 62.

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    lu son livre. Cest parfaitement bte, scandaleux, et surtout cruellement ennuyeux. ([20 fvrier1867], p. 71).

    Sur les juristes, que Mirbeau pratique alors quil fait son droit : le droit, quelle horriblechose ! Cest comme les humeurs froides, les scrofules, la syphylis [sic] ! Quels sauteurs que cesjurisconsultes ! Ah ! bltres et cancres, crtins et goitreux ! Puissiez-vous tre pendus, bouillis,pils au mortier, donns aux porcs ! ([novembre 1867], p.104)

    Sur les obligations militaires et la figure du sous-prfet : Je ne te dirai rien de la fameuserorganisation militaire de larme. Jai foi dans les bons sentiments du corps lgislatif [] etjespre qu la lueur de sa lanterne, ces plans absurdes svanouiront, rves de cerveaux abrutiset grognards aux moustaches retrousses. ([9 mars 1867], p. 73) ; Jai amen, du baquetalatoire que notre palmipde de sous-prfet dcore du nom pompeux durne - je nai jamais supourquoi - le numro 52 ([3 fvrier 1869], p. 131).

    Nous pourrions multiplier les exemples. Stylistiquement, nous insisterons aussi sur lart dela formule polmique deux termes qui fait chute. La presse est le conservatoire des vieillesformules et des traditions pourries (p. 204), un journal honnte devra dire la vrit aux petitsbouffis du monde et aux ramollis de la politique (p. 307). Mirbeau pratique aussi le portrait chargeet sa correspondance dresse une galerie de portraits. Ceux-ci traversent ses lettres comme autant de

    figures hautes en couleur et romanesques dans leurs attributs ridicules : Madame Vron est trentefois plus lourde quun Code civil; Monsieur Bidault se complique dune dvote LontineBidault :

    Le Code pse 8 10 livres, le poids dun livre (non pas que je veuille tablir de

    comparaison entre le Code civil et un livre, mais cest comme guide dans lapprciation dupoids), et Madame Vron 300 livres. Donc Tu vois cela dici. Ras ! ! ! ([avril 1867], p.79).

    Le Bidault se complique dune Lontine Bidault, son pouse, laquelle est dvote etdoucereuse, et occupe les rares loisirs que lui laisse la mdisance, brocher des nappes dautelet confectionner des fleurs en papier sale, pour les crmonies religieuses. ([janvier 1884], p.

    328).Les lettres dploient bel et bien les procds satiriques constitutifs du comique mirbellien.

    Au sortir de la guerre de 70 et lorsque Mirbeau commence crire des lettres publiques dansla presse, cest aussi la diversit des styles qui frappe. Alors mme quil se livre auxdveloppements que nous venons de citer dans des courriers privs, le jeune homme rdige desdpches pour la presse bonapartiste puis lgitimiste dans une plume des plus conventionnelles.Pour preuve le maniement du style ampoul des chroniques politico-mondaines pourLArigeois etLe Gaulois. Il est question de la cour dEspagne :

    son arrive Madrid, Sa Majest lImpratrice a t reue la gare par le roi Alphonse et

    la princesse des Asturies, qui lui ont appris avec les plus grands mnagements la mort de samre. Lentrevue a t des plus touchantes [] Linfortune mre du Prince imprial asupport avec beaucoup de courage le nouveau malheur qui la frappait. (23 novembre[1879], p. 228).

    Le roi et la famille royale, suivis dun brillant cortge, sont sortis dix heures et demi pouraller lglise dAtocha [] La ville est pavoise [] Le cortge royal est magnifique. Lesambassadeurs et les grands dEspagne en font partie et en augmentent lclat[] De toutes lesglises, les cloches sonnent toute vole. (23 janvier [1878], p. 210).

    nen pas douter, la dpche a t un exercice dcriture littraire pour Mirbeau, unentranement la narration dans ses rouages les plus classiques. Ce sont de vrais rcits quil livre,

    o les effets dattente et de surprise sont mnags, les descriptions travailles, les motionssensationnalistes privilgies. Mirbeau va au bout de lexercice, en exploite sans mnagements tous

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    les procds, et lon retrouve cette rhtorique de lexcs7 et ce baroquisme dont parlelonore Roy-Reverzy pour caractriser son uvre. Quant au mlange des styles, cette capacitde camlon que possde lpistolier passer de lun lautre, ils renvoient eux aussi luniverskalidoscopique mirbellien. La lettre, dans sa distribution entre le public et le priv, le rtribu et lesincre, est le lieu o sexerce le double langage, ce qui force Mirbeau sexercer tous les styles.On peut se demander si le dcousu dont parleront les critiques propos du Calvaire nest pas

    mettre en rapport avec la pratique pistolaire fragmente et sans cesse changeante qui est celle deMirbeau au quotidien.

    Enfin, ces lettres antrieures la rdaction et la publication du Calvaire rendent comptedes premiers exercices narratifs de lauteur, en dehors mme des exercices journalistiques. Denombreux rcits, longs, structurs, entrecoups parfois de dialogues au style direct, parsment eneffet la totalit du volume ( commencer par le texte appel Une page de ma vie8 envoy AlfredBansard des Bois en 1868). Ici encore, le jeune pistolier semble utiliser la lettre et la relationinstaure avec son destinataire pour faire ses gammes dapprenti romancier. Parmi ces derniresfigure par exemple le rcit de lagonie de son oncle Louis (p. 77), trs crit, exploitant tous lesressorts pathtiques du genre, et sachevant sur les paroles difiantes du mourant qui exhorte son

    neveu travailler. Dans ce mme registre des scnes familiales, on compte galement le rcit delaccouchement de sa sur (p. 121). Fait aussi figure dexercice littraire la saynte autour de lajolie femme aperue dans une loge de thtre Paris (p. 83). Mirbeau affectionne galement le rcitde faits divers mlant la cruaut et la drlerie, et annonant les Contes cruels :

    Laisse-moi plutt te raconter une vridique histoire arrive cluzelle, arrondissement de

    Dreux, en lan de grce 1867. Tu y verras comment un gendre aimable fit de sa belle-mre quine se dcidait pas mourir 5 andouillettes et 3 livres de boudin : je ne garantis pas lessaucisses. ([septembre 1867], p. 99).

    Ces rcits sont galement loccasion pour Mirbeau de sessayer la description de dcors

    ruraux, dans un registre parfaitement littraire et classique :Tu te figures aisment un village de Beauce. Quelques maisons couvertes de chaume,

    laspect misrable ; et semes a et l au bord dune route, une glise peu frquente, auclocher chancelant comme un homme ivre, et aux arbres moiti morts auprs du porche delglise. Pas une source, pas une mare : rien que la plaine, la plaine immense, sans limites, quiforme le fond du tableau. (ibid., p. 100).

    Ces lettres constituent naturellement aussi des documents pour construire la gense desuvres, et lditeur Pierre Michel mentionne systmatiquement les rapprochements quellespermettent doprer entre les incidents qui ponctuent la vie de Mirbeau et ses romans. Il metgalement laccent sur les passages qui annoncent ou refltent des aspects de limaginaire

    mirbellien, sur les rcits ou les lments qui seront repris et transforms par le romancier. On touchebien sr ici tout ce qui fonde lapport dune dition scientifique des lettres.

    La premire partie du premier volume sachve alors que Mirbeau sest mis travailler auxLettres de ma chaumire. La seconde rassemble les missives des annes 1886-1888, et marque untournant, puisque ces annes concident avec la publication du Calvaire et de LAbb Jules et laperce littraire de lcrivain. Ici, ce nest plus seulement sur les indices stylistiques que ces lettresnous invitent nous pencher, mais aussi plus simplement et prcisment sur les informations nousrenseignant sur lcrivain, dornavant reconnu comme tel. Ce qui confrait dj ces missives lestatut de correspondance dauteur se dveloppe et samplifie, et il y a bien une unit dans ce

    7 ROY-REVERZY lonore, Mirbeau rhapsode ou comment se dbarrasser du roman , Europe, n839, mars1999, p. 17.

    8 Voir le dveloppement quy consacrent Pierre MICHEL et Jean-Franois NIVET dans Octave Mirbeau,Limprcateur au cur fidle, p. 66.

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    corpus. Tout dabord, Mirbeau correspond avec les principaux auteurs et artistes de son temps.Certains sont trs clbres (pour les deux seuls premiers volumes : Barbey dAurevilly, Zola,Edmond de Goncourt, Huysmans, Daudet, Mallarm, Maupassant, Heredia, Rodin, Monet, Renoir,Pissarro, Caillebotte, Flicien Rops, etc.). Dautres sont aujourdhui plus ou moins oublis du grandpublic, et cette correspondance fait revivre le monde littraire de la Belle-poque : lmir Bourges,Paul Bourget, Lon Hennique, Catulle Mends, Gustave Toudouze, douard Pailleron, entre autres.

    Les lettres adresses aux crivains consacrs de lpoque sont encore presque toutes des missivesadmiratives, enthousiastes et hyperboliques, dans lesquelles Mirbeau assume la position du discipleface au matre, exercice topique de la correspondance dcrivain. Edmond de Goncourt sur LaFille lisa : Je ne puis mempcher de vous crier mon admiration. Je laurais voulue publique,mais nayant plus de journaux moi, je me vois forc de vous importuner en catimini de mesenthousiastes ardents et sincres [] mme magie dans le style qui a fait de vous, Monsieur, lepremier crivain de notre temps (31 mars [1877], p. 204). Barbey dAurevilly : Mon cher etillustre Matre, / Jai reu votre nouveau chef-duvre. [] On ne devrait point dsesprer de lavie quand la vie produit des hommes comme vous, et quand on a en soi ce quil faut pour lesadmirer. ([dcembre 1883], p. 317).

    Les lettres sur la littrature ne sarrtent dailleurs pas ces missives codifies, et les

    combats littraires de Mirbeau se dessinent. Lcrivain rige dans ce domaine une distinctioncapitale entre les articles de commande et les textes dont les lettres publiques quil se plat crire. Laccouchement de ces textes se fait dans la souffrance, comme celui de ses uvres, aveclesquelles ils forment finalement un tout. Paul Hervieu sur Zola, aprs linterdiction du drameadapt de Germinal: Figurez-vous que jai envoy au Matin un article sur Zola. Il tait de ceuxqui me plaisent faire. Or ce que jai su, souffl dessus, non, jamais vous nimaginerez cela . ([novembre 1885], p. 458).

    Aussi la plume pamphltaire est-elle cette fois-ci mise au service de missives publiques,lorsquil sagit de dfendre les avant-gardes picturales et littraires. En tmoignent, par exemple,cette lettre ouverte adresse Lon Gambetta pour protester contre ladministration des Beaux-arts,ou celle aux dputs , sur le monopole dHachette dans les gares :

    Jamais, depuis trois cents ans, elle [ladministration des Beaux-arts] ne sest vue dans des mains

    plus ignorantes, plus incapables, plus indiffrentes et plus prtentieuses. ([novembre 1880], p.267) ;

    Est-ce lemploy de M. Hachette qui distinguera un livre comme Mademoiselle de Maupin dunlivre imbcile et pieux ? Auquel des deux donnera-t-il son visa ? ([avril 1883], p. 300).

    Autour de la fabrication des romans, ces lettres dploient galement tous les thmes propres la profession et nous informent sur ldition des uvres (ddicaces, expditions, contrats, etc.) etsur leur rception critique. Mais surtout elles nous livrent des renseignements, prcieux par leurcohrence et leur unit, sur le travail dcriture de Mirbeau ainsi que sur sa potique. Mirbeau

    travaille ses romans dans la difficult, la souffrance et le doute. son ami Paul Hervieu, proposde ses articles pourLes Grimaces, et sur le vide qui laccable :

    Quel vide effrayant il y a l-dedans. Quel manque de personnalit ; et a nest pas mmecrit en franais. Et quand je me dis quil faut que je fasse un livre, cela me semble une amredrision. ([janvier 1884], p. 333).

    Ce dsir dtre original, cratif (on peut entendre ainsi ce quil nomme la personnalit ) etcette exigence de la langue sont trs souvent affirms, sous diverses formes. On peut comprendreainsi par exemple la mtaphore du mle , surLe Calvaire. Toujours Paul Hervieu, qui reoitbeaucoup de ces confidences littraires : Oui, mon ami, je travaille, je travaille. Je vois deschoses trs bien, des choses grandes, mais les saisir, les treindre [] sur le papier, voil le vrai

    Calvaire. Oh ! pourtant, si je pouvais produire quelque chose de mle, de vraiment douloureux ([25 juillet 1885], p. 411). Claude Monet, sur LAbb Jules : Je sens que cest mauvais,dhanch, que loriginalit qui aurait pu y tre nest pas sortie. ([mars 1888], p. 756).

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    Ce sont autant dinformations permettant de dfinir la potique romanesque de Mirbeau.Lexigence doriginalit et dintensit semble sinscrire en opposition par rapport cette rhtoriquefacile que lcrivain continue pratiquer au quotidien dans son travail de journaliste. Dans lesdveloppements que Mirbeau consacre cette douloureuse contradiction, cest le terme de dclamatoire quil use pour dfinir sa prose salarie. Paul Hervieu : Je remplace, par desdclamations et des amplifications de rhtorique qui ne peuvent tromper personne, le manque

    dides et de penses rares. ([juillet 1886], p. 548). son ami Rodin, sur Le Calvaire : Cestune uvre rate et vide, et que jaurais voulue trs intense, et qui nest, dans le fond, quedclamatoire ([novembre 1886], p. 615).

    La topique trs dix-neuvimiste de la souffrance cratrice fait aussi entrer ces lettres dansune certaine tradition des crits dartistes. Lcrivain sidentifie au Claude Lantier de Luvrenotamment. mile Zola :

    Jai pleur devant ce malheureux Claude Lantier, en qui vous avez synthtis le plus

    pouvantable martyre qui soit, le martyre de limpuissance. Gnie part, jai retrouv en cettedouloureuse figure beaucoup de mes propres tristesses, toute linanit de mes efforts, les luttesmorales au milieu desquelles je me dbats. ([19 avril 1886], p. 527).

    Certaines lettres nous donnent enfin suivre dassez prs la construction factuelle desuvres, comme celles qui informent prcisment sur leur avancement en nombre de feuillets. Nousnous sommes quant nous arrte sur un passage assez prcis concernant le choix des mots, enloccurrence des mots crus, dans Le Calvaire, dans une missive Juliette Adam qui a reproch Mirbeau sa grossiret. Nous sommes ici prcisment plongs dans le travail dcriture, et dans ladfinition dune potique, avec lemploi du terme doctrine :

    Ce nest point par fanfaronade [sic] que jai pouss si loin certains dtails et certains mots.Cest une doctrine dart que je crois trs honnte. Car les mots ne sont rien. Les plus ignoblesprennent de la noblesse et de la grandeur, daprs lintention qui les a dicts. Et ils sont pluschastes dans leur nudit que les mots acadmiques avec tous leurs voiles. ([novembre

    1886], p. 601)

    Depuis la Bretagne, Mirbeau livre Paul Hervieu une dfinition des lieux et des habitants,qui dfinissent un aspect du comique mirbellien, constitutif de son art potique :

    Ce quil y a de curieux, dans ce pays o les paysages sont si beaux et dune mlancolie si

    intense, cest que les hommes y sont dun comique irrsistible et comme vous ne pouvez lerver. [] la vie bretonne, personne na encore song la peindre. [] Tout y estextraordinaire et le comique y abonde, non le comique de vaudeville mais le comiqueshakespearien. (2 mars 1884, p. 341).

    Le deuxime volume

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    , qui rassemble les lettres des annes 1889-1894, vient confirmer laqualit de la correspondance de Mirbeau et accrdite les pistes danalyse que nous proposons. Leslettres nous livrent beaucoup dinformations sur la rdaction de Sbastien Roch. Plus encore quepour lcriture du Calvaire ou de LAbb Jules, Mirbeau continue dire sa souffrance dcrire, sesdoutes, son sentiment de strilit. Les mmes termes surgissent pour parler du travail dcriture, telsla peur du vide , la tentation honnie du dclamatoire , le dsir doriginalit. Paul Hervieu : Je nai aucun talent. Je nai que de la dclamation, hlas ! trs vide dides, et mmes desensations originales. ([mars 1889], p. 49).

    Le dgot de Mirbeau pour son activit dcriture salarie se prcise et samplifie, dans destermes violents. Il parle Francis Magnard de sa lassitude de se salir aux gluantes paperasses desbureaux (p. 190) ; il confie Stphane Mallarm combien la prose de la chronique lui est facile

    9 Octave Mirbeau, Correspondance gnrale, Tome deuxime / dition tablie, prsente et annote par PierreMichel, avec laide de Jean-Franois Nivet, LAge dHomme, 2005.

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    ( bcle ), linverse du travail que lui demande sa cration. Ainsi, propos dun Dialoguetriste :

    Cest du Maeterlinck grossier et sans saveur que par dsespoir, jai fait dans Lcho deParis. Mais comprenez-moi bien. Je suis dans un dgot du journalisme. Et cest avec terreurque je vois approcher linstant de larticle. Durant huit jours je mefforce de ny pas penser.[] Il faut alors, en deux heures, bcler quelque chose. Et je bcle nimporte quoi. Cette forme

    quand on la traite par approximation est facile et rapide. [] nen soyez pas tropcur. ([octobre 1890], p. 287).

    Ces mmes vocables continueront parsemer les lettres qui suivront lorsquil sera question

    de la tragdie proltarienne Les Mauvais bergers en 1897. Dans la rcurrence des mmes mentions,il y aurait sans doute quelque chose dire sur la faon dont se formule la neurasthnie mirbelliennequant elle touche lcriture. Les missives qui vont constituer le troisime volume renferment aussides mtaphores qui associent la plume un corps extnu. Stphane Mallarm, sur un article crire : Il y a des moments o jai envie de me tuer pour me dlivrer de cet absurde travail[] jeudi donc, si dici l je ne me suis pas pass ma plume travers le corps. ([1er dcembre 1895]). Claude Monet : Je me suis pris le cerveau deux mains, je lai treint de toutes mes forces

    pour en faire sortir quelque chose Et rien [] Et ce que je fais, cest un vomissementstupide. ([mi-mai 1896]).

    La mention rpte des ratures nous fait parfois pntrer au plus prs du travail sur lalangue, en loccurrence sur la construction des phrases. Claude Monet, puis Paul Hervieu : Enfin je travaille normment, sans avancer beaucoup, car je rature, je recommence, je reprendssans cesse les chapitres. ([fvrier 1889], p. 36). Paul Hervieu : Je navance pas, je pitinesur place, je barbote dans les qui, memboue dans les que, menglue dans les dans, et ne puisarriver mettre un phrase debout. ([avril 1889], p. 71).

    Plus indits, par rapport au volume prcdent, sont les passages qui concernent le dsir deMirbeau duser de ce registre pathtique et lyrique, teint dun sentimentalisme un peu mivre, quelon rencontre dans Sbastien Roch et qui sestompera par la suite. Lcrivain tente de dfinir cestyle auprs de Paul Hervieu, puis de Catulle Mends qui il parle de tragique dans le simple etdun lyrisme difficile circonscrire :

    Ce que je veux essayer de rendre, cest du tragique dans le trs simple, dans le trs ordinaire

    de la vie ; un attendrissement noyer dans les larmes . [] Je les [les pages des deux premierschapitres] ai lues Alice hier. Elle a pleur comme une madeleine ([janvier 1889], p. 31).

    Jai cherch faire du tragique dans le simple [] Il faudrait Odilon Redon, ou Besnard, lesseuls peut-tre qui pourraient faire le morceau lyrique que je conois, sans pouvoir encore lefixer. ([dcembre 1889), p. 175)

    On trouve quelques premires mentions du Journal dune femme de chambre. Enfin, pour ce

    qui est de la gense des uvres, comment ne pas penser au Jardin des supplices chaque fois quilest question de fleurs, dont Mirbeau se plat discourir, parfois sur des paragraphes entiers ? Uneseule citation, particulirement parlante, dune lettre Claude Monet, sur Gauguin : Jai vu unesorte de vase de lui, une fleur sexuelle trangement vulvique, dont larrangement est vraiment trsbeau et qui est dune obscnit poignante et haute. ([fvrier 1891], p. 343).

    Cest toujours la foisonnante gnration 1900 qui traverse la correspondance. Lamiti entreMirbeau et Mallarm se confirme, de nouveaux liens se tissent aussi, avec Marcel Schwob, Remyde Gourmont, Robert de Montesquiou, Catulle Mends entre autres, Flix Fnon, Rosny An,Jean Lorrain dans le troisime volume. Ce sont aussi de nouveaux peintres qui rejoignent Monetparmi les correspondants de Mirbeau, tels Pissarro, avec lequel se construit une troite amiti, ouCaillebotte. Ces lettres confirment la finesse de jugement et lavant-gardisme de Mirbeau critique

    dart. Enfin, lcrivain correspond avec un certain nombre danarchistes, et emprunte un tournantimportant dans ses investissements politiques.

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    Nous avons eu la chance de pouvoir lire les textes qui fonderont le troisime volume de cettecorrespondance gnrale et rassembleront les lettres crites de 1895 1902. Nous en avons retenuplusieurs aspects. Il y est relativement peu questions du Jardin des supplices et du Journal dunefemme de chambre, comparativement la place quy occupe le thtre. Ceci sexplique peut-trepar le type de composition de ses deux uvres qui rassemblent des textes rdigs antrieurement. Ily a aussi sans doute un dbut de transformation des modes de communication ; Mirbeau mentionne

    certains endroits le tlphone et le tlgramme. Il rencontre aussi beaucoup la socit des gens delettres dont il fait dsormais pleinement partie. On voit en effet prolifrer les billets qui fixent lesrendez-vous pour des dners et des causeries o se rassemble tout ce que lpoque compte de plusbrillant. Mirbeau dresse avec lgret une sorte de nomenclature lexicale de ces rencontres : ladnette (et le verbe dnetter), lintime tasse de th ou la la causerie . FerdinandBrunetire : Voulez-vous nous faire le grand plaisir de venir, le samedi 11 janvier faire une petitednette (1er janvier [18]96). Edmond de Goncourt: Voulez-vous nous faire, ma femme et moi, le grand plaisir de venir dnetter ([14 fvrier 1896]). Stphane Mallarm: Ma femme[] vous prie [] de venir prendre une intime tasse de th (15 mars [18]96). Robert deMontesquiou: Samedi, 2 mai, tes-vous libre pour une petite causerie du soir entre amis ? ([30avril 1896]).

    On rptera encore combien cette correspondance est riche pour comprendre toute unegnration dauteurs quelle rassemble. Parce quil est reconnu en tant qucrivain, Mirbeau estamen donner son sentiment sur des uvres aujourdhui pratiquement oublies et qui reviventsous sa plume, tels La Petite paroisse10 dAlphonse Daudet ou Les Roseaux pensants11 deMontesquiou. Il nous rappelle ou nous informe, tant celle-ci a t nglige -que Clemenceau a euaussi une production littraire. Gustave Geffroy, aprs lchec de lhomme politique auxlections lgislatives : Nous avions compris que cet chec apparent ntait au fond quunedlivrance, quil aboutissait quelque chose de beau, et que, si nous perdions un dput, nousgagnions un admirable crivain. Lcrivain de La Mle sociale et de tous les autres volumes quivont suivre. ([9 ou 10 mars 1895]).

    Le statut littraire de Mirbeau est dsormais solidement reconnu, et la posture de lauteur estdsormais davantage celle dun matre que dun disciple. Il est celui qui lon demande desprfaces ; Mirbeau reoit des courriers de jeunes auteurs. lun dentre eux, Ernest la Jeunesse : Je vous en prie, je vous en supplie, ne me dites jamais : Cher Matre. Cela me fche. Appelez-moivotre ami ([2 novembre 1897]).

    Il est beaucoup question de thtre, et lon pntre ici dans une dimension de la productionlittraire de Mirbeau que lon connat sans doute moins. Cest ici encore la foisonnante productionthtrale de cette poque qui se donne explorer, avec des noms comme ceux dAndr Antoine,Lugn-Poe, Victorien Sardou et Sarah Bernard, ou des structures tels le Grand-Guignol et leThtre populaire. Ces lettres mriteraient dtre mises en rseau avec dautres correspondances dedramaturges de ces annes, dont on a pareillement oubli les productions. Nous pensons par

    exemple aux lettres de Jean Lorrain Gustave Coquiot

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    , qui prsentent ce mme caractre de promenade dans le thtre 1900. Mirbeau parle volontiers de ses pices dont on suit assezprcisment la progression et la gense. partir des Affaires sont les affaires o il fait de choix dela comdie, lauteur se dit content de son travail affirmation rarissime 13 , et il y a une ivressedcrire et une satisfaction de soi jamais rencontres avant, comme Mirbeau le constateexplicitement. Sa facilit composer ces textes est diamtralement oppose aux affres de la crationromanesque. Jules Claretie :

    10 Lettre Alphonse Daudet, [5 fvrier 1895].11 Lettre Robert Montesquiou, 8 juillet 1897.12 Jean Lorrain, Lettres Gustave Coquiot, Champion, 2007.13 Mme si cette affirmation comporte une dimension stratgique, car il sagit de convaincre la Comdie-

    Franaise daccepter la pice.

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    Je travaille allgrement. Mon premier acte est fini, et je suis dans les dfils du deuxime.[] Je ne sais si je me trompe, mais je crois que tout cela est bien venu. ([vers le 15 ou 20dcembre 1900]).

    Jai termin mon second acte. Il ma demand beaucoup de mal. Mais je le crois saisissant.[] je suis content. Et cest la premire fois que je suis content dune chose que jai faite.([vers le 1er fvrier 1901]).

    Mirbeau dfinit aussi avec aisance et clart les exigences qui sont les siennes en termes depotique thtrale : la dimension dramatique, le ralisme, lmotion, cet impratif doriginalitaussi, qui la tant fait souffrir dans la construction de ses romans. Dans la mme lettre JulesClaretie : La difficult tait de rendre dramatique, et plaisante au public, cette scne, car jevoulais quelle repost sur la ralit [] Il me semble bien que jai atteint le but, quelle estdramatique, dans le plus pur sens du mot, avec ses deux faces de comique et de tragdie, etparfaitement relle. ([vers le 1er fvrier 1901]). Alexandre Natanson : Telle quelle est, elle ale mouvement et lmotion, et on peut la juger. [] Je crois que ce nest pas ennuyeux, que cestthtre, et quil y a des choses quon na pas coutume de dire au thtre. ([25 ou 26 mars 1901]).

    On suit galement toutes les tapes qui permettent la construction et la mise en scne dunepice, depuis les lectures faites en priv, jusquau choix des acteurs et la distribution des rles, en

    passant par toutes les pripties qui ont permis aux Affaires sont les affaires dtre mont laComdie-Franaise. Il y a en ce sens une vritable dramatisation pistolaire autour de cettepice, dont on suit le cheminement chronologique, avec mises en haleine et effets dattente,particulirement au moment de la rptition gnrale.

    Ces lettres portent galement lempreinte des investissements esthtiques et politiques deMirbeau et accompagnent, en sourdine, ses trs nombreux textes publics, rassembls notammentdans les Combats littraires14. Cest encore le style qui frappe. La plume pamphltaire est vivace,comme en tmoigne par exemple ce magnifique dveloppement sur la btise. Lucien Millevoye,dput et journaliste anti-dreyfusard :

    Il y a une chose qui mtonne et que jadmire : cest votre btise, cest votre persistance,

    votre tnacit dans la btise [] Comment cela peut-il arriver que vous nayez jamais de rpit,jamais le moindre repos dans la btise ?... Je sais bien que, quand on est bte, cest pourlongtemps Mais avoir, comme vous avez, cette tension extraordinaire, continue, ternelle,dans la btise, nest-ce point un prodige ?... Je laisse de ct vos autres qualits. Elles sontnombreuses et profondes Mais la btise les dpasse, et pour ainsi dire les annule. ([18janvier 1899]).

    Les lettres qui tournent autour de laffaire Dreyfus nous rappellent aussi combien Mirbeau aaim pratiquer le style dclamatoire et la priode, justement appropris la formulation desprincipes humanistes dreyfusards. On retrouve dans ces lettres la grandiloquence lyrique qui sembletre limitation de celle de Zola dans les textes de La Vrit en marche. Cest encore et toujours la

    diversit des styles qui tonne dans la correspondance de Mirbeau. mile Zola :Il faut que vous rentriez Paris dans un immense triomphe [] que trois cent mille hommes

    vous suivent, vous acclament, de la gare chez vous, et que ce soit beau comme si vous ntiezplus un homme, mais la justice, la charit, la piti enfin revenues ! [] quel poids affreux cesvnements enlvent de nos poitrines ! ([31 aot 1898]).

    Jamais vous ne mavez paru plus beau et plus grand dans cette modration passionne ethautaine qui va jusqu la saintet. Et jprouve un besoin furieux de vous embrasser et devous dire toute ma reconnaissance pour avoir illumin si magnifiquement ce qui grondaitdobscur dans nos mes. ([23 dcembre 1900]).

    14Combats littraires, Lge dhomme / Socit Octave Mirbeau, 2006.

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    Nous avons voulu parcourir quelques propositions danalyse. Elles restent naturellement approfondir et dvelopper dans une lecture minutieuse des lettres, et dans une mise en paralllesystmatique et rigoureuse entre luvre et la correspondance.

    Sonia ANTONUniversit du Havre

    Rfrences :Combats littraires / dition tablie par Pierre Michel et Jean-Franois Nizet, LAge

    dhomme / Socit Octave Mirbeau, 2006.Correspondance gnrale, Tome premier / dition tablie, prsente et annote par Pierre

    Michel avec laide de Jean-Franois Nivet, LAge dHomme, 2002.Correspondance gnrale, Tome deuxime / dition tablie, prsente et annote par Pierre

    Michel avec laide de Jean-Franois Nivet, LAge dHomme, 2005.LVY Alexandre, Mirbeau pistolier : lettres Alfred Bansard , pp. 33-46 dans Cahiers

    Octave Mirbeau, n 4, Socit Octave Mirbeau, 1999, pp. 33-46.LORRAIN, Jean, Lettres Gustave Coquiot / runies, prsentes et annotes par Eric

    Walbecq, Champion, 2007.MICHEL, Pierre, et NIVET, Jean-Franois, OctaveMirbeau : limprcateur au cur fidle /

    biographie, Librairie Sguier, 1990.ROY-REVERZY Elonore, Mirbeau rhapsode, ou comment se dbarrasser du roman ,

    Europe, n 839, mars 1999, pp. 16-26.

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