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Sorption de vapeur d'eau et thermoporométrie Étude de la texture de matériaux poreux « modèles » et perspectives d'application aux bétons Thierry CHAUSSADENT Chargé de recherche Section Comportement physico-chimique des matériaux Gérard PLATRET Chargé de recherche Section Comportement physico-chimique des matériaux Roland LAVARENNE Technicien supérieur Section Comportement physico-chimique des matériaux Service Physique des matériaux Laboratoire central des Ponts et Chaussées Abdul RAOOF Doctorant Section Physique des milieux granulaires et poreux Jean-Pierre GUILBAUD Technicien supérieur Section Physique des milieux granulaires et poreux LMSGC Unité mixte de recherche Laboratoire central des Ponts et Chaussées Centre national de la recherche scientifique RESUME Les isothermes de sorption de vapeur d'eau et la thermoporométrie permettent la déter- mination, non seulement des caractéristiques texturales d'un matériau poreux, mais aussi de certaines de ses propriétés hydriques. Ces deux techniques, maintenant disponi- bles au Laboratoire central des Ponts et Chaussées, ont fait l'objet d'une analyse exhaustive afin de définir leurs limites res- pectives et leur complémentarité. L'étude présentée a été réalisée sur des silices « modèles » utilisées en chromatogra- phie. Les perspectives d'utilisation de ces techniques sur les matériaux à base de ciment sont également évoquées. MOTS CLÉS : 32 - Béton hydraulique - Vapeur - Eau - Matériau - Porosité - Température - Texture (physicochim.) - Silice - Adsorption - Méthode d'essai - /Isotherme - Thermoporométrie. Introduction Les mouvements liquides (eau, ions chlorure) et gazeux (vapeur d'eau, gaz carbonique) dans le réseau poreux du béton ont une action prépondérante sur la durabilité des ouvrages d'art. La détermination des caractéristiques texturales des matériaux à base de ciment est donc essentielle pour approfondir leurs propriétés et envisager des modélisations pertinentes [1]. Le Service Physico-chimie des matériaux, qui regroupe l'ancien Service de Chimie et la Section de Physique des milieux granulaires et poreux, est impliqué depuis plu- sieurs années dans diverses collaborations au sein du Laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC) ou avec des équipes extérieures pour l'étude de ces propriétés. Dans cette optique, deux techniques, la sorption de vapeur d'eau et la thermoporométrie, ont été mises en œuvre [2]. Le programme scientifique présenté dans cet article porte principalement sur des matériaux « modè- les ». L'objectif est d'étudier ces techniques de façon très complète, afin de dégager à la fois une systématique et de souligner les aspects spécifiques de chacune d'entre elles pour leur utilisation dans le cadre d'une meilleure connaissance des propriétés du béton durci. BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 208 - MARS-AVRIL 1997 - RÉF. 4111 - PP. 67-74 67

Sorption de vapeur d'eau et thermoporométrie

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Page 1: Sorption de vapeur d'eau et thermoporométrie

Sorption de vapeur d'eau et thermoporométrie Étude de la texture de matériaux poreux « modèles » et perspectives d'application aux bétons

Thier ry CHAUSSADENT Chargé de recherche

Section Comportement physico-chimique des matériaux

Gérard PLATRET Chargé de recherche

Section Comportement physico-chimique des matériaux

Ro land LAVARENNE Technicien supérieur

Section Comportement physico-chimique des matériaux

Service Physique des matériaux Laboratoire central des Ponts et Chaussées

A b d u l RAOOF Doctorant

Section Physique des milieux granulaires et poreux

Jean-Pierre GUILBAUD Technicien supérieur

Section Physique des milieux granulaires et poreux

LMSGC Unité mixte de recherche Laboratoire central des Ponts et Chaussées Centre national de la recherche scientifique

R E S U M E

Les isothermes de sorption de vapeur d'eau et la thermoporométrie permettent la déter­mination, non seulement des caractéristiques texturales d'un matériau poreux, mais aussi de certaines de ses propriétés hydriques. Ces deux techniques, maintenant disponi­bles au Laboratoire central des Ponts et Chaussées, ont fait l'objet d'une analyse exhaustive afin de définir leurs limites res­pectives et leur complémentarité.

L'étude présentée a été réalisée sur des silices « modèles » utilisées en chromatogra-phie. Les perspectives d'utilisation de ces techniques sur les matériaux à base de ciment sont également évoquées.

MOTS CLÉS : 32 - Béton hydraulique -Vapeur - Eau - Matériau - Porosité -Température - Texture (physicochim.) - Silice -Adsorption - Méthode d'essai - /Isotherme -Thermoporométrie.

Introduction Les mouvements liquides (eau, ions chlorure) et gazeux (vapeur d'eau, gaz carbonique) dans le réseau poreux du béton ont une action prépondérante sur la durabilité des ouvrages d'art. L a détermination des caractéristiques texturales des matériaux à base de ciment est donc essentielle pour approfondir leurs propriétés et envisager des modélisations pertinentes [1].

Le Service Physico-chimie des matériaux, qui regroupe l'ancien Service de Chimie et la Section de Physique des milieux granulaires et poreux, est impliqué depuis plu­sieurs années dans diverses collaborations au sein du Laboratoire central des Ponts et Chaussées ( L C P C ) ou avec des équipes extérieures pour l 'é tude de ces propriétés.

Dans cette optique, deux techniques, la sorption de vapeur d'eau et la thermoporométr ie , ont été mises en œuvre [2]. Le programme scientifique présenté dans cet article porte principalement sur des matériaux « modè­les ». L'objectif est d 'é tudier ces techniques de façon très complète , afin de dégager à la fois une systématique et de souligner les aspects spécifiques de chacune d'entre elles pour leur utilisation dans le cadre d'une meilleure connaissance des propriétés du béton durci.

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-1,1-..,.. I -

Fig. 1 - Principe de l'appareil

AGLAE.

Techniques expérimentales

Sorption de vapeur d'eau

L'appareillage micro-gravimétr ique AGLAE (Ap­pareil gravimétr ique de laboratoire d'adsorption d'eau) a été construit par le L C P C [3] pour éta­blir les isothermes de sorption de vapeur d'eau. Il permet, pour une température fixée, de suivre en continu la quantité d'adsorbat (vapeur d'eau) prise par l'adsorbant (échantillon). Une micro­vanne permet l 'introduction continue de l 'ad-sorbat vers l 'échanti l lon à vitesse lente et constante afin que l 'échanti l lon reste dans un état de quasi-équil ibre permanent avec la pres­sion de vapeur environnante.

Rouquerol et Davy [4] ont été les premiers à construire un appareil automatique de gravimé­trie en 1978. Ils ont ainsi pu observer l'existence de paliers sur les isothermes d'adsorption d'azote et d'argon réalisées à 77 K sur des char­bons. Ces accidents, caractéristiques de certains matériaux, n 'é ta ient pas distinguables avec les expériences faites par les techniques d'adsorp­tion statique. Outre une meilleure résolution, le principal avantage de ce type d'appareil, par rap­port à la méthode des solutions salines [1], est la rapidité de réalisation de l'isotherme, de sept à quinze jours au lieu de deux à trois mois.

Après le Centre de thermodynamique et de microcalorimétr ie à Marseille et l 'École supé­

rieure de géologie à Nancy et en attendant la construction d'un appareil au Centre de recher­ches sur la matière divisée à Orléans, le L C P C dispose du troisième prototype en France.

Son principe (fig. 1) consiste à réaliser le vide dans l'enceinte qu'occupe l 'échanti l lon, puis à injecter de la vapeur d'eau par une microvanne. L a prise de poids de l 'échanti l ­lon, due à l'adsorption, et la pression (humi­dité relative) dans l'enceinte sont enregistrées s imultanément par un micro-ordinateur. Lorsque la pression saturante de vapeur d'eau est atteinte (humidité relative égale à 100 %), l'isotherme de désorption peut être com­mencée par une opération inverse qui consiste en un dégazage de l'enceinte par cette m ê m e microvanne.

Une première étude [5] a permis de déterminer l'influence du réglage de l'ouverture de la microvanne, c 'est-à-dire de la vitesse d'introduc­tion et d 'évacuat ion de la vapeur d'eau, sur les résultats expérimentaux. Les résultats présentés dans cet article sont issus d'essais réalisés avec le réglage optimal correspondant à un flux de vapeur d'eau égal à 0,278 m l . s 1 .

Les isothermes ainsi obtenues font alors l'objet de modélisat ions [6] qui conduisent à la surface spécifique par le modèle BET [7] appliqué à l'isotherme d'adsorption et à la distribution poreuse par le modèle BJH [8] appliqué à l ' iso­therme de désorption.

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Thermoporométrie L a thermoporométr ie est basée sur l'analyse calo­rimétrique du changement de phase liquide-solide de l'eau dans un milieu poreux [9]. Les lois de la thermodynamique montrent en effet que la tem­pérature de cristallisation, ou de fusion de l'eau, dépend de la courbure de l'interface eau-glace, c 'est-à-dire de la dimension du pore. Les essais, réalisés sur un appareil D S C (Différentiel Scanning Calorimetry) 200 NETZSCH, consistent donc à enregistrer le signal thermique W en fonc­tion de la température T dans le domaine des tem­pératures inférieures à 0 °C. L'exploitation ther­modynamique de ces courbes permet de trans­former la température en un rayon de pore R p et le signal thermique qui lui est associé en un volume poreux V p :

où R p est en nm et T en °C.

V = V = k . W p ' eau • "

avec k, le coefficient de proportionnali té entre le signal thermique et la quantité d'eau dans le réseau poreux à une température donnée.

Dans ces deux relations sont prises en compte, d'une part, l 'eau ayant gelé à l ' intérieur des pores et par conséquent mise en évidence par l'analyse calorimétrique et, d'autre part, l 'eau proche des surfaces solides qui ne gèle pas. L 'épaisseur , relative à cette eau très fortement adsorbée, est généralement considérée égale à 0,8 nm, ce qui correspond à deux ou trois cou­ches moléculaires.

De la même manière, i l est ensuite possible d 'é tudier la fusion de la glace dans les pores du matériau. Dans ce cas, la comparaison avec les résultats à la gélification donnera des informa­tions sur la géométrie des pores.

Le tableau I et la figure 2 décrivent les diffé­rentes étapes du programme expérimental . Cette méthodologie permet de vérifier la pertinence des résultats, les pics obtenus sur les segments 2 et 4 devant être parfaitement identiques et leur signal thermique du m ê m e ordre de grandeur que celui obtenu avec le pic du segment 3. E n outre, comme nous l'avons déjà signalé, le rapport des rayons calculés pour les segments 3 et 4 conduira à une estimation de la forme des pores. Ce rapport sera égal à 1 pour des pores sphéri-ques et à 2 pour des pores cylindriques.

T A B L E A U I Les étapes d'un essai d'analyse calorimétrique

Étape Température (°C) Vitesse (°C.min 1) Objet

1 20 -> - 5 0 10 S'affranchir des problèmes de surfusion de l'eau en excès (hors pores)

2 - 5 0 -> - 3 5

3 - 3 -> - 7 0 5 Étudier le gel de l'eau dans les pores

4 - 7 0 -> 20 5 Étudier le dégel de l'eau dans les pores

Signal calorimétrique exo

endo Segment 1

1 - Surfusion eau en excès 2 - Fusion eau des pores 3 - Cristallisation eau des pores 4 - Fusion eau des pores 5 - Fusion eau en excès

Segment 2

Segment 3

Segment 4

-25 -20 -15 -10 0 Température (°C)

Fig. 2 -Schéma de principe d'un essai d'analyse calorimétrique.

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4

Pour les étapes 2, 3 et 4, le choix d'une vitesse de descente en température égale à 5 ° C . m i n _ 1

résulte d'une étude préalable [5]. L a durée d'un essai de thermoporométr ie , environ 3 h, est très nettement inférieure à celle nécessaire pour la détermination des isothermes de sorption. Il est toutefois important de préciser que la thermopo­rométrie ne peut être utilisée que pour l 'é tude d'un matériau poreux, alors que l'appareil AGLAE donne des informations sur la surface spécifique lorsque le matériau est très divisé sans être nécessairement poreux.

breux résultats acquis, seuls ceux concernant deux silices sont décrits à titre d'exemple. Les caractéristiques de ces produits données par le fabricant sont répertoriées dans le tableau II. L a figure 3 montre l'aspect de ces silices à diffé­rentes échelles.

Résultats et analyse Avant de présenter les résultats, i l convient de signaler que ces deux techniques permettent l ' i n ­vestigation dans une gamme de tailles de pores allant de 20 A à près de 300 A . Ce qui corres­pond, selon la terminologie définie par ITUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) [10], au domaine mésoporeux.

Précisons également que les quantités étudiées sont d'environ 150 mg pour l'appareil AGLAE et de quelques dizaines de mg pour la thermoporo­métrie. Ces limitations nécessiteront donc un échanti l lonnage satisfaisant dans le cadre d 'é tude sur des matériaux naturels ou à base cimentaire comme les bétons.

Fig. 3 - Silice SÌ60 (grossissements 46 et 1477). Microscopie électronique à balayage

Matériaux « modèles » Pour s'affranchir des problèmes inhérents au béton, en particulier l 'échant i l lonnage d'un matériau très hétérogène et la présence d'ions dans la phase liquide interstitielle, l ' é tude a tout d'abord été réalisée sur des matériaux « modè­les » bien définis et inertes vis-à-vis de l'eau. Notre choix s'est porté sur des silices utilisées en chromatographie sur colonne. Parmi les nom-

TABLEAU II Carac té r i s t i ques des p r o d u i t s é t u d i é s

Référence Fabricant Granulometrie (mm)

Dimension nominale

des pores À

Si40 Merck 0,063 - 0,200 40

Si60 Merck 0,063 - 0,200 60

TABLEAU III Carac té r i s t i ques t ex tu ra les d e s s i l i ces

Technique Rayon

principal (Â)

Volume poreux

(cm'-ST 1)

Surface spécif ique

(m 2 .g- 1 )

Silice Si40

Thermoporométrie 27 0,40 277

AGLAE 29 0,59 210

Silice Si60

Thermoporométrie 37,5 0,77 439

AGLAE 38 0,77 150

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Fig. 4 - Isothermes de sorption de vapeur d'eau

Prise de poids (g / g) 0,6

Prise de poids (g / g) 0,8

0,6 0,8 1 Pression relative

0,6 0,8 1 Pression relative

L a figure 4 présente les isothermes de sorption de vapeur d'eau obtenues pour les deux silices. Les résultats bruts délivrés par l'appareil D S C , c 'est-à-dire le signal thermique en fonction de la température, sont reportés sur la figure 5. L e traitement informatique de tous ces résultats par les modèles précédemment décrits donne accès aux caractéristiques texturales des matériaux (tableau III). Les distributions poreuses obte­nues avec les deux techniques sont présentées sur la figure 6.

Signal DSC (mW / mg) 1,5 r-

0,5 -

-20,2 °C

Fig. 5 -Courbes d'analyse calorimétrique (DSC basse température).

Si 60

-50 -40 -30 -20 -10 0 Température (°C)

Fig. 6 - Distributions poreuses par thermoporométrie et AGLAE

Distribution poreuse (cm 3 / g / Â) 0,05

0,04 - Thermoporométrie AGLAE

0,03 -

0,02 -

0,01

0 20 400 60

Distribution poreuse (cm 3 / g / Â) 0,06

0,05

0,04

0,03

0,02

0,01

80 100 Rp (Â)

Thermoporométrie AGLAE

100 Rp (Â)

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•I

Pour les deux silices étudiées, les résultats sont en parfait accord en ce qui concerne les rayons de pores caractéristiques. Pour les volumes poreux, identiques avec la silice Si60, l 'écart observé avec la silice Si40 est vraisemblable­ment dû à une imbibition imparfaite du matériau par l'eau, préalablement à l'essai de thermoporo-métrie. Nous terminerons par les surfaces spéci­fiques, toujours très nettement inférieures dans le cas des expérimentat ions sur l'appareil AGLAE. L'explicat ion est en fait très simple. L a thermo-porométr ie donne accès à une surface calculée par la relation :

d(so = 2.d(V 1)

sommée sur l'ensemble des rayons de pores, considérés comme étant cylindriques pour nos matériaux.

Dans la mesure où le choix de la forme des pores est bon, la surface calculée correspond bien à l 'aire totale définie par les parois des pores.

Par contre, le modèle BET, utilisé pour calculer la surface spécifique à partir de la branche d'ad-sorption, repose sur une approche physique dif­férente. L a surface du solide, initialement sèche, se recouvre d'eau par couches successives en fonction de la pression relative de vapeur d'eau. Dans ce cas, la quantité d'eau va dépendre des caractéristiques hydrophiles de la surface.

L a différence entre les surfaces spécifiques obtenues par les deux techniques correspond donc à la mise en évidence d'une certaine hydrophobici té de cette surface. Cette caracté­ristique est d'ailleurs confirmée par des mesures BET, réalisées cette fois avec de l'azote, qui donnent, pour la silice Si60, des surfaces de 430 m 2 .g" 1 proches de celles obte­nues par thermoporométr ie .

Liants hydrauliques Compte tenu du peu d 'expér imentat ions sur les liants hydrauliques actuellement disponibles avec l'appareil AGLAE, cette partie de l'article portera uniquement sur la thermoporométr ie . Dans le cadre d'action de recherches sur la dura-bilité des bétons, cette technique a en effet été appliquée à des pâtes de ciment durcies dans les­quelles des ions chlorure ont été introduits au moment du gâchage. Les résultats de ces études sont présentés sur la figure 7. Le rayon caracté­ristique correspondant à des gels de C - S - H (sil i­cate de calcium hydraté) obtenus par synthèse chimique [11] est également porté sur cette figure.

On remarque tout d'abord que ces derniers com­posés ont une taille de pore similaire à celles des

Rp (A) = 20,06 - 0,347 NaCI (%)

3 4 NaCI (% massique)

Fig. 7 - Influence des chrorures sur les rayons de pores caractéristiques dans les pâtes de ciment durcies.

pâtes de ciment durcies. Cette observation confirme la validité de ces composés de syn­thèse comme étant représentatifs sur le plan textural de la phase liante des pâtes de ciment et des bétons.

L a deuxième remarque porte sur l'influence des chlorures sur la dimension des pores mesurée par thermoporométr ie . L a tendance à une diminution du rayon de pore lorsque des quantités crois­santes de chlorures sont ajoutées au moment du gâchage peut toutefois avoir deux explications. L a première, d'ordre physique, serait liée à l 'ad-sorption de ces ions sur les parois des pores avec une diminution de la porosité due à l'encombre­ment moléculaire. Des mécanismes similaires ont déjà été observés sur des pâtes de ciment durcies, dans la gamme des rayons de pores 102—105 A , par porosimétr ie à intrusion de mer­cure [12]. L a seconde explication, d'ordre ther­modynamique, concernerait la présence en solu­tion d'ions chlorure avec pour conséquence un effet sur l 'épaisseur de la couche d'eau ne cris­tallisant pas. Il est actuellement difficile de tran­cher entre ces deux hypothèses . Une étude plus systématique doit être réalisée, dans un premier temps pour savoir si les modifications sont liées à la teneur en chlorures totaux ou à la teneur en chlorures libres. Dans une seconde étape, s ' i l s 'avère possible de déterminer de façon précise la teneur en chlorures dans un échantil lon de béton, la thermoporométr ie pourrait être envi­sagée comme une variante intéressante aux méthodes analytiques souvent très lourdes à mettre en œuvre.

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Conclusions et perspectives Dans un souci de mieux comprendre le fonction­nement des matériaux poreux ou divisés sur le plan de la durabilité, deux techniques de caracté-risation texturales ont été mises en œuvre au L C P C , la thermoporométr ie et la sorption de vapeur d'eau (AGLAE). Les principes expérimen­taux et les modélisations associées à ces techni­ques, a priori très différents, conduisent à des paramètres texturaux équivalents dans le domaine mésoporeux.

Les intérêts principaux à disposer de ces deux techniques résident, d'une part, dans le fait qu'elles sont basées sur l 'é tude des propriétés de l'eau qui, on le sait, constitue le facteur primor­dial vis-à-vis de la durabilité des matériaux du génie c iv i l , et d'autre part, dans leur complémen­tarité.

Les expériences de sorption de vapeur d'eau per­mettent en effet d'obtenir des informations sur les énergies d'adsorption et sur la nature hydro-phobe des surfaces. On peut également appré­hender, à partir des cinétiques d'adsorption ou de désorption, la structure du réseau poreux. L a réa­lisation d'un appareil automatique de sorption a enfin été envisagée pour réaliser des isothermes

très rapidement et avec une meilleure précision que pour la méthode conventionnelle des solu­tions salines.

En ce qui concerne la thermoporométr ie , un des avantages essentiels est sa rapidité d 'exécut ion (quelques heures) qui autorise des expérimenta­tions sur les matériaux évolutifs aux jeunes âges. Cette technique doit par exemple permettre d 'é tudier le degré d'hydratation d'une pâte de ciment au cours du temps puisque l'accroisse­ment du volume poreux mesuré dans ce domaine de porosité correspond directement à la quantité de C - S - H formé. Comme nous l'avons vu dans cet article, d'autres paramètres importants peu­vent être appréhendés, comme l'influence de la présence de chlorures sur la texture des pâtes de ciment durcies. E n outre, et par le principe m ê m e de cette technique, i l est vraisemblable que des tests de durabilité vis-à-vis des cycles de gel-dégel peuvent être envisagés.

L a thermoporométr ie et l'appareil de sorption A G L A E , après une phase de validation qui se ter­mine, vont permettre une évaluation intéressante des nombreux paramètres, tels que la surface accessible ou la distribution des modes poreux, qui régissent notamment la durabilité de maté­riaux aussi complexes que les bétons.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[10] I U P A C recommendations (1984) : S I N G K . S . W . , E V E R E T T D . H . , H A U L R A W . , M O S C O U L . , P I E R O T T I R . A . , R O U Q U E R O L J . , S I E M I E N I E W S T A T. (1985), Reporting physisorption data for gas-solid sys­tems with special reference to the determination of surface area and porosity. Pure Appl. Chem., Vol 57, n° 4, p. 603-619.

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A B S T R A C T

S o r p t i o n o f w a t e r v a p o u r a n d t h e r m o p o r o m e t r y : i n v e s t i g a t i o n o f t h e t e x t u r e o f " i d e a l " p o r o u s m a t e r i a l s a n d p o s s i b l e a p p l i c a t i o n s t o c o n c r e t e

T. C H A U S S A D E N T - G. P L A T R E T - R. L A V A R E N N E - A. R A O O F - J . -P. G U I L B A U D

T h e i so the rms for wa te r vapou r sorp t ion a n d t h e r m o p o r o m e t r y p rov ide a m e a n s of de te rm in ing the tex-tural charac te r is t i cs of a po rous mater ia l a n d s o m e of its hydr ic proper t ies . T h e s e t w o techn iques a re n o w ava i lab le at the Labora to i re Cent ra l d e s Ponts et C h a u s s é e s a n d h a v e b e e n carefu l ly e x a m i n e d in o rde r to ident i fy thei r respec t i ve l imits a n d the w a y they a re ab le to c o m p l e m e n t e a c h other . T h e s tudy des ­c r ibed in th is pape r w a s c o n d u c t e d o n " ideal " s i l ica used in c h r o m a t o g r a p h y a n d the paper a lso dea ls w i th poss ib le uses of t h e s e t echn iques o n cemen t i t i ous mater ia ls .

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