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international Bamako Tombouctou Douentza Gao Kidal Contrôle des accès et de l’aéroport Reprise le 27 janvier CÔTE D'IVOIRE GUINEE ALGÉRIE NIGER BURKINA FASO MAURITANIE N i g e r MALI Sévaré Konna Mopti Zone échappant au contrôle de Bamako depuis mars 2012 Avancée des armées française et malienne 400 km Diabali Des soldats de l’armée malienne, samedi 26 janvier à Diabali. ERIC FEFERBERG/AFP Le plus dur reste à faire : aller chercher AQMI dans ses sanctuaires Konna (Mali) Envoyé spécial L es forces spéciales françaises ont pris, lundi 28 janvier au matin, l’aéroport de Tom- bouctou, la grande ville du nord- ouest du Mali. Les autres accès de la cité étaient également sous contrô- le, a annoncé l’état-major des armées à Paris. De très importants moyens ont été engagés dans la nuit et quelque 250 parachutistes largués. Mais contrairement à ce qui s’est passé samedi à Gao, où une cinquantaine de combattants islamistes ont été tués, les troupes françaises et maliennes n’ont pas été accrochées, selon Paris. Dans les jours écoulés, les colon- nes françaises et maliennes ont avancé de plusieurs centaines de kilomètres (près de 600 pour atteindre Gao) depuis leur point de départ, à la charnière entre le nord et le sud du pays. Au cours de cette phase, les groupes armés islamis- tes semblent s’être évanouis, brisés ou déstabilisés par les frappes aériennes (plusieurs dizaines dans les derniers jours) ouvrant la voie pour les forces terrestres franco- maliennes. Sur la route de Tombouctou, le sable a été un obstacle plus sérieux que la résistance au sol des combat- tants d’Ansar Eddine, d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et de leurs alliés. Les derniers pick-up rebelles ont été signalés en ville samedi. Une grande partie de leurs forces s’était déjà dispersée aux alentours de la ville, pour tenter d’échapper aux frappes, tandis que d’autres, selon des informations de sources locales impossibles à véri- fier, semblaient avoir pris la route de l’extrême nord, notamment en direction du massif montagneux de l’adrar des Ifoghas. A Tombouc- tou, même les points de contrôle à l’entrée de la ville ont été carboni- sés par des frappes. Dès le soir du départ des rebelles islamistes, les premiers pillages commençaient. A Gao, ils battent leur plein. Malgré la vitesse de la percée des troupes françaises et maliennes, rejointes à Gao par un contingent de soldats tchadiens et nigériens appuyant les forces maliennes du colonel touareg loyaliste El Hadji ag Gamou, les rebelles qui mena- çaient le sud du pays ne sont plus en mesure de retarder les convois sur la route de leurs « capitales ». Il s’agit d’une première victoire. Il est en revanche encore impos- sible de déterminer si les combat- tants d’Ansar Eddine, ceux du Mou- vement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’AQ- MI sont en pleine débandade, ou s’ils se replient au loin en vue d’une seconde phase de guérilla. Une source au sein du renseignement malien dit redouter bientôt « des attentats, y compris des attentats- suicides » dans les zones abandon- nées par les rebelles. Des témoignages parcellaires, recueillis par téléphone, indi- quent qu’une partie des combat- tants recrutés par les groupes armés localement, ont fait défec- tion. Sur les quelque 3 000 hom- mes qu’avaient fini par réunir les rebelles, peut-être ne reste-t-il que le noyau dur, éléments les plus aguerris appuyés par des « étran- gers ». La proportion d’éléments tués dans les frappes ou ayant abandonné le combat est impossi- ble à vérifier de manière indépen- dante. A de rares exceptions près, la presse est tenue à l’écart de tou- tes les zones du nord où s’est opé- rée l’avancée de l’armée française et de l’armée malienne. Samedi, les troupes françaises ont pris Gao, l’une des trois gran- des villes du nord du Mali. Les pre- miers éléments français s’y trou- vaient, en toute discrétion, au moins depuis la veille. Des témoins ont évoqué des échanges de tirs dans plusieurs zones de la ville, spé- cialement aux abords de l’hôpital, où le Mujao avait installé son quar- tier général. Selon la même source du renseignement malien, qui a joint des hommes du contingent de l’armée régulière sur place, les pertes de ses collègues se limitent à quelques blessés légers. Cette victoire par le vide n’a pas empêché que les pillages et débor- dements redoutés se produisent. Dans un premier temps, les domici- les des groupes associés au Mujao, à commencer par la communauté arabe, ont été visés. Joint à Ouaga- dougou, au Burkina Faso voisin, Mohammed Ould Matali, un ancien membre de la délégation du Mujao qui tentait des négocia- tions, et se réclame à présent « de la société civile », crie dans le télépho- ne : « On a cassé ma maison, on pille toutes les maisons des Arabes. C’est la France qui a pris Gao. C’est la Fran- ce qui doit sécuriser Gao. » A Tombouctou, les « peaux blan- ches », arabes berabiche et touareg ont déjà quitté la ville. « Quand c’est la mort qui arrive au nom de la couleur de la peau, mieux vaut par- tir », résume, abattu, Sandy Haida- ra, député de la région et président du collectif des élus du nord, réfu- gié à Bamako. Les soldats tchadiens, ainsi que les hommes du colonel Gamou, rejoints par des forces du Niger et celles de pays participant à la Mis- ma (Mission de soutien au Mali), devraient être chargés de faire revenir l’ordre à Gao, et éviter les vengeances. Pour Tombouctou, rien n’est clair. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la rébellion touareg qui avait lancé la conquête du Nord et provoqué l’effondrement de l’ar- mée début 2012, avec l’appui de combattants islamistes qui l’avaient accompagné dans son entreprise avant de le chasser de la région, a souhaité être associé à cet- te « sécurisation » des zones repri- ses à ses alliés de l’année passée. A ce stade, cette demande n’a pas abouti. La question se posera de nouveau lorsqu’il s’agira de lancer l’assaut dans la plus septentriona- le des trois provinces du nord du Mali, celle de Kidal, où la propor- tion de Touareg est importante. Tout n’est pas encore joué dans le nord du Mali. L’opération militai- re, du reste, n’y a commencé qu’il y a un peu plus de deux semaines. Et c’est ici, à Konna, sur le bord de la route goudronnée, que la France est entrée dans le conflit. Dans la petite bourgade où passaient enco- re, il y a deux ans, les voitures de touristes, les hélicoptères français ont frappé de plein fouet, le 11 jan- vier, une colonne de rebelles isla- mistes qui avait pris la ville la veille et menaçait de poursuivre vers Sévaré, plate-forme militaire loya- liste et porte sud du pays. Sévaré prise, le sud du pays était ouvert, reconnaissent tous les militaires maliens. Mais ce vendredi-là, les « avions » (hélicoptères), comme les appellent les personnes restées en ville, ont commencé à frapper dans la matinée. Sous l’impact des tirs, tout l’arrière de la sous-préfec- ture, au bord de la grand-route qui mène vers Gao, s’est effondré. Il y a des bouts de tôle dans tous les envi- rons, un grand chaos de débris et quelques pick-up calcinés. Mais pas l’ombre d’un corps. C’est ici que les rebelles avaient établi leur pos- te de commandement. Leur autre point de concentra- tion se trouvait dans les bâtiments rénovés du port de pêche, au bord d’un bras du Niger, où l’armée malienne venait de décrocher, en abandonnant derrière ses unifor- mes en vrac sur le sol. Là aussi, les frappes ont fait un malheur. Il y a des cratères dans lesquels on engloutirait un petit camion. Mais pas plus de cadavres. Les envoyés spéciaux du Monde, arrivés à Sévaré dans la foulée de la reprise de Konna, ont dû attendre six jours avant d’être autorisés à s’y rendre. Dans l’intervalle, la ville a été net- toyée. Une fosse commune, à l’exté- rieur de la ville, est interdite d’accès par des soldats maliens. Des sour- ces en ville s’accordent pour dire que trente-quatre corps y ont été inhumés, soldats et rebelles pêle- mêle. Sur place, les habitants ont compté entre onze et douze civils tués pendant les frappes et les affrontements. Dans quelles cir- constances ? La presse n’est pas en mesure de l’établir avec certitude. Comme le résume le capitaine Keita, chargé de veiller à ce qu’aucun journaliste ne parvienne à prendre la route de Gao : « Nous sommes des soldats. On ne peut pas tout dire. On ne peut pas tout mon- trer. C’est une visite guidée. » Il faut donc s’échapper, dans les ruelles, pour recueillir des témoi- gnages. Celui d’un habitant dont la maison, à la façade calcinée, a été touchée par un tir et qui a passé près de deux jours, tremblant, cou- ché par terre, urinant dans une bouteille, tandis que la reconquête de la ville avait lieu, menée par les forces au sol de l’armée malienne et les soldats français dans la seule zone connue d’affrontements directs d’une guerre sans témoins extérieurs. Dans le quartier de Djamnat, non loin de la sous-préfecture, des habitants affirment que des « tirs des avions [hélicoptères] français » ont fait des victimes. Mais ils sem- blent confondre tirs d’hélicoptères et tirs des forces au sol, qui ont utili- sé des lance-roquettes BM21 pour reprendre la ville. Dans une conces- sion (ensemble de maisons proté- gées par un enclos commun), un homme montre l’endroit où ont été tuées quatre personnes, une mère, et ses trois enfants. Mais les tirs visibles sur les murs sont tous verticaux, et ont imprimé dans les briques de terre crue les signes dis- tinctifs des RPG (lance-roquettes à charge creuse). Au fil des ruelles se recueillent plus facilement les témoignages sur la colonne rebelle. Menée par Amadou Koufa, un marabout de la région, elle est entrée en ville après une préparation minutieuse, qui a permis des infiltrations : les pre- miers rebelles sont arrivés en moto, à vélo, et certains avaient pris place dans un bus qui relie Gao à Bamako. Lors de l’arrêt au check-point de l’armée, ils sont des- cendus avant d’ouvrir le feu, ouvrant la route pour le gros de leur troupe, qui a pu compter jus- qu’à 150 pick-up. Une partie de ces pick-up a été détruite par les frappes, d’autres ont été touchés en brousse. Cer- tains ont été abandonnés. Et les sur- vivants : où sont-ils à présent ? p Jean-Philippe Rémy Sur la route de Tombouctou, le sable a été un obstacle plus sérieux que la résistance au sol des combattants islamistes « Quand c’est la mort qui arrive au nom de la couleur de la peau, mieux vaut partir » Sandy Haidara député de la région L’armée française prend le contrôle de Tombouctou Une opération d’envergure a été menée dans la nuit de dimanche à lundi avec le concours des forces maliennes LA FRANCE ira-t-elle seule déloger AQMI de ses sanctuaires monta- gneux de l’adrar des Ifhogas, à l’ex- trême nord du Mali, où se sont repliés les terroristes islamistes ? La question était à l’ordre du jour d’un nouveau conseil restreint, à l’Elysée, lundi 28 au matin, quel- ques heures après la reprise de Gao et Tombouctou, dont les accès ont été contrôlés par les for- ces spéciales au cours d’une opéra- tion nocturne d’envergure. Celle- ci a, mobilisé tous les moyens dis- ponibles, et notamment cinq avions tactiques transportant des parachutistes. Lundi, 3 500 hommes étaient ainsi déployés sur le terrain, l’opé- ration Serval mobilisant au total 4 500 militaires, un énorme effort pour l’outil militaire français. Jusqu’à présent, le plan français se déroule comme souhaité, assu- rent les officiels à Paris. Après avoir réussi à stopper l’offensive coordonnée lancée le 10 janvier à Konna par Ansar Eddine, AQMI et le Mujao, il s’agissait de repousser les groupes vers le nord du Mali. Le président François Hollande avait donné, le 25 janvier, l’objectif de « prendre la boucle du Niger en quarante-huit heures, c’est fait »,a annoncé le porte-parole de l’état- major. Dix-sept jours après les premiè- res frappes aériennes françaises, le dispositif militaire internatio- nal se précise : les états-majors se mettent en place à Bamako et dans les pays voisins et les premiè- res unités de la force africaine, la Misma, s’installent sur le terrain, Burkinabés à Markala, Tchadiens et Nigériens (une centaine déjà, des renforts attendus par la route ces jours-ci) à Gao. Une centaine de bombes Les Européens ont mis à dispo- sition une dizaine d’avions trans- porteurs pour la Misma, les Emi- rats arabes unis, deux. L’aide amé- ricaine est conséquente, notam- ment en renseignement. Les ravi- tailleurs ont commencé à agir dimanche depuis l’Espagne, ce qui donne de l’assurance aux plans des militaires français, jus- qu’alors dépendants de moyens nationaux en limite d’âge. L’arrêt des convois d’essence en provenance d’Algérie conju- gué à la centaine de bombes lar- guées sur les dépôts logistiques et les rassemblements de combat- tants islamiques ont désorganisé les groupes armés, indiquent les sources militaires. Mujao et Ansar Eddine ont essuyé des pertes importantes. L’opération aurait aussi provoqué des dissensions et des défections. L’encadrement intermédiaire a été touché. Il man- que néanmoins des sources indé- pendantes pour en attester. L’action militaire, très rapide, a fourni un premier gain symboli- que, en permettant aux institu- tions maliennes de retourner dans les villes de Gao et Tombouc- tou. Mais elle est loin d’avoir « éra- diqué » le problème AQMI et n’a pas sanctuarisé le territoire malien, les buts affichés à Paris. Les forces françaises n’ont pas encore touché Kidal, au Nord. Après avoir hésité sur la stratégie – ralentir les forces françaises et maliennes par des combats directs ou se replier –, les groupes islamistes seblent avoir opté pour l’éparpillement et les actions ter- roristes. Aller dans leurs sanctuai- res sera plus long et plus compli- qué. Paris souhaite d’ailleurs que les Touareg du MNLA donnent des gages en ce sens. p Nathalie Guibert 4 0123 Mardi 29 janvier 2013

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international

Bamako

Tombouctou

Douentza

Gao

Kidal

Contrôle des accèset de l’aéroport

Reprise le 27 janvier

CÔTED ' IVOIRE

GUINEE

ALGÉRIE

NIGER

BURKINA FASO

MAURITANIE

Niger

MALI

SévaréKonna

Mopti

Zone échappantau contrôle de Bamakodepuis mars 2012

Avancée des arméesfrançaise et malienne

400 km

Diabali

Des soldats de l’arméemalienne, samedi 26 janvier àDiabali.ERIC FEFERBERG/AFP

Leplusdurresteàfaire:allerchercherAQMIdanssessanctuaires

Konna (Mali)Envoyé spécial

L es forces spéciales françaisesont pris, lundi 28 janvier aumatin, l’aéroport de Tom-

bouctou, la grande ville du nord-ouestduMali.Lesautresaccèsdelacitéétaientégalementsouscontrô-le, a annoncé l’état-major desarmées à Paris. De très importantsmoyens ont été engagés dans lanuit et quelque 250parachutisteslargués. Mais contrairement à cequi s’est passé samedi à Gao, oùune cinquantaine de combattantsislamistes ont été tués, les troupesfrançaises et maliennes n’ont pasétéaccrochées, selonParis.

Dansles joursécoulés, lescolon-

nes françaises et maliennes ontavancé de plusieurs centaines dekilomètres (près de 600 pouratteindreGao)depuis leurpointdedépart, à la charnière entre le nordet le sud dupays. Au cours de cettephase, les groupes armés islamis-tessemblents’êtreévanouis,brisésou déstabilisés par les frappesaériennes (plusieurs dizaines dansles derniers jours) ouvrant la voiepour les forces terrestres franco-maliennes.

Sur la route de Tombouctou, lesableaétéunobstacleplus sérieuxquelarésistanceausoldescombat-tants d’Ansar Eddine, d’Al-Qaidaau Maghreb islamique (AQMI) etde leurs alliés. Les dernierspick-uprebelles ont été signalés en villesamedi.Unegrandepartie de leursforces s’était déjà dispersée auxalentours de la ville, pour tenterd’échapperauxfrappes,tandisqued’autres,selondesinformationsdesources locales impossibles à véri-fier, semblaient avoir pris la routede l’extrême nord, notamment endirection du massif montagneuxde l’adrar des Ifoghas. A Tombouc-tou,même les points de contrôle àl’entrée de la ville ont été carboni-sés par des frappes. Dès le soir dudépart des rebelles islamistes, lespremiers pillages commençaient.AGao, ils battent leurplein.

Malgrélavitessedelapercéedestroupes françaises et maliennes,rejointes à Gao par un contingentde soldats tchadiens et nigériensappuyant les forces maliennes ducolonel touareg loyaliste El Hadjiag Gamou, les rebelles qui mena-çaient le sud du pays ne sont plusen mesure de retarder les convoissur la route de leurs «capitales». Ils’agitd’unepremièrevictoire.

Il est enrevancheencore impos-sible de déterminer si les combat-tantsd’AnsarEddine,ceuxduMou-vementpour l’unicitéet le jihadenAfriquede l’Ouest (Mujao)etd’AQ-

MI sont en pleine débandade, ous’ilssereplientauloinenvued’uneseconde phase de guérilla. Unesource au sein du renseignementmalien dit redouter bientôt «desattentats, y compris des attentats-suicides» dans les zones abandon-néespar les rebelles.

Des témoignages parcellaires,recueillis par téléphone, indi-quent qu’une partie des combat-tants recrutés par les groupesarmés localement, ont fait défec-tion. Sur les quelque 3000 hom-mes qu’avaient fini par réunir lesrebelles, peut-êtrene reste-t-il quele noyau dur, éléments les plus

aguerris appuyés par des «étran-gers». La proportion d’élémentstués dans les frappes ou ayantabandonné le combat est impossi-ble à vérifier demanière indépen-dante. A de rares exceptions près,la presse est tenue à l’écart de tou-tes les zones du nord où s’est opé-rée l’avancée de l’armée françaiseet de l’arméemalienne.

Samedi, les troupes françaisesont pris Gao, l’une des trois gran-des villes du nordduMali. Les pre-miers éléments français s’y trou-vaient, en toute discrétion, aumoinsdepuislaveille.Destémoinsont évoqué des échanges de tirs

dansplusieurszonesdelaville,spé-cialement aux abords de l’hôpital,oùleMujaoavait installésonquar-tier général. Selon lamême sourcedu renseignement malien, qui ajoint des hommes du contingentde l’armée régulière sur place, lespertesdesescollèguesselimitentàquelquesblessés légers.

Cette victoire par le vide n’a pasempêché que les pillages et débor-dements redoutés se produisent.Dansunpremiertemps,lesdomici-les des groupes associés auMujao,à commencer par la communautéarabe, ont été visés. Joint à Ouaga-dougou, au Burkina Faso voisin,Mohammed Ould Matali, unancienmembredeladélégationduMujao qui tentait des négocia-tions,et seréclameàprésent«de lasociété civile», crie dans le télépho-ne:«Onacassémamaison,onpilletoutes lesmaisons des Arabes. C’estlaFrancequiaprisGao.C’estlaFran-cequidoit sécuriserGao.»

ATombouctou,les«peauxblan-ches», arabes berabiche et touaregont déjà quitté la ville. «Quandc’est lamortquiarriveaunomdelacouleurde lapeau,mieuxvautpar-tir», résume, abattu, Sandy Haida-ra, députéde la régionet présidentdu collectif des élus du nord, réfu-gié àBamako.

Les soldats tchadiens, ainsi queles hommes du colonel Gamou,rejoints par des forces du Niger etcelles de pays participant à laMis-ma (Mission de soutien au Mali),devraient être chargés de fairerevenir l’ordre à Gao, et éviter lesvengeances. Pour Tombouctou,rien n’est clair. Le Mouvement

national de libération de l’Azawad(MNLA), la rébellion touareg quiavait lancé la conquête duNord etprovoqué l’effondrement de l’ar-mée début 2012, avec l’appui decombattants islamistes quil’avaient accompagné dans sonentrepriseavantde le chasserde larégion,asouhaitéêtreassociéàcet-te «sécurisation» des zones repri-ses à ses alliés de l’année passée. Ace stade, cette demande n’a pasabouti. La question se posera denouveau lorsqu’il s’agira de lancerl’assaut dans la plus septentriona-le des trois provinces du nord du

Mali, celle de Kidal, où la propor-tiondeTouareg est importante.

Tout n’est pas encore joué danslenordduMali.L’opérationmilitai-re, du reste,n’ya commencéqu’il yaunpeuplusdedeuxsemaines.Etc’est ici, à Konna, sur le bord de laroute goudronnée, que la Franceest entrée dans le conflit. Dans lapetitebourgadeoùpassaientenco-re, il y a deux ans, les voitures detouristes, les hélicoptères françaisont frappé de plein fouet, le 11jan-vier, une colonne de rebelles isla-mistesquiavaitpris laville laveilleet menaçait de poursuivre versSévaré, plate-formemilitaire loya-

liste et porte sud du pays. Sévaréprise, le sud du pays était ouvert,reconnaissent tous les militairesmaliens.

Mais ce vendredi-là, les«avions» (hélicoptères), commeles appellent les personnes restéesen ville, ont commencé à frapperdans lamatinée. Sous l’impact destirs, tout l’arrièrede la sous-préfec-ture, au bord de la grand-route quimèneversGao, s’est effondré. Il y adesboutsdetôledanstouslesenvi-rons, un grand chaos de débris etquelques pick-up calcinés. Maispasl’ombred’uncorps.C’esticiqueles rebelles avaient établi leur pos-tede commandement.

Leur autre point de concentra-tion se trouvait dans les bâtimentsrénovés du port de pêche, au bordd’un bras du Niger, où l’arméemalienne venait de décrocher, enabandonnant derrière ses unifor-mes en vrac sur le sol. Là aussi, lesfrappes ont fait unmalheur. Il y ades cratères dans lesquels onengloutirait un petit camion.Maispas plus de cadavres. Les envoyésspéciaux du Monde, arrivés àSévaré dans la foulée de la reprisedeKonna,ontdûattendresix joursavantd’être autorisés à s’y rendre.

Dansl’intervalle,lavilleaéténet-toyée.Unefossecommune,àl’exté-rieurdelaville,estinterdited’accèspar des soldats maliens. Des sour-ces en ville s’accordent pour direque trente-quatre corps y ont étéinhumés, soldats et rebelles pêle-mêle. Sur place, les habitants ontcompté entre onze et douze civilstués pendant les frappes et lesaffrontements. Dans quelles cir-constances? La presse n’est pas enmesure de l’établir avec certitude.Comme le résume le capitaineKeita, chargé de veiller à cequ’aucunjournalisteneparvienneà prendre la route de Gao: «Noussommesdes soldats.Onnepeutpastout dire. Onnepeut pas toutmon-trer. C’estunevisiteguidée.»

Il fautdonc s’échapper,dans lesruelles, pour recueillir des témoi-gnages.Celuid’unhabitantdontlamaison, à la façade calcinée, a ététouchée par un tir et qui a passéprèsdedeuxjours,tremblant,cou-ché par terre, urinant dans unebouteille, tandisquelareconquêtede la ville avait lieu,menée par lesforces au sol de l’arméemalienneet les soldats français dans la seulezone connue d’affrontementsdirects d’une guerre sans témoinsextérieurs.

Dans le quartier de Djamnat,non loin de la sous-préfecture, deshabitants affirment que des «tirsdes avions [hélicoptères] français»ont fait des victimes.Mais ils sem-blent confondre tirs d’hélicoptèresettirsdesforcesausol,quiontutili-sé des lance-roquettes BM21 pourreprendrelaville.Dansuneconces-sion (ensemble de maisons proté-gées par un enclos commun), unhomme montre l’endroit où ontété tuées quatre personnes, unemère, et ses trois enfants. Mais lestirs visibles sur lesmurs sont tousverticaux, et ont imprimé dans lesbriquesde terre crue les signesdis-tinctifs des RPG (lance-roquettes àchargecreuse).

Au fil des ruelles se recueillentplus facilement les témoignagessur la colonne rebelle. Menée parAmadouKoufa,unmaraboutde larégion,elleestentréeenvilleaprèsunepréparationminutieuse,qui apermis des infiltrations: les pre-miers rebelles sont arrivés enmoto, à vélo, et certains avaientpris place dans un bus qui relieGao à Bamako. Lors de l’arrêt aucheck-pointdel’armée,ilssontdes-cendus avant d’ouvrir le feu,ouvrant la route pour le gros deleur troupe, qui a pu compter jus-qu’à 150pick-up.

Une partie de ces pick-up a étédétruite par les frappes, d’autresont été touchés en brousse. Cer-tainsontétéabandonnés.Etlessur-vivants: où sont-ils àprésent?p

Jean-PhilippeRémy

SurlaroutedeTombouctou,lesable

aétéunobstacleplussérieuxquelarésistanceausoldes

combattantsislamistes

«Quandc’est lamortquiarriveaunomdelacouleurdelapeau,mieuxvautpartir»

SandyHaidaradéputé de la région

L’arméefrançaiseprendlecontrôledeTombouctouUneopérationd’envergureaétémenéedans lanuitdedimancheà lundiavec leconcoursdes forcesmaliennes

LAFRANCE ira-t-elle seuledélogerAQMIde ses sanctuairesmonta-gneuxde l’adrardes Ifhogas, à l’ex-trêmenordduMali, où se sontrepliés les terroristes islamistes?Laquestionétait à l’ordre du jourd’unnouveauconseil restreint, àl’Elysée, lundi28 aumatin, quel-quesheures après la reprise deGaoet Tombouctou,dont lesaccès ont été contrôléspar les for-ces spéciales au coursd’uneopéra-tionnocturned’envergure. Celle-ci a,mobilisé tous lesmoyensdis-ponibles, et notamment cinqavions tactiques transportantdesparachutistes.

Lundi, 3500hommesétaientainsi déployés sur le terrain, l’opé-rationServalmobilisant au total

4500militaires, un énormeeffortpour l’outilmilitaire français.

Jusqu’àprésent, le plan françaissedéroule commesouhaité, assu-rent les officiels à Paris. Aprèsavoir réussi à stopper l’offensivecoordonnée lancée le 10janvier àKonnaparAnsar Eddine, AQMIetleMujao, il s’agissait de repousserles groupes vers le nordduMali.Le présidentFrançoisHollandeavait donné, le 25janvier, l’objectifde «prendre la boucle duNigerenquarante-huitheures, c’est fait», aannoncé le porte-parolede l’état-major.

Dix-sept jours après lespremiè-res frappes aériennes françaises,le dispositifmilitaire internatio-nal se précise: les états-majors se

mettent enplace àBamakoetdans lespays voisinset lespremiè-resunités de la force africaine, laMisma, s’installent sur le terrain,BurkinabésàMarkala, TchadiensetNigériens (une centainedéjà,des renforts attenduspar la routeces jours-ci) à Gao.

Une centaine de bombesLes Européensontmis à dispo-

sitionunedizained’avions trans-porteurspour laMisma, les Emi-rats arabesunis, deux. L’aide amé-ricaine est conséquente, notam-ment en renseignement. Les ravi-tailleursont commencéà agirdimanchedepuis l’Espagne, cequi donnede l’assurance auxplansdesmilitaires français, jus-

qu’alorsdépendantsdemoyensnationauxen limited’âge.

L’arrêt des convois d’essenceenprovenanced’Algérie conju-gué à la centainede bombes lar-guées sur les dépôts logistiques etles rassemblementsde combat-tants islamiquesont désorganiséles groupes armés, indiquent lessourcesmilitaires.Mujao et AnsarEddineont essuyédespertesimportantes. L’opération auraitaussi provoquédes dissensions etdes défections. L’encadrementintermédiairea été touché. Ilman-quenéanmoinsdes sources indé-pendantespour en attester.

L’actionmilitaire, très rapide, afourniunpremier gain symboli-que, enpermettant aux institu-

tionsmaliennesde retournerdans les villes deGaoet Tombouc-tou.Mais elle est loin d’avoir«éra-diqué» le problèmeAQMI etn’apas sanctuarisé le territoiremalien, les buts affichés à Paris.

Les forces françaisesn’ont pasencore touchéKidal, auNord.Après avoir hésité sur la stratégie– ralentir les forces françaises etmaliennespar des combatsdirects ou se replier –, les groupesislamistes seblent avoir opté pourl’éparpillementet les actions ter-roristes. Aller dans leurs sanctuai-res seraplus long et plus compli-qué. Paris souhaited’ailleurs queles TouaregduMNLAdonnentdes gages en ce sens.p

NathalieGuibert

4 0123Mardi 29 janvier 2013