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Statut et dynamique de Vespula vulgaris, une guêpe introduite en phase d’invasion sur les hauts sommets de l’île de Tahiti (Polynésie française) Stage réalisé à la Délégation à la Recherche de la Polynésie française sous la direction du Dr. Jean-Yves Meyer du 19 mars au 16 mai 2012 Benoit VALLAS 2011/2012 Université Jean Monnet 23, rue Docteur Paul Michelon 42100 Saint Etienne Délégation à la Recherche avenue Pouvanaa a Oopa B.P. 20981 Papeete, Tahiti Polynésie française Master 1 « Ecologie/ Ethologie »

Statut et dynamique de Vespula vulgaris une guêpe ... · Je remercie également toutes les personnes qui ont eu le ourage de m’aider pour prospecter le Mont Aorai et le Mont Marau

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Statut et dynamique de Vespula vulgaris,

une guêpe introduite en phase d’invasion sur les

hauts sommets de l’île de Tahiti

(Polynésie française)

Stage réalisé à la Délégation à la Recherche de la Polynésie française

sous la direction du Dr. Jean-Yves Meyer

du 19 mars au 16 mai 2012

Benoit VALLAS 2011/2012

Université Jean Monnet

23, rue Docteur Paul Michelon

42100 Saint Etienne

Délégation à la Recherche

avenue Pouvanaa a Oopa

B.P. 20981 Papeete, Tahiti

Polynésie française

Master 1 « Ecologie/ Ethologie »

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes m’ayant apporté une aide durant mon stage. J’adresse tout

particulièrement mes remerciements aux personnes suivantes, pour l’expérience enrichissante et

pleine d’intérêt qu’elles m’ont fait vivre durant ces deux mois au sein de la Délégation à la Recherche

de la Polynésie française :

- Priscille « Tea » Frogier, déléguée à la Recherche, pour son accueil chaleureux, et toutes les

explications apportées qui me permettent aujourd’hui de mieux connaitre le fonctionnement du

gouvernement polynésien. Je la remercie également de m’avoir véhiculé quotidiennement ;

- Jean- Yves Meyer, chargé de recherche, pour m’avoir consacré du temps et donner la possibilité de

traiter un sujet très intéressant. Son encadrement m’a permis d’étendre mes connaissances sur les

écosystèmes insulaires. Je le remercie vivement pour m’avoir guidé durant ce stage et de son aide

précieuse pour la réalisation de ce rapport de stage ;

- Ruth Leng Tang, secrétaire administrative, pour sa bonne humeur quotidienne et toutes ses

explications qui m’ont permis de découvrir la culture polynésienne.

Je remercie également toutes les personnes qui ont eu le courage de m’aider pour prospecter le

Mont Aorai et le Mont Marau : Tiffany Laitame (doctorante à l’Université de la Polynésie française

sur les indicateurs de suivi de la biodiversité), Alexandre Tetuamanuhiri (pompier à la défense et de

la protection civile à Papeete), Marie Fourdrigniez (consultante privée en écologie) et mon

colocataire Léo Agaesse.

Je remercie Rome Quentin (entomologiste au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris) pour

son aide concernant l’identification de mes échantillons, Robin Pouteau (The Bio-protection Research

Centre, Lincoln University, Nouvelle Zélande) pour la création de la carte de la répartition potentielle

de la guêpe sur Tahiti, Jérome Marie (ingénieur de recherche, spécialiste en entomologie médicale,

Institut Louis Malardé, Tahiti) pour son accueil au sein du laboratoire d’entomologie de l’I.L.M à

Paea, Christian Malinowski (Association de protection de la nature « Te Rau Ati Ati a Tau a Hiti Noa

Tu ») pour nous avoir accueilli chez lui, Patrick Howell, directeur de l’ILM pour m’avoir permis de

faire une restitution orale de mon stage dans son institut de recherche médicale.

Merci aux personnes qui ont pris le temps de m’envoyer des informations par courrier électronique

afin de m’aider dans mes recherches : Sylvain Charlat (Université de Lyon 1, Laboratoire de

Biométrie et Biologie Evolutive), Peter T Oboyski (University of California, Berkeley), Thibault Ramage

(MNHN de Paris, entomologiste), Hervé Bossin (I.L.M, Tahiti), Erin Wilson (postdoctoral reseach

associate, Department of entomology University of Maryland), Bill Nagle (project coordinator, Pacific

Invasive Initiative, The University of Auckland), Raina Kaholoa’a (biologiste, Haleakala National Park,

Maui, Hawaii), Jean-Luc Renneson (collaborateur scientifique bénévole à l’Institut Royal des sciences

Naturelles de belgique IRSNB), Claire Villemant (Service du patrimoine naturel, MNHN, Paris), Elin

Claridge (anciennement à l’University of California, Berkeley), Hervé Jourdan (IRD, Nouméa).

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Glossaire

Allochtone : en écologie, utilisé pour désigner des espèces d’origine étrangère à l’écosystème local.

Attractant spécifique : substance permettant d’attirer une espèce en particulier.

Biocénose : l’ensemble des êtres vivants coexistant dans un espace défini (le biotope).

Choc anaphylactique : réaction allergique exacerbée, entraînant dans la plupart des cas de graves

conséquences et pouvant engager le pronostic vital.

Clypeus : l’un des sclérites (= plaques de chitine formant l’exosquelette) qui compose le « visage »

d’un arthropode.

Déséquilibre taxonomique et fonctionnel : absence de certains groupes biologiques entraînant des

réseaux trophiques simplifiés.

Diurne : « qui vit le jour ».

Ecosystème : un ensemble dynamique d’organisme vivants (plantes, animaux et micro-organismes)

qui interagissent entre eux et avec le milieu ( sol, climat, eau, lumière) dans lequel ils vivent.

Epizootie : maladie frappant dans une région plus ou moins vaste, une espèce animale ou un groupe

d’espèces dans son ensemble.

Espèce clé de voûte : espèce qui joue un rôle important au sein d’une communauté écologique, de

par les relations interspécifiques.

Eusocial : organisation sociale d’un groupe d’individus vivant ensemble, divisé en caste d’invidus

fertiles et non fertiles.

Goulot d’étranglement : phénomène se produisant lorsqu’une population est fortement réduite sur

au moins une génération. Le faible nombre de reproducteurs restants transmet donc seulement une

fraction de la diversité génétique initiale aux générations ultérieures. Il en résulte un

appauvrissement génétique de la population. En conjonction avec l’effet fondateur, les goulots

d’étranglement sont un des mécanismes de l’évolution des espèces.

Holométabole : se dit des insectes chez qui le passage de l’état larvaire à l’état adulte se fait par

l’intermédiaire d’un état nymphal. Les larves et les adultes de ces insectes ont, en général, une

morphologie et des modes de vie très différents.

Intendation : défini un retrait par rapport à la norme. Dans le cas présent, les yeux composés des

guêpes sont en retrait derrières les antennes pour éviter des frottements.

Logiciel R : logiciel de statistique.

Lutte biologique : méthode de lutte contre un organisme (ravageur ou plante adventive) au moyen

d’organismes naturels antagonistes de ceux-ci.

Naturalisation : phase durant laquelle une espèce exotique devient capable de se reproduire dans

un nouvel environnement.

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Nid pluriannuel : nid avec un cycle de plusieurs années.

Parasitoïde : organisme qui, pendant une partie seulement de son existence, vit exclusivement aux

dépend d’un autre organisme, qu’il ne détruit généralement que lorsque son propre développement

est terminé.

Plasticité phénotypique : capacité d’un organisme à exprimer différents phénotypes à partir d’un

génotype donné selon des conditions biotiques et/ou abiotiques environnementales.

Prédateur généraliste : organisme pouvant chasser différente espèces animales pour se nourrir.

Ptérygote : sous classe d’insectes possédant des ailes.

Région holarctique : région de l’hémisphère nord.

Super-colonie : colonie d’insectes sociaux formée de multiples reines et de nids. Les ouvrières se

déplacent librement de nids en nids, comme si la population entière était une unique colonie.

Tergides : plaques de chitine formant l’exosquelette des arthropodes sur la face dorsale de

l’abdomen.

Test de Kolmogorov-Smirnov : test de normalité, consistant à calculer le plus grand écart entre les

fréquences cumulées observées et les fréquences cumulées théoriques.

Test Mann-Whitney : test de statistique sui compare deux séries indépendantes sur un critère

ordinal ou quantitatif.

Test non paramétrique : test dont le modèle ne précise pas les conditions que doivent remplir les

paramètres de la population dont a été extrait l’échantillon.

Transect : ligne virtuelle ou physique mis en place pour une étude particulière.

Sex-ratio : taux comparé de mâles et de femelles au sein d’une espèce à reproduction sexuée.

Valeur P : le degré ou niveau de signification d’un test statistique.

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Sommaire

I. Introduction ………………………………………………………………………………………………………………….…1

I.1. Les invasions biologiques, une menace pour la biodiversité…….……….………….………………..……..1

I.2. Les insectes sociaux envahisseurs.………………………………………………………………………………..……...1

I.2.1. Changements génétiques et environnementaux………..…………………………………..………2

I.2.2. Le frelon asiatique, un exemple célèbre d’invasion…………….…………………………..........2

I.2.3. La guêpe européenne, une espèce invasive dans le Pacifique……………………………..….2

II. Matériel et méthode …......……………………………………………………………………………………………….………3

II.1. Présentation de la Polynésie française et de l’île de Tahiti……..…………………………..…………..…..…3

II.2. Description et écologie de la guêpe européenne…………………..………………………..……………..………3

II.2.1. Critères d’identification…………………………………………………………………………………..………4

II.2.1.1. Différences inter-sexe…………………………………………………………..….……5

II.2.1.2. Différences intra-sexe……………………………………………………………………6

II.3. Sites d’études et dates de collecte…………………………………………………………………………………..……6

II.4. Méthode de collecte…………….………..……………………………………………………………………….….…...……6

II.5. Activité du nid…………………………….…………………………………………………………………………………………8

III. Résultats …….………………………………………………………………………………………………….…….…..……...8

III.1. Recueil d’informations.……………………………………………………………………………………………………….....8

III.2. Date d’introduction et dynamique de l’invasion……….………………………………………………….…..……8

III.3. Efficacité des pièges………………………………………………………………………………………………………....……9

III.4. Répartition altitudinale…………………………………………………………………………………………………….…….9

III.5. Confirmation de la différence de taille des femelles fertiles et stériles…..……....……………..……..9

III.6. Sex-ratio……………………………………………………………………………………………………………………………….11

III.7. Comportement et activité………………………..……………………………………..…………………………………..11

IV. Discussion …………………………………………………………………………………………………………………..…..12

IV .1. Une introduction par l’homme………………………..……………………………………………………………………12

IV.2. Un cycle biologique modifié…………………………………………………………………………………………………12

IV.3 Une dynamique d’invasion favorisée……..………………...…………………………………….…….………..……12

IV.4. Une aire de répartition limitée………….…………………………………………………….…….…………..……13

IV.5. Des impacts potentiels importants……..………………………………………………….…….…………………..…13

V. Conclusion et perspectives de luttes ….…………………….……………………………………………………………14

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I. Introduction

Une évaluation mondiale des écosystèmes, publiée par les Nations Unies en 2005, indique que les

invasions biologiques sont la deuxième cause d’érosion de la biodiversité après la destruction des habitats

(MEA, 2005). Les collectivités françaises d’outre-mer sont particulièrement concernées par ce

phénomène, en particulier les îles tropicales des Caraïbes, de l’Océan Indien et du Pacifique (Soubeyran,

2008). Ainsi 49 des 100 espèces considérées comme les plus envahissantes au monde par l’Union

mondiale pour la Nature (100 World’s Worst Invasive Aliens Species, IUCN) y sont représentées (cf.

ANNEXE A). Ces dernières peuvent avoir une incidence non négligeable sur un panel de secteurs

importants tel que l’environnement, la sécurité sanitaire mais aussi l’économie. A titre d’exemple, leurs

coûts annuels au niveau européen a été estimé entre 9 et 23 milliard d’euros (Kettunen et al., 2008).

I.1. Les invasions biologiques, une menace pour la biodiversité

L’ UICN à estimé que 625 des espèces répertoriées comme menacées au niveau mondial encourent un

danger d’extinction directement lié à l’invasion par des espèces allochtones (Pastoret, 2010). Devant cet

enjeu majeur pour la conservation de la biodiversité, cette thématique est actuellement au cœur des débats

scientifiques. Cependant les introductions d’espèces par l’homme ne sont pas nouvelles : en effet, depuis

le Néolithique, l’homme a été l’acteur de multiples introductions et a transporté de nombreuses espèces

d’une région à une autre afin d’améliorer la productivité alimentaire. La prise de conscience concernant

les risques liés à cette pratique à été rapidement acquise. Par le passé, certaines invasions ont été en effet

été suivies d’épidémies et d’épizooties* (peste bubonique en 1347, variole, rage, etc…).

Néanmoins, bien gérées, les introductions d’espèces permettent aussi de rentabiliser les productions

agricoles, notamment par la méthode de lutte biologique*. L’introduction d’une guêpe parasitoïde*

(Gonatocerus ashmeadi) en Polynésie française à permis une réduction de 90% de la cicadelle

envahissante Homalodisca vitripennis affaiblissant les arbres fruitiers (Grandgirard, 2008). De même, le

champignon pathogène introduit pour lutter contre l’arbre envahissant Miconia calvescens

(Melastomataceae) a permis la régénération des plantes indigènes et endémiques à Tahiti (Meyer et

Fourdrigniez, 2011 ; Meyer et al., 2012) et constitue un moyen de restaurer les milieux naturels envahis.

I.2. Les insectes sociaux envahisseurs

Les insectes sociaux appartenant à la superfamille des Vespoidea tiennent une place importante dans les

invasions animales. Ces derniers présentent une plasticité phénotypique* importante en comparaison aux

insectes solitaires. Leur adaptation peut se faire niveau individuel mais aussi au niveau de la colonie.

Cette organisation permet aussi la mise en place « d’une intelligence en essaim », un ensemble d’entités

individuellement simples au fonctionnement décentralisé capable collectivement de fournir une réponse

* Les mots suivit d’un astérisque sont référencé dans le glossaire

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complexe (webloria.loria.fr/ chevrier//hamlin/swarm.html). Une colonie est donc la plupart du temps un

système sachant s’autoréguler et s’adapter aux variations environnementales. La réussite de l’invasion

des insectes tient souvent à divers facteurs, le plus important étant l’absence de prédateurs, de

compétiteurs ou de parasites (Tsutsui, 2000).

I.2.1. Changements génétiques et environnementaux

Lors d’une introduction, le goulot d’étranglement* conduisant à une perte de diversité génétique peut

parfois être bénéfique pour l’espèce invasive, en sélectionnant des individus ayant subi certains

changements phénotypiques et comportementaux qui seraient plus adaptés à des conditions nouvelles

(Dejean et al. 2011). C’est le cas pour la petite fourmi de feu Wasmannia auropunctata, considérée

comme un insecte « super-envahissant ». Son succès invasif vient d’un changement comportemental : les

ouvriers ne présentent aucune agressivité avec les individus des nids voisins. Cela leur permet de

cohabiter sans gaspiller de l’énergie dans des combats territoriaux. Il en résulte la création, d’une entité

qualifiée de « super-colonie *», pouvant réunir un nombre important de nids (Le Breton et al., 2004).

I.2.2. Le frelon asiatique, un exemple célèbre d’invasion

En France métropolitaine, l’introduction involontaire du frelon asiatique (Vespula velutina nigrithorax )

suscite une inquiétude grandissante. Le frelon serait arrivé en 2004 par voie maritime dans des poteries

en provenance d’Asie. Les abeilles européennes (Apis melliferas et Apis cerena), déjà fragilisées par les

activités anthropiques (pollution chimique, érosion de la diversité floristique), sont maintenant

« prédatées » par le frelon. Les abeilles participent à la pollinisation d’un nombre important d’espèces

végétales (près de 20 000), dont 40 % sont des fruits, légumes ou des oléagineuses ayant une importance

économique. L’apiculture et d’autres activités économiques sont donc touchées, de même que la

biodiversité (www.conservation-nature.fr ; Rome et al., 2011).

I.2.3. La guêpe européenne, une espèce invasive dans le Pacifique

La « guêpe européenne » (également appelée « guêpe commune ») Vespula vulgaris , classée parmi l’une

des espèces les plus invasives au monde par l’ UICN (www.issg.org/bookletF.pdf), est déjà l’auteur d’un

déséquilibre majeur de la faune et de la flore en Nouvelle Zélande (Beggs, 2001). Introduit en 1978, cet

insecte a su se naturaliser* très rapidement dans les forêts naturelles à Nothofagus (Fagaceae). L’espèce

peut y atteindre une densité 10 fois supérieure à la normale (Thomas, 1990).

L’observation récente de V. vulgaris sur les crêtes sommitales de Tahiti représente une menace

importante pour la biocénose* inféodée à ce type d’écosystème encore peu perturbé par l’homme (J.-Y.

Meyer, comm. pers.). Devant ce constat alarmant, il était donc primordial d’évaluer le statut exact de

cette nouvelle espèce allochtone* en Polynésie française.

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L’objectif de cette étude sera d’étudier l’abondance et la répartition de la guêpe européenne dans l’île de

Tahiti, d’évaluer sa dynamique d’invasion, de comprendre les interactions biocénotiques et de proposer

une stratégie de lutte adaptées pour la préservation du patrimoine naturel spécifique de la Polynésie

française.

II. Matériel et méthode

II.1. Présentation de la Polynésie française et de l’île de Tahiti

Située en plein cœur du Pacifique Sud, la Polynésie française est une collectivité française jouissant d’une

autonomie relativement avancée (article 1er

de la loi organique du 27 février 2004). L’environnement et la

protection de la nature sont par exemple sous la compétence du gouvernement autonome.

La Polynésie française est composée de 5 archipels couvrant une superficie similaire à celle de l’Europe.

Tahiti, d’une surface d’environ 1050 km² est la plus grande des 120 îles composant ce territoire (cf.

ANNEXE B : Carte de la Polynésie française). Le climat est tropical océanique avec l’alternance d’une

saison sèche, de mai à septembre, et une saison humide, d’octobre à avril (météo France, 2004). La

Polynésie française possède une faune et une flore relativement riches, avec des taux d’endémisme

élevés, atteignant par exemple 62% pour la flore vasculaire (Meyer et al., 2010). Les sommets qui

culminent à plus de 2000 m sont dans un état de conservation remarquable et soumis à un climat plus

tempéré (diminution de la température de 0.6°C tous les 100 m). Comme souligné dans une synthèse des

espèces envahissantes dans les collectivités française d’outre-mer, « son long isolement évolutif, sa faible

superficie, sont fort taux d’endémisme et sont déséquilibre taxonomique* et fonctionnel, font de ce

modèle insulaire, un biotope très vulnérable aux invasions biologiques » (Soubeyran, 2008).

II.2. Description et écologie de la guêpe européenne

Vespula vulgaris est une guêpe appartenant à l’ordre des Hyménoptères et à la famille des Vespidae (cf.

ANNEXE B : Arbre phylogénétique des Hyménoptères). Cet insecte holométabole* est bien réparti en

région holarctique* et a été introduit en Australie, à Hawaii et en Nouvelle Zélande. C’est un insecte

eusocial* (Bourke, 1988) vivant dans des nids majoritairement souterrains pouvant atteindre une capacité

de 10 000 individus en Europe (Thomas, 2010).

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II.2.1. Critères d’identification

Comme la plupart des guêpes du genre Vespula, l’espèce V. vulgaris est relativement difficile à identifier.

De nombreuses espèces de la famille des Vespidae (cf. ANNEXE B : Abdomen de différentes guêpes du

genre Vespula) présentent en effet des critères morphologiques similaires qui peuvent varier intra-

spécifiquement (cf. ANNEXE B : Abdomen de différentes guêpes du genre Vespula). L’observation in

natura aura donc une importance majeur afin d’établir le bon diagnostique.

Les principaux critères d’identifications importants sont la tâche frontale sur le clypeus*, la forme des

mandibules (Figure 1) et les motifs sur les tergides* (Figure 2).

Figure 1 . Face frontale de V. vulgaris (photographie prise avec reflex numérique 55 mm sous loupe binoculaire

10X3).

Figure 2 . Façe dorsale de V. vulgaris (photographie prise avec un reflex numérique 55 mm. L’individu mesurant

210 mm)

*

Aile plaquée contre le corps

Motifs spécifiques répétés sur

les différents tergides

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II.2.1.1. Différences inter-sexe

L’identification des mâles et femelles est réalisable grâçe aux critères suivant :

- la longueur des antennes, la couleur des tempes, et la forme de l’abdomen (Q. Rome, comm. pers. 2012 ;

J.-L. Renneson, comm. pers.) (Figure 3).

Figure 3 . Critères d’identifications des femelles stériles et des mâles de V.vulgaris chez deux individus de même

taille (photographie prise sous loupe binoculaire avec un appareil reflex numérique)

Les critères morphologiques présentés ci-dessus sont néanmoins insuffisants pour ne pas

confondre cette espèce avec Vespula alascensis.

Il est nécessaire d’effectuer une observation microscopique des génitalias mâles (visibles sur la

photographie 6 en Figure 3) (Carpenter, 2010). La confirmation de l’identification a été réalisée par

Quentin Rome (comm. pers.) à partir d’un échantillon de nos spécimens collectés à Tahiti et

envoyés au Muséum d’Histoire naturelle de Paris lors de ce stage.

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II.2.1.2. Différence intra-sexe

Le critère le plus facilement utilisable pour différencier les femelles stériles et les femelles fertiles est la

taille des individus (Figure 4). Le logiciel R* (pbil.univ-lyon1.fr/R/enseignement.html) a été utilisé afin

d’effectuer un test de comparaison de moyennes* entre notre échantillon de femelles stériles et notre

échantillon de femelles fertiles pour valider l’utilisation de cette différence de taille comme critère

d’identification. Afin de choisir le test adéquat, la normalité et la variance de nos échantillons seront

étudié au préalable. Le risque alpha consenti est 0.05.

II.3. Sites d’études et dates de collecte

En raison de l’absence de routes et pistes permettant l’accès aux hauts sommets de Tahiti, la plupart des

crêtes sommitales de l’île sont difficilement accessibles. Le relief abrupt et la végétation dense empêchent

également le repérage et l’accès aux nids si ces derniers ne sont pas situés sur ou à proximité du sentier

(cf. ANNEXE C : Sentier d’une crête sommitale au Mont Aorai).

Nos prospections ont été effectuées sur le Mont Aorai, culminant à 2070 m, et le Mont Marau avoisinant

les 1500 m (Figure 10 en page 13). Le premier site est accessible par un sentier après 6 h de marche, le

second en véhicule tout-terrain après 45 minutes de route et de piste.

Nous avons effectué nos observations sur le sentier menant au sommet de l’Aorai (latitude S :

17°36’47.3’’ ; longitude O : 149°29’42.6’’) les 6,7, 8 et les 13, 14 avril. Les observations sur le Mont

Marau ont été faites le 3 mai sur la crête est (lat. S : 17°36’33’’ ; long. O : 149°31’58’’) et le 9 mai sur la

crête ouest (lat. S : 17°36’27.8’’ ; long. O : 149°32’00.0’’) entre 1300 et 1400 m.

II.4. Méthodes de collecte

Afin de collecter des spécimens de V. vulgaris, différentes méthodes de capture ont été

utilisées lors de ce stage :

Figure 4. Différence de taille, entre une femelle stérile

(en haut), et une femelle fertile (en bas) de V.vulgaris

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- un filet à papillon a permis leur récolte durant nos ascensions du mont Aorai, le long d’un transect

altitudinal allant de 600 m à 2070 m. Cette méthode permettra l’étude de répartition de Vespula vulgaris

en fonction de l’altitude. - des

pièges créés avec des bouteilles en plastiques vides de 1.5 litres (Figure 5) contenant une solution sucrée

à 30% (Nollet, 2009 ; Spurr, 1996 ; Seath et al., 1999), laissés durant 24h et suspendus dans des buissons,

permettront de constater la présence ou non de guêpes sur certains sites sans être obligé de rester sur place

durant toute la durée de l’opération.

Nous n’avons pas utilisé d’attractants* spécifiques pour les guêpes, par exemple ceux à base d’heptyl

butyrate (Aldrich, 1986), en raison des difficultés pour se procurer ces produits à Tahiti associés aux

délais imposés par le stage.

Nous avons utilisé ce même type de piège, placé à l’entrée du nid pendant 30 minutes, pour essayer de

capturer un plus grand nombre de guêpes (Figure 6 ; cf. ANNEXE C : Entrée du nid de Vespula vulgaris

au sommet du Mont Aorai).

Figure 5. Elaboration d’un piège à insecte volant

Figure 6. Schéma du piégeage à l’entrée du

nid de V. vulgaris

Bouteille en plastique de 1.5 L

Solution sucrée à 30 %

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Chaque spécimen capturé sera conservé dans de l’alcool à 70°, observé et identifié à la loupe binoculaire,

et mesuré à l’aide d’une règle double décimètre.

II.5. Activité du nid

L’observation d’un nid situé au sommet de Mont Aorai (2100 m) a permis d’évaluer l’activité des guêpes

au nid durant une journée. Un comptage du nombre d’entrées et sorties des individus a été effectué durant

une minute et réalisé 5 fois, espacé d’un intervalle de 1 minute. L’activité a été mesurée à 9h, 12h30,

16h et 17h (Figure 7).

III. Résultats

Le recueil de données auprès d’informateurs locaux indique la présence de nids au niveau du sommet du

Mont Orohena (2241m) et du Mont Pito Hiti (2110 m) ( J.-Y . Meyer, comm. pers.) et d’individus au

Mont Marau entre 1100 m et 1300 m (S. Charlat, comm. pers.).

La guêpe européenne pourrait être également présente au sommet du Mont Ivirairai (1696 m) (J.-F.

Butaud, comm. pers. 2012) mais son identification reste incertaine en l’absence de photographie ou de

spécimen collecté.

III.2. Date d’introduction et dynamique de l’invasion

L’absence de V. vulgaris dans une collection d’Hyménoptères collectés dans les années 80 et déposée

dans le laboratoire d’entomologie de l’Institut Louis Malardé laisse supposer que la guêpe n’était pas

encore présente à cette époque. Les premières observations de cette guêpe datent du 16/09/1997 ( mais

non identifiée) au sommet du Mont Aorai (Meyer, comm. pers.), avec apparemment l’existence du même

nid que celui actuellement observé. Nous sommes donc en présence d’un guêpier pluriannuel qui

III.1. Recueil d’informations

Figure 7. Méthode de comptage des

entrées et sorties de V. vulgaris à

l’entrée de leur nid

Phase de comptage des entrée et sorties des

individus à l’entrée du nid durant 1 minute

Intervalle de 1 minute entre deux comptages

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pourrait être âgé de 15 ans. V. vulgaris pourrait avoir été introduite à Tahiti au début des années 1990,

l’origine et les modalités de son introduction restant inconnues.

III.3. Efficacité des pièges

- L’utilisation de pièges contenant une solution sucrée à 30%, disposés pendant 24 h dans les buissons où

le fourragement des guêpes est important, c’est révélée inefficace car aucune guêpe n’a été piégée ;

- Le filet à papillon a permis de capturer quelques spécimens le long du gradient altitudinal et de constater

la présence d’une seule espèce de guêpe Vespula sur le site d’étude du mont Aorai ; -

l‘utilisation d’un piège installé à l’entrée du nid à permis la capture de la majorité des spécimens étudiés.

Au total, ce sont 73 femelles stériles, 10 femelles fertiles (= reines potentielles) et 2 mâles qui ont été

capturés.

III.4. Répartition altitudinale

La présence des guêpes est confirmée le long d’un transect* altitudinal allant de 1000 m à 2070 m sur le

mont Aorai. Aucune guêpe n’a été observée ni capturée en dessous de 1000 m. Nous l’avons également

été observée sur la crête sommitale du Mont Marau entre 1300 et 1400 m. Sa présence ne semble pas

affecter les deux autres espèces de guêpes présentes à Tahiti. Seliphron semantarium n’a pas été observée

au dessus de 1000 m et la « guêpe jaune » Polistes hebraus la plus commune en Polynésie française est

préférentiellement présente à basse altitude (Paulian, 1998), même si nous avons observé quelques

individus jusqu’à 2000 m.

III.5. Confirmation de la différence de taille des femelles fertiles et stériles

Afin de tester la normalité de nos échantillons, un test de Kolmogorov-Smirnov* a été utilisé. Son

utilisation est justifiée par un nombre d’individu très faible dans l’échantillon des femelles fertiles (10

individus). Pour ce test, des distributions normales théoriques ont été crées à partir de nos échantillons.

« normfemelle » est généré en simulant 1000 observations à partir de la moyenne et de l’écart- type de

l’échantillon « femelle stérile » (Figure 8A et Figure 9A). « normreine » est généré en simulant 1000

observations à partir de la moyenne et de l’écart-type de l’échantillon « reines » (Figure 8B et Figure

9B).

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10

Puis nous avons testé deux à deux « normefemelle » / « femelles » et « normreine »/ « reine » pour

vérifier si nos échantillons suivent la même loi (une loi normale dans le cas présent).

Pour les femelles stériles :

La valeur de P* est inférieure au risque alpha de 5%, l’hypothèse Ho est retenue. L’échantillon

« femelle » suit une loi normale.

Pour les reines :

La valeur de P est supérieur au risque alpha, nous rejetons Ho. L’échantillon « reine » ne suit pas une loi

normale.

Les résultats obtenus ci-dessus nous indiquent qu’il est nécessaire d’utiliser un test non-paramétrique*.

La comparaison des moyennes a été effectuée avec un test de Mann-Whitney*.

Question : La taille des reines est-elle plus grande que la taille de femelles stériles ?

Sortie du logiciel R :

La valeur de P est inférieure au seuil alpha de 5 %. Nous rejetons l’hypothèse Ho. Les femelles fertiles

sont significativement plus grandes que les femelles stériles.

D = 0.1954, p-value = 0.01267

D = 0.287, p-value = 0.3885

W = 710, p-value = 9.102e-08

1. Figure 8A. Histogramme

de l’échantillon des

femelles stériles

2. Figure 8B. Histogramme

de l’échantillon des

reines

1 2

3 4

3. Figure 9A. Distribution

normale théorique simulée

à partir des paramètres de

l’échantillon « femelles »

4. Figure 9B. Distribution

normale théorique simulée à

partir des paramètres de

l’échantillon « reine »

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III.6. Sex-ratio

Les nombreuses captures effectuées sur le Mont Aorai entre 1100 m et 2070 m nous ont également permis

d’établir un sex-ratio*. Ces captures comptabilisent les collectes effectuées avec les pièges mais aussi

avec le filet entre le 7 et 14 avril 2012. Nous avons comptabilisé 73 femelles stériles, 10 femelles fertiles,

2 mâles : Il y a donc 5 femelles fertiles pour 1 mâle.

III.7. Comportement et activité du nid

L’observation du nid situé au sommet du mont Aorai a pu nous donner des informations

comportementales. Le début des activités extérieures de V.vulgaris débute à 5h40 et se termine à 17h45.

Ces horaires correspondent au lever et coucher du soleil à cette période de l’année à Tahiti. C’est donc

une espèce de guêpe à l’activité exclusivement diurne*.

Grâce aux observations des entrées et sorties réalisées durant la journée du 7 avril 2012, nous avons

constaté une variation significative de l’activité des guêpes durant une journée (Figure 10). L’activité est

faible le matin à 9h avec une moyenne d’entrées/sorties de 3,2 (± 1,92), puis l’activité est multipliée par

cinq (m=17,2 ±3,76) à 12h. Par la suite elle diminue progressivement, à 16h (m=12,2 ±3,7), et à 17

heures (m=8,8 ± 1,7) pour s’arrêter totalement dans les 45 minutes suivantes.

L’observation du nid permet clairement d’établir un changement de comportement quasi-immédiat en

fonction des conditions météorologiques. Nous avons observé qu’en condition nuageuse, leur activité est

stimulée, et qu’a l’inverse, durant des précipitations, leur activité est quasi nulle.

Figure 10. Représentation graphique du

dynamisme d’un guêpier au cours d’une journée.

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IV. Discussion

IV.1. Une introduction par l’homme

Sans connaître la date ni les modalités exactes de son arrivé à Tahiti, nous pouvons avancer l’hypothèse

d’une introduction de par l’intermédiaire d’un vecteur d’origine anthropique. En effet la Polynésie

française est trop éloignée des autres îles et pays où l’espèce est déjà présente (la Nouvelle Zélande est

située à 4000 kilomètre de Tahiti) pour permettre à cette espèce de pouvoir y arriver de façon naturelle.

Une étude génétique à grande échelle permettrait de connaitre l’origine de la population tahitienne de V.

vulgaris et de comprendre son mode d’introduction.

IV.2. Un cycle biologique modifié

En Europe, la reine fertilisée sort de l’hivernage au début du printemps afin d’entreprendre la

construction d’un nid, elle pond rapidement des œufs, afin que des ouvrières stériles (Foster, 2000)

prennent le relais pour parachever le nid et s’occuper de leur souveraine.

A l’automne, il y a la production d’individus mâles et de nouvelles reines pour permettre la reproduction.

Au début de l’hiver les ouvrières et les mâles sont emportés par les premières gelées, seules les nouvelles

reines fécondées hibernent. Ces dernières pourront alors amorcer de manière individuelle la mise en

place d’un guêpier, au début du printemps. Avant leur implantation dans un milieu elles peuvent parcourir

jusqu'à 70 kilomètres.

Dans le cas de Tahiti, île tropicale où les saisons sont peu marquées et sans hiver froid, l’apparition de

nids pluriannuels* a été favorisé, comme cela a déjà été observé à Hawaii (Gambino, 1990). Ces derniers

sont de tailles plus conséquentes avec un nombre plus important d’individus. Le cycle cité ci-dessus est

alors lui aussi modifié. Les résultats obtenus sur le sex-ratio de V. vulgaris nous indique la présence de

mâle (1 mâle pour 5 femelles fertile) durant les mois d’avril et mai, ce qui doit correspondre à une partie

de la saison de reproduction de cette guêpe à Tahiti. Une étude sur un plus long terme ( au minimum une

année) permettrait d’étudier le cycle biologique complet de V . vulgaris afin d’évaluer de manière plus

précise la dynamique des populations et le potentiel invasif de l’espèce.

IV.3. Une dynamique d’invasion favorisée

La présence de nids pluriannuels nous donne des informations sur le potentiel invasif important de

l’espèce.

Ces structures inhabituelles, ayant un cycle plus long qu’une année ont souvent une capacité d’individus

bien supérieure à la moyenne connue en Europe. La concentration des individus autour du nid est donc

plus importante, augmentant ainsi l’impact de ces insectes sur leur environnement.

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Cela influe aussi sur la dynamique d’invasion de l’espèce : en effet, la présence de nid pluriannuel leur

permet d’accroître leur aire de répartition de manière plus rapide. Puisque les nids restent actifs, les

nouvelles reines n’ont pas d’autres choix que de migrer pour s’implanter ailleurs.

IV.4. Une aire de répartition relativement limitée

A Tahiti, Vespula vulgaris est la seule représentante de son genre. Son aire de répartition est actuellement

limitée au dessus de 1000 m. Au dessus de cette altitude la température dépasse rarement 22 degré (Météo

France 2004) et elle peut même descendre à 3°C à 2100 m (J.-Y. Meyer. comm. pers. 2012). Ce type de

confinement en altitude est aussi observé à Hawaii pour cette espèce (Gambino, 1990). Nous somme donc

en présence d’un confinement naturel mis en place par une « barrière thermique ». Néanmoins, cette

barrière lui permet la colonisation d’un espace conséquent pouvant potentiellement représenter une

surface de 75 km² soit 7% de l’île (Robin pouteau, comm. pers.) (Figure 11).

IV.5. Des impacts potentiels importants

La présence de la guêpe à Tahiti peut avoir des impacts à plusieurs niveaux :

- la sécurité sanitaire car les guêpes sociales sont souvent plus agressives afin de protéger leur nid. Elles

pourraient représenter un risque pour l’homme notamment pour les randonneurs en montagne. Sa piqure

est douloureuse mais pas mortelle. Néanmoins, certaines personnes sont susceptibles de faire un choc

anaphylactique pouvant entraîner la mort ;

- les activités économiques, les guêpes pourront avoir un impact important sur l’apiculture. En effet

V.vulgaris est un prédateur des abeilles. Le tourisme pourrait aussi être touché. La présence d’une grande

concentration de guêpe peut empêcher ou gêner l’accès à certains sites ;

Figure 11. Représentation de l’aire

potentielle de Vespula vulgaris, au dessus

de 1000 m en rouge sur l’île de Tahiti.

(Carte réalisée par Robin Pouteau, du

Bio-Protection Research Centre, Lincoln

University, Nouvelle Zélande).

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- enfin un impact écologique fort. Les écosystèmes* naturels peuvent être gravement déséquilibrés V.

vulgaris est en effet une espèce clef de voûte*. En effet, c’est un prédateur généraliste, lui permettant

d’exercer une pression de prédation sur un grand nombre d’invertébrés, susceptibles d’être éliminés les

uns après les autres. Elle se nourrit aussi de ressources sucrées tel que des fruits ou du nectar. La forte

concentration de cette espèce pose donc un problème de compétition d’accès aux ressources alimentaire

pour les autres invertébrés voire certains vertébrés (oiseaux frugivores et nectarivores). Par contre son

impact sur la flore polynésienne est à nuancer. Elle exerce une pression de prédation sur certains insectes

herbivores, les plantes sont donc moins attaquées. C’est un insecte pollinisateur, elle va donc permettre la

reproduction de différentes espèces endémiques, mais aussi amplifier l’invasion de certaines espèces

végétales allochtones. L’étude détaillée du régime alimentaire de l’espèce permettrait de mieux

comprendre les interactions biotiques et d’estimer correctement l’impact de V.vulgaris sur l’entomofaune,

les oiseaux nectarivores, mais aussi la flore tahitienne (cf. Figure 12 présenté en conclusion).

V. Conclusions et perspectives de lutte

Nous avons confirmé la présence et l’identité de V.vulgaris à Tahiti grâce à la collecte au filet de

nombreux spécimens et l’observation d’un nid au Mont Aorai. Cette espèce, probablement introduite par

l’intermédiaire de l’homme dans les années 1990 a su se naturaliser au dessus de 1000 m d’altitude ou les

températures moyennes annuelles sont inférieures à 22°C. L’absence de saison marquée et d’hiver froid à

permis à cette guêpe la création de nids pluriannuels. Ces derniers nous indiquent que la dynamique

d’invasion de l’espèce est potentiellement grande. En effet la présence de nids viables plusieurs années

successives oblige les nouvelles reines à conquérir de nouveaux territoires pour s’implanter. De plus, les

nids pluriannuels intensifient l’impact des guêpes sur leur environnement. Le nombre d’individus par nid

est plus grand, les invertébrés sont donc soumis à plus de prédateurs généralistes mais aussi plus de

compétiteurs aux ressources alimentaires (Figure 12).

Figure 12. Interactions biotiques de V. vulgaris

avec son environnement

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Enfin, à l’aide des résultats obtenus sur le statut et la dynamique d’invasion de V. vulgaris, il est

important que les gestionnaires locaux prennent une décision concernant le devenir de cette espèce et

mettent en place une stratégie de gestion adaptée : éradication totale ou rcontrôle des populations (cf.

ANNEXE D).

V.vulgaris est peut être en période de latence (« lag phase ») car les nids semblent encore en faible

nombre, mais une explosion démographique est possible dans les années à venir. Cela à été observé chez

deux autres espèces invasives à Tahiti, l’arbre Miconia calvescens et l’oiseau Pycnonotus cafer qui ont

mis environ 30 ans après leur introduction avant d’envahir l’île (J. -Y. Meyer, comm. pers. ).

Les méthodes de lutte possibles sont :

- la régulation (ou contrôle) des populations en utilisant la méthode de lutte biologique. L’utilisation du

parasitoïde Sphecophaga vesparum burra spécifique des guêpes Vespula est possible, néanmoins les

premiers résultats sont visibles 20 ans après son introduction comme observé en Nouvelle Zélande (Harris

et al., 1999).

- l’élimination des nids existants au moyen de méthodes chimiques avec un insecticide, des appâts

empoisonnés au sulfuramide (Spurr, 1993) ou injection d’un gaz

Un classement de Vespula vulgaris dans la liste des « espèces menaçants la biodiversité de la Polynésie

française » selon le Code de l’Environnement en vigueur dans ce territoire (www.environnement.pf)

serait pertinent pour initier des actions contre cette espèce. Afin d’anticiper et de prévenir la possible

invasion de la guêpe européenne, il est important de sensibiliser le grand publique à Tahiti (cf. ANNEXE

E), mais aussi les îles pouvant être envahie par cette espèce telles que les îles arquises présentant un relief

important, ou les îles Australes régies par un climat sub-tempéré qui permettrait la colonisation de

V.vulgaris sur l’intégralité de ces îles.

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ANNEXE A

Diversité et endémisme en France métropolitaine et Outre-mer de différents Taxons

(source : Gargonimy, 2003. Biodiversité et conservation dans les collectivité française d’outre-mer. Comité française de

l’UICN, Planète Nature)

Nombre d’espèces invasives en France métropolitaine et Outre Mer

(source : base de données sur les espèces invasives de l’UICN)

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Espèces menacées en France métropolitaine et collectivités d’outre-mer

(source : Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, www.statistiques.developpement-

durable.gouv.fr)

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ANNEXE B

Carte de la Polynésie française

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Abdomen de différentes guêpes du genre Vespula

(source : Canadian Journal of Arthropod Identification.

www.biology.ualberta.ca/bsc/ejournal/bmc_05/key_vespula.html)

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ANNEXE C

Arbre phylogénétique des Hyménoptères

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ANNEXE C

Sentier d’une crête sommitale au Mont Aorai

Entrée du nid de Vespula vulgaris au sommet du Mont Aorai (2070 m)

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Introduction d’espèces exotiques

Accidentelle INVENTAIRE-SUIVI-SURVEILLANCE

Détection précoce de l’espèce Détection d’impacts ou de modification

Espèce est connue ailleurs pour être

envahissante dans des conditions

écologique similaires

ANALYSE DU RISQUE

Oui Non

Risque important

LUTTE

Résultats négatifs

Autre méthode ?

Régulation ou éradication

Recherche de la méthode disponible la plus

approprié

SUIVI DE PROGRAMME

Pas de méthode

Risque non estimable

Résultat positifs

Pas de résultats

GESTION ET DIFFUSION

ANNEXE D

Schéma récapitulatif des différentes options de gestions des espèces exotiques

(source : Global Invasive Species Programme. Lavergne C. et al. (2008). Mise en place d’un

dispositif de veille et d’intervention pour la prévention des invasions biologiques à la Réunion-

cahier des charges.

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ANNEXE E

Fiche d’identification de Vespula vulgaris, une guêpe introduite en phase d’invasion

(Fiche réalisé durant le stage, afin de sensibiliser le grand public et les gestionnaires locaux)

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Restitution orale des résultats du stage aux autorités locales

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Résumé

Les invasions biologiques sont considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité

dans les îles, en particulier celles de la Polynésie française (Pacifique Sud). La guêpe européenne Vespula

vulgaris, déjà envahissante à Hawaii, en Australie et en Nouvelle-Zélande, a réussi à se naturaliser sur les

plus hauts sommets de l’île de Tahiti. Le recueil de données indiquerait une introduction possible dans

les années 90. L’observation et la capture de 85 spécimens le long d’un gradient altitudinal au mont

Aorai (entre 600 et 2100 m) montrent que son aire de répartition est exclusivement située au dessus de

1000 m où la température moyenne annuelle est inférieure à 22 °C. L’absence de saisons marquées à

Tahiti, sans hiver froid, permettrait la formation de nids pluriannuels, dont un seul a été trouvé à l’Aorai.

Le sex-ratio (1 mâle pour 5 femelles fertile) indiquerait que la guêpe est en période de reproduction

durant le mois d’avril. L’activité du nid s’étale entre 5h45 et 17h45 avec un pic à 12h30, mais varie avec

les conditions climatiques. Cette guêpe omnivore étant un prédateur généraliste, son impact potentiel

sur tous les invertébrés présents au dessus de 1000 m, mais aussi la pression de compétition exercée

pour les ressources alimentaires, pourrait affecter le fonctionnement de l’écosystème montagnard de

l’île. Afin de mieux évaluer les impacts de V. vulgaris et tenter son éradication ou le contrôle de ses

populations, il serait important de mieux connaître son cycle biologique tout au long de l’année mais

également son régime alimentaire.

Mots clés : biodiversité, compétition, espèce envahissante, guêpe, île, insectes sociaux, Polynésie

française, prédation, sex-ratio, Vespula vulgaris

Abstract

Biological invasions are considered one of the main threat to biodiversity in islands, including those of

French Polynesia (South Pacific). The European wasp Vespula vulgaris, already invasive in Hawaii,

Australia and New Zealand, is now naturalized on the highest summits of Tahiti island. Data collection

indicate a possible introduction in the 90’s. Observation and capture of 85 specimens along an elevation

gradient on mont Aorai (between 600 and 2,100 m) demonstrate that the wasp is exclusively found

above 1,000 m elevation where mean annual temperature is below 22 °C. The lack of pronounced

seasons, without a cold winter, may allow the formation of multi-annual nests, only one being found on

Aorai. Sex-ratio (1 male for 5 fertile females) indicates that reproduction occurs in April. Nest activity is

between 5:45 am to et 5:45 pm with a peak at 12:30 am, but varies with climatic conditions. This

omnivorous wasp is a generalist predator. Its potential impact on all invertebrates living above 1,000 m

elevation, as well as competition with their food sources, may alter the functioning of the island unique

montane ecosystem. To better assess the impacts of V. vulgaris and try to eradicate the species or

control its populations, it would be important to improve the knowledge on its life cycle but also on its

diet.

Key words : biodiversity, competition, French Polynesia, island, invasive species, predation, social

insects, sex-ratio, Vespula vulgaris, wasp