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Hérodote (Paris). 1988/01-1988/03. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Stéphane Yerasimos - A Propos Du Karabagh Et Des Troubles Ethniques d'Arménie Et d'Azerbaïdjan

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Stéphane Yerasimos, "A propos du Karabagh et des troubles ethniques d'Arménie et d'Azerbaïdjan", Hérodote, n° 48, 1er trimestre 1988.

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Hérodote (Paris). 1988/01-1988/03.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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A propos du Karabagh et des troubles

ethniques d'Arménie et d'Azerbaïdjan

Stéphane Yérasimos

Le problème du Karabagh est la cause des troubles ethniques qui viennent dese déclencher (mars 1988) dans deux républiques soviétiques de Transcaucasie :manifestations massives d'Arméniens qui réclament le rattachement à leur

république de ce territoire du Karabagh en grande partie peuplé d'Arméniens,mais qui est inclus en république d'Azerbaïdjan ; contre-manifestations des Azéris

(en grande majorité turcophones et chiites) qui, en Azerbaïdjan, s'en prennentaux Arméniens dans des pogroms qui font de nombreuses victimes. Pour expliquerle problème de cette enclave arménienne du Karabagh sous autorité de la

république d'Azerbaïdjan, les médias évoquent une décision de Staline. Or cette

explication, au demeurant inexacte, ne suffit pas à rendre compte de cettesituation géopolitique dont les causes sont beaucoup plus complexes. Ce n'estd'ailleurs qu'une petite partie du casse-tête ethnique qu'est le Caucase.

L'ancien Karabagh, lieu d'estivage des chahs d'Iran, faisait partie des khanatsmusulmans Azeris: de Gandja et de Karabagh, vassaux de l'Empire perse, tandis

que dans le «Karabagh des montagnes » (= Nagorny Karabagh), cinq« principautés » arméniennes subsistaient comme vassales à leur tour des khanatsazéris. La concentration arménienne à cet endroit résultait d'un afflux de

populations depuis la plaine du Kura à l'est, jadis occupée par le puissant khanat

azéri de Chirvan, et le Nakhitchévan à l'ouest, couloir des invasions turques versla Perse et des ripostes persanes. Cet ensemble complexe de territoires est annexé

par la Russie au début du XIXesiècle. Le découpage administratif de 1868 divisaitle Karabagh, compris dans le gouvernement d'Elizavetpol, en une série de

districts, disposés en bandes est-ouest, comprenant chacun une partie de montagneet une partie de plaine. Cela correspondait à une complémentarité économique,puisque la montagne fournissait des pâturages d'été aux musulmans de la plaine

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A PROPOS DU KARABAGH ET DES TROUBLES ETHNIQUES D'ARMÉNIE ET D'AZERBAÏDJAN

et la plaine approvisionnait en céréales les Arméniens de la montagne. Mais ce

découpage enlevait aux Arméniens la majorité dans la quasi-totalité des districts.A la veille de 1914, la situation au nord de la frontière russo-iranienne se

présentait ainsi, d'est en ouest : la plaine de Chirvan ; le Karabagh ; la vallée deHakaru — qui sépare aujourd'hui l'enclave du Nagorny Karabagh de laRépublique arménienne — peuplée de villages kurdes et azéris ; le Zanguezour— le sud du territoire arménien actuel — peuplé de 120 000 musulmans et de101 000 Arméniens 1, et le Nakhitchévan — l'actuelle enclave azerbaïdjanaise —

en république d'Arménie (81 000 musulmans et 54 000 Arméniens 2), tandis quede l'autre côté du fleuve Araxe, en territoire iranien, se trouve le khanat azéride Maku. L'ensemble de ces régions est traversé par l'unique route qui relie Bakuaux hauts plateaux anatoliens et qui sert de couloir de communication entre lespopulations turques de l'Anatolie et du Caucase, tandis que les routes du nordtraversent des territoires géorgiens ou arméniens. Le massif montagneux du

Karabagh, majoritairement peuplé d'Arméniens, est donc le seul obstacle sur cetteroute, tout en constituant un formidable poste d'observation de la plaineazerbaïdjanaise.

Cet axe prendra toute son importance lors de l'aventure panturquiste de laTurquie d'Enver Pacha, qui profite de la révolution russe en 1918 pour tenter deconquérir les territoires peuplés de Turcs. A l'époque, tout en occupant leNakhitchévan, pour avancer vers Tabriz, la grande ville de l'Azerbaïdjan iranien,l'armée turque préfère se frayer un passage par la route du nord, entre

Alexandropol (Leninakan) et Elisavetpol (Kirovabad), plutôt que d'attaquer leZanguezour, solidement défendu. Mais après la chute de Baku, l'armée turqueprend le Karabagh de revers et obtient sa soumission le 8 octobre 1918, troissemaines avant la reddition de la Turquie devant les Alliés.

Les troupes turques évacuent alors le Caucase et sont remplacées par les

Anglais, qui prennent sous leur protection les républiques d'Arménie,d'Azerbaïdjan et de Géorgie qui viennent de se constituer. Profitant de cettecirconstance, et de l'hiver, le Karabagh retrouve une autonomie de fait sous ladirection d'une assemblée arménienne, tandis que les Turcs laissent derrière euxau Nakhitchévan un « gouvernement provisoire de l'Araxe » musulman. LesArméniens du Karabagh demandent alors l'aide de ceux du Zanguezour, mais le

temps que ces derniers puissent réduire la résistance opposée par les villages kurdeset azeris de la bande intermédiaire, les Anglais, poussés par le gouvernementazerbaïdjanais, à l'approche de la transhumance du printemps 1919, attribuent

1. R. G. HOVANNISIAN, The Republic of Armenia, vol. I, Berkeley, 1971.2. ID., ibid.

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HÉRODOTE

le Karabagh aux Azeris et ceux-ci envoient un gouverneur soutenu par lesbaïonnettes britanniques. En même temps les Anglais occupent le Nakhitchévan

pour s'interposer entre l'armée régulière arménienne et les forces locales turques.La progression de l'Armée rouge en Transcaucasie et la naissance du

mouvement national turc en Anatolie remettent en cause cet état des choses audébut de 1920. La nouvelle communauté d'intérêts des Soviétiques et des Turcs,qui s'opposent aux vainqueurs de la guerre mondiale, menace les républiquestranscaucasiennes sous protection britannique, et des envoyés nationalistes turcsen Azerbaïdjan oeuvrent même pour sa soviétisation. Celle-ci ayant été obtenueen avril 1920 un contact turco-soviétique peut s'établir par le Karabagh. Or, ce

territoire, après avoir constitué le dernier réduit de la résistance azérie contrel'Armée rouge, vient d'être occupé par l'Arménie. Aussi, le 10 août 1920, le jourmême où le traité de Sèvres accorde l'Arménie turque à la république arménienne,celle-ci accepte, par un accord, signé à Erivan, l'occupation, «.provisoire» du

Karabagh, du Zanguezour et du Nakhitchévan par l'Armée rouge, afin que lesSoviets puissent ravitailler le mouvement national turc.

En décembre, l'Arménie, vaincue par les Turcs, devient une républiquesoviétique. En félicitant le nouveau régime, Ordjonikidze, commissaire politiquedu Caucase, déclare que le Karabagh, le Zanguezour et le Nakhitchévan lui serontattribués 3. Or, en mars 1921, le parti national arménien Daschnak se révolte.

Vaincu, il se réfugie dans le Zanguezour où il tient jusqu'en juillet. Les montagnesdu Sud risquent ainsi de devenir le réduit du nationalisme arménien. Le Kavburo,la plus haute instance soviétique du Caucase, décide alors d'attribuer lé Karabaghdes montagnes à l'Azerbaïdjan, tout en le dotant d'une large autonomie 4. Le

Zanguezour restera en revanche à l'Arménie, quant au Nakhitchévan, cas sansdoute unique en Union soviétique, son attribution à l'Azerbaïdjan « sans qu'ilpuisse jamais être cédé à un tiers état », ainsi que ses frontières ont été fixées parle traité russo-turc signé à Moscou le 16 mars 1921.

3. S. AFANASYAN, L'Arménie, /'Azerbaïdjan et la Géorgie de l'indépendance à l'instauration du

pouvoir soviétique, 1917-1923, Paris, 1981.4. ID., ibid.

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