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L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang Namtha, 1995-2015 Mémoire Vincent Rolland Maitrise en sciences géographiques Maitre en sciences géographiques (M. Sc. géogr.) Québec, Canada © Vincent Rolland, 2017

L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

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L’intégration des minorités ethniques et des

régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang Namtha, 1995-2015

Mémoire

Vincent Rolland

Maitrise en sciences géographiques

Maitre en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

Québec, Canada

© Vincent Rolland, 2017

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L’intégration des minorités ethniques et des

régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang Namtha, 1995-2015

Mémoire

Vincent Rolland

Sous la direction de :

Steve Déry, directeur de recherche

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ii

Résumé

Depuis le début des années 1980, les changements politico-économiques

organisés par l’État laotien ont remodelé le visage du pays. Ces changements œuvrent

tant pour une plus grande intégration aux marchés économiques internationaux qu’à la

construction nationale du pays. Les conséquences de ces transformations sont

notamment visibles dans le paysage rural et montagnard, comme dans l’évolution des

moyens de subsistance et des modes de vie des populations ethniques minoritaires. Le

développement récent des plantations agro-commerciales contribue, entre autres, à

réorganiser la géographie socioéconomique des provinces du nord du pays, dont celle de

la province de Luang Namtha. Comment les populations locales s’adaptent-elles à ces

transformations rapides ? Quels changements cela implique-t-il ? Cette recherche, qui

emploie une approche multiscalaire, aide à comprendre les rouages de l’intégration et de

l’adaptation locale aux systèmes nationaux et internationaux.

MOTS-CLES : Laos, intégration, monde rural, minorités ethniques, moyens de

subsistance, adaptation.

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iii

Abstract

Since the beginning of the 1980s, the political and economic changes undertaken

by the Laotian State have reshaped the face of the country. These changes work to

foster greater integration into international markets and to further develop the country.

The results of these transformations are noticeable in rural and mountainous landscape

and have influenced the evolution of the ethnic minorities’ livelihoods and lifestyles.

The recent development of agro-commercial plantations has contributed to reorganize

the socio-economical geography of the northern Laotian provinces, including Luang

Namtha. How do local populations adapt to these quick transformations? What changes

do these changes involve? This research, which utilizes a multiscalar approach, helps to

better understand the inner workings of this integration and the local adaptation process

into the national and international systems.

KEYWORDS: Laos, integration, rural world, ethnic minorities, livelihoods, adaptation.

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iv

Table des matières

Résumé ............................................................................................................................. ii

Abstract .......................................................................................................................... iii

Table des matières ......................................................................................................... iv

Liste des tableaux .......................................................................................................... vi

Liste des figures ............................................................................................................ vii

Liste des abréviations .................................................................................................... ix

Remerciements ............................................................................................................... xi

Introduction générale ..................................................................................................... 1

a. Les prémices de la construction du Laos ........................................................... 3

b. Cadre théorique et conceptuel ............................................................................ 6

c. Plan de travail .................................................................................................... 12

Chapitre 1 : État de la construction du Laos ............................................................. 13

1.1 Caractéristiques géographiques et héritage historique d’un pays

pluriethnique ............................................................................................................. 13

1.1.1 Le Laos et l’Asie du Sud-Est continentale .................................................. 13

1.1.2 Tournants politiques : du royaume féodal au communisme libéral ............ 17

1.1.3 De la majorité aux minorités : un pays pluriethnique ................................. 19

1.2 La modernisation nationale et le développement des régions rurales ........ 23

1.2.1 Un développement sous perfusion .............................................................. 24

1.2.2 The Poverty Reduction Plan ....................................................................... 29

1.2.3 De nomades à paysans : la sédentarisation des populations ....................... 33

1.2.4 La prise en charge des forêts ....................................................................... 38

Chapitre 2 : Insertion nationale et provinciale dans le système sud-est asiatique . 43

2.1 Le Laos au cœur d’un réseau international et transnational ...................... 43

2.1.1 L’intégration régionale, des enjeux économiques… .................................. 43

2.1.2 … mais aussi géopolitiques ........................................................................ 50

2.1.3 La sous-région du Grand Mékong .............................................................. 53

2.2 Quelle place pour les régions montagneuses nord laotiennes ? ................... 57

2.2.1 La province de Luang Namtha dans son ensemble montagneux ................ 58

2.2.2 Une région carrefour convoitée .................................................................. 61

Chapitre 3 : L’intégration des régions montagneuses et de la province de Luang

Namtha aux nouveaux systèmes territoriaux et économiques.................................. 70

3.1 Considérations méthodologiques ................................................................... 70

3.1.1 Choix du terrain et populations à l’étude .................................................... 70

3.1.2 Cueillette des données et méthodes d’analyse ............................................ 71

3.2 Changer l’utilisation du sol, les pratiques, et l’information ........................ 73

3.2.1 Le développement des cultures commerciales ............................................ 73

3.2.2 Vulgarisation agricole et apprentissage de nouvelles techniques ............... 78

3.2.3 Transition et dépendance aux moyens de subsistance ................................ 84

3.3 La modernité, espoirs et promesses d’un avenir meilleur ........................... 85

3.4 L’alphabétisation des populations ethniques ................................................ 89

Page 6: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

v

3.5 L’accès aux soins ............................................................................................. 92

Chapitre 4 : Transformations et adaptation des populations à Luang Namtha –

quels impacts sur le budget-temps ? ........................................................................... 97

4.1 Dynamique des systèmes territoriaux et adaptation locale suivant les

époques ...................................................................................................................... 98

4.1.1 La vassalité birmano-siamoise (1780-1893) ............................................... 98

4.1.2 Le protectorat français (1893-1945) ......................................................... 100

4.1.3 Les guerres d’Indochine (1946-1975) ....................................................... 103

4.1.4 Les débuts du régime communiste (1975-1995) ....................................... 105

4.2 La détermination du budget-temps ............................................................. 109

4.2.1 La perception du temps : considérations culturelles et ethniques ............. 109

4.2.2 Analyse des calendriers de la province de Luang Namtha ....................... 110

Chapitre 5 : Processus d’intégration et d’adaptation – Des éléments qui éclosent de

la recherche ................................................................................................................. 123

5.1 L’intégration, un processus qui comporte plusieurs facettes .................... 123

5.2 L’adaptation, oui, mais de quelle manière ? ............................................... 126

Conclusion ................................................................................................................... 130

Bibliographie ............................................................................................................... 134

Annexe 1 : Questionnaire utilisé sur le terrain ........................................................ 154

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vi

Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Évolution et part des IDE, de l’APD, des importations et des exportations

rapportés au PIB du Laos, 1995-2014 (en millions de dollars ÉU et en

pourcentage) ........................................................................................................... 27

Tableau 1.2 : Taux de pauvreté au Laos, selon différentes régions, de 1992-1993 à

2012-2013 (en pourcentages) ................................................................................. 31

Tableau 1.3 : Inégalités au Laos, de 1992-1993 à 2012-2013 (mesurées à l’aide du

Coefficient de Gini) ................................................................................................ 31

Tableau 1.4 : Disponibilités alimentaires au Laos, 1961-2011 ...................................... 34

Tableau 2.1 : Population urbaine dans les provinces au nord du Laos, 1995-2005 (en

nombre d’habitants et en pourcentage de la population totale) .............................. 66

Tableau 3.1 : Investissements agro-industriels à Luang Namtha de 2001 à 2015.......... 74

Tableau 3.2 : Intégration et répartition de l’utilisation du sol dans les districts de Nalae

et de Sing, 2015 (selon les entretiens) .................................................................... 78

Tableau 3.3 : Chiffres sur le secteur de l’éducation dans la province de Luang Namtha,

en 2014 ................................................................................................................... 90

Tableau 4.1 : Récapitulatif des relations entre les populations montagnardes et les

systèmes territoriaux, suivant les périodes, de 1780 à 2015 ................................. 108

Tableau 4.2 : Principaux contrastes entre le régime global (Occidental) et les régimes

locaux (Non occidental)........................................................................................ 109

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vii

Liste des figures

Figure I : La Province de Luang Namtha dans le massif Sud-Est asiatique (Zomia) ...... 2

Figure 1.1 : Le Laos : administration et hydrographie ................................................... 16

Figure 1.2 : Les trois sœurs Lao – Billet de 1000 kip (version émise de 1992 à 2008) . 22

Figure 1.3 : Évolution des IDÉ et des APD rapportés au PIB du Laos, 1995-2014 (en

millions de $ÉU) ..................................................................................................... 28

Figure 1.4 : Évolution de la part des IDÉ, des APD, des importations et des exportations

rapportés au PIB du Laos, 1995-2014 (en pourcentages) ....................................... 28

Figure 2.1 : Projets d’installations hydroélectriques dans le bassin du Mékong en 2010

................................................................................................................................ 48

Figure 2.2 : Anciens et récents réseaux transfrontaliers et transnationaux en Asie du

Sud-Est continentale ............................................................................................... 56

Figure 2.3 : La province de Luang Namtha .................................................................... 59

Figure 2.4 : Poste frontière de Mohan-Boten, district de Namtha, juin 2015 ................ 62

Figure 3.1 : Évolution du nombre de personnes pratiquant une nouvelle culture dans le

district de Nalae, 1995-2015 ................................................................................... 76

Figure 3.2 : Évolution du nombre de personnes pratiquant une nouvelle culture dans le

district de Sing, 1995-2015 ..................................................................................... 76

Figure 3.3 : Récolte du latex dans une plantation d’hévéa à Nalae – Juin 2015 ............ 79

Figure 3.4 : Utilisation d’intrants chimiques sur une parcelle à Muang Sing – Juin 2015

................................................................................................................................ 79

Figure 3.5 : Évolution du nombre de personnes adoptant de nouvelles techniques

agricoles dans le district de Nalae, 1995-2015 ....................................................... 80

Figure 3.6 : Évolution du nombre de personnes adoptant de nouvelles techniques

agricoles dans le district de Sing, 1995-2015 ......................................................... 81

Figure 3.7 : Boutique de revente d’intrants chimiques agricoles à Muang Sing – Juin

2015 ........................................................................................................................ 83

Figure 3.8 : Panneau d’entrée du centre technique agricole de Ban Van – Juillet 2015 83

Figure 3.9 : Récolte de champignons vendue sur le bord de la route à Nalae – Mai 2015

................................................................................................................................ 85

Figure 3.10 : Total cumulé des biens de consommation acquis par 32 participants dans

le district de Nalae, 1995-2015 ............................................................................... 87

Figure 3.11 : Total cumulé des biens de consommation acquis par 28 participants dans

le district de Sing, 1995-2015 ................................................................................. 88

Page 9: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

viii

Figure 3.12 : Total cumulé tous confondus des biens de consommation acquis par les 60

participants dans les districts de Nalae et de Sing, 1995-2015 ............................... 88

Figure 3.13 : Répartition des hôpitaux et des postes de soins dans la province de Luang

Namtha en 2014 ...................................................................................................... 94

Figure 3.14 : Hôpital provincial de Luang Namtha – Juillet 2015 ................................. 96

Figure 4.1 : Auguste Pavie (debout au centre) et Pierre Lefèvre-Pontalis (à sa droite) en

1893 avec des interprètes cambodgien entrainés à l’École Coloniale .................. 103

Figure 4.2 : Calendrier du budget-temps des populations ethniques montagnardes de la

province de Luang Namtha (#1) ........................................................................... 114

Figure 4.3 : Calendrier du budget-temps des populations ethniques montagnardes de la

province de Luang Namtha (#2) ........................................................................... 117

Figure 4.4 : Culture du riz inondé dans la plaine de Muang Sing – Juin 2015 ............ 118

Figure 4.5 : Culture du riz pluvial dans les collines de Muang Sing – Juin 2015 ........ 118

Figure 4.6 : Terrain de pétanque dans le village de Mom, district de Sing – Juin 2015

.............................................................................................................................. 119

Figure 4.7 : Aperçu d’une plantation de bananes, district de Sing – Juin 2015 ........... 119

Figure 4.8 : Une antenne-relais de télécommunication à Luang Namtha – Juillet 2015

.............................................................................................................................. 122

Figure 4.9 : Une vache attachée à une antenne de réception dans le village de Ban Van,

district de Nalae – Juillet 2015 ............................................................................. 122

Figure 5.1 : Territorialisations emboîtées et concurrentielles ...................................... 126

Figure 5.2 : Délimitation d’une propriété dans le village de Mom, district de Sing – Juin

2015 ...................................................................................................................... 129

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ix

Liste des abréviations

APD Aide Publique au Développement

ASEAN Association of Southeast Asian Nations (Association des nations de

l’Asie du Sud-Est)

ASE Asie du Sud-Est

AusAID Australian AID

BAD Banque Asiatique de Développement (Asian Development Bank)

CRSH Conseil de recherche en sciences humaines du Canada

DoF Department of Forestry (RDP Lao)

DoM Department of Mining (RDP Lao)

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food

and Agriculture Organization of the United Nations)

FMI Fonds Monétaire International

GMS Greater Mekong Subregion (Sous-Région du Grand Mékong)

GoL Government of Laos (RDP Lao)

GRL Gouvernement Royal Lao

GTZ Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit

ICEM International Centre for Environmental Management

IDE Investissement Direct Étranger

IRMA Intégration des Régions Montagneuses d’Asie

IWGIA International Work Group for Indigenous Affairs

JICA Japan International Cooperation Agency

LCB Lao Coffee Board

LFAP Land and Forest Allocation Program

LFNC Lao Front for National Construction

LNTA Luang Namtha

MDGs Objectifs du Millénaire pour le Développement (Millenium Development

Goals)

MW Mégawatt

NGPES National Growth and Poverty Eradication Strategy

NME Nouveaux Mécanismes Économiques

NSEC North-South Economic Corridor (Corridor Économique Nord-Sud)

NT2 Nam Theun 2

NTFPs Non-Timber Forest Products (Produits Forestiers Non Ligneux)

NZAID New-Zealand AID

Page 11: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

x

NZE Nouvelle Zone Économique

OECD Organisation for Economic Co-operation and Development

OING Organisation internationale non gouvernementale

OMC Organisation mondiale du commerce (World Trade Organization)

OMS Organisation mondiale de la Santé

ONU Organisation des Nations Unies

PBM Phu Bia Mining

PENH Projet d’écotourisme Nam Ha

PIB Produit Intérieur Brut

PRC People’s Republic of China (République populaire de Chine)

RDPL République démocratique populaire lao

RFD Royal Forestry Department

SWC Swiss Agency for Development and Cooperation

TRP Tropical Rainforest Programme

UICN Union Internationale pour la Conservation de la Nature

UNDP Programme des Nations Unies pour le développement (United Nations

Development Programme)

UNEP Programme des Nations Unies pour l’environnement (United Nations

Environment Programme)

UNFPA Fonds des Nations Unies pour la population (United Nations Population

Fund)

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance (United Nations Children’s

Fund)

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

(United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization)

URSS Union des républiques socialistes soviétiques

UXO Unexploded Ordnance

WCS Wildlife Conservation Society

WFP Programme Alimentaire Mondial (World Food Programme)

WWF World Wildlife Fund

ZNCB Zone Nationale de Conservation de la Biodiversité

Page 12: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

xi

Remerciements

À cet instant où je rédige ces quelques dernières lignes, aboutissement d’un

travail de plus de deux ans et demi, je prends le temps de me retourner et réalise avec

émotion le parcours académique qu’il m’a été possible d’accomplir. Ce parcours, je le

dois d’abord à mes parents et à leur appui inconditionnel, tant sur le plan moral que

financier. Tous les mots du monde ne sauraient suffire pour vous remercier et vous dire

à quel point je vous aime.

Je ne saurais également trop remercier mon directeur d’étude, le professeur

Steve Déry, pour m’avoir offert l’opportunité de progresser dans mon cursus

universitaire et pris sous son aile dès mes premiers jours au Québec. Sa bienveillance

était d’autant plus appréciée qu’avant même d’aborder un projet portant sur la capacité

d’adaptation des populations montagnardes en Asie du Sud-Est, j’ai dû mettre en

pratique ma propre adaptation dans une région du monde que je ne connaissais pas.

Dans ma position d’étudiant, je puis témoigner de ses remarquables compétences, de

son parfait encadrement, de sa permanente disponibilité, de ses encouragements

constants, de la qualité de ses conseils et de son professionnalisme exemplaire quant à la

réussite de mes études supérieures. Ses heures consacrées à la lecture, la relecture, la

correction et l’évaluation de mes travaux sont aussi d’autant plus redevables qu’elles

constituent, comme l’a si bien formulé Romain Vanhooren dans son propre mémoire, il

y a quelques années : « un véritable rempart contre l’erreur et l’imprécision ». Je désire

par ailleurs remercier les autres évaluateurs de ce mémoire : les professeurs Jean

Michaud et Matthew Hatvany.

Je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude au Conseil de Recherche en

Sciences Humaines du Canada pour avoir intégralement financé, via les projets du

professeur Déry, mes deux années de recherche de même que mon séjour de dix

semaines au Laos et, sans quoi, rien n’aurait pu se matérialiser. Ce soutien financier m’a

permis de vivre une expérience humainement et culturellement unique, une expérience

dont je me souviendrai toute ma vie. Ma plus profonde gratitude s’adresse aussi à la

Chaire en développement international de l’Université Laval pour m’avoir honoré du

premier prix de l’édition 2016 du concours de photographies, pour le cliché réalisé à

Muang Sing en juin 2015 (cf. Figure 4.4).

Page 13: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

xii

Je dois aussi de nombreux remerciements à toutes les personnes sur le terrain

qui, par leur aide et leur collaboration, m’ont permis de mener à bien ce projet. Avant

tout, un grand merci à mon collègue et traducteur, Chansouk Vanpheangphan, pour son

dynamisme et sa bonne humeur ; aux professeurs Saithong Phommavong et Somkhith

Bouridam, pour leur encadrement ; à Karen McAllister, pour ses précieux

commentaires ; à tous les fonctionnaires (Khonekeo Bannavong, Soupheang Silorvang,

Vidadeth Khiosomphone, Saichay Leuangsavath, Bountham Inthapasert, Singthong

Phakhounseang, Sounthone Unthala et Virason Dainhansa) pour les informations

gracieusement partagées et le temps accordé ; puis à Karen et Andrej, propriétaires du

Bamboo Lounge Training Restaurant, pour leurs pizzas au feu de bois si réconfortantes

après ces dures journées de terrain.

Finalement, des remerciements s’imposent à tous ceux qui, de près ou de loin,

ont contribué à ce mémoire et enrichi ma vie ces dernières années, au Canada et en

France. À mon amie et collègue Joany Désaulniers, pour avoir partagé avec moi ce dur

labeur qui est aussi le sien ; à mes colocataires, Olivier, Jean-Baptiste et Annick, pour

votre simple présence ; à Kévin, pour ton aide sur ArcMap ; à tous mes amis de

l’Université Laval, pour nos bons souvenirs d’étudiants ; et à mes amis proches,

pourtant si loin physiquement, qui n’avez jamais cessé de croire en moi.

À vous tous, MERCI de m’avoir accompagné durant cette période de ma vie. Je vous en

suis profondément reconnaissant.

Page 14: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

1

Introduction générale

Cette étude a pour cadre général l’Asie du Sud-Est continentale, et de façon plus

spécifique, la province de Luang Namtha, située dans les régions montagneuses du

nord-ouest du Laos. Elle s’intéresse aux minorités ethniques vivant dans cette province,

et concerne des groupes dans le pays et du massif Sud-Est asiatique, vaste étendue de

hautes terres présente dans l’ensemble des pays continentaux de la région : Birmanie,

Cambodge, Chine, Laos, Thaïlande, Vietnam (Figure I). Ce territoire, qualifié plus

récemment sous le nom de Zomia 1 (van Schendel, 2002), s’étend sur quelque 2,5

millions de kilomètres carrés, et abrite des populations qui sont minoritaires dans

chacun de leurs pays respectifs (McKinnon et Michaud, 2000 : 5-7 ; Michaud, 2006 : 2-

5). Ces populations, estimées en 2008 à quelque 100 millions d’individus (Michaud et

Forsyth, 2011 : 3), parlent des centaines de langues issues de cinq familles linguistiques

et sont d’une variété ethnique impressionnante (Michaud, 2006 : 1).

1 Dérivé de zomi, un terme qui désigne les « highlanders in a number of Chin-Mizo-Kuki languages spoken in

Burma, India, and Bangladesh. Linguistics classify these languages as belonging to the very large family of Tibeto-

Burman languages spoken all over Zomia » (van Schendel, 2002 : 653).

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2

Source : Scott, James C. (2009) The Art of Not Being Governed, p.17. (Adaptation par V. Rolland)

Figure I : La Province de Luang Namtha dans le massif Sud-Est asiatique (Zomia)

Province de Luang Namtha

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3

a. Les prémices de la construction du Laos

Les changements politico-économiques opérés par l’État laotien durant les

dernières décennies ont remodelé le visage désormais plus moderne du pays. Malgré

son statut de pays le plus pauvre d’Asie du Sud-Est et des conditions jugées

défavorables – telles qu’une situation enclavée et une succession de guerres durant la

deuxième moitié du 20ème siècle (Devan, 1994) – le Laos parvient à opérer une

métamorphose progressive jusqu’à aujourd’hui. Cette métamorphose va à l’encontre du

pessimisme des perspectives de développement des nations les plus pauvres du monde.

Deux éléments contextuels avantagent le Laos durant les années 1980-1990 : d’une part,

sa proximité géographique à d’autres réformes à succès, telles que celles vécues au

Vietnam ou en Chine et, d’autre part, l’absence de conflits majeurs (Bird et Hill, 2010 :

119). Tandis que le Laos se présente comme un pays ancien, à la fois par la somme de

ses cultures et de ses traditions, sa construction en tant que tel est récente. Ce caractère

récent s’observe aussi bien d’un point de vue temporel que spatial. Chronologiquement,

sa construction débute en avril 1953, au moment de sa relative indépendance à

l’intérieur de l’Union française. Mais ce n’est qu’en 1975 que le gouvernement actuel

obtiendra un contrôle total sur son territoire (De Koninck, 2012 : 88-89). C’est aussi à

partir de cette date que la construction du pays, sur le plan territorial, commence

réellement. Désormais réunifié en 1975, le Laos sera rapidement soumis à une

succession de mesures visant à administrer le territoire. Parmi ces mesures, l’une d’elle

consiste à intégrer les régions montagneuses en marge du territoire national, comme la

province de Luang Namtha, située au nord-ouest. Jusqu’alors, ces régions avaient été

plus négligées par les autorités politiques, car elles étaient plus difficiles d’accès et à

contrôler. Dorénavant, elles font l’objet d’un intérêt plus accentué (Baird, 2011), bien

qu’elles aient déjà été convoitées durant l’occupation coloniale française, notamment

sur les plans agricole et minier (Picard, 1947 : 58-77). Ce changement d’intérêt

s’explique du fait qu’en Asie du Sud-Est, comme dans l’ensemble du monde

décolonisé, l’enjeu primordial demeure la constitution puis la préservation d’une unité

nationale, à partir des cadres créés par la colonisation. Il s’agit donc pour ces nouveaux

États, comme au Vietnam (Déry, 1999), de s’approprier et de consolider leur territoire

afin d’y apporter une cohésion nationale (Cot, 1962 : 4-5). Les populations vivant dans

ces régions montagneuses sont ainsi depuis des siècles restées relativement isolées,

mises à l’écart par la force ou de leur propre chef par les sociétés et les pouvoirs

Page 17: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

4

centraux installés dans les plaines (Michaud, 2000 ; Scott, 2009). Dans le cas du Laos,

la superficie de ces régions « marginales » est considérable puisqu’elle concerne la

« quasi-totalité du Laos au-dessus de la vallée du Mékong » (Michaud, 2006 : 5), à

savoir : le Plateau du Yunnan au nord – qui comprend les frontières avec la Thaïlande,

la Birmanie et la Chine – plus la Chaine Annamitique à l’est jusqu’au Plateau des

Bolovens au sud – qui fait frontière avec le Vietnam.

Aux échelles nationales des pays d’Asie du Sud-Est, le monde rural, et plus

particulièrement les périphéries montagneuses, font l’objet d’une attention particulière

des gouvernements, notamment socialistes – Chine, Laos, Vietnam. Considéré à tort

comme étant marginalisé, « where socio-economic change is slow and people are poor

and resistant to change » (McGee, 2011 : xii), le monde rural est également vu dans

cette période post-deuxième guerre d’Indochine comme le lieu où se concentre

principalement les tensions, hors de portée des pouvoirs centraux (De Koninck, 2011 :

47). Dans un contexte de globalisation de l’Asie du Sud-Est, de modernisation et

d’apparition de nouveaux États modernes, l’absence de contrôle détermine des actions.

Des politiques interventionnistes sont alors mises en places, permettant à la fois aux

États : (i) d’assoir leur légitimité sur leur territoire et de contrôler l’ensemble de la

population (Déry, 2008 : 73 ; Déry, 2014 : 306) ; (ii) de favoriser une transition agraire

(De Koninck et Rousseau, 2012). Au Laos, après quelques années de politiques

procommunistes et de collectivisation des terres, qui n’auront pour conséquence que de

davantage désarticuler le pays (Baird, 2011 : 22-23), l’État laotien fait preuve de

souplesse et permet, au début des années 1980, la réapparition d’une économie de

marché (Taillard, 1983). À partir des années 1990, l’État s’appuie sur des stratégies de

développement rural, grâce à une aide financière internationale, en investissant dans les

infrastructures publiques. Une série de programmes et de réformes sont mis en place et

ont de larges répercussions les années suivantes. La transformation des pratiques

agricoles, le développement des conditions d’accès aux soins et à l’éducation, et la

réduction de la pauvreté rurale, constituent des exemples visant à l’intégration des

minorités ethniques dans les systèmes agricoles et sociaux nationaux, et par

découlement, celle des régions montagneuses. L’intégration est un processus qui se

déroule dans un temps donné, processus qui induit des changements chez les

populations touchées. Elle peut être déclenchée de l’intérieur ou de l’extérieur selon les

cas. À tous les coups, ces changements déclenchent un processus concomitant

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d’adaptation de la part des populations. Pour les montagnes du Laos, la capacité à

s’adapter est d’autant plus mise à l’épreuve que l’intrusion de ces nouvelles politiques

mise en œuvre dans le contexte local est rapide et brutale. En effet, sur une échelle de

temps relativement réduite, les minorités ethniques sont : relocalisées vers les plaines,

contraintes d’assimiler de nouvelles connaissances (agricoles ou autres), confrontées à

l’apprentissage du fonctionnement de nouveaux systèmes d’ordres nationaux et

internationaux, et exposées à de nouveaux enjeux. Ces changements influencent

grandement le quotidien des populations montagnardes (Rigg, 2006a) ainsi que leur

vision du monde extérieur (Ovesen, 2004). Dès lors, il est intéressant de se demander :

Comment les minorités ethniques des régions montagneuses, en particulier celles de la

province de Luang Namtha, se sont-elles adaptées aux projets de modernisation et de

développement économique menés par l’État laotien ? Se sont-elles davantage

retrouvées marginalisées par les projets nationaux et internationaux ? Désirent-elles

même réellement être intégrées à ces projets ? Car pour Scott, jusqu’à la Deuxième

Guerre mondiale, Zomia constituait une « zone-refuge », un « bastion géographique »,

où les populations cherchant à fuir l’expansion de l’État se sont dirigées, ne souhaitant

ni être gouvernées, ni être assimilées : « hill peoples are best understood as runaway,

fugitive, maroon communities who have, over the course of two millennia, been fleeing

the oppressions of state-making projects in the valleys » (2009 : 9). Dès lors, de quelle

manière les États prévoient-ils composer avec ces populations ethniques ?

La rapide modernisation du Laos orchestrée par l’État a progressivement permis

l’intégration des régions montagneuses périphériques. Malgré la distance et la difficulté

d’accès à ces régions, les pouvoirs centraux sont parvenus à appliquer des politiques

spécifiques. Pour autant, ces politiques auxquelles les populations sont contraintes

d’adhérer se sont révélées souvent inappropriées face aux réalités de la vie rurale.

L’hypothèse générale suppose que le processus d’intégration des régions montagneuses

du Laos crée des conditions qui modulent le rythme et la capacité d’adaptation des

populations locales aux transformations socioéconomiques et politiques qui les

affectent, ce qui devient un facteur de différentiation socioéconomique. Ceux qui n’y

parviennent pas se retrouvent marginalisés par la société.

Dans cette veine, l’objectif général de la recherche est justement de contribuer à

la vérification de l’hypothèse selon laquelle l’aptitude à maitriser en un temps restreint

des outils et des connaissances relatifs aux nouveaux systèmes nationaux et

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6

internationaux facilitera le processus d’adaptation. Pour y parvenir, trois objectifs

spécifiques sont visés. Premièrement, il s’agit de dresser un portrait des différentes

interventions locales, nationales et internationales qui contribuent à intégrer les régions

montagneuses du Laos, en utilisant une étude de cas dans la province de Luang Namtha.

Deuxièmement, à l’échelle locale, il s’agira de tracer le portrait et de pondérer les

facteurs qui contribuent à modifier la vitesse du processus d’intégration et celle de

l’adaptation à ce même processus, en s’attardant aux outils de l’État dont la

vulgarisation agricole2, l’éducation et la santé. Troisièmement, à l’échelle du foyer, il

s’agira d’analyser les calendriers de travail et de présenter un portrait du budget-temps,

de la province de Luang Namtha, utilisé pour arriver à maitriser l’énergie et

l’information utiles dans les nouveaux systèmes territoriaux. Ce dernier objectif

s’intéresse plus particulièrement à l’agriculture et à l’économie domestique, distinguant

les genres et les groupes ethniques lorsque possible. Avant de répondre en détail à

chacun de ces objectifs, il est avant tout nécessaire d’éclaircir certains concepts.

b. Cadre théorique et conceptuel

« Un concept n’a pas de définition en soi, c’est un instrument d’intelligibilité »

(Schnapper, 2007 : 20)

Cette étude s’articule sur trois niveaux géographiques principaux, constituant de

la même sorte les concepts fondamentaux de la recherche. Tel que mentionné

précédemment, l’intégration est un processus qui demande du temps. Dans ce

processus, l’État est un acteur central du changement. Il contribue directement ou

indirectement à l’intégration de ses régions périphériques au territoire national afin de

consolider la légitimité de son pouvoir face au concert des nations (Déry, 2008 : 73).

Pourquoi l’État motive-t-il l’intégration ? Comment parvient-il à mobiliser les savoirs et

les compétences nécessaires à l’intégration des populations ? De quelle manière

influence-t-il le rythme ou le degré du changement ? Et dans la même optique, quel est

le rôle joué par certains « filtres » comme l’éducation ou la santé pour améliorer la

capacité individuelle ou collective ? Des réponses à ces questions permettront de mieux

comprendre, quel que soit son action ou son inaction, comment l’État, en tant que filtre,

contribue à articuler le processus d’intégration. L’adaptation des minorités ethniques

2 Beaucoup moins importante au Laos qu’au Vietnam, la vulgarisation agricole est tout de même gardée ici dans

l’analyse justement pour les besoins comparatifs avec le Vietnam, qui dépassent le seul cadre de ce mémoire.

Page 20: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

7

aux transformations socioéconomiques de ce processus sont, d’un point de vue local, un

phénomène qui demande du temps. Quelle est donc la capacité des populations à

s’adapter au processus rapide de modernisation ? Dans quelle mesure seront-elles aptes

à effectuer cette transition par leurs propres moyens ? Et si ce n’est pas le cas, d’où

viennent les savoirs mobilisés pour l’adaptation et quelle est leur durée d’acquisition ?

Comment leur est-il possible de s’adapter à un nouveau système ayant des

caractéristiques qui leur sont au départ inconnues ? Qu’est-ce qui va leur permettre

d’appréhender rapidement et efficacement ces changements ? Ou encore, quels facteurs

contribuent à faire varier d’un individu, femme ou homme, et d’une communauté à

l’autre, la durée de l’adaptation à un changement socioéconomique ? L’objectif est donc

de contribuer à fournir des éléments de réponse à ces questions en examinant quelles

sont les relations entre ces trois variables, au travers d’une étude de cas dans la province

de Luang Namtha.

Au sens le plus strict, l’intégration peut être considérée comme « l’action

d’incorporer un élément dans un autre », terme qui se différencie de l’assimilation, qui

de son côté « renvoie à l’idée de rendre semblable » (Begag, 2003 : 5). Le concept

d’intégration fait d’abord résonner à Durkheim (1893) et à sa théorie du « vouloir-vivre

ensemble » dans les sociétés industrialisées, des sociétés qui ont une division du travail

social forte. Malgré tout, l’objet de son travail n’incluait pas les notions d’espace ou de

territoire telles que conçues en géographie, mais davantage l’espace du point de vue de

la morphologie sociale. Durkheim ne s’intéressait pas à un espace géographique dans

son ensemble mais plutôt aux éléments de l’espace géographique qui lui semblaient

pertinents, à savoir : la densité dynamique et morale, le progrès technologique, et le

volume des sociétés, qui contribuent à l’élaboration de sa théorie (Rhein, 2002 : 196).

Aujourd’hui, l’intégration vue de cette manière est un concept qui s’est actualisé et

décliné dans de nombreuses disciplines, comme en sociologie et en économie.

L’intégration spatiale – celle des frontières et des régions périphériques – est un

processus qui a été étudié à plusieurs échelles, comme le rappelle Déry (2010a) : en

Chine (Lattimore, 1940 ; Perkins, 1969), en Europe (Duby, 1973), aux États-Unis

(Turner, 1963), et en Asie du Sud-Est (Pelzer, 1945 ; De Koninck, 1981 ; Hirsch, 1990).

Selon Brunet, l’intégration, au sens géographique, se définit comme un

« rassemblement d’éléments dans une unité nouvelle, ou incorporation d’un élément à

un corps existant [et qui se] mesure à la relation des lieux, entre eux ou par

Page 21: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

8

l’intermédiaire d’un chef-lieu, […] un espace mal intégré est un espace dont les liens

fonctionnent mal » (Brunet et al, 2009 : 281). Lévy et Lussault illustrent davantage ce

phénomène et parlent de « l’intégration d’une réalité A dans une réalité B lorsque A fait

clairement partie de B mais que B a été modifié par l’entrée de A » (2013 : 561). Au

Laos, ce processus d’intégration s’observe par l’incorporation des régions périphériques

montagneuses dans un système national existant, en construction, pour qu’elles

développent des relations et créent des liens avec l’appareil central.

Par ailleurs, au-delà de la notion d’espace, l’intégration renvoie également à un aspect

humain. Tel que précisé dans l’Encyclopédie Larousse (2016), l’intégration est une

« fusion d’un territoire ou d’une minorité dans l’ensemble national » 3 . Schnapper

soutient cette idée en parlant d’intégration « des populations régionales ou des

marginaux [caractérisée par] la relation des individus ou d’un sous-système à un

système plus large » (2007 : 68-69). Au Laos, les politiques d’intégration, à savoir les

dispositions prises par l’État pour faire appliquer sa volonté politique, visent notamment

les populations ethniques minoritaires issues des régions montagneuses. La finalité de

ces politiques, pour les populations montagnardes, pourraient consister en une

participation « à la société globale par l’activité professionnelle, l’apprentissage des

normes de consommation matérielle, l’adoption de comportements familiaux et

culturels, les échanges avec les autres [et] la participation aux institutions communes »

(ibid, 2007 : 69). Bien qu’intégration et assimilation soient des concepts initialement

différents, l’intégration humaine pourrait être pourtant, dans le contexte laotien,

synonyme d’assimilation des populations minoritaires à une population majoritaire, par

l’abandon progressif de l’identité des premières. Néanmoins, cette intégration est un

processus délicat pour l’État laotien, en particulier lorsque les populations ethniques

minoritaires désirent perpétuer leurs traditions ancestrales et souhaitent préserver leurs

valeurs culturelles et religieuses.

L’adaptation est un concept qui revient dans le vocabulaire de différentes

disciplines et qui s’articule parfois d’une théorie à une autre, au sein d’une même

discipline. Il s’agit donc d’un concept à la fois élastique et polysémique (Taché, 2003 :

16). L’appartenance du concept d’adaptation peut d’abord être attribuée aux sciences

naturelles, en particulier au corpus de la biologie (Head, 2010), dont les travaux de

3 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/int%C3%A9gration/61861

Page 22: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

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Darwin qui portent sur les théories de l’évolution des espèces (Tremblay, 1992 : 6).

L’adaptation pourrait alors être considérée comme « le processus par lequel […] un

système complexe [un organisme vivant] passe d’un niveau d’organisation à un autre

niveau d’organisation, différent du précédent » (Taché, 2003 : 13), définition qu’on

pourrait compléter par un « advancement of reproductive chances » (Santangelo, 2000 :

8).

Après le 19ème siècle, l’adaptation se voit graduellement introduite dans les sciences

humaines (anthropologie, psychologie, sociologie, etc.), lesquelles utilisent ce concept

pour décrire les relations changeantes entre un individu et son environnement, « une

série de réajustements au moyen desquels l’individu tente de maintenir un équilibre »

(Tremblay, 1992 : 2). On parle dès lors d’adaptation humaine. Avec l’étude des êtres

humains, qui appartiennent à une grande variété d’environnements, Haines souligne que

les anthropologues ont divisé « the way people live into five major kinds of

adaptation », à savoir : foraging, horticulture, agriculture, pastoralism, et industrialism

(2005 : 18). Ces cinq manières de vivre (way of living), sont particulièrement

pertinentes quant à l’évolution des modes de vie ruraux au Laos. En effet, dans les cadre

des politiques d’intégration de l’État, les populations ethniques minoritaires doivent

transformer leurs modes de vie et passer directement du foraging/hunting and gathering

à celui d’agriculture, qui suppose « [to] further develop the domestication of plants,

usually specializing in a few crops that respond well to more intensive agriculture »

(ibid, 2005 : 19). Dans ce contexte, l’adaptation humaine pourrait se résumer à des

changements dans un monde en perpétuel mouvement, une adaptation qui « n’implique

pas un état statique dans lequel l’individu se moule une fois pour toutes au monde qui

l’entoure [mais où] la personne “adaptée” change avec les exigences de la vie, qui

changent avec le temps » (Tremblay, 1992 : 1). Cette adaptation requiert aussi pour les

populations montagnardes d’apprendre de nouveaux langages, au sens propre et figuré

(langue, monnaie, commerce, etc.), « comme il est indispensable de mobiliser de

nouvelles énergies [cf. concept de travail] » (Déry, 2010a : 6.4). Selon Head (2010), les

géographes disposent de quatre options pour étudier les phénomènes d’adaptation

(cultural ecology) : « cultures et climat, pratiques quotidiennes, espace-temps à

plusieurs niveaux, nouvelle écologie et relations au-delà-des-humains (more-than-

human) » (Déry, 2010a : 6.2). La présente étude s’intéresse aux deuxième et troisième

champs.

Page 23: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

10

La marginalisation se définit de son côté comme étant le processus qui contribue,

volontairement ou non, à augmenter le degré de marginalité. La marginalisation peut

être considérée comme le résultat d’une non-adaptation, d’un « [non-] ajustement d’un

organisme à son environnement » (Brunet et al, 2009 : 18). Malgré tout, qu’est-ce que

cela signifie d’être marginal ou d’être adapté ? Qu’est-ce qui différencie une personne

marginale d’une personne adaptée ? Est-on nécessairement adapté si on se conforme

aux attentes des autres ? Quatre études s’accordent pour affirmer l’importance de la

prise en compte d’échelles et de systèmes dans la compréhension de la marginalité. Les

processus d’intégration ayant parfois des effets marginalisant, aussi paradoxal que cela

puisse paraitre, l’approche d’une analyse systémique multi-niveaux peut contribuer à

mieux définir ce concept (Déry et al, 2012). Par exemple, l’étude de Déry (2010a) a

démontré que « the globalization, integration and commoditization processes have all

contributed to diminish the power of local people even in the sub-systems close to

them » (Déry et al, 2012 : 10). De ce fait, il serait intéressant non pas de se demander

qu’est-ce qui engendre la marginalité, mais plutôt comment se déroulent les processus

d’intégration ?

La modernisation est un concept incontournable en sciences sociales, politiques

et économiques. Celui-ci fait référence à une étape particulière des transformations

d’une société traditionnelle à une autre, plus moderne (Kosmicki et Pieńkowski, 2013 :

116). Après la Deuxième Guerre mondiale, le niveau d’accomplissement des pays de

l’Europe de l’Ouest, tant sur les plans politique, économique et culturel, est qualifié de

modernisation. Parallèlement, ce même niveau d’accomplissement aux États-Unis

d’Amérique est qualifié d’Occidentalisation. Modernisation et Occidentalisation sont

dès lors utilisées de façon interchangeable pour désigner le processus visant à introduire

une idéologie capitaliste dans les pays africains et asiatiques, dans le but de prévenir les

insurrections communistes (Abid, 2004 : 591). Black décrit les phases de la

modernisation comme « (i) the challenge of modernity to traditional society, (ii) the

consolidation of modernising leadership as traditional leaders decline in significance,

(iii) the transformation of economy and society from rural and agrarian to urban and

industrial, and (iv) the integration of society » (Black, 1966 : 223). Malgré tout, Rigg

rappelle dans le cas du Laos que : « Living conditions in rural areas have remained

largely unchanged for several generations […] particularly in the case of ethnic

minorities » (2005 : 19). Selon Wehling (1991), trois processus de modernisation

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11

peuvent être distingués : la modernisation évolutionnaire (dominante au 20ème siècle et

basée sur l’idée de progrès), la modernisation technocratique, et la modernisation

réfléchie (aussi appelée modernisation écologique). Au Laos, la modernisation tient

davantage de l’évolutionnaire, car elle est synonyme de progrès, ou à tout le moins est

présentée comme telle, mais on y trouve aussi des soubresauts de modernisation

réfléchie, alors que le Laos utilise officiellement les principes du développement

durable.

Enfin, la modernisation, engagée par la transition agraire dans la plupart des pays sud-

est asiatiques, induit un lien intime avec le phénomène de mondialisation qui se

caractérise par une libéralisation des échanges, des flux de capitaux, et la contraction de

l’espace-temps grâce aux nouveaux moyens de communications (Boniface, 2015 : 178).

Cette transition agraire, largement étudiée sur le plan académique, a « fait l’objet de

nombreuses interprétations selon les lieux, les points de vue disciplinaires, et les

échelles auxquelles on se place. [Elle] renvoie à des transformations majeures dans

l’agriculture et/ou de son rôle dans la société qui bouleversent les relations des

hommes à leur milieu » (Castella, 2007 : 9). Concrètement, elle s’illustre par l’évolution

d’une société organisée et structurée autour de l’agriculture vers une société plus

urbanisée, orientée vers les services et l’économie de marché (De Koninck, 2004a :

286). Ceci rejoint l’idée de la troisième phase de la modernisation décrite par Black

(1966). L’agriculture perd ainsi sa fonction motrice dans les dynamiques territoriales

(Rigg, 2006a), même si le part des produits agricoles destinés aux marchés

économiques vient à augmenter.

Finalement, pour ce qui a trait au concept de travail, il s’agit de s’intéresser en

particulier aux liens avec le territoire et le temps. Notre vision du travail se base

essentiellement sur la vision définie par Raffestin et Bresso (1979) dans leur livre

« Travail, espace, pouvoir ». Selon eux, le travail se définit comme « une combinaison

d’énergie et d’information, [un] couple […] complexe, puisque les deux éléments de cet

ensemble sont distincts mais non dissociables », un couple forgé grâce à l’action

conjointe du cerveau et de la main (ibid, 1979 : 8-10). Autrement dit, dans cette

recherche, il s’agit par exemple des efforts mis en œuvre par un individu pour maitriser

les outils et les connaissances relatifs aux nouveaux systèmes nationaux et

internationaux auxquels il doit participer. L’étude du budget-temps peut permettre de

mieux comprendre comment se transforme cet investissement d’énergie et

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d’information, de ce travail, qui devient « l'enjeu d'une compétition, d'une lutte [et

d’une adaptation] qui, au cours du temps, a pris des allures implacables » (ibid, 1979 :

11).

c. Plan de travail

Dans les premier et deuxième chapitres, l’objectif est de dresser un portrait des

différentes interventions qui contribuent à l’intégration des régions montagneuses et de

leurs populations. Tandis que le premier chapitre (État de la construction du Laos)

s’intéresse à l’évolution géo-historico-ethnique du pays et aux politiques

interventionnistes à l’échelle nationale ; le deuxième (Insertion nationale et provinciale

dans le système sud-est asiatique) se penche sur les processus

internationaux/transnationaux, puis provinciaux, qui participent à l’intégration de ces

régions. L’intérêt de ces deux chapitres contextuels réside notamment dans leur

approche spatiotemporelle et multiniveaux. Le troisième chapitre (L’intégration des

régions montagneuses et de la province de Luang Namtha aux nouveaux systèmes

territoriaux et économiques) présente les résultats des enquêtes de terrain suivant quatre

grands thèmes et permet de mettre en lumière les facteurs qui contribuent à l’intégration

des populations locales et leur adaptation à ce même processus. Le quatrième chapitre

(Transformations et adaptation des populations à Luang Namtha – Des impacts sur

l’utilisation du temps ?) propose, d’une part, une rétrospective de l’évolution des

rapports entre les pouvoirs des plaines et les populations montagnardes et analyse,

d’autre part, dans la continuité des résultats des enquêtes de terrain, les calendriers de

travail des paysans de la province de Luang Namtha. Finalement, le cinquième chapitre

(Processus d’intégration et d’adaptation – Des éléments qui éclosent de la recherche)

contribue à faire la synthèse de cette étude et met en lumière des aspects importants des

processus d’intégration et d’adaptation.

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13

Chapitre 1 : État de la construction du Laos

1.1 Caractéristiques géographiques et héritage historique d’un pays

pluriethnique

La construction du Laos s’explique suivant trois aspects intrinsèquement liés, à

savoir : le géographique, l’historique et le démographique, dont un volet ethnique en

particulier. Par ailleurs, s’intéresser à cette construction nécessite de prendre en compte

plusieurs échelles d’analyse, qui varient de l’international au national.

1.1.1 Le Laos et l’Asie du Sud-Est continentale

La République démocratique populaire lao (RDPL), Laos, ou Sathalanalat

Paxathipatai Paxaxon Lao (Figure 1.1), est le seul pays enclavé de l’Asie du Sud-Est. Il

partage ses frontières avec cinq pays : au nord avec la République populaire de Chine, à

l’est avec la République socialiste du Vietnam, au sud avec le Cambodge, à l’ouest avec

la Thaïlande, et au nord-ouest avec la Birmanie. Avec une superficie de territoire de

236!800 kilomètres carrés, modestement plus que l’île de Grande-Bretagne (229 848

kilomètres carrés), le Laos est constitué principalement d’un relief montagneux. Le

point culminant du pays est le Phou Bia (2 817 mètres), situé dans la chaîne

Annamitique (Xai Phou Luang), au nord-est de la province de Vientiane. Ce territoire

montagneux et accidenté est tel que seulement 4 à 6% des terres sont considérées

comme arables (ADB et UNEP, 2004 : 17 ; Banque mondiale, 2016). Plus de 56% du

territoire sont constitués de pentes supérieures à 35% (Pholsena, 2011 : 17) et seulement

10% de l’espace national se trouvent en dessous des 180 mètres d’altitude (Kislenko,

2009 : 1). Cette caractéristique offre ainsi aux populations plus de défis que

d’opportunités sur le plan agricole. Au centre et au sud, là où les pentes sont moins

raides, et les sols plus fertiles et moins acides, la culture du riz inondé devient plus

adaptée. Au nord, avec une élévation moyenne de 500 mètres, la topographie du terrain

est majoritairement escarpée, avec des vallées fluviales étroites, et un potentiel agricole

faible en raison de l’acidité des sols. Beaucoup ont recours à l’agriculture itinérante

pour survivre. Mais, selon certains, la forte dépendance de cette culture extensive à la

distribution des pluies, dû au manque de maitrise de l’eau – à l’inverse de la riziculture

irriguée –, peut représenter un risque pour les populations rurales (Trébuil et Hossain,

2000 : 283).

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14

Dans cette géographie, le fleuve Mékong, « grande artère indochinoise »

(De Koninck, 2012 : 287), est un symbole incontournable du Laos. S’étirant sur plus de

4 350 kilomètres, avec un bassin versant de 795 000 kilomètres carrés et un débit annuel

moyen de 14 700 mètres cubes par seconde à l’embouchure, il s’agit de loin du plus

grand fleuve d’Asie du Sud-Est (ibid, 2012 : 38). Il forme le « principal ensemble

géographique de la zone [et] joue un rôle central depuis longtemps puisqu’il coïncidait

déjà avec les contours de l’ancien empire d’Angkor » (Tertrais, 2014 : 48). Son axe met

en relation l’ensemble des pays de la région continentale, mais constitue aussi une

source de tensions par le potentiel économique et l’immense ressource qu’il représente,

et dont plus de 60 millions d’individus dépendaient au début des années 2000 (ADB et

UNEP, 2004 : 38). Sur la façade ouest du Laos, le Mékong fait office de frontière avec

la Thaïlande. Environ 80% du territoire du pays se trouvent à l’intérieur des limites du

bassin hydrographique du Mékong et près de 34% du bassin inférieur de ce fleuve

relève de la souveraineté laotienne. Bien que le fleuve sillonne le territoire laotien sur

quelque 1 900 kilomètres, il n’aide pas à le désenclaver en raison des nombreux rapides

qui empêchent sa navigation à partir de la mer (De Koninck, 2012 : 289).

S’agissant du couvert végétal du pays, d’après Taillard et Sisouphanthong, la

couverture forestière peut être décrite de deux manières : d’une part, les types de forêts

varient selon l’éventail pluviométrique ; d’autre part, les aires de déforestation varient

selon les régions du pays. Avec des précipitations annuelles moyennes supérieures à

2 200 millimètres, poussent dans les provinces de Vientiane, Borikhamxai et

Khammouan – au Centre – de Champassak, Attapeu et Xekong – au Sud – des forêts

sempervirentes ou mixtes, et dans les provinces de Bokeo et Luang Namtha – au Nord-

Ouest – des forêts décidues. Dans les provinces où les précipitations sont plus faibles,

comme à Houaphan et Phongsali – au Nord-Est – des forêts sèches et des savanes

arborées occupent le territoire (Taillard et Sisouphanthong, 2000 : 20-21).

En 1986, plus de 68% du territoire du Laos étaient couverts par les forêts (McKinnon et

McKinnon, 1986 : 118). Mais en 1992, elles ne couvraient plus que 47% du pays selon

certaines estimations (McKinnon, 1997 : 109). Outre l’évident souci de disponibilité et

de durabilité des ressources forestières, on note des débats dans leurs définitions et leurs

quantifications. Les déboisements réalisés par l’agriculture itinérante entrainent des

transformations visuelles importantes dans le paysage. Mais l’État interprète cette

pratique comme de la déforestation à long terme (Hyakumura et Inoue, 2006).

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15

L’apparition de bambouseraies et de recrus forestiers en sont les principales

caractéristiques. Vanhooren explique que la notion de forêt n’est pas perçue par tous de

la même manière, et les données qui y sont associées ne s’équivalent donc pas

(Vanhooren, 2006 : 53-54). Par exemple, le International Centre for Environmental

Management estime que « 80 percent of Lao is forested but more than half of this area

is extremely degraded and does not constitute forest cover » (ICEM, 2003 : 38). Il est

ainsi difficile de savoir exactement combien il reste de couvert forestier ; mais tous

s’accordent à dire que son recul est incontestable jusqu’aux années 1990 (TRP, 2000 ;

Lagerqvist, 2006 ; Hodgdon, 2006), comme dans le reste de l’Asie du Sud-Est

continentale (Déry et Vanhooren, 2011). De la même manière, on observe un déclin de

la biodiversité et des produits forestiers non ligneux (Duckworth et al, 1999 ; Nooren et

Claridge, 2001 ; WCS et WWF, 2007).

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16

Figure 1.1 : Le Laos : administration et hydrographie

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17

1.1.2 Tournants politiques : du royaume féodal au communisme libéral

La situation territoriale et politique de la RDPL s’explique par un enchaînement

d’évènements qui, à partir du 17ème siècle, ont eu un impact déterminant sur le pays.

Ancien carrefour caravanier du commerce de la soie (Reid, 1999 : 127) et royaume du

« Million d’éléphants », le Lan Xang (Weightman, 2011) a été divisé en 1690 en trois

royaumes – Louangphrabang, Vientiane et Champassak – en raison de guerres de

succession (Dommen, 1995 : 9). Sachant tirer profit de ces discordes, le royaume de

Siam poursuit pendant toute cette période son expansion territoriale au détriment des

Lao. Deux siècles auparavant, les Siamois avaient déjà fermé aux Lao l’accès au delta

du Mékong en prenant le contrôle d’Angkor et d’une partie de l’empire khmer – à

savoir l’actuel Cambodge (Taylor, 1992 : 163). La « marche vers le sud » et la

« tendance quasi généralisée dans la péninsule [d’une] progression méridionale des

capitales vers les basses plaines et les deltas » (De Koninck, 2012 : 281) fut ainsi

arrêtée pour les Lao, confinés depuis à l’intérieur de la région continentale. En 1778, les

Siamois prennent le contrôle de Vientiane et annexent les plaines fluviales de la rive

droite du Mékong, amputant le principal support matériel rizicole, nécessaire au

développement des Lao. De son côté, le royaume de Luang Phrabang privilégie la

neutralité plutôt que le conflit face à l’envahisseur (Dommen, 1995 : 10). Avec la perte

de ses territoires et un rapport de force déséquilibré face aux Siamois, les Lao ne

pourront plus rivaliser, ni rattraper leur retard (Taillard, 1989 : 22-23). Il faudra attendre

l’arrivée des coloniaux français au 19ème siècle pour que l’unité du royaume soit

partiellement restaurée. Le passé du pays explique donc que : « le Laos soit aujourd’hui

le pays le plus montagneux de la péninsule, [sans accès à la mer, et] soit désaxé par

rapport au Mékong. Sa largueur atteint 500 km dans le Nord mais se réduit à 150 km à

la hauteur de Thakhek dans le Centre, ce qui accentue les effets de l’étirement méridien

et rend plus difficile l’intégration territoriale » (Taillard et Sisouphanthong, 2000 : 12).

Après avoir été plus de cinquante ans sous protectorat français (1893-1945), le

Laos traverse trente années de guerres civiles, déchiré entre les régimes communistes et

libéraux. Ces guerres laissent le pays dans un état économiquement et humainement

accablant (Barbier, 1975 ; Devan, 1994). Outre un taux d’inflation supérieur à 100% en

1975 (Chanda, 1982 : 117), les bombardements américains durant la guerre du Vietnam

ont forcé le déplacement de quelque 730 000 personnes au Laos – le quart de la

population de 1973 – et engendré la mort de plus de 200 000 autres (Devillers et al,

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2016). Par ailleurs, entre 1963 et 1975, près de 414 000 personnes ont aussi fui à

l’étranger (ibid, 2016). Durant ces années de guerre, le pays s’est replié sur lui-même et

est demeuré en marge, malgré l’aide internationale (Phraxayavong, 2009). À la suite de

l’abdication du Roi Savang Vatthana et de l’arrivée au pouvoir du Pathet Lao (« le pays

lao ») en 1975, le gouvernement communiste se retrouve aux commandes de l’un des

dix pays les plus pauvres au monde (Pholsena, 2011 : 68-70). C’est dans ces conditions

que la RDPL débute sa difficile construction nationale.

À partir de 1975, l’État laotien s’efforce de répondre aux priorités du pays : assurer

d’une part la sécurité alimentaire (Fullbrook, 2010 : 7) d’une population dont le taux de

croissance est alors estimé à environ 2% par année (Banque mondiale, 2016), et

remédier d’autre part à un endettement chronique (Fry, 2008 : 786). Par ailleurs, les

processus de réunification territoriale et de transition politique s’accompagnent

rapidement d’une fermeture temporaire de la frontière thaïlandaise et d’un arrêt brutal

de l’aide économique américaine. Les États-Unis avaient injecté entre 1955 et 1975

environ 50 millions de dollars par an (Evans, 1988 : 8), soit près de 875 millions de

dollars en vingt ans (Phraxayavong, 2009 : 104). Face aux difficultés économiques

rencontrées, et étant donnée l’orientation idéologique du nouveau régime, la

collectivisation des terres et des biens (Bouté et Pholsena, 2012) apparaît comme la

seule solution pour surmonter la crise. Par ces changements politiques et économiques,

le régime cherche autant à restructurer la société en profondeur qu’à effacer son héritage

historique, encore symboliquement ancré dans l’ancienne monarchie (Pholsena, 2011).

Mais cette première phase de gestion socialiste du système économique menée par les

autorités n’aura pour conséquence que d’aggraver un bilan d’ores et déjà désastreux, ne

permettant pas par la suite d’aboutir aux objectifs espérés (Devillers et al, 2016).

L’échec de la collectivisation est alors essentiellement causé par une économie

nationale fractionnée, décrite par Kaysone Phomvihane, président de l’époque de la

RPDL, comme une combinaison de « central economy and local economies » (Heenan

et Lamontagne, 2001 : 147). De plus, la structure méridienne du pays ne privilégie pas

une gestion territoriale centralisée (Taillard et Sisouphanthong, 2000 : 13). Ainsi, après

dix années de politiques procommunistes, les autorités laotiennes adoptent des réformes

de grande envergure (Bourdet, 1992a), dans un climat où l’éventuelle chute du bloc

soviétique, marquant la fin de la Guerre froide (Brown, 1993), invite le pays dans une

nouvelle ère économique basée sur le modèle néo-capitaliste (Devan, 1994). En 1986, le

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19

IVème congrès du Parti communiste marque le début de la transition du pays vers une

économie de marché encadrée et ouverte au commerce international, connue sous le

nom de chin thanakaan mai (« new thinking »), ou Nouveau Mécanisme Économique

(NME). Le Laos emprunte finalement la voie du développement économique (Rigg,

1995a). Cette réforme ne se manifeste pas de manière isolée puisque, la même année, le

gouvernement vietnamien lance sa politique du Doi Moi, ou politique du renouveau

(Pholsena et Banomyong, 2006 : 26). Mais, comme en Chine et au Vietnam, la

libéralisation économique au Laos ne s’est pas accompagnée par « an equivalent

political liberalization and democratization », car le Parti communiste maintient le

monopole de son pouvoir politique (Fry, 2008 : 788), ce que Stuart-Fox décrit aussi

comme une « perestroïka without glasnost » (1991 : 5). Cette libéralisation

économique, très étudiée sur le plan académique (Bourdet, 1992b ; St John, 2006 ;

Rigg, 2009 ; Baird, 2011), passe notamment par l’augmentation de l’autonomie

financière et administrative des autorités provinciales, la suppression des subventions et

du contrôle étatique sur la plupart des biens et services, l’adoption d’un taux de change

officiel lié aux marchés, et la libéralisation des régulations sur les échanges extérieurs et

les investissements étrangers (Bird et Hill, 2010 : 119). Comme décrites par Kaysone

Phomvihane, les réformes du NME permettront de passer de « economic operations

which are based on wishful thinking and administrative orders from top levels » à un

« socialist economic accounting ». Ce nouveau système fait ainsi appel à l’autogestion

et à la responsabilité des entreprises nationales comme étrangères (St-John, 2006 : 181).

Entre 1989 et 1992, le PIB hausse en moyenne de 7% par année, l’inflation passe de

76% à approximativement 7%, et le taux de change se stabilise sur les marchés (Devan,

1994 : 45-46). En somme, l’économie laotienne connait à partir des années 1990 de

bonnes performances qui favorisent le développement du pays (Pholsena, 2011 : 129),

et cela, malgré la crise financière et économique de 1997, car le pays n’était encore que

très peu branché sur le marché mondial. L’arrivée au pouvoir du nouveau régime et les

enjeux économiques de l’époque ont mené le Laos à subir de profondes transformations,

également visibles dans la classification ethnique de la population du pays.

1.1.3 De la majorité aux minorités : un pays pluriethnique

Avec une population évaluée en 2014 à 6 689 300 individus et une densité

moyenne de 29 habitants par kilomètre carré (Banque mondiale, 2016), le Laos

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représente un « véritable creux démographique dans la péninsule indochinoise » (De

Koninck, 2012 : 280). On peut dire ainsi, par comparaison, que la population totale du

Laos est équivalente à la population d’une préfecture chinoise4. Le premier tiers de la

population se concentre dans la vallée du Mékong, principalement dans quatre villes :

Vientiane, Luang Prabang, Savannakhet et Pakse (Kislenko, 2009 : 5). Un autre tiers vit

le long de rivières comme la Nam Ou, la Set Don et la Nam Seuang (Evans, 2002 : 20-

24). Mais ce faible poids démographique n’exclut pas pour autant une grande diversité

ethnolinguistique et culturelle, décrite par Ovesen comme « the outcome of historical

migrations and colonization over centuries » (2004 : 215). La question du nombre de

groupes ethniques (sonphao en laotien) présents au Laos a été fréquemment débattue,

depuis plusieurs décennies.

Au cours des années 1950, après l’indépendance du gouvernement royal lao (GRL) en

1953, la classification de la population s’est construite selon trois grandes catégories

géo-ethniques ayant pour référence l’altitude de l’habitat : Lao Loum, Lao Theung, Lao

Soung, respectivement, les Lao qui vivent dans les plaines, sur les pentes des

montagnes, et sur les cimes des montagnes (Pholsena, 2009 : 65). Cette tri-classification

en « Lao » – d’ordre politique plutôt que culturelle – avait alors pour but de souligner

que tous les groupes ethniques du Laos étaient premièrement des Laotiens, ce qui

signifie des citoyens du Laos (Michaud, 2006 : 135). L’initiative de cette classification

résulte principalement du fait qu’à cette époque « there is developing awareness in the

government of its responsibilities toward the hill people » (Osborn, 1967 : 270). En

1975, lorsque la RDPL est proclamée, le gouvernement doit faire face à des situations

complexes et souvent périlleuses pour l’avenir du pays. Soucieux de préserver son unité

territoriale et d’éviter une implosion sociale face aux divisions ethniques, le

gouvernement prône l’unité du peuple (Ireson et Ireson, 1991 : 926) avec des discours

sur l’égalité entre les ethnies et la reconnaissance d’une diversité (Pholsena, 2009 : 67).

Mais, conformément aux valeurs idéologiques du régime, cette unité se traduit aussi par

la création du New Socialist Man, la référence identitaire à laquelle la population doit se

conformer (Doré, 1982 ; Daviau, 2011). Ainsi, l’identité Lao-Tai est activement promue

comme la norme culturelle qui permettra d’unifier les différentes ethnies de la nation –

sonsaat en laotien (Michaud, 2009 : 33). Dans ses écrits sur le problème national et

4 Pour reprendre une comparaison pédagogique faite par Jean Michaud, anthropologue à l’Université Laval, qui

compare la population du Laos à celle d’une province vietnamienne et celle du Vietnam à une province chinoise ;

donc, celle du Laos à une préfecture chinoise.

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ethnique, le président Phomvihane (1981) reprend les fondements staliniens de la nation

(нация/natsiya en russe), définie comme : « a historically evolved, stable community of

people, language, territory, economic life, and psychological make-up manifested in a

community of culture » (Staline, 1936 : 5-8). Se basant sur ces cinq caractéristiques, la

stratégie de l’État laotien consiste donc, d’une part, à unifier sa population, mais

également, d’autre part, à la contrôler : « Lénine lui-même affirmait qu’une période

‘d’égalité nationale’ et de ‘floraison des nations’ était nécessaire afin de dissiper les

antagonismes et les haines entre les communautés. […] La concession accordée aux

identités nationales et ethniques n’était en somme qu’une étape vers l’assimilation que

Lénine jugeait progressive et inéluctable » (Pholsena, 2009 : 67-68). La question

ethnique, en particulier celle attachée aux ethnies minoritaires, fait donc l’objet de

constructions idéologiques nationales (Formoso, 2006) et cette logique d’assimilation

est également à l’œuvre en Chine (Keyes, 2002 ; Tapp, 2002) et au Vietnam (Michaud,

2000 ; Pelley, 2002).

Au début des années 1980, le gouvernement laotien s’attèle à une nouvelle

organisation de la diversité et abandonne la tri-classification, jugée par Phomvihane

comme devenue inadéquate. En plus de répondre à des impératifs politiques et

idéologiques, le recensement du gouvernement a pour objectif d’échapper à un

émiettement de la population et de restreindre la liste des noms, établie au cours des

années 1960 à quelque 200 (Pholsena, 2009 : 69), puis ramenée à 68 en 1972

(Goudineau, 2000 : 22). Pour le recensement de 1995, 47 groupes sont retenus. Mais en

2005, le Lao Front for National Construction (LFNC) réajuste la liste et recense 49

groupes, dont plus de 160 sous-groupes ethniques (GoL, 2006a : 3 ; McAllister, 2013 :

169). L’Assemblée nationale reconnaîtra officiellement cette liste en novembre 2008.

Cette décision se base sur deux piliers staliniens, la langue et la culture, plus la prise en

compte des origines historiques des groupes de peuplement (Allen, 2006 : 316-317). La

tri-classification en « Lao » n’est donc plus utilisée aujourd’hui, mais demeure en tant

que symbole, sous l’apparence des trois sœurs Lao, comme sur les billets de banque de

1000 kips (Figure 1.2). Ces 49 groupes (Erni, 2014 : 305) se répartissent dans cinq

familles ethnolinguistiques5 : les Lao-Tai – ou Tai-Kadai – (66,2% de la population

5 Le gouvernement laotien (GoL) présente pour sa part une classification en quatre grandes familles

ethnolinguistiques, classification à laquelle se fie l’ONU (UNDP) : Lao-Tai (64,9%), Mon-Khmer (23,5%), Hmong-

Mien (8,7%), et Sino-Tibétains (GoL et UNDP, 2009 : 42). Compte tenu de l’évolution démographique du pays, en

particulier dans le nord et dans la province de Luang Namtha, il convient plutôt de s’aligner sur la classification de

Michaud que sur celle du gouvernement laotien.

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totale), les Mon-Khmer (22,7%), les Hmong-Yao (7,4%), les Tibéto-Birmans (2,9%) et

les Ho (environ 8 900, soit moins de 1%) (Michaud, 2006 : 137). Ce recensement

ethnique constitue par ailleurs un outil administratif fort utile pour l’État, répondant à

une double stratégie politique. D’une part, la classification des ethnies minoritaires

permet à l’État d’obtenir « security, control and taxation » (Michaud, 2009 : 36) sur les

populations à l’intérieur de ses frontières nationales (Keyes, 2002), conditions vues

comme nécessaires au sein du régime socialiste. D’autre part, comme l’explique

Pholsena, l’élaboration de la liste des ethnonymes, qui sert de grille de référence lors

des recensements, a permis à l’ethnie Lao de franchir la ligne symbolique des 50%. Car,

sur le plan numérique, cette ethnie est en réalité minoritaire. Entre les recensements de

1985 et 2005, l’ethnie lao, i.e. de langue et de culture lao, a atteint 54,6%, la plaçant non

seulement en première place des groupes les plus nombreux, mais aussi en position de

majorité face aux autres groupes ethniques. Dès lors, « à partir du moment où le nom

existe officiellement et devient invariable, son usage s’impose à terme et légitime

l’existence du groupe » (Pholsena, 2011 : 94). À l’inverse, en Chine, au Vietnam et en

Thaïlande, pays qui comptent aussi de nombreuses minorités ethniques, les Han, les

Kinh, et les Siamois sont indiscutablement majoritaires (Goudineau, 2000 ; Evrard et

Goudineau, 2004). Au Laos, la plus grande diversité représente ainsi un défi pour le

gouvernement, tant pour sa stabilité politique que pour la construction de la nation

(Ovesen, 2004).

Figure 1.2 : Les trois sœurs Lao – Billet de 1000 kip

(version émise de 1992 à 2008)

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23

On peut noter qu’en 1991, les principes d’unité et d’égalité ethnique sont inscrits dans la

Constitution laotienne, puis, un an plus tard, le gouvernement établit une politique

visant à réduire la pauvreté et les inégalités parmi les différents groupes ethniques

(GoL, 1992). Cette politique se matérialise par exemple, depuis 2009, lorsque le pays

fête la International Day of the World’s Indigenous Peoples (IWGIA, 2010 : 380).

L’État marque donc sa volonté pour une meilleure justice sociale. Mais ses efforts ne se

sont pas encore montrés pleinement bénéfiques, en particulier pour l’équilibre ethnique

et la représentation des groupes au sein du système gouvernemental (Stuart-Fox, 2005).

Rigg résume ce constat en précisant que : « minorities are thinly represented in

government, have significantly worse health and education profiles than the Lao, and

are de facto if not de jure socially, politically and economically excluded » (2005 : 67).

Dans ce contexte, la situation des minorités ethniques tend à demeurer inégalitaire face

à la majorité Lao, de même que leurs moyens pour contester le régime paraissent limités

(Scott, 1985 ; Lestrelin, 2011).

Depuis sa proclamation en 1975, le gouvernement laotien a adopté une série de

mesures visant à la construction du pays. La reclassification ethnique de la population

constitue un exemple remarquable. Il est néanmoins important d’ajouter que cette

construction nationale s’est réalisée de paire avec la modernisation du pays et le

développement des régions rurales.

1.2 La modernisation nationale et le développement des régions rurales

Après une première période de gestion socialiste désastreuse de 1976 à 1985, le

Laos est contraint d’opérer des réformes majeures à partir de 1986. L’échec du

programme de collectivisation, la dégradation de la situation socioéconomique et

l’endettement chronique envers les pays du bloc soviétique imposent au Laos de faire

une transition « from a centrally planned economy to a market-oriented system » (Than

et Tan, 1996 : 9). Cette transition est d’autant plus encouragée par la sphère

internationale que la pression exercée par la demande croissante des marchés, la prise

de conscience environnementale et les objectifs de réduction de la pauvreté mondiale, se

font sentir au Laos comme dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. Cette ouverture au

reste du monde permet notamment à l’État d’introduire une série de programmes et de

réformes, grâce à une aide au développement internationale (1.2.1). La lutte contre la

pauvreté (1.2.2), la transformation des pratiques agricoles (1.2.3) et la protection de

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24

l’environnement (1.2.4) constituent des exemples substantiels visant à intégrer les

minorités ethniques et, par la même occasion, les régions montagneuses.

1.2.1 Un développement sous perfusion6

Depuis le début des années 1950, époque où le Laos acquiert son indépendance à

l’endroit de la France coloniale, le pays demeure sous une assistance économique

internationale. Selon les périodes et les évènements historiques, les raisons et l’origine

de ces aides ont varié. Phraxayavong identifie quatre grandes périodes qui s’étendent de

1950 jusqu’à 2005. D’abord, de 1950 à 1954, avec la fin de la Première Guerre

d’Indochine, le Laos dépend lourdement des aides économiques et militaires, accordées

par la France et les États-Unis d’Amérique. Ces aides assurent notamment la continuité

des administrations et des ministères, toujours sous contrôle des Français. De 1955 à

1975, les États-Unis d’Amérique sont engagés dans la guerre du Vietnam. Pour lutter

contre les insurrections communistes dans la région, dont celles au Laos, le

gouvernement américain fournit au régime royaliste laotien des aides conséquentes,

même si davantage militaires qu’économiques. De 1976 à 1985, l’arrivée au pouvoir du

Pathet Lao permet au pays de bénéficier d’une aide au développement distribuée par les

pays du bloc soviétique (URSS, Chine et Vietnam), principalement pour permettre la

survie du régime, alors que se tarit complètement la source étatsunienne. Enfin, de 1986

à 2005, à la suite des réformes économiques et de l’ouverture au marché international,

le Laos bénéficie à la fois d’aides bilatérales (agences nationales de développement),

d’aides multilatérales (Nations Unies, Banque mondiale, Banque asiatique de

développement, etc.), d’investissements privés, et d’assistances d’organisations

internationales non gouvernementales (OING), qui permettent de développer et de

moderniser le pays (Phraxayavong, 2009 : 5-7).

Grâce à l’adoption des Nouveaux Mécanismes Économiques en 1986, l’économie

laotienne réalise globalement de bonnes performances et se modernise pas à pas. Pour

autant, elle ne parvient pas à réduire ses déficits budgétaires (9,8% du PIB en 20147) et

commerciaux (en moyenne 408 millions de dollars par an depuis 20008). Ainsi, afin de

poursuivre le développement du pays, « le gouvernement a constamment recours à

6 Selon l’expression par le professeur Steve Déry dans ses enseignements sur l’Asie du Sud-Est, alrs qu’il décrit le

Laos comme un pays « sous perfusion ». 7 Data Banque mondiale, 2016 8 Data Banque asiatique de développement, « Key Indicators 2015: Lao PDR ».

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l’aide internationale » (Pholsena, 2011 : 144). L’évolution et la part des investissements

directs étrangers (IDÉ) et de l’aide publique au développement (APD), dans le produit

intérieur brut (PIB) du pays, depuis 1995, apparaissent dans le Tableau 1.1 et les

Figures 1.3 et 1.4.

On constate que depuis la deuxième moitié des années 1990, la somme des aides

publiques au développement est demeurée importante, pouvant parfois atteindre plus de

20% du PIB laotien, comme en 1998 et en 1999. Bien que le PIB ait nettement

augmenté à partir du début des années 2000, et que la part des APD dans le PIB ait

diminué, les sommes accordées au Laos n’en sont pas moins demeurées constantes,

voire en hausse depuis 2005 (plus de 495 millions de dollars en 2008). Parallèlement,

les investissements directs étrangers ont été multipliés par sept entre 1995 et 2014

malgré une chute entre 1998 et 2005, principalement à cause du choc de la crise

financière asiatique (St John, 2006 : 183-185). Ainsi, la somme totale des APD et des

IDÉ est passée d’environ 402 millions de dollars en 1995 à plus de 1136 millions de

dollars en 2014, soit presque le triple en vingt ans. Parmi les aides bilatérales, deux

groupes de pays peuvent être distingués. Le premier comprend les pays voisins du Laos

et de la région, principaux contributeurs des aides versées, respectivement, le Japon

(15,4%), la Chine (8,4%), la Corée du Sud (7,3%), la Thaïlande (6,5%) et le Vietnam

(3,9%) (GoL, 2014a). Le deuxième rassemble plusieurs pays occidentaux comme les

États-Unis d’Amérique, l’Allemagne, la France, l’Australie, la Suède, le Danemark, la

Finlande et la Norvège. Comme l’explique Phraxayavong, l’aide au développement est

venue de nombreux pays, et a répondu à une variété de projets dans des domaines tous

plus prioritaires les uns que les autres : éducation, santé, réduction de la pauvreté,

agriculture, irrigation, environnement, développement rural, transports, énergie,

commerce, infrastructures publiques, etc. Pour autant, tous les pays ne se sont pas

concentrés sur les mêmes projets, investissant dans des domaines prioritaires pour eux-

mêmes. La Thaïlande, par exemple, s’est davantage investie dans le développement des

infrastructures publiques, de l’énergie et des transports, dont elle bénéficie directement ;

tandis que les États-Unis ont financé des projets, visant au déminage des régions rurales

touchées par la guerre du Vietnam – pour chercher et trouver les Unexploded Ordnance

(UXO) – et à la réduction de la pauvreté et du narcotrafic (Phraxayavong, 2009 : 182-

208). Parmi les aides multilatérales, les institutions financières – Fonds monétaire

international, Banque mondiale et Banque asiatique de développement –, les

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26

nombreuses agences et programmes des Nations Unies – FAO, UNEP, UNESCO,

UNFPA, UNICEF, WFP9, etc. – et l’Union Européenne, ont joué un rôle substantiel

dans l’assistance du Laos, qui a pour certains commencé dès la fin des années 1950

(ibid, 2009 : 209-228). Jusqu’au début des années 2000, la communauté internationale

couvrait plus de 80% des dépenses de projets pour le développement du Laos (Bourdet,

2002 : 108).

Paradoxalement, alors que le Laos n’a jamais reçu autant d’aides qu’aujourd’hui,

celles-ci ont créé « une véritable dépendance » (Pholsena, 2011 : 144) et entrainé des

bureaucrates, des militaires et des membres du parti communiste à tirer profit « of aid

projects to enrich themselves and empower the party » (Phraxayavong, 2009 : 209).

Foreign aid is like a drug. You want more and more of it because it makes

development much easier for you. Instead of putting up your own money for

building roads and repairing them, you get rich foreigners to do it for you.

There are also kickbacks and all kinds of other benefits. It is the easy way

out in economic development. Now what should a poor country like Laos

do? They should be modest and have some clear priorities. But most opt for

foreign aid, as it seems to promise everything at the same time (Evans,

2003).

En plus de cette dépendance, le pays souffre de faiblesses structurelles dans sa finance

et son économie – manque de contrôle aux frontières, hausse de la contrebande,

inefficience des taxes commerciales, corruption, etc. – qui défient, d’une part, la

capacité de l’État laotien à faire « régner l’ordre et la sécurité sur leur territoire » et

contraignent, d’autre part, « d’exploiter pleinement l’ouverture des frontières »

(Pholsena, 2011 : 145-146). Malgré tout, grâce à son ouverture à l’international et aux

nombreux investissements qui viennent moderniser le pays, le Laos devrait

progressivement pouvoir réduire sa dépendance envers l’aide étrangère. Pour y

parvenir, une nouvelle approche politique serait requise, impliquant une meilleure

gouvernance de l’État et plus de transparence à l’échelle des projets (Bourdet, 2000 :

80). Ces changements aideraient, entres autres, le Laos à sortir de la liste des pays les

moins avancés (PMA) avant 2020, même si cet objectif « while admirable, is totally

unrealistic » selon certains (St John, 2006 : 188).

9 Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Programme des Nations Unies pour

l’environnement (UNEP), Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO),

Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF),

Programme Alimentaire Mondial (WFP).

Page 40: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

27

Tableau 1.1 : Évolution et part des IDÉ, de l’APD, des importations et des exportations rapportés au PIB du Laos, 1995-2014

(en millions de dollars ÉU et en pourcentage)

Source : Data Banque mondiale, 2016

Page 41: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

28

Source : Data Banque mondiale, 2016

Figure 1.3 : Évolution des IDÉ et des APD rapportés au PIB du Laos, 1995-2014

(en millions de $ÉU)

Source : Data Banque mondiale, 2016

Figure 1.4 : Évolution de la part des IDÉ, des APD, des importations et des

exportations rapportés au PIB du Laos, 1995-2014 (en pourcentages)

Page 42: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

29

1.2.2 The Poverty Reduction Plan

Initié en 2004, le National Growth and Poverty Eradication Strategy (NGPES)

s’inscrit dans la continuité des objectifs de développement définis lors du VIIème

congrès du Parti communiste en 2001 (Daviau, 2011 : 54). Ce plan – soutenu par le FMI

et la Banque mondiale – œuvre principalement pour sortir le Laos de la liste des pays

les moins avancés avant 2020, par une croissance économique et un recul durables de la

pauvreté. Selon le document officiel, le cadre opérationnel du NGPES s’appuie sur :

« four main sectors » – l’agriculture/foresterie, l’éducation, la santé et les infrastructures

publiques –« various supporting sectors » – l’énergie et l’électrification des régions

rurales, l’agroforesterie, le tourisme, l’industrie minière et les industries de construction

–, « cross sector priorities » – l’environnement, les questions de genre, l’information, la

culture et la sécurité sociale –, et « three poverty related national programmes » – le

National Drug Control programme, le UXO Decontamination programme et le

National Action Plan for HIV/AIDS/STD (GoL, 2004 : 7). Les caractéristiques du cadre

opérationnel doivent donc, non seulement, assurer la réussite du plan, mais aussi,

réduire durablement le taux de pauvreté du pays. La notion de pauvreté pouvant varier

selon les contextes (Rigg, 2003 : 144 ; Cavallo, 2008 : 23), elle a été l’objet d’une

définition précise du Premier ministre de l’époque comme : « the lack of ability to fulfill

basic human needs such as not having enough food [less than 2,100 calories per

day/capita]10, lacking adequate clothing, not having permanent housing, and lacking

access to health, education and transportation services » (Instruction N°010/PM, June

25, 2001). Avant l’adoption de cette définition précise par l’État laotien en 2001,

« poverty – officially – did not exist in Laos » (Rigg, 2009 : 709). Par ailleurs, le terme

officiel employé pour désigner la pauvreté est celui de thuk nyak, littéralement :

« suffering + difficult » (Chamberlain et Phomsombath, 2002 : 62). Ce constat met ainsi

en lumière comment l’État aborde avec prudence la question de la pauvreté.

Thuk is the Buddhist term for suffering and […] is closer to mental than to

physical suffering. […] At one level, we can interpret this choice of words

as an attempt to separate the production of poverty in Laos from the

operation of the market, making poverty a ‘natural’ state of affairs

connected with the Buddhist metaphysics rather than government policy.

What it also does, however, is separate poverty in Laos from poverty in

Thailand, emphasising the fact that Laos is different (Rigg, 2009 : 710).

10 Seuil déterminé par l’Organisation mondiale de la Santé (WHO) comme le besoin minimum par jour par personne.

Page 43: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

30

Plusieurs critères ont été développés pour identifier la pauvreté selon différentes

échelles : foyer, village et district. Est considéré comme un « foyer pauvre » par l’État

laotien un foyer où les membres combinent un revenu inférieur à 100 000LAK (13$ÉU)

en milieu urbain et 82 000LAK (11$ÉU) en milieu rural, par personne par mois (taux de

change de 2001). Sont considérés comme des « villages pauvres » tous les villages

n’ayant pas : d’école (ou d’accès à une école dans un village proche), de centre de soin

(ou a plus de six heures à pied d’un centre de soin), d’approvisionnement en eau,

d’accès à une route pouvant être utilisée toute l’année (‘four season road’) et

comprenant plus de 51% de foyers pauvres. Enfin, est considéré comme un « district

pauvre » un district avec : plus de 51% de villages pauvres, plus de 40% de villages

sans école, plus de 40% de villages sans centre de soin, plus de 40% de villages sans

approvisionnement en eau, et plus de 60% de villages sans accès à une route (GoL,

2004 : 30-31).

Entre 1993 et 2013, le taux de pauvreté au Laos – sur la base du nombre de villages

pauvres – a considérablement diminué à l’échelle nationale, passant respectivement de

46% à 23,2% (Warr et al, 2015 : 16), ce qui a permis d’atteindre les Objectifs du

Millénaire pour le Développement (MDGs) en passant sous la barre des 25% de

pauvreté (OECD, 2013). L’évolution du taux de pauvreté entre 1993 et 2013 au Laos est

résumée ci-après, d’une part, entre les zones urbaines et rurales, et d’autre part, entre les

régions du pays (Tableau 1.2). Jusqu’à la fin des années 2010, la région du nord du Laos

– incluant les provinces d’Oudomxay, de Luang Namtha, de Huaphanh, de Phongsaly,

de Luang Phrabang, de Xayaboury et de Bokeo – était la plus pauvre. D’après l’étude de

Kakwani et al, cinq provinces sur les dix-huit du pays avaient un taux de pauvreté

supérieur à 50% en 1998. Parmi ces cinq provinces, quatre se situaient dans la région du

nord, à savoir Huaphanh (74,6%), Oudomxay (73,2%), Phongsaly (64,2%) et Luang

Namtha (57,5%) (2001 : 9-10).

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31

Tableau 1.2 : Taux de pauvreté au Laos, selon différentes régions,

de 1992-1993 à 2012-2013 (en pourcentages)

1992-1993 1997-1998 2002-2003 2007-2008 2012-2013

Rural 51,8 42,5 37,6 31,7 28,6

Urbain 26,5 22,1 19,7 17,4 10

Vientiane 33,6 13,5 16,7 15,2 5,9

Nord 51,6 47,3 37,9 32,5 25,8

Centre 45 39,4 35,4 29,8 23,3

Sud 45,7 39,8 32,6 22,8 29,2

National 46 39,1 33,5 27,6 23,2

Source : Richter (2004) ; Warr et al. (2015), Data du Lao Statistics Bureau

Cette pauvreté, plus prononcée dans le nord, s’explique par l’isolement de ces régions

montagneuses, le manque d’infrastructures et de services publiques, les problèmes de

déforestation et de dégradation des terres, les périodes de pénuries alimentaires et le

manque d’opportunités pour les populations ethniques minoritaires (Millar et

Photakoun, 2008 : 92). Des variations du taux de pauvreté entre les familles ethniques

sont également visibles, les Lao-Tai étant, en 2013, les plus riches, et les Mon-Khmer

les plus pauvres (Warr et al, 2015 : 15). Bien que le taux de pauvreté ait été réduit

(Stuart-Fox, 2007 : 167), il s’est inversement accompagné, sur la même période, d’une

augmentation des inégalités (Tableau 1.3).

Tableau 1.3 : Inégalités au Laos, de 1992-1993 à 2012-2013

(mesurées à l’aide du Coefficient de Gini)

1992-1993 1997-1998 2002-2003 2007-2008 2012-2013

Rural 0,29 0,32 0,31 0,33 0,33

Urbain 0,31 0,38 0,35 0,36 0,38

Vientiane 0,30 0,37 0,36 0,38 0,38

Nord 0,27 0,35 0,31 0,35 0,32

Centre 0,32 0,33 0,31 0,34 0,34

Sud 0,32 0,32 0,31 0,32 0,37

National 0,31 0,35 0,33 0,36 0,37

Note : Le coefficient de Gini varie de 0 à 1, où les valeurs les plus fortes indiquent une plus grande inégalité.

Source : Richter (2004) ; Warr et al. (2015), Data du Lao Statistics Bureau

Page 45: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

32

Ainsi, bien que « the poor11 became better-off in absolute terms » (Warr et al, 2015 :

15), l’intrusion d’évènements et de forces extérieures dans le contexte local 12 , sur

lesquels les villageois n’ont aucun contrôle – comme les programmes et les politiques

nationales de développement –, ont engendré « a new poverty » (Rigg, 2005) ou

« policy-induced poverty » (Chamberlain, 2001). L’augmentation des inégalités suppose

que les bénéfices de la croissance économique ne se sont pas répandus de façon

uniforme à travers le pays, les pauvres n’ayant pas autant reçu que les riches, les zones

de montagne que les plaines (Thalemann, 1997 : 87 ; Kakwani et al, 2001 : 7 ; Epprecht

et al, 2008). Cette nouvelle forme de pauvreté n’est donc pas endémique du Laos,

puisqu’elle est produite – plutôt que réduite – par la modernisation et l’intégration

(Rigg, 2009 : 712). De façon surprenante, la perception de cette pauvreté, du point de

vue des villageois, n’est pas forcément synonyme de faim (Chamberlain, 2001 : 142).

Villages were subsisting in relatively stable agro-ecosystems, the outside

perception of endemic poverty has been created by reliance on a numerical

definition of poverty. In the minds of villagers, poverty is an issue of

livelihood; as long as the villages are able to meet their consumption needs,

they do not consider themselves poor. When agro-systems are disrupted or

other upheavals occur, poverty may follow (GoL, 2004 : 29).

Un exemple saillant – où les agrosystèmes ont été perturbés – fut lors des

politiques « d’éradication » de l’opium, visant, entre autres, à enrayer la culture du

pavot dans les provinces nord laotiennes et dans le reste des régions montagneuses

d’Asie du Sud-Est continentale. Avec la pression américaine de lutte contre le

narcotrafic, ce programme est devenu une priorité à la fin des années 1980, lorsque la

production d’opium au Laos a atteint des sommets (Ducourtieux et al, 2008). Le pays

était alors le troisième producteur mondial d’opium (Auclair, 1995). Après plus de

quinze années passées à détruire les champs de pavot, le gouvernement est parvenu à

réduire la production d’opium d’environ 380 tonnes en 1989, à moins de 9 tonnes en

2007 (Cohen, 2009 : 425). Mais cette transformation et le nombre insuffisant de

programmes de développement dans les régions rurales concernées ont entraîné des

résultats désastreux. D’un côté, les populations rurales, constituées principalement de

minorités ethniques, n’ont parfois ni les connaissances ni les moyens pour démarrer une

11 « poor people are primarily ethnic minority swidden cultivators » (GoL, 2004 : 29) 12 Dans son étude de la phénoménologie de la modernité, Anthony Giddens (1990) explique cette intrusion

d’évènements et de forces extérieurs en disant : « globalization concerns the intersection of presence and absence,

the interlacing of social events and social relationships at distance with local contextualities » (p.21)

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33

autre agriculture, et de l’autre, « the government ban on traditional swiddening

agriculture has added to heightened levels of food scarcity in rural areas and rendered

these populations more desperate and vulnerable than ever before » (Listerman, 2014 :

91-92). La pauvreté peut donc prendre différentes formes selon comment les politiques

nationales affectent les populations montagnardes et quelles alternatives

économiquement viables sont proposées ou non par la suite. Comme l’explique Garrity,

« outsiders usually misunderstand [highlanders] and their farming systems, particularly

the very people in their own governments who are charged with helping them to

overcome their livelihood challenges with dignity ». Par conséquent, les solutions

proposées et imposées par les gouvernements ne répondent pas toujours aux besoins des

populations ethniques minoritaires, et peuvent ne faire qu’aggraver la situation (Garrity,

2007 : 3). La récente transformation des pratiques agricoles et la sédentarisation des

essarteurs constituent un autre exemple central dans les politiques sud-est asiatiques

(Peluso et Vandergeest, 2001 ; Rasul et Thapa, 2003), au Laos mais également en Chine

(Shirasaka, 1995 ; Cao et Zhang, 2007), en Indonésie (Michon, 2005 ; Penot, 2007), en

Thaïlande (Rigg, 1995b ; Forsyth et Walker, 2008) et au Vietnam (Castella et Dinh

Quang, 2002 ; Quoc Sung et Trung Dung, 2007)13 etc.

1.2.3 De nomades à paysans : la sédentarisation des populations

Dans un pays où le riz constitue encore la principale source alimentaire de la

population (De Koninck et Rousseau, 2012 : 30), l’autosuffisance représente un enjeu

primordial (Tableau 1.4). Comme le précisent Trébuil et Hossain, « aider les déshérités

à sortir de la pauvreté signifie commencer par l’essentiel : augmenter la production

rizicole et améliorer l’accès à la consommation de riz [car] abondance de riz abordable

est synonyme de stabilité politique et sociale, de croissance économique et de pauvreté

en diminution » (2000 : 278). Dès la fin des années 1950, une majeure partie de

l’agriculture asiatique montre des signes d’essoufflement et ne parvient plus à

suffisamment produire pour ses populations. Des famines se produisent, comme en

Chine et en Inde (Étienne, 1987 : 909). La révolution verte en Asie, au début des années

1960, vient répondre à ces besoins, avec pour objectifs principaux d’augmenter les

rendements agricoles et de développer les régions rurales (Étienne, 2012 : 661). Selon

13 Pour les références datant de 2007, voir Malcolm Cairns, Voices from the Forest – Integrating Indigenous

Knowledge into Sustainable Upland Farming.

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Étienne, la révolution verte se résume en « un processus rendu complexe par

l’interdépendance de plusieurs facteurs : l’eau, les semences, les engrais, selon les cas

les pesticides ; un renouvellement régulier des semences, ce qui suppose un processus

continu de mise au point de nouvelles variétés et leur multiplication » (Étienne, 1987 :

910). À partir des années 1980, lorsque le Laos s’ouvre à l’international, il bénéficie

premièrement des avancées faites dans la recherche14 , et établit deuxièmement des

politiques visant à changer les pratiques agricoles des populations montagnardes. Ce

changement général des pratiques correspond à un processus d’intensification agricole,

comme ceux qu’a décrit Boserup (Boserup, 1965). Grâce à ces stratégies, le pays

devient autosuffisant en 2000 (Pholsena et Banomyong, 2004 : 104).

Tableau 1.4 : Disponibilités alimentaires au Laos, 1961-2011

Année

Disponibilité

alimentaire

totale

Produits végétaux Produits animaux

(en Kcal/pers./jour) (en Kcal/pers./jour) (en pourcent du total) (en

Kcal/pers./jour)

(en pourcent

du total) Tous produits Riz seul Tous produits Riz seul

1961 1953 1864 1613 95,4% 82,6% 89 4,6%

1970 2019 1915 1604 94,8% 79,4% 104 5,2%

1980 1954 1851 1435 94,7% 73,4% 103 5,3%

1990 2015 1909 1416 94,7% 70,3% 106 5,3%

2000 2116 1970 1412 93,1% 66,7% 146 6,9%

2010 2323 2117 1430 91,1% 61,5% 206 8,9%

2011 2356 2154 1436 91,4% 61,0% 202 8,6%

Source : FAOSTAT3, 2016

Au Laos, et ailleurs en Asie du Sud-Est, les modes de vie ont pendant longtemps

été caractérisés comme essentiellement de subsistance (Rigg, 2003 : 212). Basés sur une

agriculture itinérante sur brûlis (Conklin, 1961 ; Dubé, 2010), ces modes de vie

dépendent aussi de plusieurs autres techniques, dont la chasse, la pêche et la cueillette

de produits forestiers non ligneux15, et parfois de travail non agricole (Évrard, 2004 :

13). Dans le contexte laotien, la pratique d’une agriculture itinérante se justifie d’autant

14 Création au Laos du Centre national de recherche agricole en 1989 et de l’Agence de vulgarisation agricole en

1992 (Chazée, 1998 : 94) 15 Regroupe une diversité de végétaux : bambous, champignons, écorces, épices, feuilles, fleurs, graines, miel, tiges,

tubercules ; et d’animaux : batraciens, crustacés, insectes, mammifères, mollusques, oiseaux, reptiles…

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plus par le poids du relief montagneux et le manque de terres disponibles dans les

plaines pour une agriculture permanente, notamment la riziculture inondée (Chazée,

1998 : 194). Mais, depuis l’arrivée du gouvernement socialiste, et conformément aux

enjeux mondiaux de protection de l’environnement, cette tradition est dépeinte par

l’État laotien comme étant destructrice et primitive, à l’inverse de l’agriculture

permanente – pratiquée par l’ethnie lao – considérée par ce même État comme étant

plus évoluée et productive (Pholsena, 2006 : 176). L’agriculture itinérante est d’autant

plus menacée que l’influence des économies régionales chinoise, thaïlandaise et

vietnamienne s’accroît et impose un changement des modes de vie (Lyttleton et al,

2004). Indéniablement, cette pratique nécessite régulièrement de brûler de grandes

surfaces de forêts pour que les paysans puissent cultiver le riz pluvial – rainfed rice – ou

d’autres semences. Mais cet impact écologique reste à nuancer (Thrup et al, 1997), car

« loin d’être une dévastation sans lendemain » (Boulbet, 1975 : 9), il peut être durable

en régions montagneuses, dans des conditions où les densités de population sont faibles

et les interférences avec l’État, ou d’autres communautés, sont inexistantes (Forsyth et

Michaud, 2011 : 12). Avec une densité de population aujourd’hui presque égale à 30

habitants par kilomètre carré au Laos, l’importance de l’agriculture itinérante et du riz

pluvial « tend à décroître […] car le raccourcissement rapide des jachères ne permet

plus la reconstitution du potentiel productif du milieu » (Trébuil et Hossain, 2000 :

284). Parce que certaines formes d’agricultures ne sont plus considérées comme

soutenables ou durables, l’homme se doit désormais d’être détaché de la nature, car il

lui est potentiellement nuisible (Michaud, 2014 : communication personnelle).

En réponse au problème de l’agriculture itinérante, et dans la volonté de

concilier les objectifs de réduction de la pauvreté et de protection de l’environnement,

l’État laotien introduit dès les années 1970 une politique de sédentarisation des

populations montagnardes. Cette politique passe, premièrement, par la relocalisation des

populations vers les plaines, légitimée « au nom de l’impératif de développement

national et du bien collectif » (Pholsena et Banomyong, 2004 : 196). Ces relocalisations

ont aussi pour objectif – de façon moins explicite – d’intégrer les minorités ethniques à

la culture nationale majoritaire, en leur imposant d’adopter des modes de vies similaires

à l’ethnie Lao. Les anthropologues C. et R. Ireson affirment alors qu’il s’agit d’un

moyen « by which ethnic minorities are Laoized as they are “developed” » (Ireson et

Ireson, 1991 : 936). Cette stratégie de développement, tant économique que culturelle,

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cherche dès lors, « [to] turn the savage into the civilized, to turn the “other” in “us” »

(Duncan, 2003 : 5). Deuxièmement, le développement des plantations agro-industrielles

– ou cultures commerciales – aussi bien pérennes qu’annuelles, constitue pour l’État

une option idéale à l’agriculture itinérante. Conscient de l’importance stratégique que

représente l’exportation de produits agricoles pour le budget public, Kaysone

Phomvihane annonçait lors du IVème congrès du Parti communiste en 1986 : « We

should be aware that the commodity economy […] is more advanced than the natural

self-sufficient economy. Therefore, our state must encourage and develop the

commodity-money relationship » (Evans, 1990 : 55). Ainsi, à partir des années 1990, le

développement des régions rurales s’accélère (Pholsena et Banomyong, 2004 : 197) et

les moyens de subsistance des régions montagneuses, longtemps basés sur une

agriculture itinérante, se transforment et s’orientent vers une agriculture de marché

(Thongmanivong et Lagerqvist, 2006). On peut par exemple mentionner au Laos le

développement des plantations d’hévéa à Luang Namtha (Thongmanivong et al, 2009),

de thé à Phongsaly (Ducourtieux, 2004a) ou de café à Savannakhet (Sallée et Tulet,

2010), de même qu’un nombre croissant de paysans s’engagent dans l’élevage

d’animaux destinés aux marchés, en particulier le poisson et le porc (Friederichsen,

2009).

Malgré des idéologies politiques et des compositions ethniques bien différentes entre

chaque pays d’Asie du Sud-Est, les programmes de relocalisation des minorités

ethniques constituent une variable commune au cœur des projets de développement

nationaux. Comme l’explique Duncan, ce besoin de déplacer des populations se justifie

pour diverses raisons, souvent imbriquées : sécurité nationale, protection

environnementale, ou même développement national. Mais, parallèlement, déplacer ces

populations en dehors des forêts et des régions montagneuses permet aussi à l’État :

d’obtenir un meilleur contrôle sur les minorités ethniques, d’avoir accès à des espaces

riches en ressources naturelles exploitables, et d’intégrer les populations dans des

systèmes agricoles sédentaires plus productifs et assujettis à des taxes (Duncan, 2003 :

12). Au Laos, cette stratégie de relocalisation, connue sous l’expression chatsan asib

khongthi, promeut la création de « permanent conditions for livelihood for unsettled

families […] a feasible and cost-effective approach to improve living standards of

scattered, remote and moving communities who would otherwise not be reached with

the limited resources available » (GoL, 1997 : 20). Depuis 1960, plus de 50 pourcent

Page 50: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

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des villages situés dans les régions montagneuses nord laotiennes ont disparu (Évrard,

2011 : 76). Les habitants sont alors envoyés dans des Nouvelles Zones Économiques

(NZE) – ‘Focal Sites’ (Bouapao, 2005) – regroupés dans de nouveaux villages (koum

ban), plus grands, composés de plusieurs autres groupes ethniques, et à proximité des

routes et des services publics progressivement mis en place par l’État (Daviau, 2011 :

59-60). Dans un autre contexte socialiste, comme en Chine et au Vietnam, les politiques

du China’s Go West et du Doi Moi affichent une tout autre dynamique. En effet, ce ne

sont pas les minorités ethniques, mais les ethnies majoritaire – les Han et les Kinh – qui

sont déplacées des plaines vers les régions montagneuses en marge, afin

d’éventuellement « outnumber locals and take final political, economic and cultural

control over these margins » (Forsyth et Michaud, 2011 : 7). Pour De Koninck, les

paysans sont le « fer de lance territorial de l’État », dans cette dynamique où s’établit

un « compromis territorial », processus par lequel les États consolident leur territoire

(De Koninck, 1996). Cette stratégie s’explique, d’une part, par les fortes densités de

population dans les plaines – à l’opposé des faibles densités au Laos – et, d’autre part,

par des impératifs géopolitiques (De Koninck et Déry, 1997) où les États centralisés

« are trying to provide themselves a sort of strategic “buffer-zone” to guard against

outside aggressions » (Duncan, 2003 : 13).

Les conséquences de ces relocalisations ressortent de façons variables sur les

populations ethniques minoritaires, car bien que les objectifs d’intégration et de

réduction de la pauvreté de l’État puissent être honorables, plusieurs études démontrent

paradoxalement que les relocalisations renforcent en réalité la pauvreté (Chamberlain,

2001 ; Baird et Shoemaker, 2005 ; Rigg, 2005, Ducourtieux et al, 2004b ; Rigg 2006b ;

High, 2008). Parmi ces conséquences, quelques-unes peuvent être citées. Premièrement,

Friederichsen et Neef expliquent que les populations déplacées se retrouvent « in

increasingly densely populated lowland areas » leur offrant peu de possibilités d’accès

aux ressources, ainsi que peu de choix dans les nouvelles pratiques agricoles (2010 :

570). Deuxièmement, Rigg dénonce que les relocalisations perturbent fréquemment les

relations sociales et économiques, ce qui engendre, ou même accentue, la pauvreté au

sein de ces groupes (2005). Enfin, troisièmement, High décrit, dans les villages qu’elle a

étudié, que les taux de maladies et de mortalité sont souvent plus élevés que dans les

anciens villages de montagne, que les revenus sont moitié moins élevés, et que les

services promis par l’État – écoles, centres de soins etc. – « have failed to materialize »

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38

(2008 : 352). Par ailleurs, Baird et Shoemaker soulignent le fait que le contexte de ces

relocalisations demeure ambigu : sont-elles volontaires ou non ?

The terms voluntary and involuntary fail to adequately describe the

decision-making process or the local context that results in the movement of

communities. The process leading to resettlement is usually a long one,

which begins with government officials both promoting the idea of

resettlement and making it clear that not resettling is not an option. […]

Those who resist resettlement are discursively labeled as being against the

government, a risky designation for people living under a one-party political

system such as Laos (2007 : 881).

Ainsi, la sédentarisation des populations, qui s’identifie principalement au travers

du changement des pratiques agricoles et des programmes de relocalisations, vise à

intégrer les groupes ethniques minoritaires dans la culture majoritaire lao sous prétexte

de développement national. Les objectifs de sédentarisation n’ont pour autant pas été les

seuls moyens employés par l’État laotien pout intégrer les populations des régions

montagneuses. En effet, l’intérêt accru du gouvernement envers les forêts du pays va

dans le prolongement de ces politiques.

1.2.4 La prise en charge des forêts

À partir des années 1960, l’Asie du Sud-Est est confrontée à de graves

problèmes environnementaux tels que la déforestation, la pollution, la perte de

biodiversité ou l’érosion des sols. Avec l’essor progressif d’une conscience

environnementale planétaire, et la publication du rapport Brundtland en 1987, les

gouvernements occidentaux font pression sur la région pour que des mesures rapides

soient apportées (Boomgaard, 2007 : 324). Le développement des réseaux d’aires

protégées durant les années 1990 répond essentiellement à ces enjeux. En 1993, le Laos

parvient à élaborer un système de protection environnementale, principalement grâce au

support financier de la communauté internationale (Phraxayavong, 2009 ; Bafoil, 2013).

Cette année-là, 17 aires protégées sont créées et prennent le nom de « National

Biodiversity Conservation Areas » (ICEM, 2003 : 45). À présent, 21 aires protégées

sont officiellement recensées par l’UICN16, et 12 autres existent de façon non-officielle,

totalisant ainsi 33 sites au Laos (UNEP et WCNC, 2014). L’édification du système

d’aires protégées laotien repose donc sur des préoccupations environnementales, et vise

16 Union Internationale pour la Conservation de la Nature

Page 52: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

39

à priori la préservation des ressources naturelles, prioritairement forestières. Mais ces

dispositions prises pour la protection de l’environnement répondent aussi à d’autres

objectifs, à la fois politique et économique (Déry et Vanhooren, 2011).

Dès son arrivée au pouvoir, l’État communiste cherche à renforcer sa légitimité

territoriale et à consolider la mise en place de son appareil gouvernemental sur

l’ensemble du territoire. Au Laos, comme ailleurs en Asie du Sud-Est (De Koninck,

2004b), l’État se sert d’outils internationaux afin de poursuivre son travail de « internal

territorialisation » (Vandergeest et Peluso, 1995), utilisant notamment l’environnement

comme un prétexte d’intervention dans les régions montagneuses périphériques.

Comme l’explique Déry, l’intégration de la variable environnementale dans la

construction du territoire nourrit le dynamisme interne du pays et justifie la mise en

place de politiques interventionnistes (Déry, 2008 : 73-74). Comme ailleurs en Asie du

Sud-Est continentale, dans les régions périphériques, l’État laotien doit faire face à trois

défis « 1) stabiliser les régions et faire taire les mouvements communistes anti-

communistes selon les cas ; 2) [...] mieux contrôler le territoire et l’accès aux

ressources exploitables » (Déry, 2008 : 78). Pour parvenir à relever ces défis, l’État

laotien utilise, entre autres, les aires protégées pour territorialiser son espace. Ainsi,

dans ce contexte national, où l’État est à la fois propriétaire de la terre et gestionnaire

des forêts, les aires protégées constituent avant tout un outil de contrôle sur les

territoires marginaux et les populations qui y habitent, agissant en complément des

politiques de sédentarisations, afin de faire cesser la pratique de l’agriculture itinérante.

Comme l’affirme Vandergeest au sujet du programme d’allocation des terres forestières

(LFAP) « all states to a greater or lesser degree use zoning and land policy to create

political spaces and to shape how these spaces are used » (Vandergeest, 2003 : 48).

Du point de vue économique, en s’attribuant le contrôle sur des territoires et les

ressources naturelles qui les composent, l’État s’est offert la possibilité de choisir

quelles concessions il allait céder et quelles activités il allait développer (RFD, 1994 :

35). C’est ainsi que des projets de construction de barrages, d’exploitation forestière et

de développement de plantations ont parfois été approuvés sur des territoires, alors en

partie protégés (Ovesen, 2004 : 234-235). Considérant que de nombreux pays

construisent leur économie sur l’utilisation des ressources naturelles, l’État laotien

perçoit le développement comme « to rest upon its ability to harness its ‘natural

potential’ through commodification of natural resources » (Singh, 2009 : 751), tel

Page 53: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

40

qu’énoncé dans le rapport gouvernemental de 2005 « Forestry Strategy to the Year 2020

of the Lao PDR ». Dès lors, même si les intérêts de l’État et des organisations

environnementales semblent coïncider, il existe en réalité des tensions évidentes entre la

conservation et le développement au Laos 17 (Lagerqvist, 2004 ; Singh, 2008). Dans un

rapport, l’UICN avait conclut que « the word ‘conservation’ is seen by many in Laos as

equivalent to ‘protection’ and antithetical to development » (UICN, 2001 : 3). De plus,

dans un contexte où l’État laotien souhaite hisser le pays hors de la pauvreté mais ne

dispose pas toujours de moyens suffisants, les investissements étrangers constituent

aussi une source de financement essentielle. Et, malgré les pressions des organisations

internationales pour contrer la déforestation, l’exploitation de bois dans les forêts

primaires a continué à augmenter (DoF, 2007). Ce paradoxe s’explique à la fois par des

causes internes et externes. D’un côté, les forces internes incluent : « a lack of effective

and efficient institutions to manage the primary forest in a sustainable manner, leading

to corruption and illegal logging », tandis que de l’autre, les forces externes

comprennent « the obligation in which forest timbers were sold to leading countries

namely Vietnam and China, to reduce national debt » (Anonyme, 2000 : 59). Les pays

dits « développés » préfèrent accroitre leurs réserves de bois en limitant l’exploitation

de leurs forêts. Cela entraine indirectement une accélération de la déforestation et de la

dégradation des forêts dans les pays voisins en développement, comme le Laos, où

justement les préoccupations de développement prévalent encore sur la conservation

(Phimmavong et al, 2009 : 509). Avec l’accroissement démographique et le

développement économique, cette demande en bois risque de persister (De Fégely,

2005 ; United Nations et al, 2009), ce qui pourrait hypothétiquement avoir, à long

terme, des répercussions sur la gestion des aires protégées. Les projets de

développement sont donc à la fois encouragés par l’État laotien et fortement véhiculés

par les processus de marchandisation, de modernisation et d’intégration à l’échelle

planétaire. Conjointement, l’apparition rapide de nouveaux projets entraine des

changements considérables dans les zones rurales et sur les populations principalement

minoritaires, pour qui l’adaptation à court terme peut apparaître difficile.

17 Cette vision du développement a été critiquée par le philosophe et poète Henry David Thoreau (1817-1862)

soulignant que la poursuite de l’argent encombre la vie. À l’inverse, il prône une vie se limitant à ce qui est

existentiel (“Live Simply and Wisely”), où les individus ne sont pas prisonniers de leurs biens. Dans Walden or life in

the woods, il considère que l’erreur de l’homme a été de transformer la Nature en commodité et non de la conserver

en tant qu’utilité (1854 : 91).

Page 54: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

41

Vues par l’État comme des stocks de richesses qui n’attendent qu’à être

exploités, les forêts remplissent pourtant parallèlement un autre rôle central, pour ce qui

a trait à la subsistance des populations rurales pauvres (Thanichanon et al, 2005). En

plus d’apporter du simple bois, les forêts constituent pour ces populations des réserves

de nourriture et de produits forestiers non ligneux. Les villages qui pratiquent une

agriculture itinérante connaissent généralement une insuffisance en riz de six mois ou

plus dans une même année (Chamberlin, 2001 : 43). Durant ces mois d’insuffisance, les

populations dépendent donc des ressources de la forêt. Mais, depuis la mise en place des

aires protégées, l’accès aux forêts est devenu limité. Dans un article, Rigg explique

qu’en voulant protéger et limiter l’accès aux ressources forestières, l’État a localement

accentué « the rural resource squeeze », provoquant à la fois un déclin des étendues

forestières et de leur diversité/productivité : « While the decline in forest resources has

significantly increased vulnerability, [the also] declining swidden rotations, perhaps

propelled by government policy, cause households to increasingly rely on the forest »

(Rigg, 2006b : 127-128). D’autres études démontrent la dépendance des populations

rurales pauvres à l’endroit des ressources naturelles et leur vulnérabilité lorsque

l’environnement local est perturbé (Ambler, 1999 ; Reddy et Chakravarty, 1999). Par

ailleurs, depuis l’intégration au marché mondial et le changement des pratiques

agricoles, les activités de chasse, de pêche et de cueillette ont mené à une transition du

simple moyen de subsistance à celui de l’activité commerciale : « Enough was

becoming greater as values changed and people begin to try every means to obtain cash

to purchase more clothing, medicine, household goods, etc. » (Chamberlin et al, 1996 :

5). Ce changement des pratiques a poussé l’exploitation des produits forestiers à des

niveaux désormais plus durables. Dans ce contexte de transition économique, les

moyens de subsistance demeurent étroitement liés à la forêt, même si les processus de

modernisation et de développement doivent progressivement permettre de réduire la

dépendance aux forêts et d’augmenter les opportunités offertes par les marchés

(Thanichanon et al, 2005). « Early stages of development are unavoidably marked by

conflicts between poverty reduction and environmental protection » (Dasgupa et al,

2005 : 617). Lagerqvist argumente ces étroites relations entre l’homme et son

environnement, et souligne la nécessité « to understand livelihoods from a

comprehensive perspective [because] studies that shed light on transformational

livelihoods in the developing world highlight the complexity of people’s lives and the

places in which they live » (Lagerqvist, 2014 : 265).

Page 55: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

42

La modernisation du Laos s’est ainsi déclinée sous différents programmes,

contribuant tant au développement des régions rurales et montagneuses qu’à leur

intégration à l’échelle nationale. Grâce à une assistance internationale continue, le pays

a pu répondre à des besoins cruciaux comme dans l’éducation, la santé et les

infrastructures publiques. Parallèlement, pour des raisons aussi bien politiques,

qu’économiques ou environnementales, l’État laotien s’est fixé des objectifs ayant

principalement pour cibles les minorités ethniques du pays. La réduction de la pauvreté,

la sédentarisation des populations et le contrôle des territoires périphériques constituent

les principaux exemples. Mais la manière dont ces programmes ont été conduits par

l’État a affecté les minorités ethniques de façons variables, et engendré des situations

souvent contradictoires. L’augmentation des inégalités dans le pays et

l’appauvrissement des populations rurales en constituent des éléments centraux.

Désormais, il convient de s’intéresser en détails à l’intégration du pays et des régions

montagneuses suivant différentes dynamiques. Plus spécifiquement, la province de

Luang Namtha servira d’exemple, car conformément aux mots de Lacoste « la réalité

apparaît différente selon l’échelle des cartes, selon les niveaux d’analyse ». La

considération d’autres espaces « va permettre d’appréhender certains phénomènes et

certaines structures » qui ne seraient pas visibles dans d’autres circonstances (Lacoste,

2012 : 121-123).

Page 56: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

43

Chapitre 2 : Insertion nationale et provinciale dans le système sud-est

asiatique

2.1 Le Laos au cœur d’un réseau international et transnational

En géographie, l’international et le transnational se distinguent principalement

par le rôle opposé qu’y tient la frontière. D’un côté, l’international tient compte des

réalités des frontières, en tant qu’interfaces, et se caractérise par des flux normés,

régulés et comptabilisés. De l’autre, le transnational outrepasse les frontières, les limites

nationales, et les flux sillonnent librement l’espace sans être relevés (Dollfus, 1995 :

670-671). Le transnational fait donc abstraction des frontières afin de « constituer un

espace homogène dont la logique repose davantage sur une volonté politique de créer

une synergie » (Taillard, 2004 : 19). Au moment de sa libéralisation et de son ouverture

aux marchés internationaux, l’État laotien développe des coopérations économiques, en

priorité, avec des pays interagissant dans le même espace régional que lui.

Parallèlement, le pays œuvre pour se faire une place sur la scène internationale, d’abord

avec le soutien de son voisin socialiste, le Vietnam. Ainsi, ce processus d’intégration,

multiscalaire, s’opère à la fois dans une dynamique internationale et transnationale.

2.1.1 L’intégration régionale, des enjeux économiques…

Dans une perspective d’intégration régionale en Asie du Sud-Est continentale, et

plus globalement en Asie-Pacifique, le Laos s’est premièrement appuyé sur la variable

économique. Comme analysé dans le chapitre précédent (Tableau 1.1 et Figure 1.4),

l’essor économique du pays et le développement national n’auraient pu se produire sans

des aides publiques au développement (APD) et des investissements directs étrangers

(IDÉ) conséquents. Tertrais décrit que la crise financière asiatique de 1997 a détourné

les IDÉ pendant près de dix ans vers la Chine qui, à l’époque, rassurait davantage

compte tenu de sa croissance rapide. Mais au cours de la deuxième moitié des années

2000, les IDÉ au Laos ont repris de l’importance, au point de dépasser en 2013 le

volume annuel des APD. Cette tendance s’est corrigée dans l’ensemble de l’Asie du

Sud-Est, où les flux annuels d’IDÉ ont augmenté de 26% au tournant des années 2010,

alors qu’au même moment, les flux d’IDÉ en Asie orientale – Chine, Japon et Corée du

Sud – n’ont augmenté que de 9% annuellement. Entre 2000 et 2011, le Vietnam, la

Chine et la Thaïlande sont respectivement les principaux investisseurs au Laos (Tertrais,

Page 57: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

44

2014 : 54-55). Favorisés par le développement progressif des axes routiers (Warr,

2008), ces investissements étrangers se répartissent dans plusieurs secteurs touchant

prioritairement l’exploitation des ressources naturelles et de la terre, principales

richesses du pays (Delang et al, 2013 : 151). Plus spécifiquement, les secteurs

hydroélectriques, miniers (argent, cuivre, gypse, or, pierres précieuses etc.) et agricoles

(hévéa, café, thé, eucalyptus, canne à sucre etc.) constituent le socle de la modernisation

de l’économie rurale. Dans un pays où l’État reste propriétaire des terres, d’importants

revenus fiscaux peuvent être produits, à la fois grâce aux concessions d’exploitation et

aux produits d’exportations (GoL, 2011 : 17-18). Entre 1989 et 2008, les projets portant

sur les ressources naturelles ont mobilisé près de 80% des IDÉ (Kyophilvong, 2009 :

81). En plus de stimuler la croissance et de générer d’importants revenus, l’exploitation

des ressources naturelles permet au Laos d’accélérer son processus d’intégration

régionale en renforçant les liens commerciaux avec ses pays voisins. Par ailleurs, cette

orientation économique s’arrime incontestablement à la stratégie de réduction de la

pauvreté :

Future growth enhancing investments and development priorities which

reflect the economic potential of the country’s natural resource base have

been identified by the Government as a vehicle for increasing national

revenues and, thus, poverty eradication. Hydropower, mining, tourism,

wood- and agro-processing industries are the highest priorities for

investments leading to economic growth and increased revenues (GoL,

2004 : 5).

Dès le début des années 1990, le secteur de l’exploitation hydroélectrique est apparu

pour le l’État laotien comme une évidence, compte tenu : (i) du potentiel hydraulique du

Mékong et de ses affluents, (ii) de la situation stratégique du pays dans une région à

croissance rapide, et (iii) du besoin en devises étrangères (Usher, 1996 : 127 ; Porter et

Shivakumar, 2011 : 6-7). Le Laos a pour ambition d’être le premier producteur

d’électricité en Asie du Sud-Est continentale. Ainsi, en 2010, on dénombre onze

installations hydroélectriques opérationnelles, et près d’une centaine d’autres en

construction ou en projet d’étude (Figure 2.1), bien plus que dans les pays voisins

(ICEM, 2010). L’un des projets à la fois des plus impressionnants et des plus

complexes, ayant abouti en 2010, est la construction du barrage Nam Theun 2 (NT2)

dans la province de Khammouane (Phomsoupha, 2010). Avec un coût total de 1,5

milliard de dollars, le NT2 a une capacité de production de 1 088 Mégawatts (MW).

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45

Plus de 93% de l’électricité générée par le barrage est exportée en Thaïlande et les 7%

restants sont utilisés pour la consommation nationale (Warr et al, 2012 : 443-444). Pour

2020, le Laos prévoit atteindre une capacité de production électrique supplémentaire

d’environ 12 500 MW, majoritairement destinée à l’exportation (2 930 MW

opérationnels en 2011), et de fournir un accès électrique à 90% des foyers du pays

(Banque mondiale, 2009a ; BAD, 2010 : 4 ; Banque mondiale, 2011a : 5). Comme

l’évoque Pholsena, la Thaïlande est le principal bénéficiaire de la production électrique

du Laos, qui en achète plus de 80%, suivie par le Vietnam, dont la « demande reste

comparativement faible ». Ainsi, les revenus tirés de la seule vente d’électricité ont

permis de multiplier rapidement par 4,6 la valeur des exportations du pays, alors

qu’elles sont passées de 24 millions de dollars ÉU en 1995 à 112 millions de dollars ÉU

en 2000 (Pholsena, 2011 : 162). Selon une étude de scénarios de la Banque mondiale,

publiée en 2011, le secteur hydroélectrique pourrait rapporter, entre 2010 et 2025, une

moyenne annuelle de 330 millions de dollars ÉU en revenus fiscaux pour l’État laotien

(Banque mondiale, 2011a : 6). Ces revenus, en particulier ceux découlant de la

production d’électricité du barrage NT2, doivent officiellement permettre à l’État de

poursuivre sa stratégie de développement national et de réduction de la pauvreté. À long

terme, et sous la supervision de la Banque mondiale, différents domaines seront

financés comme l’éducation (35%), les réseaux routiers (30%), la santé (20%) et

l’environnement (15%), tous considérés par l’État laotien comme prioritaires (Warr et

al, 2012 : 444). Comme l’assure la Banque mondiale, « NT2 revenues will be applied

effectively and transparently to priority activities in support of poverty reduction and

environmental management » (Banque mondiale, 2009b : 1).

Du côté du secteur minier, les réserves minérales considérables dont dispose le pays

constituent un atout précieux pour attirer les capitaux étrangers. À partir des années

1990, des programmes de prospection et d’exploration sont financés par des organismes

internationaux en vue de cartographier les ressources géologiques et minérales du Laos

(Banque mondiale, 2011b : 5). Parallèlement, l’arrivée rapide d’investisseurs étrangers a

poussé l’extraction de ces ressources à un stade plus avancé, marquant la transition

d’une exploitation jusqu’alors artisanale à une exploitation davantage industrielle

(Mottet, 2013 : 220-223). L’or et le cuivre sont les principaux minerais exploités et

exportés. Le potentiel total d’extraction de ces minerais est de 500-600 tonnes pour l’or

et de 8 à 10 millions de tonnes pour le cuivre (MINDECO, 2006 : 6). La Chine, le

Page 59: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

46

Vietnam et la Thaïlande sont les trois premiers investisseurs dans le secteur minier et

comptent respectivement pour 57%, 22% et 7% des investissements au Laos, soit plus

de 86% du total (Kyophilvong, 2009 : 90). En 2008, 85 compagnies minières étrangères

et 42 compagnies minières nationales étaient recensées, contribuant en tout à 178

projets miniers – aux différents stades de prospection (40), d’exploration (85), d’étude

de faisabilité (7), et d’exploitation (46) – sur l’ensemble du territoire national (DoM,

2008). Parmi ces 127 compagnies minières, deux compagnies chinoises combinent une

valeur de production de 700 millions de dollars en 2008, MMG Lane Xang Minerals

Limited (MMGLXML) et Phu Bia Mining (PBM), ce qui représente plus de 90% de la

valeur totale de production de l’industrie minière du Laos. Selon une autre étude de

scénarios de la Banque mondiale, le secteur minier pourrait rapporter, entre 2010 et

2025, une moyenne annuelle de 163 millions de dollars en revenus fiscaux pour l’État

laotien (Banque mondiale, 2011b : 16-20). De la même manière, les revenus tirés de

l’industrie minière doivent d’abord permettre de financer le développement national et

de réduire la pauvreté : « Energy and mining sector is a strategic sector in both the

short and long term. It is an energy sector and it aims to serve the society and generate

income to accumulate capital, to be expended on the country’s socio-economic

development » (GoL, 2011 : 99).

Enfin, pour ce qui tient du secteur agricole, la Banque mondiale estime qu’en 2013

environ 10% du territoire étaient cultivés, soit plus de 2 335 000 d’hectares. Cependant,

« il est difficile de connaître la surface totale des terres agricoles converties en

plantations commerciales », en raison de l’absence de statistiques officielles et des

rapides transformations rurales (Pholsena, 2011 : 166). Malgré tout, il est possible

d’affirmer que ces surfaces sont en augmentation, et continueront d’augmenter à

l’avenir : « Ministry of Agriculture and Forestry […] have targeted a goal of 500,000

hectares of industrial plantations in Laos by 2020 » (Barney, 2007 : 10-11). Le café et

l’hévéa constituent deux cultures prépondérantes. Au sud du pays, sur le Plateau des

Bolovens, la production de café totalise 70 000 hectares, près de 95% de la surface

totale des plantations de café au Laos (LCB, 2014 : 4). Depuis 2008, le Vietnam et la

Thaïlande sont les principaux investisseurs dans le secteur du café (Delang et al, 2013 :

155). L’Association des exportateurs de café laotien recense 28 000 tonnes de café

exportées en 2013 – principalement vers l’Europe – soit plus de 95% de la production

totale du Laos (Schönweger et Messerli, 2015 : 98). Dans les provinces du nord, la

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47

culture de l’hévéa occupe des surfaces bien plus grandes, plus de 200 000 hectares en

2007 selon le Comité national de Planification et d’Investissement (Phimmavong et al,

2009 : 502). Ici, le besoin en matières premières de l’économie chinoise et la proximité

géographique de la frontière « influenced the shape of ‘development’ in adjacent parts

of […] Laos » (Sturgeon, 2013 : 71). Outre le fait d’être une matière indispensable dans

l’industrie mondiale (Umar et al, 2011), le caoutchouc naturel apparaît, selon Manivong

et Cramb (2008), comme une production où les investissements sont lucratifs pour des

populations montagnardes pauvres, impliquées dans des politiques de sédentarisation et

de réduction de la pauvreté. En 2007, plus de 2700000 tonnes de caoutchouc ont été

exportées, soit une moyenne d’environ 1,36 tonne/hectare (Hicks et Voladeth, 2009 :

25).

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48

Source : MRC Hydropower database – Crédits : University of Canterbury

Figure 2.1 : Projets d’installations hydroélectriques dans le bassin du Mékong en 2010

Page 62: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

49

Le survol de ces trois secteurs, centraux dans l’économie laotienne, permet ainsi

d’avoir un aperçu des stratégies adoptées par le gouvernement pour intégrer le pays

dans l’économie mondiale. Combinés, les revenus engrangés devraient en théorie

permettre à l’État de développer le pays et d’améliorer les conditions socioéconomiques

de la population de façon durable. Malgré tout, il faut préciser que ces projets –

l’édification de barrages, l’extraction de minerais, ou le développement de plantations –

s’accompagnent parfois d’effets indésirables sur les populations et leurs milieux de vie,

en particulier d’un point de vue environnemental. Le World Wide Fund (WWF)

s’alarme au sujet de la perte de biodiversité et l’érosion accélérée des berges du Mékong

(RFI, 2012) ; Lazarus s’interroge de l’impact sur l’utilisation des sols et au sujet de la

préservation des forêts (2009 : 27-28) ; et Phimmavong rappelle les préoccupations des

consommateurs, des scientifiques et des politiciens à propos du changement climatique,

de la biodiversité et de la durabilité des ressources naturelles (2009 : 508). D’un point

de vue socioéconomique, les projets hydroélectriques (BAD, 2010), miniers (Delang et

al, 2013) et agro-industriels (Weiss, 2013) nécessitent parfois des relocalisations ou un

accaparement des terres qui peuvent avoir pour conséquence un appauvrissement des

populations rurales : « The government recognizes that the modernization itself […]

could create social changes that would leave some people unable to benefit from the

NEM and even worse off » (Rigg, 2005 : 25). L’apparition des processus de

marchandisation et de monétarisation ont par ailleurs provoqué une compétition accrue

pour l’accès à la terre (Sturgeon et al, 2013 : 67), une individualisation croissante au

sein des communautés (Pholsena, 2011 : 169), et une augmentation des services à bas

prix, notamment des services sexuels (Doussantousse et al, 2011). Enfin, Usher

s’inquiète de l’impact des projets d’investissements sur les moyens de subsistance des

plus pauvres, qui dépendent à la fois des forêts et des rivières (1996 : 126).

En somme, l’intégration économique du pays suppose qu’à long terme les bénéfices du

développement et de la modernisation amélioreront les conditions de vie des

populations rurales. Mais cette stratégie implique aussi à court terme certains

compromis dont les premières victimes sont ces mêmes populations rurales et

l’environnement. En plus de la variable économique, le Laos s’est deuxièmement

appuyé sur une variable politique, incontournable pour parvenir à pleinement s’intégrer

dans la région.

Page 63: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

50

2.1.2 … mais aussi géopolitiques

Pour comprendre les enjeux géopolitiques actuels, il est nécessaire de rappeler

brièvement les trajectoires qui ont contribué à la formation du territoire. En complément

des aspects historiques décrits dans le premier chapitre, quelques éléments politiques

sont à ajouter. Comme l’explique Taillard, le Laos est à la fois une terre de transition

entre deux grands ensembles physiques, un pays de passage pour le commerce, et un

carrefour des peuplements. Mais, par sa configuration spatiale et son histoire, le Laos

est aussi un État-tampon. Depuis le 10ème siècle, le Laos « s’est trouvé au centre de tous

les conflits entre les puissances du nord et du sud d’abord, puis entre celles de l’est et

de l’ouest ensuite » (Taillard, 1989 : 29-31). Malgré son statut d’État dominé, le pays

est parvenu à se maintenir, notamment grâce à son système politique :

On touche ici à l’une des conditions de reproduction de l’État-tampon : ses

principaux voisins veulent qu’il existe un allié sûr à leurs marges, de

manière à les séparer d’un ennemi potentiel ou à leur garantir l’accès à un

axe stratégique. C’est ce qui explique que le Laos, malgré un rapport de

force défavorable avec ses voisins, ait pu persister jusqu’à nos jours alors

qu’il a été, en maintes occasions depuis le XVIIIe siècle, sur le point de

disparaître (ibid, 1989 : 31).

Désormais, l’État laotien espère pouvoir jouer un rôle plus important à l’échelle

régionale. Avec la fin de la Guerre froide et des guerres d’Indochine, Dwyer parle alors

de « regional economic (re)integration » (2014 : 386) avec pour objectif de transformer

les « battlefields into marketplaces », selon le mot du Premier ministre thaïlandais

Chatichai Choonhavan, en 1988. Le processus d’intégration politique du Laos à

l’échelle régionale s’est déroulé en quelques étapes depuis le début des années 1990.

Son adhésion à l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) le 23 juillet

199718 constitue l’un des premiers aboutissements majeurs venant lui donner un rôle,

même minime, sur la scène politique internationale (Pholsena et Banomyong, 2004 :

30). L’une des principales raisons de l’adhésion du Laos à l’ASEAN est simplement dû

au fait que le pays n’avait aucun intérêt à rester indéfiniment isolé. Les dirigeants

laotiens de l’époque le savaient ; d’où la nécessité des réformes du NME qui ont mis fin

à l’isolement économique et diplomatique du pays, tout en réorientant sa politique

interne, devenue plus ouverte et moins restrictive (Kislenko, 2009 : 46). Wang confirme

18 Suivie par son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (WTO) le 2 février 2013.

Page 64: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

51

cette démarche et précise que les principales motivations d’intégration des pays d’Asie

du Sud-Est sont politiques et économiques. Ces motivations permettent notamment de

consolider la paix, d’accroître la sécurité régionale, de rendre les pays faibles plus forts

en étant unis plutôt que divisés, d’établir des accords commerciaux régionaux

réciproquement préférentiels, etc. (2005 : 22-23). D’autres motivations sont aussi

énoncées par Tung, lorsqu’elle passe en revue les trois grandes théories de relations

internationales en Asie, afin de comprendre les relations entre le Vietnam et l’ASEAN

(2002 : 109-118). Pholsena et Banomyong transposent cette grille au cas du Laos, ce qui

permet similairement d’appréhender les relations du pays avec l’organisation. (i) Le

Laos a plus à gagner par la coopération que par la compétition. L’ASEAN permet au

pays d’avoir, d’une part, une plus grande visibilité internationale et, d’autre part, lui

confère un statut plus égal face à des pays voisins bien plus puissants. (ii) Sa

participation à des institutions multilatérales permet de servir ses intérêts nationaux,

comme la sécurité. Un exemple concernait le contentieux avec la Thaïlande au sujet de

la délimitation des 1 754 kilomètres de frontières terrestres et fluviales, source de

tensions entre les deux pays (St John, 1998 : 38)19. L’adhésion du Laos à l’ASEAN a

ainsi offert la possibilité d’entreprendre des débats plus apaisés avec la Thaïlande. (iii)

Basé sur une vision constructiviste, l’ASEAN promeut la paix régional et la stabilité, ce

qui garantit au Laos une certaine autonomie dans sa politique intérieure comme

étrangère. À l’inverse, durant les périodes de conflits qui opposaient des nations plus

fortes, le pays était contraint de se rallier à un camp en raison de sa vulnérabilité

(Pholsena et Banomyong, 2004 : 35-45). Au final, comme l’affirme Weightman, l’union

de ces pays leur a jusqu’à présent offert plus d’avantages que de contraintes : « These

economic agreements might change the face of ASEAN, which until recently has been

most effective in the political arena, curbing hostilities and acting as a forum to solve

numerous disputes. Most importantly, a strong regional identity has been created

among its members » (2011 : 409). Parallèlement, l’association des pays d’Asie du Sud-

Est leur concède l’opportunité de faire face aux nouveaux enjeux globaux, et plus

particulièrement de faire contrepoids à la puissance chinoise (Shambaugh, 2013),

supérieure économiquement (Ng, 2007 : 188) et militairement (Fravel, 2008 : 125).

19 Voir Michel Bruneau (2006) L’Asie d’entre Inde et Chine – Logiques territoriales des États, pour plus

d’informations.

Page 65: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

52

Lorsque Ng discute de l’émergence économique de la Chine et des implications

politiques pour l’Asie du Sud-Est, il se demande : « Does China pose a threat? »

(2009 : 188). À partir de 1995, lorsque la Chine fut officiellement accueillie par

l’ASEAN comme partenaire de dialogue, les objectifs stratégiques du pays avec la

région ont été (i) de maintenir un environnement stable sur ses périphéries, (ii)

d’encourager les liens économiques qui contribuent à la modernisation du pays et à la

stabilité du régime, (iii) de convaincre les autres pays que la Chine n’est pas une

menace, et (iv) d’être reconnue comme la puissance asiatique externe la plus influente

(Bronson, 2007 : 5-7). Cette campagne diplomatique, plus familièrement connue

comme la China’s Charm Offensive (Kurlantzick, 2007), vise à embellir les relations

qui, selon les mots de Wen Jiabao – ancien Premier ministre du PRC – « hoped that

Southeast Asian countries would come to regard China as a ‘friendly elephant’ »20.

Ainsi, la Chine ne représenterait pas directement une menace pour la région mais

davantage un partenaire commercial de poids, même si fortement concurrentiel. De

plus, comme le pays est largement dépendant de l’importation de ressources naturelles

pour son développement, ce que Mondejar et Chu n’omettent pas en comparant l’Asie

du Sud-Est continentale au « China’s own backyard » (2005 : 211), son intérêt

primordial est d’accroître son influence dans la région. Pour la Chine, le Laos représente

un partenaire commercial de choix « because of the country’s ample mineral resources,

hydroelectric and agricultural potential, and because of its key geographic location

between China’s landlocked southwestern provinces and Thailand » (Storey, 2011 :

170). Bien que la Chine soit toujours en concurrence avec le Vietnam et la Thaïlande

pour devenir le principal investisseur et partenaire commercial du Laos, il est

vraisemblable que la Chine prenne graduellement la main en raison du nombre croissant

d’investissements et de migrants chinois qui traversent la frontière – en provenance du

Guangdong, du Guangxi, du Sichuan et du Yunnan (Pina-Guerassimoff et

Guerassimoff, 2004 : 96). Dû à son étroite relation avec le Vietnam (Case, 2011 : 206),

le gouvernement laotien espère préserver un certain équilibre dans sa relation avec la

Chine « but maintaining that equilibrium will inevitably become far more challenging »

(Storey, 2011 : 175). De la même sorte, même si la plupart des pays membres de

l’ASEAN ont bénéficié de l’émergence de l’économie chinoise, certains craignent

« that some Southeast Asian countries may fail to catch up as China moves up its

20 The Straits Times « Wen spells out China’s “friendly elephant” role », 15 mars 2004.

Page 66: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

53

technological ladder so much so that such complementary relationships may break

down in the future [and some] have expressed their concern of de-industrialization and

a repeat of old colonial division of labour » (Ng, 2009 : 205).

La progressive intégration politique du Laos à l’échelle régionale lui a donc permis de

prendre part aux jeux diplomatiques tout en contribuant à l’essor économique de la

région. Pour autant, ce gain de visibilité confronte aussi le pays à de nouveaux enjeux,

qui nécessitent de trouver un juste équilibre, comme avec ses voisins chinois et

vietnamien.

2.1.3 La sous-région du Grand Mékong

Promue dès 1992 par la Banque asiatique de développement (BAD), la sous-

région du Grand Mékong (GMS) est un projet d’intégration transnationale des pays

d’Asie du Sud-Est continentale, et plus spécifiquement des quatre pays riverains du

bassin inférieur du Mékong, de la Birmanie et des deux provinces chinoises du Guangxi

et du Yunnan. Ce projet vient en complément de l’ASEAN et vise à rassembler

aujourd’hui plus de 326 millions d’habitants21 dans un espace intégré par le marché,

comme en témoigne Mitsuo Sato, ancien président de la BAD : « le Mékong n’est plus

un facteur de division mais un trait d’union, symbole d’un nouvel esprit de

coopération »22 (Taillard, 2004 : 380). Cette vision stratégique de la BAD, fondée sur

une logique d’intégration régionale et de dynamisme transnational, cherche à relancer

les échanges commerciaux dans la péninsule – interrompus après plusieurs décennies de

guerres et de rivalités politiques – et sortir des pays comme le Laos de leur

« isolement » économique et géographique (ibid, 2004 : 381). L’opportunité de placer le

Laos au centre d’un tel réseau lui permettrait, d’une part, d’avoir un meilleur accès aux

marchés internationaux via les ports et, d’autre part, de devenir un axe principal

d’échanges plutôt qu’une simple zone de transit secondaire (Pholsena et Banomyong,

2004 : 143-144) ; comme le décrit Sisouphanthong « from land-locked to land-linked

status » (2014 : 177). Malgré tout, cette représentation dichotomique (centre versus

périphérie) partagée par le gouvernement laotien et divers organismes internationaux

reste à nuancer. Car, dans une perspective plus historique, le Laos se situe depuis

21 BAD (2016) « Greater Mekong Subregion (GMS) », disponible en ligne : http://adb.org/countries/gms/overview. 22 Allocution de Mitsuo Sato en 1992 lors de sa présentation sur la vision stratégique d’intégration de l’ASE

continentale.

Page 67: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

54

plusieurs siècles au cœur de réseaux de transports et d’échanges transfrontaliers, comme

l’exposent Pholsena et Banomyong :

Les caravaniers yunnanais empruntèrent les routes de commerce à l’est du

Tibet, sillonnant l’Assam, la Birmanie, la Thaïlande, le Laos et le nord du

Viêt Nam (Tonkin), jusqu’aux provinces chinoises du Sichuan, de Guizhou

et du Guangxi. Deux routes principales reliaient, en particulier, le sud du

Yunnan au nord de la Thaïlande : la route birmane, à l’ouest, de Keng Tung

à la province de Chiang Rai, et la route orientale qui, de la province de

Phongsaly, descendait vers l’ouest, traversant [Luang Namtha,] Luang

Prabang et le Mékong pour arriver à Chiang Khong, près de l’actuelle

frontière septentrionale de la Thaïlande (Pholsena et Banomyong, 2004 :

144)23.

De ces réseaux commerciaux transfrontaliers ont par la suite émergé des espaces

d’échanges plus localisés, comme le tristement célèbre Triangle d’or, situé au point de

rencontre des frontières de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande. Comme l’explique

Bruneau, l’émergence du Triangle d’or est le résultat de l’alliance entre les producteurs

d’opium hmong et les commerçants caravaniers hui dans le trafic clandestin de drogues.

Dès lors, si l’on considère ces réseaux de trafics d’opium, alors « le Triangle d’or est

[déjà] l’amorce d’un espace transfrontalier » (Bruneau, 2006 : 240). Aujourd’hui, sous

l’égide de la GMS, le Triangle d’or a été surnommé le Quadrilatère d’or – intégrant

désormais la province du Yunnan – dans une perspective économique légale,

promouvant la coopération bilatérale et l’élaboration de projets d’exportation des

ressources – l’opium et son commerce ayant été majoritairement éliminés (Dwyer,

2014 : 382). Comme ailleurs en Asie du Sud-Est continentale, ces zones de coopération

économiques transfrontalières, sous-espaces d’intégration à l’intérieur de la GMS, se

sont progressivement complexifiées à partir de 2002 avec l’ajout d’un nouvel outil par

la BAD, à savoir, les corridors économiques (Rimmer, 2004). Ces corridors

économiques adoptent différentes formes – corridors de transport, d’urbanisation ou de

développement – selon les stratégies employées, et servent avant tout d’outils de

planification et d’intégration régionale, visant aussi bien à attirer les projets

d’investissements qu’à renforcer les processus de croissance économique (Fau, 2014 :

12-17). Selon Tertrais, trois principaux corridors économiques peuvent être identifiés au

sein de la GMS (Figure 2.2) : un corridor « nord-sud » partant de Kunming (Yunnan) et

23 Voir Andrew D.W. Forbes (1987) « The “Čīn-Hō” (Yunnanese Chinese) Caravan Trade with North Thailand

during the Late Nineteenth and Early Twentieth Centuries » pour une discussion approfondie.

Page 68: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

55

dont les branches s’orientent vers Hanoï, Bangkok et Rangoun ; un corridor « est-

ouest » reliant la Mer Andaman à la Mer de Chine méridionale, du sud du Myanmar au

centre du Vietnam en passant par la Thaïlande et le Laos ; et un corridor « sud »

jumelant Bangkok et Ho Chi Minh-ville (Tertrais, 2014 : 49). Dans une vision

d’ensemble, selon la BAD, la coopération dans le GMS aide les pays de la région, dont

le Laos, à atteindre des objectifs concrets et durables. Jusqu’en 2022, huit priorités et

initiatives sont inscrites dans le cadre stratégique de la GMS : (i) développer les

corridors économiques, (ii) renforcer les réseaux de transports terrestres, (iii) offrir des

énergies compétitives et durables, (iv) accroître les réseaux de communications et

d’informations, (v) promouvoir le tourisme, (vi) soutenir l’agriculture durable, (vii)

intensifier la protection environnementale, et (viii) soutenir le développement humain24.

24 « Taking Action for Inclusive and Sustainable Development in the Greater Mekong Subregion », infographie en

ligne de la Banque asiatique de développement, 08 septembre 2015.

Page 69: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

56

Crédits : C. Taillard – UMR CASE

Figure 2.2 : Anciens et récents réseaux transfrontaliers et transnationaux en Asie du

Sud-Est continentale

Page 70: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

57

L’intégration du Laos dans une économie régionale est à considérer tant avec

des opportunités qu’avec des défis, comme le développe Sisouphanthong. Pour lui, d’un

côté, le pays bénéficie d’un environnement politique stable, se situe dans un espace

stratégique – au cœur de la GMS –, dispose d’abondantes ressources naturelles et

profite d’accords de commerce préférentiels avec ses partenaires voisins du fait de son

statut de PMA. Par ailleurs, son intégration récente à l’ASEAN, à la GMS, et d’autres

structures internationales, a entrainé une augmentation des flux de capitaux étrangers,

de nouvelles technologies et de savoir-faire. Enfin, la rapide croissance de la Chine et

du Vietnam, en plus d’autres pays membres de l’ASEAN, occasionne une demande

accrue en biens et services au Laos. De l’autre, certaines caractéristiques de l’économie

laotienne demeurent des obstacles qui limitent les gains générés par l’intégration.

Premièrement, la transition d’une agriculture de subsistance à une agriculture davantage

industrielle crée des défis d’adaptation pour la main d’œuvre paysanne. Deuxièmement,

la majorité des secteurs privés sont de taille réduite et ont une faible avance

technologique, ce qui limite leur compétitivité à l’international et donc leurs bénéfices.

Seul le secteur de l’exploitation des ressources naturelles permet d’absorber des

bénéfices significatifs. Troisièmement, malgré certains progrès, beaucoup d’efforts

restent à faire pour améliorer les infrastructures publiques, en particulier les réseaux de

transports terrestres à l’échelle nationale, très couteux pour l’État laotien

(Sisouphanthong, 2014 : 182-184). Face à ce constat, plusieurs échelles doivent être

considérées afin d’optimiser les bénéfices de l’intégration et minimiser les pertes. Une

analyse approfondie d’un cas dans les régions montagneuses nord laotiennes, en

l’occurrence celui de la province de Luang Namtha, peut ainsi fournir matière à

quelques réflexions complémentaires.

2.2 Quelle place pour les régions montagneuses nord laotiennes ?

Après avoir offert un bref aperçu de la province de Luang Namtha, seront

analysés les différents éléments qui favorisent ou ralentissent son processus

d’intégration, tant à l’échelle nationale qu’interrégionale. Le développement des

corridors économiques, la promotion de l’écotourisme, les phénomènes de migration

des populations laotiennes, et l’influence des réseaux chinois dans la redéfinition

économique et territoriale de la province, constituent, entre autres, ces éléments de

réponse.

Page 71: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

58

2.2.1 La province de Luang Namtha dans son ensemble montagneux

Située dans les régions montagneuses du nord-ouest laotien, la province de

Luang Namtha est l’une des 17 provinces qui composent le pays. Elle s’insère, comme

mentionné auparavant, au sein du massif Sud-Est asiatique, espace caractérisé plus

récemment sous le nom de Zomia (van Schendel, 2002). Rappelons aussi que pour

Scott, Zomia est une région où les : « hill peoples are best understood as runaway,

fugitive, maroon communities who have, over the course of two millennia, been fleeing

the oppressions of state-making projects in the valleys » (2009 : 9). La Zomia serait

ainsi une « zone-refuge » où les peuples – dont ceux vivant dans la province de Luang

Namtha – n’ont pas encore été entièrement intégrés aux États-nations, et qui est

désormais, plus que jamais, visée par des projets de constructions nationales et atteinte

par le phénomène de mondialisation de l’économie de marché.

Sur le plan administratif, la province de Luang Namtha se divise en cinq districts –

Long, Namtha (la capitale), Nalae, Sing et Vieng Phoukha –, couvre une surface

approximative de 9 391 kilomètres carrés, et comptait en 2014 environ 179 880

personnes répartis dans 364 villages (GoL, 2014b : 1). Elle partage au nord une

frontière de 140 kilomètres avec la province chinoise du Yunnan, tandis qu’à l’est, le

Mékong s’étend sur plus de 130 kilomètres et fait office de frontière avec la Birmanie.

Les provinces laotiennes de Bokeo et d’Oudomxay forment quant à elles le reste des

limites au sud-ouest et sud-est (Figure 2.3). Durant ces dix dernières années, le taux

annuel moyen de croissance démographique a été de 3,3% et la densité de population

est approximativement de 19 habitants par kilomètre carré (ibid, 2014b : 1-2). Ces

statistiques montrent que la population provinciale a crû à une allure plus rapide que la

population nationale (environ 1,6% pendant la même période), mais la densité reste loin

derrière d’autres provinces du pays. Sur le plan ethnique, parmi les 49 groupes

officiellement reconnus au Laos depuis 2008, Luang Namtha est l’une des provinces qui

offre la plus grande diversité avec 23 groupes (Nolintha, 2012b : 153), incluant près de

180 000 personnes qui habitent dans la province. La majorité appartient aux groupes

Akha, Hmong, Khmu, Lanten, Tai Dam et Tai Lue, dont beaucoup pratiquent un mode

de vie basé sur une agriculture de subsistance, comme la culture du riz pluvial (Trébuil

et Hossain, 2000) et la récolte de produits forestiers (Rigg, 2006). Les minorités

ethniques représentent ainsi la majorité de la population dans la province, comme dans

l’ensemble de la région nord du Laos.

Page 72: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

59

Figure 2.3 : La province de Luang Namtha

Vincent Rolland, ArcMap, 2016

Page 73: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

60

L’économie de la province de Luang Namtha est principalement basée sur

l’agriculture, qui représentait en 2014 environ 51,6% de son PIB, bien que cette part soit

continuellement en baisse (environ 73,6% en 2006). Elle est suivie par les secteurs des

services et l’industrie, respectivement 26,2% et 22,4%. Entre 2013 et 2014, le PIB

provincial a crû de 8,9%. Le secteur de l’industrie est celui qui a crû le plus rapidement

(12,7%), suivi par l’agriculture et les services. La domination brute du secteur agricole

est visible tant en termes de surfaces que de volumes de production. En 2014, la surface

totale dédiée à la culture du riz (inondé et pluvial) était de 18 829 hectares avec une

production totale de 66 362 tonnes. Plus de 75% du riz produit est issu de la pratique

inondée (GoL, 2014b : 2-4). Les surfaces agricoles dédiées aux plantations ont aussi

fortement augmenté, mais cet aspect sera étudié plus en détails par la suite. Par ailleurs,

la présence de charbon – dans le district de Vieng Phoukha – et de cuivre – dans le

district de Long – a favorisé des compagnies chinoises à venir investir dans des projets

d’exploitation et d’exploration. En 2014, quelques 36 000 tonnes de charbon et 18 400

tonnes de cuivre ont été extraites dans la province et exportées en Chine (GoL, 2014b :

5). Selon le bureau provincial des ressources géologiques et minérales, des gisements de

fer et d’antimoine seraient également présents.

En ce qui concerne les deux principaux districts de cette l’étude ; le district de

Nalae détient historiquement un rôle central quant au transport de marchandises sur la

rivière Nam Tha. Grâce à son méandre de plus de 325 kilomètres – qui débute en Chine

et rejoint en aval le Mékong – la Nam Tha a longtemps servi pour le transport

interrégional, assurant la distribution des biens dans cette région ; il faut comprendre

que 98% du territoire de Nalae est montagneux. La plupart des communautés Khmu et

Tai Lue, installées le long de la Nam Tha depuis plusieurs siècles, dépendent encore

aujourd’hui des ressources offertes par la rivière. Le district de Sing bénéficie quant à

lui d’un développement économique intimement lié à son voisin chinois. Les

investissements dans le secteur agricole y sont particulièrement visibles. Le district

accueille un grand nombre de personnes d’origine chinoise mais on peut aussi y

apercevoir une population ethnique diverse, notamment des Akha et des Tai Lue, qui

seraient originaires de Chine, de Birmanie et du nord-ouest du Vietnam (LNTA-NZ,

2010).

Page 74: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

61

2.2.2 Une région carrefour convoitée

À partir de ce bref aperçu, il convient d’identifier les différents rouages qui, à

l’échelle de la province, contribuent ou non à faciliter et à stimuler le processus

d’intégration encouragé par l’État laotien. Ces éléments de réponse permettent aussi de

mieux saisir les dynamiques locales et les tendances, actuelles comme à venir, qui

façonnent la région et participent à sa construction.

Comme l’introduit Nolintha, « the upper-north region of Laos is one of the most

promising and at the same time challenging areas for development » (2012b : 150). En

plus d’inclure la province de Luang Namtha, l’auteur précise que la région du nord

laotien comprend aussi les provinces de Bokeo, d’Oudomxay et de Phongsaly.

Ensemble, les quatre provinces se situent dans un espace stratégique à proximité de la

Chine, de la Thaïlande et du Vietnam : trois économies qui offrent un potentiel

considérable pour le commerce, les investissements et la logistique. Au sein de cet

espace se déploie le couloir économique nord-sud (North-South Economic Corridor) de

la GMS et traverse les provinces de Bokeo et de Luang Namtha. Au Laos, la route

nationale 3 est l’une des vertèbres constituant la colonne du NSEC qui s’étend de la

Chine à la Thaïlande, de Kunming à Bangkok. Le couloir est déterminant pour le

développement et l’intégration régionale des deux provinces laotiennes (Nolintha,

2012b : 150-152). En complément de ce couloir économique, la province de Luang

Namtha est comprise dans le Northern Region Economic Development Master Plan,

mis en place par le gouvernement laotien en 2008 pour accélérer la croissance

économique de neuf provinces dans la partie nord du pays. « This plan comprehensively

examines the potentials, challenges, development models and options, shaping the key

development direction for the northern region until 2020 » (Nolintha, 2012a : 46).

Luang Phrabang a été désignée comme le centre économique de ce master plan, en

raison de sa position centrale et de son statut de « moteur économique » du nord

(Oraboune, 2012 : 64). Parmi les trois corridors économiques proposés dans le plan,

l’un d’entre eux relie la Thaïlande et le Vietnam en passant par Luang Namtha.

L’objectif du master plan vise à développer, sur le long terme, un réseau national

d’infrastructures routières afin d’améliorer la connectivité des provinces du nord du

pays avec le reste du Laos et les pays voisins (Sisouphanthong, 2014 : 186-187). Dans

le cas de Luang Namtha, ce développement routier consiste notamment à implanter de

trois postes frontières majeurs pour favoriser les échanges terrestres, notamment

Page 75: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

62

commerciaux. Deux font le passage avec la Chine : Mohan-Boten dans le district de

Namtha (Photo 2.1) et Panghai dans le district de Sing ; et un troisième avec la

Birmanie, celui de Xiengkok dans le district de Long (GoL, 2014b : 6-7).

Figure 2.4 : Poste frontière de Mohan-Boten, district de Namtha, juin 2015

Malgré tout, l’aboutissement d’un tel projet pour l’ensemble des provinces du nord n’est

pas sans difficultés. D’abord, l’une des contraintes de la région résulte de ses zones de

hautes altitudes et de sa topographie majoritairement montagneuse, qui engendrent des

complications en matière d’accessibilité et de connectivité avec certains lieux isolés. Par

ailleurs, le master plan nécessite une mobilisation considérable de ressources et

demande une importante coordination entre les différents projets, un défi potentiel pour

le gouvernement laotien.

La construction d’une ligne de train à grande vitesse entre Kunming et Vientiane vient

aussi d’être convenu entre le gouvernement chinois et laotien, en novembre 2015.

Comme l’annonce le magazine The Diplomat, ce mégaprojet de plus de 40 milliards de

yuans (6,3 milliards de dollars ÉU) sera à 70% financé par la Chine, le gouvernement

laotien étant responsable des 30% restants. Ce tronçon de 418 kilomètres fait partie d’un

projet plus vaste, The Kunming-Singapore Railway, qui prévoit de relier avant 2020 la

partie sud-ouest de la Chine avec l’Asie du Sud-Est, de Kunming à Singapour, en moins

Page 76: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

63

de dix heures, en passant par le Laos, la Thaïlande et la péninsule malaise25. Parmi les

31 gares prévues sur le trajet, Luang Namtha fera partie des localités desservies. Ainsi,

en considération des différents couloirs économiques incluant Luang Namtha, ou des

projets dispendieux convenus avec la Chine, la province se trouve dans un

enchevêtrement complexe de projets, jouant tous en faveur d’une intégration rapide des

régions montagneuses, comme l’affirme Lyttleton : « Modernity has arrived with a rush

in the Lao mountains » (2011 : 282).

Autre initiative favorisant, en partie, l’intégration de la province, concerne la

promotion de l’écotourisme. Depuis l’ouverture du Laos aux touristes internationaux au

début des années 1990, l’industrie touristique du pays absorbe une forte croissance, au

point d’avoir dépassé en 2005 le million de visiteurs (LNTA, 2005 : 5). En réponse au

besoin urgent de disposer, d’une part, de services et d’infrastructures adéquats pour

accueillir les touristes, et de développer, d’autre part, « a sustainable, endogenous

model for community-based culture and nature tourism » (Schipani et Marris, 2002 : 1),

le gouvernement laotien et le bureau régional pour la culture en Asie et dans le

Pacifique de l’UNESCO ont conjointement lancé en octobre 1999 le projet

d’écotourisme Nam Ha (PENH) à Luang Namtha26. Les principaux contributeurs de ce

projet sont le gouvernement de Nouvelle-Zélande (NZAID) et le gouvernement du

Japon (Schipani et Marris, 2002 : 2). Situé à l’intérieur de la Zone Nationale de

Conservation de la Biodiversité (ZNCB) de la Nam Ha, le PENH occupe une superficie

de 222 400 hectares et est contigu avec l’aire protégée de Shiang Yong au Yunnan

(Hedemark et Vongsack, 2002 : 6). En plus de contenir une flore exceptionnelle, la

ZNCB préserve l’habitat de 37 mammifères – dont le tigre du Bengale, l’éléphant

d’Asie, l’ours malais et la panthère nébuleuse, toutes des espèces en voie de disparition

– et de plus de 288 espèces d’oiseaux (Tizard et al, 1997). Depuis la mise en opération

officielle du PENH en 2001, le nombre de touristes internationaux à Luang Namtha a

augmenté de 24 700 en 2000 à plus de 380 400 en 2014 – soit quinze fois plus en moins

de quinze ans – (LNTA, 2000 ; LNTA, 2014) en particulier pour profiter des différents

sites culturels et naturels qu’offre la province. Par ailleurs, cette hausse de touristes s’est

proportionnellement accompagnée d’une augmentation de leurs dépenses dans la

25 The Diplomat, « China, Laos to Build $6 Billon Railway by 2020 », 16 Novembre 2015,

http://thediplomat.com/2015/11/china-laos-to-build-6-billion-railway-by-2020/ 26

Voir le mémoire de Vincent Landry (2010) « Écotourisme, environnement et stratégies d’acteurs au Laos :

L’écogouvernance dans le corridor économique Nord-Sud » pour plus de détails à ce sujet, 55-78.

Page 77: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

64

province – au bénéfice de l’économie provinciale – et a aussi bien offert aux

populations locales de nouvelles opportunités d’emplois que des moyens de subsistance

alternatifs (UNDP, 2012 :10). Comme le mentionnent Schipani et Marris :

All revenue the Nam Ha Ecoguide service generates from the trekking

operations is retained in Luang Namtha. Profits are re-invested in small-

scale development activities or to expand community-based ecotourism in

the province [ 27 ]. Participating communities receive substantial direct

economic benefits by proving food and lodging, guide services, and through

the sale of handicrafts (Schipani et Marris, 2002 : 3).

Pour sa contribution exemplaire envers la réduction de la pauvreté au Laos et la

préservation durable de l’environnement, le PENH a reçu plusieurs récompenses dont le

United Nations Development Award en 2001, le Equator Prize en 2006 et le Ecotourism

Spotlight Award en 200928. Référence anecdotique, le magazine Pacific Asia Travel

Association (PATA) Compass a aussi décrit dans son numéro de Novembre/Décembre

2010 le Laos comme « Simply Beautiful : as an eco-tourism hotspot, Laos is

blossoming » (Rosenbloom, 2010 : 46). Parmi les autres avantages que Schipani met en

avant, on peut noter que l’écotourisme à Luang Namtha : (i) crée de l’emploi et génère

des bénéfices financiers pour les populations locales, (ii) génère des fonds publiques

pour la protection de la culture et de l’environnement, (iii) permet des échanges

interculturels appropriés en petits groupes, (iv) minimise les impacts néfastes sur la

culture locale et l’environnement, (v) détient une forte composante éducative (éducation

et sensibilisation vis-à-vis de l’environnement), et (vi) dissuade certaines activités

illégales, comme le braconnage, à l’intérieur de la ZNCB (Schipani, 2006 : 8). À

l’inverse, ce type de projet peut aussi avoir des conséquences négatives pour les

populations locales, en particulier pour les minorités ethniques. Comme discuté lors

d’un entretien avec Jean Michaud, professeur au département d’anthropologie de

l’Université Laval et spécialiste de cette région :

27 En 2005, 69% des bénéfices générés par le « Nam Ha Ecoguide service » ont été reversés aux populations locales. 28 Consulter www.ecotourismlaos.com/news/index.htm pour plus d’informations sur ces récompenses.

Page 78: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

65

« Il va se produire au Laos ce qui se produit en Chine depuis déjà une

vingtaine d’années, c’est-à-dire que l’État, en intégrant ses populations

marginales, décide, à des fins purement commerciales et touristiques, de

conserver un côté folklorique chez les populations. Comme certains endroits

au Yunnan, on fabrique une tradition qui se traduit par des vêtements à

codes fixés, des manières de chanter et de danser. Les touristes chinois

viennent par millions voir, à heures fixes, ces gens danser et s’habiller de

manière particulière, et ces codes deviennent la seule distinction qui

demeure de ces populations ethniques. Pour le reste, ils oublient leur

langue, vont vivre à la ville, et se comportent comme des Chinois. Le Laos

va finir par le faire bientôt, par inventer des villages vitrines dans lesquels

les gens vont se comporter comme des minoritaires, tel que conçu dans

l’esprit de ceux des basses terres » (Entretien, 18 novembre 2014).

Jullien soutient ces idées en parlant d’aliénation d’une population par une autre, et où

les minorités ethniques sont par la suite « conduites malgré elles à produire une

étrangeté factice, [un] théâtre de “l’indigène”, [et à] simuler ce qui serait […] une

pseudo-identité » (2010 : 26-28). Le PENH présente ainsi de nombreux avantages, tant

socioéconomiques qu’environnementaux pour la province. Mais, dépendamment des

politiques futures du gouvernement, le tourisme pourrait aussi avoir à long terme des

effets pervers sur les populations ethniques minoritaires locales – notamment sur leurs

cultures et leurs manières de vivre – et affecter le processus par lequel ces populations

sont intégrées.

Les phénomènes de migration et de mobilité des populations laotiennes

représentent aussi un autre rouage de l’intégration de la province. Du recensement

national de 1995 au recensement de 2005, des dynamiques inégales de croissance

démographique dans les provinces pouvaient être identifiées. Les provinces du nord-est

et du nord ont affiché un solde migratoire négatif, tandis que les provinces du nord-

ouest, en particulier les districts de Namtha et de Sing, étaient bien plus attractives,

signes d’une tendance vers un déséquilibre démographique. Comme le décrit Bouté,

ceci peut surtout s’expliquer par l’ouverture des frontières, l’augmentation des échanges

transfrontaliers avec les provinces de Bokeo et de Luang Namtha et, subséquemment, la

formation du NSEC, qui offrent toutes d’importantes opportunités économiques pour

les populations nord laotiennes (Bouté, 2014 : 399-403). Ces phénomènes de migration

et de mobilité ont donc non seulement engendré des changements territoriaux, mais sont

aussi plus intimement liés à certains faits sociaux.

Page 79: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

66

Sur le plan territorial, des populations montagnardes ont été ou se sont déplacées vers

les plaines et les villes (Taillard et Bounthavy, 2000 : 57) – majoritairement pour

démarrer des plantations commerciales – en accord avec les politiques nationales de

sédentarisation. La plupart des villages situés loin des routes ont par conséquent

disparus, tandis que ceux situés le long des routes ont fleuri (Évrard, 2011),

accompagnés par l’agrandissement des centres urbains déjà existants (Tableau 2.1).

Entre 2005 et 2010, le taux de croissance de la population urbaine au Laos a été

d’environ 5,6%, par année, plus du triple de la croissance de la population nationale,

alors de 1,8%, par an sur la même période (Data Banque mondiale, 2016). En 2005, la

population urbaine représentait près de 27% de la population totale laotienne, et en 2015

déjà plus de 39% (Data Banque mondiale, 2016). Franck ajoute qu’avec le processus de

régionalisation et les mouvements de populations, les hiérarchies urbaines sont amenées

à être reconfigurées. Dans le cadre du GMS, et particulièrement des provinces du nord-

ouest, les villes situées dans les corridors sont désormais intégrées dans des réseaux qui

transcendent les frontières nationales (Franck, 2014 : 269-298). Malgré tout, la

convergence de nombreuses personnes dans certaines provinces, comme Luang

Namtha, a entrainé durant les dernières années une forte pression foncière, corrélée à

une augmentation des prix, et graduellement, un manque d’opportunités économiques

pour les nouveaux migrants (Bouté, 2014 : 404). Ainsi, il n’est pas rare d’identifier des

paysans qui ont abandonné leurs terres dans l’ancien village et qui se retrouvent sans

terre dans le nouveau village, car plus aucune n’était disponible au moment de leur

arrivée. C’est le cas de quelques-unes des personnes rencontrées dans le district de Sing,

en juillet 2015.

Tableau 2.1 : Population urbaine dans les provinces au nord du Laos, 1995-2005

(en nombre d’habitants et en pourcentage de la population totale)

Phongsaly Houaphan Oudomxay Luang Namtha

habitants % habitants % habitants % habitants %

1995 8 658 5,7 14 404 5,9 31 678 15,1 19 621 17,1

2005 20 854 12 ,6 33 022 11,8 40 409 15,2 31 734 21,8

Source : Bouté, 2014 : 406

Page 80: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

67

En ce qui concerne les aspects sociaux, plusieurs raisons poussent les populations

montagnardes à migrer vers les plaines. Comme l’analyse Bouté, « migrating is much

more a choice by default than a real economic rational choice » (2014 : 407). La

transition vers l’agriculture commerciale est devenue presque inévitable. D’une part,

avec l’interdiction de la pratique d’une agriculture itinérante et de la culture de l’opium,

généralement peu d’autres options économiques sont possibles dans les régions

montagneuses. D’autre part, l’exode d’habitants d’un village incite les autres à partir

aussi, principalement pour rester avec les membres de leur famille (ibid, 2014 : 407). De

plus, les autorités des provinces et des districts ont largement diffusé l’idée que vivre

dans les régions montagneuses est synonyme de misère. L’impact de ces perceptions

n’est pas à négliger puisque qu’elles motivent souvent les populations à se relocaliser

proches des services offerts par l’État (Lyttleton, 2005). Inversement, l’arrivée des

populations montagnardes dans les plaines crée des problèmes sociaux, notamment

visibles dans les capitales des provinces et des districts. Le développement de

stratifications sociales apparaît, entre autres, à partir de la fin des années 1990, avec

l’émergence de ce que Marx définit comme le prolétariat (Lyttleton, 2011 : 278). Bouté

identifie cinq classes, avec des proportions variant selon la hiérarchie des lieux –

capitale de province (Luang Namtha), capitale de district (Nalae/Sing) etc. On peut

noter : les familles de commerçants, les familles de fonctionnaires, les familles mixtes

(fonctionnaires et paysans), les familles de paysans, et les familles ouvrières

(fréquemment main d’œuvre sur les plantations). Selon les classes, le revenu annuel

moyen peut s’échelonner de quelque 3 millions de kip (370 dollars ÉU) à plus de 80

millions de kip (10 000 dollars ÉU) pour certaines familles commerçantes (Bouté,

2014 : 411). Par ailleurs, l’apparition des cultures commerciales a accéléré le processus

de différentiation économique en fonction des opportunités d’accès à la terre

(Ducourtieux et al, 2005). D’un côté, certains paysans propriétaires s’enrichissent en

investissant dans les cultures commerciales, ce qui leurs permet d’augmenter leurs

revenus. De l’autre, certains paysans, avec ou sans terre, s’appauvrissent, soit à cause

d’endettements, soit en vendant progressivement leurs derniers biens (bétail, etc.).

To sum up, agriculture is turning into a business from which farmers are

excluded. The paradox is the following: traders and civil servants have at

present more land than farmers […]. This fact has already been established

for Luang Namtha province […], rubber plantations had enriched the elite

class of Lao PDR while producing many poor people who have to work in

Page 81: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

68

the plantations and factories. So there is the emergence of a new category,

the “landless farmers” (Bouté, 2014 : 415-416).

Enfin, l’influence et le rôle des réseaux chinois dans la métamorphose

socioéconomique de la province nécessitent d’être explorés. Avec la construction du

tronçon routier laotien de 228 kilomètres, faisant le lien entre Kunming et Bangkok, le

NSEC a contribué à accélérer l’afflux de migrants et d’investissements en provenance

de Chine. Comme le souligne Tan : « While [Chinese] are the main drivers of change,

they are also the main “winners” on the verge of dominating the local economy by

weaving their transnational networks into trade, agri-business, transport and tourism

sectors » (Tan, 2014 : 427). De 1993 à 2008, 96% des investissements directs étrangers

dans la province de Luang Namtha étaient d’origine chinoise, dont plus de 48% ont

servi au développement du secteur agricole (GoL, 2009). Les secteurs de l’industrie

(usines de traitement du caoutchouc et du tabac, entrepôts, etc.), du commerce et, dans

une moindre mesure, des mines et de l’énergie hydraulique – bien qu’en forte

augmentation –, sont aussi visés par les investisseurs chinois. Mais cette arrivée rapide

d’investissements n’aurait pas été possible sans, d’une part, l’intervention des réseaux

d’affaires transnationaux constitués par les nouveaux migrants chinois et, d’autre part,

le rôle d’intermédiaire joué par un certain nombre de groupes ethniques minoritaires

appartenant à la sphère culturelle chinoise, tels que les Hmong ou les Akha (Tan, 2014 :

431). Par ailleurs, cette nouvelle vague de migrants a amorcé la renaissance des

communautés chinoises de la région, et du reste du Laos, présentes pour certaines

depuis des siècles. L’arrivée au pouvoir du Pathet Lao en 1975 avait alors provoqué un

exode massif de ces communautés vers les États-Unis d’Amérique, la France et

l’Australie (Condominas et Pottier, 1982). Halpern (1961) et Rossetti (1997) distinguent

deux types de communautés chinoises préétablies au Laos. D’un côté, principalement au

nord, se trouvent les Chin Haw : caravaniers, trafiquants ou commerçants issus des

migrations terrestres du quinzième siècle et en provenance du Yunnan. De l’autre, plus

au centre et au sud, se sont répartis les Huaqiao : émigrés commerçants des provinces

côtières de Chine méridionale (Guangdong, Fujian et Hainan) venus durant la période

coloniale française pour faire affaire et prospérer29. En 2007, selon l’ambassade de

Chine à Vientiane, 30 000 Chinois vivaient officiellement au Laos, mais leur nombre

29 Voir Purcell (1965), Pan (1999) et Tan (2015) pour plus d’informations sur ces communautés.

Page 82: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

69

serait en réalité estimé à plus de 300 00030. Le nombre des populations chinoises dans

les provinces nord laotiennes est difficile à évaluer, premièrement, à cause de la

divergence des données aux échelles nationale et provinciale et, deuxièmement, en

raison de l’importante mobilité de ces populations. Dès lors, « transnational networks

are crucial to understanding migrant settlement and community building in Lao PDR »

(Tan, 2014 : 432), notamment vis-à-vis du secteur agricole, activité prééminente de la

province.

Pour résumer, la construction du Laos et le processus d’intégration multiscalaire

qui en découle s’effectuent suivant deux dynamiques majeures, l’international et le

transnational. À l’échelle nationale, ces dynamiques s’affichent tant dans le volet

économique que géopolitique, et contribuent conjointement à l’émergence progressive

de la nation. À l’échelle provinciale, échelle plus révélatrice, à tout le moins proche, des

réalités humaines, les rouages de cette intégration sont exposés, témoignant des

différentes facettes du processus, à la fois bénéfiques et néfastes. Ainsi, bien que

l’unification et la modernisation du pays soient les lignes directrices des politiques de

l’État, l’intégration des uns peut parfois s’accompagner de la marginalisation des autres.

Pour la province de Luang Namtha, quatre éléments de ce processus ont été avancés,

chacun présentant, à leur mesure, des opportunités et des défis.

Maintenant qu’il a été possible d’identifier les différents rouages de l’intégration sur

papier, grâce à la littérature scientifique, il convient désormais de se demander à quoi

ressemble cette intégration sur le terrain. Existe-t-il des similitudes ou des différences ?

Qu’est-ce qui permet d’identifier ces processus d’intégration ? Comment les

populations montagnardes s’adaptent-elles aux projets de modernisation et de

développement économique nationaux et internationaux ? À quoi peut-on rattacher cette

adaptation ? Les prochains chapitres proposent des éléments de réponse à ces questions.

30 The Nation (2007) « Chinese investors invade Laos »,

http://www.nationmultimedia.com/2007/10/08/regional/regional_30051701.php

Page 83: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

70

Chapitre 3 : L’intégration des régions montagneuses et de la province

de Luang Namtha aux nouveaux systèmes territoriaux et économiques

3.1 Considérations méthodologiques

3.1.1 Choix du terrain et populations à l’étude

Depuis le début des années 1990, il est possible d’observer des transformations

dans les régions montagneuses du Laos. Ces transformations, différentes selon les

régions du pays, touchent en particulier les minorités ethniques montagnardes. La

province de Luang Namtha fait, entre autres, partie de ces régions sujettes au

changement. Le choix de cette province implique différentes considérations, dont

notamment la présence de Chinois qui, par leurs investissements et leurs réseaux,

accélèrent et intensifient les transformations à l’échelle locale. Le choix des districts de

Nalae et de Sing suit, en partie, cette même logique.

Dans la phase initiale du projet de recherche, il était question de s’intéresser à un

groupe ethnique spécifique : le peuple Khmou – appartenant à la famille austro-

asiatique et au groupe linguistique des Môn-Khmer. Ce choix de populations d’étude se

justifiait principalement pour des raisons numériques. Le peuple Khmou représente le

plus grand groupe minoritaire du Laos et de la province de Luang Namtha. En 2013, ils

constituaient environ 7,5% de la population du Laos, soit plus de 507 000 individus

(CEFAN, Université Laval). Par ailleurs, ce peuple pratiquait jusqu’à récemment une

agriculture itinérante, mais les politiques nationales de sédentarisation ont contraint la

majorité à s’installer de façon permanente dans les zones définies par l’État, et à devenir

des paysans. Au cours des premières semaines de terrain, il est devenu évident que se

focaliser uniquement sur les villages Khmou – dans la province et les districts à l’étude

– serait une tâche trop fastidieuse pour mon assistant et moi-même. Entre autres, le

manque d’information, l’inaccessibilité en moto de certains lieux, l’imprécision des

cartes à notre disposition, la limite de temps sur place et la méconnaissance de certains

aspects pratiques de la recherche englobent toute cette difficulté. Dès lors, en plus des

Khmou, l’étude s’est aussi intéressée aux peuples Akha (famille des Tibéto-Birmans) et

Lue (famille des Lao-Tai), autres groupes ethniques minoritaires fortement présents

dans la province. Suite aux entretiens, la répartition géographique de ces populations

pouvait être identifiée ainsi : pour les deux districts choisis pour approfondir la

Page 84: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

71

connaissance des dynamiques, les Khmou se situaient exclusivement dans le district de

Nalae et les Akha exclusivement dans le district de Sing, tandis que les Lue se

retrouvaient aussi bien dans les deux districts.

3.1.2 Cueillette des données et méthodes d’analyse

Pour récolter des informations concernant l’adaptation des populations ethniques

aux projets d’intégration mis en œuvre par l’État, un séjour de terrain, d’une durée de

dix semaines, du 25 mai 2015 au 26 juillet 2015, a été réalisé. Lors de ce terrain, deux

groupes de personnes étaient ciblés : des personnes ressources – key informants – et des

populations paysannes. Des outils, dont des questionnaires, ont été utilisés pour récolter

les informations. À partir de questionnaires adaptés, selon les bureaux, huit entretiens

avec des membres du gouvernement – key informants – ont permis d’obtenir des

informations contextuelles précises sur les différents projets menés par l’État dans la

province. Ces entretiens permettaient aussi d’examiner comment les key informants

adoptent la position de l’État par rapport à cette intégration. Quels sont leurs

perceptions et leurs avis à ce sujet ? Les départements contributeurs sont respectivement

: Agriculture & Forestry ; Public Health ; Education ; Planning & Investment ;

Environment & Natural Resources ; Geology & Mining ; Rural Development & Poverty

Eradication. Pour les populations paysannes, des questionnaires semi-ouverts ont été

privilégiés, abordant plusieurs volets comme : l’agriculture, le temps passé au travail,

les moyens de communication, les conditions socioéconomiques, et les transformations

générales du quotidien (Annexe 1). Ces questionnaires, basés sur d’autres études

menées au Vietnam dans le cadre du programme Intégration des régions montagneuses

d’Asie du Sud-Est continentale (IRMA), dirigé par Steve Déry au département de

géographie de l’Université Laval, ont été modulés pour mieux répondre au contexte

laotien. Un exemplaire en anglais et en lao a par ailleurs été fourni aux collaborateurs

locaux. Au total, 60 villageois, dont 6 femmes, dans 15 villages ont été enquêtés : 28

dans le district de Sing et 32 dans le district de Nalae. Pour chacun des 15 villages, la

priorité de l’entretien était donnée au chef du village, lorsque possible, pour avoir sa

permission d’enquêter les autres villageois, mais aussi en raison de sa connaissance des

lieux. Il pouvait ainsi, d’une part, nous présenter aux villageois et, d’autre part, nous

fournir les informations générales et historiques du village. S’en suivent, dans le

prochain paragraphe, quelques informations générales sur les 60 personnes interrogées.

Page 85: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

72

Sur le plan ethnique, 24 personnes se sont identifiées d’origine mon-khmer (20

Khmou ; 4 Samtao), 19 d’origine sino-tibétaine (19 Akha) et 14 d’origine lao-tai (10

Lue ; 3 Tai Dam ; 1 Lao). Par ailleurs, deux se sont référées à l’ancienne classification,

se disant Lao Theung (Lao vivant sur les pentes) et une dernière personne s’est

identifiée au groupe ethnique des Karen (sino-tibétain). 45 personnes se sont dites

animistes tandis que les 15 autres pratiquaient le bouddhisme. À ce propos, chez nos

répondants, les Khmou et Akha sont davantage animistes tandis que les Lue sont

davantage bouddhistes. La moyenne d’âge des participants était de 45 ans. Le plus jeune

avait 19 ans et le plus vieux 70 ans. Enfin, avec un total de plus de 230 enfants, répartis

entre les 60 participants, on compte en moyenne quatre enfants par participant.

L’analyse des questionnaires a permis de faire ressortir quatre grands thèmes :

les connaissances agricoles, la modernité – faits qui témoignent des transformations de

l’époque présente et de ce qui est jugé comme moderne –, l’éducation et la santé. De

quelle manière ces thèmes montrent-ils si les populations sont intégrées ? Quelles

pratiques et quels savoirs sont liés à l’agriculture ? Quels sont les témoins d’une vie

moderne ? Quel rôle joue l’État dans l’établissement d’un système éducatif et sanitaire ?

C’est dans cette même logique que sont présentés les résultats de l’étude. À partir d’une

approche multi-niveaux (Déry, 2006b), considérée comme une approche permettant une

compréhension plus complète des phénomènes d’adaptation que la simple approche

déterministe (O’Keefe et al, 2010), les thèmes de la vulgarisation agricole et de la

modernité sont traités suivant deux échelles : celle de la province et celle des districts de

Nalae et de Sing. Les thèmes de l’éducation et de la santé sont de leurs cotés

principalement étudiés à l’échelle de la province.

Page 86: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

73

3.2 Changer l’utilisation du sol, les pratiques, et l’information

3.2.1 Le développement des cultures commerciales

Dans un contexte où l’État laotien souhaite hisser le pays hors de la pauvreté

mais ne dispose pas de moyens suffisants, les investissements étrangers et l’aide

internationale constituent une source de financement primordiale. Dans le secteur

agricole, les plantations agro-industrielles – aussi dites commerciales – ont notamment

fait l’objet de ces financements (Phimmavong et al, 2009). L’hévéa (Hevea brasiliensis)

est entre autres un exemple de réussite au Laos, comme dans de nombreux pays sud-est

asiatiques. Il a été introduit dans les provinces du nord laotien au début des années

1900, au moment de la colonisation française en Indochine (Fortunel, 2013). En 1906,

alors que l’Asie du Sud-Est produisait seulement 1% du caoutchouc naturel mondial,

elle parvint au tournant des années 1920 à en produire plus de 75% (Keong, 1976 :

181). Aujourd’hui, comme l’indique Shi : « Rubber, one of China’s four main industrial

materials (the other three are coal, iron and petroleum), is of strategic importance in

sustaining the country’s rapid economic growth » (2008 : 18). En plus d’être une

matière indispensable dans l’industrie mondiale (Umar et al, 2011), la production de

latex – ou caoutchouc naturel – apparaît, selon Manivong et Cramb (2008), comme un

investissement lucratif pour des populations montagnardes pauvres, impliquées dans des

politiques de sédentarisation et de réduction de la pauvreté. Depuis le début des années

1990, en conséquence de l’ouverture du pays au marché international, il est possible

d’observer au Laos une augmentation des investissements privés et étrangers –

notamment Chinois – dans les plantations d’hévéa. Ces investissements se situent plus

particulièrement dans les « non-traditional rubber growing areas of Laos » (Fox et al,

2011 : 12), là où les plantations d’hévéa n’ont jamais été établies auparavant, comme

dans la province de Luang Namtha à partir de 1994. Toutefois, à la suite du gel de 1999,

plusieurs plantations avaient été abandonnées dans l'ensemble de la province, puis

relancées au début des années 2000 avec les investissements des compagnies privées

(Dubé, 2010 : 82).

Grâce aux données fournies par le Planning & Investment Department de Luang

Namtha, on constate, en 2015, 47 investissements issus du secteur privé dans

l’agriculture et l’industrie. Parmi eux, 24 (soit 51%) concernent l’hévéa :

Page 87: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

74

Tableau 3.1 : Investissements agro-industriels à Luang Namtha de 2001 à 2015

Nombre Objectif Investissement

total

(en $ÉU)

Superficie totale

(en hectares)

Agriculture

Nationaux 3 Développement

des plantations

d’hévéa

2 873 400 11 782

Internationaux

(Chine)

13 Développement

des plantations

d’hévéa

22 265 500 10 955

Industrie

Nationaux 0 - - -

Internationaux

(Chine)

8 Usines de

caoutchouc

19 711 011 3

Total 24 44 849 911 22 740

Source : Information partagée au Planning & Investment Provincial Office de Luang Namtha le 14 juillet 2015

Bien que les investissements débutent dans la province à partir de 2001, ceux qui

concernent le développement des plantations d’hévéa connaissent une nette hausse entre

2004 et 2008. Puis, c’est entre 2010 et 2014 qu’on observe un nombre accru

d’investissements dans le secteur industriel, et plus particulièrement dans la

construction d’usines de caoutchouc. Ceci est dû au fait que l’hévéa nécessite entre sept

et huit ans avant d’atteindre sa pleine maturité pour produire du latex. En 2015, ces

investissements avaient atteint presque 45 millions de dollars ÉU.

Dans le rapport socioéconomique de la province de Luang Namtha de 2006, il est

mentionné que la superficie plantée en hévéa a atteint 11 506 hectares cette année-là –

12 585 hectares selon d’autres31 – parmi lesquels 334 hectares avaient commencé à

produire. La récolte de latex s’élevait alors à 840 tonnes. En 2006, plus de 88% de la

superficie en hévéa dans la province avait été plantée par les villageois eux-mêmes, le

reste étant par les compagnies – qui font bien sûr planter les arbres par les villageois

aussi. Dans le rapport socioéconomique de 2014, on note que la superficie plantée en

hévéa avait été multipliée par trois par rapport à 2006, atteignant 34 347 hectares, parmi

lesquels 6 733 hectares avaient commencé à produire, totalisant ainsi une production de

31 Shi, Weiyi (2008) Rubber Boom in Luang Namtha: A Transnational Perspective. Vientiane : Deutsche

Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), 90p.

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75

15 703 tonnes. En l’espace de huit ans, la production de caoutchouc naturel a augmenté

de presque 1900%, ce qui représente en soit un boom agricole important pour une

région jusqu’alors peu présente sur les marchés extérieurs. De plus, ce développement

ne semble pas être sur le point de s’arrêter puisque d’autres rapports prévoyaient que les

superficies en hévéas du Laos passeraient de 140 000 hectares à 3000000 hectares sur

une période de dix ans à partir de 2010 (Douangsavanh, 2009). Il est toutefois important

de préciser que l’hévéa n’est pas la seule culture commerciale à connaître un

développement notable dans la province. En effet, selon nos enquêtes, depuis 1995, le

bancoulier, la cardamome et la banane en font également partie, mais les essors sont

différenciés selon les cultures et selon les districts étudiés, Nalae (Figure 3.1) et Sing

(Figureo3.2).

Officiellement, le gouvernement provincial de Luang Namtha promouvoit une

agriculture contractuelle de type « 2+3 » avec 70% des produits (profits ou production)

reversés aux villageois et 30% reversés aux investisseurs. Ce type de contrats présente

cinq variables : la terre, la main d’œuvre, le capital (incluant les semences, les intrants

et l’équipement), le savoir-faire et le marketing. Les villageois fournissent la terre et la

main d’œuvre tandis que les investisseurs procurent les trois autres. Ces contrats sont

signés pour des durées variant de 30 à 35 ans avec, pour la plupart, des possibilités de

renouvellement. Aux yeux du gouvernement provincial, cet arrangement de type

« 2+3 » octroie aux villageois un accès plus sécurisé à leurs terres et renforce leur

sentiment de contrôle sur les plantations, à l’inverse des concessions. Malgré tout, la

réalité présente une version bien différente de l’officielle. Suivant des enquêtes menées

par Shi (2008), tous les villages en contrats avec des investisseurs dans les districts de

Long et de Sing opèrent sous un arrangement de type « 1+4 ». Les villageois fournissent

uniquement la terre tandis que les investisseurs procurent les quatre autres variables, y

compris une main d’œuvre employée, locale ou étrangère. Les villageois ne perçoivent

alors que 30% des produits et les investisseurs le reste. À Sing, ces contrats sont

notamment visibles dans les plantations de bananes et provoquent l’émergence du

concept de grenting, acronyme de « land grabbing » et de « renting ».

Page 89: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

76

Figure 3.1 : Évolution du nombre de personnes pratiquant une nouvelle culture dans le

district de Nalae, 1995-2015

Figure 3.2 : Évolution du nombre de personnes pratiquant une nouvelle culture dans le

district de Sing, 1995-2015

Dans l’évolution des deux districts, on constate des pics d’investissements dans

les plantations d’hévéa, entre 2004 et 2008. Ces investissements sont toutefois

nettement supérieurs à Nalae qu’à Sing. Selon Mme Sounthone Unthala 32 du

Department of Environment & Natural Resources, l’une des raisons expliquant cet écart

entre les deux districts réside dans la topographie du territoire. Le territoire de Nalae est

constitué à 98% de pentes, avec un point culminant à 520 mètres d’altitude. Le territoire

de Sing est pour sa part constitué de plateaux situés à 700 mètres d’altitude. Dès lors,

les populations Khmou et Lue de Nalae, ne disposant pas de suffisamment d’espace

32 Entretien le 21 juillet 2015 à Luang Namtha

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Maïs

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N=32

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77

pour cultiver du « riz inondé » sur un terrain plat, pratiquaient une agriculture itinérante

et brûlaient la forêt pour cultiver du « riz pluvial ». Dans ses objectifs de réduction de

l’agriculture itinérante et de sédentarisation des populations montagnardes, l’État

laotien déploie, depuis le début des années 1990, des politiques s’engageant dans la

« forest conservation », comme le Tropical Forest Action Plan de 1990 (ICEM, 2003 :

44). Afin d’y parvenir, l’État promouvait en 2005, par le biais du Lao National Forestry

Strategy to the Year 2020, le développement des plantations pour réduire les superficies

consacrées à l’agriculture itinérante. Ce plan prévoyait une augmentation du « forests

cover » national de 40% à 70% à l’horizon 2020, pourcentage qui inclut les plantations

commerciales (GoL, 2005 : 3-4). Ainsi, en réponse aux contraintes topographiques et

agricoles, les investissements ont été plus nombreux depuis 2004 dans le district de

Nalae que dans celui de Sing. À partir des années 2008-2009, le développement agricole

des deux districts prend des orientations différentes. À Nalae, on observe l’apparition de

deux cultures qui viennent s’ajouter aux plantations d’hévéa : la cardamome (Elettaria

cardamomum) et le bancoulier (Vernicia cordata ou « Tung-oil tree »), ce dernier

servant à produire l’huile de Tung (Hirota et al, 2014). L’introduction favorable du

bancoulier dans le district est surtout due à sa longue espérance de vie – entre 30 et 40

ans –, à sa capacité à pousser sur des terrains abrupts et aux prix de revente intéressants

aux intermédiaires, qui viennent chercher la production à la ferme, environ 25 000 kip

par kilogramme. À Sing, les plantations d’hévéas sont progressivement remplacées par

les bananeraies. Économiquement plus intéressantes et nécessitant moins de travail pour

les populations locales, celles-ci sont entretenues par les entreprises chinoises, qui

louent les terres pour une période de cinq à six ans, comme l’entreprise Lao Ming qui

détient dans le district plus de cent hectares de concessions.

L’un des vecteurs de l’intégration est ainsi le changement d’une agriculture de

subsistance à une agriculture de marchés avec le développement des plantations. Cette

transition a entrainé, depuis le début des années 2000, un net changement d’utilisation

du sol dans les district de Nalae et de Sing (Tableau 3.2). Prises dans l’engrenage des

politiques de l’État, les populations montagnardes dédient assurément plus de terres aux

cultures commerciales et moins aux cultures de subsistance, comme le riz.

Page 91: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

78

Tableau 3.2 : Intégration et répartition de l’utilisation du sol dans les districts de Nalae

et de Sing, 2015 (selon les entretiens)

Source : Enquêtes mai - juillet 2015

Malgré une surface agricole moyenne par foyer, et une surface de plantation moyenne

par foyer, plus élevées à Sing, on remarque que les paysans du district de Nalae dédient

une part plus importante de terres aux plantations commerciales. Cette situation pourrait

à nouveau s’expliquer par les variations dans la topographie des territoires des deux

districts. Finalement, au-delà de transformer le paysage rural et l’utilisation des sols, le

processus d’intégration apporte de façon associée des connaissances et des techniques

que les populations montagnardes doivent acquérir pour s’adapter.

3.2.2 Vulgarisation agricole et apprentissage de nouvelles techniques

Avec l’arrivée des cultures commerciales, les populations ont été amenées à

adopter de nouvelles techniques agricoles. Ces cultures requièrent chacune des

techniques de production spécifiques que les utilisateurs doivent assimiler. Ces

techniques vont de la manipulation d’outillages divers, tels que le couteau et la tasse

pour l’hévéa (Figure 3.3), à l’utilisation d’intrants chimiques agricoles, comme les

engrais et les pesticides (Figure 3.4). Selon les types de plantations, de contrats, et

d’investisseurs, ces techniques peuvent être, soit transmises par l’État et les compagnies

privées, soit acquises via le cercle social proche – famille et voisins.

Nombre de

foyers

Surface

agricole totale

(en hectares)

Moyenne par

foyer

(en hectares)

Surface

plantations

(en hectares)

Moyenne par

foyer

(en hectares)

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foyer des terres

dédiées aux

plantations

Nalae 32 103,2 3,22 73,5 2,3 71,4%

Sing 28 100,4 3,58 68,8 2,45 68,4%

Total 60 203,6 3,39 142,3 2,37 69,9%

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79

Figure 3.3 : Récolte du latex dans une plantation d’hévéa à Nalae – Juin 2015

Figure 3.4 : Utilisation d’intrants chimiques sur une parcelle à Muang Sing – Juin 2015

Page 93: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

80

Pour reprendre l’exemple de l’hévéa, à partir d’une analyse de nos entrevues, il a été

possible de distinguer deux principaux scénarios. Dans le premier, une compagnie –

toujours d’origine chinoise – vient jusqu’aux villages et propose, aux personnes le

souhaitant, de les aider à démarrer une plantation. En contrepartie d’adhérer à un contrat

de revente exclusive de la production, les villageois reçoivent une formation – allant de

trois à sept jours – et apprennent les techniques essentielles au fonctionnement de leur

plantation. Par ailleurs, selon les cas, la compagnie peut fournir les plants et les outils

dont ils ont besoin. Ici, les techniques et les connaissances sont uniquement transmises

par les compagnies privées. Ce scénario était notamment valable dans 94% des

interviews à Nalae. Dans le deuxième scénario, les villageois prennent l’initiative de

démarrer une plantation. Ils doivent alors acheter les plants et les outils par leurs propres

moyens. Le prix des plants varie, selon le contexte économique, de 0,20$ÉU à 1,80$ÉU

par unité. Une plantation est constituée d’environ 500 plants par hectare.

L’investissement d’une famille peut dès lors s’avérer conséquent. Pour une plantation

de deux hectares (la moyenne des familles interviewées se chiffre à 2,3 hectares), cela

signifie 1 000 plants à se procurer, soit un investissement pouvant varier de 200$ÉU à

1.800$ÉU. L’assimilation des connaissances et des techniques se fait ensuite grâce à la

famille, ou auprès des voisins, qui ont déjà acquis ces connaissances. Du fait qu’aucun

contrat n’est signé, la production pourra être revendue à une compagnie privée ou à un

intermédiaire. Ce deuxième scénario était quant à lui valable dans 100% des interviews

à Sing. À partir de 1995, la transformation et l’ajout des nouvelles techniques agricoles

varient selon le district de Nalae (Figure 3.5) ou celui de Sing (Figure 3.6).

Figure 3.5 : Évolution du nombre de personnes adoptant de nouvelles techniques

agricoles dans le district de Nalae, 1995-2015

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81

Figure 3.6 : Évolution du nombre de personnes adoptant de nouvelles techniques

agricoles dans le district de Sing, 1995-2015

L’apprentissage des nouvelles techniques s’est faite de paire avec l’apparition des

nouvelles cultures. Ainsi, lorsque l’hévéa et le bancoulier ont été adoptés à Nalae,

respectivement au cours des années 2006-2008 puis 2012-2015, les populations

montagnardes se sont adaptées, en particulier ce qui à trait à la manipulation

d’outillages distincts. Ce développement concomitant s’est également produit à Sing

avec l’hévéa, les bananeraies et la canne à sucre. Toutefois, l’utilisation d’intrants

chimiques agricoles est nettement plus importante dans le district de Sing depuis le

début des années 2000. Les enquêtes n’ont pas permis d’en connaître la raison exacte

mais peut-être est-ce simplement la proximité avec la frontière chinoise qui contribue à

la présence d’un nombre plus élevé de boutiques qui vendent ces produits (Figure 3.7).

Avec la durée et de l’entrainement, 79% des participants se disent pleinement confiants

d’utiliser ces nouvelles techniques. À l’inverse, 21% confient parfois rencontrer des

problèmes comme : réparer des outils en panne ou utiliser correctement des intrants

chimiques agricoles. Suite à l’utilisation de ces intrants, parfois hautement toxiques, des

problèmes de santé peuvent également survenir car « these farmers, who are typically

not able to read instructions and warnings, spray dangerous chemicals without proper

protective gear » (Kammerer, 2000 : 49).

Par comparaison à l’implication « massive et volontariste » (Ducourtieux et al, 2004b :

210) de l’État laotien dans ses politiques de réformes foncières au cours des années

1990, l’implication de l’État dans la vulgarisation agricole au profit des populations de

Luang Namtha semble nettement plus faible. En effet, peu de personnes ont confié avoir

reçu une aide quelconque de l’État : 5 sur 60 au total. Parmi ces villageois, certains

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Autres Intrants

Engrais

Pesticides

Outillages

N=28

Enquêtes mai-juillet 2015

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disent avoir participé à des rencontres, organisées par le bureau provincial de

l’agriculture. Celles-ci visaient à apprendre certaines techniques d’utilisation des

intrants chimiques agricoles et d’autres techniques concernant l’irrigation des parcelles

agricoles. Par ailleurs, sur les 15 villages enquêtés, un seul était équipé d’un centre

technique agricole (Figure 3.8), permettant aux populations des alentours d’apprendre

de nouvelles techniques agricoles/d’élevage à partir d’images et de textes. En dépit des

nombreux projets conduits dans la province, en partenariat avec des organismes

internationaux – Australian AID (AusAID), Japan International Cooperation Agency

(JICA), Swiss Agency for Development and Cooperation (SDC), Programme

Alimentaire Mondial (WFP) etc. – l’État paraît, suite aux entretiens avec les villageois,

davantage tenir un rôle de superviseur que d’exécutant auprès des populations. L’État se

charge de mettre en place des politiques et de les faire appliquer par les bureaux

provinciaux mais s’implique directement peu sur le terrain. Ce rôle revient

principalement aux organismes internationaux et aux investisseurs privés. Malgré tout,

dans le cas de concessions agricoles – contrats de type « 1+4 » – en particulier dans le

district de Sing, « there is also limited technology transfer to local villagers […],

particularly if the laborers are employed from China. When asked whether villagers are

given training on [plantations], a senior company manager confided, “Not really. We

have to reserve something. We’ll teach them when we think the time is right” » (Shi,

2008 : 31-32). Ainsi, dans son rôle de superviseur, le gouvernement central doit faire

face à certains défis quant à l’application de ses politiques agricoles à l’échelle des

provinces et au respect des accords passés avec les investisseurs étrangers.

L’adaptation aux cultures commerciales et l’acquisition de nouvelles

connaissances ont progressivement changé les relations sociales entre les populations

montagnardes et le territoire. D’une part, la signature des contrats d’hévéa à Nalae avec

les compagnies chinoises ou le transfert de gestion des terres pour les bananeraies à

Sing constituent des exemples substantiels. D’autre part, durant les vingt dernières

années, le « triangle homme-travail-territoire » (Raffestin et Bresso, 1979 : 81) s’est

assurément transformé avec l’arrivée des innovations technologiques agricoles.

Toutefois, le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture commerciale

nécessite du temps, pendant lequel les populations montagnardes continuent de

dépendre des ressources forestières et rizicoles.

Page 96: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

83

Figure 3.7 : Boutique de revente d’intrants chimiques agricoles à Muang Sing – Juin

2015

Figure 3.8 : Panneau d’entrée du centre technique agricole de Ban Van – Juillet 2015

Page 97: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

84

3.2.3 Transition et dépendance aux moyens de subsistance

« As large investors foray into increasingly remote areas, villagers are asked to

transition abruptly from a subsistence livelihood to commercial rubber production, with

few sources of alternate income during the […] waiting period » (Shi, 2008 : 36).

Au-delà d’être une source économique vitale pour le pays et un facteur essentiel

pour la préservation de la biodiversité et des sols, les forêts laotiennes contribuent

fortement à subvenir aux besoins – alimentaires et financiers – des populations rurales

pauvres. Il a été estimé, au début des années 2000, qu’une famille lao vivant en milieu

rural consommait en moyenne l’équivalent de 280$ÉU de produits forestiers non

ligneux (‘non-timber forest products’ [NTFPs]) chaque année, ce qui représentait

environ 40% du revenu familial total (Banque mondiale, 2001 : 11). Ces NTFPs

comprennent : chasse, pêche et collecte de fruits, plantes médicinales, bambou,

champignons, etc. (Figure 3.9). Par ailleurs, de nombreux villages continuent de

pratiquer une agriculture itinérante, bien que celle-ci ait été fortement réduite dans les

provinces du nord depuis le début des années 2000. Selon Mme Sounthone Unthala, du

Department of Environment & Natural Resources, 60% des villages ruraux pauvres de

Nalae pratiquent encore une agriculture itinérante et peuvent connaître une insuffisance

en riz de six mois ou plus dans une même année. Pour autant, parmi les 32 personnes

interrogées aléatoirement à Nalae, aucune n’a affirmé connaître une telle insuffisance

alimentaire. Au début de l’année 2015, à Luang Namtha, 105 villages sont recensés

comme étant pauvres par le Provincial Administration Office et le Rural Development

& Poverty Eradication Office. Durant les mois d’insuffisance, les populations

dépendraient donc des ressources de la forêt, et d’autant plus durant la période de

transition d’une agriculture itinérante à une agriculture de marchés. La consommation et

la revente de NTFPs sont ainsi vitales pour les populations rurales pauvres, d’autant

plus que la vente de NTFPs peut apporter de 40 à 80% du revenu familial et permettait,

au tournant des années 2000, l’achat d’environ 70% des besoins quotidiens en

nourriture (UNDP, 2002 : 77). Dans les rapports socioéconomiques de la province de

2006 et de 2014, il est précisé que la collecte totale de NTFPs serait passée de 427

tonnes à plus de 3 000 tonnes par an (Figure 3.9). Parallèlement, sur la même période, la

surface des aires protégées dans la province est passée de 140 026 hectares (25,4% du

couvert forestier de la province) à 222 400 hectares (37,7%), alors même que le couvert

forestier de la province n’a proportionnellement augmenté que de 38 949 hectares. Ces

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85

faits témoignent donc de l’émergence d’un ce cercle vicieux. Ils démontrent comment le

déclin d’accès aux ressources forestières peut aussi localement contribuer au déclin des

moyens de subsistance et rendre, par conséquent, les premières années du processus

d’intégration plus difficile pour les populations rurales pauvres.

Figure 3.9 : Récolte de champignons vendue sur le bord de la route à Nalae – Mai 2015

3.3 La modernité, espoirs et promesses d’un avenir meilleur

Au début des années 2000, la communication entre les autorités provinciales et

les villages ethniques était difficile en raison des différences de langues : d’un côté, les

autorités provinciales parlaient le lao ; de l’autre, les populations ethniques utilisaient

leur propre langue. C’est ce qu’affirme Virason Dainhansa 33 , fonctionnaire au

Provincial Rural Development and Poverty Eradication Office. Selon lui, les

populations ethniques minoritaires avaient, en conséquence, du mal à s’adapter car leur

compréhension de la langue lao était limitée. Depuis, ces villages ethniques ont été

relocalisés dans les plaines, les habitants ont appris le lao, et les fonctionnaires des

différents bureaux provinciaux – agriculture, éducation, environnement, santé, etc. – ont

33 Entretien le 22 juillet 2015 à Luang Namtha

Page 99: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

86

pu leurs transmettre des connaissances spécifiques. Les fonctionnaires du Provincial

Public Health Office ont par exemple expliqué aux populations ethniques minoritaires

comment entretenir une bonne hygiène de vie afin d’éviter la propagation de maladies,

comme la malaria ou le sida. Progressivement, comme l’affirmait M. Dainhansa :

« four-five years after villages had been resettled, their lifestyle started to improve ». En

plus des efforts fournis par l’État pour pourvoir les populations rurales en services, cette

amélioration des conditions de vie a été favorisée par l’essor des plantations agricoles.

Lorsque les plantations arrivent à maturité – un an pour les bananeraies, sept à huit pour

les hévéas – les populations rurales peuvent vendre leur production, leur offrant par la

suite la capacité financière d’améliorer leurs conditions de vie. Selon les entretiens, le

revenu annuel moyen par ménage – composé d’environ six personnes – était de 12

millions de kip dans le district de Nalae et de 33 millions de kip dans le district de Sing.

À l’échelle de la province, cette moyenne était de 21,5 millions de kip annuel par

ménage. Les interviewés situés dans le district de Sing disposaient donc d’un revenu

presque trois fois supérieur à ceux situés dans le district de Nalae. Une raison pourrait

expliquer cette différence de revenus. À Sing, les locations terrestres pour le

développement des bananeraies rapportent annuellement beaucoup plus d’argent que la

production de latex des plantations d’hévéa, ces dernières majoritaires à Nalae. En

moyenne, une plantation de bananes rapporte entre 11 millions et 26 millions de kip de

location par an par hectare, selon les contrats établis avec les compagnies chinoises. À

l’inverse, une plantation d’hévéa rapporte entre 1 et 5 millions de kip par an par hectare,

selon la quantité de latex produite et revendue. D’autres revenus peuvent par ailleurs

être comptabilisés en plus des bénéfices issus de l’agriculture. À Sing, 89% des revenus

secondaires sont issus de travaux de main d’œuvre dans les plantations – avec et sans

compétence – et de l’élevage d’animaux. À Nalae, 67% des revenus secondaires sont

issus de la revente de produits forestiers non ligneux et de l’élevage d’animaux. Ainsi,

grâce à ces différentes sources de revenus, 100% des personnes interrogées estiment que

leurs conditions de vie se sont améliorées depuis. Les totaux cumulés des biens de

consommation acquis par ces personnes, 32 à Nalae et 28 à Sing, de même que l’année

d’acquisition de ces biens, sont résumés dans les Figures 3.10, 3.11 et 3.12.

Dans l’ensemble, certains biens de consommation semblent être devenus « de rigueur »

(Rigg, 2003 : 203) pour beaucoup de ménages. Dans nos enquêtes, trois biens ressortent

en particulier : (i) les cellulaires, (ii) les motos, et (iii) les télévisions dont le décompte

Page 100: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

87

atteint respectivement 136, 82 et 54, répartis entre les 60 familles interrogées. Selon ces

personnes, le cellulaire ressort comme le bien le plus important car il facilite, d’une part,

la communication, et permet, d’autre part, une meilleure organisation et planification

entre les individus. De son côté, la moto facilite les déplacements et réduit la durée des

voyages. Enfin, la télévision, en plus d’être une source de divertissement, permet un

accès permanent à l’information et la diffusion des cultures étrangères, surtout

thaïlandaise. Par ailleurs, les tracteurs, moins nombreux mais partagés entre les

villageois, sont aussi énoncés de façon récurrente car ils réduisent significativement le

temps de travail et le rendent moins pénible. Concernant les dates d’acquisition des

biens, on remarque une forte augmentation du nombre d’achats à partir de 2005, ce qui

correspond sensiblement, d’une part, à l’année d’apparition des nouvelles cultures dans

les deux districts et, d’autre part, au raccordement des villages au réseau électrique.

Entre 2013 et 2014, ces chiffres sont d’autant plus prononcés, années où la majorité des

plantations d’hévéa arrivent à maturité et permettent la récolte du latex. L’ensemble des

villages enquêtés s’est vu raccordé au réseau électrique de la province entre 2005 et

2014. À l’échelle des districts, le raccordement des villages situés à Nalae s’est étalé de

2007 à 2014, tandis que ceux situés à Sing l’ont été entre 2005 et 2011. Ainsi, à titre de

comparaison, les villages situés dans le district de Sing semblent avoir bénéficié d’un

accès moins tardif au réseau électrique. Avant d’avoir accès au réseau, deux tiers des

villages utilisaient des générateurs à essence ou des panneaux solaires pour

s’approvisionner en électricité.

Figure 3.10 : Total cumulé des biens de consommation acquis par 32 participants dans

le district de Nalae, 1995-2015

0

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N=32

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88

Figure 3.11 : Total cumulé des biens de consommation acquis par 28 participants dans

le district de Sing, 1995-2015

Figure 3.12 : Total cumulé tous confondus des biens de consommation acquis par les

60 participants dans les districts de Nalae et de Sing, 1995-2015

À la question « comment sont vos conditions de vie comparées à dix ans

auparavant ? », 97% ont répondu « meilleures », soit 58 sur les 60 personnes. Les deux

autres ont quant à eux répondu « identiques », le premier car il ne possédait pas de terre,

le deuxième car il avait plus d’enfants à nourrir mais ses parents étaient devenus trop

vieux pour travailler. Concernant le temps passé au travail, 38 (63%) ont affirmé qu’il

était plus important contre 21 (35%) qui ont dit le contraire. Cette partition entre les

deux groupes s’explique notamment par les types de cultures dans chaque district. À

Nalae, les plantations d’hévéas, majoritaires, demandent beaucoup de travail pour leur

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Enquêtes mai-juillet 2015

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N=60 ; Enquêtes mai-juillet 2015

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entretien et la récolte du latex. À Sing, à l’inverse, les bananeraies sont entretenues par

les compagnies chinoises et la récolte faite, en partie, par une main d’œuvre chinoise,

sinon locale. Les villageois reçoivent l’argent de la concession sans nécessairement

travailler à côté. C’est pourquoi, sur les dix dernières années, certains travaillent plus

tandis que d’autres travaillent moins. Enfin, malgré une charge de travail plus

significative, 42 personnes (70%) ont confié passer plus de temps sur les activités de

loisir, contre 6 (10%) qui y consacrent moins de temps. Sur les dix dernières années, le

nombre d’activités possibles s’est multiplié – festivals, médias, etc. – principalement

grâce au développement des infrastructures publiques et à l’émergence du tourisme dans

la province.

L’amélioration générale des conditions de vie et la modernisation des ménages

dans la province témoignent ainsi de cette intégration progressive des populations dans

le système national et international. Similairement, l’éducation et la santé « étaient

regardées comme étant des instruments sociaux prioritaires pour se concilier les

faveurs de la population et réaliser l’intégration nationale » (Mignot, 2003 : 92).

3.4 L’alphabétisation des populations ethniques

Comme dans le secteur agricole, au Laos, l’éducation requiert un fort soutien

financier international. Selon le rapport de l’éducation de Luang Namtha, la province

disposait en 2014 d’un budget évalué à environ 85 milliards de kips, soit plus de 10

millions de dollars (ÉU). Parmi cette somme, 6,5% sont issus du « Secondary Education

Sector Development Project » de la Banque asiatique de développement, visant à

construire des écoles et des dortoirs. Ce projet, qui s’étend de 2012 à 2018, s’aligne sur

les stratégies de l’État laotien dictées dans le NGPES, et insiste sur l’amélioration de la

qualité de l’éducation. Le Japon, via son ambassade à Vientiane, a également contribué

à ce secteur en 2014 avec un don de 220 016$ÉU à la province pour financer

l’aménagement d’écoles. Enfin, il existe une importante coopération entre le Laos et

différents organismes internationaux comme le Programme alimentaire mondial, le

Fonds des Nations Unies pour l’enfance, ou encore l’Aide de l’Église norvégienne.

Ceux-ci financent principalement des projets alimentaires, sanitaires et récréatifs dans

les écoles ou offrent des formations pour les nouveaux enseignants.

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90

En 2014, la province de Luang Namtha faisait état, dans son rapport annuel sur

l’éducation, de nombreuses données à tous les niveaux de l’enseignement (Tableau 3.3).

Tableau 3.3 : Chiffres sur le secteur de l’éducation dans la province de Luang Namtha,

en 2014

Écoles Enseignants

Élèves

2006 2014 ♀ ♂ Total

Maternelle

(3 à 5 ans) 51 141 219 NA NA 5 284

Primaire

(6 à 10 ans) 358 389 1 348 12 071 13 686 25 757

Secondaire

(11 à 17 ans) 27 53 922 7 784 9 551 17 335

Cycles Supérieurs

(18 ans et plus) 0 1 77 108 287 395

Source : Information partagée au Education Provincial Office de Luang Namtha le 13 juillet 2015

Ces quelques échantillons de chiffres donnent ainsi une idée de l’évolution du secteur

de l’éducation dans la province au cours des dernières années. Il est à préciser qu’entre

2006 et 2014, avec la construction des nouvelles écoles, il s’est produit une

augmentation d’environ 32% du nombre total d’élèves au primaire et au secondaire,

passant ainsi de 32 691 à 43 092. Aux cycles supérieurs, bien qu’il n’existait qu’un seul

établissement professionnel, des domaines d’étude aussi variés que l’agronomie,

l’élevage, la restauration, la mécanique et la construction étaient offerts. Par ailleurs,

120 étudiants sont allés à l’université – 50 à Luang Prabang et 70 à Vientiane – mais

peu ont eu l’opportunité de partir étudier à l’étranger : pour l’ensemble du pays, on n’en

comptait que 235, dont 94 filles, rendu en Chine ou au Vietnam (GoL, 2006b ; GoL,

2014c).

Selon Saichay Leuangsavath, fonctionnaire au Provincial Education Office, tous les

villages de la province, sans exception, sont dotés ou ont accès à une école primaire qui

offre une classe aux étudiants des années P1 à P3, l’année P1 (Primary One) étant la

première classe du primaire et l’année P5 (Primary Five) la dernière. S’en suivent les

années S1 (Secondary One) à S7 (Secondary Seven) pour les étudiants au secondaire.

La présence ou non des classes P4 et P5 dans un village dépend, selon Leuangsavath, du

nombre d’étudiants inscrits dans les trois premières années d’une école primaire et du

nombre d’étudiants qui souhaitent continuer l’école pour passer au secondaire. Parce

que la formation d’enseignants et la mise en place d’un système éducatif sur l’ensemble

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91

du territoire prennent du temps, l’État laotien est contraint de suivre certaines priorités

selon lui. À titre d’exemple, bien que la totalité des étudiants au secondaire apprennent

l’anglais, seulement 30% des étudiants au primaire y ont accès, à partir de l’année P3, à

cause du manque d’enseignants qualifiés. Pour ce qui a trait à la répartition des sexes,

on compte en 2014 une part plutôt équitable, avec 54% de garçons, de la P1 aux classes

supérieures. Malgré tout, on observe que plus le niveau scolaire augmente, plus cette

part masculine a tendance à augmenter. Si au primaire elle n’est que de 53% et au

secondaire de 55%, la part de garçons aux cycles supérieurs s’élève à presque 73%.

Cette fracture s’explique en partie par des raisons culturelles et familiales, qui imposent

souvent aux filles de rester dans les villages et de travailler dans les champs plutôt que

de continuer à étudier, même si l’éducation offerte par l’État demeure gratuite. Les seuls

frais dont la famille doit s’acquitter sont l’achat des fournitures scolaires et les

uniformes, les livres pouvant être empruntés pour toute la durée de l’année scolaire.

À la suite des 60 entretiens, il est ressortit que 39 participants avaient une

éducation de niveau primaire (65%), 15 de niveau secondaire (25%) et 6 n’en avaient

aucune (10%). S’agissant de leurs enfants, 230 au grand total, on peut constater une

certaine différence : 77 avaient une éducation de niveau primaire (33,5%), 101 de

niveau secondaire (43,9%), 11 de niveau supérieure (4,8%) et 20 n’en avaient aucune

(8,7%). Par ailleurs, en dehors des 21 qui étaient encore trop jeunes pour aller à l’école

(9,1%), il est important de rappeler que la majorité de ces enfants sont encore dans le

système éducatif et continuent d’étudier. Cette différence dans le niveau d’éducation,

entre les parents et les enfants, s’explique par la volonté des parents d’offrir un avenir

meilleur à leurs enfants, et de les inciter, dans la plupart des cas, à aller à l’école.

Plusieurs participants ont avoué ne pas vouloir que leurs enfants travaillent dans les

plantations plus tard, car il s’agit de métiers difficiles et peu enviables. Dès lors,

l’encouragement des parents pourrait expliquer l’augmentation de plus de 32% du

nombre total d’étudiants au primaire et au secondaire depuis 2006. Comme l’indiquent

Richter et Yoddumnern-Attig, « while in the past, the parents’ prime responsibility and

concern was to feed their children, today […] it is to educate their children » (1992 :

20). À cela, Rigg ajoute « it is remarkable the sacrifices families are willing to endure

to ensure their children get as good an education as possible » (2003 : 203-204).

Parallèlement à cette hausse du nombre de jeunes étudiants, l’État laotien a également

prit l’initiative d’ouvrir des classes pour adultes qui auraient, au cours de leur enfance,

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arrêté l’école et souhaiteraient y retourner jusqu’à la fin du secondaire. Dans l’ensemble

de la province, 70 villages assurent ces « late studies classes », dont 9 dans le district de

Nalae et 17 dans le district de Sing. En 2014, plus de 225 personnes, dont 98 femmes,

ont pu valider leur S7 et terminer le secondaire (GoL, 2014c : 5). Pour d’autres, ces

classes donnent l’opportunité d’apprendre ou de perfectionner leur lao, langue apprise à

l’école par le deux tiers des interrogés. Car, bien que 35 (58%) des 60 personnes aient

été capables d’apprendre les bases de la langue en 2 à 5 ans, une majorité affirme que

15 années de pratique sont nécessaires avant de parler le lao couramment.

3.5 L’accès aux soins

« Au début des années 1990, l’espérance de vie des Laotiens était comparable à

celle de l’Europe du XVIIIe siècle : 48 ans pour les hommes et 54 ans pour les femmes »

(Péchère, 1993 : 17). En 1992, l’UNICEF qualifiait le Laos comme ayant « one of the

poorest health situations in the world » en partie parce que l’édification d’un

« nationwide primary health care system has totally failed » (Ireson, 1996 : 36). Depuis

1990, pour pallier à cette situation, l’État laotien n’a cessé de faire pénétrer la médecine

moderne jusqu’aux régions les plus reculées du pays, avec pour objectif de faire

connaître la « supériorité des nouvelles doctrines et des nouvelles institutions »

(Mignot, 2003 : 93). Néanmoins, « en raison de moyens matériels très limités,

l’hygiénisme a constitué, comme à l’époque française, la pierre angulaire de cette

politique de santé » (Ibid, 2003 : 93). Le rapport provincial de 2014 sur la santé

mentionne à ce propos l’hygiénisme comme l’un des deux principaux objectifs du

secteur : (i) la prévention et la promotion d’un mode de vie sain, (ii) le traitement et le

rétablissement des patients. C’est grâce à une aide internationale que le pays, et par

ricochet les provinces, vont pouvoir faire l’acquisition d’équipements médicaux et

financer : des campagnes de vaccination et de santé publique ; des programmes

d’assistance aux drogués, aux handicapés et aux victimes des UXO ; des formations de

personnels de santé ; etc. Parmi les contributeurs financiers en 2014, on retrouve, entre

autres, la Banque asiatique de développement (485 293$ÉU), le Fonds des Nations

Unies pour l’enfance (258 281$ÉU), le Programme alimentaire mondial (29 584$ÉU),

le Fonds des Nations Unies pour la population (15 777$ÉU), la Fédération

Internationale pour le Planning Familial (10 092$ÉU) et l’Organisation mondiale de la

Santé (9 073$ÉU). La province entretient également une étroite relation avec la Chine

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93

qui finance la construction de laboratoires d’analyses et fournit du matériel médical aux

établissements sanitaires. Progressivement, un réseau d’hôpitaux, de cliniques, de

pharmacies et de postes de soins se construit, notamment le long des axes routiers, là où

se situent la plupart des villages relocalisés (Figure 3.13). L’implantation

d’établissements sanitaires le long des routes répond aussi à une question d’accessibilité

pour les minorités montagnardes. Plus la qualité des routes est bonne, goudronnée au

mieux, plus la durée des transports est réduite et l’accès aux soins, facilité ; du moins en

théorie. Dumoulin constatait, au début des années 1990, que la fréquentation d’un

établissement sanitaire dépendait de plus que sa simple accessibilité : « La fréquentation

est moins liée à l’accessibilité géographique et financière qu’à la distance sociale,

psychologique, et politique entre la population et les services de santé » (Dumoulin,

1994 : 15). Ainsi, comme le rappelle Mignot, « la géographie de la santé au Laos est

donc bien un révélateur des problèmes de l’intégration nationale » (2003 : 122).

En 2014, la province de Luang Namtha disposait d’un hôpital provincial (Figure

3.14), de cinq hôpitaux de district – un dans chacune des cinq capitales de district –, de

huit cliniques sino-laotiennes (aucune en 2006), de 31 pharmacies (alors qu’on en

comptait 41 en 2006) et de 39 postes de soins (contre 23 en 2006) (GoL, 2006b ; GoL,

2014b). Plus de 588 personnes, dont 320 femmes, travaillaient dans ce secteur et

assuraient des tâches allant de la prévention à l’application directe de soins. Parmi ces

personnes, 496 (soit 84%) travaillent directement dans les hôpitaux – 131 dans l’hôpital

provincial et 365 dans les hôpitaux de district. Enfin, près de 75% des villages de la

province sont considérés par le Provincial Public Health Office comme « assainis »,

68% sont dotés d’espaces sanitaires et 80% de la population provinciale aurait leurs

vaccins à jour (GoL, 2014d).

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94

Figure 3.13 : Répartition des hôpitaux et des postes de soins dans la province de Luang

Namtha en 2014

À la suite des 60 entretiens, il est ressorti que la totalité des participants avaient, si

besoin, accès à un établissement sanitaire. La distance moyenne séparant les 10 villages

enquêtés d’un tel établissement était d’environ six kilomètres. Dans le district de Nalae,

cette distance était de 4,9 kilomètres, tandis que dans le district de Sing, celle-ci était de

6,4 kilomètres. Le choix de fréquenter un hôpital ou un poste de soins varie

principalement pour des raisons financières ou selon la gravité de la situation. Une seule

personne sur les 60 interrogés a admis qu’elle n’avait financièrement pas les moyens

Vincent Rolland, ArcMap, 2016

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95

pour des soins en cas de nécessité. Pour les autres, 37 (62%) préféraient fréquenter un

hôpital de district ou provincial contre 11 (18%) pour un poste de soins. Comme en

témoignait un des participants, « more local are health care facilities, more expensive

they are ». Ainsi, 32 personnes (53%) ont fait la remarque que les hôpitaux de district et

provinciaux reviennent en moyenne moins chers qu’un poste de soins. Pour payer

moins, certains sont donc prêts à parcourir de plus grandes distances jusqu’aux

hôpitaux. Les hôpitaux militaires ou ceux situés en Chine constituent aussi une option

financière intéressante pour 11 participants (18%). Dans le village de Môm, situé à

quelques kilomètres de la frontière, une personne considérait que les hôpitaux chinois,

dont celui de Meung Poung, prodiguent même de meilleurs soins et coûtent moins chers

que les hôpitaux de la province. Selon nos enquêtes, accès et coûts des soins s’avèrent

ainsi être des variables importantes pour les minorités montagnardes. Malgré tout,

comme le démontre Mignot, « le recours aux soins montre deux processus parallèles

d’intégration nationale [qui] sont à l’œuvre dans les sites multiethniques des basses

terres du Laos » (2003 : 229).

Le plus apparent est celui qui est conduit par le réseau étatique de santé

publique. Il se manifeste par la présence des établissements sanitaires dont

les bâtiments et les agents, hérauts de la modernité dans un espace rural

traditionnel, bénéficient du dynamisme pionnier des habitants des nouveaux

villages. Le second processus est plus insidieux, plus ancien et plus profond,

parce qu’il touche au cœur même des cultures paysannes qui, peu à peu, se

subordonnent à l’ordre bouddhique théravada, comme jadis la culture taï.

Rites et cérémonies des basses terres séduisent aussi les montagnards

déplacés parce qu’ils jouent sur les mêmes registres de la santé et de la

mort, des territoires et des fantômes. [Chez les Laotiens de toutes ethnies, la

santé dépend d’entités surnaturelles]. Les conceptions de la médecine

occidentale paraissent encore trop lointaines pour ces populations à

l’identité fragilisée par leur réinstallation dans un nouvel espace culturel.

[…] L’analyse des modes de recours aux soins montre la complexité des

sites multiethniques où l’implantation d’un établissement moderne, symbole

de la volonté politique d’intégration nationale, est loin de suffire à entrainer

l’unification des comportements. Un modèle de citoyen laotien unique […]

ne semble guère apparaître dans les nouveaux villages où les logiques

religieuses et familiales continuent à influencer les diverses cultures

populaires (Mignot, 2003 : 229).

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96

Figure 3.14 : Hôpital provincial de Luang Namtha – Juillet 2015

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97

Chapitre 4 : Transformations et adaptation des populations à Luang

Namtha – quels impacts sur le budget-temps ?

À partir des chapitres précédents, il nous a été possible d’identifier qu’un

processus d’intégration plus intense est à l’œuvre au Laos, depuis le début des années

1990. Depuis plusieurs siècles, des systèmes territoriaux – pouvant être compris comme

des structures politico-économiques avec des territoires en mouvance – cherchent à

tisser des liens avec les populations montagnardes, si ce n’est les intégrer. Le processus

d’intégration actuel, visible à plusieurs échelles géographiques, métamorphose

l’ensemble de la société laotienne et affecte plus durement ces minorités montagnardes,

dont celles présentes dans la province de Luang Namtha. Face à des évènements à la

fois transformateurs et perturbateurs, ces populations essaient de s’adapter aux

nouveaux systèmes dans lesquels elles vivent, des systèmes plus modernes et plus

complexes que jamais. Échouer à s’y adapter résulterait en une perte de pouvoir, et donc

une marginalisation (Déry, 2010b). Ainsi, dans cette vision d’un monde changeant,

comment réussir à maitriser les outils (énergie) et les connaissances (information)

désormais pertinents dans les nouveaux systèmes territoriaux, en particulier agricoles et

commerciaux ? De quelle manière ces populations utilisent-elles leur budget-temps

(cycles annuels, rythmes de vie) pour y parvenir ?

Dans un premier temps, une brève analyse historique de l’évolution des

populations montagnardes, à travers la transformation des différents systèmes

territoriaux qui ont traversé l’espace qu’ils occupent aujourd’hui, paraît nécessaire. Il

s’agit ici de comprendre comment au cours des derniers quelque 200 ans, la dynamique

territoriale de ces nouveaux systèmes, plus vastes que les systèmes locaux, entraine

chez les minorités ethniques une évolution progressive d’un travail de subsistance à un

travail de marché et, par ricochet, un changement dans l’utilisation de leur temps

disponible sur plusieurs échelles – quotidienne, mensuelle, saisonnière, annuelle.

Comment le territoire se transforme-t-il ? Comment les différents acteurs autour des

minorités ethniques territorialisent-ils l’espace dans leurs stratégies territoriales ? Quatre

périodes d’analyse vont permettre d’éclaircir ces transformations, à savoir : la vassalité

birmano-siamoise (1780-1893), le protectorat français (1893-1945), les guerres

d’Indochine (1946-1975), et les débuts du régime communiste (1975-1995). Une

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98

cinquième période, celle de l’intégration récente (1995-2015), déjà étudiée dans les

deux premiers chapitres, vient compléter cette analyse historique.

Dans un second temps, à partir de nos enquêtes de terrain et de la littérature scientifique,

l’étude du budget-temps, qui repose surtout sur deux calendriers de travail annuels des

paysans de la province de Luang Namtha, seront analysés. Ces calendriers exposent, au

fil des mois, les principales activités et productions agricoles, tant de subsistance que

commerciales. Une distinction entre les groupes ethniques et les genres sera faite

lorsque possible. L’objectif n’est pas de faire un recensement de toutes les variétés

d’utilisation du temps, mais de montrer comment cette utilisation change avec les

transformations des modes de vie dans les milieux ruraux.

4.1 Dynamique des systèmes territoriaux et adaptation locale suivant les

époques

4.1.1 La vassalité birmano-siamoise (1780-1893)

Entre 1780 et 1893, les régions montagneuses du nord-ouest laotien

connaissaient une tout autre organisation territoriale que celle du début des années 2000,

avec l’actuelle province de Luang Namtha. Les premiers documents qui mentionnent

l’installation de populations dans la plaine de Muang Sing remontent à 1792 34 ,

quasiment « déserte au milieu du XIXe siècle » (Lacroze, 1994 : 6). Selon Grabowsky, la

localité de Muang Sing a été édifiée en 1886 pour devenir la capitale de la principauté

de Chiang Khæng, un état vassal du royaume birman dont le territoire s’étirait de

chaque côté du Mékong sur plus de 80 kilomètres. Sur la période pré-1896, la

population de Chiang Khæng n’aurait pas excédé les 15 000 habitants. Plus de la moitié,

vivant dans les plaines, étaient d’origine Tai-Lue, et le reste, vivant dans les montagnes,

étaient des « non-Tai », majoritairement Akha, Hmong, Lantèn et Lahu (Grabowsky,

2008 : 209-214). Dans un autre article, Grabowsky discute des « symbiotic relations »

qui existaient entre « the politically dominant Lue […] and the autochthonous hill

tribes », ces dernières alors considérées comme des Kha, un ethnonyme pour les « non-

Tai » et un indicateur social leurs conférant un statut de sauvages/d’esclaves (2003 :

43). Malgré ce statut social inférieur aux Tai, les Kha détenaient un rôle important dans

la société de l’époque :

34 http://www.muangsingtravel.com/ms_info/history.htm

Page 112: L'intégration des minorités ethniques et des régions ... · L’intégration des minorités ethniques et des régions montagneuses du nord du Laos : Le cas de la province de Luang

99

In Chiang Khæng, as in other Tai polities of the region, the Kha possessed

ritual functions as lords of the territorial guardian spirits, and held a strong

economic position. They controlled precious forest products, such as

elephant tusks (ivory), rhinoceros horn, incense, honey, opium and

cardamom, which were sent as tribute to royal courts or were exchanged for

cloth, knives, pottery and other consumer goods. They also controlled

natural resources such as iron and copper mines (Grabowsky, 2008 : 214).

En retour, la classe dirigeante Tai offrait leur protection aux populations montagnardes.

Ainsi, à cette époque, selon Évrard : « les relations personnelles d’alliance ou de

dépendance avec un lignage dominant comptaient plus que la localisation

géographique » (2006 : 83). Michaud précise par ailleurs que les périphéries

montagneuses n’avaient, pour les « lowland rulers » de l’époque, qu’un faible intérêt,

hors mis agir comme des régions-tampon, et que garder les populations montagnardes

« in an obedient position through feudal tributary relationships was, most of the time,

considered a good enough strategy, better to conquer, populate, and police theses

marches at high cost » (2006 : 14).

La région de Muang Sing revêtait également une importance historique pour le

commerce caravanier, connue comme la « Tea Horse Road », entre le Laos, la Chine et

le Tibet (Forbes et Henley, 2013). Les caravaniers chinois, et de nombreux autres

marchands d’origines ethniques diverses, se rencontraient pour échanger des biens au

marché de Muang Sing, situé à l’extérieur de la ville (McCarthy, 1900 : 160). En 1895,

un an avant que la principauté de Chiang Khæng ne soit partagée entre les puissances

impérialistes britannique et française, le Dr. Eugène Lefèvre offrait un portrait vivant de

ce marché :

On trouve, sur ce marché, l’opium du Yunnan, le thé des Sip-Song-Panas,

les poignards et les coupe-coupe de Xieng-Soung, les verroteries et bibelots

apportés par les colporteurs chinois, les marmites en fer et surtout les étoffes

de fabrication européenne, toutes portant la marque anglaise ou allemande.

On peut évaluer à cinq cents personnes la foule qui se presse au marché de

Muong-Sing (1898 : 89).

Dans les plaines, la culture du riz occupait une place importante, mais sa production ne

se limitait qu’à des fins de subsistance (Grabowsky, 2008 : 215). Par ailleurs, les ethnies

montagnardes cultivaient du maïs, du pavot, du tabac et du coton, mais seul le coton (de

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100

qualité moyenne) était produit à des fins d’exportations35. Cultivé principalement par les

Akha, le coton était acheté annuellement par des marchands en provenance du Yunnan,

parfois même échangé contre du sel (Grabowsky, 2008 : 216). Ce commerce perdure

durant toute la période coloniale française, jusque dans les années 1940, lorsque les

communistes prennent le pouvoir en Chine et limitent les échanges transfrontaliers.

4.1.2 Le protectorat français (1893-1945)

De 1893 à 1945, les régions du nord-ouest laotien, dont le territoire de la vallée

de la Namtha, se retrouvent sous protectorat français, rattachées, comme le reste du

pays, à l’Union indochinoise (Simon, 2001 : 16). Mais ce n’est qu’en 1896 que la

principauté de Chiang Khæng était scindée en deux, suivant le cours du Mékong. La

rive est – comprenant Muang Sing – revient donc aux français, sous l’autorité du

commissaire général Pavie Auguste (Figure 4.1), tandis que la rive ouest revient aux

britanniques, sous l’autorité de l’administrateur colonial James George Scott

(Grabowsky, 2003 : 210 ; Schliesinger, 2004 : 62). Jusqu’alors autonomes, les

populations montagnardes vont connaître sous le régime colonial, à partir de 1900, des

changements majeurs, notamment en ce qui concerne leur rapport au territoire. Dans

son ouvrage, Évrard résume avec clarté ces changements :

La colonisation française eut pour conséquence directe de redonner au

royaume lao l’ensemble des territoires situés entre le Mékong et la Nam

Tha, auparavant sous influence siamoise et birmane. Un régime

d’administration directe fut créé sous le nom de Haut-Mékong. […] La

principauté de Luangphrabang fut, quant à elle, placée sous protectorat

français. La conception « géométrique » du territoire apportée par

l’Occident va ainsi directement remodeler les découpages antérieurs et

contribuer à la fois à la création du cadre territorial actuel et à la naissance

d’une politique « d’intégration » sociale, technique et culturelle des

populations montagnardes. […]

Le colonisateur français s’appliqua dans un premier temps à déstructurer

l’ancienne organisation administrative en la « territorialisant » et en

intégrant les régions montagneuses directement au sein des müang36. […]

Les marges montagneuses se trouvèrent alors morcelées géographiquement

en tasèng37 placés sous le contrôle de müang différents. […]

Le mécontentement provoqué par cette réforme administrative dans les

villages montagnards fut dans un premier temps utilisé par les nationalistes

35 Scott, James George (1895) « Description of the proposed Mekong Buffer Territory, with Proposals as to its

Assignment ». Dans Scott Papers, Mss Eur F 278/88, British Library, India Office & Oriental Collections. 36 Synonyme de principauté, district, royaume, pays ou territoire en langue lao. 37 Terme qui désignait les subdivisions des müang durant la période coloniale puis post-coloniale.

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101

lao à des fins de lutte politique, mais ni la monarchie constitutionnelle

(1949-1975), ni le régime communiste de l’après 1975 n’ont remis en

question cette nouvelle vision de l’organisation territoriale introduite par la

colonisation (2006 : 82-83).

Parallèlement à cette réorganisation administrative du territoire, une politique de « mise

en valeur » coloniale (Gunn, 1990 : 20) est instaurée. Ce processus d’expansion

capitaliste, rendu possible uniquement par l’entrée et la circulation de capitaux, avait

pour but d’encourager les investissements privés (Murray, 1980 : 104), notamment ceux

de France métropolitaine. Le développement des concessions agro-minières constitue,

entre autres, l’un des aboutissements de cette politique. Les plaines agricoles de la

localité de Luang Namtha étaient, par exemple, perçues dès la fin du 19ème par les

Français comme « a vast and well-watered rice plain that was certainly the crown jewel

of upper-Laos » (Walker, 2008 : 192). Par ailleurs, depuis le début de leur présence

coloniale, le besoin de revenus a incité les français à encourager la production d’opium

dans les régions montagneuses pour la revente et pour le paiement des taxes (Ireson,

1995 : 113). Produit à la fois de grande valeur, peu volumineux et non périssable, le

pavot était devenu au début des années 1930 « an important cash crop for Lao Sung

groups […] typically planted in cornfields after the main harvest » (ibid, 1995 : 114).

Malgré tout, comme l’indique Walker, « despite early hopes and optimism, it was soon

recognised that there were limited opportunities for French commerce in the Upper-

Mekong region – the overall level of trade was low and largely oriented to local

subsistence consumption » (2008 : 189). Cet échec à l’établissement effectif des

politiques de mise en valeur des colonies dans le Haut-Mékong peut s’expliquer par

trois raisons. Premièrement, le commerce qui existait initialement dans ces régions était

essentiellement orienté vers le Siam et les États Shan de Birmanie (Walker, 1999).

Deuxièmement, il existait une certaine réticence des populations montagnardes à

accepter le modèle capitaliste imposé par l’Occident. Gunn souligne cet aspect en

disant : « in social formations like Laos, strong survivals of pre-capitalist structures

threw up barriers to the active function of money in circulation, thus creating

differential effects of capitalist penetration » (1990 : 24). Cet argument est appuyé par

l’ethnologue Barbara Wall lorsqu’elle dit que « les montagnards n’avaient pas

l’habitude d’échanger un objet inutile [comme une pièce de monnaie ou un billet]

contre un autre représentant pour eux une valeur certaine, et mettant en évidence la

richesse de la famille ainsi que le prestige social » (1975 : 35). Troisièmement, la

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102

difficulté d’accès aux villages montagnards, où « les conditions d’accès sont telles qu’il

paraît évident à l’observateur occidental que le commerce, les échanges culturels,

religieux et politiques ne peuvent être qu’extrêmement limités » (Culas et Engelmann,

2008 : 404). Néanmoins, ce dernier aspect reste à nuancer, car ces difficultés d’accès

sont relatives pour les populations locales, qui n’hésitent pas à parfois marcher plusieurs

jours pour assister à une activité rituelle dans un autre village ou pour se rendre au

marché (ibid, 2008 : 404).

Jusqu’au début de années 1940, la présence des Français au Laos était suffisante pour

préserver une certaine paix à l’intérieur des colonies, malgré quelques révoltes

sporadiques parmi les populations montagnardes (Dommen, 1995 : 19). Ces révoltes

traduisaient notamment la résistance des populations montagnardes à payer les taxes et

à fournir une main d’œuvre de « corvée » exigées par les coloniaux (ibid, 1995 : 19).

Comme l’indique Suret-Canale dans le cas de l’Afrique, « for people accustomed to

living in freedom, this could not be imposed other than by force » (1971 : 95). Ce

processus s’avérait être le même en Asie. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre

mondiale et le début des hostilités contre le Japon, la France perd progressivement sa

souveraineté sur l’Indochine. C’est en mars 1945, après un coup de force de l’armée

japonaise – qui voulait favoriser l’indépendance des pays d’Indochine et contrer

l’influence française dans la région – que la France perd son contrôle administratif sur

ses colonies indochinoises, et que le Laos commence à s’affranchir de son statut de

protectorat (Dommen, 1995 : 22).

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103

Source : Fournié P. « Aventuriers du Monde – Les archives des explorateurs français 1827-1914 », 10/2013, p.101

Figure 4.1 : Auguste Pavie (debout au centre) et Pierre Lefèvre-Pontalis (à sa droite) en

1893 avec des interprètes cambodgien entrainés à l’École Coloniale.

4.1.3 Les guerres d’Indochine (1946-1975)

De 1946 à 1975, le Laos traverse une longue période de guerres, qui concernent

aussi plusieurs autres pays d’Asie du Sud-Est continentale. Ces guerres se divisent en

deux temps, d’abord la guerre d’Indochine, de 1946 à 1954, puis la guerre du Vietnam –

ou seconde guerre d’Indochine –, de 1954 à 1975.

Au cours de ces trois décennies de guerres, l’aide stratégique des populations

montagnardes, dont celles vivant dans la vallée de la Namtha, a été fortement sollicitée

par les différents partis qui s’opposaient dans la région. Chacun des partis « tried to

draw local mountain peoples to their cause, as such strategic alliances proved crucial

for occupying the highland terrain that formed most of Lao’s territory » (Michaud,

2006 : 138). Dès 1946, certaines ethnies aident le Gouvernement Royal Lao et des

groupes de commandos français – qui souhaitent la réinstauration du régime colonial de

la France – tandis que d’autres, avec à l’inverse des sentiments anti-français,

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104

s’impliquent dans la résistance et supportent des mouvements communistes

nationalistes, comme les Viêt Minh ou le Pathet Lao (Adams, 1970 : 104-107). Choisir

un camp n’était pas tant « a matter of choice but a necessity just to survive » (Michaud,

2006 : 138). Cependant, comme l’indique Zasloff, « the Pathet Lao have been more

successful in mobilizing ethnic minorities into their movement than have their Royal

Lao Government competitors » (1973 : 6). Ce succès s’explique pour deux raisons.

D’une part, parce que le foyer géographique du PL se situe principalement dans les

régions montagneuses, régions majoritairement habitées par des populations ethniques

minoritaires, les dirigeants du Parti ont jugé utile de se montrer sensibles aux intérêts de

ces groupes, comme les Viêt Minh l’ont fait avant eux dans les régions montagneuses

nord vietnamiennes (ibid, 1973 : 6). D’autre part, parce que les terrains sont souvent

trop accidentés pour faciliter les communications, l’influence du GRL n’a jamais été

suffisamment forte dans les régions montagneuses frontalières – notamment tout le long

de la chaîne Annamitique – pour empêcher leur contrôle par le PL (Hawkins, 1970 : 6).

Après les accords de Genève en 1954 – qui mettent fin à la première guerre d’Indochine

– et l’intervention de l’armée américaine au tournant des années 1960 – qui marque le

début de la deuxième guerre d’Indochine –, la division entre certains groupes ethniques

se voit d’autant plus prononcée que « the atmosphere in Laos remained tumultuous

through a series of coups and countercoups […as the country] descended into full-

blown civil war around 1960 » (Listerman, 2014 : 72). Entre autres, dans ce jeu tant

politique qu’idéologique, la CIA s’était organisée pour armer clandestinement des

groupes de guérillas anti-communistes Hmong dans les régions montagneuses

laotiennes (McCoy, 1973 : 268). Ces populations Hmong seront ainsi fortement

réprimées par le Pathet Lao lorsqu’il accède au pouvoir en 1975, contraignant une partie

d’entre eux à s’exiler, comme en Thaïlande et aux Etats-Unis d’Amérique (Auclair,

1995 : 278).

Durant ces guerres d’Indochine, le commerce et les moyens de subsistances furent

particulièrement perturbés car toute la région s’était transformée en un champ de

bataille, ravagée par le chaos politique et les guerres civiles. À cela s’ajoute, à partir de

1964, les campagnes de bombardement des Américains qui n’auront pour effet que de

« terrorize and destabilize the population for many years to come » (Listerman, 2014 :

73). Malgré tout, un commerce, déjà encouragé par les Français au cours de la période

coloniale, a connu un essor considérable et prospère grâce au conflit : celui de l’opium.

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105

Cultivé, entre autres, dans les régions montagneuses du nord du Laos (McCoy, 1973 :

277) par des minorités ethniques, le pavot – transformé par la suite en opium ou en

héroïne – constituait alors pour ces populations une source importante de revenus.

Graduellement, l’argent issu de la revente des stupéfiants était devenu un des nerfs de la

guerre, engrenage essentiel servant à financer les différentes opérations dans la région,

comme les groupes armés Hmong. À ce sujet, Listerman précise :

All of the players and their drug trafficking activities were directly tied to

US foreign policy positions, CIA espionage operations against China, and

other anti-communist operations in Southeast Asia. […] The facts

surrounding opium production, heroin processing and drug trafficking

during the Second Indochina War are not entirely clear [but] the basic

history that is widely accepted, if not beyond dispute in some quarters, is

that the CIA helped promote the opium trade in northeastern Laos and

surrounding area in order to support allied Hmong guerilla commandos in

the northeastern highlands (2014 : 77-80).

Ainsi, jusqu’à la fin des années 1980, lorsque le contrôle des narcotiques s’était révélé

être un enjeu important pour le Laos et les Etats-Unis d’Amérique, le pavot demeurait,

dans les régions montagneuses, une culture importante dont le commerce assurait la

subsistance des populations (Auclair, 1995 : 292).

4.1.4 Les débuts du régime communiste (1975-1995)

De 1975 à 1995 s’initiait une première phase de gestion du pays par le Pathet

Lao. Dès les débuts du régime, le secteur agricole s’imposait comme une priorité, afin

de garantir « the peaceful construction of the country » (Luther, 1983 : 40). Cette

priorité répondait aussi à l’urgence d’assurer la sécurité alimentaire du pays, car l’aide

financière américaine s’était brutalement interrompu et la Thaïlande avait imposé un

embargo sur les exportations vers le Laos – alors que 70% des importations du Laos en

provenaient (Pholsena, 2011 : 137). En 1976, deux mesures – qui satisfaisaient tant des

raisons économiques qu’idéologiques – furent prises : d’une part, « l’établissement d’un

monopole étatique sur le commerce » et, d’autre part, « la mise en place des impôts

agricoles », permettant, in fine, une mobilisation de la production et des populations

ainsi qu’une collectivisation des terres (Taillard, 1983 : 127). En 1978, cette

collectivisation s’accélérait avec le lancement du « mouvement des coopératives » (ibid,

1983 : 130) et voyait germer en l’espace d’un an plus de 2800 coopératives (Stuart-Fox,

1980 : 284). En 1979, la province de Luang Namtha comptait 59 coopératives (2,4% à

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106

l’échelle du pays), un nombre plutôt faible comparativement à d’autres provinces

comme Champassak et Khammouane, qui en comptaient respectivement 304 et 433

(Schiller et al, 2006 : 15). Mais ces dispositions politiques brutales furent mal accueillis

dans les campagnes en raison de « l’atteinte portée par les coopératives à

l’organisation de la société villageoise [et qui] pour la première fois, donnait au

pouvoir central les moyens de s’emparer du pouvoir villageois et d’y imposer les cadres

du parti » (Taillard, 1983 : 130-131). Sans surprise, « the result was widespread

peasant opposition, even to the point of burning crops and leaving the country »

(Stuart-Fox, 1981 : 47). Face à cette situation, Taillard décrit :

Interprété comme une série d’actes de dissidence portant atteinte à la

sécurité nationale, le refus prit une dimension politique dans une

paysannerie jusqu’alors peu politisée. Le lien avec la sécurité nationale

devint évident lorsque les populations montagnardes se virent contraintes de

s’installer en plaine, et de former, à leur tour, des coopératives.

Ainsi, en un peu plus de deux années, […] le nouveau régime avait-il perdu

pour une bonne part la confiance de la paysannerie. Pourtant il l’a

connaissait bien pour s’être appuyé sur elle pendant toute la durée de la

guerre de libération (1983 : 131).

Les réformes de la collectivisation se soldèrent par un lourd échec, car « faute de

moyens de productions vraiment nouveaux, la constitution des coopératives »

(Dufumier, 1980 : 825) s’avérait aussi bien hâtive que trop prématurée. Ceci avait, entre

autres, contraint le Comité central à annoncer en 1979 l’arrêt de la collectivisation et à

rétablir, en 1980, la libre circulation des marchandises (Stuart-Fox, 1980 : 296-298).

Dès lors, à compter du début des années 1980, l’accent n’était plus tant porté sur la

sécurité mais davantage sur la construction économique du pays, débouchant en 1986

sur les réformes des NME. Ces réformes – destinées à transformer l’économie socialiste

en économie socialiste de marché –, qui amélioraient nettement les perspectives du

secteur agricole (Bourdet, 1995 : 170), auraient dû aussi, à terme, améliorer les

conditions des minorités ethniques montagnardes. Mais c’était sans compter, dès 1987,

le début de la coopération entre les Etats-Unis d’Amérique et le Laos pour la lutte

contre la culture du pavot dans les régions montagneuses (Auclair, 1995 : 292). En

l’espace d’une vingtaine d’années, grâce à des mesures très strictes, la production de

pavot chutait d’environ 380 tonnes en 1989 à moins de 9 tonnes en 2007 (Cohen, 2009 :

425). Mais ces « aggressive forced eradications […] were unaccompanied with

sufficient alternatives for affected farmers », ce qui, « without adequate AD also

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107

exacerbated some fundamental drivers of drug production, namely poverty and food

insecurity » (Listerman, 2014 : 88-90). Couplées aux politiques de relocalisation dans

les plaines et de changement des pratiques agricoles, dès le début des années 1990, les

actions de l’État laotien n’auraient, selon Listerman, « only further delegitimize and

weaken the government’s writ in affected areas [and] served to amplify the damage to

highland communities, increasing the likelihood of resurgent opium production »

(2014 : 90-91).

À partir de l’analyse de ces quatre périodes de temps, de 1780 à 1995, il a donc

été possible de donner un aperçu des relations, changeantes, entre les systèmes politico-

économiques de l’époque et les populations montagnardes plus ou moins intégrées dans

ces systèmes (Tableau 5.1). Selon les contextes, ces populations pouvaient tantôt être

considérées comme des esclaves (période de vassalité) ou des alliés militaires de choix

(guerre d’Indochine). Par ailleurs, leurs moyens de subsistance et leurs productions

agricoles se sont adaptés aux besoins de l’époque, des changements semble-t-il plus

souvent imposés de force que selon leur gré. Par ricochet, leur utilisation du temps s’en

est également trouvée modulée. Désormais, depuis la fin des années 1990, les

populations montagnardes sont intégrées dans un nouveau système économique, avec

une dynamique territoriale plus vaste que jamais auparavant. Ce système économique

correspond à celui de la mondialisation, un système où les populations montagnardes

deviennent des intermédiaires dans un processus qui répond à des besoins aussi bien

nationaux qu’internationaux. En définitif, ces populations montagnardes sont vouées à

devenir des « paysans du monde » (Malassis, 2006). Malgré tout, quels changements

cela implique-t-il pour ces paysans du monde ? Comment le temps et le travail se

trouvent-ils réorganisés à l’échelle locale ? Pour répondre à ces enjeux, il nous a été

possible d’établir, grâce à nos enquêtes de terrain dans la province de Luang Namtha,

des calendriers de travail. Ces calendrier peuvent notamment donner matière à réflexion

quant à l’utilisation et à la répartition du temps suivant les mois. Il s’agit ainsi de mettre

en évidence les activités qui consomment le plus de temps, et celles qui vont venir en

remplacer d’autres.

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108

Tableau 4.1 : Récapitulatif des relations entre les populations montagnardes et les systèmes territoriaux, suivant les périodes, de 1780 à 2015

Périodes Systèmes territoriaux (en italique) et transformations Subsistance et adaptations à l’échelle locale

1780-1896 Vassalité birmano-siamoise

- Relation d’interdépendance Tai-Lue/Kha

- Commerce caravanier transfrontalier

- Produits forestiers et animaliers

- Riz, maïs, tabac, coton, pavot

- Artisanat et commerce transfrontalier

1896-1945

Domination coloniale française

- Réorganisation administrative du territoire

- Mise en valeur coloniale et exploitation des ressources

- Établissement de taxes et imposition de travaux de corvée

- Insertion du marché capitaliste occidental (érigé en modèle)

- Produits forestiers et animaliers

- Riz, maïs, tabac, coton, extension du pavot

- Artisanat et commerce colonial et transfrontalier

1945-1975

Guerres d’Indochine : chaos politique et conflits régionaux

- Opposition idéologique libéralisme/communisme

- Sollicitation militaire des populations montagnardes

- Destructions matérielles et déplacements de populations

- Produits forestiers et animaliers

- Riz, intensification significative du pavot

- Perturbation importante des échanges commerciaux

1975-1995

Le Pathet Lao : implantation du système communiste

- Contrôle, répressions et déplacements des populations

- 1976 : Collectivisation des biens et des terres

- 1986 : Réformes économiques d’envergure (NME)

- 1987 : Début coopération USA/Laos contre le narcotrafic

- Produits forestiers et animaliers

- Riz, réduction significative du pavot/peu d’alternatives durables

- Commerce temporairement régulé par l’État

1995-2015

L’intégration récente : régions montagneuses et minorités

- 1996 : LFAP ; Mise en place des aires protégées

- 1997 : Adhésion à l’ASEAN

- 2004 : National Growth and Poverty Eradication Strategy

- Sédentarisation des populations et développement rural

- Développement du tourisme international

- Réduction de l’accès aux forêts et aux NTFPs

- Réduction de l’agriculture itinérante/persistance du riz pluvial

- Développement des cultures commerciales (hévéa, banane etc.)

- Accès aux marchés nationaux/internationaux

- Artisanat et participation aux programmes d’écotourisme

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109

4.2 La détermination du budget-temps

4.2.1 La perception du temps : considérations culturelles et ethniques

Établir un calendrier des cycles et des rythmes de vie annuels nécessite avant

tout de poser un cadre sur la perception du temps, suivant les contextes culturels. Car,

bien que le calendrier grégorien38 se soit imposé comme le calendrier de référence dans

la majeure partie du monde, d’autres calendriers existent, notamment dans le contexte

sud-est asiatique. Van Schendel et Nordholt parlent alors de « global and local time

regimes » dans les sociétés d’Asie (Tableau 4.2). Dans leur étude, ils cherchent à

comprendre comment « in different historical and cultural settings, people construct

time as a tool for orienting themselves in the world and organising their personal and

group lives »39 (2001 : 8). Cette question est d’autant plus pertinente que l’émergence

d’une uniformité globale dans la mesure du temps affecte considérablement les autres

« régimes de temps locaux » perçus comme « pré-modernes, non-progressifs, et étant

graduellement marginalisés » (traduction libre, ibid, 2011 : 10-11).

Tableau 4.2 : Principaux contrastes entre le régime global (Occidental) et les régimes

locaux (Non occidental)

Temps occidental Temps non occidental

Moderne

Séculaire

Linéaire

Traditionnel

Religieux

Cyclique

Source : Van Schendel et Nordholt, 2001 : 8

Chez les « sociétés anciennes », comme les minorités montagnardes d’Asie du Sud-Est,

l’existence est avant tout rythmée « par les saisons et de façon quotidienne par les

activités nécessaires à la survie » (Bailly et Béguin, 2001 : 75). Suivant les groupes

ethniques, l’année peut ainsi se diviser en plusieurs saisons. Pour les Akha, celle-ci se

divise en deux : la saison sèche et la saison humide. Chaque saison se partage

équitablement la moitié d’une année, la saison sèche ayant malgré tout deux sous-

divisions : la « minor year », de novembre à décembre, et la « major year », de janvier à

avril (Goodman, 1996 : 34). Pour les Khmou, l’année se divise en trois : la saison

38 Conçu à la fin du 16ème siècle par le pape Grégoire XIII, ce calendrier solaire divise l’année en douze mois et dure

environ 365,25 jours. La particularité de ce calendrier réside dans la détermination des années bissextiles. 39 Pour plus d’informations voir : Goudsblom, Johan (1997) Het regime van de tijd. Amsterdam : Meulenhoff, p.21.

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110

froide, la saison chaude et la saison humide. Les deux premières saisons, la froide et la

chaude, comptent chacune pour trois mois, respectivement, de décembre à février, puis

de mars à mai. La saison humide, ou plus couramment connue saison des pluies, s’étale

quant à elle sur six mois, de juin à novembre (Évrard, 2006 : 134). Cette division de

l’année en trois saisons est aussi observable chez les Lamet (Izikowitz, 2001 : 165).

Selon Bailly et Béguin, quelles que soient ces perceptions, il y a toujours, malgré tout :

une localisation et des déplacements dans l’espace ; une durée avec un commencement

et une fin ; une répétition temporelle (fréquence) etc. Grâce à « l’étude des budgets

espaces-temps, […] les normes sociétales sont mieux saisies [car] chaque fraction du

temps est associé à un espace approprié » (2001 : 76).

Lors de nos entretiens avec les populations montagnardes, dans la province de Luang

Namtha, c’est un calendrier d’apparence grégorien qui leur a été proposé de remplir.

Bien que ce calendrier aurait pu porter à confusion, aucun n’a montré de difficulté à

identifier les mois auxquels s’apparentaient les tâches de travail annuelles : land

preparation, seedling, weeding etc. Comme l’explique Nordholt à propos des Balinais,

parce que les populations « live in a variety of different time systems » ils ont la capacité

de passer d’un calendrier à un autre : « the Gregorian and Wuku calendars in modern

Bali do not simply exist side by side. Rather, they interact in a dynamic way » (2001 :

57). Ainsi, selon Nordholt, il peut se produire dans certains contextes « a complex

articulation between a state cum capitalist time regime and a local ritual and calendar

system », ce qui démontre la capacité de certains calendriers locaux à se moderniser

(ibid, 2001 : 75). Peut être qu’une situation similaire se serait produite dans la province

de Luang Namtha, où les populations sont parvenues à concilier leur calendrier local

avec le calendrier grégorien, diffusé par l’État laotien.

4.2.2 Analyse des calendriers de la province de Luang Namtha

Suivant nos enquêtes de terrain, deux calendriers annuels peuvent être analysés.

Le premier calendrier (Figure 4.2) présente le budget-temps investi dans la production

de trois groupes de produits, principalement de subsistance : le riz, l’élevage d’animaux,

et les produits forestiers non-ligneux. À ceux-ci s’ajoute une partie dédiée aux festivals

et aux rites agricoles. Le deuxième calendrier (Figure 4.3) donne un aperçu du travail

nécessaire, au fil des mois, à l’entretien de différentes cultures, tant de subsistances que

commerciales. Une distinction est notamment faite entre le riz inondé et le riz pluvial.

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111

Ce deuxième calendrier ne prétend pas présenter de manière exhaustive toutes les

cultures de la province, mais uniquement celles qui ressortent le plus fréquemment chez

les paysans interrogés. Parmi les cultures qui ne sont pas listées dans le calendrier, mais

qui sont produites dans la province, on peut, entre autres, mentionner : tabac, coton,

pastèques, ananas, piments, citrouilles, concombres, mangues etc.

Comme ailleurs en Asie du Sud-Est, le riz – khao en laotien – constitue une

culture essentielle dans la vie des populations montagnardes, tant pour des raisons

économiques, culturelles que religieuses. Parce que le riz est un aliment central de

chaque repas, il domine toutes les autres cultures. Ainsi, chez les Akha, on ne demande

pas « Have you eaten yet? » mais plutôt « Have you eaten rice yet? » (Kammerer,

2000 : 40). C’est la même chose en vietnamien, lao, thaï et plusieurs autres langues de

la région. Le riz est cultivé suivant deux techniques drastiquement différentes, qui

dépendent principalement de la topographie et de l’hydrographie du terrain : le riz

inondé (Figure 4.4) ou le riz pluvial (Figure 4.5). L’un et l’autre ne requièrent pas la

même charge de travail. D’un côté, le riz inondé :

is almost always planted first in a specially prepared seedbed where it grows

until the seedlings are several inches tall. Meanwhile, the fields must be

carefully prepared for the rice plants; they are thoroughly cleaned of weeds,

and the soil is pulverized and soaked until it becomes a mire of heavy mud.

Early in the rainy season, the seedlings are transplanted from the seedbeds

to the regular fields – one of the most laborious jobs and certainly the

dirtiest, for each individual seedling must be planted in the thick black mud.

[…] Once the seedlings are transplanted, however, there is little more to do

except to keep the dikes in repair and regulate the flow of water (Burling,

1992 : 27).

La préparation des champs et leur entretien s’échelonnent ainsi de février à juillet,

couvrant toute la période de repiquage des plants de riz, de mai à juillet. S’en suit, en

juillet et août, l’utilisation d’intrants agricoles, avant de pouvoir effectuer la récolte

d’octobre à décembre. De l’autre, le riz pluvial :

is not dependent upon flooding. The seeds of this “dry rice” are planted

directly in the soil, and the crop grows in much the same way as wheat or

any of the other better known-grains of temperate climates. The ground does

not have to be so carefully prepared in advance, but new fields must be

periodically cleared of trees and brush, and the problem of keeping down

the weeds is much more difficult than in wet fields (Burling, 1992 : 27).

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112

De mars à juin, la préparation des champs pour le riz pluvial consiste à choisir les terres

à défricher, effectuer le brûlage de la parcelle et construire la maison de l’essart. De juin

à juillet ont lieu les semailles. Il est important de noter que la parcelle ne se constitue

pas exclusivement de riz, mais également d’autres variétés végétales, comme du coton,

du café (voir Figure 5.5), du maïs, des concombres etc. (Évrard, 2006 : 140-141). Les

entretiens révèlent qu’en général aucun intrant agricole n’est utilisé sur ces parcelles.

Deux ou trois désherbages successifs, pour enlever la nya kha, peuvent être effectués

d’août à novembre, avant de pouvoir récolter le riz de la fin novembre à début janvier.

Suite à son étude des Khmou du village de Houay Kha, dans le nord du Laos,

McAllister a identifié que la répartition des tâches agricoles selon les genres était bien

définie. D’un côté, les hommes effectuaient le brûlage de la parcelle, construisaient la

maison de l’essart et partaient chasser. De l’autre, les femmes étaient responsable de

l’entretien des parcelles durant toute la saison des pluies et collectaient les produits

forestiers non-ligneux. Malgré tout, « frustrations about gender inequalities were

expressed by the […] Khmu women », en particulier lorsqu’il s’agissait du désherbage,

« an unpleasant task » (McAllister, 2013 : 172). Après un entretien avec une femme

Khmou, McAllister rapportait que : « The men only help to clear the land, to cut the

trees, to burn and with planting. After this, the women do everything until the harvest.

The women do all the work in the uplands – the men are lazy and just hang around »,

contrairement à d’autres groupes, comme chez les Hmong, où les hommes et les

femmes sembleraient « work together » (ibid, 2013 : 172-173).

Le nombre et les espèces animales élevées sont très variables d’une famille à

l’autre. Bien qu’ils soient destinés à la consommation, les animaux sont aussi un

marqueur social indiquant la richesse d’une famille. Suivant nos entretiens, il est

ressorti que les hommes s’occupaient davantage du bétail (buffles et vaches), des

cochons et des chèvres, tandis que les femmes nourrissaient en priorité la volaille

(poules et canards). Au cours de la saison des pluies, de nombreux produits forestiers

non-ligneux peuvent faire l’objet d’une attention particulière. C’est ainsi que de mai à

octobre, les populations montagnardes, notamment les femmes, s’attèlent à cueillir

fruits, fleurs, champignons, plantes médicinales et autres pour leurs besoins quotidiens.

Par ailleurs, les hommes n’hésitent pas à aller chasser (singes, mulots, sangliers, cerfs,

oiseaux, reptiles etc.), ce qui permet « de faire des réserves de viande pour l’époque de

la récolte, durant laquelle les efforts de tous seront consacrés à rentrer le plus vite

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113

possible le paddy dans les greniers » (Évrard, 2006 : 143). Par exemple, au cours d’un

entretien avec un habitant du village de Phupath, un voisin était revenu en fin de

matinée de la chasse avec, dans le coffre de sa moto, un iguane encore vivant, attrapé

grâce à l’un de ses pièges posés dans la forêt.

Parmi les festivités – Bun en laotien - auxquelles les populations montagnardes

accordent de l’importance, on retrouve à la mi-janvier la Bun Khun Khao, une fête

agricole qui marque la fin des moissons. Suivant des danses et des cérémonies, les

paysans remercient durant plusieurs jours les esprits de la terre pour les récoltes, dont le

riz. Entre le 13 et le 16 avril, c’est la Bun Pii Mai (Nouvel An Lao) qui est à l’honneur,

aussi connue comme la Fête de l’eau, qui correspond avec le moment le plus chaud de

l’année. Enfin, le 02 décembre, c’est la Vanh Saad (Fête nationale) qui est célébrée,

date d’anniversaire commémorant l’arrivée au pouvoir du Pathet Lao en 1975. Durant

cette journée, de nombreuses cérémonies protocolaires s’accompagnent de défilés et de

discours officiels, principalement dans la capitale de Vientiane.

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114

Source : Enquêtes mai-juillet 2015

Figure 4.2 : Calendrier du budget-temps des populations ethniques montagnardes de la province de Luang Namtha (#1)

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115

Dans le deuxième calendrier, un aperçu annuel de neuf cultures agricoles est

analysé. Parmi elles, quatre correspondent à des cultures majoritairement de subsistance

– dont le riz –, quatre s’apparentent à des cultures principalement commerciales, et une

dernière, la cardamome, ressort selon nos enquêtes comme une culture à double usage.

Comme il est visible dans le calendrier, chaque culture se distingue des autres, que ce

soit : par la durée requise du travail annuel pour l’entretien ou, par les variations

mensuelles des étapes – de la préparation de terres à la récolte finale. Bien qu’il serait

intéressant de détailler chacune de ces cultures, la comparaison entre les plantations

d’hévéa et de bananes semble davantage intéressante, du fait de leur récurrence chez les

personnes interrogées, mais aussi pour ce qui a trait au budget-temps investi.

Selon les paysans enquêtés, la culture de l’hévéa se déroulerait en trois étapes. La

première concerne la transplantation des jeunes arbres dans les parcelles, entre les mois

de mai et de juillet, une période semblerait-il idéale dans l’année pour effectuer cette

opération. Lorsque faite, cette étape n’est pas à renouveler chaque année, l’arbre ayant

une espérance de vie d’environ vingt ans lorsque qu’exploité, à l’inverse des plants de

riz qui nécessitent d’être replantés chaque année. La deuxième étape exige un

désherbage régulier, tant que l’arbre n’est pas arrivé à maturité pour produire du latex –

une maturité qui est atteinte après environ sept ans ; les arbres ont alors une hauteur

d’au moins trois à cinq mètres et une diamètre de tronc d’au moins quinze centimètres.

Ce désherbage devient plus espacé lorsque l’arbre a atteint sa maturité. De nombreux

paysans avaient l’habitude d’effectuer un désherbage intensif au mois de février. Enfin,

la troisième étape est celle de la saignée, possible de mars jusqu’à octobre, pour récolter

le latex qu’on fait s’écouler du tronc de l’arbre. La fréquence de ces saignées variait

selon les paysans, de tous les deux jours à chaque semaine, dépendamment de l’intensité

souhaitée, de la distance village-plantation, et de la priorité accordée aux autres tâches

agricoles.

Par comparaison, la culture de bananes paraissait moins contraignante pour les

populations montagnardes, bien qu’en réalité toute aussi exigeante qu’une plantation

d’hévéas. Cette situation s’explique principalement par le type de contrat établi avec les

investisseurs chinois : à savoir « 2+3 » ou « 1+4 ». À Luang Namtha, nos enquêtes ont

révélé que la totalité des plantations de bananes s’opéraient selon un arrangement

« 1+4 » – où le paysan ne fournit que la terre –, à l’inverse des contrats pour les

plantations d’hévéas, qui se présentaient exclusivement sous la forme « 2+3 » – où le

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paysan fournit la main d’œuvre en plus de la terre. Dans ce contexte, parce qu’une

plantation de bananes n’exige en retour aucun travail pour le propriétaire des terres, à

l’inverse d’une plantation d’hévéas, l’impact sur le budget-temps n’était en conséquence

pas le même. Le temps économisé d’un côté peut dès lors être dépensé ailleurs : soit

comme main d’œuvre sur d’autres plantations, soit dans des activités de loisir (Figure

4.6). Certains paysans, notamment dans le district de Sing, se retrouvaient finalement à

recevoir de l’argent des compagnies chinoises qui louent leurs terres, sans pour autant

avoir besoin de travailler. Selon Khonekeo Bannavong40, fonctionnaire au Muang Sing

Agriculture Office, cette situation, où les paysans ne sont pas contraints de travailler,

engendre des effets négatifs au niveau social. D’une part, les enfants voient leurs

parents gagner de l’argent sans travailler, ce qui leurs fait perdre la notion de valeur et le

sens des réalités. D’autre part, parce qu’ils disposent de temps libre et d’argent, toujours

selon Bannavong, certains paysans développent des habitudes déraisonnables

(alcoolisme, jeux d’argents, fêtes, etc.). Le développement des plantations de bananes

cause par ailleurs de graves conséquences sur le plan environnemental, par exemple par

la pollution des rivières et des sols (Figure 4.7). Aux yeux de Soupheang Silorvong41,

fonctionnaire au Provincial Agriculture Office, « Chinese don’t care of environment,

only how much money they can make ». Cette vision s’est confirmée à plusieurs reprises

pour les fonctionnaires du Muang Sing Agriculture Office, témoins de paysans qui, à la

fin de leur contrat avec des compagnies chinoises, se sont retrouvés avec des terres

inexploitables, tellement elles étaient polluées par les déchets plastiques et l’utilisation

abusive d’intrants agricoles chimiques. Lorsque possible, la remise en état de la parcelle

nécessite d’investir, selon Mr. Bannavont, beaucoup d’argent et de temps. Pour d’autres

paysans, la location de leurs terres est une opportunité pour investir du temps dans un

autre travail, en particulier comme main d’œuvre sur les plantations. C’était, entre

autres, le cas pour l’un des paysans akha interviewés à Sing, qui nous a confié que sa

femme et son fils ainé travaillaient depuis deux ans sur une plantation de bananes située

à deux kilomètres du village. Ils étaient chargés de l’entretien des bananiers et de la

récolte. D’autres paysans interviewés à Sing ont également fait mention du travail de

main d’œuvre sur les plantations de canne à sucre et de pastèques.

40 Entretien le 22 juin 2015 à Muang Sing 41 Entretien le 29 juin 2015 à Luang Namtha

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117

Source : Enquêtes mai-juillet 2015

Figure 4.3 : Calendrier du budget-temps des populations ethniques montagnardes de la province de Luang Namtha (#2)

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118

Figure 4.4 : Culture du riz inondé dans la plaine de Muang Sing – Juin 2015

Figure 4.5 : Culture du riz pluvial dans les collines de Muang Sing – Juin 2015

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119

Figure 4.6 : Terrain de pétanque dans le village de Mom, district de Sing – Juin 2015

Figure 4.7 : Aperçu d’une plantation de bananes, district de Sing – Juin 2015

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120

Les deux calendriers de la province de Luang Namtha offrent ainsi un aperçu de

l’occupation du temps des minorités ethniques, mensuellement et annuellement. Ces

calendriers présentent la base du travail, principalement agricole, des paysans

montagnards. Tandis que la production de certains produits répond à des finalités de

subsistance, d’autres sont purement commerciales. À ce titre, parmi toutes les cultures

auxquelles les populations investissent du temps, il semblerait, qu’à Luang Namtha, les

cultures de l’hévéa et de la banane constituent des marqueurs forts du processus

d’intégration des populations aux marchés internationaux. Outre faire appel à des

contrats avec des compagnies étrangères, elles assurent, par la revente de la production

ou la location des terres, un revenu pour les populations.

Malgré tout, ces calendriers témoignent peu du budget-temps investi parallèlement au

temps de travail, comme les activités de loisir. Que font les populations le reste du

temps ? De quelle manière les populations vont-elles réallouer leur temps ? Et de ce fait,

quelles technologies ou structures vont permettre une réallocation/un remaniement du

budget-temps ? Suivant nos entretiens et les témoignages des populations, trois

éléments, qui contribuent à cette réallocation, se distinguent :

(i) L’électricité. Dans certains villages, comme ceux de Phouthin et de Konlang, tous

deux situés dans le district de Nalae, le raccordement au réseau électrique est récent,

respectivement 2012 et 2014. Bien que quelques villageois disposaient auparavant

d’autres options pour se procurer cette ressource – générateurs à essence et panneaux

solaires – l’électricité reste, pour la plupart, un élément nouveau du quotidien. Parmi

tous ses avantages, des villageois ont confié que la lumière, générée par l’électricité,

leur offrait la possibilité d’effectuer des tâches supplémentaires une fois la nuit tombée,

ce qui, au final, rallonge la durée potentielle de travail dans la journée. Un enfant

pourrait, par exemple, effectuer ses devoirs plus tard dans la journée. Lorsqu’un

réfrigérateur était à disposition, l’électricité permettait aussi de conserver les aliments

plus longtemps et réduisait donc le temps alloué à la collecte de nourriture. Ce temps

économisé d’un côté peut ainsi être investi ailleurs. Selon nos observations, l’électricité

permettait enfin aux populations de recharger des appareils électroniques

(principalement des téléphones), de regarder la télévision, ou encore d’écouter de la

musique sur la radio. En somme, l’électricité permettait aux populations d’accéder à de

nouvelles formes d’activités.

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121

(ii) Les télécommunications. Tout d’abord, il va de soit que l’accès aux

télécommunications est premièrement dépendant de l’accès à l’électricité. La première

est dépendante de la deuxième. Si un villageois n’a pas accès à l’électricité, il n’aura

très probablement pas accès au réseau de télécommunications, du simple fait de ne pas

pouvoir recharger son téléphone ou brancher ses appareils électroniques. Comme

démontré dans le chapitre précédent, trois biens de consommation semblent être

devenus de rigueur, parmi lesquels le cellulaire et la télévision. Pour leur utilisation,

chacun requiert un accès à l’électricité, mais surtout un accès au réseau de

télécommunications, via des antennes (Figure 4.8 et 4.9). D’un côté, le cellulaire facilite

les communications, mais il permet aussi une meilleure organisation du temps. De

l’autre, la télévision donne accès à l’information et constitue une activité de passe-

temps. Ensemble, ils provoquent une contraction de l’espace-temps, en effaçant les

distances et les contraintes de l’isolement géographique, et restructurent le territoire des

populations ethniques montagnardes.

(iii) Les routes. Pour un village, bénéficier d’un accès à une route – goudronnée ou four

seasons – constitue un avantage conséquent en termes de mobilité des populations.

Elles facilitent non seulement les déplacements, mais réduisent aussi leur durée. À

plusieurs reprises, au cours d’entretiens, des enquêtés des districts de Nalae et de Sing

ont affirmé que l’extension du réseau routier jusqu’à leur village a changé leurs

habitudes et la fréquence de leurs déplacements. Désormais, il leur était possible de

passer plus de temps à l’extérieur du village, d’aller plus souvent au marché (pour

acheter ou vendre des produits), de rendre plus souvent visite à la famille vivant dans

des villes voisines, ou encore de pouvoir assister à des festivités dans la capitale

provinciale Luang Namtha. Avant le raccordement de leur village au réseau routier,

certaines personnes ne s’étaient même jamais rendues à Luang Namtha ! C’est

notamment le cas de Nan Seang, chef du village de Hatchala, dans le district de Nalae.

Depuis la route, il s’y rend une fois chaque année.

Pour conclure ici, électricité, télécommunications et routes, qui respectivement

sont aussi ressource, technologie et structure publique, constituent des éléments qui

vont permettre aux populations de réallouer leur temps. Associés aux nouvelles cultures

et pratiques agricoles, c’est tout le budget-temps des minorités montagnardes qui s’en

trouve finalement remanié, dans un système territorial qui leur est plus complexe que

jamais auparavant.

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122

Figure 4.8 : Une antenne-relais de télécommunication à Luang Namtha – Juillet 2015

Figure 4.9 : Une vache attachée à une antenne de réception dans le village de Ban Van,

district de Nalae – Juillet 2015

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123

Chapitre 5 : Processus d’intégration et d’adaptation – Des éléments

qui éclosent de la recherche

Depuis 1975, dans sa vision de construction d’un État moderne, le

gouvernement laotien œuvre pour consolider sa légitimité et ses prétentions territoriales.

Assoir sa légitimité suppose donc de domestiquer des espaces, de les territorialiser, et de

« trouver la ‘maille’ la plus adéquate pour […] ‘voir’ le mieux possible » (Raffestin,

1980 : 33). Installé dans les plaines, lieux des pouvoirs centraux en Asie du Sud-Est

continentale, l’État laotien cherche ainsi à territorialiser les régions montagneuses pour

y étendre son pouvoir. Ces régions montagneuses, comme celles présentes en

Thaïlande, sont comparables à la couronne externe de sa matrice territoriale (Bruneau,

1977 : 124). Mais, pour pleinement assoir sa légitimité, l’État se doit aussi de contrôler

les populations qui habitent ces territoires. S’approprier un espace suggère donc un

acteur pour le territorialiser. Or, la population est « le fondement et la source de tous les

acteurs, de toutes les organisations. [Elle est] la source du pouvoir, le fondement même

du pouvoir, par sa capacité d’innovation liée à son potentiel de travail » (Raffestin,

1980 : 3, 59). Territoire et population sont de sorte des composantes indissociables,

sources de pouvoir pour l’État. Sans eux, l’État n’existerait pas (Déry, 1999 : 225).

C’est, suivant ces considérations, que le regard de l’État laotien s’est porté sur les

régions montagneuses périphériques et leurs populations ethniques minoritaires.

L’intégration nationale des composantes population et territoire a progressivement,

mais indéniablement, contribué à la construction de l’État moderne du Laos. Motivée en

premier lieu par le gouvernement laotien, l’intégration des régions montagneuses du

nord – parmi lesquelles se trouve la province de Luang Namtha – s’est faite suivant une

succession de programmes et de réformes, définies par un cadre d’action précis. Malgré

tout, l’État a-t-il été le seul à articuler cette intégration ? Peut-on penser que la

dynamique de cette intégration était uniquement contrôlée par l’État ? Il semble que

non !

5.1 L’intégration, un processus qui comporte plusieurs facettes

Jusqu’au troisième quart du vingtième siècle, les relations entre les différents

systèmes politico-économiques de l’époque et les populations montagnardes – plus ou

moins intégrées dans ces systèmes – ont été changeantes. À partir de 1975, s’intéressant

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124

lui aussi aux minorités ethniques et aux régions montagneuses du nord, l’État laotien

poursuivit le dessein de leur intégration. Mais ce n’est qu’au début des années 1990 que

cette intégration prit toute son ampleur et s’intensifia. L’État laotien engageait alors des

mesures – plus puissantes que les Français à l’époque coloniale – qui visaient tant à

administrer le territoire qu’à contrôler les populations locales. En somme, l’État

s’appropriait les ressources qui s’offraient à lui, suivant le principe d’accumulation

primitive (Baird, 2011). Ces ressources, notamment la composante population, sont la

source de son pouvoir, mais en sont également les instruments, « par leur capacité à

satisfaire des besoins fondamentaux » (Raffestin, 1980 : 229). Elles permettent à la fois

d’aboutir à la construction d’un État moderne mais assurent aussi sa survie, grâce aux

revenus qui peuvent en découler. L’accumulation des ressources, de ces « populations

ressources », se justifie d’autant plus par la volonté de l’État « to propel the rural

population from the semi-subsistence livelihoods directly into an economy dominated by

wage-level » (Baird, 2011 : 22-23).

Visible suivant différentes échelles spatiales, le processus d’intégration mené par l’État

laotien a entrainé de multiples transformations dans la province de Luang Namtha. On

peut, entre autres, déceler des transformations d’ordres agricoles (nouvelles cultures et

pratiques), culturelles (accès à l’information et aux divertissements), socioéconomiques

(réduction de la pauvreté, accès à l’éducation et aux soins, parfois changement des

moyens de subsistance, etc.), ou encore territoriales (propriété foncière, délimitation

d’aires protégées, etc.). Mais cette intégration semble aussi créer des transformations

dont l’État contrôle moins la dynamique, et qui, pourtant, influencent la vitesse du

changement à l’échelle de la province.

Comme l’expose Tan, les Chinois sont non seulement les principaux acteurs du

changement, mais aussi les principaux bénéficiaires, par leur capacité à dominer de

manière presque exclusive l’économie locale (2014 : 427). Cette domination – évidente

dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et de l’exploitation des

ressources minières et hydrauliques – est marquée par d’importants flux

d’investissements et de migrants en provenance du Yunnan. Or, ces migrants, ces

populations, agissent aussi comme des acteurs venant territorialiser la province. Il en

résulte donc deux systèmes concurrentiels, laotien et chinois, plus spécifiquement

yunnannais, pour un même espace devenu enjeu de pouvoir, celui de la province de

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125

Luang Namtha 42 . Une dynamique particulière différencie, malgré tout, ces deux

systèmes concurrentiels. D’un côté, comme le souligne Rigg « The Lao government’s

rural-development policy is area based and focuses on concentrating resources and

services in particular areas, bringing the people to these development centers » (2009 :

712). De l’autre, comme en témoignent (i) le fonctionnement des réseaux d’affaires

transnationaux et (ii) nos enquêtes de terrain, ce sont les Chinois qui vont vers les

populations montagnardes, plutôt que vice-versa. L’influence croissante du système

Yunnan (Chine) pourrait en partie s’expliquer par l’établissement des couloirs

économiques, comme celui de la GMS, qui favorisent l’intégration régionale et

enserrent la province dans un nouveau maillage géoéconomique. En dépit de l’influence

du Yunnan, on pourrait dire qu’en théorie, elle ne devrait pas représenter une menace

pour l’État laotien. Premièrement, la territorialisation de la province de Luang Namtha

ne constitue pas une stratégie nationale chinoise et, deuxièmement, la Chine – en tant

que partenaire de dialogue de l’ASEAN – est tenue par la déclaration de 1967 qui prône

le respect des frontières et la non-contestation de la souveraineté des pays membres :

« to ensure their stability and security from external interference »43.

Par ailleurs, les espaces de la province de Luang Namtha sont convoités un autre

système, plus abstrait, et qui détermine pourtant son intégration à l’échelle mondiale : le

marché. Suivant l’œuvre de Polanyi, La Grande Transformation, Louis Dumont dépeint

dans la préface ce marché « étendu aux dimensions du monde, […] vorace, [qui] rejette

tout contrôle et prétend à une sorte d’autorité suprême » (1983 : ix). Ce marché,

perceptible à Luang Namtha par la variation permanente des prix d’achat du latex, des

bananes ou du sucre aux paysans, affecte désormais de manière inhérente le quotidien

des populations montagnardes. Il décide de la dépréciation ou de l’appréciation de leur

monnaie, du taux de remboursement de leurs emprunts bancaires, ou encore de leur

pouvoir à l’échelle mondiale.

Lequel parmi ces trois systèmes (Laos, Yunnan ou marché mondial) a le plus de

poids pour les habitants de Luang Namtha ? Lequel influence le plus le rythme du

changement, la vitesse et la manière dont se produit l’intégration de la province de

Luang Namtha dans des systèmes extérieurs ? (Figure 5.1). Trouver une juste réponse à

42 Voir Li (1999) et Rigg (2009) pour une comparaison de systèmes concurrentiels à différents niveaux

géographiques. 43 http://asean.org/the-asean-declaration-bangkok-declaration-bangkok-8-august-1967/

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126

ces questions nécessiterait d’en approfondir l’étude. Néanmoins, comme l’indique

Polanyi dans son étude des transformations liées à la révolution industrielle en

Angleterre, « il se peut fort bien que dépende de nous le rythme auquel nous permettons

que le changement survienne […] car de ce rythme dépendait d’abord la question de

savoir si les dépossédés pourraient s’adapter à de nouvelles conditions d’existence »

(1980 : 64). Dès lors, la question ne serait pas tant de savoir quel système est le plus

prépondérant, mais davantage : lequel facilite, ou complique, le plus l’adaptation ? Les

processus d’adaptation, et dans le même ordre, de marginalisation, face au processus

d’intégration, prennent ainsi tout leur sens.

Figure 5.1 : Territorialisations emboîtées et concurrentielles

5.2 L’adaptation, oui, mais de quelle manière ?

Comprendre la capacité d’un individu, ou d’un groupe d’individus, à s’adapter

aux changements dans leur environnement de vie constitue un axe central de cette

recherche. Car la capacité à s’adapter détermine les modalités de l’intégration dans les

nouveaux systèmes. Dans le contexte sud-est asiatique, les périphéries montagneuses

ont pendant longtemps été perçues par les pouvoirs centraux des plaines comme des

régions marginales, « bastions géographiques » et « zones-refuges » pour des

populations dites « barbares », qui cherchaient délibérément à fuir l’État (Scott, 2009).

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127

Malgré leur éloignement géographique, ces populations se trouvent à nouveau dans le

halo de l’État, celui-ci déterminé, plus que jamais, à porter dans ces régions des projets

de construction nationale. De ce fait, il est légitime de se demander si ces populations

désirent même être intégrées par ces projets. En ont-elles réellement le choix ?

Aristote (384-322 av. J.-C.) enseignait que « seuls les dieux ou les bêtes peuvent vivre

en dehors de la société, et l’homme n’est ni dieu ni bête ». Ce constat s’avère d’autant

plus vrai aujourd’hui que l’ouverture à la société et à la civilisation moderne est

« inévitable » (Jullien, 2010 : 39), bien que plusieurs auteurs aient constaté certaines

formes de résistance face aux changements (Polanyi, 1983 ; Hirsch et Warren, 1998 ;

Forsyth, 2009 ; Turner et Caouette, 2009). Ainsi, l’intégration paraissant inévitable,

quelle est la capacité des populations à s’adapter aux nouveaux systèmes nationaux et

internationaux ? Il est possible d’affirmer, grâce à nos enquêtes de terrain, que les

populations rurales du nord du Laos détiennent une capacité – variable selon les

individus et les contextes – à s’adapter aux changements. Ce constat est observable par

l’assimilation de nouvelles connaissances (agricoles et autres), par l’adoption de

nouvelles habitudes (activités, déplacements, etc.) ou encore par la réorganisation de

leur temps de travail. Parfois, ces populations bénéficient d’aides de l’État, ou d’autres

acteurs locaux (réseaux chinois, famille, amis, etc.), pour faciliter cette transition, et

l’accomplir avec une certaine rapidité. Mais elles ont également démontré la capacité à

s’adapter par leurs propres moyens. C’est notamment le cas de la langue. McKinnon et

Michaud constatent que les populations montagnardes « will speak at least three

languages: their natal tongue; the language of the people in at least one of the

neighbouring villages; and, the national and/or regional language of the nation state in

which they live in » (2000 : 7). Scott précise même que « bilingualism among minority

hill peoples was the rule rather than the exception », avec la capacité de « change their

language almost as often as they change their clothes » (2009 : 239).

Considérer les avantages et les inconvénients de l’intégration pour les

populations montagnardes nécessite de prendre du recul et d’en faire l’évaluation.

D’une part, n’est-il pas souhaitable qu’elles puissent avoir accès à l’éducation, aux

soins, à l’électricité et aux marchés ? Ne souhaitent-elles pas elles-mêmes de meilleures

conditions de vie pour leurs enfants ? Comme l’avaient confié des fonctionnaires

provinciaux lors des enquêtes de terrain, il n’était pas rare, au début des années 1990,

que certains villages ethniques minoritaires, notamment Akha, soient réticents à

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accepter ce que l’État avait à leurs offrir. Mais, progressivement, « other villages came

to see the lowland resettled villages and saw how good it actually was »44. D’autre part,

quel est le prix d’un tel compromis ? N’y a-t-il pas des pertes en retour à ces gains ?

Face à ces transformations, on peut, entre autres, noter l’apparition d’un mode de vie

individualiste (Figure 5.2), l’aspiration à l’enrichissement – et de surcroit à la

consommation –, l’endettement financier, la compétition pour la distinction sociale, etc.

En définitive, l’intégration et l’adaptation aux nouveaux systèmes ne peut-elle pas aussi

entrainer une marginalisation ? L’endettement financier constitue bien un exemple de

marginalisation, celle qui se constitue par rapport aux marchés et qui produit des

conséquences dans tous les autres aspects de la vie quotidienne. Il y a donc

indéniablement des avantages et des inconvénients.

Finalement, si l’intégration aux nouveaux systèmes constitue le seul chemin, la

façon dont elle s’opère n’engage-t-elle pas la responsabilité de l’État ? C’est une des

conclusions à laquelle en arrive Jullien, qui estime que les conséquences d’une

ouverture non régulée des régions reculées à la civilisation moderne pourraient être

irréparables (2010 : 40). Selon lui, quatre possibilités s’offrent à nous :

Soit, je l’ai déjà indiqué, on prétend bloquer cette évolution et maintenir une

pseudo-identité de ces populations comme appât du tourisme et échantillon

singulier d’humanité. […]

Soit on veut au contraire, mais de façon tout aussi arbitraire, intégrer ces

populations au plus tôt et les conduire à marches forcées à l’assimilation.

[…] Dans les deux cas, on a disposé du destin de ces populations malgré

elles ; d’une façon comme de l’autre, le résultat est celui de l’aliénation.

Soit encore, parce qu’on tient cette évolution inéluctable, on la laisse se

réaliser d’elle-même, sponte sua : l’assimilation et la déculturation se

produisent alors selon les seules lois du marché et passivement. Ces régions,

entrant brusquement en contact avec le monde moderne, découvrent alors

brutalement leur retard ce qui leur revient alors en plein visage comme leur

pauvreté. […] Elle fait surgir des exclus.

Soit on conçoit une politique. Mais, pour cela, il faudra d’abord modifier les

termes du problème affronté. […] Ne plus envisager celui-ci en termes de

« minorité » (ethnique) mais de diversité (culturelle) [et promouvoir ces

régions] en tant que lieux propres, comptant pleinement pour eux-mêmes, à

part entière, acquérant leur intensité. Car le local (le régional) n’est plus

notion minorante ni non plus restrictive ou fermée. [Dès lors, il faut

promouvoir] ce que j’appellerai « l’autoconsistance » de tels lieux, jusqu’ici

excentrés, mais s’ouvrant à l’échange (2010 : 40-42).

44 Entretien avec Monsieur Virason Dainhansa le 22 juillet 2015 à Luang Namtha

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129

Cette dernière possibilité, celle d’une « autoconsistance » de la province de Luang

Namtha, semble être la tendance qui se dessine actuellement, suivant son insertion dans

le maillage régional de la GMS. Mais seules les politiques futures de l’État laotien

viendront confirmer, ou non, cette hypothèse.

Figure 5.2 : Délimitation d’une propriété dans le village de Mom, district de Sing –

Juin 2015

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130

Conclusion

Dans le cadre de cette recherche, l’objectif principal était de mieux comprendre

comment les minorités ethniques montagnardes, de la province de Luang Namtha,

s’adaptent aux projets de modernisation et de développement économique menés par

l’État laotien.

Premièrement, le portrait multiniveaux des interventions qui contribuent à

intégrer les régions montagneuses laotiennes met en lumière deux grands constats : (i)

les politiques interventionnistes, justifiées par la nécessité de répondre à des besoins

cruciaux - comme l’éducation et la santé – ont permis à l’État laotien de consolider ses

marges territoriales et de renforcer son contrôle sur les populations ethniques

minoritaires du pays. L’analyse de la littérature démontre toutefois que ces actions

politiques n’ont pas toujours eu les résultats escomptés, et étaient parfois en

contradiction avec la logique d’intégration. En effet, certains processus de

marginalisation seraient à l’œuvre, entre autres, par l’augmentation des inégalités à

l’échelle nationale et l’appauvrissement des populations rurales en raison d’une

réduction d’accès aux moyens de subsistance ; (ii) les projets politico-économiques

conduits aux échelles internationale et régionale ont participé tant à l’émergence

économique de la province de Luang Namtha qu’à son insertion dans un nouveau

maillage géoéconomique. Cependant, parce qu’ils réorganisent la géographie

socioéconomique des régions montagneuses, ces processus d’intégration sont à

considérer aussi bien avec des opportunités qu’avec des défis. À titre de rappel, la

promotion de l’écotourisme crée des possibilités d’emplois et offre des moyens de

subsistance alternatifs aux populations locales. Mais, dans une autre mesure, ce

processus d’intégration pourrait, à long terme, provoquer l’aliénation de ces mêmes

populations ethniques minoritaires par celle des basses terres.

Deuxièmement, à partir des enquêtes de terrain, le portrait socioéconomique de

la province de Luang Namtha et l’analyse des facteurs qui contribuent à modifier la

vitesse du processus d’intégration – et celle de l’adaptation à ce même processus –

démontrent des transformations dans quatre grands thèmes. (i) L’agriculture.

L’évolution des pratiques et de l’utilisation du sol s’observent, d’une part, par la

diminution de l’agriculture itinérante sur brûlis et l’augmentation des superficies

dédiées aux cultures commerciales et, d’autre part, par l’acquisition de nouvelles

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connaissances agricoles. La réduction de l’accès aux produits forestiers non-ligneux

durant la période de transition complique toutefois le processus d’adaptation. (ii) La

modernité. L’amélioration générale des conditions de vie et la hausse d’achats de biens

de consommation – jugés comme modernes – témoignent de revenus moyens plus

importants, grâce aux nouvelles opportunités agrocommerciales. Cependant, des

disparités économiques entre les ménages des districts de Nalae et de Sing émergent :

les plantations d’hévéa rapportent en moyenne six fois moins d’argent que les

plantations de bananes. (iii) L’éducation. L’expansion du système éducatif de l’État

améliore l’accès des populations ethniques montagnardes à ce même système,

participant à l’augmentation progressive du nombre d’étudiants et du niveau général

d’éducation. Le temps d’établissement de ce système et la durée de formation

d’enseignants impose néanmoins à l’État de considérer certaines priorités qui

ralentissent l’uniformisation de l’accès à l’échelle de la province. (iv) La santé. De paire

avec le système éducatif, l’expansion du système de santé publique améliore en

particulier l’accès aux structures sanitaires et facilite le recours aux soins. Pour autant,

des réticences quant à la fréquentation des établissements sanitaires demeurent, en

raison des conceptions encore trop lointaines de la médecine occidentale pour les

populations ethniques montagnardes. En résumé, les dynamiques actuelles de la

province de Luang Namtha semblent contribuer à l’intégration des populations locales,

mais leur adaptation à ce même processus reste variable selon les contextes : certaines

personnes intérrogées éprouvent plus de difficultés que d’autres et nécessitent plus de

temps.

Troisièmement, l’étude historique des rapports entre les pouvoirs des plaines et

les populations montagnardes a démontré la capacité des populations montagnardes à

s’adaptater face aux transformations et aux différents systèmes territoriaux depuis 1780.

Leurs moyens de subsistance et leurs productions agricoles se sont ajustés aux besoins

successifs des époques, bien que ces changements leurs ont plus souvent été imposés de

force que de plein gré. Parallèlement, leur utilisation du temps s’en est également

trouvée modulée. Ce constat s’est confirmé par l’analyse des calendriers de travail de la

paysanerie montagnarde et par l’élaboration d’un portrait du budget-temps, pour un

échantillon de soixante personnes de la province de Luang Namtha. Ce calendrier donne

ainsi matière à réflexion sur les moyens utilisés pour arriver à maitriser l’énergie et

l’information utiles dans les nouveaux systèmes territoriaux.

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132

L’examen de la province de Luang Namtha et de ses populations ethniques

minoritaires, situées dans les régions montagneuses périphériques du nord du Laos, ont

permis d’identifier qu’un processus d’intégration est à l’œuvre, un processus auquel les

populations locales s’adaptent. Comme l’indique High, l’émergence économique du

Laos et son intégration au marché mondial s’effectuent suivant la logique d’un

« resource-driven development » où la population et le territoire « are increasingly

being reinterpreted as resource available for profitable exploitation » (2010 : 156). Des

ressources, notamment naturelles, souvent dépeintes comme étant abondantes au sein du

pays. Le mythe de cette abondance reste néanmoins à nuancer. Suivant la base de

donnée The Changing Wealth of Nations de la Banque Mondiale, qui évaluait en 2005

la valeur du capital naturel de 125 pays45, le Laos aurait disposé d’un capital naturel

d’une valeur d’environ 25 milliards de dollars ÉU, contre 500 milliards pour la

Thaïlande, 1 080 milliards pour l’Indonésie, ou même 5 200 milliards pour la Chine –

premier pays du classement mondial de 2005 pour son capital naturel. Par comparaison

à ces trois autres pays de la région, le capital naturel du Laos s’avèrait donc très faible.

Toutefois, rapporté par habitant, le capital naturel du Laos s’estimait à 4 444$ÉU,

inférieur à la Thaïlande, mais relativement équilibré en comparaison avec l’Indonésie et

la Chine, les trois affichant respectivement 7 810$ÉU, 4 926$ÉU et 4 013$ÉU. En

raison de ses activités industrielles encore limitées, le développement économique du

Laos et les revenus fiscaux du gouvernement sont donc tributaires de son capital naturel

qui, en 2010, représentait près de 54% de la richesse nationale du pays (Banque

mondiale, 2010 : 11). Cette dépendance est d’autant plus accentuée dans le NGPES de

2004 qui promeut la transformation de ces richesses naturelles en capital économique,

afin de stimuler la croissance économique nationale (GoL, 2004 : 5). Comme démontré

dans le chapitre 2, l’afflux d’investissements étrangers dans le secteur des ressources

naturelles a non seulement contribué à l’essor économique du pays, mais aussi à celui

de la province de Luang Namtha. Mais, de façon concomitante, ces investissements

accentuent le risque de dégradation des ressources naturelles disponibles, socle

économique du pays : « it is highly likely that the country’s natural resource wealth will

be further eroded » (Lagerqvist, 2017 : 396). Les conséquences de cette dégradation

45 https://data.worldbank.org/data-catalog/wealth-of-nations

Définition du capital naturel selon la Banque mondiale : « Natural capital is sum of Crop, Pasture Land, Timber, Non

Timber Forest, Protected Areas, Oil, Natural Gas, Coal, and Minerals ». Sont donc exclus de ce capital les ressources

marines et hydroélectriques.

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sont déjà visibles dans les provinces du nord, comme en témoigne The Diplomat dans

un article paru en avril 2017 :

Chinese investors initially rushed into neighboring Laos to build banana

plantations in the impoverished northern provinces, which satiated growing

demand for bananas in China while providing Lao people with jobs. But

multiple reports have since surfaced about how practices on the plantations

– particularly the excessive use of pesticides and chemicals – have damaged

the environment and endangered the lives of workers46.

Face à ce risque, la dégradation de l’environnement pourrait non seulement freiner la

croissance économique nationale, mais aussi accentuer la pauvreté en compromettant

l’accès aux moyens de subsistance des populations rurales – encore dépendantes des

ressources naturelles (Fullbrook, 2009). Dès lors, comme l’avance Lagerqvist, un des

défis majeurs à venir pour le gouvernement laotien ne serait pas tant d’atteindre les

prévisions de croissance économique grâce à la capitalisation des ressources naturelles,

mais considérer davantage l’importance des richesses naturelles pour les populations

laotiennes et d’évaluer les conséquences à long terme – socioéconomiques et

environnementales – encourus par des investissements spéculatifs qui focalisent sur des

profits à court-terme (2017 : 398).

Au final, plusieurs retombées scientifiques sont à noter pour cette recherche.

Premièrement, en contribuant à mieux comprendre les rouages de l’adaptation face aux

transformations territoriales, les résultats de cette étude viennent s’ajouter à l’ensemble

des connaissances sur les processus d’adaptation et plus particulièrement sur la

transition agraire. Deuxièmement, cette étude de cas sur la province de Luang Namtha

participe à documenter l’évolution contemporaine des sociétés rurales du Laos.

Troisièmement, cette étude se veut un apport à la recherche sur les dynamiques de

l’intégration des régions montagneuses en Asie du Sud-Est. Enfin, quatrièmement, elle

offre matière à réflexion quant aux transformations des modes de vie et les réponses

adaptatives des sociétés.

46 http://thediplomat.com/2017/04/whats-behind-the-china-banana-ban-in-laos/

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