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Stéréopsies locale et globale chez l’enfant microstrabique Mariline Pageau, OD* ,†,‡ , Danielle de Guise, OD, MSc*, Dave Saint-Amour, PhD †,‡,§ ABSTRACT RÉSUMÉ Introduction: It is generally accepted that stereopsis is present in patients with microstrabismus, although it is reduced. This concept relies primarily on the evaluation of local stereopsis, which contains visible monocular cues. However, microstrabismic patients seem to present much more impairment in identifying the global form in random dot stereograms (global stereopsis). The present study aims to verify the hypothesis that local stereopsis is superior to global stereopsis in children with microstrabismus. Method: In this retrospective study, a sample of 26 children (6 to 14 years of age) with microstrabismus was selected at the Clinique Universitaire de la Vision of the University of Montreal. Their local (visible contours) and global (random dot stereograms) stereo- scopic thresholds were obtained using the Randot Stereotest ® . Results: Normal, or slightly inferior to normal, local stereoscopic threshold were found in nineteen microstrabismic children (19/26, 73%), some of them presenting up to 20 seconds of arc. A complete lack of local stereopsis was observed in 7 (27%) children. However, none of the children tested were able to perceive global stereopsis with the exception of one child. Conclusion: Local stereoscopic vision is present, although altered, in microstrabismic children but global stereoscopic vision is generally absent. Objet : Bien qu’altérée, il est généralement admis cliniquement que la vision stéréoscopique est présente chez les personnes atteintes de microstrabisme. Cette conception, cependant, repose principalement sur l’évaluation de la stéréopsie locale, laquelle implique la présence d’indices visibles. Or, les sujets microstrabiques présentent beaucoup plus de difficulté à percevoir le relief lorsqu’évalué à l’aide de stéréogrammes à points aléatoires (stéréopsie globale). La présente étude vise à vérifier l’hypothèse selon laquelle la stéréopsie locale des enfants microstrabiques est supérieure à la stéréopsie globale. Nature : L’étude est de type rétrospective. Participants : Un échantillon de 26 enfants microstrabiques, âgés de 6 à 14 ans, diagnostiqués à la Clinique universitaire de la vision de l’Université de Montréal, a été recueilli. Méthode : Les seuils de stéréopsie locale (avec contours visibles) et globale (stéréogrammes à points aléatoires) ont été déterminés à l’aide d’un test clinique standard (Randot Stereotest ® ). Résultats : Dix-neuf enfants microstrabiques (19/26, 73%) possédaient un seuil de stéréopsie locale normal ou légèrement inférieur à la normale avec une stéréoacuité pouvant parfois atteindre 20 secondes d’arc. Une absence complète de stéréopsie locale a été observée chez les 7 autres enfants (27%). Cependant, aucune stéréopsie globale n’était mesurable à l’aide des stéréogrammes à points aléatoires chez tous les sujets microstrabiques étudiés, à l’exception d’un seul sujet. Conclusion : La stéréopsie locale est présente, bien qu’altérée, chez les enfants microstrabiques, mais ceux-ci montrent généralement une absence de stéréoperception globale. Mots clés : Vision binoculaire, Strabisme, Microtropie, Stéréopsie, Vision stéréoscopique. OBJECTIF Le terme microstrabisme a été utilisé pour la première fois par Joseph Lang au premier symposium international sur le strabisme en 1966. 1-3 Au début des années 1960, Parks qualifiait cette condition de « phorie de monofix- ation » (monofixation phoria) alors que von Noorden et Helveston, quelques années plus tard, proposaient le terme syndrome de monofixation (monofixation syndrome), 2,4-6 lequel est encore présent dans la littérature. Ce stra- bisme de petite amplitude est rarement diagnostiqué à cause de la difficulté à bien identifier tous les aspects cliniques qui le caractérise, difficulté qui peut être par- ticulièrement importante chez l’enfant. La déviation est, dans la plupart des cas, convergente bien qu’une microex- otropie ou une microhypertropie soit également possi- ble. 7-9 Cette condition affecterait entre 1 et 3% de la pop- ulation générale. 4,10 La petite déviation oculaire est sans doute le principal signe clinique. En effet, par définition, l’angle de déviation d’un microstrabisme se situe entre zéro et cinq degrés d’angle visuel (0-10 dioptries prismatiques). 2,6,7 La déviation est subtile ou complète- ment imperceptible et peut donc facilement passer in- aperçu lors d’un examen visuel. 3,7 L’œil dévié présente ha- bituellement une amblyopie. Celle-ci peut être d’origine strabique uniquement mais, également associée à une anisométropie (hypermétropie 1 dioptrie ou astigma- tisme 1,5 dioptries) ou à une fixation excentrique, lesquelles sont susceptibles d’accentuer le déficit d’acuité visuelle. 7,10,11 Cette baisse de vision, remarquée unique- ment si l’œil sain est couvert, est souvent l’unique symptôme présent. L’examen de base montre également une diminution de la vision stéréoscopique. Une évalua- tion plus approfondie de la vision binoculaire révèle une zone de suppression centrale dans l’œil strabique ainsi qu’une correspondance rétinienne anormale qui permet * École d’optométrie, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada, Département d’ ophtalmologie, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada, CHU Sainte-Justine, Montréal, Québec, Canada, § Département de psychologie, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada. Originally received Feb. 11, 2010 Final revision Oct. 18, 2010 Accepted Dec. 9, 2010 Adresse de correspondance : Centre de recherche, CHU Sainte-Justine, 3175, Côte-Sainte-Catherine, Montréal, Québec, H3T 1C5, Tél.: 514- 345-4931 poste 3894, Fax: 514-345-4801, Courriel : saint-amour.dave@ uqam.ca Can J Ophthalmol 2011;46:271–275 0008-4182/11/$-see front matter © 2011 Canadian Ophthalmological Society. Published by Elsevier Inc. All rights reserved. doi:10.1016/j.jcjo.2011.05.002 CAN J OPHTHALMOL—VOL. 46, NO. 3, JUNE 2011 271

Stéréopsies locale et globale chez l'enfant microstrabique

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Page 1: Stéréopsies locale et globale chez l'enfant microstrabique

Stéréopsies locale et globale chez l’enfant microstrabiqueMariline Pageau, OD*,†,‡, Danielle de Guise, OD, MSc*, Dave Saint-Amour, PhD†,‡,§

ABSTRACT ● RÉSUMÉ

Introduction: It is generally accepted that stereopsis is present in patients with microstrabismus, although it is reduced. This conceptrelies primarily on the evaluation of local stereopsis, which contains visible monocular cues. However, microstrabismic patients seemto present much more impairment in identifying the global form in random dot stereograms (global stereopsis). The present study aimsto verify the hypothesis that local stereopsis is superior to global stereopsis in children with microstrabismus.

Method: In this retrospective study, a sample of 26 children (6 to 14 years of age) with microstrabismus was selected at the CliniqueUniversitaire de la Vision of the University of Montreal. Their local (visible contours) and global (random dot stereograms) stereo-scopic thresholds were obtained using the Randot Stereotest®.

Results: Normal, or slightly inferior to normal, local stereoscopic threshold were found in nineteen microstrabismic children (19/26, 73%),some of them presenting up to 20 seconds of arc. A complete lack of local stereopsis was observed in 7 (27%) children. However,none of the children tested were able to perceive global stereopsis with the exception of one child.

Conclusion: Local stereoscopic vision is present, although altered, in microstrabismic children but global stereoscopic vision is generallyabsent.

Objet : Bien qu’altérée, il est généralement admis cliniquement que la vision stéréoscopique est présente chez les personnes atteintesde microstrabisme. Cette conception, cependant, repose principalement sur l’évaluation de la stéréopsie locale, laquelle implique laprésence d’indices visibles. Or, les sujets microstrabiques présentent beaucoup plus de difficulté à percevoir le relief lorsqu’évaluéà l’aide de stéréogrammes à points aléatoires (stéréopsie globale). La présente étude vise à vérifier l’hypothèse selon laquelle lastéréopsie locale des enfants microstrabiques est supérieure à la stéréopsie globale.

Nature : L’étude est de type rétrospective.Participants : Un échantillon de 26 enfants microstrabiques, âgés de 6 à 14 ans, diagnostiqués à la Clinique universitaire de la vision

de l’Université de Montréal, a été recueilli.Méthode : Les seuils de stéréopsie locale (avec contours visibles) et globale (stéréogrammes à points aléatoires) ont été déterminés

à l’aide d’un test clinique standard (Randot Stereotest®).Résultats : Dix-neuf enfants microstrabiques (19/26, 73%) possédaient un seuil de stéréopsie locale normal ou légèrement inférieur à

la normale avec une stéréoacuité pouvant parfois atteindre 20 secondes d’arc. Une absence complète de stéréopsie locale a étéobservée chez les 7 autres enfants (27%). Cependant, aucune stéréopsie globale n’était mesurable à l’aide des stéréogrammes àpoints aléatoires chez tous les sujets microstrabiques étudiés, à l’exception d’un seul sujet.

Conclusion : La stéréopsie locale est présente, bien qu’altérée, chez les enfants microstrabiques, mais ceux-ci montrent généralementune absence de stéréoperception globale.

Mots clés : Vision binoculaire, Strabisme, Microtropie, Stéréopsie, Vision stéréoscopique.

OBJECTIF

Le terme microstrabisme a été utilisé pour la premièrefois par Joseph Lang au premier symposium internationalsur le strabisme en 1966.1-3 Au début des années 1960,Parks qualifiait cette condition de « phorie de monofix-ation » (monofixation phoria) alors que von Noorden etHelveston, quelques années plus tard, proposaient le termesyndrome de monofixation (monofixation syndrome),2,4-6

lequel est encore présent dans la littérature. Ce stra-bisme de petite amplitude est rarement diagnostiqué àcause de la difficulté à bien identifier tous les aspectscliniques qui le caractérise, difficulté qui peut être par-ticulièrement importante chez l’enfant. La déviation est,dans la plupart des cas, convergente bien qu’une microex-otropie ou une microhypertropie soit également possi-ble.7-9 Cette condition affecterait entre 1 et 3% de la pop-ulation générale.4,10 La petite déviation oculaire est sans

*École d’optométrie, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada,†Département d’ ophtalmologie, Université de Montréal, Montréal, Québec,Canada, ‡CHU Sainte-Justine, Montréal, Québec, Canada, §Département depsychologie, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada.

Originally received Feb. 11, 2010 Final revision Oct. 18, 2010 AcceptedDec. 9, 2010

Adresse de correspondance : Centre de recherche, CHU Sainte-Justine,

doute le principal signe clinique. En effet, par définition,l’angle de déviation d’un microstrabisme se situe entrezéro et cinq degrés d’angle visuel (0-10 dioptriesprismatiques).2,6,7 La déviation est subtile ou complète-ment imperceptible et peut donc facilement passer in-aperçu lors d’un examen visuel.3,7 L’œil dévié présente ha-bituellement une amblyopie. Celle-ci peut être d’originestrabique uniquement mais, également associée à uneanisométropie (hypermétropie � 1 dioptrie ou astigma-tisme � 1,5 dioptries) ou à une fixation excentrique,lesquelles sont susceptibles d’accentuer le déficit d’acuitévisuelle.7,10,11 Cette baisse de vision, remarquée unique-ment si l’œil sain est couvert, est souvent l’uniquesymptôme présent. L’examen de base montre égalementune diminution de la vision stéréoscopique. Une évalua-tion plus approfondie de la vision binoculaire révèle unezone de suppression centrale dans l’œil strabique ainsiqu’une correspondance rétinienne anormale qui permet

3175, Côte-Sainte-Catherine, Montréal, Québec, H3T 1C5, Tél.: 514-345-4931 poste 3894, Fax: 514-345-4801, Courriel : [email protected]

Can J Ophthalmol 2011;46:271–2750008-4182/11/$-see front matter © 2011 Canadian Ophthalmological Society.Published by Elsevier Inc. All rights reserved.

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une fusion malgré la déviation oculaire.6,7 Les microstra-bismes se divisent en deux catégories : avec ou sans iden-tité.1,4,5,12 Le microstrabisme avec identité se distingue parla présence d’une fixation excentrique qui est utilisée au-tant en condition monoculaire qu’en condition binocu-laire (CRAH), ce qui explique l’absence de refixation autest écran.5 Cette dernière forme de strabisme est parfoisappelée syndrome de monofixation.2,6 Une fixation ex-centrique peut également être présente avec un mi-crostrabisme sans identité, mais dans ce cas, un pointrétinien différent est utilisé en condition binoculairerendant ainsi la déviation visible au test écran.

La vision stéréoscopique, ou tridimensionnelle, résultedu codage précis par le cerveau des indices de disparitésrétiniennes horizontales et constitue ainsi un excellent in-dicateur de la qualité de la vision binoculaire. Clinique-ment, deux types de tests sont utilisés pour déterminer lesseuils de vision stéréoscopique selon qu’ils impliquent ounon des contours. Les tests sans contours définis sont com-posés d’une multitude de points disposés aléatoirement(stéréogrammes à points aléatoires). Lorsqu’inspectésmonoculairement, les stéréogrammes à points aléatoires necontiennent aucune information visuelle structurée. Parcontre, lorsque les stimuli sont observés dichoptiquement,une forme tridimensionnelle émerge et devient percepti-ble. L’observateur reconnaît alors une forme en relief, etpeut éventuellement déterminer sa profondeur relative.Dans le cas des stéréogrammes à contours définis, la formede l’objet en relief est évidente et peut clairement être per-çue avec un seul œil. Ainsi, la perception du relief estuniquement tributaire de la disparité binoculaire locale. Ladiscrimination de la profondeur relative dépend alors de laprésence d’ objets adjacents servant de cadre de référence.Les processus sous-jacents à ces types de stimuli sté-réoscopiques sans et avec contours ont respectivement éténommés par Bela Julesz stéréopsie globale et stéréopsie lo-cale.13,14

En présence d’une déviation oculaire et ce, peu importel’angle, une perte de vision binoculaire est habituellementnotée. Cependant, le microstrabisme est associé à une ad-aptation du système visuel afin de récupérer une partie decette binocularité perdue.15 Bien que plusieurs études aientmis en évidence la présence de capacités stéréoscopiques,peu d’entre elles ont systématiquement comparé les deuxtypes de stéréopsie chez les mêmes sujets. De plus, cesétudes ont été réalisées uniquement chez l’adulte.15-19 Laprésente étude vise à comparer les seuils de stéréopsie locale etglobale mesurée à l’aide du Randot Stereotest® chez l’enfantmicrostrabique et à vérifier l’hypothèse selon laquelle la visiontridimensionnelle des microstrabiques est supérieure enprésence de contours visibles.

MÉTHODE

Cette étude rétrospective a été effectuée à partir d’une

population clinique de 26 sujets microésotropes diagnos-

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tiqués à la Clinique universitaire de la vision de l’Universitéde Montréal entre le 1er (in exponent) juin 2007 et le 31mai 2008. Le diagnostic était basé sur le test écran, laprésence d’une amblyopie monoculaire (différence d’uneligne ou plus d’acuité visuelle entre les deux yeux), d’unrésultat positif au test du prisme de Irvine (4� base ex-terne), d’une fusion sensorielle à l’aide des points de Worthet d’une baisse de stéréopsie locale ou globale. Chez cer-tains sujets, une évaluation de la correspondance rétini-enne a également été effectuée. Le microstrabisme sansidentité était confirmé par un test écran positif de moins de10 dioptries prismatiques alors qu’un test écran négatif et unefixation excentrique permettaient de diagnostiquer le mi-crostrabisme avec identité. Cette étude a été approuvée par lecomité d’éthique de recherche du Centre hospitalier univer-sitaire Sainte-Justine, Montréal, Canada (approbation#2921).

Les patients étaient âgés de 6 à 14 ans (moyenne � 9,0ans) lors du dernier examen clinique. Les mesures d’acuitévisuelle ont été prises avec les échelles d’Allen ou les sym-boles de Lea® chez les enfants de 6 et 7 ans et avec leséchelles Snellen ou ETDRS chez les autres. Un examenapprofondi de la réfraction avec cycloplégie (cyclogyl 1%)a été effectué pour évaluer si l’amblyopie était d’originestrabique seulement, ou combinée à l’anisométropie. LeRandot Stereotest® a été utilisé pour l’évaluation des seuilsde stéréopsie locale et globale. Ce test permet à lui seul demesurer les deux types de stéréopsie à partir d’un seul livretet d’une paire de lunettes polarisées. Sur la page de gauche,10 séries de trois cercles (400 à 20 secondes d’arc) et troisrangées de cinq animaux (400, 200 et 100 secondes d’arc)permettent d’estimer le seuil de stéréopsie locale. La tâche dusujet est d’indiquer quelle cible est perçue en relief. La page dedroite est composée de huit stéréogrammes à points aléatoiresdont deux ne contiennent pas de forme tridimensionnelle.Ces stéréogrammes permettent d’estimer la stéréopsie globale.Le sujet doit identifier la forme tridimensionnelle contenuedans chaque stéréogramme dont la disparité varie entre 500 et250 secondes d’arc.

RÉSULTATS

Tous les sujets portaient leur meilleure correction op-tique lors de l’examen de la vision binoculaire. Auxépreuves de stéréopsie locale, un seuil de 40 secondes d’arcest généralement considéré normal.2,15 Le tableau 1 illustreles caractéristiques visuelles et les performances au RandotStereotest® pour chaque sujet. Parmi les 26 sujets évalués,18 d’entreeux (69%) ont manifesté une vision sté-réoscopique locale grossière (moyenne � 207; écarttype � 153) sans aucune stéréopsie globale. Afin de com-parer statistiquement la stéréopsie locale des sujets mi-crostrabiques à la normale, une valeur de 400 secondesd’arc, soit la disparité maximale du test, a été arbitraire-ment assignée aux enfants pour lesquels aucune vision sté-

réoscopique locale n’était mesurable. Malgré cette manip-
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ulation, qui réduit nécessairement l’écart réel par rapport àla normale, une différence hautement significative a étéobservée (test-t à échantillon unique, p � 0.0001). Parailleurs, 7 sujets parmi notre échantillon (27%) ne per-cevaient aucune stéréopsie qu’elle soit locale ou globale,alors qu’un seul sujet (CP) a réussi toutes les tâches destéréopsie locale en plus de discriminer les formes en con-dition de stéréopsie globale.

L’acuité visuelle de l’œil amblyope de tous nos sujetsn’était pas corrélée à leur capacité de stéréopsie locale (p �0,48). Ce résultat est intéressant car, contrairement à l’idéeparfois véhiculée dans la littérature, la relation entre ledegré d’amblyopie réelle et la vision stéréoscopique n’estpas clairement établie. Bien qu’il soit accepté quel’amblyopie profonde (� 20/100) affecte considérable-ment la vision stéréoscopique,20 beaucoup d’études ayantétudié le lien entre acuité et stéréopsie ont, en fait, examinédes sujets non amblyopes dont l’information visuelle à unœil avait été artificiellement embrouillée.20-24 L’absence decorrélation entre l’acuité de l’œil amblyope et la stéréopsielocale observée dans notre étude est d’ailleurs en accordavec d’autres.20,21 De plus, aucune corrélation n’a été iden-tifiée entre l’âge des sujets et leur stéréopsie locale (p �0,43). Ces résultats concordent avec plusieurs données em-piriques qui montrent que la vision stéréoscopique atteintsa maturité entre 24 mois et 5 ans.25-28

CONCLUSION

Bien que certains sujets montraient un seuil de stéréop-sie locale inférieur à 40 secondes d’arc, la majorité d’entre-eux présentait un net déficit. Un seul enfant a réussi àdiscriminer les formes contenues dans les stéréogrammes àpoints aléatoires. Celui-ci a été vu à neuf reprises lorsd’examens de suivi et aucune stéréopsie globale n’avait étémesurée avant le dernier examen de contrôle. Afin de con-firmer ce résultat, une nouvelle mesure de stéréopsie glo-bale a été effectuée à l’aide du Randot Preschool StereoacuityTest®. Un résultat de 200 secondes d’arc a été obtenu alorsque le seuil normal de stéréopsie globale chez l’enfant sesitue autour de 100 secondes d’arc.26 La présence de sté-réopsie globale chez un sujet microstrabique aurait égale-ment été observée par Garzia et Richman.16 Il n’en de-meure pas moins que les évidences de stéréopsie globalechez les sujets microstrabiques dans la littérature, incluantla présente étude, sont pratiquement inexistantes. Cecinous renvoie donc à la question suivante: pourquoi la sté-réopsie globale serait-elle absente chez les enfants mi-crostrabiques alors que leur stéréopsie locale est générale-ment préservée, bien qu’inférieure à celle d’un individupossédant une vision binoculaire normale? Deux hy-pothèses explicatives peuvent être émises. La première re-pose sur l’idée selon laquelle la zone de suppression fovéaleaffecterait la corrélation des points entre les images rétini-ennes diminuant ainsi la qualité du traitement de

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dans l’œil dévié empêcherait de percevoir l’ensemble despoints aléatoires formant le stéréogramme. Il a été suggéréque si la corrélation interoculaire (œil droit vs œil gauche)est inférieure à 80%, l’observateur devient incapable dediscriminer la forme tridimensionnelle, bien qu’une per-ception de profondeur demeure possible.16 Cette hy-pothèse expliquerait pourquoi plusieurs sujets microstra-biques sont capables de repérer correctement les deuxstéréogrammes sans cible stéréoscopique alors qu’ils sontincapables d’identifier les formes en saillie dans les autresstéréogrammes du Randot Stereotest®.

On pourrait supposer que la zone de suppression dumicrostrabique est également nuisible pour la détection durelief en stéréoscopie locale. Cependant, les tests utilisés enclinique pour mesurer la stéréopsie locale ne requièrent pasla reconnaissance de la cible, mais seulement un effet deprofondeur. Il suffit donc d’être en mesure de percevoirl’effet tridimensionnel sur une portion de l’image et nonsur la totalité de celle-ci pour être capable de réussir latâche. De plus, en stéréopsie locale, le cerveau arrive plusfacilement à établir une correspondance binoculairepuisque la forme est localement disponible. En effet, lamise en correspondance stéréoscopique, laquelle consiste àassocier les éléments de l’image gauche aux éléments cor-respondants de l’image droite, est une étape fondamentalepour la perception de la tridimensionnalité. Ce processusest régi par un ensemble de principes (gradient, contraste/luminance, segment, géométrie, unicité, etc.), souvent ap-pelés ‘contraintes’, qui limitent l’ambiguïté et les faussescorrespondances.29 La continuité des contours, laquelle estmaximale en stéréoscopie locale, figure parmi les principesles plus importants.30 Sa grande influence a été soulignée ily a plusieurs décennies. Par exemple, la perception du reliefd’un stéréogramme à points aléatoires devient plus rapidelorsque les régions disparates sont délimitées par l’ajoutd’une ligne continue.31

La seconde hypothèse proposée pour expliquer cette dis-sociation entre la stéréopsie locale et globale associée aumicrostrabisme concerne les circuits neuronaux impliqués.En effet, des études suggèrent que les voies neuronalessous-jacentes aux deux types de stéréopsie diffèrent. Bienque l’ensemble des aires visuelles du cerveau contiennentdes cellules spécialisées dans le codage de la disparité bin-oculaire, il semble que la voie ventrale des aires occipito-temporales soit particulièrement importante pour la per-ception stéréoscopique globale.32 Alors que l’intégrité desrégions postérieures du cortex occipital serait suffisantepour la perception de la stéréoscopie locale, un traitementsupplémentaire, et plus complexe, impliquant la voie ven-trale serait nécessaire pour la stéréoscopie globale.33 Au-cune recherche n’a pourtant confirmé que la voie ventralepourrait être compromise en présence d’un microstrabismeet ainsi causer un déficit important de la stéréoscopie glo-bale.

Cette étude rétrospective confirme donc la présence de

stéréopsie locale, bien qu’inférieure à la normale, chez les

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sujets microstrabiques alors que la stéréopsie globale seraitgénéralement absente. Ainsi, en présence d’amblyopie,lorsqu’un défaut de la vision binoculaire est soupçonné, ouplus généralement lors d’un examen visuel de base, nouspouvons avancer que l’évaluation de la stéréoscopie globalesemble un outil extrêmement efficace pour détecter les su-jets atteints de microstrabisme, condition souvent difficileà diagnostiquer.

Remerciements: Nous remercions le Fonds de la Recherche enSanté du Québec (FRSQ) pour son soutein financier (fondsd’établissement, Dave Saint-Amour) ainsi que le Fonds de Recher-che en Ophtalmologie de l’Université de Montréal (FROUM) pourune bourse d’études octroyée à Mariline Pageau.

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