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~ 1 ~ St. Irénée de Lyon Traité Contre les Hérésies Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur LIVRE V PRÉFACE Dans les quatre livres que nous t'avons envoyés avant celui-ci, cher ami, nous avons démasqué tous les hérétiques et produit au grand jour leurs enseignements ; nous y avons également réfuté ces inventeurs d'opinions impies, tantôt à partir de l'enseignement propre à chacun d'eux, tel qu'ils nous l'ont laissé dans leurs écrits, tantôt à l'aide d'un exposé procédant par preuves multiformes ; nous avons fait connaître la vérité et mis en évidence le message de l'Église, ce message que les prophètes avaient annoncé déjà, comme nous l'avons montré, que le Christ a porté à son point d'achèvement , que les apôtres ont transmis et qu'enfin l'Église, après l'avoir reçu de ceux-ci, garde seule fidèlement et transmet à ses enfants à travers le monde entier ; nous avons résolu toutes les difficultés que les hérétiques nous opposent, expliqué l'enseignement des apôtres, exposé la plus grande partie de ce que le Seigneur a dit ou fait en manière de paraboles. Cela étant, dans ce cinquième livre de tout notre ouvrage « Dénonciation et réfutation de la Gnose au nom menteur » nous tenterons d'asseoir nos preuves sur le reste des enseignements de notre Seigneur et sur les épîtres de l'Apôtre, conformément à ce que tu as sollicité de nous : car nous obéissons à ton ordre — puisqu'aussi bien c'est pour le ministère de la parole que nous avons été établis — et nous nous appliquons de toute manière, selon notre pouvoir, à te fournir le plus de ressources possible contre les négations des hérétiques, à faire changer de sentiments les égarés et à les ramener vers l'Église de Dieu, ainsi qu'à affermir l'esprit des néophytes pour qu'ils gardent inébranlablement la foi qu'ils ont reçue de l'Église, cette gardienne fidèle, et pour qu'ils ne se laissent en aucune façon corrompre par ceux qui tentent de leur enseigner l'erreur et de les détourner de la vérité. Il te faudra, ainsi que tous les lecteurs de cet écrit, lire avec grande application ce que nous avons dit précédemment, afin de connaître aussi les doctrines mêmes dont nous entreprenons la réfutation : car c'est ainsi seulement que tu t'opposeras à elles de la manière requise et que tu seras à même d'assumer la tâche de réfuter tous les hérétiques, rejetant leurs doctrines comme de l'ordure à l'aide de la foi céleste et suivant le seul Maître sûr et véridique, le Verbe de Dieu, Jésus-Christ notre Seigneur, lui qui, à cause de son surabondant amour, s'est fait cela même que nous sommes afin de faire de nous cela même qu'il est. PREMIÈRE PARTIE LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR PROUVÉE PAR LES ÉPÎTRES DE PAUL 1. LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR POSTULÉE PAR L'INCARNATION Réalité de l'Incarnation Car nous ne pouvions apprendre les mystères de Dieu que si notre Maître, tout en étant le Verbe, se faisait homme. D'une part, en effet, nul n'était capable de révéler les secrets du Père, sinon son propre Verbe, « car quel » autre « a connu la pensée du Seigneur ? ou quel » autre « a été son conseiller ? » D'autre part, nous ne pouvions les apprendre autrement qu'en voyant notre Maître et en percevant, de nos propres oreilles, le son de

St.irenee de Lyon Traite Contre Les Heresies gnostique Livre 5

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Saint Irénée de Lyon - Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur - livre 5

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    St. Irne de Lyon Trait Contre les Hrsies

    Dnonciation et rfutation de la gnose au nom menteur

    LIVRE V

    PRFACE Dans les quatre livres que nous t'avons envoys avant celui-ci, cher ami, nous avons dmasqu tous les hrtiques et produit au grand jour leurs enseignements ; nous y avons galement rfut ces inventeurs d'opinions impies, tantt partir de l'enseignement propre chacun d'eux, tel qu'ils nous l'ont laiss dans leurs crits, tantt l'aide d'un expos procdant par preuves multiformes ; nous avons fait connatre la vrit et mis en vidence le message de l'glise, ce message que les prophtes avaient annonc dj, comme nous l'avons montr, que le Christ a port son point d'achvement , que les aptres ont transmis et qu'enfin l'glise, aprs l'avoir reu de ceux-ci, garde seule fidlement et transmet ses enfants travers le monde entier ; nous avons rsolu toutes les difficults que les hrtiques nous opposent, expliqu l'enseignement des aptres, expos la plus grande partie de ce que le Seigneur a dit ou fait en manire de paraboles. Cela tant, dans ce cinquime livre de tout notre ouvrage Dnonciation et rfutation de la Gnose au nom menteur nous tenterons d'asseoir nos preuves sur le reste des enseignements de notre Seigneur et sur les ptres de l'Aptre, conformment ce que tu as sollicit de nous : car nous obissons ton ordre puisqu'aussi bien c'est pour le ministre de la parole que nous avons t tablis et nous nous appliquons de toute manire, selon notre pouvoir, te fournir le plus de ressources possible contre les ngations des hrtiques, faire changer de sentiments les gars et les ramener vers l'glise de Dieu, ainsi qu' affermir l'esprit des nophytes pour qu'ils gardent inbranlablement la foi qu'ils ont reue de l'glise, cette gardienne fidle, et pour qu'ils ne se laissent en aucune faon corrompre par ceux qui tentent de leur enseigner l'erreur et de les dtourner de la vrit. Il te faudra, ainsi que tous les lecteurs de cet crit, lire avec grande application ce que nous avons dit prcdemment, afin de connatre aussi les doctrines mmes dont nous entreprenons la rfutation : car c'est ainsi seulement que tu t'opposeras elles de la manire requise et que tu seras mme d'assumer la tche de rfuter tous les hrtiques, rejetant leurs doctrines comme de l'ordure l'aide de la foi cleste et suivant le seul Matre sr et vridique, le Verbe de Dieu, Jsus-Christ notre Seigneur, lui qui, cause de son surabondant amour, s'est fait cela mme que nous sommes afin de faire de nous cela mme qu'il est.

    PREMIRE PARTIE LA RSURRECTION DE LA CHAIR PROUVE PAR LES PTRES DE PAUL

    1. LA RSURRECTION DE LA CHAIR POSTULE PAR L'INCARNATION Ralit de l'Incarnation Car nous ne pouvions apprendre les mystres de Dieu que si notre Matre, tout en tant le Verbe, se faisait homme. D'une part, en effet, nul n'tait capable de rvler les secrets du Pre, sinon son propre Verbe, car quel autre a connu la pense du Seigneur ? ou quel autre a t son conseiller ? D'autre part, nous ne pouvions les apprendre autrement qu'en voyant notre Matre et en percevant, de nos propres oreilles, le son de

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    sa voix : car c'est en devenant les imitateurs de ses actions et les excuteurs de ses paroles que nous avons communion avec lui et que par l mme, nous qui sommes nouvellement venus l'existence, nous recevons, de Celui qui est parfait ds avant toute cration, la croissance, de Celui qui est seul bon et excellent, la ressemblance avec lui-mme, de Celui qui possde l'incorruptibilit, le don de celle-ci, et cela aprs avoir d'abord t prdestins tre, alors que nous n'tions pas encore, selon la prescience du Pre, et avoir ensuite t faits, aux temps connus d'avance, selon le ministre du Verbe. Celui-ci est donc bien parfait en tout, puisqu'il est la fois Verbe puissant et homme vritable, nous ayant rachets par son sang de la manire qui convenait au Verbe, en se donnant lui-mme en ranon pour ceux qui avaient t faits captifs : car l'Apostasie avait domin injustement sur nous et, alors que nous appartenions Dieu par notre nature, nous avait alins contre notre nature en faisant de nous ses disciples ; tant donc puissant en tout et indfectible en sa justice, c'est en respectant cette justice que le Verbe de Dieu s'est tourn contre l'Apostasie elle-mme, lui rachetant son propre bien lui non par la violence, la manire dont elle avait domin sur nous au commencement en s'emparant insatiablement de ce qui n'tait pas elle, mais par la persuasion, comme il convenait que Dieu ft, en recevant par persuasion et non par violence ce qu'il voulait, afin que tout la fois la justice ft sauvegarde et que l'antique ouvrage model par Dieu ne prt point. Si donc c'est par son propre sang que le Seigneur nous a rachets, s'il a donn son me pour notre me et sa chair pour notre chair, s'il a rpandu l'Esprit du Pre afin d'oprer l'union et la communion de Dieu et des hommes, faisant descendre Dieu dans les hommes par l'Esprit et faisant monter l'homme jusqu' Dieu par son incarnation, et si en toute certitude et vrit, lors de sa venue, il nous a gratifis de l'incorruptibilit par la communion que nous avons avec lui-mme, c'en est fait de tous les enseignements des hrtiques.

    L'Incarnation rduit nant les Doctes et les Valentiniens Vains, tout d'abord, ceux qui prtendent qu'il s'est montr d'une faon purement apparente : ce n'est pas en apparence, mais en toute ralit et vrit, qu'ont eu lieu les faits que nous venons de dire. Supposons au contraire que, sans tre homme, il se soit montr sous les dehors d'un homme : en ce cas, il n'est pas rellement demeur ce qu'il tait, savoir Esprit de Dieu, puisque l'Esprit est invisible ; d'autre part, il n'y a eu aucune vrit en lui, puisqu'il n'tait pas ce qu'il paraissait tre. Au reste, nous avons dit prcdemment qu'Abraham et les autres prophtes le voyaient d'une manire prophtique, prophtisant par des visions ce qui tait venir : si donc mme maintenant il est apparu de cette manire, sans tre rellement ce qu'il paraissait, c'est une sorte de vision prophtique qui a t donne aux hommes, et il nous faut attendre une autre venue de ce mme Seigneur, en laquelle il sera tel exactement qu'il aura t vu maintenant de faon prophtique. Au surplus, nous avons montr que c'est tout un, de dire qu'il s'est montr d'une faon purement apparente, et de dire qu'il n'a rien reu de Marie : car il n'aurait pas eu rellement le sang et la chair par lesquels il nous a rachets, s'il n'avait rcapitul en lui-mme l'antique ouvrage model, c'est--dire Adam. Vains sont donc les disciples de Valentin, qui enseignent cette doctrine afin de pouvoir exclure de la chair la vie et rejeter l'ouvrage model par Dieu.

    L'Incarnation rduit nant les bionites Vains aussi les bionites. Refusant d'accueillir dans leurs mes, par la foi, l'union de Dieu et de l'homme, ils demeurent dans le vieux levain de leur naissance. Ils ne veulent pas comprendre que l'Esprit Saint est survenu en Marie et que la puissance du Trs-Haut l'a couverte de son ombre, cause de quoi ce qui est n d'elle est saint et est le Fils du Dieu Trs-Haut, le Pre de toutes choses ayant opr l'incarnation de son Fils et ayant fait apparatre ainsi une naissance nouvelle, afin que, comme nous avions hrit de la mort par la naissance antrieure, nous hritions de la vie par cette naissance-ci. Ils repoussent donc le mlange du Vin cleste et ne veulent tre que l'eau de ce monde, n'acceptant pas que Dieu se mlange eux, mais demeurant en cet Adam qui fut vaincu et chass du paradis. Ils ne considrent pas que, tout comme au dbut de notre formation en Adam le souffle de vie issu de Dieu, en s'unissant l'uvre modele, a anim l'homme et l'a fait apparatre animal dou de raison, ainsi la fin le Verbe du Pre et l'Esprit de Dieu, en s'unissant l'antique substance de l'ouvrage model, c'est--dire d'Adam, ont rendu l'homme vivant et parfait, capable de comprendre le Pre

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    parfait, afin que, comme nous mourons tous dans l'homme animal, ainsi nous soyons tous vivifis dans l'homme spirituel. Jamais, en effet, Adam n'a chapp aux Mains de Dieu, auxquelles parlait le Pre lorsqu'il disait : Faisons l'homme notre image et notre ressemblance . Et c'est pourquoi, la fin, non par la volont de la chair ni par la volont de l'homme , mais par le bon plaisir du Pre, les Mains de Dieu ont rendu l'homme vivant, afin qu'Adam devienne l'image et la ressemblance de Dieu.

    L'Incarnation rduit nant les Marcionites Vains aussi ceux qui prtendent que le Seigneur est venu dans un domaine tranger, comme avide du bien d'autrui, pour prsenter l'homme, qui serait l'ouvrage d'un autre, un Dieu qui ne l'aurait ni fait ni cr et aurait mme, l'origine, t priv d'une participation quelconque sa production. Sa venue est videmment injuste, si, comme ils le prtendent, il est venu dans un domaine qui n'est pas le sien ; de plus, il ne nous a pas vraiment rachets par son sang, s'il ne s'est pas vraiment fait homme. Mais en fait, il a restaur, dans l'ouvrage par lui model, le privilge originel de l'homme qui est d'avoir t fait l'image et la ressemblance de Dieu ; il ne s'est point appropri frauduleusement le bien d'autrui, mais il a repris son propre bien en toute justice et bont : justice l'gard de l'Apostasie, puisqu'il nous a rachets elle par son sang ; bont notre gard nous, les rachets, car nous ne lui avons rien donn pralablement et il ne sollicite rien de nous, comme s'il prouvait quelque besoin, mais c'est nous qui avons besoin de la communion avec lui : aussi s'est-il prodigu lui-mme par pure bont, afin de nous rassembler dans le sein du Pre.

    L'Incarnation rduit nant tous les ngateurs de la rsurrection de la chair Vains, de toute manire, ceux qui rejettent toute l' "conomie" de Dieu, nient le salut de la chair, mprisent sa rgnration, en dclarant qu'elle n'est pas capable de recevoir l'incorruptibilit. S'il n'y a pas de salut pour la chair, alors le Seigneur ne nous a pas non plus rachets par son sang, la coupe de l'eucharistie n'est pas une communion son sang et le pain que nous rompons n'est pas une communion son corps. Car le sang ne peut jaillir que de veines, de chairs et de tout le reste de la substance humaine, et c'est pour tre vraiment devenu tout cela que le Verbe de Dieu nous a rachets par son sang, comme le dit son Aptre : En lui nous avons la rdemption par son sang, la rmission des pchs . Et parce que nous sommes ses membres et sommes nourris par le moyen de la cration cration que lui-mme nous procure, en faisant lever son soleil et tomber la pluie selon sa volont , la coupe, tire de la cration, il l'a dclare son propre sang, par lequel se fortifie notre sang, et le pain, tir de la cration, il l'a proclam son propre corps, par lequel se fortifient nos corps Si donc la coupe qui a t mlange et le pain qui a t confectionn reoivent la parole de Dieu et deviennent l'eucharistie, c'est--dire le sang et le corps du Christ, et si par ceux-ci se fortifie et s'affermit la substance de notre chair, comment ces gens peuvent-ils prtendre que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu consistant dans la vie ternelle, alors qu'elle est nourrie du sang et du corps du Christ et qu'elle est membre de celui-ci, comme le dit le bienheureux Aptre dans son ptre aux phsiens . Nous sommes les membres de son corps, forms de sa chair et de ses os ? Ce n'est pas de je ne sais quel "homme pneumatique" et invisible qu'il dit cela, car l'esprit n'a ni os ni chair , mais il parle de l'organisme authentiquement humain, compos de chairs, de nerfs et d'os : car c'est cet organisme mme qui est nourri de la coupe qui est le sang du Christ et fortifi par le pain qui est son corps. Et de mme que le bois de la vigne, aprs avoir t couch dans la terre, porte du fruit en son temps, et que le grain de froment, aprs tre tomb en terre et s'y tre dissous, resurgit multipli par l'Esprit de Dieu qui soutient toutes choses ensuite, moyennant le savoir-faire, ils viennent en l'usage des hommes, puis, en recevant la parole de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, c'est--dire le corps et le sang du Christ , de mme nos corps qui sont nourris par cette eucharistie, aprs avoir t couchs dans la terre et s'y tre dissous, ressusciteront en leur temps, lorsque le Verbe de Dieu les gratifiera de la rsurrection pour la gloire de Dieu le Pre : car il procurera l'immortalit ce qui est mortel et gratifiera d'incorruptibilit ce qui est corruptible, parce que la puissance de Dieu se dploie dans la faiblesse. Dans ces conditions, nous nous garderons bien, comme si c'tait de nous-mmes que nous avions la vie, de nous enfler

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    d'orgueil et de nous lever contre Dieu en acceptant des penses d'ingratitude ; au contraire, sachant par exprience que c'est de sa grandeur lui, et non de notre propre nature, que nous tenons de pouvoir demeurer jamais, nous ne nous carterons pas de la vraie pense sur Dieu ni ne mconnatrons notre nature ; nous saurons quelle puissance Dieu possde et quels bienfaits l'homme reoit de lui, et nous ne nous mprendrons jamais sur la vraie conception qu'il nous faut avoir des tres existants, je veux dire de Dieu et de l'homme. Au reste, comme nous le disions antrieurement, si Dieu a permis notre dissolution dans la terre, n'est-ce pas prcisment afin que, instruits de toute manire, nous soyons dornavant scrupuleusement attentifs en toutes choses, ne mconnaissant ni Dieu ni nous-mmes

    2. LA RSURRECTION DE LA CHAIR, UVRE DE LA PUISSANCE DE DIEU Ma puissance se dploie dans la faiblesse L'Aptre montre fort clairement que l'homme a t livr sa propre faiblesse de peur que, venant s'enorgueillir, il ne s'carte de la vrit. II dit en effet dans la seconde ptre aux Corinthiens : Et pour que l'excellence de ces rvlations ne m'enorgueillisse pas, il m'a t mis une charde en la chair, un ange de Satan charg de me souffleter. son sujet, j'ai par trois fois implor le Seigneur, pour qu'il s'loigne de moi. Mais il m'a dit : Ma grce te suffit, car ma puissance se dploie dans la faiblesse. Volontiers donc je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin qu'habite en moi la puissance du Christ . Eh quoi ! dira-t-on, le Seigneur voulait-il que son Aptre ft soufflet de la sorte et supportt une telle faiblesse ? Oui, dit l'criture, car ma puissance se dploie dans la faiblesse , rendant meilleur celui-l qui, par le moyen de sa faiblesse, connat la puissance de Dieu. Comment, en effet, l'homme aurait-il appris que lui-mme tait faible et mortel par nature, tandis que Dieu tait immortel et puissant, s'il n'avait reu l'exprience de l'un et de l'autre ? Car apprendre sa faiblesse en la supportant n'tait pas un mal pour l'homme ; c'tait mme plutt un bien pour lui que de ne pas se mprendre sur sa nature. Par contre, s'lever contre Dieu et prtendre une gloire propre, cela, en faisant de l'homme un ingrat, lui causait un grave prjudice, le dpossdant de la vrit en mme temps que de son amour envers son Crateur. L'exprience de l'un et de l'autre a produit en lui la vraie connaissance de Dieu et de l'homme et a accru son amour pour Dieu. Or l o il y a accroissement d'amour, une gloire plus grande sera procure par la puissance de Dieu ceux qui l'aiment.

    Dieu peut vivifier la chair, et la chair peut tre vivifie par Dieu Ils mprisent donc la puissance de Dieu et ne voient pas la vrit, ceux qui arrtent leurs regards sur la faiblesse de la chair et ne considrent pas la puissance de Celui qui la ressuscite d'entre les morts. Car, s'il ne vivifiait pas ce qui est mortel et s'il n'levait pas l'incorruptibilit ce qui est corruptible, Dieu cesserait d'tre puissant. Mais, qu'il ait la puissance de raliser tout cela, notre origine doit nous le faire comprendre, puisque c'est en prenant du limon de la terre que Dieu a model l'homme. Pourtant, lui donner l'tre, le crer animal vivant et dou de raison, quand rien n'existait, ni os, ni nerfs, ni aucun des autres lments qui constituent l'organisme humain, c'tait bien autrement difficile et incroyable que de le reconstituer aprs que, une fois venu l'existence, il se serait dissous dans la terre, pour les motifs que nous avons dits prcdemment, et qu'il serait retourn ces lments d'o il avait t tir au commencement, alors qu'il n'existait pas encore. Car Celui qui a fait au commencement, quand il l'a voulu, ce qui n'tait pas, saura plus forte raison, s'il le veut, rtablir dans la vie qu'il donne ce qui a exist dj. D'autre part, la chair se trouvera capable de recevoir et de contenir la puissance de Dieu, puisqu'au commencement elle a reu l'art de Dieu et qu'ainsi une partie d'elle-mme est devenue l'il qui voit, une autre l'oreille qui entend, une autre la main qui palpe et qui travaille, une autre les nerfs qui sont tendus de toute part et qui maintiennent ensemble les membres, une autre les artres et les veines par o passent le sang et le souffle respiratoire, une autre les diffrents viscres, une autre le sang qui est le lien de l'me et du corps et que sais-je encore ? car il est impossible d'numrer tous les lments constitutifs de l'organisme humain,

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    qui n'a pas t fait sans la profonde sagesse de Dieu. Or ce qui participe l'art et la sagesse de Dieu participe aussi sa puissance. La chair n'est donc pas exclue de l'art, de la sagesse et de la puissance de Dieu, mais la puissance de Dieu, qui procure la vie, se dploie dans la faiblesse, c'est--dire dans la chair. Au reste, qu'ils nous disent donc, ceux qui prtendent que la chair est incapable de recevoir la vie que Dieu donne, s'ils affirment cela tout en tant actuellement vivants et tout en ayant part la vie, ou s'ils reconnaissent n'avoir absolument rien de la vie et tre prsentement des morts. Mais, s'ils sont morts, comment peuvent-ils se mouvoir, parler et accomplir toutes les autres actions qui sont le fait, non des morts, mais des vivants ? Et s'ils vivent prsentement, si tout leur corps a part la vie, comment osent-ils dire que la chair est incapable d'avoir part la vie, alors qu'ils reconnaissent avoir prsentement la vie ? C'est comme si, tout en tenant en mains une ponge pleine d'eau ou une torche allume, on prtendait que l'ponge est incapable d'avoir part l'eau, ou la torche la lumire ! De cette mme manire, ces gens assurent qu'ils vivent, se glorifient de porter la vie en leurs membres ; puis, se mettant en contradiction avec eux-mmes, ils prtendent que leurs membres sont incapables de recevoir la vie. Si cette vie temporelle, bien moins vigoureuse que l'ternelle vie, est nanmoins assez puissante pour rendre vivants nos membres mortels, pourquoi la vie ternelle, qui est plus efficace, ne vivifierait-elle pas la chair dj exerce et accoutume porter la vie ? Ainsi donc, que la chair soit capable de recevoir la vie, cela se prouve par cette vie mme dont elle vit dj prsentement : elle vit aussi longtemps que Dieu veut qu'elle vive. Et que, d'autre part, Dieu soit capable de lui donner cette vie, c'est vident : ds lors que Dieu nous donne la vie, nous vivons. Si donc Dieu est capable de donner la vie l'ouvrage par lui model et si la chair est capable de recevoir cette vie, qu'est-ce qui empche encore la chair d'avoir part l'incorruptibilit, qui n'est autre chose qu'une vie longue, voire sans fin, octroye par Dieu ?

    Le prtendu Pre imagin par les hrtiques n'est qu'un impuissant ou qu'un envieux Or, sans mme s'en apercevoir, ceux qui imaginent un Pre autre que le Crateur et lui dcernent le titre de "bon" font de ce Pre un tre faible, oisif et ngligent, pour ne pas dire envieux, lorsqu'ils dclarent que nos corps ne peuvent tre vivifis par lui. En effet, en disant qu'est vivifi par le Pre ce dont la dure sans fin est vidente pour tout le monde, savoir l'esprit, l'me et les autres choses de ce genre, mais qu'est dlaiss par lui ce qui ne peut tre vivifi que si Dieu lui procure la vie, ils font la preuve que leur Pre est faible et oisif, ou ngligent et envieux. Car, si le Crateur vivifie ds ici-bas nos corps mortels et si, par les prophtes, il leur promet la rsurrection, ainsi que nous le montrerons, lequel apparatra comme plus attentif, comme plus puissant, comme vraiment bon : le Crateur, qui vivifie l'homme tout entier, ou leur prtendu Pre, qui affecte de vivifier les choses naturellement immortelles et possdant la vie de par leur nature mme, mais abandonne ngligemment la mort, au lieu de les vivifier avec bont, celles qui ont besoin de son secours pour vivre ? En ce qui concerne ces dernires, leur Pre refuse-t-il donc de procurer la vie alors qu'il le pourrait, ou parce qu'il ne le peut pas ? Si c'est parce qu'il ne le peut pas, ce Dieu prtendument suprieur au Crateur n'est plus ni puissant ni parfait, puisque le Crateur procure, comme il est loisible de le voir, ce que celui-l est incapable de procurer. Si, au contraire, il refuse de procurer la vie alors qu'il le pourrait, la preuve est faite qu'il n'est pas un bon Pre, mais un Pre envieux et ngligent. Diront-ils qu'il existe quelque cause pour laquelle leur Pre ne vivifie pas les corps ? Mais alors cette cause apparatra inluctablement comme plus puissante que le Pre, puisqu'elle prvaut sur sa bont, et sa bont sera frappe d'impuissance par cette cause prtendue. Que les corps soient capables de recevoir la vie, tout le monde peut le voir : car les corps vivent aussi longtemps que Dieu veut qu'ils vivent, et les hrtiques ne peuvent plus prtendre que ceux-ci sont incapables de recevoir la vie. Si donc, en vertu d'une ncessit ou pour quelque autre cause, ce qui est capable d'avoir part la vie n'est pas vivifi, leur Pre se trouvera asservi cette ncessit et cette cause : il ne sera plus libre et matre de ses dcisions.

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    Exemples bibliques illustrant la puissance vivifiante de Dieu Au reste, les corps connurent une longvit remarquable, aussi longtemps que tel fut le bon plaisir de Dieu. Que les hrtiques lisent les critures, en effet, et ils constateront que nos anctres dpassrent sept cents, huit cents, voire neuf cents ans : leurs corps atteignaient la longueur des jours et avaient part la vie aussi longtemps que Dieu voulait qu'ils vivent. Mais pourquoi parler de ceux-l ? noch, pour avoir plu Dieu, fut transfr en son corps mme en lequel il avait plu Dieu, prfigurant ainsi le transfert des justes. Elie aussi fut enlev tel qu'il se trouvait dans la substance de sa chair modele, prophtisant par l l'enlvement des hommes spirituels. Leurs corps ne fit en rien obstacle ce transfert et cet enlvement : c'est par ces Mains elles-mmes, par lesquelles ils avaient t models l'origine, qu'ils furent transfrs et enlevs, car les Mains de Dieu s'taient accoutumes, en Adam, diriger, tenir et porter l'ouvrage model par elles, le transporter et le placer o elles voulaient. O donc fut plac le premier homme ? Dans le paradis, sans aucun doute, selon ce que dit l'criture : Et Dieu planta un paradis en den, du ct de l'Orient, et il y plaa l'homme qu'il avait model . Et c'est de l qu'il fut expuls en ce monde, pour avoir dsobi. Aussi les presbytres, qui sont les disciples des aptres, disent-ils que l ont t transfrs ceux qui ont t transfrs c'est en effet pour des hommes justes et porteurs de l'Esprit qu'avait t prpar le paradis, dans lequel l'aptre Paul fut transport lui aussi et entendit des paroles pour nous prsentement inexprimables ; c'est donc l, d'aprs les presbytres, que ceux qui ont t transfrs demeurent jusqu' la consommation finale, prludant ainsi l'incorruptibilit. Quelqu'un estime-t-il impossible que des hommes demeurent si longtemps vivants, et croit-il qu'Elie n'a pas t enlev en sa chair, mais que sa chair a t consume sur le char de feu ? Qu'il considre que Jonas, aprs avoir t prcipit au fond de la mer et englouti dans le ventre du poisson, fut rejet sain et sauf sur le rivage par l'ordre de Dieu. Ananias, Azarias et Misal, jets dans une fournaise de feu chauffe au septuple, n'prouvrent aucun mal et l'odeur mme du feu ne se trouva pas en eux. Si la Main de Dieu les assista et accomplit en eux des choses extraordinaires et impossibles la nature humaine, qu'y a-t-il d'tonnant si, en ceux qui ont t transfrs, cette mme Main a aussi ralis une chose extraordinaire, en excutant la volont du Pre ? Or cette Main c'est le Fils de Dieu, selon la parole que l'criture met sur les lvres de Nabuchodonosor : N'avons-nous pas jet trois hommes dans la fournaise ? Eh bien, moi, je vois quatre hommes marchant au milieu du feu, et le quatrime est pareil au Fils de Dieu . Donc ni la nature d'une crature quelconque ni mme la faiblesse de la chair ne peuvent l'emporter sur la volont de Dieu, car ce n'est pas Dieu qui est soumis aux cratures, mais les cratures qui sont soumises Dieu, et toutes choses sont au service de sa volont. C'est pourquoi le Seigneur dit : Ce qui est impossible aux hommes est possible Dieu . De mme donc qu'aux hommes d'aujourd'hui, ignorants des "conomies" de Dieu, il semble incroyable et impossible qu'un homme puisse vivre tant d'annes et cependant nos anctres ont connu cette longvit et ceux qui ont t transfrs la connaissent, afin de prfigurer la future longueur des jours , et de mme qu'il parat incroyable que des hommes soient sortis sains et saufs du ventre du poisson et de la fournaise de feu et cependant ils en sont sortis comme par la Main de Dieu, pour faire clater sa puissance , ainsi maintenant il en est qui, mconnaissant la puissance et la promesse de Dieu, nient leur propre salut, estimant impossible que Dieu puisse ressusciter leurs corps et les gratifier d'une dure sans fin ; cependant l'incrdulit des gens de cette sorte ne rduira pas nant la fidlit de Dieu.

    3. TEXTES PAULINIENS ATTESTANT LA RSURRECTION DE LA CHAIR Que votre tre intgral savoir votre Esprit, votre me et votre corps soit conserv sans reproche pour la venue du Seigneur Jsus ! Au contraire, Dieu sera glorifi dans l'ouvrage par lui model, lorsqu'il l'aura rendu conforme et semblable son Fils. Car, par les Mains du Pre, c'est--dire par le Fils et l'Esprit, c'est l'homme, et non une partie de

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    l'homme, qui devient l'image et la ressemblance de Dieu. Or l'me et l'Esprit peuvent tre une partie de l'homme, niais nullement l'homme : l'homme parfait, c'est le mlange et l'union de l'me qui a reu l'Esprit du Pre et qui a t mlange la chair modele selon l'image de Dieu. Et c'est pourquoi l'Aptre dit : Nous parlons sagesse parmi les parfaits . Sous ce nom de "parfaits", il dsigne ceux qui ont reu l'Esprit de Dieu et qui parlent toutes les langues grce cet Esprit, comme lui-mme les parlait, et comme nous entendons aussi nombre de frres dans l'glise, qui possdent des charismes prophtiques, parlent toutes sortes de langues grce l'Esprit, manifestent les secrets des hommes pour leur profit et exposent les mystres de Dieu. Ces hommes-l, l'Aptre les nomme galement "spirituels" : spirituels, ils le sont par une participation de l'Esprit, mais non par une vacuation et une suppression de la chair. En effet, si l'on carte la substance de la chair, c'est--dire de l'ouvrage model, pour ne considrer que ce qui est proprement esprit, une telle chose n'est plus l'homme spirituel, mais l' "esprit de l'homme" ou l' "Esprit de Dieu". En revanche, lorsque cet Esprit, en se mlangeant l'me, s'est uni l'ouvrage model, grce cette effusion de l'Esprit se trouve ralis l'homme spirituel et parfait, et c'est celui-l mme qui a t fait l'image et la ressemblance de Dieu. Quand au contraire l'Esprit fait dfaut l'me, un tel homme, restant en toute vrit psychique et charnel, sera imparfait, possdant bien l'image de Dieu dans l'ouvrage model, mais n'ayant pas reu la ressemblance par le moyen de l'Esprit. De mme donc que cet homme est imparfait, de mme aussi, si l'on carte l'image et si l'on rejette l'ouvrage model, on ne peut plus avoir affaire l'homme, mais, ainsi que nous l'avons dit, une partie de l'homme ou quelque chose d'autre que l'homme. Car la chair modele, elle seule, n'est pas l'homme parfait : elle n'est que le corps de l'homme, donc une partie de l'homme. L'me, elle seule, n'est pas davantage l'homme : elle n'est que l'me de l'homme, donc une partie de l'homme. L'Esprit non plus n'est pas l'homme : on lui donne le nom d'Esprit, non celui d'homme. C'est le mlange et l'union de toutes ces choses qui constitue l'homme parfait. Et c'est pourquoi l'Aptre, s'expliquant lui-mme, a clairement dfini l'homme parfait et spirituel, bnficiaire du salut, lorsqu'il dit dans sa premire ptre aux Thssaloniciens : Que le Dieu de paix vous sanctifie en sorte que vous soyez pleinement achevs, et que votre tre intgral savoir votre Esprit, votre me et votre corps soit conserv sans reproche pour l'avnement du Seigneur Jsus . Quel motif avait-il donc de demander pour ces trois choses, savoir l'me, le corps et l'Esprit, une intgrale conservation pour l'avnement du Seigneur, s'il n'avait su que toutes les trois doivent tre restaures et runies et qu'il n'y a pour elles qu'un seul et mme salut ? C'est pour cela qu'il dit "pleinement achevs" ceux qui prsentent sans reproche ces trois choses au Seigneur. Sont donc parfaits ceux qui, tout la fois, possdent l'Esprit de Dieu demeurant toujours avec eux et se maintiennent sans reproche quant leurs mes et quant leurs corps, c'est--dire conservent la foi envers Dieu et gardent la justice envers le prochain.

    La chair, "temple de Dieu" et "membre du Christ", ne saurait sombrer dfinitivement dans la mort De l vient qu'il appelle temple de Dieu l'ouvrage model : Ne savez-vous pas, dit-il, que vous tes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un dtruit le temple de Dieu, Dieu le dtruira. Car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous tes vous-mmes : de toute vidence, il appelle le corps un temple en lequel habite l'Esprit. Le Seigneur disait lui aussi propos du corps : Dtruisez ce temple, et en trois jours je le relverai . Or, note l'criture, il disait cela de son corps . De plus, l'Aptre sait que nos corps sont non seulement le temple, mais les membres du Christ, car il dit aux Corinthiens : Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? Prendrai-je donc les membres du Christ pour en faire les membres d'une prostitue ? Ce n'est pas de quelque autre "homme pneumatique" qu'il dit cela, car celui-ci ne pourrait s'unir une courtisane, mais c'est de notre propre corps, autrement dit de notre chair, qu'il parle : le corps persvre-t-il dans la saintet et la puret, il est membre du Christ ; s'unit-il au contraire une courtisane, il devient membre de cette courtisane. Et c'est pourquoi l'Aptre dit : Si quelqu'un dtruit le temple de Dieu, Dieu le dtruirai . Ds lors, prtendre que le temple de Dieu, en lequel habite l'Esprit du Pre, et les membres du Christ n'ont point part au salut, mais vont la perdition, comment ne serait-ce pas le comble du blasphme ?

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    La rsurrection corporelle du Christ, gage de notre rsurrection corporelle Que nos corps doivent ressusciter, non en vertu de leur substance, mais par la puissance de Dieu, l'Aptre le dit aux Corinthiens : Le corps n'est pas pour l'impudicit, mais il est pour le Seigneur, comme le Seigneur est pour le corps, et Dieu qui a ressuscit le Seigneur nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance . De mme donc que le Christ est ressuscit dans la substance de sa chair et a montr ses disciples les marques des clous ainsi que l'ouverture de son ct autant de preuves que c'tait bien sa chair qui tait ressuscite d'entre les morts , de mme, dit l'Aptre, Dieu nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance . Il dit derechef aux Romains : Si l'Esprit de Celui qui a ressuscit Jsus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscit le Christ d'entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels . Quels sont-ils donc, ces "corps mortels" ? Seraient-ce les mes ? Mais les mes sont incorporelles, en regard des corps mortels. Car Dieu insuffla dans la face de l'homme un souffle de vie, et l'homme devint me vivante : or ce souffle de vie est incorporel. On ne peut non plus dire l'me mortelle, puisqu'elle est souffle de vie. Aussi David dit-il : Et mon me vivra pour lui , persuad qu'il est que la substance de cette me est immortelle. On ne peut non plus prtendre que le "corps mortel" dont il s'agit serait l'Esprit. Ds lors, que reste-t-il dire, sinon que le "corps mortel" est l'ouvrage model par Dieu, autrement dit la chair, et que c'est bien de celle-ci que l'Aptre dclare que Dieu la vivifiera ? Car c'est elle qui meurt et se dcompose, et non l'me ou l'Esprit. Mourir, en effet, c'est perdre la manire d'tre propre au vivant, devenir sans souffle, sans vie, sans mouvement, et se dissoudre dans les lments dont on a reu le principe de son existence. Or ceci ne peut arriver ni l'me, puisqu'elle est souffle de vie, ni l'Esprit, puisqu'il n'est pas compos, mais simple, qu'il ne peut se dissoudre et qu'il est lui-mme la vie de ceux qui participent lui. La preuve est donc faite que c'est bien la chair qui subit la mort : une fois l'me sortie, la chair devient sans souffle et sans vie et se dissout peu peu dans la terre d'o elle a t tire. C'est donc bien elle qui est mortelle. C'est galement d'elle que l'Aptre dit : Il vivifiera aussi vos corps mortels .

    La chair ressuscitera incorruptible, glorieuse, spirituelle C'est pourquoi il dit son sujet dans la premire aux Corinthiens : Ainsi en va-t-il pour la rsurrection des morts : seme dans la corruption, la chair ressuscitera dans l'incorruptibilit . Car, dit-il, ce que tu smes, toi, n'est vivifi que s'il meurt d'abord . Or qu'est-ce qui, l'instar du grain de froment, est sem et pourrit dans la terre, sinon les corps qu'on dpose dans cette terre mme o l'on jette aussi la semence ? Et c'est pourquoi l'Aptre dit : Seme dans l'ignominie, elle ressuscitera dans la gloire . Quoi de plus ignominieux qu'une chair morte ? En revanche, quoi de plus glorieux que cette mme chair une fois ressuscite et ayant reu l'incorruptibilit en partage ? Seme dans la faiblesse, elle ressuscitera dans la puissance . La faiblesse dont il s'agit est celle de la chair, qui, tant terre, s'en va la terre ; mais la puissance est celle de Dieu, qui la ressuscite d'entre les morts. Seme corps psychique, elle ressuscitera corps spirituel . Sans aucun doute possible, l'Aptre nous apprend par l que ce n'est ni de l'me ni de l'Esprit qu'il parle, mais des corps morts. Tels sont bien en effet les corps "psychiques", c'est--dire participant une me : lorsqu'ils la perdent, ils meurent ; puis, ressuscitant par l'Esprit, ils deviennent des corps spirituels, afin de possder, par l'Esprit, une vie qui demeure jamais.

    L'Esprit donn ds ici-bas aux croyants comme arrhes de la rsurrection future Car prsentement, dit l'Aptre, nous ne connaissons qu'en partie, et nous ne prophtisons qu'en partie, mais alors ce sera face face . C'est ce que Pierre dit lui aussi : Lorsque vous verrez Celui en qui, sans le voir encore, vous croyez, vous tressaillirez d'une joie inexprimable . Car notre face verra la face de Dieu, et elle tressaillira d'une joie inexprimable, puisqu'elle verra Celui qui est sa Joie. Mais prsentement, c'est une partie seulement de son Esprit que nous recevons, afin de nous disposer l'avance et de nous prparer l'incorruptibilit, en nous accoutumant peu peu saisir et porter Dieu. C'est ce que l'Aptre nomme "arrhes"

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    c'est--dire une partie seulement de l'honneur qui nous a t promis par Dieu , lorsqu'il dit dans l'ptre aux phsiens : C'est en lui que vous aussi, aprs avoir entendu la parole de vrit, l'vangile de votre salut, c'est en lui qu'aprs avoir cru vous avez t marqus du sceau de l'Esprit Saint de la promesse, qui est les arrhes de votre hritage . Si donc ces arrhes, en habitant en nous, nous rendent dj spirituels et si ce qui est mortel est absorb par l'immortalit car pour vous, dit-il, vous n'tes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, s'il est vrai que l'Esprit de Dieu habite en vous , et si, d'autre part, cela se ralise, non par le rejet de la chair, mais par la communion de l'Esprit car ceux auxquels il crivait n'taient pas des tres dsincarns, mais des gens qui avaient reu l'Esprit de Dieu en qui nous crions : Abba, Pre ; si donc, ds prsent, pour avoir reu ces arrhes, nous crions : Abba, Pre , que sera-ce lorsque, ressuscites, nous le verrons face face ? lorsque tous les membres, flots dbordants, feront jaillir un hymne d'exultation, glorifiant Celui qui les aura ressuscites d'entre les morts et gratifis de l'ternelle vie ? Car, si dj de simples arrhes, en enveloppant l'homme de toute part en elles-mmes, le font s'crier : Abba, Pre , que ne fera pas la grce entire de l'Esprit, une fois donne aux hommes par Dieu ? Elle nous rendra semblables lui et accomplira la volont du Pre, car elle parfera l'homme l'image et la ressemblance de Dieu.

    Spirituels et charnels Ceux donc qui possdent les arrhes de l'Esprit et qui, loin de s'asservir aux convoitises de la chair, se soumettent l'Esprit et vivent en tout selon la raison, l'Aptre les nomme bon droit "spirituels", puisque l'Esprit de Dieu habite en eux. Car des esprits sans corps ne seront jamais des hommes spirituels ; mais c'est notre substance c'est--dire le compos d'me et de chair qui, en recevant l'Esprit de Dieu, constitue l'homme spirituel. Quant ceux qui repoussent le conseil de l'Esprit pour s'asservir aux plaisirs de la chair, vivre contrairement la raison et se livrer sans frein leurs convoitises, ceux-l, qui n'ont aucune inspiration du divin Esprit, mais vivent la faon des porcs et des chiens, l'Aptre les nomme bon droit "charnels", parce qu'ils n'ont de sentiments que pour les choses charnelles. Dj les prophtes, pour ce mme motif, les avaient compars aux animaux dpourvus de raison. Ainsi, cause de leur conduite contraire la raison, ils disaient : Ils sont devenus des talons en rut, chacun d'eux hennissant vers la femme de son prochain , et encore : L'homme, alors qu'il tait combl d'honneur, s'est rendu semblable aux btes de somme : par sa propre faute, en effet, l'homme se rend semblable aux btes de somme, ds lors qu'il ambitionne une vie contraire la raison. Nous-mmes, d'ailleurs, avons coutume de dire pareils des btes et semblables des brutes les hommes de cette sorte. La Loi, de son ct, avait exprim tout cela par avance d'une faon symbolique car elle figurait l'homme partir des animaux , en dclarant purs tous ceux d'entre eux qui ont un ongle double et ruminent, et en mettant part comme impurs tous ceux qui font dfaut ces deux choses ou l'une d'entre elles. Quels sont donc les hommes purs ? Ce sont ceux qui, par la foi, font route d'une manire stable vers le Pre et le Fils car telle est la stabilit de ceux qui ont un ongle double et qui mditent les oracles de Dieu jour et nuit, de faon tre orns de bonnes uvres car telle est la vertu de ceux qui ruminent . Impurs, par contre, sont ceux qui n'ont pas un ongle double et ne ruminent pas, c'est--dire qui n'ont pas la foi en Dieu et ne mditent pas ses oracles : telle est l'abomination des paens. Quant aux animaux qui ruminent, mais n'ont pas un ongle double, ils sont impurs eux aussi : c'est l l'image des Juifs, qui ont bien les oracles de Dieu dans leur bouche, mais ne fondent pas la stabilit de leur racine sur le Pre et le Fils ; c'est d'ailleurs pourquoi leur race glisse facilement, car ceux des animaux qui n'ont qu'un ongle glissent facilement, tandis que ceux qui ont un ongle double sont plus stables, du fait que les ongles se succdent l'un l'autre au fur et mesure de la marche et que l'un des ongles ne cesse de soutenir l'autre. Pareillement impurs sont les animaux qui ont un ongle double, mais ne ruminent pas : c'est l le symbole de presque tous les hrtiques et de ceux qui ne mditent pas les oracles de Dieu et ne sont pas orns d'uvres de justice. C'est leur adresse que le Seigneur dit : Pourquoi me dites-vous "Seigneur, Seigneur", et ne faites-vous pas ce que je dis ? Car les gens de cette sorte disent croire au Pre

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    et au Fils, mais ils ne mditent pas les oracles de Dieu de la manire qui convient et ne sont pas orns d'uvres de justice ; bien au contraire, comme nous l'avons dit, ils ont embrass la faon de vivre des porcs et des chiens, se livrant l'impuret, la gloutonnerie et toutes les autres formes de l'insouciance. Tous ces gens-l donc, qui cause de leur incrdulit ou de leurs drglements n'obtiennent pas le divin Esprit, qui par des caractres divergents rejettent loin d'eux le Verbe vivifiant, qui vivent au gr de leurs convoitises d'une manire contraire la raison, ces gens-l, c'est juste titre que l'Aptre les a nomms "charnels" et "psychiques", que les prophtes les ont tenus pour pareils des btes et de nature bestiale, que la coutume les a caractriss comme semblables des brutes et dpourvus de raison, et que la Loi les a dclars impurs.

    4. VRITABLE SENS DE LA PHRASE : LA CHAIR ET LE SANG NE PEUVENT HRITER DU ROYAUME DE DIEU La chair et le sang C'est ce qui a t dit aussi ailleurs par l'Aptre en ces termes : La chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu , texte que tous les hrtiques allguent dans leur folie et partir duquel ils s'efforcent de prouver qu'il n'y a pas de salut pour l'ouvrage model par Dieu. Car ils ne comprennent pas que trois choses, ainsi que nous l'avons montr, constituent l'homme parfait : la chair, l'me et l'Esprit. L'une d'elles sauve et forme, savoir l'Esprit ; une autre est sauve et forme, savoir la chair ; une autre enfin se trouve entre celles-ci, savoir l'me, qui tantt suit l'Esprit et prend son envol grce lui, tantt se laisse persuader par la chair et tombe dans des convoitises terrestres. Ceux donc qui n'ont pas l'lment qui sauve et forme en vue de la vie, ceux-l sont et se verront appeler bon droit "sang et chair", puisqu'ils n'ont pas l'Esprit de Dieu en eux. C'est d'ailleurs pourquoi ils sont dits "morts" par le Seigneur Laissez, dit-il, les morts ensevelir leurs morts , car ils n'ont pas l'Esprit qui vivifie l'homme. Mais ceux qui craignent Dieu, qui croient l'avnement de son Fils et qui, par la foi, tablissent demeure dans leurs curs l'Esprit de Dieu, ceux-l seront justement nomms hommes "purs", "spirituels" et "vivant pour Dieu", parce qu'ils ont l'Esprit du Pre qui purifie l'homme et l'lve la vie de Dieu.

    Faiblesse de la chair et promptitude de l'Esprit Car si, au tmoignage du Seigneur, la chair est faible , de mme aussi l'Esprit est prompt , c'est--dire capable d'accomplir tout ce qu'il dsire. Si donc quelqu'un mlange la promptitude de l'Esprit, en manire d'aiguillon, la faiblesse de la chair, ce qui est puissant l'emportera ncessairement sur ce qui est faible : la faiblesse de la chair sera absorbe par la force de l'Esprit, et un tel homme ne sera plus charnel, mais spirituel, cause de la communion de l'Esprit. Ainsi les martyrs rendent-ils tmoignage et mprisent-ils la mort, non selon la faiblesse de la chair, mais selon la promptitude de l'Esprit. Car la faiblesse de la chair, ainsi absorbe, fait clater la puissance de l'Esprit ; l'Esprit, de son ct, en absorbant la faiblesse, reoit en lui-mme la chair en hritage. Et c'est de ces deux choses qu'est fait l'homme vivant : vivant grce la participation de l'Esprit, homme par la substance de la chair.

    Image de ce qui est terrestre et image de ce qui est cleste Donc, sans l'Esprit de Dieu, la chair est morte, prive de vie, incapable d'hriter du royaume de Dieu ; le sang est tranger la raison, pareil une eau que l'on aurait rpandue terre. C'est pourquoi l'Aptre dit : Tel a t l'homme terrestre, tels sont aussi les hommes terrestres . Mais, l o est l'Esprit du Pre, l est l'homme vivant : le sang, anim par la raison, est gard par Dieu en vue de la vengeance ; la chair, possde en hritage par l'Esprit, oublie ce qu'elle est, pour acqurir la qualit de l'Esprit et devenir conforme au Verbe de Dieu. C'est pourquoi l'Aptre dit : Tout comme nous avons port l'image de ce qui est terrestre, portons aussi l'image de ce qui est cleste . Quel est ce "terrestre" ? L'ouvrage model. Et quel est ce "cleste" ? L'Esprit. De mme donc, veut-il dire, que, privs de l'Esprit cleste, nous avons vcu autrefois dans la vtust de la chair, en dsobissant

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    Dieu, de mme, maintenant que nous avons reu l'Esprit, marchons dans une nouveaut de vie , en obissant Dieu. Ainsi donc, parce que nous ne pouvons tre sauvs sans l'Esprit de Dieu, l'Aptre veut nous exhorter conserver cet Esprit de Dieu par la foi et par une vie chaste, de peur que, faute d'avoir part ce divin Esprit, nous ne perdions le royaume des cieux : voil pourquoi il proclame que la chair elle seule, avec le sang, ne peut hriter du royaume de Dieu.

    La chair possde en hritage par l'Esprit vrai dire, en effet, la chair n'hrite point, mais est possde en hritage, selon ce que dit le Seigneur : Bienheureux les doux, parce qu'ils possderont la terre en hritage : ainsi sera donc possde en hritage, dans le royaume, la terre dont provient la substance de notre chair. C'est pourquoi il veut que le temple soit pur, pour que l'Esprit de Dieu puisse s'y complaire, comme l'poux dans son pouse. De mme donc que l'pouse ne peut pouser, mais peut tre pouse, quand l'poux vient la prendre, de mme la chair comme telle et elle seule ne peut hriter du royaume de Dieu, mais elle peut tre reue en hritage, dans le royaume, par l'Esprit. Car c'est le vivant qui hrite des biens du mort, et autre chose est hriter, autre chose tre possd en hritage : l'hritier est le matre, il commande, il dispose de son hritage son gr ; l'hritage, au contraire, est soumis l'hritier, il lui obit, il est sous sa domination. Quel est donc le vivant ? L'Esprit de Dieu. Et quels sont les biens du mort ? Les membres de l'homme qui se dissolvent dans la terre. Ce sont eux qui sont reus en hritage par l'Esprit, en tant transfrs par lui dans le royaume des cieux. C'est d'ailleurs pour cela que le Christ est mort, afin que le Testament de l'vangile, tant ouvert et lu au monde entier, rende d'abord libres les esclaves du Christ, puis les constitue hritiers de ses biens, par l mme que l'Esprit les recevrait en hritage, comme nous venons de le montrer : car c'est le vivant qui hrite et c'est la chair qui est possde en hritage. De peur donc que nous ne perdions la vie en perdant l'Esprit qui nous possde en hritage, et afin de nous exhorter cette communion de l'Esprit, l'Aptre dit bon droit les paroles dj cites : La chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu . C'est comme s'il disait : Ne vous y trompez pas ! Si le Verbe de Dieu n'habite pas en vous et si l'Esprit du Pre ne vient pas en vous, et si vous menez une vie vaine et quelconque, alors, comme n'tant rien d'autre que chair et sang, vous ne pourrez hriter du royaume de Dieu .

    La greffe de l'Esprit Il parle ainsi de peur que, en complaisant la chair, nous ne rejetions la greffe de l'Esprit : car alors que tu n'tais, dit-il, qu'un olivier sauvage, tu as t ent sur un olivier franc et rendu participant de la sve de cet olivier . Si donc un olivier sauvage, aprs avoir t ent sur un olivier franc, demeure ce qu'il tait auparavant, savoir un olivier sauvage, il est coup et jet au feu ; si, au contraire, il garde sa greffe et se transforme en olivier franc, il devient un olivier fertile, ayant t comme plant dans le jardin du roi. Ainsi en va-t-il des hommes : si, par la foi, ils progressent vers le meilleur, reoivent l'Esprit de Dieu et produisent les fruits de celui-ci, ils seront spirituels, ayant t comme plants dans le jardin de Dieu ; mais s'ils rejettent l'Esprit et demeurent ce qu'ils taient auparavant, prfrant relever de la chair plutt que de l'Esprit, on dira juste titre leur sujet que la chair et le sang n'hriteront pas du royaume de Dieu : c'est comme si l'on disait qu'un olivier sauvage ne sera pas admis dans le jardin de Dieu. L'Aptre a donc admirablement montr notre nature et toute l' "conomie" de Dieu l o il parle de la chair et du sang, ainsi que de l'olivier sauvage. Si, en effet, un olivier est nglig et abandonn quelque temps dans le dsert, il se met produire des fruits sauvages et devient, de lui-mme, un olivier sauvage ; par contre, si cet olivier sauvage est entour de soins et ent sur un olivier franc, il reviendra la fertilit primitive de sa nature. Il en va de mme des hommes : s'ils s'abandonnent la ngligence, ils produisent ces fruits sauvages que sont les convoitises de la chair et ils deviennent, par leur faute, striles en fruits de justice car c'est pendant que les hommes dorment que l'ennemi sme les broussailles de l'ivraie, et c'est pourquoi le Seigneur a enjoint ses disciples de veiller ; mais si ces hommes, striles en fruits de justice et comme touffs par les broussailles, sont entours de soins

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    et reoivent en guise de greffe la parole de Dieu, ils reviennent la nature primitive de l'homme, celle qui fut cre l'image et la ressemblance de Dieu. D'autre part, si l'olivier sauvage vient tre ent, il ne perd pas la substance de son bois, mais change la qualit de son fruit et reoit un autre nom, car il n'est plus et ne se voit plus appeler olivier sauvage, mais olivier fertile : de mme l'homme qui est ent par la foi et reoit l'Esprit de Dieu ne perd pas la substance de sa chair, mais change la qualit de ce fruit que sont ses uvres et reoit un autre nom qui signifie sa transformation en mieux, car il n'est plus et ne se voit plus appeler chair et sang, mais homme spirituel. Par contre, si l'olivier sauvage ne reoit pas la greffe, il demeure sans utilit pour son propritaire en raison de sa nature sauvage et, en tant qu'arbre strile, il est coup et jet au feu : de mme l'homme qui ne reoit pas la greffe de l'Esprit qui s'opre par la foi demeure cela mme qu'il tait auparavant, savoir chair et sang, et ne peut en consquence hriter du royaume de Dieu.

    Vous n'tes pas dans la chair, mais dans l'Esprit C'est donc avec raison que l'Aptre dit : La chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu , et encore : Ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire Dieu : par l, il ne rejette pas la substance de la chair, mais il attire l'infusion de l'Esprit et c'est pourquoi il dit : II faut que cet lment mortel revte l'immortalit, et que cet lment corruptible revte l'incorruptibilit . Il dit encore : Quant vous, vous n'tes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, s'il est vrai que l'Esprit de Dieu habite en vous . Et il montre cela plus clairement encore, en disant : Le corps, il est vrai, est mort cause du pch, mais l'Esprit est vie cause de la justice. Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscit Jsus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscit le Christ d'entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels cause de son Esprit qui habite en vous . Il dit encore dans cette mme ptre aux Romains : Si, en effet, vous vivez selon la chair, vous mourrez... Par l, il n'entendait pas repousser loin d'eux la vie dans la chair lui-mme tait dans la chair, lorsqu'il leur crivait , mais retrancher les convoitises de la chair, qui donnent la mort l'homme. Et c'est pourquoi il ajoute : ... mais si, par l'Esprit, vous faites mourir les uvres de la chair, vous vivrez : car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-l sont fils de Dieu .

    uvres de la chair et fruits de l'Esprit Ces uvres, qu'il nomme charnelles, Paul a fait connatre quelles elles sont, prvoyant les sophismes des incrdules et s'expliquant lui-mme afin de ne pas laisser de sujet de recherche ceux qui scruteraient sa pense avec incrdulit. Il s'exprime ainsi dans l'ptre aux Galates : Les uvres de la chair sont manifestes : ce sont l'adultre, la fornication, l'impuret, le libertinage, l'idoltrie, la magie, les inimitis, la discorde, la jalousie, les emportements, les cabales, les dissensions, les factions, les envies, les beuveries, les orgies et autres choses semblables : je vous prviens, comme je l'ai dj fait, que ceux qui commettent de telles actions n'hriteront pas du royaume de Dieu . Il proclame ainsi de faon plus explicite, pour ceux qui veulent l'entendre, ce que signifie la parole : La chair et le sang n'hriteront pas du royaume de Dieu : car ceux qui commettent ces actions, se conduisant vraiment selon la chair, ne sauraient vivre pour Dieu. l'oppos, il ajoute les actions spirituelles qui donnent la vie l'homme, autrement dit la greffe de l'Esprit, en disant : Le fruit de l'Esprit, au contraire, c'est la charit, la joie, la paix, la patience, la mansutude, la bont, la fidlit, la douceur, la temprance, la chastet : contre de telles choses il n'y a pas de loi . De mme donc que celui qui aura progress vers le meilleur et produit le fruit de l'Esprit sera sauv de toute manire cause de la communion de l'Esprit, de mme celui qui demeure dans les uvres de la chair que nous avons dites sera rput vraiment charnel, puisqu'il ne reoit pas l'Esprit de Dieu, et il ne pourra en consquence hriter du royaume des cieux.

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    Les injustes n'hriteront pas du royaume de Dieu L'Aptre lui-mme en tmoigne encore, lorsqu'il dit aux Corinthiens : Ne savez-vous pas que les injustes n'hriteront pas du royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les impudiques, ni les idoltres, ni les adultres, ni les effmins, ni les infmes, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les mdisants, ni les rapaces n'hriteront du royaume de Dieu. Voil ce que certains d'entre vous ont t ; mais vous vous tes lavs, mais vous avez t sanctifis, mais vous avez t justifis au nom du Seigneur Jsus-Christ et dans l'Esprit de notre Dieu . Il montre ainsi trs clairement ce qui perd l'homme, savoir de persvrer vivre selon la chair, et, l'oppos, ce qui sauve l'homme, savoir ce sont ses propres termes le nom de notre Seigneur Jsus-Christ et l'Esprit de notre Dieu . De la sorte, pour avoir ici mme numr les uvres de la chair, qui se font en dehors de l'Esprit et qui donnent la mort, il pourra, en consquence de ce qu'il vient de dire, s'crier la fin de son ptre en manire de rsum : De mme que nous avons port l'image de ce qui est terrestre, portons aussi l'image de ce qui est cleste. Car je vous le dclare, frres : la chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu . La phrase De mme que nous avons port l'image de ce qui est terrestre... a le mme sens que celle-ci : Voil ce que certains d'entre vous ont t ; mais vous vous tes lavs, mais vous avez t sanctifis, mais vous avez t justifis au nom du Seigneur Jsus-Christ et dans l'Esprit de notre Dieu . Quand donc avons-nous port l'image de ce qui est terrestre ? Lorsque les uvres de la chair que nous avons dites s'accomplissaient en nous. Et quand avons-nous port l'image de ce qui est cleste ? Lorsque, dit-il, vous vous tes lavs , en croyant au nom du Seigneur et en recevant son Esprit. Or, en nous lavant de la sorte, nous nous sommes dbarrasss, non de la substance de notre corps ni de l'image qu'est l'uvre modele, mais de notre ancienne vie de vanit. Dans ces membres donc en lesquels nous prissions du fait que nous accomplissions les uvres de la corruption, dans ces mmes membres nous sommes vivifis ds lors que nous accomplissons les uvres de l'Esprit.

    Souffle de vie et Esprit vivifiant Car, comme la chair est capable de corruption, elle l'est aussi d'incorruptibilit, et, comme elle est capable de mort, elle l'est aussi de vie. Ces choses se cdent mutuellement la place, et l'une et l'autre ne sauraient demeurer au mme endroit, mais l'une est expulse par l'autre et, du fait que l'une est prsente, l'autre est dtruite. Si donc la mort, en s'emparant de l'homme, a expuls de lui la vie et a fait de lui un mort, bien plus forte raison la vie, en s'emparant de l'homme, expulsera la mort et rendra l'homme vivant pour Dieu. Car, si la mort a fait mourir l'homme, pourquoi la vie, en survenant, ne le ferait-elle pas revivre ? Comme le dit le prophte Isae : Dans sa puissance, la mort a dvor ; et encore : Dieu essuiera toute larme de tout visage . Or la premire vie a t expulse parce qu'elle avait t donne par le moyen d'un simple souffle et non par le moyen de l'Esprit. Car autre chose est le "souffle de vie", qui fait l'homme psychique, et autre chose l' "Esprit vivifiant", qui le rend spirituel. Et c'est pourquoi Isae dit : Ainsi parle le Seigneur, qui a fait le ciel et l'a fix, qui a affermi la terre et ce qu'elle renferme, qui a donn le souffle au peuple qui l'habite et l'Esprit ceux qui la foulent aux pieds : il affirme par l que le souffle a t donn indistinctement tout le peuple qui habite la terre, tandis que l'Esprit l'a t exclusivement ceux qui foulent aux pieds les convoitises terrestres. C'est pourquoi le mme Isae, reprenant la distinction que nous venons de dire, dit encore : Car l'Esprit sortira d'auprs de moi, et tout souffle c'est moi qui l'ai fait : il range de la sorte l'Esprit dans une sphre part, aux cts de Dieu, qui, dans les derniers temps, l'a rpandu sur le genre humain par la filiation adoptive ; mais il situe le souffle dans la sphre commune, parmi les cratures, et il le dclare chose faite. Or ce qui a t fait est autre que Celui qui l'a fait. Le souffle est donc chose temporaire, tandis que l'Esprit est ternel. Le souffle connat un instant de vigueur, il demeure un moment, puis il s'en va, laissant priv de souffle l'tre en lequel il se trouvait auparavant ; l'Esprit, au contraire, aprs avoir envelopp l'homme du dedans et du dehors, demeure toujours avec lui et, ds lors, jamais ne l'abandonnera. Mais, dit l'Aptre l'adresse des hommes que nous sommes, ce qui apparat d'abord, ce n'est pas le spirituel, mais d'abord le psychique, puis le spirituel . Rien de plus juste, car il fallait que l'homme ft d'abord model,

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    qu'aprs avoir t model il ret une me, et qu'ensuite seulement il ret la communion de l'Esprit. C'est pourquoi aussi le premier Adam a t fait me vivante, mais le second Adam a t fait Esprit vivifiant . De mme donc que celui qui avait t fait me vivante, en inclinant vers le mal, a perdu la vie, ainsi ce mme homme, en revenant au bien et en recevant l'Esprit vivifiant, retrouvera la vie. Car ce n'est pas une chose qui tait morte et une autre qui est rendue la vie, de mme que ce n'est pas une chose qui tait perdue et une autre qui est retrouve, mais, cette brebis mme qui tait perdue, c'est elle que le Seigneur est venu chercher. Qu'est-ce donc qui tait mort ? De toute vidence, la substance de la chair, qui avait perdu le souffle de vie et tait devenue sans souffle et morte. C'est elle que le Seigneur est venu rendre la vie, afin que, comme nous mourons tous en Adam parce que psychiques, nous vivions tous dans le Christ parce que spirituels, aprs avoir rejet, non l'ouvrage model par Dieu, mais les convoitises de la chair, et avoir reu l'Esprit Saint.

    Faites mourir vos membres terrestres... Comme le dit l'Aptre dans son ptre aux Colossiens : Faites donc mourir vos membres terrestres.. Quels sont-ils, ces membres ? Lui-mme les numre : ... la fornication, l'impuret, les passions, la convoitise mauvaise et l'avarice qui est une idoltrie . Voil ce dont l'Aptre prche le rejet, et c'est propos de ceux qui commettent de tels actes qu'il affirme qu'ils ne peuvent, comme n'tant que "chair et sang", hriter du royaume des cieux : car leur me, pour avoir inclin vers ce qui est infrieur et tre descendue vers les convoitises terrestres, est dsigne par ces noms mmes de "chair" et de "sang". Et c'est tout cela que l'Aptre nous commande une nouvelle fois de rejeter, lorsqu'il dit dans la mme ptre : Ayant dpouill le vieil homme avec ses pratiques... Ce disant, il n'entend nullement rpudier l'antique ouvrage model : sans quoi nous devrions nous tuer et rompre tout lien avec la vie d'ici-bas ! Au reste, l'Aptre lui-mme nous crit tandis qu'il est cet homme qui a t model dans le sein maternel et qui est sorti de celui-ci, et il affirme, dans son ptre aux Philippiens, que vivre dans la chair est le fruit d'une uvre . Or le fruit de l'uvre de l'Esprit, c'est le salut de la chair : car quel pourrait tre le fruit visible de l'Esprit invisible, sinon de rendre la chair mre et capable de recevoir l'incorruptibilit ? Si donc vivre dans la chair est le fruit d'une uvre , l'Aptre ne mprise assurment pas la substance de la chair lorsqu'il dit : Ayant dpouill le vieil homme avec ses pratiques... , mais il entend signifier le rejet de notre ancienne manire de vivre, vieillie et corrompue. Et c'est pourquoi il poursuit : ... et ayant revtu l'homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance selon l'image de Celui qui l'a cr . En disant qui se renouvelle dans la connaissance , il indique que cet homme-l mme qui se trouvait antrieurement dans l'ignorance, c'est--dire qui ignorait Dieu, se renouvelle par la connaissance de celui-ci : car c'est la connaissance de Dieu qui renouvelle l'homme. Et en disant selon l'image de Celui qui l'a cr , il signifie la rcapitulation de cet homme qui, au commencement, avait t fait l'image de Dieu.

    Gurisons et rsurrections opres par le Christ Que l'Aptre tait bel et bien celui-l mme qui tait n du sein maternel, c'est--dire l'antique substance de la chair, lui-mme le dit dans son ptre aux Galates : Mais, quand il plut Celui qui m'avait mis part ds le sein de ma mre et appel par sa grce de rvler en moi son Fils pour que je l'annonce parmi les gentils... . Ce n'tait donc pas un autre qui tait n du sein maternel, ainsi que nous l'avons dj dit, et un autre qui annonait la bonne nouvelle du Fils de Dieu ; mais celui qui tait auparavant dans l'ignorance et perscutait l'glise, celui-l mme, aprs qu'une rvlation lui fut venue du ciel et que le Seigneur se fut entretenu avec lui, comme nous l'avons montr au troisime livre, annonait la bonne nouvelle du Fils de Dieu, Jsus-Christ, crucifi sous Ponce Pilate, son ignorance antrieure ayant t abolie par sa connaissance subsquente. Il en alla de lui comme de ces aveugles que gurit le Seigneur : ceux-ci rejetrent leur ccit, pour recouvrer dans son intgrit la substance de leurs yeux et voir dornavant par ces yeux mmes par lesquels ils ne

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    voyaient pas jusque-l ; la ccit tait seulement abolie par la vue, mais la substance des yeux tait conserve, afin que, voyant dsormais par ces yeux par lesquels ils ne voyaient pas, ils rendent grces Celui qui leur avait fait recouvrer la vue. De mme aussi ceux dont le Seigneur gurit la main dessche et absolument tous ceux qu'il gurit n'changrent pas contre d'autres leurs membres ns du sein maternel ds le principe, mais recouvrrent ces membres mmes pleins de sant. Car l'Artisan de toutes choses, le Verbe de Dieu, celui-l mme qui a model l'homme au commencement, ayant trouv son ouvrage abm par le mal, l'a guri de toutes les manires possibles, tantt en restaurant tel ou tel membre particulier la manire dont il avait t model au commencement, tantt en rendant d'un seul coup l'homme une parfaite sant et intgrit afin de se le prparer en vue de la rsurrection. Et, de vrai, quel motif aurait-il eu de gurir les membres de chair et de les rtablir dans leur forme premire, si ce qu'il gurissait ne devait pas tre sauv ? Car, si l'avantage ainsi octroy par lui n'tait que temporaire, il n'accordait pas une bien grande faveur ceux qu'il gurissait. Ou encore, comment les hrtiques peuvent-ils dire que la chair ne peut recevoir de lui la vie, alors qu'elle a reu de lui la gurison ? Car la vie s'acquiert par la gurison, et l'incorruptibilit, par la vie. Celui qui donne la gurison donne donc aussi la vie, et celui qui donne la vie procure aussi l'incorruptibilit l'ouvrage par lui model. Qu'ils nous disent, en effet, ceux qui prtendent le contraire, c'est--dire qui nient leur salut : la fille dfunte du grand prtre, et le fils de la veuve qu'on emportait, mort, prs de la porte de la ville, et Lazare qui se trouvait dans le tombeau depuis quatre jours, en quels corps ressuscitrent-ils ? De toute vidence, en ceux en lesquels ils taient morts. Car, si ce ne fut pas en ceux-l, ce ne furent pas non plus ces morts mmes qui ressuscitrent. Mais, en fait, le Seigneur, dit l'criture, prit la main du mort et dit celui-ci : Jeune homme, je te le commande, lve-toi ! Et le mort se dressa sur son sant. Le Seigneur alors ordonna de lui donner manger et le rendit sa mre . De mme il appela Lazare d'une voix forte, en disant : Lazare, viens dehors ! Et le mort sortit, dit l'criture, les pieds et les mains lis de bandelettes . C'tait le symbole de l'homme enlac dans les pchs. C'est pourquoi le Seigneur dit : Dliez-le et laissez-le aller . De mme donc que ceux qui furent guris le furent en leurs membres qui avaient t malades et que les morts ressuscitrent dans leurs corps mmes, membres et corps recevant la gurison et la vie que donnait le Seigneur celui-ci prfigurait ainsi les choses ternelles par les temporelles et montrait qu'il tait Celui qui a le pouvoir de donner l'ouvrage par lui model la gurison et la vie, afin que l'on crt galement sa parole relative la rsurrection , de mme aussi la fin, au son de la trompette dernire , la voix du Seigneur, les morts ressusciteront, selon ce qu'il dit lui-mme : L'heure vient o tous les morts qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l'homme, et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour une rsurrection de vie, et ceux qui auront fait le mal, pour une rsurrection de jugement . Vains et vraiment infortuns sont donc ceux qui ne veulent pas voir des choses aussi videntes et aussi claires, mais fuient la lumire de la vrit, s'tant aveugls eux-mmes l'instar du malheureux dipe. Il arrive que des lutteurs novices, en se mesurant avec d'autres, saisissent de toutes leurs forces quelque partie du corps de leur adversaire et qu'ils soient jets terre par ce membre qu'ils treignent ; et, tandis qu'ils tombent, ils s'imaginent remporter la victoire, parce qu'ils s'agrippent farouchement ce membre qu'ils ont saisi d'emble, alors qu'en ralit leur chute les couvre de ridicule. Ainsi en va-t-il des hrtiques propos de la phrase : La chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu . En prenant Paul ces deux vocables, ils n'ont ni peru la pense de l'Aptre ni cherch comprendre la porte de ses paroles ; cramponns de simples mots sans plus, ils meurent contre ceux-ci, ruinant, autant qu'il est en leur pouvoir, toute l' "conomie" de Dieu.

    Il faut que ce qui est corruptible revte l'incorruptibilit Car, s'ils prtendent que cette parole a t dite de la chair proprement parler, et non des uvres de la chair, ainsi que nous l'avons montr, ils mettent l'Aptre en contradiction avec lui-mme, puisqu'aussitt aprs, dans la mme ptre, il dit en dsignant la chair : Il faut en effet que cet lment corruptible revte l'incorruptibilit

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    et que cet lment mortel revte l'immortalit. Lorsque cet lment mortel aura revtu l'immortalit, alors s'accomplira la parole de l'criture : La mort a t engloutie dans la victoire. mort, o est ton aiguillon ? mort, o est ta victoire ? Ces paroles seront dites juste titre lorsque cette chair mortelle et corruptible, en butte la mort, crase sous la domination de la mort, montera vers la vie et revtira l'incorruptibilit et l'immortalit : car c'est alors que sera vraiment vaincue la mort, lorsque cette chair, qui tait sa proie, chappera son pouvoir. Il dit encore aux Philippiens : Pour nous, notre cit est dans les cieux, d'o nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jsus, qui transfigurera notre corps d'abjection et le rendra conforme son corps de gloire par l'action de sa puissance . Quel est donc ce corps d'abjection que le Seigneur transfigurera et rendra conforme son corps de gloire ? De toute vidence, c'est ce corps qui s'identifie la chair, cette chair qui manifeste son abjection en tombant dans la terre. Mais la transfiguration par laquelle, de mortelle et corruptible, elle devient immortelle et incorruptible, ne vient pas de sa substance elle ; cette transfiguration vient de l'action du Seigneur, qui a le pouvoir de procurer l'immortalit ce qui est mortel et l'incorruptibilit ce qui est corruptible. C'est pourquoi l'Aptre dit dans sa seconde ptre aux Corinthiens : ... afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie. Or Celui qui nous dispose en vue de cela, c'est Dieu, qui nous a donn les arrhes de l'Esprit . C'est videmment de la chair qu'il parle, car ni l'me ni l'Esprit ne sont choses mortelles. Ce qui est mortel sera englouti par la vie, lorsque la chair ne sera plus morte, mais vivante, et qu'elle demeurera incorruptible, chantant un hymne au Dieu qui nous aura disposs en vue de cela. Afin donc que nous soyons disposs en vue de cela, il dit juste titre aux Corinthiens : Glorifiez Dieu dans votre corps . Car Dieu procure l'incorruptibilit. Ce qui prouve que l'Aptre ne parle pas d'un autre corps, mais du corps de chair, c'est qu'il dit aux Corinthiens avec une prcision excluant tout doute et toute ambigut : ... portant sans cesse avec nous en notre corps la mort de Jsus, afin que la vie de Jsus-Christ soit, elle aussi, manifeste dans notre corps : car si nous, les vivants, nous sommes livrs la mort cause de Jsus, afin que la vie de Jsus soit aussi manifeste dans notre chair mortelle... . Et que l'Esprit s'enlace la chair, il le dit dans la mme ptre : Vous tes une lettre du Christ rdige par nos soins, crite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos curs . Si donc, ds prsent, nos curs de chair sont capables de recevoir l'Esprit, quoi d'tonnant si, lors de la rsurrection, ils contiennent la vie que donnera cet Esprit ? propos de cette rsurrection, l'Aptre dit dans son ptre aux Philippiens : ... lui devenant conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible la rsurrection d'entre les morts . Ainsi donc, en quelle autre chair mortelle pourrait-on concevoir que soit manifeste la vie, sinon dans cette substance qui est galement mise mort cause de la confession de Dieu, ainsi qu'il le dit lui-mme : Si c'est avec des vues humaines que j'ai combattu contre les btes phse, quel profit m'en revient-il, si les morts ne ressuscitent pas ? Car, si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscit ; et si le Christ n'est pas ressuscit, notre prdication est vaine, vaine aussi votre foi. Et il se trouve mme que nous sommes de faux tmoins l'gard de Dieu, puisque nous avons tmoign qu'il a ressuscit le Christ, alors qu'il ne l'a pas ressuscit. Car, si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscit ; et si le Christ n'est pas ressuscit, votre foi est vaine, car vous tes encore dans vos pchs ; par consquent aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes plus dignes de piti que tous les autres hommes. Mais en fait, le Christ est ressuscit d'entre les morts, prmices de ceux qui se sont endormis. Car, puisque c'est par un homme qu'est venue la mort, c'est par un homme aussi que vient la rsurrection des morts . Ainsi donc, comme nous l'avons dj dit, ou bien les hrtiques prtendront que, dans tous ces textes, l'Aptre contredit sa propre assertion selon laquelle la chair et le sang ne peuvent hriter du royaume de Dieu , ou bien, une fois de plus, ils se verront contraints de donner, de tous ces textes, des interprtations vicieuses et forces, afin de pouvoir en pervertir et en altrer le sens. Car que pourront-ils dire de sens, s'ils tentent d'interprter autrement cette parole : Il faut en effet que cet lment corruptible revte l'incorruptibilit et que cet lment mortel revte l'immortalit , et cette autre : ... afin que la vie de Jsus soit manifeste dans notre chair mortelle , et toutes les autres paroles par lesquelles l'Aptre proclame ouvertement la rsurrection

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    et l'incorruptibilit de la chair ? Ils vont donc tre contraints d'interprter de travers toute cette multitude de textes, pour n'avoir pas voulu entendre correctement une seule phrase.

    Vous avez t rconcilis par son corps de chair Ce qui prouve bien que ce n'est pas la substance mme de la chair et du sang que Paul s'en prenait, quand il disait qu'ils ne peuvent hriter du royaume de Dieu, c'est le fait que l'Aptre s'est servi constamment, propos de notre Seigneur Jsus-Christ, des termes "chair" et "sang". Il entendait par l, d'une part, mettre en lumire l'humanit de celui-ci car le Seigneur lui-mme se disait Fils de l'homme , d'autre part, affirmer nergiquement le salut de notre chair car, si la chair ne devait pas tre sauve, le Verbe de Dieu ne se serait pas fait chair, et, s'il ne devait pas tre demand compte du sang des justes, le Seigneur n'aurait pas eu de sang . Mais en fait, depuis le commencement, le sang des justes lve la voix, comme le montrent les paroles adresses par Dieu Can, aprs que celui-ci eut tu son frre : La voix du sang de ton frre crie jusqu' moi . Et il sera demand compte de leur sang, comme le prouvent les paroles de Dieu No et ses compagnons : Du sang de vos mes je demanderai compte toute bte . Et encore : Quiconque rpand le sang d'un homme, son propre sang sera rpandu en compensation du sang vers . De mme aussi, le Seigneur disait ceux qui allaient rpandre son sang : II sera demand compte de tout le sang innocent rpandu sur la terre, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tu entre le sanctuaire et l'autel : en vrit, je vous le dis, tout cela viendra sur cette gnration . Il laissait entendre par l que l'effusion du sang de tous les justes et de tous les prophtes ayant exist depuis le commencement allait tre rcapitule en lui-mme et qu'il serait demand compte de leur sang en sa personne. Or, il ne serait pas demand compte de ce sang, si celui-ci ne devait tre sauv ; et le Seigneur n'aurait pas non plus rcapitul ces choses en lui-mme, s'il ne s'tait fait lui aussi chair et sang conformment l'ouvrage model aux origines, sauvant ainsi en lui-mme la fin ce qui avait pri au commencement en Adam. Par contre, si le Seigneur s'est incarn l'aide d'une autre "conomie", s'il a pris chair d'une autre substance, il s'ensuit qu'il n'a pas rcapitul l'homme en lui-mme : on ne peut mme plus le dire chair, puisque la chair, proprement parler, c'est ce qui succde l'ouvrage model aux origines au moyen du limon. Si le Seigneur avait d tirer d'une autre substance la matire de sa chair, le Pre aurait pris, l'origine, une autre substance pour en ptrir son ouvrage. Mais en fait, le Verbe sauveur s'est fait cela mme qu'tait l'homme perdu, effectuant ainsi par lui-mme la communion avec lui-mme et l'obtention du salut de l'homme. Or ce qui tait perdu possdait chair et sang, car c'est en prenant du limon de la terre que Dieu avait model l'homme, et c'est pour cet homme-l qu'avait lieu toute l' "conomie" de la venue du Seigneur. Il a donc eu, lui aussi, chair et sang, pour rcapituler en lui non quelque autre ouvrage, mais l'ouvrage model par le Pre l'origine, et pour rechercher ce qui tait perdu. C'est pourquoi l'Aptre dit dans son ptre aux Colossiens : Et vous aussi, vous tiez autrefois loigns de lui et ennemis de sa pense par vos uvres mauvaises ; mais maintenant vous avez t rconcilis en son corps de chair par le moyen de sa mort, pour vous prsenter devant lui saints, sans tache ni reproche . Vous avez t, dit-il, rconcilis en son corps de chair : cela, parce que la chair juste a rconcili la chair captive du pch et l'a rintroduite dans l'amiti de Dieu. Si donc quelqu'un dit que la chair du Seigneur tait autre que la ntre en ce qu'elle n'a pas pch et qu'il ne s'est pas trouv de fourberie en sa bouche , tandis que nous, nous sommes pcheurs, il parle correctement. Mais si cet homme s'imagine que la chair du Seigneur tait d'une autre substance que la ntre, la parole de l'Aptre relative la rconciliation perdra tout fondement ses yeux. Car qui dit rconciliation, dit rconciliation de ce qui s'est trouv autrefois dans l'inimiti. Or, si le Seigneur a pris chair d'une autre substance, il n'y a pas eu de rconciliation avec Dieu de cela mme qui tait devenu ennemi de Dieu par la transgression. Mais en fait, par la communion que nous avons avec lui, le Seigneur a rconcili l'homme avec le Pre, nous rconciliant avec lui-mme par son corps de chair et nous rachetant par son sang, selon ce que l'Aptre dit aux phsiens : En lui nous avons la rdemption acquise par son sang, la rmission de nos

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    pchs . Et encore : Vous qui jadis tiez loin, vous tes devenus proches, grce au sang du Christ . Et encore : Dans sa chair il a dtruit l'inimiti, la Loi avec ses commandements et ses dcrets . Au reste, dans toute cette ptre, l'Aptre atteste expressment que c'est par la chair de notre Seigneur et par son sang que nous avons t sauvs. Si donc la chair et le sang sont ce qui nous procure la vie, ce n'est pas proprement parler de la chair et du sang qu'il a t dit qu'ils ne peuvent hriter du royaume de Dieu, mais des actions charnelles dont nous avons parl : car ce sont elles qui, en dtournant l'homme vers le pch, le privent de la vie. Et c'est pourquoi l'Aptre dit dans son ptre aux Romains : Que le pch ne rgne donc pas dans votre corps mortel, de sorte que vous lui obissiez. Ne livrez pas vos membres au pch comme des armes d'injustice, mais livrez-vous vous-mmes Dieu, comme tant vivants, de morts que vous tiez, et livrez vos membres Dieu comme des armes de justice . Ainsi, par ces mmes membres, par lesquels nous tions esclaves du pch et portions des fruits de mort, il veut que nous soyons esclaves de la justice afin de porter des fruits de vie. Souviens-toi donc, ami trs cher, que tu as t rachet par la chair de notre Seigneur et acquis par son sang ; tiens-toi attach la tte, de laquelle le corps tout entier de l'glise reoit cohsion et accroissement , c'est--dire la venue charnelle du Fils de Dieu ; confesse sa divinit et adhre inbranlablement son humanit ; utilise aussi les preuves tires des critures : ainsi renverseras-tu aisment, comme nous l'avons montr, toutes les opinions inventes aprs coup par les hrtiques.

    DEUXIME PARTIE L'IDENTIT DU DIEU CRATEUR ET DU DIEU PRE PROUVE PAR TROIS FAITS

    DE LA VIE DU CHRIST 1. LA GURISON DE L'AVEUGLE-N La rsurrection promise par le Dieu Crateur Que Celui qui a cr l'homme au commencement lui ait promis la seconde naissance aprs sa dissolution dans la terre, Isae en fait foi lorsqu'il dit : Les morts ressusciteront, ceux qui sont dans les tombeaux se lveront et ceux qui sont dans la terre se rjouiront, car la rose qui vient de toi est pour eux une gurison . II dit encore : Je vous consolerai, et dans Jrusalem vous serez consols ; vous verrez, et votre cur sera dans la joie, et vos os pousseront comme l'herbe, et la main du Seigneur se fera connatre ceux qui l'honorent . zchiel dit de son ct : La main du Seigneur fut sur moi, et le Seigneur me fit sortir en esprit et me plaa au milieu de la plaine, et celle-ci tait remplie d'ossements. Il me fit passer prs d'eux tout autour ; et voici qu'ils taient en trs grand nombre sur la surface de la plaine et tout fait desschs. Et il me dit : Fils de l'homme, ces ossements revivront-ils ? Je rpondis : Seigneur, tu le sais, car c'est toi qui les as faits. Il me dit : Prophtise sur ces ossements et dis-leur : Ossements desschs, coutez la parole du Seigneur ! Ainsi parle le Seigneur ces ossements : Voici que je vais amener sur vous l'Esprit de vie ; je mettrai sur vous des muscles, je ramnerai sur vous de la chair, j'tendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous mon Esprit, et vous vivrez, et vous saurez que je suis le Seigneur. Et je prophtisai comme il m'en avait donn l'ordre. Et comme je prophtisais, il y eut un tremblement de terre, et les os s'embotrent les uns dans les autres. Et je vis, et voici que des muscles et de la chair s'taient forms sur eux et qu'une peau s'tait tendue par-dessus, mais l'Esprit n'tait pas encore en eux. Et il me dit : Prophtise sur l'Esprit, prophtise, fils de l'homme, et dis l'Esprit : Ainsi parle le Seigneur : Viens des quatre vents et souffle sur ces morts, et qu'ils vivent. Et je prophtisai comme il m'en avait donn l'ordre. Et l'Esprit entra en eux, et ils reprirent vie, et ils se tinrent sur leurs pieds : c'tait une trs, trs grande arme . Le mme zchiel dit encore : Ainsi parle le Seigneur : Voici que je vais ouvrir vos tombeaux, et je vous ferai sortir de vos tombeaux, et je vous introduirai dans la terre d'Isral. Et vous saurez que je suis le Seigneur, quand j'ouvrirai vos tombeaux pour faire sortir des tombeaux mon peuple. Je mettrai mon Esprit en vous, et

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    vous vivrez, et je vous tablirai sur votre terre, et vous saurez que je suis le Seigneur. J'ai parl et je l'excuterai, dit le Seigneur . Ainsi donc, le Crateur vivifie ds ici-bas nos corps mortels, comme il est loisible de le voir ; il leur promet, de surcrot, la rsurrection et la sortie hors des spulcres et des tombeaux, et il leur accordera l'incorruptibilit car, est-il dit, leurs jours seront comme l'arbre de vie : ds lors la preuve est faite que le seul Dieu c'est lui, qui fait ces choses, et que lui-mme est le bon Pre qui, par pure bont, accorde la vie aux tres qui ne la possdent pas par eux-mmes.

    La gurison de l'aveugle-n, rvlation de l'action cratrice du Verbe aux origines de l'humanit Voil pourquoi le Seigneur a montr trs clairement ses disciples qui il est lui-mme et qui est le Pre, afin qu'on ne cherche plus un autre Dieu que Celui qui a model l'homme et l'a gratifi du souffle de vie et qu'on n'aille plus jusqu' cet excs de folie d'imaginer faussement un autre Pre au-dessus du Crateur. En effet, tous les autres malades, c'est--dire ceux qui se trouvaient frapps de maladies cause d'une transgression qu'ils avaient commise, le Seigneur les gurissait par une parole. Et c'est pour ce motif qu'il disait : Te voil guri ; ne pche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire , manifestant par l que c'tait cause du pch de dsobissance que les maladies avaient assailli les hommes. Par contre, lorsqu'il eut affaire l'aveugle-n, ce ne fut plus par une parole, mais par un acte, qu'il lui rendit la vue : il en agit de la sorte non sans raison ni au hasard, mais afin de faire connatre la Main de Dieu qui, au commencement, avait model l'homme. Et c'est pourquoi, comme les disciples lui demandaient par la faute de qui, de lui-mme ou de ses parents, cet homme tait n aveugle, le Seigneur dclara : Ni lui n'a pch, ni ses parents, mais c'est afin que les uvres de Dieu soient manifestes en lui . Ces "uvres de Dieu" sont le modelage de l'homme, car c'est bien par un acte qu'il avait effectu ce modelage, selon ce que dit l'criture : Et Dieu prit du limon de la terre, et il modela l'homme . C'est pour cela que le Seigneur cracha terre, fit de la boue et en enduisit les yeux de l'aveugle, montrant par l de quelle faon avait eu lieu le modelage originel et, pour ceux qui taient capables de comprendre, manifestant la Main de Dieu par laquelle l'homme avait t model partir du limon. Car ce que le Verbe Artisan avait omis de modeler dans le sein maternel, il l'accomplit au grand jour, afin que les uvres de Dieu soient manifestes en lui et que nous ne cherchions plus ni une autre Main par laquelle aurait t model l'homme, ni un autre Pre, sachant que la Main de Dieu qui nous a models au commencement et nous modle dans le sein maternel, cette mme Main, dans les derniers temps, nous a recherchs quand nous tions perdus, a recouvr sa brebis perdue, l'a charge sur ses paules et l'a rintgre avec allgresse dans le troupeau de la vie. Que le Verbe de Dieu nous modle dans le sein maternel, Jrmie l'affirme : Avant de te modeler dans le ventre de ta mre, je t'ai connu, et avant que tu sois sorti de son sein, je t'ai sanctifi et je t'ai tabli prophte pour les nations . Paul dit pareillement : Lorsqu'il plut Celui qui m'avait mis part ds le sein de ma mre, afin que je l'annonce parmi les gentils... . Ainsi donc, puisque nous sommes models dans le sein maternel par le Verbe, ce mme Verbe remodela les yeux de l'aveugle-n : il fit ainsi apparatre au grand jour Celui qui nous modle dans le secret, car c'tait bien le Verbe lui-mme qui s'tait rendu visible aux hommes ; il fit en mme temps connatre le modelage originel d'Adam, c'est--dire de quelle manire Adam avait t fait et par quelle Main il avait t model, et il fit voir le tout l'aide de la partie, car le Seigneur qui remodela les yeux tait Celui qui avait model l'homme tout entier en excutant la volont du Pre. Et parce que, en cette chair modele selon Adam, l'homme tait tomb dans la transgression et avait besoin du bain de la rgnration, le Seigneur dit l'aveugle-n aprs lui avoir enduit les yeux de boue : Va te laver la piscine de Silo , lui octroyant ainsi simultanment le modelage et la rgnration opre par le bain. Aussi, aprs s'tre lav, s'en revint-il voyant clair , afin tout la fois de reconnatre Celui qui l'avait model et d'apprendre quel tait le Seigneur qui lui avait rendu la vie.

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    Une seule terre, un seul Dieu, un seul Verbe Ils s'garent donc, les disciples de Valentin, lorsqu'ils prtendent que l'homme n'a pas t model au moyen de cette terre, mais l'aide de la matire fluide et inconsistante . Car il est clair que la terre avec laquelle le Seigneur remodela les yeux de l'aveugle-n tait aussi celle avec laquelle l'homme avait t model l'origine. Il n'et pas t logique de modeler les yeux avec une matire, et le reste du corps avec une autre : tout comme il ne serait pas logique que quelqu'un et model le corps, et un autre les yeux. Mais Celui qui avait model Adam au commencement et qui le Pre avait dit : Faisons l'homme notre image et notre ressemblance , Celui-l mme, s'tant manifest aux hommes la fin des temps, remodela les yeux de celui qui, issu d'Adam, tait n aveugle. Et c'est pour cette raison que l'criture, voulant signifier l'avenir, rapporte qu'au moment o Adam s'tait cach la suite de sa dsobissance, le Seigneur tait venu lui, le soir, et l'avait appel, en lui disant : O es-tu ? Et cela parce que, dans les derniers temps, le mme Verbe de Dieu est venu appeler l'homme, lui rappelant ses uvres parmi lesquelles l'homme vivait lorsqu'il s'tait drob aux yeux de Dieu. Car, de mme qu'autrefois Dieu avait parl Adam le soir pour le rechercher, de mme dans les derniers temps, par la mme Voix, il a visit la race d'Adam pour la rechercher. Et que le modelage d'Adam ait t effectu au moyen de cette terre qui est ntre, l'criture l'atteste lorsqu'elle rapporte ces paroles de Dieu Adam : Tu mangeras ton pain la sueur de ton visage, jusqu' ce que tu retournes la terre d'o tu as t pris . Si donc nos corps retournaient dans quelque autre terre aprs la mort, il s'ensuivrait que c'est d'elle qu'ils tireraient leur origine. Mais s'ils retournent en cette terre mme, il est clair que c'est galement au moyen de celle-ci que le modelage d'Adam a t effectu, comme d'ailleurs le Seigneur l'a manifest en remodelant au moyen de celle-ci les yeux de l'aveugle-n. Si donc, d'une faon prcise, a t montre la Main de Dieu par laquelle fut model Adam et par laquelle nous avons t models notre tour, s'il n'y a qu'un seul et mme Pre dont la Voix est prsente, du commencement la fin, l'ouvrage par elle model, et si enfin la substance de cet ouvrage model que nous sommes a t clairement indique dans l'vangile, il ne faut plus chercher d'autre Pre que celui-l, ni d'autre substance de cet ouvrage model que celle que nous avons dj dite et que le Seigneur a montre, ni d'autre Main de Dieu que celle qui, du commencement la fin, nous modle, nous ajuste en vue de la vie, est prsente son ouvrage et le parfait l'image et la ressemblance de Dieu. La vrit de tout cela apparut lorsque le Verbe de Dieu se fit homme, se rendant semblable l'homme et rendant l'homme semblable lui, pour que, par la ressemblance avec le Fils, l'homme devienne prcieux aux yeux du Pre. Dans les temps antrieurs, en effet, on disait bien que l'homme avait t fait l'image de Dieu, mais cela n'apparaissait pas, car le Verbe tait encore invisible, lui l'image de qui l'homme avait t fait : c'est d'ailleurs pour ce motif que la ressemblance s'tait facilement perdue. Mais, lorsque le Verbe de Dieu se fit chair, il confirma l'une et l'autre : il fit apparatre l'image dans toute sa vrit, en devenant lui-mme cela mme qu'tait son image, et il rtablit la ressemblance de faon stable, en rendant l'homme pleinement semblable au Pre invisible par le moyen du Verbe dornavant visible.

    2. LA CRUCIFIXION La dsobissance par le bois rpare par l'obissance sur le bois Ce n'est pas seulement par ce qui vient d'tre dit que le Seigneur a fait connatre le Pre et s'est fait connatre lui-mme : c'est aussi par sa Passion. Car, pour dtruire la dsobissance originelle de l'homme, qui s'tait perptre par le bois, il s'est fait obissant jusqu' la mort, et la mort de la croix , gurissant ainsi par son obissance sur le bois la dsobissance qui s'tait accomplie par le bois. Or il ne serait pas venu dtruire au moyen des mmes choses la dsobissance commise l'gard de Celui qui nous avait models, s'il avait annonc un autre Pre. Mais en fait, c'est par ces mmes choses, par lesquelles nous avions t dsobissants Dieu et indociles sa paro