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Date : 11 MARS 17 Pays : France Périodicité : Quotidien OJD : 163692 Journaliste : Christine Zimmer Page 1/1 STRASBOURG 0600870500503 Tous droits réservés à l'éditeur STRASBOURG Lazare, artiste associé au TNS Sombre rivière, théâtre emporté Lazare, artisteassociéauTNS,aécrituntextepoétiqueetengagépour dire cequinevapas dans lasociétéetsesroutinesetouvrirgrandlesportesdumondequinousentoure. N ous sommes a quel ques jours de la prenne r e r e p r é s e n t a lion Sur le plateau de la salle Koltes, Lazare, metteur en scene et écrivain de theâtre reprend avec les acteurs et les ac tnces les derniers elements qu'il faut modifier ou affiner dans le spectacle a venir Sombre riviere Concentration extrême Discus sions serrées Explications preel ses Le texte, d'essence poétique, qu'il a lui même écrit, comme pour chaque creation, est ne au mo ment des attentats de Paris L'ar liste raconte avoir a ce moment la senti le besoin de téléphoner a sa maman et au metteur en scene Claude Regy Sa maman parce que, explique t il, « une partie de mon écriture est liee a l'histoire de ma mere en Algerie » « J'ai écrit précédera ment des pieces qui racontent son passe et son monde » « Je l'ai appelée aussi parce qu'elle est re hgieuse et que je ne le suis pas » Claude Regy, lui, « m'indique des choses a reflechir et a penser » « Ce sont deux personnes que j'arme et que je crains de voir dis paraître » confie t il Sombre riviere s'mscnt dans une continuité d'écriture et de re flexion Passe je ne sais ou qui revient traite des massacres de Setif et Guelma en 1945 en Alge ne Au pied du mur sans porte évoque la crise des banlieues en France , Rabah Robert tourne autour de la guerre d'Algérie II y a, poursuit Lazare, « une am nesie de l'histoire française que Dire, chanter, jouer, s engager (PHOTO JEAN LOUIS FERNANDEZ) je traite depuis dix ans » « Cette amnésie apparaît dans Sombre ri mere », un texte saccade, vif, em porte, incisif qui essaie de faire barrage contre I adversité, de de miner le present « de perdre le malheur », d'interroger, dit il, « la joie, le désir, le "faire societe ensemble" » Et d'adresser des reproches au monde politique, a propos de ces « gens parques de l'autre côte du monde » sans que l'on ne cree de passerelles, comme a propos de ceux que l'on tient a l'écart, lom de la solidarite nationale Le texte remonte le temps aussi, a l'époque du general Bugeaud qui « a procede en Algerie a une politique de la terre brûlée, a Tex termination des hommes et de leurs troupeaux » Des fragments de texte seront chantes La musique tiendra une place importante « J'essaie, dit l'auteur metteur en scene, de de placer la perception des choses » Et d'intégrer « le roman de Laza re », dit il modestement, « un ga rmn de quartier qui a rencontre le Theâtre du fil et un metteur en scene pour gamins des rues Jac ques Miquel » Sombre riviere est par ailleurs une reflexion sur le theâtre et l'acteur, sur son possible « Ce méchant Lazare me force a dire des textes bizarres » entend-on au détour d'une phrase « Vous ne vous rendez pas compte a quel point on peut souffrir quand on est un personnage » Et Lazare d'expliquer sa maniere d'écrire «Je fonctionne beau coup sur des visions, j'écris au delà de ce que je comprends II y a des choses qui échappent, eon fie t il, tout n'est pas explique » Sombre riviere poursuit il, est nee d'une accumulation d'ecntu re et de lectures Tout cela « se retrouve dans un etat naturel, comme un jardin sauvage dont je taille les haies, parfois je regrette d'avoir taille, j'ai l'impression d'avoir saccage » Au détour d'une phrase, il revient sur son propre enracinement dans la societe, dans le quoti dien II dit vivre « entre deux mondes, celui de sa mere illettrée et celui de Claude Regy » Et pour suit « fai écrit des pieces poilu ques car la situation est ainsi » Donner a voir ce qui est volontai rement cache, donne a reflechir Changer les perspectives i CHRISTINE ZIMMER I Du 14 au 25 mars salle Koltes du TNS 03 88 24 88 O O ou www tns fr

STRASBOURG Sombre rivière, théâtre emporté...une forme qui ne ressemble à personne sauf à lui-même et à son band , à sa bande : tous ceux qui sont sur la scène sont des producteurs

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Date : 11 MARS 17

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 163692

Journaliste : Christine Zimmer

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STRASBOURG 0600870500503Tous droits réservés à l'éditeur

STRASBOURG Lazare, artiste associé au TNS

Sombre rivière, théâtre emportéLazare, artisteassociéauTNS,aécrituntextepoétiqueetengagépour dire cequinevapas dans

lasociétéetsesroutinesetouvrirgrandlesportesdumondequinousentoure.

N ous sommes a quelques jours de la prenner e r e p r é s e n t alion Sur le plateau

de la salle Koltes, Lazare, metteuren scene et écrivain de theâtrereprend avec les acteurs et les actnces les derniers elements qu'ilfaut modifier ou affiner dans lespectacle a venir Sombre riviereConcentration extrême Discussions serrées Explications preelsesLe texte, d'essence poétique, qu'ila lui même écrit, comme pourchaque creation, est ne au moment des attentats de Paris L'arliste raconte avoir a ce momentla senti le besoin de téléphoner asa maman et au metteur en sceneClaude RegySa maman parce que, explique til, « une partie de mon écritureest liee a l'histoire de ma mere enAlgerie » « J'ai écrit précéderament des pieces qui racontentson passe et son monde » « Je l'aiappelée aussi parce qu'elle est rehgieuse et que je ne le suis pas »Claude Regy, lui, « m'indique deschoses a reflechir et a penser »« Ce sont deux personnes quej'arme et que je crains de voir disparaître » confie t ilSombre riviere s'mscnt dans unecontinuité d'écriture et de reflexion Passe je ne sais ou quirevient traite des massacres deSetif et Guelma en 1945 en Algene Au pied du mur sans porteévoque la crise des banlieues enFrance , Rabah Robert tourneautour de la guerre d'AlgérieII y a, poursuit Lazare, « une amnesie de l'histoire française que

Dire, chanter, jouer, s engager (PHOTO JEAN LOUIS FERNANDEZ)

je traite depuis dix ans » « Cetteamnésie apparaît dans Sombre rimere », un texte saccade, vif, emporte, incisif qui essaie de fairebarrage contre I adversité, de deminer le present « de perdre lemalheur », d'interroger, dit il,« la joie, le désir, le "faire societeensemble" »Et d'adresser des reproches aumonde politique, a propos de ces« gens parques de l'autre côte dumonde » sans que l'on ne cree depasserelles, comme a propos deceux que l'on tient a l'écart, lomde la solidarite nationaleLe texte remonte le temps aussi,a l'époque du general Bugeaud

qui « a procede en Algerie a unepolitique de la terre brûlée, a Textermination des hommes et deleurs troupeaux »Des fragments de texte serontchantes La musique tiendra uneplace importante « J'essaie, ditl'auteur metteur en scene, de deplacer la perception des choses »Et d'intégrer « le roman de Lazare », dit il modestement, « un garmn de quartier qui a rencontre leTheâtre du fil et un metteur enscene pour gamins des rues Jacques Miquel »Sombre riviere est par ailleursune reflexion sur le theâtre etl'acteur, sur son possible « Ce

méchant Lazare me force a diredes textes bizarres » entend-onau détour d'une phrase « Vousne vous rendez pas compte a quelpoint on peut souffrir quand onest un personnage »Et Lazare d'expliquer sa maniered'écrire «Je fonctionne beaucoup sur des visions, j'écris audelà de ce que je comprends II y ades choses qui échappent, eonfie t il, tout n'est pas explique »Sombre riviere poursuit il, estnee d'une accumulation d'ecnture et de lectures Tout cela « seretrouve dans un etat naturel,comme un jardin sauvage dont jetaille les haies, parfois je regrette

d'avoir taille, j'ai l'impressiond'avoir saccage »Au détour d'une phrase, il revientsur son propre enracinementdans la societe, dans le quotidien II dit vivre « entre deuxmondes, celui de sa mere illettréeet celui de Claude Regy » Et poursuit « fai écrit des pieces poiluques car la situation est ainsi »Donner a voir ce qui est volontairement cache, donne a reflechirChanger les perspectives i

CHRISTINE ZIMMER

I Du 14 au 25 mars salle Koltesdu TNS 03 88 24 88 O O ouwww tns fr

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Date : 21/03/2017Heure : 08:29:08Journaliste : jean-pierre thibaudat

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« Sombre rivière » par Lazare et Cie : un sublime bazar chanté,dansé et joué !Au Théâtre national de Strasbourg où il est artiste associé, Lazare crée « Sombre rivière ». Une pièce ?Bien plus que cela. Servie par une équipe phénoménale, une œuvre accomplie où la musique, la danse et laprofération rivalisent de complicité. Un éblouissant spectacle-somme.

Scène de "Sombre rivière © Jean-Louis Fernandez En ces temps de déprime et de peur où la Marine noussort par les narines, où le Macron nous bouffe les rognons, où le Mélenchon et le Hamon jouent aux cons, oùle Fillon montre son vrai visage d’Harpagon poltron, et où le Hollande glande, v’là que déboule un puissantcontre-feux, une marmite explosive mettant sous pression les vents de l’Histoire, la grande et la petite jouantau coude-à-coude. Voici que surgissent Lazare et son scenic band , des loustics en surmultipliés, à lafois musicos, tchatcheurs, rappeurs, slameurs, danseurs de tout, acteurs à tout va et activistes porte-paroledu poète.

Une langue, un univers

Lazare n’apparaît pas en scène, mais se glisse dans chacun. Cela s’appelle Sombre rivière comme un vieuxblues des Noirs de la Nouvelle Orléans, c’est plein de blessures, de morts, de mal de vivre. C’est tout autantplein de traversées giboyeuses faites de chansons, de galops, d’ivresse, de mots en rut et de poésie brute,de danses déjantées, de costumes invraisemblables. Cela dépote à tout bout de champ en tirant à vue sur lesdémons, les obsessions du temps présent et sur celles propres à Lazare, à la fois auteur et metteur en scène.

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Date : 21/03/2017Heure : 08:29:08Journaliste : jean-pierre thibaudat

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C’est aussi un spectacle somme qui fait retour incidemment sur son parcours ; sa formation initiale au Théâtredu Fil (théâtre de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse), le TGP dont il pousse la porte, sesrencontres fécondes avec François Tanguy et Claude Régy, ses performances d’improvisateurs, ses errances.Et puis sa rencontre avec Anne Baudoux, en 2006 la fondation de sa compagnie nommée Vita Nova (nomemprunté à Dante) et une première grande pièce qu’il met lui-même en scène et que l’on découvre un soirau Studio Théâtre de Vitry (dirigé alors par Daniel Jeanneteau), un choc. La découverte d’une langue et d’ununivers, cela s’appelait Passé-je ne sais où, qui revient (lire ici ). Puis une affirmation de plus en plus netted’une rythmique scénique très personnelle à travers les deux autres volets de ce qui apparaît alors commeune trilogie : Au pied du mur sans porte (lire ici ) et Rabah Robert (lire ici ), les deux premiers titres dela trilogie étant empruntés à Fernando Pessoa.

Plus récemment, Petits contes d’amour et d’obscurité (lire ici ) peut apparaître à rebours comme une amorcede ce qui explose et se déploie frénétiquement aujourd’hui dans Sombre rivière : un texte plus que jamaisinséparable du spectacle qu’il engendre et sans cesse réévalué au fil des répétitions.

Un genre monstre

Sombre rivière n’est pas simplement une pièce de théâtre, c’est un genre monstre en soi. Un genre horsgenres que les mots opéra, comédie musicale ou revue ne résument pas mais qui peuvent apparaître commed’utiles panneaux indicateurs (en particulier pour les programmateurs soucieux de mettre toute création dansune case). La poétique de Lazare est irréductible à toute catégorie connue, elle se fonde sur le débordement,la relance permanente, le déraillement, les croisements, le partage ; le geste y accompagne ou précède laparole, la musique est porteuse de mots et inversement. C’est du théâtre (cet art attrape-tout) effréné oùla danse et la musique font jeu égal avec le poème. Ce spectacle consacre Lazare. Il invente et accomplitune forme qui ne ressemble à personne sauf à lui-même et à son band , à sa bande : tous ceux qui sontsur la scène sont des producteurs de formes à partir du riche livret que constituent les brassées de textesapportés par Lazare.

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Date : 21/03/2017Heure : 08:29:08Journaliste : jean-pierre thibaudat

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Scène de "Sombre rivière" © Jean-Louis FernandezTout commence après les attentats de la fin 2015. Depuis, « quelque chose s’est retourné à l’intérieur », écrit-il. Lazare passe deux coups de fil. L’un à sa mère, algérienne, ne sachant pas écrire et parlant mal le français.L’autre à Claude Régy, ce grand chirurgien des mots des autres, ce maître incontesté de l’intensité scénique.Ces coups de téléphone donnent naissance à deux gestes poétiques « Allô Claude » et « Allô maman » queLazare apporte au début des répétitions avec quelques chansons plus anciennes. La suite est une alchimiejournalière dont nous ne voyons que la surface visible : Sombre rivière .

Les deux coups de téléphone cernent, de fait, les deux lignes qui fondent l’écriture de Lazare. La ligne intimequi se rattache à sa famille et qui traverse la trilogie depuis le grand-père tué par les Français en mai 1945à Guelma , la vie après en Algérie puis l’arrivée en France de sa mère, femme de ménage, jusqu’à lui,son fils, Lazare, réincarné en Libellule (que l’on retrouve dans Sombre rivière ), double et frère à la fois,enfant turbulent, ado naïf et frondeur. Et l’autre ligne, disons culturelle et cosmique, toutes ces œuvres aveclesquelles ses textes dialoguent, de Dante à Büchner, de Lenz à Sarah Kane, tous ces événements quil’ébranlent. Revenant d’entre les morts, Sarah Kane dit à l’acteur incarnant Lazare : « je suis revenue pourheurter ta pensée. » Les morts qui habitent le poète sont des deux côtés, ceux des attentats et ceux deGuelma. S’adressant à eux tous, il leur lance : « j’écris les morts qui sont dans mon corps. » Les morts letraitent de « bouffon ». Ce n’est pas seulement une moquerie, c’est aussi un hommage : Sombre rivière

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Date : 21/03/2017Heure : 08:29:08Journaliste : jean-pierre thibaudat

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est une extraordinaire bouffonnerie. Lazare poursuit : « tous les livres que j’ai lus travaillent avec moi quandj’écris » ; et plus loin : « je vis ma vie comme un spectre / c’est pour ça que je délire. j’ai envie qu’elle soitréelle ma vie ».

« Tu es né en France mais t’es un Arabe »

Pas de fable durable, pas de personnages monolithiques, exception peut-être pour Anne Baudoux qui jouela mère et aussi son propre rôle, Anne, la vigile de tous les instants. Sa présence auprès de Lazare depuisle début de la trilogie est essentielle. Au générique, elle apparaît comme actrice et comme collaboratriceartistique, tout comme Marion Faure qui travaille avec Lazare depuis 2007 et a une formation qui oscille entrela danse et la vidéo. On retrouve Mourad Mousset, le créateur de Libellule dans les précédents spectacles,Olivier Leite, connu au Théâtre du Fil qui a créé plusieurs groupes de musiques avec Mourad. Julien Héga,Veronika Soboljevski et Louis Jeffroy ont des formations de musiciens, Ludmilla Dabo est une actrice, toutcomme Laurie Bellanca qui s’intéresse au médium radiophonique. Julien Villa vient des compagnies deSylvain Creuzevault et Jeanne Candel. Tous jouent d’un instrument ou de plusieurs, tous dansent, touschantent, tous portent haut le poème de Lazare qui gicle par pulsions, Lazare appelle cela des « appels ».

Rien de didactique, rien de compassionnel dans cette séquence, très belle, où Libellule et sa mère dialoguent,lui affirmant qu’il est un Français né en France et elle rétorquant : « tu es né en France mais t’es un Arabe ».Belle séquence également, celle où Lazare filme le visage de sa mère, laquelle, au moment de parler, évacueson empêchement dans des éclats de rire.

L’enfance, les contes de l’enfance et les costumes qui vont avec surgissent de façon impromptue et cocassecomme il arrive quand, vingt ans après, on se met à fredonner une chanson apprise alors que l’on était enfant.C’est plein de gags, de blagues, ça n’arrête pas de passer du coq à l’âne, on voit même Antonin Artaudhabillé en moine et un homme devenu aspirateur. Pas de cloisons, pas de frontières. La scène est le mondeet réciproquement. Shakespeare le disait déjà, Lazare l’arpente à sa manière, sautillant entre les époques,virevoltant entre les arts, partageant le pain et le vin de ses mots entremêlés qui viennent de la rue, de sesrêves, de son imaginaire, de l’ivresse et des auteurs aimés. Dans son œuvre déjà conséquente, Sombrerivière , qui traverse tout son parcours, constitue la première apothéose.

Théâtre national de Strasbourg, 20h tous les soirs sf sam 25 à 16h ;

MC93 au Nouveau théâtre de Montreuil, 20h tous les soirs, du 29 mars au 6 avril ;

Théâtre Liberté à Toulon, le 28 avril.

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Date : 21 MARS 17

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Journaliste : Christine Zimmer

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STRASBOURG Sombre rivière au TNS jusqu'au 25 mars

Le vivre ensemblecoule de source

Lazare, artiste associé auTNS, passe le monde aucrible de son imaginaire etde ses convictions.

SOMBRE RIVIERE a été très cha-leureusement applaudi lors dela premiere au TNS Et le créa-teur, écrivain et metteur en scè-ne Lazare, pour être sûr que sonmessage passe bien, est venusaluer le public et lui dire deparler de ce spectacle autour delui.Le texte de Lazare brouille lescodes, rappelle la création desdadaïstes, emploie un langageparfois cru, parfois poétique,parfois pensif, drôle, fonctionnepar associations multiples, colo-

rées et foutraques, parle du vivreensemble comme il est et sur-tout comme il pourrait être, de-vrait être, joyeux, déjanté, déca-lé, attentif à l'autre, a celui venud'ailleurs peut-être maîs ici de-puis si longtemps ou pasEt rit de lui-même « Ce mé-chant Lazare... me force à diredes textes bizarres » Puise dansla grande famille théâtrale etlittéraire, fait se révolter les per-sonnages « Moi, je rêve de mejeter dans l'herbe fraîche et res-pirer autre chose que l'air condi-tionne, parce que je suis tout letemps malade comme personna-ge. » Ou encore : « Je suis obligéde déblatérer des trucs sur desproblèmes que je ne connais pasla galère d'Algérie, la crise des

banlieues... » Les mots roulent,explosent, s'entortillent, s'em-mêlent puis s'éclairent les unsles autres, de diverses manièreschez les regardants-écoutantsEt de tout ce jaillissement deparoles, d'images, de sons, decorps, d'effets de lumiere, d'ins-truments de musique qui s'en-trechoquent (la contrebasse et labatterie ; le rai, le rock et Beetho-ven), s'accompagnent, s'asso-cient ou se délient, un mondeémerge, comme un mirage, re-fait, redessiné et couture tel unhabit de clown, un clown qui saitrire et pleurer maîs aussi remet-tre deux, trois choses et bienplus que cela, a leur juste place.L'imaginaire va, court, vole, sedébride. La mere de Lazare et

Lin jaillissement de sons, lumieres et paroles, ts j L HKNf N

Claude Regy, êtres chers et ir-remplaçables, sont conviés enmots (et en image pour la pre-miere), le pere aussi mort jeune.La société est décortiquée, la pla-ce qu'elle laisse a l'Arabe notam-ment, l'histoire des colonies. Il ya urgence à dire, à transmettre, àrelier, a défaire, les attentatssurgissent dans le discours linelongue litanie de « c'est la fautea qui » se déroule. Les corps bou-

gent, se déhanchent, se déchaî-nent, dansent, remuent. On di-rait qu'un volcan est en éruptionsur scene qui change sans cessede configuration et ce faisantremodèle le paysage intérieur,refaçonne le monde avec joie,détermination et conviction, i

CHRISTINE ZIMMER

I Jusqu'au 25 mars au TNS£03 88 24 88 00 ou www tns fr

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Date : 20/03/2017Heure : 09:23:05Journaliste : Véronique hotte

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Sombre Rivière, texte et mise en scène de LazareCrédit Photo : Jean-Louis Fernandez

Sombre Rivière , texte et mise en scène de Lazare , artiste associé au Théâtre National de Strasbourg

Sombre Rivière , dernière création de Lazare, s’annonce comme la clôture des spectacles précédents,dessinant dans le même temps une ouverture vers un nouveau cycle. Ce théâtre en marche a sa cohérence :les massacres de Sétif et Guelma en 1945 en Algérie inspirent les récits de Passé – je ne sais où, qui revient, tandis que la crise des banlieues françaises se glisse dans Au Pied du mur sans porte et la Guerre d’Algériedans Rabah Robert – touche ailleurs que là où tu es né .

Le matériau de Sombre Rivière évoque les blessures de la séparation entre Français dits « de souche »– expression honteuse qui rappelle la séparation grotesque du noble et du bourgeois dans George Dandin– , qui se pensent habilités à « dominer » les Français issus de l’immigration, selon les restes d’une tristehistoire coloniale.

Or, le fourmillement du monde donne rendez-vous à Lazare sur la scène du T.N.S.

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Date : 20/03/2017Heure : 09:23:05Journaliste : Véronique hotte

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Foin désormais des amertumes et des chagrins, place au refus joyeux des ségrégations, à travers la miseen lumière privilégiée de l’imaginaire et ses pouvoirs :

« Je veux qu’elle soit réelle ma vie », dit Lazare – protagoniste scénique sincère.

Les comédiens sur la scène passent de la déclamation à la danse, du chant aux acrobaties, des revendicationsintimes au plaisir convivial de partager et d’échanger.

Olivier Leite, Mourad Musset et Julien Villa sont trois acteurs – casquette vissée à l’arrière de la tête et chemiseimprimée – à incarner le peps du narrateur confident. Trois joyeux drilles qui se démènent et sautent tous lesobstacles sans jamais se lasser, prêts à exister dans le seul plaisir d’être au-delà des ressassements plaintifs.

Anne Baudoux, la collaboratrice, l’âme-sœur, s’amuse d’une présence qui illumine le plateau de théâtre, sedéplaçant et dansant dans la maîtrise d’une belle énergie.

La musicienne et gracieuse interprète Laurie Bellanca, la contrebassiste Veronika Soboljevski, l’actrice etchanteuse de grand feeling Ludmila Dabo, la musicienne et actrice inventive Julie Héga, le compositeur-interprète et batteur Louis Jeffroy, tous édifient un chœur aimablement enchanteur et festif qui ravit lespectateur bousculé.

Sur le plateau, règne la bonne humeur, selon la scénographie déstructurée d’Olivier Brichet, avec mur-panneau de bois et portes qui claquent, symbolisant des temps récents et récurrents où l’on ferme encorela porte à l’intrus – l’étranger ; à l’arrière, sur un niveau surélevé, se distingue l’intérieur modeste d’unappartement, avant que les lumières de Christian Dubet n’exercent leur magie et ne fassent éclater lesscintillements de l’univers fantastique des songes et des chorégraphies ludiques.

Pour le concepteur, le théâtre peuple les solitudes de mondes autres, mêlant passé, présent et avenir, quandles disparus ont droit de cité dans la présence des vivants.

Langage quotidien, prose élaborée et écriture poétique, une parole rythmée s’initie et s’accomplit à traversles silences et les percussions vive des mots, le souffle de la marche et ce sentiment intime et précis d’exister,à l’écoute des battements du cœur.

Une vitalité joyeuse et libératrice – désir volontaire d’en découdre – dépasse les stigmates inscrits dansl’histoire de jeunes gens d’origine algérienne ou autre -, qui ont fait l’expérience de la différence, sansreconnaissance ni espoir de trouver place :

« ça va être encore plus dur, après les attentats, pour ceux que certains en France appellent les Arabes …», s’inquiète et scande Lazare.

Heureusement, en échange, la musique et les chansons raflent la mise scénique : des chants surmontent lesblessures passées pour laisser advenir la force de vie. Musiques, voix et corps en mouvement racontent l’étatd’une société et sa transcendance, après le chaos provoqué par les attentats meurtriers de 2015.

Répondant à une veine autobiographique chère à son cœur, Lazare raconte cette épreuve collective, cebesoin de comprendre en livrant ses sentiments réactifs à deux interlocuteurs privilégiés, sa mère et l’hommede théâtre et ami Claude Régy.

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Date : 20/03/2017Heure : 09:23:05Journaliste : Véronique hotte

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Les réponses de l’une et de l’autre ne sont pas formulées, seul le questionnement de celui qui refusel’incompréhension compose une argumentation poétique entêtante : « Ils s’explosent sous la pression/Ilsviennent s’exploser les uns contre les autres/amis amis amis amis/ Ils ne sont pas contents d’être au monde/Ils ne sont pas contents de la discipline du monde/L’histoire de France gronde/Ils veulent absolument notresang/Ils frappent et frappent encore/Veulent s’unir dans la mort. »

En ce sens, Sombre Rivière de Lazare – métaphore au propre et au figuré des passages escarpés, physiqueset moraux, à dépasser sur le chemin de toute existence – se rapproche, dans l’esprit, du dernier spectacled’Ariane Mnouchkine, Une Chambre en Inde , qui tend aussi à percer l’obscurité de nos temps présents enanalysant les pouvoirs du théâtre, entre réflexion et comédie.

Avec l’humilité de reconnaître l’incapacité de la scène à ce que cesse la violence du monde et dans laconscience de porter foi au théâtre, à son élan et souffle de vie :

« Les gens deviennent fous ? Mais comment c ’ est arriv é ? Comment on en arrive l à ? Ils disent qu’ ils viennent de Dieu ils disent qu ’ ils sont les enfants de Dieu !

Si ! Ils disent on est les enfants de Dieu ! Dieu ne tue pas les gens ?! »

Entre révolte déclamée, libre envol de joutes verbales, chansons et musiques, Sombre Rivière entraîne àsa juste mesure ce beau plaisir de débattre et de batailler.

Véronique Hotte

Théâtre National de Strasbourg , du 14 au 25 mars, à 20h sauf le 25 mars à 16h.

Nouveau Théâtre de Montreuil , du 29 mars au 6 avril.

Liberté – Scène nationale , le 28 avril.

Et Actualité au Théâtre National de Strasbourg

1 re édition du Prix des lycéens Bernard-Marie Koltès

A l’issue des délibérations du mercredi 15 mars, 12 lycéens, représentants des six établissements alsaciensayant participé au programme, ont dévoilé le lauréat de la 1 re édition du Prix des lycéens Bernard-MarieKoltès de littérature dramatique contemporaine. Il s’agit de Des Territoires de Baptiste Amann , enconcours avec Au pied du Fujiyama de Jean Cagnard et Paysage intérieur brut de Marie Dilasser.

Mercredi 29 mars à 18h : cérémonie publique de remise du Prix en présence de Baptiste Amann au TNS. Unelecture dirigée par Julien Gosselin d’extraits du texte sera portée par trois comédiens Rémi Fortin, JohannaHess et Maud Pougeoise.

Samedi 1 er avril à 16h : une rencontre avec l’auteur Baptiste Amann aura lieu à la Librairie Kléber, 1 ruedes Francs-Bourgeois à Strasbourg.

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Dans “Sombre Rivière”, Lazare et sa compagnie Vita Novachantent pour mieux voir l'avenir

Sombre Rivière mise en scène de Lazare

© Jean-Louis Fernandez

Une création chavirante, où l'auteur-metteur en scène Lazare et sa bande nous entraînent, au lendemain desattentats du 13 novembre 2015, dans la musique et le chant. Quand l'angoisse face la folie du monde faitplace à l'espoir…Lazare, artiste associé au Théâtre national de Strasbourg, y présente sa nouvelle création. On le suit depuis2010, depuis la « découverte », au Festival Impatience, de son spectacle au beau titre énigmatique inspirépar Pessoa : Passé - je ne sais où, qui revient. Il avait fondé sa compagnie Vita Nova quatre ans auparavant.Il a mûri par la suite son chemin au fil d'un théâtre parfois chaotique parce que foisonnant, mais toujourslumineux. Lazare, la quarantaine aujourd'hui, a roulé sa bosse bien avant d'apparaître comme ce metteur enscène prometteur. Il a commencé sans le savoir dans les quartiers de la banlieue parisienne, à improviseravec les copains, à fréquenter les bastringues musicaux, à lire les poètes morts, à écrire aux poètes vivants.Et puis il est entré dans le monde du théâtre – par la porte du TGP, à Saint-Denis, sous l'ère Nordey, au débutdes années 90. Un saut dans l'inconnu tel le début d'un envol.

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Depuis lors, il nous raconte des histoires. Son histoire et l'Histoire, de la colonisation aux guerresd'indépendance et leurs traces laissées dans la société. Celle d'un gamin dont les parents sont nés en Algérie,dont le grand-père luttait pour l'indépendance, dont la mère ne parle toujours pas français, mais qui se sent,lui, aujourd'hui, passionnément d'ici. Et tellement amoureux d'une langue dans laquelle il façonne sa voixsi charnellement onirique. Il a peu à peu bâti une trilogie avec des personnages-phares et des acteurs co-créateurs. La comédienne Anne Baudoux en tête, égérie et première lectrice qui interprète la mère, Houria,depuis le début. Avec ce parlé-troué par le manque de mots à faire chavirer le cœur. Ou Libellule, le fils, legarçon décalé, toujours joué par le fascinant Mourad Musset, une présence brute dévorant la scène.

Introspection générale et collectiveAujourd'hui, finie la trilogie colonisation-indépendance-crise des banlieues, même si elle remonte parbouffées, via les personnages ressurgissant de la mère et du fils, dans son nouveau spectacle. Car cettefois, Lazare se met en scène en artiste par acteur interposé (Julien Villa, transfuge de chez Creuzevault etJeanne Candel, fortiche lui aussi). Il se dépeint en poète pétrifié et soudain privé de voix au lendemain desattentats du 13 novembre 2015. Lazare via son double se tient au bord de la scène pour regarder le monde.Et il le trouve « fou ». Il appelle au téléphone sa mère (Houria, conviée via un portrait-vidéo très touchant) etClaude Régy, le dramaturge admiré. La première conversation sera le fil rouge du spectacle où, pendant deuxheures, toutes les questions explosent en vrac. Comment ont-ils pu faire ça ? Tuer la mère devant l'enfant,tout en parlant de Dieu... Lazare a déclenché une introspection générale et collective, avec en toile de fond,cette angoisse lancinante : ça va se retourner contre nous les Arabes, les Français d'origine arabe, les Arabesdevenus Français, nous tous pétris d'identités multiples...

“Ces jeunes gens qui ont fait ça. Ils viennent de l'enfer ! Ils n'arrivent pas à vivre avec les autres”

La « Sombre rivière » est ce blues des esclaves en fuite évoquant la façon dont ils effacent leurs tracesdans l'eau, au risque d'y perdre la vie. Lazare, lui, craint un atroce retour de bâton (et s'adresse parfoisdirectement à «Marine»). Son spectacle traverse et broient les mémoires. Celle du maréchal Bugeaud qui,en 1845, asphyxiait les villageois algériens dans des grottes, celle des mollahs qui prêchent la haine, desdjihadistes qui décapitent, et des jeunes occidentaux attirés par le mal absolu : « Ces jeunes gens qui ont faitça. Ils viennent de l'enfer ! Ils n'arrivent pas à vivre avec les autres. »

« C'était pareil en Algérie, quand j'étais petite », lui répond sa mère. Le poète rétorque : « Oui, tu parles desmassacres du 8 mai 1945, mais là, c'est fini. (…) Mais là, c'est juste en bas de chez moi qu'on tue. » Alors,pour mieux se consoler, il écrit des refrains et les fait chanter par des chœurs dansant. L'artiste, pour continuersa route – en dehors de l'ivresse, remède anti-mélancolie – fait sonner les mots et les pas, la batterie, levioloncelle et la contrebasse. En meneuse de revue, Ludmilla Dabo est une magnifique chanteuse pop, funket jazz ; et Laurie Bellanca, la capitaine chorégraphe, une fine actrice à la voix trempée dans les graves. Leurthéâtre si vivant tient de la comédie musicale et déborde d'une générosité folle, poivrée d'humour. A tel pointque l'espoir luit, combattif, dans cette mise à plat pourtant sans détours du désespoir.

A voir

Sombre Rivière, texte et mise en scène de Lazare. Jusqu'au 25 mars au Théâtre national de Strasbourg ; du29 mars au 6 avril, au Centre dramatique national de Montreuil (93), dans le cadre de la programmation horsles murs de la MC93 ; le 28 avril au Théâtre Liberté, à Toulon (83).

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/ Des mots de minuit

Théâtre. "Sombre rivière", ledramaturge Lazare se gondole sur lacorde raidePar Hugues Le Tanneur

Mis à jour le 25/03/2017 à 13H40, publié le 24/03/2017 à 12H00

© Jean-Louis Fernandez

Conjurer la peur, secouer le cocotier, frapper les esprits à grands coupsde rires, le dramaturge et metteur en scène se surpasse dans ce spectacleflamboyant entre cabaret enjoué et revue ironique. Mené tambour battantpar des comédiens qui chantent, dansent et jouent de la musique, c’estune fête d’autant plus joyeuse que sur fond d’inquiétude elle affirme unefarouche volonté de vivre.

De certaines personnes, on dit qu’elles ont le vin triste. Lazare quant à lui aurait plutôt le

blues joyeux. Le titre de sa nouvelle création, Sombre rivière, est emprunté à la tradition

noire américaine. Mais si ce spectacle coule de source avec son exubérance débordante, sa

mélancolie bariolée de couleurs chatoyantes, son ironie tous azimuts, c’est parce qu’il offre

dans un contexte plutôt morose une bouffée d’air frais.

Lazare prend le monde à rebrousse-poil et met la réalité cul par-dessus tête. Épaulé par des

comédiens hors pair – ils jouent aussi de la musique, chantent et dansent comme de beaux

diables –, il reprend les codes de la revue, du cabaret ou du clown pour mieux décocher ses

flèches poétiques au fil de séquences qui s’enchaînent à un rythme soutenu quand elles ne

se télescopent pas.

Car ici on ne s’éternise jamais. On bondit d’un moment à un autre. On interrompt même, si

nécessaire, sans se préoccuper de ce qui serait en cours. C’est une telle fête de masques,

de costumes et de traits d’esprit qu’on pense parfois à la folle confusion à l’œuvre dans Le

Songe d’une nuit d’été de Shakespeare Il y a notamment ce personnage tout droit sorti d’un

tableau de Jérôme Bosch à qui l’on demande pourquoi il porte ses fesses par-devant et qui

répond que c’est parce qu’il s’est retourné trop vite.

Cette allure à la fois hachée et débridée permet toutes les fantaisies. Comme de suggérer,

en passant, la possibilité que nous soyons tous des sans-papiers, des immigrés, des

réfugiés… Ce n’est pas le cas bien sûr – enfin, pas pour tous. Il s’agit seulement d’imaginer.

Et en poussant plus avant de se demander pourquoi le monde s’affole tant aujourd’hui.

Pourquoi la peur domine. Pourquoi ayant perdu tout point de repère certains embrassent les

idéologies les plus radicales, de l’extrême droite au djihadisme.

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© Jean-Louis Fernandez

Sombre rivière ouvre sur une évocation des attentats de 2015 et 2016. Les mots djihad,

Daesh, islam ne sont jamais prononcés. Lazare ne se livre pas à un réquisitoire. Aux

idéologies mortifères ou à la haine, il oppose l’amour, l’humour, l’autodérision, une

inépuisable vitalité et la force irrépressible de l’imaginaire. Sa parole, démultipliée sous forme

de dialogues pétillants d’ironie, assumés par une galerie de personnages, dont certains

étaient déjà dans ses spectacles précédents, rend compte de l’atmosphère troublée de

l’époque. Trouble auquel il est d’autant plus sensible que, né de parents algériens, il a

autrefois vécu à la dure avant de s’en sortir grâce à l’écriture et au théâtre.

Lazare a déjà évoqué ce qu’il appelle "la souricière de la mémoire", c’est-à-dire ses origines

et l’histoire de l’Algérie, dans ses premières créations: Passé – je ne sais où qui revient, sur

les massacres de Sétif et Guelma en 1945 en Algérie, Au pied du mur sans porte, sur la crise

des banlieues ou Rabah Robert – touche ailleurs que là où tu es né sur la guerre d’Algérie.

Rien d’étonnant donc si la tête du général Bugeaud apparaît de façon récurrente dans

Sombre rivière, ni si le personnage de Lazare s’y confronte à son alter ego, Libellule, bien

connu de ceux qui ont vu ses créations antérieures.

On y voit aussi bien sa mère, dont le visage rieur projeté sur un écran au-dessus du plateau

rayonne d’humanité, que le prophète Jonas en ciré jaune, un quidam en costume de croisé

ou encore Frère Tuck, le héros de Robin des Bois. On y entame des refrains empruntés,

entre autres, à Michael Jackson ou à Blind Willie Johnson. Le tout emporté dans un tel élan

que le spectacle se transforme in fine en ode aux puissances de l’imagination envisagées

comme antidote à l’asphyxie et à l’aliénation contemporaines.

Sans doute y a-t-il quelque chose d’enfantin dans cette aspiration à transformer le cours du

monde par la magie du verbe. Mais cette volonté de dépasser une réalité traumatisante et

d’aller de l’avant sans se laisser terrasser est loin d’être une réponse anodine face aux

menaces actuelles – sachant que celles-ci agissent, comme l’a bien repéré Lazare, pour une

grande part sur les esprits. Comme quoi un spectacle peut être à la fois une fête endiablée et

aborder – non sans culot et avec un grain de folie – des questions graves, confirmant au

passage une réflexion notée par Elias Canetti dans son journal: "Dire le terrible de façon qu’il

cesse de l’être; qu’il donne de l’espoir parce qu’il a été dit ".

Sombre rivière, de et par Lazare

avec Anne Baudoux, Laurie Bellanca, Ludmilla Dabo, Julie Héga, Louis Jeffroy, Olivier Leite,

Mourad Musset, Veronika Soboljevski, Julien Villa

jusqu’au 25 mars au Théâtre national de Strasbourg

du 29 mars au 6 avril au Nouveau Théâtre de Montreuil (93).

Le 28 avril au Théâtre Liberté – Scène nationale Toulon (83).

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