6
Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 165—170 FAITES LE POINT Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle Pain coping strategies and cognitive impairment in adolescents: A qualitative study with semi-structured interviews Marc Zabalia a,, Lynn-M. Breau b , Chantel-C. Burkitt c , Elsa Boinet a , Caroline Gauché a a Psychologie des actions langagières et motrices (PALM JE 2528), université de Caen—Basse-Normandie, MRSH, esplanade de la Paix, 14032 Caen cedex 5, France b School of Nursing and Departments of Pediatrics and Psychology, Centre for Pediatric Pain Research, Dalhousie University, IWK Health Centre Halifax, 5850 University Avenue, PO Box 9700, Halifax, Nova Scotia, B3K 6R8, Canada c Educational Psychology, University of Minnesota, 250 Education Sciences Building, 56, East River Road, Minneapolis, Minnesota 55414, États-Unis Disponible sur Internet le 13 mai 2010 MOTS CLÉS Stratégies de faire face ; Douleur ; Adolescent ; Déficience intellectuelle Résumé L’objectif de cette étude est de comprendre les mécanismes utilisés par les adoles- cents atteints de déficience intellectuelle lorsqu’ils font face à une douleur et en particulier s’ils changent de stratégie aux alentours de la 15 e année comme le font les adolescents typiques. La population est constituée de 56 adolescents de 13 à 17 ans (m = 15,3), dont 28 adolescents atteints de déficience intellectuelle légère à moyenne, et 28 adolescents typiques appariés en genre et âge chronologique. Cette étude est qualitative et utilise l’entretien semi-directif afin de saisir l’expérience de la personne en se centrant sur les éléments subjectifs. La répartition des stratégies évoquées est significativement différente dans les deux populations. Les ado- lescents typiques passent de stratégies centrées sur l’émotion à des stratégies centrées sur le problème aux alentours de 15 ans. Cette modification de la répartition des stratégies en fonc- tion de l’âge n’apparaît pas de fac ¸on significative chez les adolescents atteints de déficience intellectuelle. Les adolescents atteints de déficience intellectuelle disposent donc d’un poten- tiel qui semble avoir été sous-estimé jusqu’alors. Néanmoins, la présence d’un proche semble nécessaire pour les accompagner dans le choix et la mobilisation d’une stratégie adaptée, notamment lorsque la douleur est incontrôlable par le sujet lui-même. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Zabalia). 1624-5687/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2010.04.003

Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 165—170

FAITES LE POINT

Stratégies de faire face à la douleur chez desadolescents atteints de déficience intellectuelle

Pain coping strategies and cognitive impairment in adolescents: A qualitativestudy with semi-structured interviews

Marc Zabaliaa,∗, Lynn-M. Breaub, Chantel-C. Burkitt c,Elsa Boineta, Caroline Gauchéa

a Psychologie des actions langagières et motrices (PALM JE 2528), université deCaen—Basse-Normandie, MRSH, esplanade de la Paix, 14032 Caen cedex 5, Franceb School of Nursing and Departments of Pediatrics and Psychology, Centre for PediatricPain Research, Dalhousie University, IWK Health Centre Halifax, 5850 University Avenue,PO Box 9700, Halifax, Nova Scotia, B3K 6R8, Canadac Educational Psychology, University of Minnesota, 250 Education Sciences Building,56, East River Road, Minneapolis, Minnesota 55414, États-Unis

Disponible sur Internet le 13 mai 2010

MOTS CLÉSStratégies de faireface ;Douleur ;Adolescent ;Déficienceintellectuelle

Résumé L’objectif de cette étude est de comprendre les mécanismes utilisés par les adoles-cents atteints de déficience intellectuelle lorsqu’ils font face à une douleur et en particulier s’ilschangent de stratégie aux alentours de la 15e année comme le font les adolescents typiques.La population est constituée de 56 adolescents de 13 à 17 ans (m = 15,3), dont 28 adolescentsatteints de déficience intellectuelle légère à moyenne, et 28 adolescents typiques appariés engenre et âge chronologique. Cette étude est qualitative et utilise l’entretien semi-directif afinde saisir l’expérience de la personne en se centrant sur les éléments subjectifs. La répartitiondes stratégies évoquées est significativement différente dans les deux populations. Les ado-lescents typiques passent de stratégies centrées sur l’émotion à des stratégies centrées sur leproblème aux alentours de 15 ans. Cette modification de la répartition des stratégies en fonc-tion de l’âge n’apparaît pas de facon significative chez les adolescents atteints de déficienceintellectuelle. Les adolescents atteints de déficience intellectuelle disposent donc d’un poten-

tiel qui semble avoir été sous-estimé jusqu’alors. Néanmoins, la présence d’un proche semblenécessaire pour les accompagner dans le choix et la mobilisation d’une stratégie adaptée,notamment lorsque la douleur est incontrôlable par le sujet lui-même.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Zabalia).

1624-5687/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.douler.2010.04.003

Page 2: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

166 M. Zabalia et al.

KEYWORDSCoping strategies;Pain;Adolescent;Cognitive impairment

Summary Our purpose is to better understand what strategies are used by intellectuallydisabled adolescents when coping with pain, in particular if they change their coping skillswhen turning 15, as do typical adolescents. The research participants were 56 adolescents agedfrom 13 to 17 years old (m = 15.3), including 28 adolescents with mild to moderate cognitiveimpairment and 28 typical adolescents matched in gender and chronological age. This studyis qualitative and semi-structured interviews were used to focus on the subjective traits ofthe individual’s experience. The distribution of the strategies given in interviews is significantlydifferent in the two populations. Typical adolescents shift from strategies focused on emotion tostrategies focused on the problem around age 15. This change in the distribution of the strategiesbased on age is not significant in adolescents with cognitive impairment. Thus, adolescents withintellectual disabilities have potential that seems to have been underestimated before but donot progress to more cognitively demanding pain coping strategies. In conclusion, the presenceof a familiar person seems necessary to assist them in selecting and mobilizing an appropriatestrategy, particularly when the pain is uncontrollable by the adolescent himself.© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

I

Lsplaliplfd[mpPemtàIdr«

dlfesldqodlcmél

ipaétscdiptscu

dacsssê

dtescpideapet

ntroduction

es études portant sur l’évaluation de la douleur des per-onnes atteintes de déficience intellectuelle ont surtoutris en compte la déficience profonde ou sévère [1]. Danse milieu des années 1990, un programme de recherche

permis la création d’un outil d’observation de la dou-eur spécifique pour les enfants atteints de déficiencentellectuelle sévère [2]. La noncommunicating childrenain checklist — revised a été spécialement concue poures enfants qui ont des capacités verbales très limitées duait de leur déficience intellectuelle. Elle est aujourd’huiisponible dans de nombreuses langues, dont le francais3]. Finalement, de très rares travaux ont cherché à esti-er les capacités d’évaluation de la douleur chez lesersonnes atteintes de déficience légère et moyenne [4].ourtant, indépendamment du niveau verbal, des enfantst adolescents atteints de déficience intellectuelle légère ouoyenne (QI compris entre 45 et 52) manifestent des capaci-

és d’expression et d’évaluation de la douleur comparablescelles d’enfants au même niveau de développement [5].

ls utilisent l’Échelle des visages (faces pain scale — revised)e facon adaptée pour estimer la douleur d’un personnageeprésenté sur une image ou bien pour évaluer une douleurrapportée » [6,7].

Les stratégies de faire face correspondent aux procédés’ajustement, d’adaptation, d’affrontement du stress ou dea douleur. Au cours des recherches sur les stratégies deaire face chez l’enfant, des styles spécifiques ont été misn évidence. Les études portant sur les enfants typiques ontuggéré qu’il existe des styles passifs et actifs de faire face àa douleur et que ces derniers aident les personnes à gérer laouleur de facon plus efficace. Les stratégies actives tellesue la recherche de distraction sont considérées commeptimales et les plus efficaces pour diminuer la sensationouloureuse. Les stratégies passives telles que l’évitement,e catastrophisme ou la recherche d’un soutien social sont

onsidérées comme moins pertinentes car elles concernentoins directement le phénomène douloureux [8—10]. Une

tude a porté sur les stratégies de faire face à la dou-eur chez des enfants et adolescents atteints de déficience

msdnd

ntellectuelle. À l’aide de la version francaise du pediatricain and coping inventory (PPCI) — développée par Varni etl. et adaptée par Spicher — Zabalia et Duchaux ont mis envidence que les enfants atteints de déficience intellec-uelle utilisent plus fréquemment la recherche d’un soutienocial comme moyen de faire face à la douleur [11—13]. Siette stratégie n’est pas considérée comme optimale danses conditions typiques, dans un contexte de déficiencentellectuelle, elle constitue probablement le mécanisme lelus efficient car ces enfants ne disposent pas de capaci-és de réponse autonomes. Cependant, l’utilisation de cettetratégie peut poser problème car elle peut être compriseomme une faible réactivité à la douleur plutôt que commene stratégie adaptée [14].

Des études ont évalué l’impact de l’âge sur les stratégiese faire face [15,16]. En grandissant, les enfants font moinsppel à un soutien social et utilisent plutôt l’auto-instructionognitive [17]. Lorsqu’ils font face à un événement stres-ant, les enfants typiques utilisent progressivement plus detratégies cognitives centrées sur le problème et moins detratégies centrées sur l’émotion et la 15e année sembletre la période charnière de cette transition [18—23].

Les stratégies de faire face à la douleur ne sont pases réponses innées. Elles sont déterminées par des fac-eurs individuels et environnementaux. Par exemple, ilxiste des relations entre les influences parentales et letyle de l’enfant pour faire face à la douleur [24]. Lesomportements d’un enfant malade peuvent être affectésar l’éducation parentale, les interactions parents-enfantnfluencent l’adaptation des enfants à la douleur au cours’un exercice expérimental et la présence d’un parent peutntraver la capacité de l’enfant à faire face à la douleuru cours d’une procédure médicale [25—27]. Les réponsesour faire face à la douleur peuvent varier en fonction desxpériences douloureuses de l’enfant. Des douleurs répé-ées peuvent engendrer une sensibilisation à la douleur,

ais il existe également des influences de l’environnement

ur le choix des stratégies pour faire face à la douleur ;es expériences de douleurs répétées peuvent alors four-ir des occasions pour apprendre à élaborer ou développeriverses stratégies. Nous ne savons pas si cela est le cas

Page 3: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

elle

ecddtcnqqassarada

dcimdcmypàlldmlqlavr

R

Làdtdli(

sBtst

Stratégies de faire face à la douleur et déficience intellectu

pour les enfants atteints de déficience intellectuelle, carleur situation particulière peut avoir un impact impor-tant sur la manière dont ils traitent la situation et sur cequ’ils peuvent apprendre à partir des expériences de dou-leurs répétées. Il est aussi envisageable que les réactionsde l’entourage soient différentes de celles adressées auxenfants typiques. Les enfants atteints de déficience intellec-tuelle peuvent alors apprendre d’autres choses à partir desmêmes expériences (par exemple, des réponses pour faireface à la douleur peuvent être ignorées, découragées ouencore non identifiées, faute d’être verbalisées et soutenuespar l’entourage).

Notre objectif est de mieux comprendre les mécanismesutilisés par les adolescents atteints de déficience intellec-tuelle lorsqu’ils font face à une douleur et en particulier,la question se pose de savoir s’ils changent de stratégieaux alentours de la 15e année comme cela est rapportédans la littérature concernant les adolescents typiques. Cesconnaissances devraient permettre aux professionnels de lasanté et aux familles d’être mieux préparés à répondre ouà les accompagner.

Méthode

Population

Un entretien semi-directif a été proposé à 56 adolescents de13 à 17 ans (m = 15,3) : 16 filles et 12 garcons :• 28 adolescents atteints de déficience intellectuelle légère

à moyenne (quotient intellectuel compris entre 45 et 70,âge mental compris entre six et 12 ans) ;

• 28 adolescents typiques appariés en genre et âge chrono-logique.

Chaque groupe est subdivisé en deux sous-groupes appa-riés en genre et âge chronologique ; 15 enfants âgés de13 à 15 ans (m = 14 ans) et 13 enfants âgés de 16 à 17 ans(m = 16,6 ans).

Procédure

La douleur est une expérience subjective et individuelle.De fait, la méthode la plus précise permettant d’avoir desinformations sur les stratégies pour faire face à la douleurest de faire appel à la personne qui éprouve la douleur.Bien qu’il y ait toujours une part d’impondérable dans laconduite d’entretien avec des personnes atteintes de défi-cience intellectuelle, cela ne diffère pas substantiellementdes entretiens conduits avec des enfants au développementtypique. Dans cette étude, les enfants ont au moins unâge de développement de six ans, alors que la limite infé-rieure recommandée pour les entretiens « douleur » est dequatre ans [28]. Il ne s’agit pas d’une recherche de fiabilitéconcernant les informations données par l’enfant. Lorsquel’on conduit des entretiens de recherche auprès d’enfants,il est important que le protocole de l’étude corresponde

à leurs besoins, de manière à ce qu’ils comprennent etsoient en mesure de participer de facon signifiante [28].Pour répondre à cette exigence, les questions posées sontadaptées aux capacités mentales et linguistiques de chaqueenfant.

crl

e

167

Inviter l’enfant à faire des rappels libres d’événementst ensuite poser des questions à propos de leur évo-ation produit les meilleurs résultats [29]. L’entretienébute donc par des questions ouvertes suivies de questions’approfondissement si nécessaire. Des « boucles de correc-ion » (paraphrases, reprises) permettent d’estimer la pré-ision des réponses de l’enfant [30]. Avant que l’entretiene commence, la personne qui conduit l’entretien s’assureue l’enfant a bien compris le but de la recherche, que lesuestions sont claires et que l’enfant sait comment répondrevec les éléments pertinents. De facon à éviter les confu-ions, il faut découvrir le vocabulaire que l’enfant utilisepontanément pour évoquer la douleur et utiliser ces motsu cours de l’entretien. Les enfants sont plus sereins, etépondent plus précisément lorsqu’ils sont assurés qu’il n’yni bonne ou mauvaise réponse et qu’il n’y a parfois pas

e réponse du tout [28]. Tout cela est évoqué avec l’enfantvant l’entretien.

Cette étude est qualitative et utilise l’entretien semi-irectif afin de saisir l’expérience de la personne en seentrant sur les éléments subjectifs plutôt que sur unenterprétation objective [31]. Le but est d’obtenir des élé-ents détaillés sur les perceptions et la compréhensionu phénomène douloureux. Par cette méthode, les adoles-ents atteints de déficience intellectuelle s’expriment sur laanière dont ils éprouvent la douleur et ce qu’ils font pourfaire face. Cet entretien peut durer une heure tout au

lus. Les questions sont ouvertes et l’enfant est encouragépartager tout ce qu’il juge important lorsqu’il lutte contre

a douleur. Après accord de la direction, des parents et de’enfant, les entretiens se déroulent au sein de l’institution’accueil de ces derniers. Les participants ont été infor-és que ce qu’ils diront aidera à comprendre ce que font

es enfants quand ils ont mal, que nous leur poserons desuestions sur la douleur, qu’ils peuvent répondre à touteses questions qu’ils veulent, s’ils souhaitent répondre. Il

enfin été précisé qu’il n’y a pas de bonnes ou de mau-aises réponses à ces questions et qu’il peut n’y avoir aucuneéponse.

ésultats

es stratégies ont été identifiées par trois codeurs (r = 86)l’aide de la classification du PPCI, dont le Tableau 1

onne quelques exemples [17]. En premier lieu, les résul-ats indiquent que les adolescents typiques évoquent pluse stratégies (m = 6,32 ; � = 2,31) pour faire face à la dou-eur (+32 %) que les adolescents atteints de déficiencentellectuelle (m = 4,23 ; � = 2,5 ; t[30] = 3,95 ; p < 0,0002)Tableau 1).

Par ailleurs, la répartition des stratégies évoquées estignificativement différente (�2[4] = 13,72 ; p < .05, Fig. 1).ien qu’ils évoquent préférentiellement des stratégies cen-rées sur le problème (recherche d’efficacité et de supportocial), les adolescents typiques évoquent aussi des stra-égies centrées sur l’émotion (auto-instruction cognitive,

atastrophisme, distraction) qui sont très marginalementapportées par les adolescents atteints de déficience intel-ectuelle (Fig. 1).

Lorsque l’on compare la répartition des stratégiesn fonction de l’âge des adolescents, on note que

Page 4: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

168

Tableau 1 Exemples d’items du pediatric pain andcoping inventory et les stratégies correspondantes entreparenthèses, selon qu’elles sont centrées sur l’émotionou le problème [17].

Stratégies centrées surl’émotion

Stratégies centrées sur leproblème

Je joue à un jeu(distraction)

Je demande unmédicament (recherched’efficacité)

Je pense à des chosesgaies (distraction)

Je frotte l’endroitdouloureux (recherched’efficacité)

Je pense que ca ne peutqu’empirer(catastrophisme)

Je le dis à mes parents(recherche de supportsocial)

Je pleure ou je crie(catastrophisme)

Je demande un câlin(recherche de supportsocial)

Figure 1. Nombre de stratégies de faire face rapportées par lesadolescents typiques (TY) et atteints de déficience intellectuelle(DI).

Figure 2. Nombre de stratégies centrées sur l’émotion ou le pro-blème, rapportées par les adolescents typiques (TY) et atteints dedéficience intellectuelle (DI) en fonction de l’âge.

l(td1(epdrpdtqdt(

D

LacpcdCodsapiectàdicslfidll

élddtptimdcldt

M. Zabalia et al.

es deux groupes se différencient de facon significative�2[1] = 21,14 ; p < 0,001, Fig. 2). En effet, les adolescentsypiques passent de stratégies centrées sur l’émotion àes stratégies centrées sur le problème aux alentours de5 ans. Ce changement est dû à la recherche d’efficacitéprendre un médicament, nettoyer et panser une plaie, parxemple) qui témoigne à la fois d’une compréhension duhénomène douloureux et d’un relatif gain d’autonomieans la gestion de la situation. Cette modification de laépartition des stratégies en fonction de l’âge n’apparaîtas de facon significative chez les adolescents atteints deéficience intellectuelle. Ils évoquent massivement les stra-égies centrées sur le problème, ce qui témoigne du faitu’ils comprennent le phénomène de la douleur et, à défaute réponse autonome, qu’ils pensent devoir faire appel à uniers pour les accompagner dans la gestion de la situationFig. 2).

iscussion

es résultats de ce travail indiquent tout d’abord que lesdolescents atteints de déficience intellectuelle inclus dansette étude sont en mesure d’évoquer la douleur et de rap-orter des stratégies pour faire face à la douleur dans leadre d’un entretien semi-directif adapté. Ils disposent donc’un potentiel qui semble avoir été sous-estimé jusqu’alors.omparés à des adolescents du même âge chronologique,n remarque que la déficience intellectuelle pèse sur laiversité des stratégies mentionnées spontanément. Lestratégies majoritairement présentées par les adolescentstteints de déficience intellectuelle sont centrées sur leroblème. La recherche d’efficacité semble être un bonndicateur d’une compréhension du phénomène douloureuxt de l’effet antalgique de médicaments ou de certainsomportements (frottement de la zone douloureuse, posi-ionnement au repos d’un membre par exemple). Le recoursun soutien social, considéré comme une stratégie passive

ans la littérature concernant les enfants typiques, sembleci constituer une réponse pertinente pour cette populationaractérisée par un déficit des capacités adaptatives. Lestratégies centrées sur le problème permettent de réduire’anxiété lorsque la situation est contrôlable, mais ampli-ent celle-ci dans le cas contraire. Les adolescents atteintse déficience intellectuelle évoquent donc de facon adaptéea nécessité d’avoir recours à un tiers capable de contrôlera situation.

Les stratégies centrées sur l’émotion sont très peuvoquées par les adolescents atteints de déficience intel-ectuelle, dans la mesure où elles impliquent la mobilisatione processus cognitifs (auto-instruction cognitive), et/ou’autocontrôle ou d’autorégulation émotionnelle (distrac-ion). Ces stratégies permettent de réduire l’anxiétérovoquée par la douleur lorsque l’événement est incon-rôlable [32]. Les adolescents atteints de déficiencentellectuelle y font moins appel, ce qui n’est pas surprenantais a des implications importantes pour cette population

ans des situations de douleurs iatrogènes. En effet, danse genre de situations, l’événement est incontrôlable poura personne qui recoit le soin. Les ressources individuelleses enfants et d’adolescents atteints de déficience intellec-uelle ne sont probablement pas suffisantes pour mobiliser
Page 5: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

elle

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

Stratégies de faire face à la douleur et déficience intellectu

une stratégie de distraction par exemple. La présence d’unproche semble nécessaire pour accompagner l’enfant dansle choix et la mobilisation d’une stratégie adaptée.

Conclusion

Après avoir été longtemps négligée, la douleur des per-sonnes atteintes de déficience intellectuelle est désormaisl’objet de nombreux travaux. Il ne fait plus aucun douteaujourd’hui que ces personnes sont sensibles à la douleur,et qu’elles présentent des risques élevés de douleurs spé-cifiques liées à la déficience et de douleurs communes nonreconnues [33]. Des outils validés sont maintenant dispo-nibles pour évaluer la douleur de ceux dont la déficiencepèse lourdement sur les capacités de communication [34].

Les travaux concernant les capacités d’autoévaluationde la douleur des enfants et adolescents atteints de défi-cience moyenne et légère sont plus rares. Cependant, ilsmettent en évidence un potentiel important d’expressionet d’évaluation de la douleur, des ressources pour faireface à la douleur, confirmées par cette étude et descapacités préservées qui peuvent être mobilisées dansdes prises en charge psychologiques de la douleur telleque l’hypnose ou la relaxation [5,7,13,35]. Ces résultatspeuvent avoir des répercussions rapides dans les pratiqueset faciliter l’identification, l’évaluation, le traitement etl’accompagnement psychologique de la douleur des enfantset des adolescents atteints de déficience intellectuelle.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Cette étude a été réalisée grâce à une bourse de recherchede la Société francaise d’étude et de traitement de la dou-leur — fondation APICIL.

Références

[1] Breau LM, Zabalia M. Évaluation de la douleur chezles enfants atteints de déficience intellectuelle. Enfance2006;58(1):72—84.

[2] Breau LM, McGrath PJ, Camfield C, Rosmus C, Finley GA. Preli-minary validation of an observational pain checklist for personswith cognitive impairments and inability to communicate ver-bally. Dev Med Child Neurol 2000;42:609—16.

[3] Grille d’évaluation de la douleur — déficience intellec-tuelle (GED-DI) = échelle noncommunicating children’s painchecklist (NCCPC). Disponible sur: www.pediadol.org/IMG/pdf/NCCPC francaise.pdf [cité le 7 avril 2010].

[4] Benini F, Trapanotto M, Gobber D, Agosto C, Carli G,Drigo P, et al. Evaluating pain induced by venipuncture inpediatric patients with developmental delay. Clin J Pain

2004;20:156—63.

[5] Zabalia M, Jacquet D, Breau LM. Rôle du niveau verbalsur l’expression et l’évaluation de la douleur chez desenfants et adolescents déficients intellectuels. Douleur Anal2005;2:65—70.

[

169

[6] Hicks CL, von Baeyer CL, Spafford PA, Van KI, Goodenough B.The faces pain scale — revised: toward a common metric inpediatric pain measurement. Pain 2001;93:173—83.

[7] Zabalia M, Corfec S. Reconnaissance des émotions et évalua-tion de la douleur chez des enfants et adolescents porteurs deTrisomie 21. Enfance 2009;60(4):357—69.

[8] Bennett-Branson SM, Craig KD. Postoperative pain in children:developmental and family influences on spontaneous copingstrategies. Can J Behav Sci 1993;25:355—83.

[9] Piira T, Hayes B, Goodenough B, von Baeyer CL. Effects of atten-tional direction, age, and coping style on cold-pressor pain inchildren. Behav Res Ther 2006;4:835—48.

10] Reid GJ, Lang BA, McGrath PJ. Primary juvenile fibromyalgia:psychological adjustment, family functioning, coping and func-tional disability. Arthritis Rheum 1996;40:752—60.

11] Varni JW, Seid M, Kurtin PS. PedsQL 4.0: reliability and validityof the pediatric quality of life inventory version 4.0 genericcore scales in healthy and patient populations. Med Care2001;39:800—12.

12] Spicher P. Traduction francophone et validation du pediatricpain coping inventory (PPCI-F). Douleur Anal 2003;16(1):3—14.

13] Zabalia M, Duchaux C. Stratégies de faire-face à la douleur chezdes enfants porteurs de déficience intellectuelle. Rev Franco-phone Deficience Intellectuelle 2006;17:53—64.

14] Hunt A, Mastroyannopoulou K, Goldman A, Seers K. Not kno-wing — the problem of pain in children with severe neurologicalimpairment. Int J Nurs Stud 2003;40:171—83.

15] Sallfors C, Hallberg LR, Fasth A. Gender and age differencesin pain, coping and health status among children with chronicarthritis. Clin Exp Rheumatol 2003;21:785—93.

16] Hodgins MJ, Lander J. Children’s coping with venipuncture. JPain Symptom Manage 1997;13:274—85.

17] Varni JW, Waldron SA, Cragg RA, Rapoff MA, Bernstein BH, Lind-sley CB, et al. Development of the Waldron/Varni pediatric paincoping inventory. Pain 1996;67:141—50.

18] Blanchard-Fields F, Irion JC. The role of coping responses andsocial resources in attenuating the stress of life events. J BehavMed 1988;4:139—57.

19] Hoffman MA, Levy-Shill R, Sohlherg SC, Zariski J. The impactof stress and coping: developmental changes in the transitionto adolescence. J Youth Adolesc 1992;22:451—69.

20] Gamble M. Perceptions of controllability and other stressorevents characteristics as determinants of coping among youngadolescents and young adults. J Youth Adolesc 1994;23:65—84.

21] Lemétayer F, Chateaux V. Les instruments de mesure des stra-tégies adaptatives des enfants face à une maladie chronique :une revue de littérature. Arch Pediatr 2008;15:162—9.

22] Armistead L, McCombs A, Forehand R, Wierson M, Long N, Fau-ber R. Coping with divorce: a study of young adolescents. J ClinChild Psychol 1990;19:79—84.

23] Halstead M, Johnson SB, Cunningham M. Measuring coping inadolescents: an application of the ways of coping checklist. JClin Child Psychol 1993;22:337—44.

24] Sweet SD, McGrath PJ, Symons D. The roles of child reac-tivity and parenting context in infant pain response. Pain1999;80:655—61.

25] Walker LS, Zeman JL. Parental response to child illness beha-vior. J Pediatr Psychol 1992;17:49—71.

26] Reid GJ, McGrath PJ, Lang BA. Parent-child interactions amongchildren with juvenile fibromyalgia, arthritis, and healthycontrols. Pain 2005;113:201—10.

27] Frank NC, Blount RL, Smith AJ, Manimala MR, Martin JK. Parentand staff behavior, previous child medical experience, and

maternal anxiety as they relate to child procedural distressand coping. J Pediatr Psychol 1995;20:277—89.

28] Kortesluoma RL, Hentinen M, Nikkonen M. Conducting a qua-litative child interview: methodological considerations. J AdvNurs 2003;42:434—41.

Page 6: Stratégies de faire face à la douleur chez des adolescents atteints de déficience intellectuelle

1

[

[

[

[

[

[

70

29] Steward MS, Steward DS. Interviewing young children aboutbody touch and handling. Monogr Soc Res Child Dev1996;61(4/5):1—187.

30] Atkinson D. Research interviews with people with mental han-dicaps. Ment Handicap Res 1988;1:75—90.

31] Smith JA, Osborn M. Interpretative phenomenological analysis.

In: Smith JA, editor. Qualitative psychology: a practical guideto methods. London: Sage; 2003. p. 51—80.

32] Holmes JA, Stevenson CA. Differential effects of avoidant andattentional coping strategies on adaptation of chronic andrecent-onset pain. Health Psychol 1990;9:577—84.

[

M. Zabalia et al.

33] Breau LM, McGrath PJ, Zabalia M. Assessing pediatric painand developmental disabilities. In: Oberlander TF, SymonsFJ, editors. Pain in children and adults with develop-mental disabilities. Baltimore: Brookes Publishing; 2006.p. 149—72.

34] Breau LM, Finley GA, McGrath PJ, Camfield CS. Validation of

the noncommunicating children’s pain checklist postoperativeversion. Anesthesiology 2002;96:528—35.

35] Zabalia M, Esquerré F. Prerequisite abilities in the use of hypno-sis for pain in children with cognitive impairment. J Pain Manag2009;2/1:63—9.