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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 08, Volume 1, octobre 2019 85 STRATEGIES PAYSANNES DE GESTION DES RISQUES CLIMATIQUES DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN DODO Mahouna Citora 1 , DODO Vidéva Catira 2 , OGOUWALE Euloge 3 1 Département de Géographie et Aménagement du Territoire, E-mail : [email protected], 2 Département de sociologie, E-mail : [email protected] 3 Laboratoire Pierre PAGNEY : Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement, E-mail : [email protected] RÉSUMÉ La présente recherche étudie les stratégies développées par les exploitants agricoles face aux risques climatiques dans la dépression des Tchi au Sud-Bénin. La démarche méthodologique utilisée s’articule autour de la recherche documentaire, l’interview des populations cibles et des agents de l’Agence Territoriale pour le Développement Agricole (ATDA). La méthode des prix « atténuateurs » a été utilisée pour l’analyse des résultats. Il a été identifié deux risques climatiques majeurs perçus par les paysans. Il s’agit de l’inondation et des poches de sécheresses. Ces différents risques climatiques majeurs ont des impacts sur l’agriculture familiale comme la perte des récoltes et le mauvais rendement des cultures. En réponse à ces contraintes, les stratégies des exploitants agricoles sont entre autres le drainage par 62 % pour les risques d’inondation, l’irrigation par 68 % pour les risques de poches de sécheresses. Ces stratégies, en raison de leurs limites et contraintes, ne favorisent pas une adaptation efficace de l’agriculture familiale aux risques climatiques. Mais l’amélioration du calendrier agricole, le renforcement du réseau d’observation du climat, la mise en place d’un système agro-climatique d’alerte rapide et des Comités Locaux de Recherche Agricole (CLRA) vont renforcer les stratégies des exploitants agricoles dans la dépression des Tchi. Mots clés : Sud-Bénin, risques climatiques, agriculture familiale et stratégies d’adaptation

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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 08, Volume 1, octobre 2019 85

STRATEGIES PAYSANNES DE GESTION DES RISQUES

CLIMATIQUES DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU

SUD-BENIN

DODO Mahouna Citora1, DODO Vidéva Catira2, OGOUWALE Euloge3

1Département de Géographie et Aménagement du Territoire, E-mail :

[email protected], 2Département de sociologie, E-mail : [email protected] 3Laboratoire Pierre PAGNEY : Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement,

E-mail : [email protected]

RÉSUMÉ

La présente recherche étudie les stratégies développées par les

exploitants agricoles face aux risques climatiques dans la dépression des Tchi

au Sud-Bénin.

La démarche méthodologique utilisée s’articule autour de la recherche

documentaire, l’interview des populations cibles et des agents de l’Agence

Territoriale pour le Développement Agricole (ATDA). La méthode des prix

« atténuateurs » a été utilisée pour l’analyse des résultats.

Il a été identifié deux risques climatiques majeurs perçus par les

paysans. Il s’agit de l’inondation et des poches de sécheresses. Ces différents

risques climatiques majeurs ont des impacts sur l’agriculture familiale

comme la perte des récoltes et le mauvais rendement des cultures. En réponse

à ces contraintes, les stratégies des exploitants agricoles sont entre autres le

drainage par 62 % pour les risques d’inondation, l’irrigation par 68 % pour

les risques de poches de sécheresses. Ces stratégies, en raison de leurs limites

et contraintes, ne favorisent pas une adaptation efficace de l’agriculture

familiale aux risques climatiques. Mais l’amélioration du calendrier agricole,

le renforcement du réseau d’observation du climat, la mise en place d’un

système agro-climatique d’alerte rapide et des Comités Locaux de Recherche

Agricole (CLRA) vont renforcer les stratégies des exploitants agricoles dans

la dépression des Tchi.

Mots clés : Sud-Bénin, risques climatiques, agriculture familiale et stratégies

d’adaptation

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DODO Mahouna Citora, DODO Vidéva Catira & OGOUWALE Euloge

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ABSTRACT

Farming strategies for climate risk management in the low pressure in

southern Benin.

The methodological approach used revolves around documentary research,

interviewing target populations and agents of the Territorial Agency for

Agricultural Development (ATDA). The "attenuator" pricing method was

used to analyze the results.

He identified two major climate risks perceived by farmers. It is of the flood

and the pockets of drought. These major climate risks have impacts on family

farming as loss of crops and the poor performance of the crops. In response

to these constraints, strategies developed by farmers include the drainage by

62% for the risk of flooding, irrigation by 68% to pockets of drought risk.

These strategies, because of their limitations and constraints, do not promote

effective adaptation of family farming to climate risks. But the improvement

of the agricultural calendar, the strengthening of the climate observation

network, the establishment of an agro-climate early warning system and the

Local Agricultural Research Committees (CLRA) will strengthen the

strategies developed by the farmers in the Tchi depression.

Key words : Southern Benin, climate risks, family agriculture and adaptation

strategies

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STRATEGIES PAYSANNES DE GESTION DES RISQUES CLIMATIQUES

DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN

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INTRODUCTION

Dans le monde, les choix adaptatifs (qu’ils viennent des populations

ou des pouvoirs publics) sont pris dans un contexte de renforcement de la

résilience face aux risques climatiques (Smith, 2003). Mais la capacité

d’adaptation dépend des institutions, des ressources économiques, sociales,

humaines d’une société (GIEC, 2007).

Au Burkina Faso, diverses techniques de collecte et de conservation

de l’eau de ruissellement sont de plus en plus vulgarisées et maîtrisées par les

populations (Barbier et al., 2009) afin de s’adapter aux effets de sécheresse.

Dans les pays sous-développés comme le Bénin, l’adaptation en agriculture

familiale s’illustre notamment par la modification du calendrier de plantation

ou des semis, l’adoption de nouvelles technologies et la promotion de la

biodiversité agricole (FAO, 2007).

Certaines mesures d’adaptation pour réduire la vulnérabilité aux effets

néfastes des risques climatiques sont entre autres le développement des

cultures en terrasse, le billonnage ouvert et/ou cloisonné, le buttage, la

colonisation des bas-fonds autrefois réservés pour l’exploitation des cultures

de contre saison, l’utilisation de paquets technologiques de jachères vertes et

le changement d’habitudes alimentaires ont été développées (Ogouwalé,

2004).

Le contexte climatique actuel de la dépression des Tchi au Sud-Bénin

en rapport avec la production agricole amène à se poser la question suivante :

Quelles sont les stratégies développées par les paysans face aux

risques climatiques majeurs dans la dépression des Tchi au Sud-Bénin ? Pour

bien conduire cette recherche, on admet en hypothèse de travail que les

paysans ont développé des stratégies pour faire face aux risques climatiques

majeurs dans la dépression des Tchi au Sud-Bénin.

1. CADRE GEOGRAPHIQUE ET METHODOLOGIQUE

1.1. Présentation du site de la recherche

La dépression des Tchi est une partie du secteur occidental de la

grande dépression centrale argileuse qui traverse le bassin sédimentaire du

Sud-Bénin d’est en ouest, dite dépression de la Lama. Couvrant les

départements du Mono et du Couffo, la dépression des Tchi est située entre le

plateau Adja au nord, celui de Comè au sud et les terres exondées d’Agamè à

l’ouest (Carte 1).

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Carte 1 : Situation géographique et découpage administratif du secteur

d’étude

Source : Lacarto, Janvier 2019

La dépression des Tchi est comprise entre 7°02’ latitude nord, 6°37’

latitude sud et entre 2°25’ longitude est, 1°36’ longitude ouest. La zone se

décompose en une dépression principale à l’ouest, le long du cours inférieur

du fleuve Couffo et en un certain nombre de petites dépressions lacustres. Cet

ensemble représente environ 15% de la superficie des départements du Mono

et du Couffo. Les communes de Bopa, de Dogbo et de Lalo dans les

départements du Mono et du Couffo respectivement s’inscrivent pour une

bonne partie dans cette dépression. Elle couvre une superficie d’environ 432

km² (Lihoussou, 2001).

1.2. Approche méthodologique

L’approche méthodologique utilisée dans le cadre de cet article est

axée sur l’évaluation des effets des risques climatiques majeurs sur

l’agriculture familiale et des stratégies paysannes développées pour faire face

à ces risques dans la dépression des Tchi. Pour ce faire, les données

d’investigations socio-anthropologiques ont été collectées, traitées et les

résultats interprétés.

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DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN

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Le choix des arrondissements parcourus a été fait en se basant sur le

poids des activités agricoles de la localité dans la dépression des Tchi, ce

critère a été mesuré à partir des statistiques agricoles disponibles.

L’échantillonnage a pris en compte 3 communes de la dépression des

Tchi. Il s’agit des communes de Bopa, Dogbo et Lalo.

Les villages parcourus remplissent les critères suivants :

- être situé sur un plateau, sur les versants ou dans les dépressions,

parce que les manifestations des risques climatiques varient selon

ces différents unités ;

- être traversé par un cours d’eau, pour bien apprécier les

inondations.

Les personnes interrogées ont été choisies sur la base des critères

suivants :

- être âgé de 30 ans au moins et 60 ans au plus puisqu’à cet âge, les

personnes enquêtées sont censées restituer ou décrire les

phénomènes climatiques;

- être un acteur de la production agricole et exercer dans le domaine

au moins ces vingt dernières années dans la dépression des Tchi.

Ce critère parce que celui qui a pratiqué l’agriculture dans le

milieu d’étude ces vingt dernières années doit être en mesure

d’apporter des informations conséquentes et concrètes aux

différentes mutations intervenues ;

- être un agriculteur pratiquant au moins deux cultures annuelles

c’est-à-dire les cultures qui subissent les conséquences du stress

hydrique.

La taille de l’échantillon (N) est déterminée par la méthode probabiliste à

l’aide de la formule de Schwartz (1995) : N= 𝐓𝟐 × 𝐏(𝟏−𝐏)

𝐄𝟐 ; où T (écart réduit

critique) est un coefficient dépendant du seuil de confiance, E la marge d’erreur en

pourcentage, P (en pourcentage) la proportion de ménages dans la commune. Dans

la présente recherche, le seuil de confiance retenu est 95 % permettant d’atteindre

un grand nombre de ménages. Ainsi, T est égal à 1,96 et la marge d’erreur est

égale à 5 %. P est le degré d’homogénéité de la population et q le degré de non

homogénéité de la population q=1-p. Les enquêtes ont été réalisées auprès de

381 personnes.

Les questionnaires, les guides d’entretien et les grilles d’observation

ont fait l’objet d’un dépouillement manuel. Les données collectées ont été

saisies et analysées à l’aide du tableur Excel.

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La méthode des prix « atténuateurs » a été utilisée pour l’évaluation

des coûts des mesures développées par les populations paysannes face aux

manifestations des extrêmes climatiques. Elle a été faite en deux étapes. La

première étape a consisté à collecter des données sur les mesures développées. Ces

données comprennent :

• les prix et efforts alloués aux mesures d’adaptation ;

• la rentabilité économique des mesures ;

• la durabilité de la mesure, autrement dit des mesures qui comportent

moins de risques pour l’environnement.

La seconde étape concerne le traitement statistique des données. Il a

été élaboré une fonction qui relie les coûts des stratégies à leur efficacité y

compris la composante environnementale. Cette fonction permet alors de

quantifier l’influence de la durabilité des stratégies sur les prix investis et

donc d’évaluer d’une manière indirecte la valeur de ces stratégies (Tableau I).

Cette évaluation s’est faite à l’aide du protocole statistique NC = ∑NC X SC

X D utilisée et démontrée par (Lanokou, 2014)1.

Tableau I : Matrice d’analyse de l’efficacité des mesures d’adaptation

Durabilité

Mesure

Durée Intensité/

Ampleur

Nature Nécessitée de

suivi après

adoption de la

mesure

Valeur

de D

Très

longue

Très forte

Evitement

Non 4

Oui

Permanent

3,5 Temporaire

Longue

Forte

Atténuation

Non 3

Oui

Permanent

2,5 Temporaire

Moyenne

Moyenne

Correction

Non 2

Oui

Permanent

1,5 Temporaire

Courte

Faible

Compensation

Non 1

Oui

Permanent

0,5 Temporaire

1 avec Nc la valeur d’une stratégie d’adaptation développée par un paysan face aux

manifestations des extrêmes climatiques sur les terres noires de la Dépression

Médiane

nc le coût de la mise en œuvre d’une seule stratégie à l’hectare

Sc la superficie totale emblavée par le paysan pour la campagne agricole

D la durabilité des mesures

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DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN

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Source : Conception Lanokou, 2014

L’examen du tableau I montre que la durabilité D peut prendre les

valeurs de 1 à 4. Toutes les stratégies qui ont une valeur D ≤ 1,5 sont

caractérisées non susceptibles d’amélioration, donc peuvent être abandonnées

par la population.

Quant à l’évaluation des coûts des stratégies de mitigation proposées,

elle a été réalisée à l’aide des estimations. Ces estimations ont été fondées sur

les prix sur le marché, des nécessaires pour la mise en œuvre de ces

stratégies. En effet, après avoir fait un diagnostic des intrants pour la

réalisation de chaque stratégie proposée, il a été procédé à l’identification des

endroits (marchés) où chaque intrant peut être acheté.

2. IDENTIFICATION ET IMPACTS DES RISQUES CLIMATIQUES

2.1. Manifestations des risques climatiques

Depuis une quinzaine d’années, la dépression de Tchi est soumise à

une forte variation du climat, accroissant alors la vulnérabilité des

populations. Les risques climatiques identifiés à travers la collecte des

données à partir des observations et des entretiens sont : chaleur excessive,

Inondations, mauvaise répartition dans l’espace et dans le temps des pluies,

pluies tardives, poches de sécheresse et vents violents.

Les différents risques identifiés ci-dessus sont perçus par les

populations dans le secteur d’étude (tableau II).

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Tableau II : Manifestations des risques climatiques

Risques

climatiques

Causes des risques climatiques Manifestations % des enquêtés Hiérarchisation

des risques

Sécheresse (R1) - déforestation ;

- le grand vent dissipe les nuages;

- Mésententes religieuses ;

- mauvais comportement des

populations vis-à-vis des « dieux

»;

- multiplication des religions;

- abandon des vodouns, occupation

des collines par le centre notre

dame de l’Espérance;

- les populations des localités qui

ne disposent pas de cours d’eau

par jalousie empêchent la pluie

de tomber

- dépassement des dates de semis

-défoliation des tecks, tarissement des points d’eau

23 % 1er

Pluies tardives et

très fortes (R2)

-la pluie s’annonce sans pleuvoir

-fausse alerte dispersée par le vent

12 % 5ème

Chaleur

excessive (R3)

-les pluies tardent à démarrer

-la chaleur s’installe

12 % 6ème

Excès de pluie /

Inondations (R4)

-les pluies viennent en abondance

-il pleut régulièrement jusqu’à la récolte et toutes

pourrissent.

18 % 2ème

Poches de

sécheresse (R5)

la pluie tombe un peu et cesse pendant un mois 15 % 4ème

Vents violents

(R6)

-le ciel s’assombrit et le vent commence

-les moutons prennent panique et Commencent par

bêler

3 % 7ème

Mauvaise

répartition des

pluies (R7)

-formation des nuages accompagné de vents et puis

après il ne pleut plus

-démarrage des pluies dans d’autres localités

17 % 3ème

Source : Enquête de terrain, novembre, 2018

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Il ressort du tableau II que les risques R1 et R4 sont les risques

majeurs de la dépression des Tchi et les risques R2, R3, R5, R6 et R7 y sont

ceux mineurs.

2.2. Impacts des manifestations des risques climatiques sur

l’agriculture dans la dépression des Tchi

Le tableau III montre que les manifestations des risques climatiques

impactent la production agricole, il s’agit entre autres : destruction des cultures,

reprise régulière des semis et mauvais rendement des cultures.

Tableau III : Impacts des manifestations des risques climatiques sur

l’agriculture familiale

Risques climatiques Impacts des manifestations des risques climatiques sur

l’agriculture familiale

Sécheresse Mauvais rendement du maïs, du niébé, du manioc et

l’arachide

Pluies tardives et très

fortes

Dégâts très important sur le maïs, le niébé et les

racines des

Tubercules (manioc)

Chaleur excessive Semis réguliers et mauvaise production

Excès de pluie /

Inondations

Perte des récoltes et pas de rendement

Poches de sécheresse Dépréciation des récoltes surtout le maïs

Vents violents Destruction des cultures

Mauvaise répartition

des pluies dans l’espace

et dans le temps

Destruction des cultures par les rongeurs; inondation;

baisse de

Rendement; retard dans le semis

Source : Enquêtes de terrain, novembre, 2018

3. STRATÉGIES DADAPTATION AUX RISQUES CLIMATIQUES

3.1. Efficacité des stratégies d’adaptation paysannes

Il s’agit de mettre en exergue les stratégies adaptatives développées

par les paysans en cas de stimuli climatiques dans la Dépression des Tchi.

3.1.1. Semis répétés

Les semis répétés consistent à mettre en terre une deuxième fois la

même variété de culture sur les mêmes parcelles au cours de la même saison

culturale et (78 %) des paysans enquêtés affirment qu’ils pratiquent les semis

répétés. Cette pratique permet le remplacement des plants fanés par

l’insuffisance hydrique consécutive à la rupture des pluies pendant les semis.

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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N° 08, Volume 1, octobre 2019 94

Cette pratique, selon ces paysans, est fréquemment utilisée à cause des

fréquentes poches de sécheresses observées au cours de ces dernières années.

3.1.2. Semis précoces

Les semis précoces consistent à faire profiter des premières pluies aux

cultures. Par la suite, les cultures sont assez vigoureuses pour résister aux

séquences sèches. Trente-sept pour cent (37 %) des personnes enquêtées

pratiquent cette stratégie.

3.1.3. Semis échelonnés

Les semis échelonnés sont une autre stratégie développée par les

producteurs comme réponse adaptative aux risques climatiques. Les semis

échelonnés consistent à semer à des dates différentes la même culture sur des

parcelles différentes (le plus souvent à des décades différentes). Pour cela, il

a été enregistré des semis précoces à bonne date et des semis tardifs. Cette

pratique permet de faire face à l’incertitude au niveau de la mise en place de

la saison des pluies et à la mauvaise répartition dans le temps et dans l’espace

des pluies. Cela répond à la fois à une gestion temporelle et spatiale. Près de

80 % des enquêtés pratiquent des semis échelonnés pour les principales

cultures (manioc et maïs).

3.1.4. Utilisation des engrais chimiques et des pesticides

Dans la dépression des Tchi, les sols sont continuellement cultivés car

la jachère n’est point pratiquée. Cette surexploitation entraîne un

appauvrissement du sol rarement compensé par l’apport d’éléments

fertilisants, organiques ou chimiques. Soixante-sept pour cent (67 %) des

enquêtés affirment utiliser plus d’engrais chimiques aujourd’hui pour

améliorer les rendements des cultures. Son acquisition nécessite que des

paysans se constituent en de petites associations de producteurs comme les

organisations paysannes de la filière cotonnière ou du maïs. Par contre pour

(33 %) des enquêtés, l’utilisation des engrais organique est une mesure pour

remédier à la baisse des rendements aux risques climatiques. Par ailleurs, il

est observé d’une manière générale dans la dépression l’utilisation abusive

des intrants agricoles non adaptés aux sols. C’est dans l’intention de

contourner la surexploitation des sols et l’exiguïté des surfaces cultivables

par exploitant que le recours est fait à l’utilisation des intrants agricoles tels

que les engrais, les pesticides, etc.

3.1.5. Recours à l’irrigation

L’irrigation est une stratégie développée par les producteurs pour faire

face à la récession pluviométrique afin de maintenir le même niveau de

production. C’est une manière d’intensifier la production en ce qui concerne

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DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN

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surtout le riz et le maraîchage. Elle se fait par usage de l’eau souterraine,

c’est-à-dire les forages ou puits tubés (Planche 1) dans les zones

alluvionnaires où la nappe est peu profonde et avec une forte perméabilité.

Selon les paysans, l’emploi des puits tubés est moins coûteux que l’irrigation

avec l’eau de surface à cause des différents types de tuyaux et de l’énergie

mise en jeu. La pratique de l’irrigation est observée uniquement chez les

producteurs de la dépression des Tchi. Cette stratégie permet de faire face aux

poches de sécheresses, à la mauvaise répartition spatiale et temporelle des

pluies et au démarrage tardif des pluies.

Planche 1 : Irrigation d’un champ à partir d’un forage (pompage par

motopompe) à Bopa

Prise de vues : Dodo, novembre 2015

La planche 1 présente le système d’irrigation des champs par

motopompe ou forage. Ceci permettra de mieux arroser les cultures en saison

sèche. Selon 72 % des enquêtés cette stratégie permet de réduire la

vulnérabilité de l’agriculture familiale aux risques climatiques.

L’application de la matrice d’analyse de l’efficacité des mesures

d’adaptation/alternatives a permis de réaliser la figure 2.

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Figure 2 : Mesures d’adaptation

Source : Conception DODO, 2019

La figure 2 montre que parmi les mesures d’adaptation/alternatives

développées par les populations, il y a la pratique de feu de végétation et la

reconversion professionnelle (zémidjan et carbonisation) qui ont des valeurs

d’efficacité ≤ 1,5. Mises à part ces stratégies, l’amélioration de toutes les

autres stratégies peuvent renforcer la rentabilité de la mise en valeur agricole

des terres dans la dépression des Tchi.

Au total, les stratégies développées par les populations locales sont en

rapport avec leur perception sur l’évolution des risques climatiques. Les

paysans de la dépression de Tchi cultivent sur la base de leurs observations d

u climat et de l'environnement qui les entoure. Cependant, ces stratégies

développées sont peu efficaces au regard de l’évolution du climat actuel.

3.2. Mesures d’adaptation proposées

Les mesures d’adaptation ci-après sont jugées plus efficaces et

prioritaires après une analyse de fond des stratégies endogènes.

3.2.1. Réaménagement du calendrier agricole

Les enquêtes de terrain ont révélé que la préparation des trous à semis se fait

dans l’ensemble de la Dépression du 8 au 15 mars. Le semis commence juste après

cette phase pour être terminé à mi-avril (15 mars au 15 avril). Ce sont ces activités

qui déterminent la date du déroulement des autres travaux champêtres jusqu’à la

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

5

Va

leu

r d

e la

la

du

rab

ilit

é (D

)

Mesures d'adaptation

Outils de travail dans la dépression des Tchis

Diversification de la main-d’œuvre agricole

Feu de végétation

Préparation de trous à semis ou activités de pré-

semis

Semis précoce et tardif dans la dépression des Tchis

Stratégies de lutte contre les adventices et les

ravageurs

Mise en valeur des parties exondées des champs

Vente de maïs frais

Culture de contre-saison et riziculture irriguée

Mesures d’adaptation/alternatives aux difficultés du

déplacement des biens et personnes

Reconversion professionnelle

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DANS LA DEPRESSION DES TCHI AU SUD-BENIN

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récolte. Ce calendrier a été élaboré sur la base des conditions pluviométriques

moyennes. Mais, suite aux perturbations actuelles des paramètres pluviométriques

dans les localités des Tchi du Sud-Bénin, les paysans seront obligés de semer en

dehors de la période la plus « favorable » pour le semis.

En se basant sur tout ceci et sur la période d’apparition prononcée des

inondations (mois de juin), des retards dans la préparation des champs puis la mise

en place des retenues d’eau proposée, un nouveau calendrier cultural dans la

dépression des Tchi (tableau IV) est à adopter.

Pendant la grande saison de pluies, les champs doivent être emblavés

en cultures vivrières (maïs, niébé), en monoculture ou en cultures

successives. Pour limiter l’effet d’ombre, seule la culture du pois d’angole

peut être associée à celle du maïs. Les semis devront intervenir tôt (dès les

premières pluies) avec des variétés à haut rendement et à cycle court pour

permettre aux cultures d’atteindre le stade de maturité avant les inondations.

Ceux de la petite saison devront aussi intervenir tôt avec ces mêmes variétés

de cultures.

Au début de la saison sèche, l’humidité du sol dans la dépression est

encore assez élevée. Les paysans pourront mettre en place le maraîchage.

Ainsi, après les cultures d’hivernage, chaque sol recevra au moins une fois la

culture maraîchère. Les sols où existent des plans ou des retenues d’eau,

recevront deux fois la culture maraîchère successive de novembre à avril.

L’utilisation de ces zones pour la deuxième culture maraîchère sera suivie

d’un calendrier d’arrosage régulier.

La production sur les rizières sera faite toute l’année car il existe de

l’eau de façon permanente.

Les paysans doivent revoir leur politique de gestion de l’héritage. En

effet, l’émiettement des parcelles ne favorise pas l’aménagement agricole sur

de grandes superficies. Ainsi, il serait bon qu’ils excluent le partage foncier

afin d’encourager le travail en groupe qui pourrait améliorer la production

agricole.

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Tableau IV : Proposition d’un nouveau calendrier cultural dans la dépression des Tchi

Source : Traitement des données, novembre 2015

Activités

Cultures

Préparation de trous à

semis

Semis Resemis Sarclage Récolte

1ère saison 2ème saison

1ère saison 2ème saison

1er

entretien

2ème

entretien

3ème

entretien

Maïs (à cycle

court)

20 février au

3 mars

jours de

semis

4 mars au 4

avril

1er au 20

septembre

10 à 15

jours après

le semis

soit 14 au

19 mars

A partir du

15ème jour

après

semis

3ème

semaine

après le

1er

_

90 jours après semis

Niébé/ gombo

Jours de

semis

Jours de

semis

20 juillet au

5 août

15 novembre

au 1er

décembre

Après

pousse

générale

Champs propres dans les 6

premières semaines après semis

70 à 85 jours après semis

Pois d’angole

20 février au

3 mars

_

4 mars au 4

avril

_

10 à 15

jours après

semis soit

14 au 19

mars

A partir du 15ème jour après semis

3ème

semain

e après

le 1er

Une semaine

après la

récolte du

maïs (mais

avec le coupe-

coupe)

240 jours

après

semis

Riz Toute période

de l’année

Toute

période de

l’année

Toute

période de

l’année

Toute

période de

l’année

Toute

période de

l’année

Toute période de l’année Toute

période

de

l’année

Toute période

de l’année

Toute

période

de

l’année

Légumes à fruits

(tomate,

piment,…)

Jours de

semis

12 au 19

janvier

15 au 31

octobre

20 au 31

janvier

10 à 15

jours après

semis

Champs propres les trois (3) 1ères

semaines après semis

90 jours après semis

Légumes feuilles

(Solanum

macropacum,

Vernonia

cinerea)

Jour de semis

5 au 12

janvier

15 au 30

novembre

5 au 15

janvier

_

Champs propres les deux (2) 1ères

semaines après semis

30 jours après semis

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3.2.2. Aménagement des bas-fonds et des abords des retenues

d’eau

Les bas-fonds et les abords des retenues d’eau constituent un atout

pour le développement de la dépression des Tchis, mais ne sont pas exploités

à bon escient pour tout au moins accroître les revenus agricoles. Ainsi,

l’aménagement et la mise en valeur des bas-fonds et des abords des retenues

d’eau devraient être perçus comme un moyen de diversification de la contre-

saison et de rallonger ainsi de quelques mois l’exploitation des terres. Par

conséquent, les populations s’occuperont pendant les saisons sèches,

diversifieront leurs sources de revenus.

3.2.3. Renforcement du réseau d’observation du climat et mise en

place d’un système agro-climatique d’alerte rapide

Le renforcement du réseau d’observation du climat vise

principalement à accroître la capacité de disposer des données d’informations

climatiques plus complètes et fiables, en érigeant tout au moins certains

postes pluviométriques en stations climatologiques et en renforçant les

instruments de mesure.

A propos du système agro-climatique d’alerte rapide, sa mise en place

pourra permettre de mettre à la disposition des usagers agricoles, au moins en

temps réel, des informations agro-météorologiques sous forme d’avis,

d’alerte et autres. Il est question d’un dispositif opérationnel de prévention et

de gestion des risques climatiques ou des phénomènes météorologiques

extrême ou inhabituels.

3.2.4. Comités Locaux de Recherche Agricole (CLRA)

Il s’agit de définir une production agricole à la fois très productive,

limitant son emprise spatiale, respectueuse de l’environnement et adaptée à

de nombreuses situations climatiques et écologiques. Cette recherche

permettrait également de réfléchir à la nature des choix publics qu’il faudra

sans doute effectuer au fur et à mesure que l’espace productif agricole

deviendra rare.

La réponse de cette recherche consisterait notamment à mettre au

point des variétés de culture à cycle court et résistantes à la sécheresse et

répondant au mieux à des pluies plus ou moins aléatoires. Aussi pourrait-elle

permettre d’introduire les techniques agronomiques de conservation des eaux

du sol. Le fait de travailler directement avec les paysans pour les rendre plus

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aptes à exprimer leur savoir agricole et à mener de la recherche sur leurs

propres exploitations, leur permettrait de mieux prendre leur vie en main.

L’organisation de cette collaboration avec les paysans constitue l’un des

points majeurs que doivent traiter les systèmes de recherche agricole dans la

dépression des Tchi. Pour ce faire, il est préférable de former dans chaque

arrondissement des localités des terres noires des « Comités Locaux de

Recherche Agricole » (CLRA).

Les Comités Locaux de Recherche Agricole seront composés des

paysans et des chercheurs agronomes. Les CLRA auront pour objectif

d’améliorer les techniques culturales (assurant le développement durable de

l’agriculture) des paysans afin de développer, de diversifier et de sécuriser la

production agricole dans la Dépression Médiane pour une autosuffisance

alimentaire.

Le rôle de l’Etat est d’assurer l’attribution à chaque CLRA de fonds

pour financer les intrants de la recherche.

L’intégration des CLRA dans le processus du développement

participatif de technologies va permettre aux paysans et aux chercheurs de

développer ensemble des techniques. Cela va apporter des données (pour les

chercheurs et les responsables politiques) et une meilleure compréhension du

processus (pour les paysans et les chercheurs).

Pour la création des CLRA, le gouvernement doit engager des

chercheurs agricoles. Ils seront dotés chacun d’un moyen de déplacement

(une moto). Avec l’aide des agents du SCDA, les paysans formeront par

arrondissement un groupe de six (6) personnes. C’est à ce groupe que

s’ajoute le chercheur agricole.

En outre, il faut assurer la formation des membres des CLRA. Cette

formation doit être faite en langue locale pour les paysans. Il faut donc les

alphabétiser. Cette alphabétisation ne doit pas seulement être considérée dans

son sens brut c’est-à-dire l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. En plus

de cet aspect, elle permettra aux paysans de développer leurs aptitudes,

d’enrichir leurs connaissances et d’améliorer leurs qualifications techniques

et professionnelles ou les réorienter en fonction de leurs besoins.

De façon globale, il ressort que ce sont les stratégies développées par

les paysans diffèrent d’un risque à un autre. Ces stratégies n’étant pas

efficaces, des mesures sont mises en place pour réduire la vulnérabilité de

l’agriculture familiale aux risques climatiques dans la dépression des Tchi.

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4. DISCUSSION

Cette recherche est une contribution aux débats scientifiques sur les

stratégies paysannes de gestion des risques climatiques dans la dépression

des Tchi au Sud-Bénin.

Les différents discours des producteurs ont d’une part permis de

recenser les risques climatiques et d’autre part de les illustrer à travers leurs

manifestations. Ces perceptions ne diffèrent nullement des constats faits suite

aux analyses des données climatologiques de la zone. Ceci permet de dire que

les producteurs de la zone d’étude appréhendent et évaluent les dynamiques

qui caractérisent le climat de leur localité. Ce qui leur permet de ne pas rester

passifs face aux conséquences sur leurs activités (Dodo, 2016).

La sécheresse des années 1970 a révélé tout le profit qui pouvait être

tiré des agro-systèmes des bas-fonds et les paysans ont spontanément

commencé à les mettre en valeur. Les résultats des investigations ont révélé

que (54 %) des enquêtés ont mis en valeur les bas-fonds à cause de la baisse

pluviométrique, de la fin précoce de la saison des pluies. Les bas-fonds,

caractérisés par une humidité prolongée et par la fertilité des sols, permettent

de développer plusieurs types de cultures. Il est vrai que la mise en valeurs

des bas-fonds n’est pas sans risque pour le paysan. Il est en effet, exposé au

risque d’inondation, conséquence du développement rapide des adventices et

aux risques pathologiques (Vignigbé, 1992 ; Akindélé, 2014). Les bas-fonds

utilisés pendant la saison des pluies, sont aussi exploités pendant la saison

sèche pour les cultures de contre saison et maraîchères.

Les aménagements hydro-agricoles se présentent donc comme la

meilleure stratégie de réduction de la vulnérabilité et d’adaptation de

l’agriculture aux risques climatiques, surtout dans le Hollidjé qui dispose des

caractéristiques aussi bien physiques qu’humaines (Seydou, 2016).

Les exploitations agricoles familiales sont soumises à diverses formes

de vulnérabilité qui peuvent être d’ordre politique, technologique,

socioéconomique et environnementale. Cet état de fait a favorisé le

développement d’une forte capacité de résilience des exploitations.

Néanmoins, l’acuité et la redondance des formes de vulnérabilité a fini de

montrer les limites de résilience de ces exploitations. D’où la nécessité

d’analyser la capacité des exploitations à faire face à ces situations diverses

afin de mieux appréhender « les stratégies de conciliation de leurs intérêts et

besoins avec les ressources disponibles » (Sall et al., 2011).

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CONCLUSION

Le présent article étudie les stratégies développées par les paysans

face aux risques climatiques dans la dépression des Tchi au Sud-Bénin. Celle-

ci secouée par les impacts des manifestations des risques climatiques qui se

manifestent entre autres, par une récurrence des années déficitaires et des

modifications saisonnières. Ainsi, le démarrage de la saison pluvieuse devient

de plus en plus irrégulier au point où le calendrier agricole traditionnel des

paysans est mis en difficulté engendrant ainsi des baisses de productions

agricoles.

Face à ces situations climatiques et au regard de l’importance que les

producteurs accordent à l’agriculture, des stratégies adaptatives sont mises en

œuvre en vue de réduire les incidences. Il s’agit entre autre de l’irrigation,

l’utilisation d’engrais, les semis échelonné et multiples (ou répétés). Les

stratégies n’étant pas efficaces, il a été proposé des mesures pour les

renforcer. Il s’agit entre autre de : réaménagement du calendrier agricole et

Comités Locaux de Recherche Agricole (CLRA).

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