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QUELS ROMANTIQUES SOMMES-NOUS ? SUBLIME AU GROTESQUE Victor Hugo, Dieu et les tables tournantes . ROBERT KOPP Victor Hugo n'est pas un voyant des choses de Dieu, mais de l'ombre de l'absence de Dieu. Paul Claudel L e domaine par excellence du sublime, n'est-ce pas la religion ? Nous la concevons couramment en termes d'élévation, donc de sublime. Toutefois, les pratiques quotidiennes intègrent souvent des éléments venus d'horizons bien différents : foi et superstition ont partie liée, et ceci depuis toujours (1). Souvent, leur cohabitation ne pose guère de problème, comme à certaines époques du Moyen Âge ; mais elle semble être particulièrement conflictuelle aux époques d'incertitude et de doute, lorsque l'arma- ture intellectuelle et morale qui avait prévalu pendant des généra- tions se fissure et que la recherche effrénée de valeurs nouvelles obsède les esprits. C'est bien le cas de nos jours : le succès des sectes les plus grotesques et des croyances les plus ridicules le prouve. Que d'agitateurs de grelots qui envahissent jusqu'à l'espace public ! Ce fut aussi le cas dans la France du XIX e siècle, empêtrée

SUBLIME AU GROTESQUE Victor Hugo, Dieu et les tables tournantes · 2020. 3. 25. · Du sublime au grotesque Victor Hugo, Dieu et les tables tournantes que Mme de Staël appelle P«

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  • QUELS ROMANTIQUES SOMMES-NOUS ?

    SUBLIME AU GROTESQUEVictor Hugo, Dieuet les tables tournantes

    . ROBERT KOPP

    Victor Hugo n'est pas un voyant des choses de Dieu, mais de l'ombre de l'absencede Dieu.

    Paul Claudel

    L e domaine par excellence du sublime, n'est-ce pas la religion ?Nous la concevons couramment en termes d'élévation, doncde sublime. Toutefois, les pratiques quotidiennes intègrentsouvent des éléments venus d'horizons bien différents : foi etsuperstition ont partie liée, et ceci depuis toujours (1). Souvent,leur cohabitation ne pose guère de problème, comme à certainesépoques du Moyen Âge ; mais elle semble être particulièrementconflictuelle aux époques d'incertitude et de doute, lorsque l'arma-ture intellectuelle et morale qui avait prévalu pendant des généra-tions se fissure et que la recherche effrénée de valeurs nouvellesobsède les esprits. C'est bien le cas de nos jours : le succès dessectes les plus grotesques et des croyances les plus ridicules leprouve. Que d'agitateurs de grelots qui envahissent jusqu'à l'espacepublic ! Ce fut aussi le cas dans la France du XIXe siècle, empêtrée

  • QUELS ROMANTIQUES SOMMES-NOUS?Du sublime au grotesqueVictor Hugo, Dieuet les tables tournantes

    dans les séquelles d'une Révolution qui ne finissait pas de finir etdont l'ombre portée plane encore sur les clivages politiques d'au-jourd'hui. Jamais les régimes ne se sont chassés à un rythme aussirapide ; jamais les partisans de l'ordre et ceux du mouvement nese sont combattus avec autant de violence. Or, ce n'est pas la poli-tique qui domine le siècle - ou en apparence seulement - c'est lareligion, et ceci au dire même des historiens des idées politiques,tel Michel Winock, qui a raison d'écrire : « La question religieuseest, en ce XIXe siècle, au centre de tous les conflits, au cœur detoutes les interrogations philosophiques et politiques. Siècle de lamort de Dieu et siècle de la Science, le XIXe est aussi celui de lanostalgie inassouvie de la divinité, quand s'épuisent, à peine nées,les espérances de la raison. /.../Aucune époque, peut-être, n'a étéaussi profuse en projets religieux : nouveau christianisme de Saint-Simon, religion de l'humanité de Leroux ou de Comte, néo-chris-tianisme de Sand, néo-catholicisme de Lamartine, religiosité pré-gnante des premiers socialismes (jusqu'à l'antithéiste Proudhonhanté par la figure de Jésus), sans parler de la diffusion sans voilede l'occultisme, auquel un Victor Hugo s'adonne tout en fustigeantle parti prêtre (2). »

    Ces lignes résument parfaitement l'une des problématiquesmajeures du XIXe siècle (3), à savoir celle, non pas de la religion,mais des religions nouvelles, susceptibles de prendre la suite ou laplace d'un christianisme largement démonétisé dès avant la fin del'Ancien Régime et qui ne se remettra jamais des coups que lui.aportés la Révolution. « Quelle sera la religion qui remplacera lechristianisme ? » demande Chateaubriand, dès 1797, à la fin de sonEssai sur les révolutions, car il est entendu, pour lui, qu'une société,quelle qu'elle soit, n'est viable et quelque peu solide qu'à condi-tion de reposer sur un fondement religieux (4). On connaît laréponse que Chateaubriand donnera lui-même, cinq ans plus tard,à sa question : le christianisme se remplacera lui-même, puisquel'on n'a pas trouvé de religion plus poétique, c'est-à-dire mieux àmême de satisfaire l'imagination des hommes. L'imagination et lessens, faudrait-il dire : car la supériorité du christianisme s'exprimesurtout à travers la musique, l'architecture, la peinture, la littérature,bref, tout ce qui ne s'adresse pas à la raison, mais qui soulève ce

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    que Mme de Staël appelle P« enthousiasme ». Chateaubriand a ainsitranché la vieille querelle du merveilleux en faveur du merveilleuxchrétien (.5). La référence ne sera plus seulement Homère, maisHomère et la Bible, les deux sources d'inspiration que Victor Hugone cessera d'invoquer conjointement à son tour. Le Génie du chris-tianisme, dont on a un peu oublié de fêter le bicentenaire en cetteannée 2002 dévolue trop exclusivement à Hugo, à Dumas et àZola (6), a été l'un des best-sellers tout au long du XIXe siècle ; ila été constamment réédité ; il est devenu un des livres de prix parexcellence et l'on ne compte pas les versions abrégées. La premièreédition avait paru peu avant le Concordat ; la deuxième était toutnaturellement dédiée au Premier consul, l'artisan de la politiquede réconciliation.

    Toutefois, même si ce renouveau catholique, auquel participent,à l'époque, nombre d'auteurs comme Lamennais, Barbey d'Aurevilly,Veuillot ou Lacordaire, est sans doute le courant le plus importantdans ce renouveau religieux général, il existe toute une série dereligions concurrentes. Et, chose remarquable : leurs fondateurssont le plus souvent des poètes et des écrivains. Ce sont eux, cesmages romantiques, ces prophètes des temps à venir, qui secroient investis de ce pouvoir spirituel laïque que nous connais-sons bien désormais, grâce aux excellents travaux de PaulBénichou (7). Ce pouvoir spirituel laïque, Quinet et Michelet etVictor Hugo l'ont explicitement revendiqué, et beaucoup d'autres,tout au long du XIXe siècle. Voici ce qu'écrit Victor Hugo dans uncarnet qui date de mai 1853, donc de l'époque de Jersey qui nousintéresse tout particulièrement ici : « II y a dans ma fonctionquelque chose de sacerdotal. Je remplace la magistrature et le cler-gé. Je juge, ce que n'ont pas fait les juges ; j'excommunie, ce quen'ont pas fait les prêtres (8). » Ce genre de remarque, on en trouvetout au long de la carrière de Victor Hugo, de ses premiersrecueils de vers jusqu'à ses préfaces testamentaires. Elles désignentparfaitement l'idée qu'il se faisait de son métier. C'est donc dansun certain contexte qu'il faut placer ces réflexions sur « VictorHugo, Dieu et les tables tournantes » (ou parlantes, ou mouvantes,comme on disait aussi à l'époque). Dieu et les tables tournantes.La conjonction trahit une petite arrière-pensée : à savoir qu'il s'agit

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    des deux faces d'une même médaille, de deux aspects, indisso-ciables, de ce phénomène complexe qu'est la religion de VictorHugo et qui comporte, tout comme ses romans ou ses drames, uncurieux mélange de grotesque et de sublime.

    Une religion de bric et de broc

    Une des grandes sources du romantisme européen - et par-tant du romantisme français - a été l'occultisme sous toutes sesformes : magnétisme, spiritisme, théosophisme, magie (9). Blake etNovalis, Balzac et Nerval, et beaucoup d'autres, ont puisé à pleinesmains dans les œuvres de Swedenborg, de Saint-Martin, de Mesmer,de l'abbé Constant (Éliphas Lévi). Rien d'étonnant que VictorHugo se soit abreuvé aux mêmes sources (10). Plus près de nous,les surréalistes y ont puisé à leur tour. Et aujourd'hui, c'est un peuà travers les expériences de ces derniers que nous lisons les proto-coles des tables. Mais avant de s'intéresser à l'occultisme, VictorHugo n'a-t-il pas participé, en bon poète catholique, au renouveaureligieux de la Restauration ? La crise mystique, dont parlent tousses biographes, ne semble pas antérieure à la fin des années 1840et l'impact qu'elle a eu sur sa création poétique n'est pas facile àdéterminer (11).

    En effet, le jeune Victor Hugo a d'abord été un romantiquede droite, royaliste et catholique, à l'instar de Chateaubriand. « Lalittérature présente - écrit-il dans la préface des Nouvelles Odesparues en mars 1824 -, telle que l'ont créée les Chateaubriand, lesStaël, les La Mennais, n'appartient donc en rien à la révolution. Demême que les écrits sophistiques et déréglés des Voltaire, desDiderot et des Helvétius ont été d'avance l'expression des innova-tions sociales écloses dans la décrépitude du dernier siècle, la litté-rature actuelle, que l'on attaque avec tant d'instinct d'un côté, et sipeu de sagacité de l'autre, est l'expression anticipée de la sociétéreligieuse et monarchique qui sortira sans doute du milieu de tantd'anciens débris, de tant de ruines récentes. Il faut le dire et leredire, ce n'est pas un besoin de nouveauté qui tourmente lesesprits, c'est un besoin de vérité ; et il est immense (12). »

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    On sait que quelques années plus tard, Victor Hugo s'estémancipé de ce royalisme catholique pour rejoindre le camp deslibéraux, puis des partisans de la révolution de Juillet et des béné-ficiaires de celle-ci, comme député et comme pair de France. Ilaurait donc laissé loin derrière lui son enfance et sa jeunesse, mar-quées - comme il le prétendra plus tard - par la « sombre domina-tion cléricale ».

    Or, il y a une grande part de légende dans cette façon deprésenter les choses. Il n'y a jamais eu de « sombre dominationcléricale ». Le catholicisme de Victor Hugo était un catholicismepurement littéraire. Victor Hugo - contrairement à Chateaubriandou à Lamartine - n'a point eu une enfance religieuse. Il n'a pasmême été baptisé (13). Pourquoi l'aurait-il été ? Ses parents ne s'étaientpoint mariés à l'église. Victor Hugo le savait fort bien. Il lui estmême arrivé de le dire. Ainsi, dans Victor Hugo raconté par untémoin de sa vie, cette première grande hagiographie dictée àAdèle et publiée en 1863, pendant l'exil : « II n'y eut pas de maria-ge religieux. Les églises étaient fermées dans ce moment [noussommes en 1797], les prêtres enfuis ou cachés, les jeunes gens nese donnèrent pas la peine d'en trouver un. La mariée tenait médio-crement à la bénédiction du curé, et le marié n'y tenait pas dutout (14). »

    La mère de Victor Hugo était une voltairienne ; elle ne fitbaptiser aucun de ses enfants. Et lorsqu'elle s'est trouvée enEspagne avec ses fils, elle les a déclarés comme protestants pourleur éviter d'être obligés de servir la messe. Ne pas avoir été bapti-sé, pour le chantre du trône et de l'autel, cela pouvait apparaîtrecomme un manque, surtout au moment où il veut se marier (etque pour ce faire, il lui faut produire un acte de naissance et debaptême). Aussi, l'abbé Lamennais lui suggéra un « baptême souscondition ». Toutefois, au dernier moment, le catéchumène a pré-féré garder sa liberté (15).

    Voltairien, royaliste et anticlérical : trois qualificatifs qu'ilarrive d'ailleurs à Victor Hugo de reprendre à son compte. Il sedésignera volontiers, lui aussi, comme « royaliste voltairien »lorsque, rétrospectivement, il parlera de ses débuts. C'est ainsi quedans ses premiers textes, il lui arrive de fustiger à la fois le catholi-cisme et l'athéisme.

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    Au départ, donc, nulle tendance au mysticisme. Pas davan-tage lorsqu'il passera du royalisme voltairien de sa mère au roya-lisme chrétien de son grand modèle Chateaubriand. À la suite dece dernier, il déclare, en tête des Odes et ballades (préface de l'édi-tion de 1826) : « De tous les livres qui circulent entre les mains deshommes, deux seuls doivent être étudiés par lui [le poète], Homèreet la Bible. C'est que ces deux livres vénérables, les premiers detous par leur date et par leur valeur, presque aussi anciens que lemonde, sont eux-mêmes deux mondes pour la pensée. On yretrouve en quelque sorte la création tout entière considérée sousson double aspect, dans Homère par le génie de l'homme, dansla Bible par l'esprit de Dieu (16). » Or, mettre le génie de l'hommeen communication, pour ne pas dire en communion avec l'espritde Dieu, c'est bien l'une des ambitions de Victor Hugo. C'est aussil'enjeux des tables, si l'on en croit - mais on a le droit de resterméfiant - cette conversation entre Victor Hugo et AugusteVacquerie, conversation rapportée par le Journal de l'exil d'Adèle,la fille du poète, sous la date de novembre 1854, les expériencesayant commencé en septembre 1853 :

    VICTOR HUGO - Le Phénomène des tables a pour but de ramenerl'homme au spiritualisme et de l'y ramener immédiatement. La Révolutionest prête ; le parti républicain qui fera la Révolution est également prêt ;seulement, le parti républicain et le peuple ne croient pas. Ils nient Dieu,Dieu, las d'attendre le lent travail de la pensée humaine, se révèle à euxpar le phénomène matériel et incontestable des tables.

    AUGUSTE VACQUERIE - [présente quelques objections et fait remar-quer que l'homme, au cours de l'histoire, s'est affranchi des dieux, estdevenu majeur] : Enfin arrive la Révolution de 1793. L'homme est majeur.Que vient faire l'intervention de la divinité en plein XIXe siècle ?

    VICTOR HUGO - Vous avez raison sur certains points. L'homme futd'abord sous l'influence directe et palpable de la divinité, plus tard, l'in-fluence s'amoindrit et reste à l'état de conseil, mais en même tempsl'homme devient superstitieux et fanatique ; puis, avec Diderot etVoltaire, la littérature tombe dans l'incrédulité, et après avoir échappé aufanatisme, la Révolution verse de l'autre côté, dans l'athéisme.

    Plus tard, une fausse religion de boudoir, appelée religiosité, etdont Chateaubriand fut l'apôtre, s'est fait jour sous l'Empire. Mais le peuple,cependant, roulait dans le matérialisme. Il fallait un miracle pour que lepeuple, représenté par le parti républicain, devînt subitement spiritua-liste. Ce miracle, Dieu l'a fait : les tables parlent (17).

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    Mais avant de nous pencher sur ce « miracle », revenons àl'époque d'avant l'exil. Dans les années 1820, la grande référencelittéraire de Victor Hugo est Chateaubriand. Dans les articles duConservateur littéraire et dans les Odes et ballades, Victor Hugoutilise le christianisme comme une mythologie particulièrementbien adaptée aux sentiments et au goût de ses lecteurs. La littéra-ture moderne est chrétienne, donc : soyons moderne, faisons de lalittérature chrétienne !

    En revanche, Victor Hugo n'est pas du tout un adepte deRené qui a enchanté tant d'écrivains de sa génération, dont Balzacet Sainte-Beuve, par exemple. Lorsque, dans les Misérables, il évo-quera sa jeunesse à travers la figure de Marius, il ne prête à cedernier aucune des inquiétudes métaphysiques qui tourmententun Louis Lambert ou un Joseph Delorme. Pour l'ennui, le spleen,Victor Hugo n'est pas un enfant du siècle. Il n'empêche que Dieuexiste et que l'âme est immortelle, quelle que soit la définition quel'on donne de Dieu et de l'âme. D'ailleurs, le génie poétique n'est-il pas mandaté directement par Dieu ? C'est ce que suggère le poèmeliminaire des Odes (1822), « Le Poète dans les Révolutions », datéde mars 1821 :

    Le mortel qu'un Dieu même animeMarche à l'avenir, plein d'ardeur ;C'est en s'élançant dans l'abîmeQu'il sonde la profondeur (18).

    Ce poème préfigure « Les Mages », grande compositiondatant de 1855 - donc de l'époque des tables - et se trouve dansla sixième partie des Contemplations, peu avant « Ce que dit labouche d'ombre » :

    Pourquoi donc faites-vous des prêtresQuand vous en avez parmi vous ?Les esprits conducteurs des êtresPortent un signe sombre et doux.Nous naissons tous ce que nous sommes.Dieu de ses mains sacre des hommesDans les ténèbres des berceaux ;Son effrayant doigt invisible

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    Écrit sous leur crâne la bibleDes arbres, des monts et des eaux.

    Ces hommes, ce sont les poètes ;Ceux dont l'aile monte et descend ;Toutes les bouches inquiètesQu'ouvré le verbe frémissant ;Les Virgiles, les Isaïes ;Toutes les âmes envahiesPar les grandes brumes du sort ;Tous ceux en qui Dieu se concentre ;Tous les yeux où la lumière entre,Tous les fronts d'où le rayon sort.

    Contrairement à l'homme de tous les jours devant lequel « leciel se tait », le poète sait interroger le mystère.

    Eux, ils parlent à ce mystère !Ils interrogent l'éternel,Ils appellent le solitaire,Ils montent, ils frappent au ciel,Disent : Es-tu là ? dans la tombe,Volent, pareils à la colombeOffrant le rameau qu'elle tient,Et leur voix est grave, humble ou tendre,Et par moment on croit entendreLe pas sourd de quelqu'un qui vient (19).

    Très tôt, Victor Hugo a été pénétré du sacerdoce du poète etil est toujours resté très attaché à cette idée ; très tôt, il a commencéà se construire une philosophie religieuse très personnelle, où semêlaient, à un peu de christianisme, du saint-simonisme, du fou-riérisme, du magnétisme, du socialisme, sans parler de la théoso-phie et de la kabbale. Religion pétrie au gré de lectures aussi nom-breuses que désordonnées. Cet éclectisme a déjà frappé sescontemporains. Ainsi Paul Stapfer, qui a partagé son exil, note-t-ildans ses Souvenirs :

    Le spiritualisme de Victor Hugo étant constitué, non par quelquedoctrine homogène et solide, mais par toutes les idées belles et généreusesqu'il est possible de concevoir, ou plutôt d'imaginer, sur Dieu et sur l'âme,comportait à la fois l'orthodoxie et l'hérésie, le christianisme et le paga-

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    nisme, le théisme et le panthéisme, la foi en la survivance de la personneet la croyance en la métempsycose, les arguments classiques de Socrateexposés dans le Phédon de Platon et les mystiques rêveries d'unSwedenborg ou d'un Lavater, l'odyssée planétaire de Jean Reynaud et lapalingénésie terrestre de Pierre Leroux ; on y trouve tout ensemble lavieille affirmation de la séparation absolue de l'âme et du corps, et l'anti-cipation confuse des grandes doctrines du spiritualisme nouveau sur lamatière, considérée comme si peu génératrice de l'esprit qu'elle en estissue au contraire et qu'elle doit y rentrer (20).

    Il ne s'agit pas ici de démêler cet écheveau ; Auguste Viatte,Maurice Levaillant, Jean Gaudon et d'autres ont essayé de le faire. Cequ'il faut retenir, c'est la conviction que Victor Hugo partage avecbeaucoup de ses contemporains, que derrière l'univers visible s'encache un autre, qui commence à la limite de nos sens pour s'étendrejusqu'à ce que le poète continue d'appeler Dieu, faute d'un termeplus approprié. Dès la préface aux Odes (1822), Victor Hugo affirmel'existence de cet autre monde :

    Sous le monde réel, il existe un monde idéal, qui se montreresplendissant à l'œil de ceux que des méditations graves ont accoutuméà voir dans les choses plus que les choses (21).

    Or, cet univers qui est situé au-delà de l'univers visible, c'estau poète qu'il appartient de le déchiffrer grâce à son don de« seconde vue », comme l'appelait Balzac. Le poète est le granddéchiffreur ; voyez le poème liminaire des Voix intérieures :

    Notre esprit éperdu,Chaque jour, en lisant dans le livre des choses,Découvre à l'univers un sens inattendu (22).

    Ou dans les Contemplations, « À propos d'Horace », le der-nier vers :

    Ô nature, alphabet des grandes lettres d'ombre (23).

    Cette « seconde vue » n'emprunte pas les chemins de laconnaissance rationnelle ; elle utilise l'intuition, la connaissancepar analogie, les « correspondances » (chères à Baudelaire) et,

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    pourquoi pas, la divination. Tous les moyens d'élargir le champ denotre conscience méritent d'être expérimentés. Il s'agît de décloi-sonner notre esprit, diront les surréalistes qui cultiveront, du moinsun certains temps (car les résultats étaient décevants), les som-meils hypnotiques, les rêves éveillés, les drogues, l'automatismepsychique, la télépathie, etc. Tous les moyens sont recevables.C'est pourquoi Victor Hugo, pourtant acquis à la notion de progrès(comme Michelet, et au contraire de Flaubert et de Baudelaire) etcroyant fermement, non seulement au progrès social, mais aussiau progrès dans les sciences, est résolument opposé au scientismed'un Taine ou d'un Zola. En 1860, il écrit dans une longue noteintitulée « Philosophie » et destinée sans doute aux Misérables :

    La science s'est effarouchée devant le chloroforme, devant lesphénomènes biologiques, devant l'étrange question des tables, devantMesmer, devant Deleuze, devant Puységur, devant l'extase magnétique,devant la catalepsie artificielle, devant la vision à travers l'obstacle,devant l'homéopathie, devant l'hypnotisme ; la science, sous prétexte de« merveillosité » s'est soustraite au devoir scientifique, qui est de toutapprofondir, de tout examiner, de tout éclairer, de tout critiquer, de toutvérifier, de tout classer ; elle a balbutié des railleries ou aventuré desnégations au lieu de faire des expériences ; elle a laissé, au grand profitdes charlatans, la foule en proie à des visions mêlées de réalité ; elle achancelé, lâché le pied, et, là où il fallait avancer, rétrogradé. Elle a ferméles portes, elle, la science, qui n'a d'autre fonction que de les ouvrir, etqui n'est rien, si elle n'est pas une clef (24).

    Or, ce que la science récuse, la poésie l'accueille. C'est ceque Victor Hugo appelle - tout comme Nerval et Baudelaire - lesurnaturalisme.

    Ainsi, le terrain a été, en quelque sorte, préparé. Victor Hugone pouvait pas passer à côté de l'expérience des tables. D'autantque le sujet était à la mode, ou revenait à la mode tous les quatreou cinq ans. De même que d'autres phénomènes spiritistes. En1847, par exemple, la presse parisienne se fait l'écho d'une nou-velle offensive des magnétiseurs. Jules Janin, Frédéric Soulié, PaulFéval, Scribe, Gautier, Jules Sandeau et beaucoup d'autres sont fas-cinés par les phénomènes d'extase magnétique. Dumas s'en emparedans un de ses romans, Joseph Balsamo. Il y reproduit notamment

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    une conversation avec un des familiers de Victor Hugo, HenriDelaage, auteur d'un Monde occulte, que le poète a sans doute lu.Victor Hugo a d'ailleurs lui-même participé à des séances demagnétisme chez la vicomtesse de Saint-Mars.

    Son obsession est de retrouver sa fille morte, Léopoldine,qui s'est noyée à Villequier, avec son mari, Charles Vacquerie, le4 septembre 1843, alors qu'il est en voyage avec Juliette Drouet, samaîtresse en titre :

    Est-ce qu'il est vraiment impossible, doux angeDe lever cette pierre, et de parler un peu ?

    écrit-il dans un fragment de 1846.On sait que Victor Hugo a été profondément affecté par ce

    drame, que cette perte devait endeuiller le reste de sa vie, que saréflexion tourne de plus en plus autour de la mort, de l'au-delà, qu'ilse remet à prier (il en parle dans ses lettres à Adèle, sa femme,mais aussi dans celle à Juliette Drouet), qu'il cède souvent à lasuperstition : « Tu sais combien le coup qui vient de nous frapperm'a rendu faible et craintif - écrit-il à Adèle, le 3 octobre 1844 - etje ne voudrais pas vous revoir un vendredi (25). » II aimerait croireaux fantômes qui nous reviennent de l'autre monde, comme danscette autre ébauche de 1846 :

    Parfois, quand j'étais là, derrière moi la luneSe levait, et, pensif, les yeux de pleurs noyés,Je voyais une forme humaine, vague et brune

    Croître sous la fosse à mes pieds.

    Et je te parlais, ange, ô ma fille que j'aime,Et je ne savais plus, dans ce sombre entretien,Si cette ombre sortait de l'herbe ou de moi-même,

    Si c'était mon spectre ou le tien.

    De plus en plus, le poète s'identifie à Orphée descendantdans le royaume des ombres pour retrouver l'être aimé :

    Ô Seigneur ! ouvrez-moi les portes de la nuitAfin que je m'en aille et que je disparaisse !

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    Un autre deuil devait le frapper en 1845 : Claire Pradier, lafille de Juliette Drouet, était morte à son tour. Elle avait eu l'âge deLéopoldine. Désormais, le poète et son amante communierontdans le souvenir de ces deux jeunes femmes mortes.

    1845 ou 1846 : c'est le début d'un nouveau travail poétiquequi conduira aux Contemplations. Mais ce livre, placé sous lesigne de Léopoldine, et dont la première partie réunit des poèmesécrits entre 1830 et 1843, n'a reçu son vrai visage qu'à travers l'exilet - en partie - à travers les tables.

    L'expérience de Jersey

    « Hugo serait mort en 1848 - écrit Henri Guillemin - quel'on citerait son nom, dans les dictionnaires, comme celui d'unpoète distingué, un peu frondeur autour de 1830, mais qui sut seranger assez vite pour accomplir une belle carrière de bourgeoisjuste-milieu. [...] L'exil rendra Hugo à lui-même (26). » Disons qu'ill'a transformé pour faire ressortir dans son œuvre les aspects quinous intéressent le plus aujourd'hui, qui nous semblent les plusnovateurs. Hugo a d'ailleurs reconnu, le premier, tout ce qu'il doità son long exil : « Ma proscription est bonne et j'en remercie ladestinée » ; « Je trouve de plus en plus l'exil bon ; j'y mourrai peut-être, mais accru. » Les remarques de ce genre sont nombreusessous sa plume. Et c'est bien parce que l'exil lui était bénéfique -était bénéfique à son œuvre - qu'il l'a supporté pendant près devingt ans, refusant de profiter de la loi d'amnistie qui lui auraitpermis de rentrer en France, refusant aussi de céder aux pressionsde son entourage et notamment de ses enfants, qui estimaientqu'ils perdaient leurs plus belles années.

    "Il n'y a pas lieu de revenir sur l'évolution de la pensée poli-tique de Victor Hugo entre 1848 et 1851 ; on connaît son parcours,son rôle de notable de la monarchie de Juillet, ses hésitations faceà la révolution de Février, son acheminement progressif vers l'idéerépublicaine, son soutien au prince-président, puis son refus ducoup d'État (27). Expulsé de France, il se réfugie d'abord àBruxelles, le 11 décembre 1851. Il se met aussitôt à la rédaction de

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    ce qui deviendra l'Histoire d'un crime. Toutefois, au bout dequelques mois, il abandonnera ce texte, qui ne sera repris et publiéque vingt-cinq ans plus tard, au profit de Napoléon-le-Petiï, qui seraimprimé à Londres, en août 1852, et publié par Hetzel à Bruxelles.Cette publication coïncide avec l'arrivée de Victor Hugo et de safamille à Jersey, le gouvernement, belge lui ayant signifié qu'en casd'attaques contre le prince-président, il serait prié de partir.

    Dès la fin juillet 1852, Victor Hugo avait donc commencé àprendre congé des autres proscrits au cours d'une série de ban-quets d'adieux organisés pour lui tant à Bruxelles qu'à Anvers. Le2 août, il s'embarque pour Londres, où il rencontre Mazzini,Kossuth, Louis Blanc et Schœlcher, et trois jours plus tard, il arriveà Saint-Hélier avec Charles et Juliette Drouet (incognito). Sa femme,sa fille et Auguste Vacquerie, ainsi que de nombreux proscritsl'avaient précédé.

    Les premiers mois de l'exil ont été entièrement placés sousle signe de la politique, au détriment d'un livre de poésie com-mencé en 1846 et qui deviendra les Contemplations. Ainsi, il écritle 7 septembre 1852 à Hetzel : « J'ai pensé, - et autour de moi carc'est l'avis unanime, qu'il m'était impossible de publier en cemoment un volume de poésie pure. Cela ferait l'effet d'un désar-mement, et je suis plus armé et plus combattant que jamais. LesContemplations en conséquence se composeraient de deux volumes,premier volume : autrefois, poésie pure, deuxième volume :aujourd'hui, flagellation de tous ces drôles et du drôle enchef (28). »

    Ce n'est toutefois pas ce programme-là qu'il exécutera ; la« flagellation de tous les drôles et du drôle en chef », il s'y livreradans un volume à part, les Châtiments, composé presque entière-ment à Jersey, entre octobre 1852 et septembre 1853, et publié ennovembre 1853, sous deux formes différentes : l'une complètemais clandestine, l'autre expurgée mais publique. Parallèlement,Victor Hugo avait préparé deux volumes d'Œuvres oratoires, lapremière partie des futurs Actes et paroles. Ils avaient paru àBruxelles en août 1853.

    Toute la production de Victor Hugo semble donc placéesous le signe de Tacite et de Juvénal, de Dante et des prophètes

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    de l'Ancien Testament. Toutefois, sous l'imprécation perce parfoisune poésie de la nature, une poésie de l'aube, d'un ailleurs, quisemble inspirée par le spectacle que Victor Hugo a sous les yeux àMarine-Terrace. Rappelons, à titre d'exemple, ces quelques vers de« Stella » :

    Je m'étais endormi la nuit près de la grève.Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve,J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin (29).

    Et puis, il y a cette « Vision de Dante », datée du 24 février1853 (30), dans laquelle Victor Hugo reprend certains thèmesabordés dans les Odes ou dans les Rayons et les Ombres (en parti-culier dans * Fonction du poète »). Il s'agit d'un poème apocalyp-tique, sorte de jugement dernier dicté par Dieu au poète :

    J'étais comme est un prêtre au seuil du saint parvis,Songeant, et, quand mes yeux se rouvrirent, je visL'ombre : l'ombre hideuse, ignorée, insondable,De l'invisible Rien vision formidable,Sans forme, sans contour, sans plancher, sans plafond,Où dans l'obscurité l'obscurité se fond ;Point d'escalier, de pont, de spirale, de rampe ;L'ombre sans un regard, l'ombre sans une lampe ;Je vois de l'inconnu, d'aucun vent agité ;L'ombre, voile effrayant du spectre Éternité (31).

    Le poète se fait prophète, voyant ; il délivre une cosmogo-nie ; il prend la place du prêtre (contre le parti prêtre). C'est alors,précisément, que Victor Hugo fait une nouvelle expérience de spi-ritisme et ceci, grâce à l'arrivée de Delphine de Girardin à Jersey,le 6 septembre 1853. Ancienne égérie des écrivains romantiques,auteur elle-même, femme d'Emile de Girardin, l'inventeur de lapresse à quarante francs, elle était une vieille amie de VictorHugo. Lorsqu'elle lui rendit visite à Jersey, elle était déjà fortementmarquée par le cancer qui allait l'emporter deux ans plus tard. Elleapportait aux exilés les dernières nouvelles de Paris. Or, en cetteannée 1853, Paris était en proie à une nouvelle vague de spiri-tisme. « Pendant près d'une année - raconte Alex Erdan, ancien

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    collaborateur de l'Événement (32) et auteur d'une Francemystique - Paris et la France furent occupés à faire tourner lestables. Ce fut une'monomanie universelle. /.../Bref, la table parlantefut l'événement caractéristique de l'année 1853, le point de mirede tous les esprits. »

    Comment les exilés ne se seraient-ils pas intéressés à cephénomène ? Ne fût-ce que pour se divertir. Certains ont décritleur existence comme celle de morts-vivants perdus au milieu desvagues. Toute distraction était la bienvenue, surtout si elle cadraitavec les préoccupations du maître des lieux. Après quelques essaisinfructueux, la table se met à parler pour la première fois, le11 septembre 1853, en présence de Victor Hugo, de sa femme, deses fils Charles et François-Victor, de sa fille Adèle, du général Flô,de M. de Treveneuc et d'Auguste Vacquerie. C'est madame de Girardinet Vacquerie qui se mettent à la table. C'est madame de Girardinqui pose les premières questions et, comme par enchantement,c'est l'esprit de Léopoldine qui se manifeste, pour dire que c'est leBon Dieu qui l'envoie, qu'elle est dans la lumière, qu'elle est heu-reuse, qu'elle voit la souffrance de ceux qui l'aiment et qu'ellereviendra (33)-

    On comprend l'émotion de l'assistance et son envie de selivrer à une autre séance dès le lendemain. Cette fois, c'est VictorHugo qui pose les questions et à sa grande stupéfaction qui faittrès vite place à une non moins grande satisfaction, c'est l'esprit deNapoléon III qui se présente devant lui (pendant que l'Empereurdort aux Tuileries). Envoyé par son oncle, il avoue à son adver-saire qu'il le craint (contrairement à Lamartine et Cavaignac), queNapoléon-le-Pettt est un livre terrible, qu'il a par avance lu ses devoirsdans le recueil non encore publié des Châtiments, qu'après lui laFrance sera républicaine (34). Quelques jours plus tard, Napoléon Ier

    vient lui-même maudire son neveu et conforter Victor Hugo dansson combat : « Au secours ! à l'assassin ! Ma race me sacrifie ; ellepille ma vie ; elle assassine ma mort. Ô ma vieille garde ! ô mesdrapeaux ! ô mes victoires ! ô mon fils ! Austerlitz, ô pureté dusang versé pour la patrie ! ô mon saule ! ô idée, viens à mon aide !Mon titre usé salit ma gloire. On vole mes os. Ah ! suaire ferme-toi ! Le violateur de la France a violé la sainteté du tombeau. Lefossoyeur Bonaparte ronge le mort Napoléon (35). »

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    Ce sera ensuite le tour des confrères : Chateaubriand (qui abeaucoup apprécié Napoléon-le-Petif), Dante (qui a bien entendu lu« La Vision de Dante », destinée d'abord aux Châtiments, maispubliée seulement vingt-cinq ans plus tard), Eschyle, Molière,Cervantes et bien d'autres. Parmi les plus diserts, Shakespeare qui,après avoir affirmé la supériorité du français sur l'anglais, dicte, aucours de plusieurs séances, trois longs poèmes en alexandrins fran-çais. Si l'art est immortel sur Terre, il est inutile au ciel, devant Dieu :

    Laissons donc, ô vivants, nos œuvres à la terre,Les hommes à genoux en seront les valets ;Mais lorsque vous viendrez chez le maître MystèreLaissez cette poussière au seuil de son palais.

    Seuls, vous ne passez pas dans le monde où l'on passe,Dans la vie où l'on meurt, l'art est seul immortel,Mais avant d'approcher l'Éternel face à faceSuicidez-vous tous à la porte du ciel (36).

    Toutefois, pour les hommes, l'art garde toute sa valeur detémoignage et Shakespeare remercie Victor Hugo de continuerl'œuvre de ses aînés.

    Il n'en fallait pas plus pour déchaîner l'enthousiasmed'Auguste Vacquerie qui a établi le protocole de quelque soixante-dix séances. Fin février 1854, il écrit à Paul Meurice : « Je n'aijamais été plus en train. Je fais de tout, entre autres choses beau-coup de vers. Shakespeare, Eschyle et Molière sont venus nousparler en vers. Au commencement, cela a été à merveille ; ils fai-saient leurs vers et nous les donnaient pour rien avec la prodiga-lité des génies morts ; mais ils sont devenus plus exigeants et neveulent plus répondre que quand on les interroge en vers. Viensdonc ici. Tu manques tout simplement la seule chose qui vaille lapeine de vivre. »

    Les procès-verbaux de Vacquerie n'ont été publiés qu'en1923. Ils n'étaient pas totalement inconnus. Paul Meurice avaitcommuniqué quelques fragments à des curieux dès la fin duXIXe siècle. Mais la critique de la IIIe République n'était pas trèsfriande de ce genre de révélation ; sans doute craignait-elle quel'on accusât le grand homme d'obscurantisme. Mais à l'époque où

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    les surréalistes se livraient à des expériences analogues, lemoment semblait venu de s'intéresser à cet aspect de la religionde Victor Hugo. Toutefois, Gustave Simon n'a publié qu'un choix.Il voulait surtout montrer que Victor Hugo n'avait emprunté auxtables aucun de ses vers. Sans doute, sa démonstration n'aurait-elle pas été aussi nette s'il avait publié l'intégralité des quatrecahiers. Tous les protocoles ne sont pas de Vacquerie ; certainsont été établis par Hugo lui-même, par sa femme, par Adèle.Après Gustave Simon, d'autres textes ont été révélés par une sériede livres et d'articles : de Claudius Grillet (37), de Paul Hazard (38),de Henri Guillemin (39), la publication la plus importante étantcelle de Maurice Levaillant en 1954 (40). Enfin, le dossier a étéconsidérablement augmenté et complété en 1968 par Jean etSheila Gaudon ; il figure au tome IX de l'édition des Œuvres com-plètes publiée par Jean Massin (4l) [1968]. Or, depuis la publica-tion de Jean et de Sheila Gaudon, de nouveaux documents ont faitleur apparition.

    À l'origine, le « livre des tables » se composait de quatrecahiers ; ils ne figurent pas dans l'inventaire des papiers établi parMe Gatine après la mort du poète, mais ils ont été exposés à laMaison Victor Hugo en 1933. Après quoi, ils disparaissent à nou-veau. L'un d'entre eux passe dans une vente en 1962 et entre à laBibliothèque nationale. Un autre suit quelques années plus tard.Ce sont ces deux cahiers, plus des fragments, qui ont été exposésà la BNF à l'occasion du bicentenaire de la naissance du poète.

    L'impact des tables

    Que nous apprennent les livres des tables ? Pour la plusgrande partie, rien que nous ne sachions déjà avec plus ou moinsde certitude. Comme les expériences des tables tournantes prati-quées de nos jours, celles de Jersey confirment d'abord ce que legroupe réuni autour de la table pense, ouvertement ou de façoninavouée. Il s'agit de vérifier ses repères, de rappeler certainesvaleurs. Il s'agit donc de rassurer. Aussi longtemps que les exilésvivaient à Bruxelles, ils évoluaient au milieu d'une société structu-

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    rée ; ils avaient des contacts avec Paris, avec Londres. À Jersey, ilsétaient repliés sur eux-mêmes, tournant en rond, sans véritableperspective. Même le courrier arrivait irrégulièrement. Il étaitd'ailleurs étroitement surveillé. Il n'est donc pas étonnant que legroupe ait eu besoin de réconfort, et quelle aubaine de recevoircelui-ci d'un au-delà, fût-il de pacotille. Ainsi, les grandes idéespolitiques de Victor Hugo et ses convictions esthétiques sont-ellespassées en revue. À travers la table sont réaffirmés, voire ressassésles principes essentiels de sa philosophie, de sa politique, de sareligion. Mais le regard est également entraîné au-delà de l'horizonforcément limité d'une petite île peuplée d'exilés, tantôt exaltés,tantôt déprimés, toujours impatients. Victor Hugo, paralysé dansson action politique immédiate, se souvient qu'il est un grand poèteromantique, un poète du mystère et de la mort, un poète de l'in-conscient. Les tables lui rappellent quelles sont les sources de sonlyrisme. Elles l'aident à faire son travail de deuil et le poussent àécouter à nouveau et avec une attention accrue ce que dit la bouched'ombre. Elles contribuent ainsi à créer un climat favorable à l'éclo-sion des Contemplations. La plupart des poèmes qui composent ladeuxième partie du recueil ont en effet été écrits à Jersey entreseptembre 1853 et août 1855. Ce sont les mois les plus féconds detoute la carrière de Victor Hugo. Le volume paraîtra en avril 1856,un an et deux mois exactement avant les Fleurs du mal (42).

    À l'égard des tables, Victor Hugo semble avoir oscillé entreméfiance et crédulité. Par moment, il avait l'impression que latable allait lui révéler une nouvelle cosmogonie. Dans une lettredu 4 janvier 1855 à madame de Girardin, il précise que « tout unsystème quasi cosmogonique, par moi couvé et à moitié écritdepuis vingt ans, avait été confirmé par la table avec des élargisse-ments magnifiques (4.3) ». En effet, c'est à l'époque des tables qu'ilconçoit son grand poème « Satan pardonné » qui devait relater laremontée, à la fin des temps, de Lucifer vers la lumière originelle,l'existence du mal ayant été l'une des conditions nécessaires de lacréation. Comme dans Éloa de Vigny, l'Ange Liberté vaincra Satan,avec la complicité de celui-ci, car il n'a jamais cessé d'aimerDieu... On aura reconnu la Fin de Satan, qui restera fragment etne paraîtra qu'en 1886, un an après la mort de son auteur.

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    De même, le grand poème « Ce que dit la bouche d'ombre »qui termine la dernière section des Contemplations n'est pas sansrapport avec la séance du 24 avril 1854 au cours de laquelle latable demande au poète des vers appelant la pitié sur les êtres etles choses.

    Pourquoi, vous, poètes, parlez-vous toujours avec amour des roséset des papillons et jamais des chardons, des champignons vénéneux, descrapauds, des limaces, des chenilles, des mouches, des vers, des acarus,des vermines, des infusoires ? Assurément ce sont là des êtres malheu-reux ; et les cailloux et les coquillages donc ! Pourquoi ne parlez-vouspas des punaises ? des puces ? des poux ? des scolopendres ? des scor-pions ? des cancrelas, des crabes, des homards, des oies ? Pourquoi neplaignez-vous pas les souffrances des êtres immondes ? Pourquoi ne plai-gnez-vous pas les tortures des infiniment petits, condamnés à être l'ex-crément de l'infiniment grand (44) ?

    Les fleurs souffrent sous le ciseau,Et se ferment ainsi que des paupières closes ;Toutes les femmes sont teintes du sang des rosés ;La vierge au bal, qui danse, ange aux fraîches couleurs,Et qui porte en sa main une touffe de fleurs,Respire en souriant un bouquet d'agonies.Pleurez sur les laideurs et les ignominies,Pleurez sur l'araignée immonde, sur le ver,Sur la limace au dos mouillé comme l'hiver,Sur le vil puceron qu'on voit aux feuilles pendre,Sur le crabe hideux, sur l'affreux scolopendre,Sur l'effrayant crapaud, pauvre monstre aux doux yeux,Qui regarde toujours le ciel mystérieux !Plaignez l'oiseau de crime et la bête de proie.

    LJ

    Sur ces tombeaux vivants, marqués d'obscurs arrêts,Penchez-vous attendri ! versez votre prière !La pitié fait sortir des rayons de la pierre.Plaignez le louveteau, plaignez le lionceau.La matière, affreux bloc, n'est que le lourd monceauDes effets monstrueux, sortis des sombres causes.Ayez pitié ! voyez des âmes dans les choses.Hélas ! le cabanon subit aussi l'écrou ;Plaignez le prisonnier, mais plaignez le verrou (45).

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    À d'autres moments, Victor Hugo insiste sur le fait qu'aucundes vers dictés par la table ne se retrouve dans son œuvre.« Jamais je n'ai mêlé à mes vers un seul des vers venus du mystère,ni à mes idées une seule de ces idées. Je les ai toujours religieuse-ment laissés à l'inconnu, qui en est l'unique auteur. /...] La muraillequi sépare ces deux faits doit être maintenue, dans l'intérêt del'observation et de la science (46). » Lorsque le poète précise decette façon son rôle, il est revenu des expériences de Jersey. Elless'étaient terminées en juillet 1855. Il en parle désormais avec déta-chement, mais sans rien renier. Ainsi dans son William Shakespeare,lorsqu'il établit un parallèle entre le trépied des anciens, notam-ment celui de Delphes, et les tables tournantes : « Du reste, quoique la crédulité en ait dit ou pensé, ce phénomène des trépieds etdes tables est sans rapport aucun, c'est là que nous voulons envenir, avec l'inspiration des poètes, inspiration toute directe. Lasibylle a un trépied, le poëte non. Le poète est lui-même trépied.Il est le trépied de Dieu (47). » Les tables, il n'y a pas de doute,ont conforté Victor Hugo dans son rôle de mage.

    Au cours des deux années que duraient ces expériences,tous les grands problèmes de la philosophie hugolienne défi-laient : le problème du mal, l'échelle des êtres, le paradis futur dela civilisation universelle, la loi des progrès dans le règne animalet dans le règne humain. Mais aucune des réponses de la tablen'apporte un élément que l'on ne retrouverait pas dans un ou plu-sieurs textes de l'immense œuvre de Victor Hugo. Aussi l'intérêtpour ces séances allait-il diminuant. Il est vrai que des accidentsétaient survenus, comparables d'ailleurs aux accidents que connaî-tront dans des circonstances analogues les surréalistes. L'espritd'un des participants, J. Allix, se désagrégeait, en quelque sorte,sous les yeux des participants. On enregistra des défections. Lefidèle secrétaire des séances, Auguste Vacquerie, ne peut lui-mêmeréprimer son scepticisme : '« Tu as reçu mes procès-verbaux destables, n'est-ce pas ? écrit-il à Paul Meurice vers la fin de 1854.Nous continuons à causer avec elles, moins passionnément, car jepenche beaucoup plus à croire maintenant qu'ils [les esprits] nousrendent notre pensée, et que c'est tout bonnement un effet demirage (48). » Faut-il, après cet aveu, se perdre encore en conjec-

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    turcs sur la réalité de l'existence des esprits et leur présence dansles tables ? Une fois la parenthèse refermée, en été 1855, elle ne serouvrira plus jamais. Les tables avaient donné ce qu'elles pou-vaient offrir à un moment précis de la carrière du poète. VictorHugo et les siens étaient d'ailleurs obligés de quitter Jersey enoctobre de la même année.

    Quelle est finalement l'influence de cette expérience de spi-ritisme sur l'œuvre et sur la pensée de Victor Hugo ? Les historiens- à la suite du poète lui-même - l'ont tantôt exagérée, tantôt mini-misée. S'il arrive à Hugo de penser que les révélations faites par latable de Marine-Terrace et publiées après la mort des exilés fonde-ront une « nouvelle religion qui englobera le christianisme en l'élar-gissant, comme le christianisme avait englobé le judaïsme », il nemanque pas de préciser, à d'autres moments, qu'aucune des phrases,qu'aucun des vers dictés par la table ne sont entrés dans son œuvrequi n'appartient qu'à lui. Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler unefois encore que, arrivé à Jersey en août 1852, le poète est d'abordoccupé par la confection et la publication des Châtiments. Si cerecueil marque, après des années de prose, le retour de VictorHugo à la poésie, ce n'est pas encore de poésie pure qu'il s'agit,mais bien de poésie militante, faisant écho à l'Histoire d'un crimeet à Napoléon-le-Petit. Or, l'isolement, la solitude, le contact avecla nature favorisaient d'autres formes de lyrisme, à la fois intimeset cosmiques. L'expérience des tables a contribué à Péclosion decelles-ci. Elles n'ont pas inspiré les Contemplations, ni la Fin deSatan ; mais elles ont créé un climat dont ces œuvres ont profité.Elles ont contribué à révéler Victor Hugo à lui-même : « Dans l'exil(Contemplations, 1856) j'ai dit le mot qui explique toute ma vie :J'ai grandi (49). »

    1. Voir par exemple Robert Turcan, les Cultes orientaux dans le monde romain. LesBelles Lettres, 1979.2. Michel Winock, les Voix de la liberté, Le Seuil, 2001, p. 11 ; livre qui ne contientpas moins de trois chapitres consacrés à Victor Hugo et à son engagement poli-tique.

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    3. Parfaitement mise en lumière, aussi, par Philippe Muray, te XIXe Siècle à traversles âges, Denoël, 1984 ; réédition Gallimard, 1999, coll. « Tel ».4. Chateaubriand, Essai sur les révolutions. Génie du christianisme, p. p. MauriceRegard, Gallimard, 1978, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 428 ss. M. Regard,dans ses commentaires (p. 1574), rapproche, de façon très pertinente, la questionposée par Chateaubriand de cette remarque de Joseph de Maistre, dans lesConsidérations sur la France (Neuchâtel, 1796, Londres, 1797) : « La Révolution estune lutte à mort entre le christianisme et la philosophie. Ou bien la Révolutionvaincra et une nouvelle religion apparaîtra, mais ce sera une religion satanique, oubien le christianisme l'emportera et alors apparaîtra une nouvelle sociétérajeunie. »5. Voir Marc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », étude figurant en tête del'anthologie de textes consacrés à la Querelle des Anciens et des Modernes(XVII" et XVIIie siècles), Gallimard, 2001, coll. « Folio classique ».6. Exception faite d'une exposition consacrée au Génie du christianisme à la Vallée-aux-Loups dont il reste un excellent catalogue et d'un colloque de la SociétéChateaubriand (Paris, 14 et 15 octobre 2002).7. Voir Paul Bénichou, le Sacre de l'écrivain (1750-1830). Essai sur l'avènementd'un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, José Corti, 1973 ; rééditionGallimard, 1996 ; le Temps des prophètes. Doctrines de l'âge romantique,Gallimard, 1977 ; les Mages romantiques, Gallimard, 1988 ; l'École du désenchan-tement (Sainte-Beuve, Nodier, Musset, Nerval, Gautier), Gallimard, 1992.8. Victor Hugo, Œuvres complètes, édition chronologique publiée sous la directionde Jean Massin, Le Club français du livre, t. VIII, 1968, p. 1120. Cité désormais ŒC,suivi du tome et de la page.9. Voir l'étude fondamentale d'Auguste Viatte, tes Sources occultes du Romantisme :illuminisme-théosophie (1770-1820), Champion, 1928, réimpression 1965.10. Auguste Viatte, Victor Hugo et les illuminés de son temps, Montréal, Les Édi-tions de l'Arbre, 1942 ; Genève, Slatkine Reprints, 1973 et 2002.11. Voir Maurice Levaillant, la Crise mystique de Victor Hugo (1-843-1856), d'aprèsdes documents inédits, Paris, José Corti, 1954.12. ŒC, N, 473.13. Voir Gérard Vinzac, les Origines religieuses de Victor Hugo, Blond et Gay,1955.14. ŒC, I, 836. Bien plus tard, dans un Carnet publié par Henri Guillemin et cité ennote, Victor Hugo écrira : « Ma mère n'aimait pas les prêtres : cette forte et aus-tère femme n'entrait jamais dans une église ; non à cause de l'église, mais à causedes prêtres. Elle croyait à Dieu et à l'âme ; rien de moins, rien de plus. »15. Voir la lettre de Léopold Hugo à son fils, du 3 septembre 1822 : « Quant à l'ex-trait baptistaire, la chose est plus difficile, car ta mère ne t'a pas fait donner lesacrement qui te fait chrétien, je suis parfaitement sûr que tu ne l'as pas eu. » ŒC,II, 1354. On trouvera l'ensemble des documents connus à ce jour dans la note deJean Massin, « Victor Hugo face au baptême », ŒC, II, 1371-1379.

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    16. ŒC, 11,712-713.17. ŒC IX, 1497.18. ŒC, 1,811.19. ŒC IX, 354 et 361.20. Auguste Viatte, Victor Hugo et les illuminés de son temps, op. dt, p. 157-158.21.ŒC, II, 5.22. ŒC V, 562.23. ŒC IX, 90.24. Victor Hugo, Œuvres complètes, Laffont, coll. « Bouquins », Critique, p. 518.25. ŒC VII, 725.26. Victor Hugo par lui-même. Le Seuil, 1959, coll. « Les Écrivains de toujours »,p. 16.27. Voir Guy Rosa, « 1848 : trois écrivains face à l'histoire [Hugo, Michelet,Flaubert] », 48/14. La Revue du musée d'Orsay, n° 8, printemps 1999, p. 58-83,ainsi que Michel Winock, « Victor Hugo devient républicain », dans les Voix de laliberté, op. cit., p. 347-359.28. ŒC, VIII, 1033.29. Les Châtiments, VI, 15 ; ŒC, VIII, 736.30. Destinée d'abord à servir de conclusion aux Châtiments, mais publiée vingt-cinq ans plus tard seulement.31.ŒC VIII, 818-819.32. Le journal dirigé par Victor Hugo.33. Voir ŒC IX, 1186ss.34. ŒC IX, 1193.35. ŒC IX, 1232.36. ŒC, XI, 1305.37. Victor Hugo spirite, Paris, Lyon, Emmanuel Vitte, 1929.38. Avec Victor Hugo en exil, Paris, Les Belles Lettres, 1931.39. Dans le Figaro littéraire du 26 février 1949 et du 20 décembre 1952, ainsi quedans la Revue de Paris de septembre 1952.40. La Crise mystique de Victor Hugo (1843-1856), d'après des documents inédits,Paris, José Corti, 1954. Faut-il rappeler que José Corti était un proche d'AndréBreton ?41. Club français du livre, 18 volumes, 1967-1970. Ainsi « Ce que disent lestables » se trouve inclus dans les œuvres de Victor Hugo, ce qui n'est plus le casdans l'édition « Bouquins », publiée sous la responsabilité de Jacques Seebacher etde Guy Rosa (Paris, Laffont, 1985-1989, 15 volumes réédités en 2002).42. Voir, pour de plus amples détails, la thèse de Jean Gaudon, le Temps de lacontemplation. L'œuvre poétique de Hugo de 1845 à 1856, Flammarion, 1969.43. ŒC, IX, 1087.44. ŒC, IX, 1360.45. ŒC, IX, 385.46. La Légende des siècles, cité par A. Viatte, op.cit, p. 146-147.

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    47. William Shakespeare, cité d'après Victor Hugo, Œuvres complètes, Laffont,1985, coll. « Bouquins », Critique, p. 262-263.48. Cité par Maurice Levaillant, op. cit., p. 201.49. Note de 1868, Œuvres complètes, Laffont, 1989, coll. « Bouquins », Océan,p. 286.

    • Professeur de littérature française à l'université de Baie (Suisse). Robert Kopp estdirecteur littéraire de la collection « Bouquins Laffont ».

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