14
Lait (1995) 75, 3-16 © Elsevier/INRA 3 Article original Suivi de croissance de Penicillium camemberti et Geotrichum candidum en culture pure et en association au cours de l'affinage de fromages expérimentaux à pâte molle de type camembert P Molimard 1, L Vassal 2, 1Bouvier 3, HE Spinnler 1 1 Laboratoire de recherches sur les arômes, INRA, BV 1540, F-21034 Dijon cedex; 2 Station de recherches laitières, INRA, F-78352 Jouy-en-Josas cedex; 3 Sanofi Bio-Industries, division Cultures & enzymes, 66, avenue Marceau, F-75008 Paris, France (Reçu le 20 juillet 1994 ; accepté le 3 novembre 1994) Résumé - La cinétique de croissance de Penicillium camemberti (4 souches) et de Geotrichum can- didum (3 souches) a été suivie, tout au long de l'affinage, sur des fabrications expérimentales de camemberts. Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle et sur des camemberts du commerce. Geotrichum can- didum se développe fortement pendant la première semaine d'affinage. Le niveau de population se stabilise par la suite. La population de Penicillium camemberti reste au niveau d'ensemencement pen- dant les 7 premiers jours, puis augmente jusqu'au 14 8 jour. Pendant les 2 dernières semaines d'affinage, le nombre de cellules revivifiables de Penicillium camemberti est alors constant. La présence de Geo- trichum candidum ne change pas de façon significative le niveau de population de Penicillium camem- berti. En revanche, un effet souche Penicillium camemberti et Geotrichum candidum est mis en évidence. Penicillium camemberti 1 Geotrichum candidum 1culture mixte 1dénombrement 1camembert Summary - Growth of Penicillium camemberti and Geotrichium candidum in pure and mixed cul- tures on experimental mold ripened cheese of camembert-type. The growth of Penicillium came rn- berti (4 strains) and Geotrichum candidum (3 strains) was followed during the ripening on experimen- tal camembert cheeses. A method permitting to enumerate both species on a model medium and on camembert cheese was set up. Geotrichum candidum growth is fast for the first ripening week. Then the level of population is more stable. For the first week no growth of Penicillium camemberti is observed, the population then grew until the 14th day. During the last 2 weeks of ripening the number of living cells is constant. The growth ofGeotrichum candidum has no significant effect on the growth of Penicillium camemberti. On the other hand, an effect of the Penicillium camemberti strain on Geotrichum can- didum strain was observed. Penicillium camemberti / Geotrichum candidum / mixed culture / enumeration / camembert cheese

Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

  • Upload
    lamthuy

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Lait (1995) 75, 3-16© Elsevier/INRA

3

Article original

Suivi de croissance de Penicillium camembertiet Geotrichum candidum en culture pureet en association au cours de l'affinage

de fromages expérimentaux à pâte mollede type camembert

P Molimard 1, L Vassal 2, 1Bouvier 3, HE Spinnler 1

1 Laboratoire de recherches sur les arômes, INRA, BV 1540, F-21034 Dijon cedex;2 Station de recherches laitières, INRA, F-78352 Jouy-en-Josas cedex;

3Sanofi Bio-Industries, division Cultures & enzymes, 66, avenue Marceau, F-75008 Paris, France

(Reçu le 20 juillet 1994 ; accepté le 3 novembre 1994)

Résumé - La cinétique de croissance de Penicillium camemberti (4 souches) et de Geotrichum can-didum (3 souches) a été suivie, tout au long de l'affinage, sur des fabrications expérimentales decamemberts. Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2espèces en culture mixte sur un milieu modèle et sur des camemberts du commerce. Geotrichum can-didum se développe fortement pendant la première semaine d'affinage. Le niveau de population sestabilise par la suite. La population de Penicillium camemberti reste au niveau d'ensemencement pen-dant les 7 premiers jours, puis augmente jusqu'au 148 jour. Pendant les 2 dernières semaines d'affinage,le nombre de cellules revivifiables de Penicillium camemberti est alors constant. La présence de Geo-trichum candidum ne change pas de façon significative le niveau de population de Penicillium camem-berti. En revanche, un effet souche Penicillium camemberti et Geotrichum candidum est mis en évidence.

Penicillium camemberti 1Geotrichum candidum 1culture mixte 1dénombrement 1camembert

Summary - Growth of Penicillium camemberti and Geotrichium candidum in pure and mixed cul-tures on experimental mold ripened cheese of camembert-type. The growth of Penicillium came rn-berti (4 strains) and Geotrichum candidum (3 strains) was followed during the ripening on experimen-tal camembert cheeses. A method permitting to enumerate both species on a model medium and oncamembert cheese was set up. Geotrichum candidum growth is fast for the first ripening week. Then thelevel of population is more stable. For the first week no growth of Penicillium camemberti is observed,the population then grew until the 14th day. During the last 2 weeks of ripening the number of living cellsis constant. The growth ofGeotrichum candidum has no significant effect on the growth of Penicilliumcamemberti. On the other hand, an effect of the Penicillium camemberti strain on Geotrichum can-didum strain was observed.

Penicillium camemberti / Geotrichum candidum / mixed culture / enumeration / camembertcheese

Page 2: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

4 P Molimard et al

INTRODUCTION

La consommation de fromages à pâte molleet à croûte fleurie, plus particulièrement decamembert, représente une part importantedu marché du fromage. Les qualités orga-noleptiques de ces produits sont trèsvariables et parfois mal maîtrisées dans lesfabrications traditionnelles au lait cru. Latechnologie de fabrication, à partir de laitpasteurisé, apporte une plus grande repro-ductibilité, mais on déplore alors une baissede l'intensité et de la complexité aromatiquedes produits. Les caractères organolep-tiques du camembert apparaissent suite àd'importantes modifications des constituantsdu caillé sous l'action des enzymes du lait,de la présure et des micro-organismes quipeuplent le fromage (Adda et al, 1982). Laflore microbienne de camemberts obtenus àpartir de laits pasteurisés est relativementpauvre et se limite essentiellement aux seulsmicro-organismes ajoutés pendant la fabri-cation (Tolle et al, 1980). Dans les fabrica-tions au lait cru, la flore est naturellementplus complexe (Lenoir et Auberger, 1966).Geotrichum candidum fait partie de la florenaturellement présente dans les fabrica-tions au lait cru (Richard et Zadi, 1983 ;Jean, 1989). Longtemps, on a cherché àéviter le développement de ce champignonlevuriforme qui, mal maîtrisé, est suscep-tible de provoquer un défaut d'aspect de lacroûte, appelé «peau de crapaud". Pour-tant, son rôle important dans l'améliorationdes qualités organoleptiques des fromagesa été démontré (Mourgues et al, 1983 ;Ribadeau-Dumas, 1984 ; Molimard et al,1994). Ces auteurs ont montré que Geotri-chum candidum peut réduire fortementl'amerture et renforcer la flaveur des fro-mages sans en modifier l'aspect. Afin d'ob-tenir des produits typés, de manière repro-ductible, ce qui correspond à une demandedes consommateurs, les industriels s'orien-tent vers l'utilisation d'une flore plus com-plexe. La maîtrise de cette flore nécessite

une meilleure connaissance d'une part, descaractéristiques de croissance des souchesen mélanges, d'autre part de l'impact decette flore sur le développement de la tex-ture et de la flaveur.

L'objectif de notre étude est de suivre ledéveloppement de Penicillium camembertiet de Geotrichum candidum en association,au cours de l'affinage de fromages expéri-mentaux, de type camembert, à flore définie.À cause des difficultés posées par ledénombrement de champignons filamen-teux en mélange (Jarvis et al, 1983), trèspeu de travaux ont été réalisés jusqu'à pré-sent sur la quantification de ces 2 espècesen fromagerie. Mourgues et al (1983), dansleur étude, ont dénombré uniquement lapopulation de Geotrichum candidum surdes camemberts expérimentaux. Ils ont suivile développement de Penicillium camem-berti par une simple observation de la sur-face des fromages. La première étape denotre travail a donc consisté à mettre aupoint une méthode d'estimation de la bio-masse de Penicillium camemberti et deGeotrichum candidum en mélange, fiable,reproductible et simple à mettre en œuvre.Il existe actuellement diverses techniquesappliquées à la détection de champignonscontaminants des denrées alimentaires(Frankland et Lindley, 1978 ; Cousin et al,1984 ; Lin et Cousin, 1985 ; Noterrnans etHeuvelman, 1985 ; Lin et al, 1986 ; Noter-mans et al, 1986 ; Kamphuis et al, 1989 ;Notermans et Kamphuis, 1990). Ces tech-niques, le plus souvent immunologiques,ne sont pas quantitatives. Frankland et al(1981) ont développé une technique immu-nologique permettant de quantifier la bio-masse mycélienne de Mycena galopus dansde l'humus. Cette technique, très spécifique,est lourde à mettre en œuvre. Elle nécessited'isoler un antigène spécifique de l'espèceà quantifier, ce qui est relativement difficile.La production, chez le lapin, d'un anticorpsmonoclonal dirigé contre cet antigène estune autre étape longue et délicate. D'autres

Page 3: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum

techniques plus simples mais moins spéci-fiques existent (Jarvis et al, 1983), tellesque le comptage des propagules aprèsbroyage et dilution de l'échantillon à étu-dier. C'est cette technique qui ne dénombreque les cellules vivantes, que nous avonsretenue. Après avoir mis au point un milieusélectif pour chacune des 2 espèces, lesparamètres de broyage de l'échantillon(temps, vitesse de rotation du broyeur, dilu-tion de l'échantillon) ont été optimisés surdes cultures en milieu synthétique et surfromages, afin de définir des conditionsrépétables permettant une meilleure quan-tification de la biomasse. Ensuite, nousavons suivi la croissance de ces 2 champi-gnons lorsqu'ils se développent en asso-ciation, d'une part en milieu liquide afin detester notre méthode de dénombrement,puis au cours de "affinage de fromagesexpérimentaux.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel biologique

Quatre souches de Penicillium camemberti (Pc1,Pc2, Pc3, PC4) et 3 souches de Geotrichum can-didum (Gc1, Gc2, Gc3) ont été utilisées. Le codeGcO est utilisé pour signaler l'absence de Geo-trichum candidum dans les fromages. Cessouches proviennent de la collection de la sociétéSanofi Bio-Industries, division Cultures etenzymes (Paris, France).

Deux souches de Lactococcus lactis subspcremoris, provenant de la collection du CNRZ(INRA-SRL, Jouy-en-Josas, France), ont été uti-lisées lors des fabrications fromagères: la souche1139 G (Prott) et la souche 1140 P (Prot-).

Cultures sur milieu liquide

La biomasse a été obtenue à partir d'une culturede 21 jours sur milieu liquide PDB (Difco Labo-ratories, Detroit, États-Unis) en erlenmeyer de500 ml contenant 150 ml de milieu. L'ensemen-

5

cement de ces cultures a été réalisé avec unesuspension de spores obtenue à partir d'une cul-ture de 21 jours en fioles de Roux sur milieugélosé PDA (Merck, Darmstadt, Allemagne) àraison de 2,50103 spores de Penicillium camem-berti et 2,50101 spores de Geotrichum candidumpar ml de milieu. .

L'optimisation de la méthode de broyage aété effectuée sur des culots cellulaires obtenusaprès centrifugation pendant 10 min à 16 300 9 decocultures des souches Pc4 et Gc1 incubées 14j à 24°C. Le poids des culots cellulaires a étédéterminé par pesées.

L'évolution de la biomasse des cocultures etdes cultures pures des souches Pc4 et Gc1 enmilieu liquide a été suivie au cours du temps.Pour cela, 6 fioles ont été prélevées aux temps 0,3, 6, 9, 14, 21 et 28 jours d'incubation à 12°C. Àchaque prélèvement, 3 fioles ont été réservées audénombrement des UFC après broyage et les 3autres fioles à la mesure du poids sec après des-sication à 101°C du mycélium filtré sur filtre Mil-lipore®, diamètre de pores de 0,45 urn (Milliporecorporation, Bedford, MA, États-Unis).

Les taux de croissance (Il), au temps t, ontété déterminés par la relation suivante, où Xreprésente le nombre d'unités formant colonies(UFC) par ml :

III = (1/Xt) [(Xl - Xt-1) / (t - L1) + (Xt+1 - Xl)/ (t+1 - t)] (1/2)

Broyages des échantillons

Le culot cellulaire, ou le fromage, ont été broyés,après dilution avec de l'eau physiologique stérile(0,9% de NaCI), dans un pot en verre d'un volumede 100 ml. Trois paramètres de broyage, sus-ceptibles d'influencer directement le nombre desUFC dénombrées après étalement du broyat surles milieux sélectifs, ont été optimisés: la vitessede rotation du broyeur ultra-turraxe T25 équipéd'une sonde de broyage S25N-18G (IKA-Labor-technick, Staufen, Allemagne), exprimée ennombre de rotations par minute (rpm), le temps debroyage en secondes, la concentration en bio-masse de la suspension à broyer exprimée enfacteur de dilution. La vitesse du broyeur peutêtre régulée entre 8 000 et 24 000 rpm. Quantau temps de broyage, des essais préliminairesont montré qu'en dessous de 10 s l'échantillon

1

1

1

1

1

1

Page 4: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

ce cas, été incubées 3 jours à 30°C. Geotrichumest, en effet, très sensible au sel. Son inhibition semanifeste entre 1 et 2% de NaCI dans le milieu.La température optimale de croissance pour lessouches feutrantes est située entre 25 et 30°C(Guéguen, 1984 ; Guéguen et Schmidt, 1992).

Le Chloramphénicol a été stérilisé séparé-ment par filtration sur filtre stérilisant Millipore®,diamètre de pores de 0,2 urn (Millipore corpora-tion, Bedford, MA, États-Unis). Il a été ajouté aumilieu après autoclavage afin de permettre l'éli-mination ou le ralentissement de la plupart desbactéries.

6 P Molimard et al

n'est pas homogène et au-delà de 35 s, il y a for-mation d'une mousse trop abondante.

Ces facteurs ont été étudiés selon un pland'expériences central composite permettant detester l'influence de chacun d'eux et leurs inter-actions, en optimisant le nombre des essais àréaliser (Goupy, 1988). Pour chacun des fac-teurs, 3 niveaux ont été fixés dans les limitesimposées par le matériel utilisé:

- X = vitesse de rotation du broyeur: 10 500,13500,16500 rpm ;

- y = temps de broyage: 10, 20, 30 s ;

- Z = dilution du culot cellulaire: 0,25, 0,5, 0,75.

La matrice d'expériences comprend 23 pointsnécessaires à l'étude des 3 facteurs à 3 niveaux.La variabilité a été déterminée sur le point centraldu domaine expérimental (13 500; 20 ; 0,5),répété 9 fois. Les points aux sommets du cubeforment le domaine expérimental. Six points sontsitués à l'extérieur du domaine expérimental (8450; 20; 0,5), (18540; 20; 0,5), (13500; 3 ;0,5), (13500 ; 37 ; 0,5), (13500 ; 20 ; 0,08), (13500 ; 20 ; 0,92).

Le broyat a été dilué dans de l'eau physiolo-gique stérile, de 10 en 10. Les dilutions com-prises entre 10-1 et 10-4 ont été étalées sur 3boîtes de Pétri de 100 mm de diamètre de chacundes 2 milieux sélectifs. Le nombre moyen d'UFCsur les 3 boîtes a été retenu.

Milieux sélectifs

Penicillium camemberti a été cultivé sélective-ment sur milieu gélosé composé de 50 gol-1 dePDA (Merck) ; 75 mgol-1 de Chloramphénicol(France Biochem, Meudon, France) ; 6% de NaCI(Prolabo, Paris, France). Les boîtes de Pétri ontété incubées 6 jours à 20°C. En effet, Penicilliumcamemberti est particulièrement résistant au sel,la plupart des souches ne sont complètementinhibées qu'à partir de 25% de NaCI dans lemilieu. En milieu solide, des teneurs de 1 à 2%favorisent sa croissance. Sa température opti-male de développement sur extrait de malt estcomprise entre 20 et 25°C; à 30°C sa croissanceest fortement réduite. Il ne pousse plus à 3YOC(Cerning et al, 1987).

Geotrichum candidum a été cultivé sélective-ment sur milieu gélosé PDA (Merck) (50 gol-1),Chloramphénicol (France Biochem) (75 mgol-1)dépourvu de NaCI. Les boîtes de Pétri ont, dans

Fabrication des fromages

Quarante litres de lait, standardisé à 28% dematière grasse et pasteurisé 18 s à 72°C, ont étéutilisés pour obtenir un lot de 20 fromages. Lelait, refroidi à 35°C, a été inoculé immédiatementà 2% avec un mélange contenant 5% d'une cul-ture sur lait autoclavé de Lactococcus lactis Prot-(souche t 139 G) et 95% d'une culture de Lacto-coccus lactis Prot- (souche 1140 Pl.

Les suspensions de spores de Penicilliumcamemberti et Geotrichum candidum ont été ajou-tées au lait avant l'emprésurage, à raison de2 500 spores/ml environ (99% de Penicilliumcamemberti et 1% de Geotrichum candidumlorsque ces 2 espèces ont été utilisées en asso-ciation). L'emprésurage a été réalisé avec 15ml/100 1 de lait, de présure Granday® à 520 mg/Ide chymosine (Sanofi Bio-Industries, Paris,France). Le temps de coagulation était d'environ40 min. Le caillé a été découpé lorsque le pHatteignait 6,1 ± 0,1 puis moulé grâce à un dispo-sitif permettant le retournement des bassines.Les moules ont été retournés 2 fois pendantl'égouttage, la première à pH 5,5 ± 0,9 et laseconde à pH 4,9 ± 0,1. Le lendemain les fro-mages ont été salés en saumure saturée, pendant40 min à 15°C. Les fromages ont ensuite étémaintenus 24 h à 15°C et 85% d'humidité relative,puis affinés à 12°C et 95% d'humidité relative.Ils ont été emballés à l'âge de 12 jours et placésensuite à 8°C et 85% d'humidité relative pendantdeux semaines.

Chaque souche de Penicillium camembertia été utilisée seule et en association avec les 3souches de Geotrichum candidum, soit 16 pro-duits. Leur fabrication a été répétée 4 fois. Pourchacune des répétitions de fabrication des 16

Page 5: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum

produits (variable «prodult»), un fromage a étéprélevé à 7, 14,21 et 28 jours d'affinage (variable«jour») afin de dénombrer les populations dePenicillium camemberti et Geotrichum candi-dum.

Une fabrication supplémentaire a été réaliséedans le but d'étudier les premiers jours d'affinage.Quatre produits ont alors été fabriqués avec Pc2(Pc2*GCO, Pc2*Gc1, Pc2*Gc2, Pc2*Gc3). Un fro-mage a été prélevé à 1, 2, 6, 7, 9,14,21 et 28jours d'affinage). Des fromages ont égalementété prélevés à 1,2,6,7,9, 14,21 et 28 joursd'affinage d'une fabrication réalisée avec l'asso-ciation des souches Pc2 et Gc2, mais à raisonde 5% de Gc2.

Analyses statistiques

Toutes les analyses statistiques ont été menéessur le logiciel SAS® (SAS Institute Inc, Cary, NC,États-Unis). La planification des expériences (plancentral composite et plan complet) ainsi quel'ordre aléatoire de réalisation des essais, afin detenir compte des facteurs non contrôlés pouvantinfluencer les réponses mesurées, ont été déter-minés par les macros ADX.

Les résultats obtenus après réalisation duplan d'expériences central composite ont étéexplorés par un test d'analyse de la variance surles 3 facteurs: temps, vitesse et dilution. Uneanalyse de régression a été réalisée par la pro-cédure RSREG de SAS/STAT® (1989).

Les résultats obtenus après réalisation desplans d'expériences complets ont été exploréspar une analyse de variance à 2 facteurs (tempset vitesse) au moyen de la procédure GLM deSAS/STAT® (1989) ainsi que par une analyse dela régression par la procédure RSREG deSAS/STAT® (1989).

Les résultats des dénombrements au coursde l'affinage des fromages expérimentaux ontété soumis à une analyse de variance à 2 fac-teurs (produit et jour) et interaction. Une analysede variance sur les facteurs Penicillium camem-berti et Geotrichum candidum et interaction aégalement été réalisée.

Les représentations graphiques (figs 3, 4 et5) ont été obtenues grâce au programme Chartersur SAS® (P SChlich, INRA-LRSA, Dijon, France).

7

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Mise au point de la méthode de broyage

Dans un premier temps, nous avons réa-lisé un plan d'expériences à 3 facteurs(temps, vitesse de rotation du broyeur, dilu-tion de l'échantillon) et 3 niveaux pour défi-nir les conditions qui permettent d'optimi-ser le dénombrement.

L'analyse de la régression montre que,globalement, ce modèle explique seulement29,8% de la variabilité totale observée (dont20,1% sont expliqués par l'effet linéaire desfacteurs et 9,2% par les interactions d'ordre2). L'effet des facteurs étudiés n'est passignificatif (P> 0,05). La dilution et les inter-actions d'ordre 2 entre les facteurs possè-dent les effets· les moins marqués sur lamesure.

Compte tenu de la très faible contribu-tion du modèle à l'explication de la variabi-lité, l'étude des facteurs temps et vitessede rotation du broyeur a été affinée par laréalisation d'un plan complet d'expériencesrépété trois fois. Ce protocole permet d'éva-luer la variabilité sur chacun des points. Ledomaine expérimental a été redéfini par rap-port aux résultats obtenus précédemment:

- X = vitesse: 12 000, 18 000, 24 000 rpm ;

- y = temps: 15,25,35 s.

La biomasse a été diluée 4 fois. L'espaceexpérimental est alors formé par 9 points.

Pour Penicillium camemberti, le Log desUFC/ml est compris entre 5,6 ± 0,2 après 15s de broyage à 24 000 rpm et 6,2 ± 0,1après 25 s à 24 000 rpm.

Le Log du nombre d'UFC/ml de Geotri-chum candidum est situé entre 5,3 ± 0,2pour 15 s à 24 000 rpm et 5,6 ± 0,2 pour25 s à 24 000 rpm (tableau 1).

L'étude de la régression et de l'analysede la variance montre que le modèle étu-dié explique 54,3% de la variabilité pour

Page 6: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

8 P Molimard et al

Tableau 1. Population de Penicillium camemberti(Pc4) et Geotrichum candidum (Gc1) dénombréeaprès broyage de culots cellulaires obtenus parculture en milieu liquide. Log du nombre d'UFC/mlde culot cellulaire, moyenne de 3 broyages.Population of Penicillium camemberti (Pc4) andGeotrichum candidum (Gc1) enumerated aftergrinding of cell pellets obtained by culture in liquidmedium. Log of the number of CFU/g of cell pel-let, mean of 3grindings.

Temps Espèce'(s)

Vitesse de broyage (rpm)

12 000 18 000 24 000

Tableau Il. Population de Penicillium camem-berti(Pc4) et Geotrichum candidum (Gc1) dénom-brée après broyage de 25 g de fromage. Log dunombre d'UFC/g de fromage, moyenne de 3broyages.Population of Penicillium camemberti (Pc4) andGeotrichum candidum (Gc1) enumerated aftergrinding. Log of the number of CFU/g of cheese,mean of 3grindings.

Temps Espèce' Vitesse de broyage (rpm)(s)

12 000 18 000 24 000

15 Pc 6,7 ± 0,2 6,6 ± 0,1 6,6 ± 0,215 Pc 5,8 ± 0,1 5,9± 0,3 5,6 ± 0,2 Gc 5,1 ± 0,5 4,7 ± 0,3 4,9 ± 0,4

Gc 5,3 ± 0,1 5,3 ± 0,4 5,3 ± 0,225 Pc 6,6 ± 0,3 6,6 ± 0,3 6,8 ± 0,4

25 Pc 5,8 ± 0,2 5,8± 0,3 6,2 ± 0,1 Gc 5,1 ± 0,3 4,9 ± 0,5 4,9 ± 0,6Gc 5,5 ± 0,1 5,5 ± 0,1 5,6 ± 0,2

35 Pc 6,7 ± 0,2 6,7 ± 0,3 6,5 ± 0,235 Pc 6,0 ± 0,3 5,9 ± 0,2 5,9 ± 0,2 Gc 5,1 ± 0,7 4,9 ± 0,9 4,8 ± 1,0

Gc 5,6 ± 0,1 5,6 ± 0,2 5,5 ± 0,2

1 Pc : Penicillium camembet1i; Gc : Geotrichum candi-dum.

Penicillium camemberti et 32,9% pour Geo-trichum candidum. Dans cette part de lavariabilité expliquée par les facteurs testés,la contribution du facteur temps de broyageest de 16,9% pour Penicillium camemberti etde 83,7% pour Geotrichum candidum etcelle de la vitesse de broyage est de 1%pour Penicillium camemberti et 2,3% pourGeotricum candidum. L'interaction temps xvitesse contribue à cette variabilité au niveaude 82,1 % pour Penicillium camemberti et14% pour Geotrichum candidum. Cepen-dant, pour les 2 facteurs, l'effet sur le LogUFC/ml des 3 niveaux testés n'est pas signi-ficatif (P > 0,05).

Le même plan d'expérience a été réalisésur des camemberts au lait cru du commerce.Pour cela, 25 g de fromage ont été broyésdans 50 ml d'eau physiologique stérile.

On a ainsi dénombré entre 4,7 ± 0,3 LogUFC/g après 15 s de broyage à 18 000 rpm

1 Pc : Penicillium camembet1i ; Gc : Geotrichum candi-dum.

et 5,1 ± 0,3 Log UFC/g après 25 s à 12 000rpm pour Geotrichum candidum. La popu-lation de Penicillium camemberti est com-prise entre 6,5 ± 0,2 Log UFC/g après 35s à 24 000 rpm et 6,8 ± 0,4 Log UFC/gaprès 25 s à 24 000 rpm (tableau Il). Il n'y apas de différence significative (P > 0,05)entre les 3 niveaux de vitesse de broyage(12 000,18 000, 24 000 rpm) et de durée debroyage (15, 25, 35 s) testés.

Au vu des résultats précédents, il s'avèreque lorsque les conditions de broyage per-mettent d'obtenir une homogénéisation cor-recte de l'échantillon à dénombrer, il y a peude modification du nombre d'UFC dans ledomaine expérimental étudié. Nous avonsdonc retenu les conditions de 25 s à 18 000rpm, qui sont des conditions moyennes don-nant une bonne homogénéité de l'échan-tillon. Ces conditions seront cellesemployées pour tous les dénombrements

Page 7: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum

de la flore de suriace des camemberts expé-rimentaux que nous avons analysés, ainsique des cultures en milieu liquide.

Suivi des populations de Penicilliumcamemberti et Geotrichum candidumen milieu liquide

En cultures pures

La teneur en matière sèche (MS) des cul-tures de Geotrichum candidum (Gc1) aug-mente progressivement jusqu'à un maxi-mum de 4,73 ± 0,19 mg/ml au 14e jour. Ellechute ensuite très légèrement jusqu'à 4,0 ±0,09 mg/ml en fin de culture (fig 1). Paral-

6

_ 4

EClEc;enli

2

12 16 20 24 26".Jours

Fig 1. Évolution de la matière sèche (MS enmg/ml) des cultures pures et des cocultures enmilieu liquide de Geotrichum candidum (Gc1) etde Penicillium camemberti (Pc4). 0:' Coculture ; 0culture pure de Geotrichum candidum ; 0 culturepure de Penicillium camemberti.Evolution of the dry matter (MS in mg/ml) of pureand coculture in liquid medium of Geotrichumcandidum (Gc1) and Penicillium camemberti(Pc4). ;Ié, Coculture; 0, pure culture of Geotri-chum candidum; 0, pure culture of Penicilliumcamemberti.

9

lèlement, le nombre d'UFC/ml croît rapide-ment jusqu'au 10e jour de culture (3,0-107

UFC/ml) avant de se stabiliser à ce niveau(fig 2). La corrélation entre le Log du nombred'UFC/ml et le Log de la teneur en matièresèche des cultures est hautement signifi-cative (r= 0,98; P= 0,0001 ; ddl = 20). Ledénombrement des UFC donne donc unebonne estimation de la biomasse.Penicillium camemberti (Pc4) se développebeaucoup plus lentement et atteint uneteneur en matière sèche de 4,57 ± 0,34mg/ml après 28 jours (fig 1). Cette biomasseest comparable à celle de Geotrichum cen-didum après 14 jours de culture malgré unensemencement en Penicillium camemberti100 fois plus important que celui de Geo-trichum candidum. Le nombre d'UFC/ml

10

4 B 12 16 20 24 28Jours

Fig 2. Évolution du Log d'UFC par ml de culturespures et de cocultures de Penicillium camem-bert; (Pc4) et de Geotrichum candidum (Gc1). 0Penicillium camemberti en culture pure; 0 Peni-cillium camemberti en coculture ; 0 Geotrichumcandidum en culture pure ; ~ Geotrichum candi-dum en coculture.Evolution of the Log of CFU of pure cultures andcocultures of Penicillium camemberti (Pc4) andGeotrichum candidum (Gc1). 0, Penicillium camem-berti in pure culture; D, Penicillium camemberti incoculture; 0, Geotrichum candidum in pure cul-ture; ~, Geotrichum candidum in coculture.

Page 8: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

10 P Molimard et a/

dénombré évolue parallèlement à la teneuren matière sèche. La corrélation entre leLog de ces 2 modes d'expression de la bio-masse est là aussi hautement significative(r= 0,81 ; P= 0,0003; ddl = 14) ..Là aussi,par le dénombrement des UFC, nous avonsune estimation correcte de la biomasse.

En cultures mixtes

Le taux de matière sèche, dans les cultures,augmente progressivement jusqu'à un maxi-mum de 5,03 ± 0,21 mg/ml de culture au216 jour. Il diminue par la suite jusqu'à4,31 ± 0,45 mg/ml de culture au 286 jour(fig 1). Le nombre d'UFC de Geotrichumcandidum (Gc1) par ml de culture augmenterégulièrement tout au long des 28 jours deculture et atteint un maximum de 5,5-108

(fig 2). Cette population maximum est com-parable à celle obtenue en culture pure. Surla figure 2, il apparaît clairement que la crois-sance de Geotrichum candidum est plusfaible en coculture. Cependant, les taux decroissance (tableau III) à 9, 14 et 21 jours,calculés sur le nombre d'UFC/ml sont signi-ficativement plus importants en coculturequ'en culture pure pour Geotrichum candi-dum. En effet, à 9 jours de cultures pures, lacroissance est presque terminée, donc letaux de croissance est faible. En revanche,

en cultures mixtes la croissance continuejusqu'en fin de culture.

Le nombre d'UFC de Penicillium camem-berti (Pc4) par ml de culture augmente àpartir du 66 jour jusqu'à un maximum de6,5-104 au 146 jour, il diminue par la suite(fig 2). Penicillium camemberti se développeplus rapidement pendant les premiers joursen cultures mixtes, mais son développe-ment se stabilise rapidement, alors qu'enculture pure il se développe tout au longdes 28 jours de culture. Au 96 jour, le tauxde croissance (tableau III) est significative-ment plus important en coculture qu'en cul-ture pure. À 14 et 21 jours, le taux de crois-sance devient significativement plusimportant en culture pure. Peut-être quecette stimulation ne s'exprime qu'avant épui-sement du glucose.

Cette étude montre clairement que lenombre d'UFC estimé en milieu liquide, parnotre méthode, est directement lié à la quan-tité de biomasse présente dans le milieu.Elle permet également de mettre en évi-dence une interaction, entre les 2 souchesde chacune des 2 espèces, sur milieuliquide. Le développement plus rapide dePenicillium camemberti, observé pendantles premiers jours de cocultures sur milieusynthétique, est particulièrement intéres-sant. En effet, en fromagerie, une couverture

Tableau III. Taux de croissance en j-1 de Penicillium camemberti (Pc4) et Geotrichum candidum(Gc1) en culture pure et coculture en milieu liquide, calculé sur le nombre d'UFC/ml.Growth rate in dey:' of Penicillium camemberti (Pc4) and Geotrichum candidum (Gc1) in pureculture and cocu/ture in Iiquid medium ca/cu/ated with the number of CFU/m/

Jours Penicillium camemberti

Cocu/tures Culture pure

69

1421

7,1 ± 2,20,1 ± 0,0

-1,9±0,7

0,1 ± 0,00,8± 0,32,1 ± 0,8

Geotrichum candidum

Cocu/tures Culture pure

1,3 ± 0,84,6 ± 3,40,9 ± 0,31,5 ± 0,4

1,4±0,70,1 ± 0,00,1 ± 0,00,4± 0,3

Page 9: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum

plus précoce du fromage est particulière-ment recherchée pour une compétition plusforte et plus précoce avec les éventuelscontaminants d'une part et pour un affinageplus rapide d'autre part. Or ilsemble que lasouche de Penicillium camemberti Pc4 etla souche de Geotrichum candidum Gc1 ,lorsqu'elles se développent ensemble surce milieu synthétique, ont une croissanceplus rapide. De plus, Geotrichum candidumse développe plus tôt que Penicilliumcamemberti, pouvant ainsi assurer uneoccupation plus précoce du milieu.

Il n'existe pas de grande différence entreles populations finales des cultures pureset des cultures mixtes (fig 2). Ce qui veutdire que le nombre total d'UFC de Penici/-

Tableau IV. Différence de viabilité spécifique,exprimée en Log d'UFC/mg de matière sèche(MS), entre les cultures pures et les culturesmixtes.Change in specifie viability, expressed as Log ofCFU/mg of dry matter (MS), between pure cul-tures and mixed cultures.

Jours Log UFC/mg MS CoefficientCulture pure' Culture mixte2 de viabilité

(1) (2) (2)1(1)

6142128

2,531,391.161,03

17,102,251,482,02

7.001,621,271,96

1 Log UFC/mg MS = Log [(UFC de Geotrichum candi-dum en culture pure) + (UFC de Penicillium camembertien culture pure)] / [(MS de Geotrichum candidum en cul-ture pure) + (MS de Penicillium camemberti en culturepure)]. 2 Log UFC/mg MS = Log [(UFC de Geotrichumcandidum en culture mixte) + (UFC de Penicilliumcamemberti en culture mixte)] / (MS de la culture mixte).1 Log CFUlmg MS = Log [(CFU of Geotrichum candi-dum in pure culture) + (CFU of Penicillium camemberti inpure culture)] / [(MS of Geotrichum candidum in pureculture) + (MS of Penicillium camemberti in pure cul-ture)]. 2 Log CFUlmg MS = log ({CFU ofGeotrichum can-didum in mixed culture) + (CFU of Penicillium camembertiin mixed culture)] / (MS of the mixed culture).

11

lium camemberti et de Geotrichum candi-dum est supérieur en cultures mixtes à celuides cultures pures. Or la quantité de matièresèche en cultures mixtes est plus faible quela somme des matières sèches des culturespures de Penicillium camemberti et de Geo-trichum candidum. Il y a donc plus de cel-lules viables par unité de matière sèche encultures mixtes qu'en cultures pures (tableauIV). Il ya également plus de cellules viablespar unité de matière sèche en début de cul-ture qu'en fin de culture. Cependant, la forteviabilité du mycélium en culture pure à 6jours (17,10 Log UFC/mg MS) peut être dueà une imprécision de la mesure de lamatière sèche qui est à un niveau faible à cestade de culture. Ces résultats peuvent lais-ser penser qu'en cocultures l'activité méta-bolique globale est plus intense qu'en culturepure, puisque la viabilité de la biomassesemble plus importante. Il reste à savoir sice qui est observé sur milieu modèle estégalement vrai sur fromage. Ceci pourraitlaisser supposer un affinage plus rapide enculture mixte.

Suivi des populations de Penicilliumcamemberti et Geotrichum candidum enfabrications fromagères expérimentales

La population de Penicillium camemberti au7e jour d'affinage, pour les 4 souches, estsignificativement plus faible (P < 0,05) quecelle présente après 14 jours. Au contraire,il n'y a aucune différence significative (P>0,05) entre les dénombrements effectuésà 14, 21 et 28 jours. L'interactionproduit'jours n'est pas signifiative (P> 0,05),ce qui signifie que le classement du nombremoyen d'UFC des 4 souches de Penicilliumcamemberti reste le même tout au long del'affinage. La population de la souche Pc1est significativement plus importante quecelle de Pc2 et Pc3 au seuil de 0,2%, pourtoutes les associations confondues (fig 3).

Page 10: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

------------------------- -----------_._-------

12 P Molimard et al

6

Cl-Ito~ 5

.§'

Pel Pe2 Pe3 Pe4 Pel Pe2 Pd Pe4 Pel Pe2 Pd Pe4 Pel Pe2 Pd Pe4 SOUCHEt--- 07 ---i t--- 14 ---i t--- 21 ---i t--- 28 ---i JOURS

Fig 3. Évolution de la population des 4 souches de Penicillium camemberti au cours de l'affinage desfromages. Log UFC Pc/g : Log UFC Penicillium camemberti par gramme de fromage frais, moyennedes 4 produits fabriqués 4 fois, soit 16 mesures. Souche: souche de Penicillium camemberti. Jours:nombre de jours d'affinage. Les barres verticales représentent l'intervalle de confiance à 95%.Change in the population of the four Penicillium camemberti strains during cheeses ripening. LogUFC Pc/g: Log CFU of Penicillium camemberti per 9 of fresh cheese, mean of the 4 products and 4cheese making replicates (16 measures). Souche: Penicillium camemberti strains. Jours: number ofripening days. The verticalline represents the confidence interval at the level of 95%.

La population de Penicillium camembertin'est pas significativement différente (P >0,05) en présence ou non de Geotrichumcandidum, quelle que soit la souche dePenicillium camemberti. Un exemple estmontré figure 4, avec la souche Pc4. Pour-tant, l'observation de la surface des fro-mages révèle des aspects différents en pré-sence de Geotrichum candidum, et ceci enfonction des souches. Ces différences d'as-pects sont très certainement imputables auxcaractéristiques de développement dessouches de Geotrichum candidum (souchesplus ou moins feutrantes).

Pour les 4 produits dont les UFC ont étédénombrées en début d'affinage, la popu-lation de la souche Pc2 est constante pen-

dant les 7 premiers jours à 3,6 ± 0,1 LogUFC/g. La croissance débute après 7 jourset la population se stabilise au 148 jour à5,2 ± 0,5 Log UFC/g. Malgré cette stabilitédu nombre d'UFC, l'observation de la sur-face des fromages montre une importanteévolution de la couverture mycélienne aprèsle 148 jour. Cela peut s'expliquer par le faitque notre méthode ne dénombre que lescellules revivifiables. On peut penser qu'unepartie du mycélium est constituée de cel-lules non revivifiables, qui ne sont donc pasdénombrées. Le nombre des cellules revi-vifiables serait constant au-delà de 14 jours.

La population de Geotrichum candidum,pour les 3 souches étudiées, n'est pas dif-férente entre les 3 prélèvements effectués à

Page 11: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum 13

6.5

5.5

Cl.....o 4.5a.Uu.:;)

8' J.5..J

2.5

1,5P P P P P P P P P P P P P P P P SOUCHEc c c c c c c c c c c c c c c c4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4. . . . .

G G G G G G G G G G G Gc c c c c c c c c c c c1 2 J 1 2 J 1 2 J 1 2 J

t---- 07- t---- 14- t---- 21- t---- 28- JOURS

Fig 4. Évolution de la population de la souche de Penicillium camemberti 4 (Pc4) au cours de l'affinagedes 4 fromages (Pc4 seul ou associé avec les 3 souches de Geotrichum candidum). Log UFC Pc/g :Log UFC Penicillium camemberti par gramme de fromage frais, moyenne des 4 répétitions de fabrication.Souche : combinaisons des souches de Penicillium camemberti et Geotrichum candidum. Jours:nombre de jours d'affinage. Les barres verticales représentent l'intervalle de confiance à 95%.Evolution of the population of the Penicillium camemberti strains 4 (Pc4) during the ripening of the 4cheeses. Log UFC Pdg: Log CFU of Penicillium camemberti per 9 of fresh cbeese, mean of the 4 cheesemaking replicates. Souche: Penicillium camemberti and Geotrichum candidum strain. Jours: Numberof ripening days. The verticalline represents the confidence interval at the level of 95%.

14,21 et 28 jours (fig 5). Seuls les prélève-ments réalisés à 7 jours sont significative-ment plus faibles (P < 0,05). Pour les 3souches de Geotrichum candidum asso-ciées avec la souche Pc2, on observe unecroissance du nombre d'UFC/g pendant les9 premiers jours, avec une légère inhibitiondu développement au deuxième jour, cer-tainement due à l'effet du salage. Le déve-loppement des souches de Geotrichum can-didum diffère en fonction de la souche dePenicillium camemberti qui lui est associée.Il existe une forte interaction entre lessouches de Penicillium camemberti et de

Geotrichum candidum. En effet, quelle quesoit la souche de Geotrichum candidum, lenombre d'UFC/g, en fin d'affinage, est signi-ficativement plus important lorsque ce cham-pignon est associé avec la souche Pc3.

Contrairement aux produits ensemen-cés avec !?% de Geotrichum candidum, lesproduits ensemencés avec 1% de Geotri-chum candidum n'ont pas donné de défautde surface de type «peau de crapaud». Cer-tains de ces derniers avaient cependant unaspect de surface plus «visqueux» que lanormale. Enfin, tous les produits ensemen-cés avec Geotrichum candidum ont un

Page 12: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

14 P Molimard et al

6

5Gel Gc2 Gdt-- 07 --<

Gel Gc2 Gd>-- 14 --<

Gel Gc2 Gdt-- 21 --<

Ge1 Gc2 Gd SOUCHEt-- 28 --< JOURS

Fig 5. Évolution de la population des 3 souches de Geotrichum candidum au cours de l'affinage desfromages. Log UFC Gclg : Log UFC Geotrichum candidum par gramme de fromage frais, moyenne des4 produits fabriqués 4 fois avec Geotrichum candidum, soit 16 mesures. Souche: souche de Geotri-chum candidum. Jours: nombre de jours d'affinage. Les barres verticales représentent l'intervalle deconfiance à 95%.Evolution of the population of the 3 Geotrichum candidum strains during cheeses ripening. Log UFCGclg: log CFU of Geotrichum candidum per g of fresh cheese, mean of the 4 products and 4 cheesemaking replicates (16 measures). Souche: Geotrichum candidum strain. Jours: Number of ripening days.The verticalline represents the confidence interval at the level of 95%.

aspect de surface moins feutrant, une croûteplus fine qu'en présence de Penicilliumcamemberti seul. Mourgues et al (1983) ontégalement observé ce type d'aspect de sur-face. Ces auteurs ont décrit ce phénomènecomme une occupation du terrain par Geo-trichum candidum, gênant l'implantation etle développement de Penicillium camem-berti. Notre étude montre que ces 2 phé-nomènes ne semblent pas liés. Cependant,Mourgues et al (1983) n'ont pas utilisé lesmêmes souches et le niveau d'ensemen-cement en Geotrichum candidum était plusimportant.

Des dénombrements effectués après fil-tration de l'échantillon sur toile à bluter ont

montré que les UFC dénombrées sont desfragments mycéliens ainsi que des spores.Les spores de Penicillium camemberti n'ap-paraissent que sur les prélèvements effec-tués après 9 jours d'affinage. Cettè méthodede dénombrement ne quantifie que les cel-lules revivifiables après broyage. Pourtant,même si elle ne donne qu'une sous-esti-mation de la biomasse, elle a le mérite d'êtrefacile à mettre en œuvre et de ne nécessi-ter qu'une mise au point réduite.

Les méthodes basées sur le dosage desconstituants de parois, telles que le dosagechimique de la glucosamine ou des hexo-samines (Frankland et Lindley, 1978 ; Cousinet al, 1984 ; Lin et Cousin, 1985) ne don-

Page 13: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

Croissance de P camemberti et G candidum

nent également qu'une estimation de la bio-masse. La teneur des composés dosés peutévoluer au cours de la croissance. De plusles constituants de parois ne sont pas spé-cifiques d'une espèce et sont présents surles cellules mortes.

Les techniques basées sur une réactionantigène-anticorps offrent une plus grandespécificité d'espèce. Elles sont encore peudéveloppées et utilisées essentiellementpour la détection des champignons conta-minants de denrées alimentaires, et nonpour leur quantification (Notermans et Heu-velman, 1985 ; Lin et al, 1986 ; Notermans etal, 1986 ; Kamphuis et al, 1989 ; Notermanset Kamphuis, 1990). La méthode développéepar Frankland et al (1981), grâce à l'utilisa-tion d'un antisérum conjugué à la f1uores-céine-isothiocyanate, permet une quantifi-cation spécifique de Mycena galopus. Ilexiste cependant des limites à cette tech-nique. La réaction a lieu, en effet, indiffé-remment avec les cellules vivantes et lescellules mortes. De plus, il n'existe pas, surle marché, d'antisérum dirigé contre Peni-cillium camemberti ou Geotrichum candi-dum. La production de ces antisérums, chezle lapin, serait lourde à mettre en œuvre.

CONCLUSION

Le temps de broyage, la vitesse de rotationdu broyeur et la dilution permettant unehomogénéisation correcte de l'échantillonn'ont pas d'effet significatif sur le nombred'UFC. Les conditions moyennes de 25 s à18 000 rpm ont donc été retenues pour cetteétude. Sur des cultures en milieu liquide, lenombre d'UFC estimé par cette méthode estcorrélé de façon hautement significative àla teneur en matière sèche des cultures.

Sur les fromages expérimentaux de typecamembert, nous avons pu observer queGeotrichum candidum se développe dèsles premiers jours d'affinage, malgré l'effetinhibiteur du salage, avant que la croissance

15

de Penicillium camemberti ne démarre. Au14e jour d'affinage, cette population a atteintson maximum. La croissance de Penicil-lium camemberti ne semble pas, au vu denos résultats, être gênée par la présencede Geotrichum candidum au niveau d'en-semencement de 1"Jo. Cette croissance nedébute qu'après le le jour d'affinage et lenombre de cellules revivifiables resteconstant à partir du 14e jour d'affinage.

La méthode de dénombrement mise aupoint et utilisée lors de cette étude ne quan-tifie que les cellules revivifiables aprèsbroyage de l'échantillon. Le nombre d'UFCque nous obtenons est un mode d'expres-sion de la biomasse vivante sur le fromage,elle ne tient pas compte de l'activité enzy-matique de la biomasse. La biomasse nonrevivifiable et les cellules lysées peuventjouer un rôle non négligeable dans les acti-vités métaboliques, par les enzymes libé-rées dans le milieu.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient tout particulièrement:l'équipe du laboratoire de développement deSanofi Bio-industries, division Cultures & enzymes,pour la production des souches; M Bigret et PSchlich pour leur assistance scientifique; G Mau-vais et G Pitel pour leur participation technique; lasociété Sanofi Bio-Industries, division Cultures &enzymes, le ministère de l'Enseignement supé-rieur et de la Recherche ainsi que la région Bour-gogne pour leur soutien financier.

RÉFÉRENCES

Adda J, Gripon JC, Vassal L (1982) The chemistry 01Ilavor and texture generation in cheese. Food Chem9,115-129

Cerning J, Gripon JC, Lamberet G, Lenoir J (1987) Lesactivités biochimiques des Penicillium utilisés en Iro-magerie. Lait 67, 3-39

Cousin MA, Zeidler CS, Nelson PE (1984) Chemicaldetection 01 mold in processed loods. J Food Sci49,439-445

Page 14: Suivi de croissance de Penicillium camemberti … Elle a nécessité la mise au point d'une méthode de dénombrement spécifique de ces 2 espèces en culture mixte sur un milieu modèle

16 P Molimard et al

Frankland JC, Lindley DK (1978) A comparison of Iwomethods for the estimation of mycelial biomass inleaf liller. Soif Biol Biochem 10, 323-333

Frankland JC, Bailey AD, Gray TRG, Holland AA (1981)Development of an immunological technique for esti-mating mycelial biomass of Mycena galopus in leafliller. Soif Biol Biochem 13, 87-92

Goupy J (1988) La méthode des plans d'expériences,optimisation du choix des essais et de l'interprétationdes résultats. Dunod, Paris

Guéguen M (1984) Contribution à la connaissance deGeotrichum candidum et notamment de sa variabi-lité. Conséquences pour l'industrie fromagère. Thèsede Doctorat d'État, Caen

Guéguen M, SchmidtJL (1992) Les levures Geotrichumcandidum. In: Les groupes microbiens d'intérêt laitier(Hermier J, Lenoir J, Weber F, eds). Cepil, Paris,165-219

Jarvis B, Seiler DAL, Ould AJL, Williams AP (1983)Observations on the enumeration of mou Ids in foodand feedingstuffs. J Appl Bacterio/55, 325-336

Jean M (1989) Staphylococcus aureus dans le «camem-bert de Normandie». Origine, comportement et pro-duction d'entérotoxines. Thèse de Doctorat, Caen

Kamphuis HJ, Notermans S, Veeneman GH, Van BoomJH, Rombouts FM (1989) A rapid and reliable methodfor the detection of molds in foods: using the latexagglutination assay. J Food Prot 52,244-247

Lenoir J, Auberger B (1966) Contribution à l'étude dela flore microbienne du fromage de type camem-bert. XVIIe Congr Int Lait, Munich, Vol D 595-602

Lin HH, Cousin MA (1985) Detection of mold in proces-sed foods by high performance liquid chrornatoqra-phy. J Food Prot48, 671·678

Lin HH, Lister RM, Cousin MA (1986) Enzyme-linkedimmunosorbent assay for detection of mold in tomatopuree. J Food Sei 51 , 180-192

Molimard P, Lesschaeve l, Bouvier l, Vassal L, SchlichP, Issanchou S, Spinnler HE (1994) Amertume etfractions azotées de fromages à pâte molle de typecamembert: rôle de l'association de Penicilliumcamemberti avec Geotrichum candidum. Lait 74,361-374

Mourgues R, Bergère JL, Vassal L (1983) Possibilitéd'améliorer les qualités organoleptiques des fro-mages de camembert grâce à l'utilisation de Geo-trichum candidum. Tech Lait 978, 11·15

Notermans S, Heuvelman CJ (1985) Immunologicaldetection of moulds in food by using the enzyme-Iinked immunosorbent assay (Elisa); preparation ofantigens. Int J Food Microbio/2, 247-258

Notermans S, Kamphuis H (1990) Detection of mou Idsin food by latex agglutination: a collaborative study.Food Agric Immuno/2, 37-46

Notermans S, Heuvelman CJ, Van Egmond HP, PaulschWE, Besling JR (1986) Detection of mold in food byenzyme-Iinked immunosorbent assay. J Food Prot49,786-791

Ribadeau·Dumas B (1984) Maîtrise de l'affinage desfromages de type camembert. Lait 64, 448-468

Richard J, Zadi M (1983) Inventaire de la flore bacté-rienne dominante des camemberts fabriqués avec dulait cru. Lait 63, 25-42

SAS Institute Inc (1989) SAS/STAT® user's guide. Ver-sion 6, Fourth Edn Vol 1 and 2, SAS Institute Inc,Cary, NC, États-Unis

Tolle A, Olle l, Shereng G, Heeschen N (1980) On themicroflora of camembert cheese. Mifchwissenschaft35,21-25