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1 Manuel Madueño SM Suivre Jésus, fils de Marie un parcours de spiritualité marianiste Original SIGUIENDO A JESÚS, HIJO DE MARÍA Un camino para vivir la espiritualidad marianista Servicio de Publicaciones Marianistas, Madrid, 1999 Traduction française Sr. Dominique Ceccaldi FMI Rome, 2005 Maison Chaminade Bordeaux 2006

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Manuel Madueño SM

Suivre Jésus, fils de Marie

u n p a r c o u r s d e s p i r i t u a l i t é m a r i a n i s t e

Original

SIGUIENDO A JESÚS, HIJO DE MARÍA Un camino para vivir la espiritualidad marianista

Servicio de Publicaciones Marianistas, Madrid, 1999

Traduction française

Sr. Dominique Ceccaldi FMI

Rome, 2005

Maison Chaminade Bordeaux 2006

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Présentation Un mot avant de prendre la route

Je suis chrétien et je suis marianiste. En d’autres termes, si vous préférez : j’essaie de donner à ma vie chrétienne un style marianiste. J’ai découvert peu à peu le rôle de Marie dans la vie et dans le mystère de Jésus, dans la vie et dans le mystère de l’Église. Cette découverte m’a rendu heureux et ne cesse de me motiver et de m’enthousiasmer.

Dans ces pages, je veux simplement partager ma foi, ma recherche et les découvertes que j’ai faites en suivant "l’itinéraire marianiste". J’espère qu’elles deviendront ainsi plus claires et se fixeront mieux dans ma mémoire et dans mon cœur ; que l’intuition se fera parole, confidence et prière et que le chemin que j’ai parcouru pourra être proposé à d’autres comme un chemin de vie.

Ces pages ne prétendent donc être ni une recherche théologique ni un traité de théologie. Elles se veulent une expression de foi, un partage de vie, le témoin simple et heureux d’une recherche, sous la forme de petites réflexions, de dialogues avec Jésus et avec Marie, de prières jaillies de la vie, de la souffrance et de l’espérance. En suivant Jésus...

N’est-ce pas un projet fascinant que de suivre Jésus ? Marcher sur ses traces ; le laisser nous indiquer le cap et nous orienter ; faire avec lui le chemin de notre vie ; laisser son projet de vie devenir le nôtre ; partager ses plans, ses recherches et ses expériences ; le nommer capitaine de notre vaisseau, guide de notre randonnée, expert de notre expédition. Faire peu à peu de la personne de Jésus, des paroles de Jésus, de la vie et du mystère de Jésus le centre et

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la clé de notre propre existence. Avec joie et admiration, découvrir ainsi chaque jour qu’il est notre trésor, que c’est en lui que nous voulons mettre notre cœur, bien décidés à le situer chaque fois un peu plus haut sur l’échelle de nos valeurs et de nos intérêts. Sentir que Jésus "vaut réellement la peine" et nous engager dans sa grande aventure de transmettre aux hommes l’amour du Père et de travailler à leur libération à tous. … fils de Marie

Ce Jésus si passionnant s’est révélé à nous comme le Fils de Marie. Nous l’avons reçu comme tel et c’est ainsi que nous voulons lier notre vie à lui et l’annoncer. En ceci consiste notre petit "grand secret": Jésus a voulu naître de Marie. Et dans cet admirable et silencieux mystère de l’Incarnation, il nous est donné de découvrir beaucoup de choses !… De Marie, Jésus a reçu la vie, l’éducation et l’instruction. Jésus a regardé sa mère, a écouté sa mère, a tout appris de sa mère. Et nous voulons nous laisser enseigner et former par Marie. Jésus a voulu partager avec sa mère sa vie et sa mission. Il nous présente Marie comme la mère croyante et fidèle, la mère des disciples, la missionnaire du Royaume et nous, nous voulons vivre le mystère de Marie et suivre son chemin pour mieux vivre le mystère de Jésus et suivre son chemin.

Il y a longtemps déjà, j’ai lu Mon idéal, Jésus, fils de Marie, d’un prêtre marianiste français, Emile Neubert. A l’époque de sa parution, il a eu un grand succès et a été traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, son langage et son style peuvent paraître surannés. Par certains aspects, son contenu manque de la rigueur théologique et biblique exigée aujourd’hui. Mais il y avait quelque chose de beau dans ces pages : de l’enthousiasme, de la passion pour Jésus et Marie, de la conviction et de l’ardeur. Lu sans trop d’esprit critique,

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Mon idéal peut encore nous transmettre un grand amour pour Jésus et pour Marie.

Le présent ouvrage veut aussi être un modeste hommage à tous ceux qui, par leur vie et leur parole, nous ont transmis la foi chrétienne et le charisme marianiste. Je l’ai écrit avec joie, pensant qu’il constituerait un maillon de plus dans la chaîne de cette tradition et de cette vie.

Toute ma gratitude aux personnes qui m’ont aidé, soutenu et encouragé pour ce livre.

MANUEL MADUEÑO, SM Communauté marianiste Caná

Buenos Aires

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Notre feuille de route comment utiliser ce livre

Ce n’est pas un livre à lire d’une traite

On peut toujours le lire de cette manière si on veut avoir une vue panoramique de l’ensemble mais je recommande, personnellement, une autre méthode. Ce livre est à lire par petits morceaux, à des moments choisis, en suivant des thèmes particuliers ; on le prend en mains quand on en ressent le besoin. La consultation de l’index général, au début, et de l’index systématique, à la fin du livre, y aideront assurément. Il faut lire ce livre calmement, ruminer ce dont il est question, essayer d’en pénétrer le thème par l’intelligence et par le cœur et puis le confronter à notre vie. Ce n’est pas un livre fait pour augmenter la somme de tes connaissance mais pour t’apprendre à vivre mieux. Or ce qu’il y a là de bon pour la vie s’incorpore à notre existence à la manière d’une nourriture de choix, par petites doses, qu’on savoure longuement. Connaître-aimer-servir Marie

Tu as peut-être été surpris par la présentation de l’index ou par l’ossature du livre. Cela signifie quelque chose. Le livre suit avant tout l’histoire et la tradition marianistes. Connaître, aimer, servir Marie était une expression chère au Père Guillaume-Joseph Chaminade. Mais il y a une raison théologique et biblique qui va au-delà de cette explication affective. La trilogie connaître, aimer, servir est une manière originale de comprendre notre charisme, à la lumière de la foi et du message de Jésus.

- Connaître se rapporte à notre faculté de voir et de capter la réalité, par notre intelligence et notre raisonnement, à

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notre façon de regarder les personnes et les choses, nos manières de les envisager et de les interpréter. ‘Connaître’, c’est notre effort de comprendre la vie, notre intuition, notre expérience qui se transforme lentement en sagesse, notre accueil de la beauté et du mystère de la nature, notre capacité à lire les signes providentiels dans l’histoire des hommes et dans notre propre vie. Le ‘connaître’ concerne aussi notre manière d’accueillir Dieu, Jésus-Christ, l’Esprit Saint, Marie, le mystère du Royaume. Plusieurs de ces pages vont te confronter à des questions qui sont à la fois interrogation et défi: Comment est-ce que je connais ? Jusqu’où va ma connaissance ? Comment est-ce que je puis connaître mieux ?

- Aimer concerne le climat du cœur et notre relation avec les

autres. Notre façon de parler et d’écouter, de respecter et d’aider, de donner et d’accepter de recevoir. C’est l’univers de nos sentiments et leur manifestation, notre manière d’éprouver sympathie ou antipathie, notre tendance à nous faire le centre de tout et notre effort pour nous décentrer de nous-mêmes pour nous intéresser aux autres, nos motivations et nos libres choix, c’est la responsabilité avec laquelle nous conduisons notre vie vers notre unification personnelle et notre maturité. Ce verbe se rapporte aussi à notre amour pour Dieu et pour les fils de Dieu. C’est pourquoi ce livre va très souvent te poser cette question: Comment aimes-tu ? Comment croîs-tu dans l’amour ? Comment ton amour se manifeste-t-il ?

- Servir. Ce verbe désigne notre action, nos réalisations, notre

manière d’utiliser le temps, notre hiérarchie des valeurs et la cohérence entre nos idéaux, nos paroles et nos actes. Servir vise l’efficacité de notre vie au sein de la communauté et notre faculté de collaborer à des projets qui dépassent nos intérêts personnels, notre manière de

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mettre en œuvre autorité, prestige et réputation. Servir a trait aussi à notre dévouement aux intérêts du Père et du Royaume, à notre engagement dans la mission. C’est pourquoi dans les pages qui suivent tu seras confronté à des questions du type : Quels intérêts est-ce que je sers ? Est-ce que ce sont les autres que je sers ou moi-même ? Comment est-ce que je puis mieux servir ?

Le chemin marianiste constitue un processus complet de maturation et d’engagement au service des hommes, sur les plans humain et chrétien. Si je connais, si j’aime et si je sers Jésus et Marie, je peux être fidèle à Dieu, je peux être heureux, je peux faire le bien et contribuer à l’extension du Royaume. Un livre ouvert à diverses possibilités de lecture

Connaître-aimer-servir : ce schéma indique, par exemple, une gradation naturelle et pédagogique à notre processus de maturation humaine et spirituelle et dans notre relation avec les autres. Mais il ne s’agit pas d’un schéma rigide qui imposerait un enchaînement rigoureux : parfois on aime le moins connu, comme on peut aussi servir sans aimer pleinement. Et les trois dimensions peuvent aussi exister simultanément. Tu peux donc aussi bien commencer par lire et appliquer à ta vie un des aspects de la dimension "aimer" qu’un des aspects du "servir", l’important étant que cela corresponde à tes préoccupations religieuses du moment, dans ta vie chrétienne et marianiste. Il s’agira parfois d’approfondir un point déjà connu et apprécié. D’autres fois, de découvrir un aspect nouveau, de l’explorer et d’en faire l’objet d’une nouvelle expérience. Ce livre est un outil de travail : utilise-le en toute liberté.

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De diverses manières, comme diverse est la vie

Pour rejoindre ta manière personnelle de lire et de réfléchir, ces pages te présentent une mosaïque de styles divers : réflexions sur la vie et la foi, intuitions sur la vie marianiste, commentaires personnels, pistes pour prolonger le thème, questions qui interrogeront ta vie, paroles et sentiments de Jésus et de Marie, extraits et citations de la Sainte Écriture, prière, et jusqu’à un peu de poésie. De toute manière, il se veut un reflet de la richesse et de la variété que prennent dans notre vie la pensée, l’échange et la prière. Il veut créer un climat favorable et informel pour t’aider à réfléchir, à grandir, à vivre. Un livre à usage personnel ou communautaire

Le ton et la longueur des exposés et des commentaires permettent de s’en servir aussi bien individuellement qu’en groupe. Les questions et les orientations qui concluent chaque chapitre sont pensées pour être applicables aussi bien à une personne qu’à un groupe ou à une communauté. Selon la situation ou le besoin, on peut les utiliser d’une manière ou d’une autre. L’essentiel est la sincérité En tout cas, si tu le lis seul, pense que ce livre est un ami qui te connaît, qui t’aime, qui te pose des questions et qui te propose des pistes pour progresser dans ta vocation. S’agit-il d’une lecture communautaire, la bonne méthode consiste alors à choisir un thème, à lire ce que dit le livre et à dialoguer ensuite sur la manière dont on vit, ou dont on essaie de pratiquer cet aspect, chacun faisant part de ses expériences personnelles sur ce point. Un va et vient permanent sur ce chemin

Nous n’allons pas cesser nous-mêmes d’aller et de venir tout au long de ces pages. Nous allons découvrir en Jésus sa

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condition de fils de Marie, approfondir la relation de Jésus avec sa mère, regarder Marie à partir de Jésus, prendre le chemin du fils vers la mère. Mais, en même temps, nous allons découvrir que le chemin n’est complet que s’il y a un retour, parce que Marie nous oriente vers Jésus, parce que nous allons découvrir qu’en Marie et dans ceux qui la suivent, toute la vie a rapport à Jésus. Et c’est ainsi que nous allons prendre le chemin de la mère vers le Fils.

Jésus nous conduit à Marie, Marie nous conduit à Jésus : voilà le secret de la dynamique profonde du chemin chrétien et marianiste que nous voulons emprunter. Une démarche qui ne comporte en soi ni antagonismes ni frictions, mais seulement harmonie et garantie de progrès. Le nord et la boussole

L’image qui ouvrait ce chapitre nous aidera à le conclure. Notre vie comprend un pôle, une vocation, un appel de Dieu, que nous traduisons de diverses manières : "faire la volonté de Dieu", "suivre Jésus", " vivre l’amour " "être saints", "être heureux"... Autant de formulations qui expriment avec justesse la réalité, et qui, dans le fond, sont convergentes. Mais combien de fois ne nous arrive-t-il pas de perdre la direction ! Combien de personnes et de groupes ne savent pas pourquoi ils ont la vie et dans quel but ils vivent ; ils ne savent pas quel sens donner à leur existence, quel chemin prendre… Que d’hésitations, de désarroi, de doute et d’erreur sur les chemins des hommes et des femmes de notre temps ! Il est tant de gens égarés, désorientés, qui n’ont pas su donner de sens à leur vie. Quant à nous, nous croyons que le sens, c’est la foi qui nous le donne et que notre plus sûre et plus inaltérable boussole a nom Marie. Nous demandons donc à Marie d’orienter notre cheminement à travers ces pages et dans toute notre vie.

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Première partie

Jésus nous mène à Marie Marie nous mène à Jésus

1. Le chemin de Jésus et notre chemin.

2. Marie sur le chemin de Jésus.

3. Marie, mère de Jésus. Jésus, fils de Marie.

4. Marie disciple : à l’école et à la suite de Jésus.

5. Marie, mère du peuple de Dieu.

6. Marie missionnaire.

7. Le mystère de l’Incarnation et la voie marianiste.

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I. 1. Le chemin de Jésus et notre chemin Le chemin, riche image pour comprendre notre vie

En effet, notre vie est vraiment un chemin :

Un chemin qui a un point de départ et qui conduit à une destination.

Un chemin qui nous fera passer par des étapes et des moments divers.

Un chemin que nous allons suivre à des allures et à des rythmes variés.

Un chemin où, à certains moments, nous serons guidés par d’autres, où, à l’occasion, nous cheminerons seuls, et où, dans certaines situations, c’est nous qui aurons à en guider d’autres.

Un chemin où nous éprouverons tour à tour la fatigue et l’enthousiasme, l’ennui de la marche et le bonheur d’arriver à l’étape, la joie du succès et l’amertume de l’échec.

Un chemin tantôt dangereux et boueux, tantôt facile, sur terrain plat, agréable mais toujours ardu et en pente.

Un chemin le long duquel nous ne rencontrerons pas toujours des panneaux de signalisation ; ou, s’ils y sont, nous ne saurons pas toujours les décoder ; un chemin sur lequel nous nous sentirons donc par moments égarés ou désorientés.

Un chemin que nous devrons entreprendre en ayant prévu des provisions pour le voyage, ainsi que des temps et des aires de repos.

Un chemin croisant d’autres chemins, où nous devrons décider de la direction à prendre.

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Un chemin semé d’obstacles ou d’imprévus dont nous devrons tenter de venir à bout ou qui pourront ralentir notre marche.

Notre vie est un chemin

Cette comparaison est bien plus qu’une image poétique et chacun peut la pousser plus loin. Notre vie entière comporte les caractéristiques d’un chemin, telles que nous venons de les évoquer. Dire que notre vie est un chemin, c’est la percevoir comme un processus, comme l’histoire d’une évolution en progrès continuel, comme un développement permanent. Processus, histoire, croissance qui dépendent de notre liberté, de notre réponse au plan de Dieu sur nous et aussi des libertés et des contraintes que nous trouvons dans notre entourage... Il n’est pas si courant de comprendre la vie de cette manière.

Beaucoup de personnes, pour des raisons qui tiennent à leur histoire ou à leur culture, envisagent la vie comme un destin fatal - chance ou malchance - auquel on ne peut pas échapper et qu’on ne peut pas dominer, soit comme l’effet d’une contrainte psychologique à laquelle on n’a pas la liberté de tenir tête, soit encore comme le fruit de pressions sociales aliénantes. - Comment comprends-tu toi-même ta vie ? Partages-tu les opinions ci-dessus ? Quelle est ta propre expérience ? Acceptes-tu l’idée que ta vie est un chemin de liberté, dont le tracé dépend aussi de l’exercice des libertés de ceux qui t’entourent, un chemin correspondant plus ou moins à un plan de Dieu sur toi, sur nous tous, sur l’humanité et sur l’histoire ?

Essaie d’appliquer l’image du chemin à ton développement psychologique et humain, aux étapes de ton insertion sociale, à l’aventure de tes études et de ta vie active. Et n’en reste pas là, car l’image du chemin s’applique aussi bien à notre foi, à notre

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expérience religieuse, à notre vie chrétienne. Il y a une relation très étroite entre notre manière de parcourir les routes humaines et notre manière d’emprunter les chemins de la foi. Il faut avoir le courage de se poser la question : Comment va mon chemin de foi ?

"Sur le chemin de notre foi apparaît Jésus". Comment doit-on entendre cette affirmation ? Elle est suffisamment suggestive et peut nous faire penser à plusieurs choses : Jésus sur le chemin de notre vie

Si nous sommes d’une famille chrétienne, et avons été éduqués dans une ambiance chrétienne, Jésus a été présent à notre vie dès le début. Sa parole nous a accompagnés et orientés, son pardon a semé joie et paix dans les moments de crise et de péché, la foi en sa présence a présidé à nos eucharisties et à nos rassemblements. Il est cependant bon que chacun se repose sérieusement la question, de temps en temps, de savoir quelle image il se fait de Jésus : de quel Jésus est-ce que je parle? A quel Jésus est-ce que je pense ? Quel Jésus suivent mes pas ? - Crois-tu que la connaissance que l’on peut avoir de Jésus aujourd’hui est semblable à celle qu’on avait il y a vingt ans ? A cette étape de ta vie, Jésus est-il quelqu’un de mieux connu de toi, ou te surprend-il et t’étonne-t-il encore ? D’autre part, il est aussi intéressant de penser quelle serait l’orientation de notre vie sans Jésus ? Peux-tu imaginer ta vie sans Jésus et son l’Evangile ? Et quelle peut être la vie de tant de personnes qui ne connaissent pas Jésus? Jésus parcourt les chemins de Galilée et de Judée

C’est une évidence mais cependant une vérité éclairante : quand Jésus parcourait ces chemins, il a connu le froid et la chaleur, la pluie et le vent, le poids de la fatigue et le soulagement de la pause, la faim et la soif ; l’incertitude

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quant au lieu de son repos et la tranquillité d’esprit de se savoir attendu dans la maison de ses amis ; l’obligation de quitter sa propre maison pour la mission et la joie du retour dans des lieux familiers ; la hâte de celui qui doit arriver à temps, et l’allure tranquille de celui qui jouit du paysage et a le loisir de s’arrêter pour contempler un coucher de soleil ; les échanges animés avec ses disciples sur les derniers événements et les marches silencieuses à ruminer quelque tristesse ou à caresser quelque espoir. C’est bien ce qui m’arrive à moi aussi. Il est consolant de penser que Jésus me comprend parce qu’il a cheminé comme moi, il s’est fatigué comme moi et est revenu à la maison comme moi. L’évolution de Jésus

Jésus a mené son existence comme une évolution constante, comme une expérience qui s’est déployée progressivement, selon les lois de l’apprentissage et de l’éducation et suivant les étapes successives du développement de sa psychologie et de sa personnalité. L’homme Jésus est souvent passé du non-savoir au savoir, de l’ignorance à la découverte, des questions posées aux autres et à soi-même à l’accueil d’une réponse reçue ou élaborée, de l’observation du chercheur au constat éclairant. Nous ne sommes pas tellement habitués à penser Jésus de la sorte. Nous avons tendance à croire qu’il savait tout, connaissait tout, dominait tous les sujets. Et pourtant, telle fut l’expérience humaine du Seigneur ! Cela fait du bien de se rappeler que Jésus est passé par là, quand on se trouve dans de telles circonstances. Le terrain de proximité, de compréhension et de confiance entre lui et moi s’élargit considérablement quand je sais que Jésus a pris les mêmes chemins – ceux de l’apprentissage et de la maturation, ces chemins sur lesquels se déroule ma vie.

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Jésus est le chemin

Jésus nous dit qu’il est le chemin, que nul ne va au Père sans passer par lui ; qu’il est la porte. Ce disant, il nous indique une manière de comprendre et mener notre vie chrétienne. Nous avons parfois compris la vie chrétienne comme une étiquette, comme une simple appartenance nominale, comme une pieuse routine ou comme une démarche rituelle. Et Jésus nous dit que la vie chrétienne est un processus, un cheminement permanent, un mouvement incessant, une marche ininterrompue. Un chemin aussi dynamique, aussi globalisant, aussi étendu que la vie même. Rien de plus étranger à la proposition de Jésus que l’immobilisme, le conformisme, le rigorisme ou le laxisme. Être chrétien, c’est être déterminé à avancer et à chercher, à explorer et à trouver, à risquer et à se tromper. Etre chrétien, c’est ne pas avoir peur du questionnement et du doute, de la problématique et de la critique, de la remise en question et du changement. Etre chrétien, c’est recommencer tous les jours, reprendre le chemin après chaque hésitation, se relever après chaque chute. Pour le Seigneur il vaut toujours mieux cheminer en courant le risque de se tromper que de rester tranquille pour éviter toute erreur. Jésus nous invite à marcher

En se présentant comme le chemin, Jésus nous invite à reproduire son expérience, à nous situer dans sa perspective, à marcher sur ses traces. Il nous dit que le chemin de la foi comporte beaucoup de possibilités, beaucoup d’alternatives, beaucoup d’invitations et de suggestions, mais qu’en définitive, seules sont valides celles qui conduisent à lui, celles qui, de toute évidence, se rapportent à lui, qui jaillissent de sa parole, qui portent les traits de son message et de sa mission, à savoir l’union au Père, l’annonce et l’extension du Royaume, l’amour de tous et le signe de la

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croix. Accepter Jésus comme chemin de vie, c’est progresser en incorporant à notre vie ses propres critères, ses sentiments, ses valeurs, les motivations de ses choix. Jésus est le critère unique et définitif de la croissance dans la foi et dans l’amour. Il est la pierre de touche pour discerner l’authenticité d’une expérience religieuse.

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JESUS EST MON CHEMIN

Jésus est mon chemin. Je veux suivre Jésus.

Au-delà des dogmes, je crois en Jésus et en sa parole.

Au-delà de la morale, j’entends vivre et aimer

comme Jésus.

Au-delà des rites, je jubile et je rends grâce

parce que j’ai rencontré Jésus.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Essaie de penser à l’histoire de ta vie chrétienne : tes

premiers souvenirs, les premières personnes qui t’ont parlé de Dieu. Par quelles étapes es-tu passé ? Comment les décrirais-tu ? Où en es-tu maintenant ?

2. Si tu devais décrire ta vie chrétienne à partir de l’image d’un chemin matériel, quels éléments retiendrais-tu ? (type de chemin, véhicule utilisé, compagnons de route, chemins croisés, panneaux indicateurs, lieux de repos...)

3. Dans l’expérience de ta vie chrétienne actuelle, qu’est-ce qui t’aide à progresser, à aller de l’avant ? Qu’est-ce qui te freine ou te fait régresser ?

4. Même si cela te paraît difficile ou étrange, essaie de penser à la manière dont Jésus a connu le doute, la fatigue, la peur, la routine, l’apprentissage... Quelles sont tes expériences personnelles sur ces points ? La comparaison avec Jésus est-elle une aide pour toi ?

5. Quels sont les points de références, les panneaux indicateurs, les guides ou les experts qui t’accompagnent sur le chemin de ta vie ? Chemines-tu plutôt seul ou en lien avec d’autres ?

6. A quels moments, face à quoi, as-tu connu le doute dans ta vie chrétienne, le questionnement, la remise en question, ou la critique ? Les as-tu dépassés ? Qu’est-ce qui ou qui t’a aidé à sortir de ces états ?

7. Les lignes suivantes disent l’attitude de Paul sur le chemin de sa propre vie chrétienne. Te suggèrent-elles quelque chose ? T’indiquent-elles quelque piste pour vivre ton propre chemin de chrétien ?

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" Non que j’aie déjà obtenu tout cela ou que je sois déjà devenu parfait ; mais je m’élance pour tâcher de le saisir, parce que j’ai été saisi moi-même par Jésus Christ. Frères, je n’estime pas l’avoir déjà saisi. Mon seul souci : oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m’élance vers le but, en vue du prix attaché à l’appel d’en haut que Dieu nous adresse en Jésus Christ" (Phil 3, 12-14).

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JE VEUX CHEMINER AVEC TOI, JESUS

Seigneur Jésus, je veux te rendre grâce

parce que j’ai découvert que ma vie est un chemin.

Un chemin qui prend naissance en Dieu et qui mène à Dieu.

Un chemin qu’on parcourt avec beaucoup de frères humains.

Un chemin que je dois suivre avec sérénité et responsabilité. Un chemin jalonné de choix,

comme autant de défis à ma liberté.

Un chemin que tu as parcouru le premier et que tu m’invites à prendre à ta suite.

Je veux que tu sois mon but, ma lumière, mon compagnon de route.

Je veux cheminer avec toi, cheminer comme toi.

Aide-moi à dépasser la fatigue et le découragement.

Aide-moi à me relever après chaque chute, et à poursuivre la route.

Fais que j’entende toujours ta voix qui m’appelle, et que je ne doute jamais que ta main me soutient.

Amen !

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I. 2. Marie sur le chemin de Jésus Sur le chemin de Jésus nous rencontrons Marie

Marie n’est pas un accident dans la vie de Jésus. Elle n’est pas un élément accessoire ou à éliminer. Elle n’est pas le fruit du hasard ou l’effet d’une nécessité. Marie est là, c’est un fait. Humble, discrète, silencieuse certes, mais elle est là. Elle assume sa mission de mère de Jésus, de disciple de Jésus, de femme de l’histoire nouvelle, de mère des disciples, Marie est là. Elle accepte une existence qui n’entrait pas dans ses vues et prend en charge un projet de vie qu’elle n’a pas elle-même élaboré. Ouverte aux signes, aux paroles et aux interventions de Dieu dans sa vie, elle prend sans hésiter le risque de les suivre. Espérant sans voir, acceptant sans comprendre, appelant sans recevoir de réponse, accompagnant sans reconnaissance à la clé, Marie est là. Dans la routine facile à deviner de la longue période de Nazareth, Marie est là. Aux heures critiques de la vie du Seigneur, Marie est là. Essayons de tirer quelque conséquence de ce qui précède : Je ne puis comprendre Jésus si je fais abstraction de Marie

Je ne puis absolument pas comprendre Jésus si je fais abstraction de sa condition de "fils de Marie". Si je cherche à comprendre le côté divin de Jésus, sa réalité de "fils de Marie" me dit que Dieu a voulu se révéler à nous comme un homme, et un homme né d’une femme. Et si je considère le côté humain du Seigneur, sa réalité de fils de Marie me parle de la relation mère-fils et de l’histoire d’un enfant qui a reçu son éducation d’une femme. Le fait d’être fils de Marie n’est pas un trait supplémentaire à ajouter à la richesse inépuisable de la personnalité de Jésus. C’est autre chose que de dire "Jésus a prié", "Jésus a soigné des malades", "Jésus a

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annoncé la Parole". C’est quelque chose d’intérieur et de très important. Accorde une attention profonde au mystère de Jésus : d’être un Dieu qui se montre à nous avec un visage d’homme et d’être un homme totalement habité par Dieu. Marie présente dans le plan de Dieu

Dans le plan de salut conçu par le Père et qui se concrétise dans le mystère de l’Incarnation, Marie occupe une place importante parce que Dieu en a décidé ainsi. Le grand argument, sur lequel nous avons insisté à dessein, c’est le fait que Marie est là. Il n’y a pas à chercher des raisons de convenance ni d’autres explications pour satisfaire notre logique humaine. Mieux vaut accepter le fait, avec la force du mystère et de la sagesse de Dieu, avec la simplicité et la docilité de Marie elle-même. Pour réaliser son projet de partager notre vie et de faire de nous ses enfants, Dieu a voulu compter sur une femme, Marie. Découvrir cette présence, c’est se mettre en syntonie avec le plan de Dieu. Les traits de Marie dans le fils

Marie est sur le chemin de Jésus parce que Dieu l’a voulu. Marie a été ce qu’elle a été parce que Dieu est ce qu’il est. Et nous pouvons dire aussi que Jésus a été ce qu’il a été parce que Marie a été ce qu’elle a été. Ce n’est ni un jeu de mots ni de la poésie. Relis l’histoire et réfléchis-y bien. Marie a été réellement la mère de Jésus. Elle l’a été quand elle lui a appris des choses comme de marcher, de parler, de penser, de connaître la réalité, de porter des jugements sur les personnes et sur les événements... Que de questions et de ‘pourquoi’ de Jésus auxquels Marie a dû répondre ! Que de doutes résolus par Marie ! Elle a réalisé la grande mission d’éduquer son fils, de lui apprendre à vivre, à souffrir et à lutter. Jésus a appris de Marie ; il ressemblait à Marie. Au début, il ne s’en rendait pas compte et puis, peu à peu, il en a pris conscience

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avec admiration et fierté. En même temps, Marie a reçu et appris de Jésus. C’est ce mystère que nous voulons tant soit peu approcher dans les pages qui suivent. Mère et disciple

Marie accompagne Jésus dans sa vie et dans sa mission ; à travers les étapes de l’enfance, de l’adolescence et de la jeunesse, attentive à former ses critères, sa personnalité, ses sentiments, sa vie spirituelle ; et quand Jésus part pour annoncer la bonne nouvelle et faire advenir le Royaume, elle l’accompagne encore, gardant sa fidélité et son engagement dans le silence, la foi et la prière. L’Evangile donne peu de dates mais des dates révélatrices : Jésus a voulu associer sa mère à sa vie et à son œuvre. Marie est la mère qui accompagne Jésus et le suit en donnant sa vie. Marie est la femme nouvelle unie à l’homme nouveau. Elle devient de plus en plus clairement la figure de l’Église, de la nouvelle humanité sauvée, de l’épouse fidèle qui enfante le Christ. Marie est présente à notre vie

Marie est présente à notre vie, et de la même manière, discrète mais irremplaçable, qu’à la vie de Jésus. Parce que la vie de chaque être humain tend, selon le dessein du cœur de Dieu, à reproduire la vie et le mystère de Jésus. Découvrir la présence de Marie dans ma vie est un don et une responsabilité. Un don que je peux demander et que je dois accueillir avec gratitude. Une responsabilité que je dois développer et approfondir. Et ce jeu entre don et responsabilité, entre le gratuit et le fruit d’un travail, est le signe de ce que Marie doit être dans ma vie : une présence profonde et simple. C’est une erreur aussi regrettable de marginaliser ou d’ignorer Marie dans la vie chrétienne que de la diviniser ou de l’idolâtrer. Deux attitudes, toutefois, dont on a malheureusement des exemples tangibles dans l’histoire et la réalité de notre Église.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Comment expliquer à un groupe d’enfants du catéchisme

combien est important de considérer Jésus comme fils de Marie ? Quelles images, quels exemples employer ? Et s’il s’agissait d’ un groupe d’adultes entrant pour la première fois en contact avec la foi chrétienne, comment leur parlerais-tu ?

2. Comment en es-tu arrivé à découvrir le rôle de Marie dans la vie et la mission de Jésus? Qui t’a parlé de Marie pour la première fois ? Qu’est-ce qui t’a aidé le plus à découvrir Marie ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait découvrir Marie aujourd’hui et mettre sa présence en valeur?

3. A partir de ton expérience de vie chrétienne et de celle des communautés que tu connais bien, comment juges-tu une dévotion à Marie insuffisante ou exagérée ? Comment se manifeste-t-elle ? Que penses-tu de la dévotion populaire à la Vierge ? Que pouvons-nous faire pour améliorer notre dévotion à Marie ?

4. Essaie de penser aux choses que Jésus a apprises de Marie, et à ce que Marie a enseigné à son fils. En te référant au comportement d’une maman actuelle avec son fils, fais une liste de tes observations. Note tout, aussi bien les choses les plus importantes que les plus simples. Tu vas certainement découvrir des aspects insoupçonnés de la relation de Marie et de Jésus.

5. A partir de notre expérience de fils, nous pouvons comprendre la relation de Jésus avec Marie et aussi notre propre relation avec elle. Quels sont les souvenirs les meilleurs ou les plus importants que tu conserves de ta relation avec ta

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mère ? Comment cela t’aide-t-il à comprendre la relation de Jésus avec Marie ? Et ta propre relation avec elle ?

6. Lis et médite calmement le texte du Père Chaminade qui suit. Que te dit-il, ou que t’inspire-t-il ? Quel aspect de ta connaissance de Marie éclaire-t-il ou renforce-t-il ?

"Le Puissant a fait pour moi de grandes choses" (Lc, 1,49). Combien grande est la vocation de Marie, que Dieu a prédestinée avant tous les temps, pour donner par Elle Jésus-Christ au monde !

Dieu ne se sert pas de Marie pour ce glorieux mystère comme d’un simple canal, mais comme d’un instrument volontaire, qui contribue à ce grand ouvrage, non seulement par ses excellentes dispositions, mais encore par un mouvement de sa volonté ... c’est sa charité.

Dieu suspend l’exécution de ses décrets jusqu’à ce que Marie ait consenti. Heureux Fiat ! peut-être ne voyez-vous pas encore comment cette part que Marie a eue au mystère de l’Incarnation est le motif qui nous fait recourir sans cesse à Marie pour toutes sortes de grâces ? Marie a concouru par sa charité à donner au monde un Libérateur, c’est le principe ; en voilà la conséquence : Dieu ayant voulu une fois nous donner Jésus-Christ par la Sainte Vierge, ce décret ne se change plus, les dons de Dieu sont sans repentance (Rom, 11,29).1

1 Guillaume-Joseph Chaminade, Écrits Marials, I, 69.

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TA PLACE DANS MA VIE, MARIE

Marie, je viens te saluer et te rendre grâce.

Aujourd’hui je t’ai découverte sous un jour nouveau.

Je comprends mieux désormais ta place dans la vie de Jésus.

Je veux que tu aies également une place primordiale dans ma vie.

Je t’en prie, apprends-moi à pratiquer

ta simplicité et ta profondeur, ton ouverture à Dieu

et ton engagement envers Jésus.

Fais que, te connaissant et t’aimant chaque jour davantage,

je puisse mieux connaître et aimer Dieu et mes frères.

Amen !

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I. 3. Marie, mère de Jésus Jésus, fils de Marie

La mère de Jésus

La première date qui situe Marie dans l’histoire, la première référence qui parle explicitement d’Elle dans le Nouveau Testament, le point de départ à la fois de notre connaissance, de notre réflexion sur le mystère de Marie et de la piété mariale du peuple chrétien, nous les trouvons dans les textes suivants : Matthieu, 1,16 : "Marie, de qui Jésus, dit le Christ, fut conçu." 2 Luc, 1,31 : "Tu seras enceinte et tu accoucheras d’un fils, nommé

Jésus." 3 Marc, 1-3 : "Jésus se mit à enseigner dans la Synagogue. Beaucoup

de ceux qui l’entendaient, troublés, disaient : " D’où lui vient cette sagesse. Ce n’est pourtant que le charpentier ! le fils de Marie"..." 4

C’est une évidence : si Marie est la mère de Jésus, Jésus est le fils de Marie. Tout part de là et tout se résume en cela. Paul VI l’a synthétisé d’une manière géniale :"Mère du Christ, et pour cela mère de Dieu et mère des hommes". Cela nous paraît tellement clair, tellement évident, que nous n’y prenons plus garde et négligeons de l’approfondir.

Voici quelques suggestions très simples pour orienter notre réflexion et notre recherche, pour nourrir notre foi et nous permettre d’en vivre.

2 In Traduction Nouvelle de la Bible. 3 Idem. 4 Idem.

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Marie est la mère de Jésus

Peu de réalités dans le monde sont aussi profondes et aussi émouvantes que le mystère de la maternité ; l’amour d’une mère est un des reflets les plus lumineux de l’amour de Dieu. Cela me rappelle quelques vers du poète Martin Fierro sur les femmes ; ils m’ont fortement impressionné dès ma première lecture.

Je loue le Père Éternel non parce qu’il les a faites belles mais parce qu’à chacune d’elles Il a donné un cœur maternel.

Le souvenir de nos mères, de tant de mères qui n’ont vécu

et ne vivent que pour leurs enfants, de mères qui tous les jours font preuve d’une abnégation héroïque en se sacrifiant avec le plus total désintéressement, peut nous donner une idée de ce qu’ont dû être l’amour et le dévouement de Marie à l’égard de Jésus. Les paroles du premier commandement de la loi de Moïse ne peuvent être appliquées à aucune personne humaine de manière aussi adéquate qu’à Marie, dans son amour pour Jésus : "De tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, de toutes ses forces"... Mais, sur ce point, il me semble qu’on ne peut pas dire davantage : il faut plutôt contempler en silence, avec le regard ému et admiratif du cœur. Contempler en silence Marie, la mère de Jésus, aimant Jésus. "Un Souffle Saint viendra sur toi"

Le mystère de la maternité est vraiment merveilleux, mais la génération humaine n’est pas moins magnifique, cette union physique et spirituelle de l’homme et de la femme, qui fait que se continue la mystérieuse aventure de la vie. Marie a conscience qu’en elle les choses ne vont pas se passer ainsi : Comment cela peut-il se faire puisque je ne vis auprès

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d’aucun homme ? (Luc 1,34)5. La réponse de Dieu est à la fois déconcertante et éclairante : la génération de Jésus prend son origine dans la puissance de Dieu. Marie commence à se sentir habitée par Dieu, remplie de la force de l’Esprit ; elle sent que sa vie a été envahie par la Vie. Cette petite semence qui commence à germer dans son ventre vient d’elle et seulement d’elle, et en même temps de Dieu et seulement de Dieu. Marie se sent à la fois absolument petite et absolument indispensable dans ce mystérieux plan de Yahvé, son Dieu. Quelle n’ont pas dû être la fidélité de Marie et sa docilité au Souffle de la Vie puisque son fruit est cette personne merveilleuse dont le nom est 'Jésus' !

Mère est celle qui donne vie par amour

La maternité de Marie communique sa beauté et sa dignité à la maternité de toute femme. En effet, être mère ne se résume pas à engendrer et à mettre au monde un nouvel être humain ; la femme qui ne comprendrait et ne vivrait les choses que de la sorte serait à plaindre. Marie éclaire le sens que nous devons donner à la vie humaine, lorsque nous la contemplons comme la femme enceinte du Christ, comme la vierge qui donne le jour à Jésus, comme la mère qui soigne et éduque Jésus enfant, Jésus adolescent, Jésus jeune homme. Marie nous apprend que la vie humaine n’est pas un simple processus biologique ni le résultat d’un jeu statistique. Ni la conséquence d’un acte isolé, plus ou moins désiré, dans l’existence de quelqu’un. Il n’y a vraiment vie que lorsque quelqu’un livre sa propre vie, qu’il l’offre, avec toute les conséquences de ce don, jusqu’au sacrifice et à la mort s’il le faut. Toute vie humaine est faible, fragile et sans défense, voilà pourquoi il faut en prendre soin, il faut la nourrir,

5 Idem

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l’éduquer, la protéger, comme a fait Marie pour Jésus, comme doit faire toute mère pour chacun de ses enfants. Jésus est le fils de Marie

Que de traits de Marie se retrouvent en Jésus ! Les véritables marques que les mères impriment en leurs enfants sont bien plus profondes que les seules apparences physiques. Essayons d’imaginer les questions ingénues de l’enfant Jésus à sa mère, et les réponses qu’elle lui fait. Essayons de nous représenter les regards que Jésus jette sur Marie pour savoir comment il doit se comporter, et les attitudes de Marie pour l’éduquer. Essayons d’imaginer les conversations de Marie avec son fils adolescent et l’impression que ses paroles ont faites sur l’esprit et le cœur de Jésus. Essayons de nous représenter Marie apprenant à prier à Jésus, lui racontant l’histoire et des traditions de leur peuple Israël, lui parlant de l’Alliance de Yahvé avec son peuple et de sa fidélité à sa promesse. Essayons de nous approcher de Marie amenant son fils Jésus à goûter la sagesse des Psaumes et l’initiant, avec une dévotion profonde, aux rites domestiques, à l’importance du sabbat et à la joie du pèlerinage à Jérusalem. Marie transmet à son fils tout ce que l’Esprit a fait et fait dans sa propre vie, tout ce qu’Il lui a appris. Et peu à peu croissent en Jésus l’admiration, la fierté, le respect, bref, l’amour pour sa mère.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Dans ta communauté chrétienne ou dans ta famille il y

sûrement des mères. Demande-leur de répondre aux questions suivantes, avec sincérité, à partir de leur propre vécu : Comment est le cœur d’une mère ? Quels sont les sentiments les plus profonds d’une mère pour son enfant ?

Essaie d’appliquer les réponses au cas Marie, à sa relation affective avec Jésus.

2. Connais-tu une mère célibataire ou une mère abandonnée ? Comment en est-elle arrivée à cette situation ?

Comment Marie aura-t-elle fait si elle avait dû vivre sa maternité toute seule ?

Quand et comment Joseph a-t-il connu la vérité sur la grossesse de Marie ? Comment crois-tu que Marie a montré qu’elle était certaine que la naissance de Jésus était l’œuvre de Dieu ?

3. La maternité a entraîné un changement total dans la vie et dans les projets personnels de Marie.

As-tu vécu ou connais-tu quelque expérience semblable ? Quelle serait ta réaction si Dieu te demandait aujourd’hui un changement de cette importance dans ta vie ? Serais-tu prêt ? Dieu peut-il nous demander l’inattendu ? Que nous apprend Marie en ce domaine ?

4. Dans notre monde, beaucoup de vies sont menacées, beaucoup de vies sont agressées ou marginalisées. Quels attentats contre la vie connais-tu dans ton entourage, dans ton pays, dans le monde ? Comment cela t’affecte–t–il ? Que peut-on faire contre cela ? En quoi Marie, la mère de Jésus, la mère de la Vie, peut-elle être notre guide et nous stimuler ?

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5. Imagine-toi une journée dans la maison de Nazareth ; représente-toi la vie, le travail et les conversations entre Joseph, Marie et Jésus enfant. Que peut voir Jésus en sa mère ? Quelles attitudes t’apparaissent les plus saillantes dans la vie quotidienne de Marie ? Crois-tu réellement qu’on a raison de dire que Jésus ressemblait à Marie ? N’est ce pas un peu irrévérencieux ?

6. Le texte qui suit, d’un moine protestant de la communauté de Taizé, fait clairement ressortir l’humanité de Jésus et le réalisme de l’Incarnation. Comment cela s’exprime-t-il dans ta prière et dans ta vie ? Comment imagines-tu l’éducation que Marie a donnée à Jésus ?

" Ce caractère humain plénier de la maternité et de

l’enfance du Christ est un élément essentiel du mystère de l’Incarnation. La prise au sérieux du conditionnement humain, familial, social, religieux de la vie du Christ est nécessaire à une vraie foi dans l’Incarnation. Dieu est vraiment et totalement devenu homme […]. Appeler Marie "Mère de Dieu", c’est reconnaître que Dieu s’est incarné si totalement et réellement en notre chair qu’il a eu une véritable vie humaine, qu’il a eu une véritable mère humaine, qu’il a été un fils humain, dans une famille humaine […].On peut imaginer l’émotion et la joie de Marie dans l’éducation de ce fils divin.[…]. Tenir dans ses bras le fils de Dieu, vivre et manger avec lui, jouir de sa compagnie pendant de nombreuses années, ne pouvait que 0marquer très profondément la vie de Marie. D’autre part, si le Christ a été vraiment homme comme nous, il a été enfant et a donc dû être éduqué, élevé".6

6 Max Thurian, Marie, Mère du Seigneur, Figure de l’Église, pp. 118-120.

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ENGAGEE DANS LE PROJET DE DIEU

Marie, je te loue et je te bénis d’avoir été la mère de Jésus,

de t’être engagée sans condition dans le plan mystérieux de Dieu sur toi ; de nous avoir donné le Seigneur de la vie

par ta fidélité et ton amour…

Apprends-moi à être docile au Souffle de Dieu.

Apprends-moi à aimer Jésus comme tu l’as aimé.

Apprends-moi à donner la vie pour que d’autres aient la vie.

Apprends-moi à défendre la vie lorsqu’elle est menacée

dans nos frères marginalisés et victimes de la société.

Amen !

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I. 4. Marie disciple, à la suite de Jésus

Un nouveau titre pour Marie ?

Appeler Marie disciple, cela te surprend-il, trouves-tu cela étrange ? J’ose dire qu’en fait, c’est une des manières les plus évangéliques, les plus théologiques et les plus profondes de comprendre Marie. Marie ne se limite pas à "donner le corps" pour faciliter l’incarnation de Dieu. Elle donne le cœur, elle donne la vie. Le séisme de la Bonne Nouvelle ébranle son existence. Elle aussi doit prendre position face au Christ. Elle aussi est interpellée personnellement par les appels que lance Jésus pour qu’on le suive. Elle comprend que ce n’est qu’en se faisant disciple de Jésus, en se laissant instruire par lui, en assumant son projet de vie, qu’elle pourra demeurer servante du Seigneur, fidèle à la parole donnée. Et Marie écoute et apprend ; elle se met en route et suit les pas de Jésus ; elle vit chaque fois plus profondément le renoncement à soi-même, elle prend sa croix et suit Jésus. Essayons de comprendre comment Marie vit cette expérience de disciple, pour pouvoir ensuite l’imiter dans la même démarche.

Marie est le "petit reste d’Israël"

Dans leurs annonces messianiques, les prophètes ont parlé à plusieurs reprises d’une portion du peuple d’Israël qui resterait fidèle à Yahvé. Un reste simple et pauvre, au cœur humble, faisant partie du bas peuple et non des dirigeants, politiques ou religieux. Une poignée de personnes vraiment religieuses, qui ont entendu l’appel de Yahvé à son peuple lui demandant de pratiquer la sincérité et la justice, et qui tiennent compte de ses reproches pour leur infidélité, leur hypocrisie et leur conduite oppressive.

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De ce "reste" naîtra le Messie, le Serviteur de Yahvé, et eux le serviront. Marie appartient à ce "reste fidèle" d’où germera le Sauveur. Dès son enfance, elle a entendu dire que suivre le Seigneur ne passe pas par les rites extérieurs et par l’accomplissement minutieux des lois établies, mais plutôt par l’adhésion du cœur et par la fidélité de la vie. Sans le savoir, elle a déjà commencé à suivre Jésus.

"Je suis la servante du Seigneur"

Soudain, de manière inattendue, Marie se sent envahie par Dieu. En un instant, tous ses désirs et ses plans changent. Elle ne comprend pas très bien ce qui lui est demandé et ce que cela représente concrètement pour l’avenir. Elle sent seulement que Dieu l’appelle et qu’elle va être la mère de quelqu’un qui sera appelé "fils du Très Haut", et que Dieu compte sur elle et lui demande foi, abandon et générosité. Et elle accepte. Et elle le fait avec des paroles qui reflètent ce qui vivait déjà dans son cœur, qui traduisent la conscience qu’elle avait d’elle-même face à son Dieu. "Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’arrive selon ce que tu dis"7. Ces paroles nous révèlent quelque chose de la spiritualité de Marie : elles reflètent l’attitude dictée par la reconnaissance que Dieu est toujours plus grand que tout, et que nous sommes toujours très petits. Elles sont la négation de l’orgueil et de la suffisance, et l’affirmation de l’humilité et de la foi dépendante. Elles disent l’engagement à servir et à suivre quelqu’un que l’on reconnaît comme seigneur et maître de la vie. Elles livrent la vie tout entière, sans recoins interdits ni parcelles réservées, comme une vie toute reçue de Dieu et toute pour Dieu.

7 Idem.

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Marie est ainsi : sa vie sera de suivre son Seigneur en tout et toujours, ce Seigneur qui va se faire son propre fils.

Imiter ou suivre ?

Jusque ici nous avons parlé de notre proximité de Jésus, qui est notre objectif, en employant le verbe "imiter" mais désormais nous dirons "suivre". Pourquoi remplacer un verbe par son synonyme ? Pour suivre une mode théologique ? En réalité, il s’agit de quelque chose de plus profond : premièrement, il est question dans l’Évangile de "suivre" et non "d’imiter" : Jésus appelle à le suivre et non à l’imiter. D’autre part, on imite un modèle statique, tandis que "suivre" suppose qu’on s’engage, qu’on avance, et ce verbe implique une idée d’action, d’activité, de tâche à réaliser. Enfin, l’imitation est une activité qui vise le sujet qui imite, tandis que suivre renvoie à la personne que l’on suit. Suivre, c’est assumer sa vie et son projet, alors que imiter, c’est copier un modèle8.A travers le changement du vocabulaire, c’est donc tout un changement qui nous est proposé dans la manière de nous situer, de comprendre et d’orienter notre spiritualité concrète, celle des laïcs aussi bien que celle des religieux. La suite de Jésus nous concerne et nous interpelle tous. 8 "La conclusion qui se dégage d’une étude méthodique des faits est claire : la relation fondamentale du croyant avec Jésus, se situe dans les évangiles à partir de l’idée de le suivre, alors que toute idée de l’imiter en est absente[…]. Dans l’imitation, le centre d’intérêt est dans le sujet lui-même, tandis que, dans la ‘suite’, ce centre est situé dans ce que l’on poursuit. L’image exacte de l’imitation est le miroir, l’image exemplaire de la ‘suite’ est le chemin. Et nous savons bien que, tandis que le miroir est l’exposé de la vanité, le chemin est le symbole de la tâche, de la mission, de l’objectif à réaliser" (J.M. Castillo, La suite de Jésus, Salamanca, 1987, 50-51).

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Suivre Jésus

L’appel à suivre Jésus est un des aspects les plus originaux de l’Évangile, qui va le plus nous embraser. Jésus appelle à le suivre avec autorité, sans donner de motifs ni proposer de programme : il est, lui, le motif et le programme. Sa personne justifie que l’on abandonne tout pour le suivre, pour être avec lui (Mc 3,13-14). Il s’agit de vivre une relation personnelle et d’entrer dans une intimité, ce qui est déjà beaucoup. Mais il y a plus : en suivant Jésus, on découvre que son projet est de rendre le Royaume présent, ce qui veut dire, travailler au bien de l’homme tout entier, de chaque homme et de tous les hommes. Cela suppose, concrètement, qu’on change la situation de péché qui, dans le cœur de l’homme et dans les structures sociales, s’oppose au plan du Père. C’est aussi lutter contre l’injustice et l’hypocrisie institutionnalisées, affranchir des esclavages, donner la dignité aux marginalisés, prendre le parti des exclus. C’est quelque chose de sérieux, qui entraîne des conséquences très claires et concrètes. C’est pourquoi Jésus pose des conditions : "Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se nie lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive". Liberté intérieure, dépassement des obstacles, disponibilité absolue, acceptation du risque, amour sans limites …, voilà quelles devraient être, en tous les cas, les caractéristiques du chrétien, de tout chrétien. Face à cela, je te pose la question : quel est ton sentiment ? N’en sommes-nous pas très loin ?

Marie suit Jésus

La compréhension de la vie et de l’expérience de Marie s’éclaire et s’approfondit à la lumière du verbe ″ suivre ″. Marie a compris et accueilli la proposition de Jésus de partager son projet.

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- Marie suit Jésus quand elle renonce à ses plans personnels, et lui ouvre son cœur et sa vie (Lc 1, 29. 38).

- Marie suit Jésus quand elle écoute, interprète et discerne la volonté de Dieu sur elle (Lc 1, 34).

- Marie suit Jésus quand elle garde et médite en son cœur le mystère de son fils (Lc 2, 19.51).

- Marie suit Jésus quand elle offre à Élisabeth sa présence, sa joie et son service (Lc 1, 39-45.56).

- Marie suit Jésus quand elle loue Dieu, qui comble les humbles et les pauvres (Lc 1, 46-55).

- Marie suit Jésus quand elle accepte la liberté et l’indépendance croissante de son fils (Lc 2,48-50).

- Marie suit Jésus quand elle l’accompagne dans ses pérégrinations de prédicateur et dans sa mission (Lc 8, 19-21).

- Marie suit Jésus quand, forte dans la foi, elle se tient au pied de la croix (Jn 19, 25-27).

- Marie suit Jésus quand elle soutient l’espérance des apôtres en l’Esprit Saint (Ac 1, 12-14) …

Les papes Paul VI et Jean Paul II ont souligné cette dimension du mystère de Marie que nous méditons, de Marie comme disciple du Seigneur, comme première à suivre Jésus :

"La figure de la Vierge ne déçoit aucune des attentes profondes des hommes de notre temps, et leur offre un modèle achevé des disciples du Seigneur : artisan de la cité terrestre et temporelle mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours aux nécessiteux,

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mais par dessus tout, témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les cœurs."9

"À mesure que se clarifiait à ses yeux et en son esprit la mission de son fils, elle même, comme mère, s’ouvrait toujours plus à cette "nouveauté" de la maternité qui constituait essentiellement son "rôle" aux côtés de son fils. N’avait-elle pas dit, dès le commencement :"Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole" (Lc 1,38) ? Dans la foi, Marie continuait à entendre et à méditer cette parole, qui rendait toujours plus transparente, d’une manière "qui surpasse toute connaissance", l’auto-révélation du Dieu vivant (Ep 3,19). Mère, Marie devenait ainsi, en un sens, le premier "disciple" de son Fils, la première à qui il semblait dire :"Suis-moi!" avant même d’adresser cet appel aux Apôtres et à quiconque (cf. Jn 1,43).10

"La forme la plus radicale d’atteindre concrètement Jésus et de faire de lui l’origine et le fondement de toute vie chrétienne apparaît dans l’Évangile quand Jésus invite et exige de se mettre à sa suite . Suivre Jésus devient alors le résumé de la vie chrétienne parce que, de cette façon, on trouve Jésus et on sait comment le trouver. Suivre Jésus est une expérience concrète. C’est un programme qui guide et donne le courage de le réaliser, il annonce les exigences dans les difficultés et la joie d’avoir trouvé la perle précieuse". (J.Sobrio, Seguimiento ) Tamayo, Conceptos fundamentales de pastoral, Madrid, 1983, 937. 9 Paul VI, Exhortation apostolique Marialis Cultus, § 37. 10 Jean Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, § 20.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Jusqu’à présent, tu as peut-être été plus souvent invité,

comme chrétien, à "imiter" Jésus qu’à le "suivre". Je te propose un changement d’accent : as-tu bien compris de quoi il s’agit ? Sens-tu à quoi cela t’entraîne ?

En quoi cela peut-il changer ta vie chrétienne d’accepter de ‘suivre’ Jésus ?

Que devras-tu laisser tomber et que devras-tu assumer, en revanche ?

2. Nous avons parlé de spiritualité de Marie. Seul ou avec d’autres, en groupe, fais une liste de toutes les attitudes fondamentales de Marie qui te viennent spontanément à l’esprit. Puis essaie de les réduire à cinq, en justifiant ton choix.

3. Le Seigneur a appelé Marie à se consacrer à son plan et à suivre Jésus. Ce fut sa vocation. Dieu, Jésus, t’appellent, toi aussi. Quelle est ta vocation ? Quand et comment en as-tu pris conscience pour la première fois et comment s’est elle développée ensuite ? Comment le fait de te sentir appelé par Jésus à le suivre t’aide-t-il aujourd’hui ?

4. Suivre Jésus, c’est la base de la vie spirituelle de tout chrétien. Comment un laïc peut-il la vivre concrètement aujourd’hui ? Comment suivre Jésus dans une vie de couple, de famille, dans le travail et la vie professionnelle, dans l’ambiance sociale et politique de notre monde ? Quelles difficultés y rencontres-tu, personnellement, et comment essaies-tu de les résoudre ?

5. Tu connais aussi et tu essaies de suivre la voie marianiste de la vie chrétienne. Note les traits caractéristiques de cette spiritualité. Note aussi les relations que tu vois entre la spiritualité marianiste et la suite de Jésus. Penses-tu que le

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chemin marianiste est une bonne manière de suivre Jésus ? En quoi ?

6. Tout en renvoyant aussi à l’imitation, le texte qui suit est centré sur le thème de la suite du Christ. Que te suggère-t-il ? Reconnais-tu dans ta propre vie les deux caractéristiques de la vocation marianiste à laquelle l’auteur fait ici allusion ? D’après ta propre expérience, comment peut-on au mieux former et développer ces caractéristiques ?

"Un authentique appel de Dieu à suivre Jésus selon la

spiritualité marianiste a toujours deux caractéristiques. En premier lieu, nous expérimentons le désir de nous former aux vertus de Jésus et de les vivre au quotidien. Nous voulons, malgré les résistances de notre égoïsme, nous identifier à Jésus en vivant les mêmes attitudes et les mêmes dispositions. Nous entendons cet appel dans la conviction que nous devons changer notre personnalité, pour être formés à l’image de Jésus. Quand nos sentiments sont prêts pour ce changement, nous le croyons aussi avec notre cœur. La seconde caractéristique de notre vocation spirituelle marianiste est le sens de la mission. En imitant les vertus de Jésus, nous nous sentons appelés à travailler à l’avènement du Royaume de Dieu, à porter à notre monde la Parole du Christ. Alors nous comprenons l’urgence qui brûlait au cœur de Jésus : Je suis venu verser le feu sur la terre. Je voudrais tant l’avoir trouvé allumé ! (Lc 12,49)".11

11 Quentin Hakenewerth, Manuel de spiritualité marianiste.

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JESUS, RANIME EN MOI TON APPEL

Seigneur Jésus, Ranime en moi aujourd’hui ton appel à te suivre.

Je crois que, par ma vocation chrétienne et marianiste,

tu m’appelles à être avec toi et à travailler

à l’avènement du Règne de Dieu.

Mais il m’en coûte de renoncer à moi-même, de prendre la croix et de te suivre.

Fais-moi entendre ta voix comme si c’était la première fois.

Renouvelle en moi l’enthousiasme pour toi et pour ton Royaume.

Marie, Reine des disciples, Partage-moi ta liberté et à ta disponibilité

pour suivre Jésus ; partage-moi ta force et ton espérance

pour en assumer le risque.

Que, suivant tes pas, je suive toujours Jésus ;

que je me batte pour le bien de tous mes frères et participe à la construction

du monde de paix que veut le Père.

Amen !

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I. 5. Marie mère du peuple de Dieu

Dieu a voulu nous donner une mère

Marie, mère de tous les hommes. Marie, mère de l’Église. Marie, notre mère. Marie, ma mère. Ces expressions reviennent sans cesse et spontanément quand le peuple chrétien recourt à Marie. Parmi les battements du cœur de chaque humain, en effet, monte toujours le soupir de la fragilité, de la dépendance, de la confiance et du besoin de tendresse de l’enfant. Ces besoins humains demeurent présents dans la vie chrétienne. Ici comme là, nous avons besoin d’une mère. Or Dieu a voulu nous donner cette mère. Il l’a choisie parmi les femmes de la terre et lui-même a voulu, le premier, vivre l’expérience d’être fils. Dans la maternité spirituelle de Marie se prolonge pour nous cette expérience. Dieu a voulu que notre nouvelle vie d’enfants de Dieu nous vienne de l’Esprit Saint et de Marie, comme était née la vie de Jésus. Essayons de passer en revue, succinctement, un certain nombre d’aspects de cette réalité centrale de notre foi et de notre spiritualité.

Le projet du Père : la famille de Dieu

Le cœur de la Bonne Nouvelle de Jésus peut se formuler comme suit : "Réjouissez-vous, le Père a voulu que vous soyez ses enfants et que vous soyez tous frères ! Vive Dieu !" Une des expressions qui serre de plus près le contenu du Royaume est celle-ci : faire de l’humanité la famille de Dieu. Un Dieu et père de tous, un Fils premier-né en qui nous sommes tous frères et fils de Dieu, un Esprit d’amour et d’unité qui s’est répandu dans notre cœur et qui tire de nous le cri de :"Père!", une mère commune qui nous rassemble, nous guide et prend soin de nous.

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Voilà d’où vient toute communauté, humaine et chrétienne, voilà la source cachée d’où émane le sens familial et la solidarité qu’on trouve en tout être humain. Car, au fond, le grand projet d’un Dieu qui est communauté d’amour et essentiellement famille est d’étendre cet amour et cette communauté et de nous y inclure. Dieu est amour, Dieu est famille, Dieu est communauté. Marie est signe de cette volonté d’amour du Père, elle qui, la première, a fait l’expérience de se sentir fille aimée, choisie, et bénie de Dieu ; elle qui a vécu, comme personne d’autre, l’expérience de la fraternité, élargissant son cœur sans limite pour se sentir sœur de tous les êtres humains ; elle qui s’est sentie, à un degré unique, épouse de Dieu, fécondée par la puissance de l’Esprit. Marie est choisie pour être la mère de cette famille de Dieu, la mère du nouveau peuple de Dieu.

Mère des fils dans le Fils

Le Père Chaminade a très bien exprimé le lien profond entre la maternité spirituelle de Marie et sa maternité à l’égard de Jésus. Il vaut la peine de lui donner la parole et réfléchir à ce qu’il dit.

"Marie est réellement la mère des chrétiens, la mère des prédestinés, la mère des disciples de Jésus-Christ. Comme Jésus-Christ a été conçu dans le sein virginal de Marie, selon la nature, par l’opération de l’Esprit Saint, de même tous les élus sont conçus selon l’Esprit, par la foi et le baptême, dans les entrailles de la tendresse de Marie. Tout ce que porte Marie en son sein ne peut être que Jésus-Christ même, ou ne peut vivre que de la vie de Jésus-Christ. Les chrétiens sont les membres du corps mystique de Jésus-Christ, ils ne font qu’un seul Jésus-Christ, et l’on peut dire de chaque chrétien : "né de la Vierge Marie". Or, quel puissant moyen de parvenir à

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la ressemblance de Jésus-Christ, d’avoir pour mère la mère même de Jésus-Christ !" 12

"Jésus-Christ, dans le sein de Marie, la disposait, par une profusion de grâce, à être la mère de son corps mystique, comme elle était la mère de son corps naturel, car il voulait que nous recevions par elle la vie de l’esprit, comme il avait reçu par elle la vie du corps ; et que nous dépendions d’elle, pour l’entretien et l’accroissement de notre vie spirituelle, comme il en dépendait pour l’entretien et l’accroissement de sa vie corporelle. Heureuse dépendance !" 13

La réalité de la maternité spirituelle de Marie est, pour les chrétiens, plus qu’un point de vue, un titre ou une tradition pieuse. Elle plonge ses racines dans le mystère de l’union de Jésus avec ses frères, les hommes et les femmes sauvés. Saint Paul est le premier à parler du corps total du Christ : de la tête qui est le Seigneur et des membres que nous sommes, tous ensemble. Et il le fait en de multiples occasions de manière riche et profonde (Rm 12, 4-5 ; I Co 12, 12-13.27 ; Eph 1, 9-10 ;15-16…). Jésus, né de Marie, est l’homme nouveau, il est la tête de l’Église, il est le premier-né d’une multitude de frères, qui forment la nouvelle humanité. Dans sa vie et dans son mystère, dans son amour et dans le don de lui-même, dans sa mort et dans sa résurrection, nous sommes tous présents. Et Marie collabore dans cette création nouvelle de l’humanité. Elle n’est pas un instrument passif. Elle donne toute sa vie, toute sa foi, tout son amour. C’est pourquoi, elle est notre mère dans l’ordre de la grâce.

12 Écrits de Direction, II,317. 13 Écrits Marials, I,88.

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Marie, mère de la Vie, mère de l’Église

Marie continue de donner le Christ au monde, elle continue de faire don de la vie nouvelle de foi et d’amour, elle continue d’inviter et de rassembler ses enfants comme au jour de la première Pentecôte. Le Document de Puebla le dit avec profondeur et beauté :

"Le processus d’évangélisation, qui consiste à transformer de l’intérieur, à renouveler l’humanité même, est vraiment une nouvelle naissance. Dans cet enfantement sans cesse réitéré, Marie est notre mère. Son grand souci est que les chrétiens aient la vie en abondance et qu’ils soient comblés de la plénitude du Christ "(DP 288).

"Pendant que nous cheminons sur cette terre, Marie sera la mère qui éduque la foi. Elle veille à ce que l’Évangile nous imprègne, que notre vie au quotidien lui soit conforme et porte des fruits de sainteté "(DP 290).

"Marie est véritablement mère de l’Église, signe du peuple de Dieu. Il s’agit de cette présence féminine qui engendre le climat familial, la volonté d’accueil, l’amour et le respect de la vie. Elle est présence sacramentelle des aspects maternels de Dieu. C’est une réalité si fondamentalement humaine et sainte qu’elle suscite chez les croyants les prières de la tendresse, de la douleur et de l’espérance."(DP 291).

Mère du Peuple de Dieu en marche

Parler de Marie comme mère, c’est penser à tous ses enfants. C’est percevoir la réalité d’un peuple qui lutte, souffre et espère, tandis qu’il est en chemin vers la Patrie. C’est penser à tant de fils fatigués, abattus, en proie au découragement. Et se réjouir pour tant d’autres qui vivent et grandissent, qui travaillent et aiment. C’est se rappeler les cris de douleur et l’espérance qui transparaît souvent sur le visage des frères qui prient au pied de la Vierge. C’est faire

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mémoire des familles qui ont perdu le travail ou l’union, et aux mères qui ont perdu leurs enfants, victimes de la violence ou de la drogue. C’est évoquer la simplicité de la fête du pain, de l’amour et de la vie, qui se célèbre en beaucoup d’endroits. C’est penser aux mères célibataires, et aux mères battues, aux émigrants marginalisés et aux personnes âgées abandonnées. Tous sont des enfants de Marie. Je ne peux pas vraiment invoquer Marie comme mère si je ne suis pas disposé à grandir en fraternité avec tous mes frères. Je ne puis me dire fils de Dieu et fils de Marie si je ne participe pas au combat pour la dignité de tous mes frères, pour cette dignité que le Père et Marie veulent pour tous et dont, trop souvent, la société et nous-mêmes les aliénons.

Nous laisser former par Marie

La spiritualité marianiste présente Marie comme éducatrice de la foi, comme maîtresse de vie chrétienne, comme modèle de la suite de Jésus, comme inspiratrice du discernement bien fondé. Sa fonction maternelle consistant à continuer à former Jésus dans le cœur de ses fils, de les accompagner dans leur marche à la suite de Jésus, il est logique et sensé de "se laisser former par elle". Comment pouvons-nous vivre cela ? Comment se laisser former par Marie pour suivre Jésus ? Les pistes suivantes répondent à cette question :

En étant dociles à l’action de l’Esprit Saint

L’Incarnation a eu lieu parce que Marie a dit Oui à Dieu, parce qu’elle s’est livrée pleinement à l’action de l’Esprit, parce qu’elle s’est faite pure capacité de Dieu. L’Esprit continue à agir dans l’Église et en chacun de ses membres. C’est l’Esprit de vérité et de vie, l’Esprit d’unité et d’amour, l’Esprit d’intériorité et de liberté. C’est l’Esprit qui continue à nous faire cadeau de ses dons et charismes pour

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que nous croissions "jusqu’à la maturité qui correspond à la plénitude du Christ" (Ep 4,13) ; l’Esprit qui nous fortifie pour "que grandisse en nous l’homme intérieur, que le Christ soit l’hôte de nos cœurs par la foi, que nous soyons enracinés et fondés dans l’amour"(Ep 3,16-17). Marie nous enseigne à être dociles à l’Esprit comme elle le fut. En vivant les attitudes de Marie

Marie étant la première disciple, la première à suivre Jésus à la perfection, si nous adoptons ses attitudes, nous sommes surs de ne pas nous tromper de chemin et d’y avancer avec fidélité. Marie nous enseigne l’humilité et la simplicité, la rumination de la Parole et l’esprit d’oraison, la joie et la force, le service et la louange, le travail responsable et le témoignage courageux, l’amour dans les petites choses et le sens de la famille et de la communauté. Vivons ces attitudes de Marie pour que Jésus croisse en nous ! En faisant place à Marie dans notre prière et dans notre recherche de Dieu

Si Marie est maîtresse de vie chrétienne, elle enseigne ; si Marie est mère, elle veille sur ses enfants et les corrige ; si Marie est notre compagne de route, elle nous montre les bons chemins. Marie doit être présente à notre prière et à notre recherche de Dieu. Marie doit être notre interlocutrice quand nous parlons de foi et de vie, quand nous nous interrogeons sur le sens de la souffrance et sur ce qui nous paraît obscur et confus. Peu à peu, nous percevrons que sa présence remplit la vie de sérénité et de paix, de profondeur et de liberté, de joie et d’espérance.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Dans la piété simple de notre enfance, il y avait de la

douceur. Il est bon de ne pas l’oublier. Dans ta prière d’enfant ou d’adolescent, t’adressais-tu à Marie comme à une maman ? Comment cela se passait ? Que lui demandais-tu ? Te rappelles-tu l’une ou l’autre prière particulière à Marie que tu aimais beaucoup ?

2. Dieu veut faire de l’humanité une grande famille : quelles sont nos "petites familles" ? Quelles sont les valeurs et aussi les défauts qu’on trouve généralement dans nos familles aujourd’hui, considérées à la lumière du projet de Dieu ?

Et si tu regardes ta propre famille, que constates-tu ? Que faudrait-il améliorer ? Essaie d’en parler avec tes parents.

3. Certains chrétiens - et certains marianistes – voient surtout en Marie une mère ; d’autres préfèrent voir en elle un modèle ou une compagne de route. On peut choisir l’une ou l’autre approche. Crois-tu que ce sont des attitudes incompatibles, dans la pratique ? S’agit-il de les intégrer ? Et comment ? Cela dépend-il de l’âge ou de quelque autre circonstance ?

4. Dans quels moments de la vie de Marie, son rôle de mère des chrétiens t’apparaît-il le plus clairement ? Explique ta position. Crois-tu que Marie a eu une conscience claire de son rôle maternel ? Quels textes et quels exemples choisirais-tu pour expliquer à un groupe d’adolescents sans beaucoup de formation religieuse que Marie est notre mère ?

5. Quel rôle Marie a-t-elle joué dans ta propre croissance dans la vie chrétienne ? T’es-tu "laissé former par elle" ?

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Dans quels moments as-tu perçu que Marie était présente à ton vécu religieux ?

Avec le groupe de vie chrétienne auquel tu appartiens, analyse la liste ci-dessus des moyens proposés pour "nous laisser former" par Marie. Lesquels te paraissent plus importants et plus susceptibles d’être mis en pratique ?

6. Lis et approfondis calmement le texte qui suit. Avec l’autorité et la force du Concile Vatican II, il nous présente la maternité de Marie. Il nous donne des éléments très riches pour réfléchir, pour prier, pour partager avec ton groupe de vie chrétienne, pour essayer de les concrétiser dans ta vie.

"Le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes ne fait pas ombre ni ne diminue en rien l’unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire l’efficacité. Car toute influence salvifique de la bienheureuse Vierge sur les hommes dérive d’une disposition purement gratuite de Dieu : elle ne naît pas d’une nécessité inéluctable, mais du bon plaisir de Dieu, et découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout, et d’où elle tire toute son pouvoir.. L’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve nullement empêchée, mais au contraire, elle la favorise […]

Marie, en concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant dans le Temple à son Père, en souffrant avec son fils qui mourait sur la croix, apporta à l’œuvre du Sauveur une collaboration toute spéciale par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, afin de rendre la vie surnaturelle aux âmes. C’est pourquoi elle est notre mère dans l’ordre de la grâce […]

Cette maternité de Marie dans l’ordre de la grâce se continue sans interruption depuis le consentement qu’elle apporta dans sa foi au jour de l’Annonciation, qu’elle

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maintint dans sa fermeté au pied de la croix, jusqu’à la consommation définitive de tous les élus. Elevée au ciel, elle n’a pas abandonné sa mission salvatrice. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils, dont le pèlerinage se poursuit sur la terre et qui se débattent dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse […]

Marie a engendré un fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (Rm 8, 29), c’est à dire parmi les croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle coopère avec son amour maternel".14

14 Vatican II, Constitution Dogmatique sur l’Eglise, 60, 63.

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MARIE, FORME JESUS EN MOI !

Marie, mère de Jésus et notre mère,

ma prière aujourd’hui se fait action de grâce, et supplication, dans un abandon confiant.

Je te rends grâce pour ta tendresse maternelle, toujours présente à notre vie ;

elle fortifie notre foi et nous incite à l’amour.

Je veux me tenir dans ta main avec joie et avec une confiance immense,

parce que je me sens petit et faible mais toi, tu es présente et tu veilles sur moi.

Enseigne-moi ta docilité à l’Esprit et ton humilité,

pour que je te laisse continuer à former Jésus en moi.

Fais que je le découvre, que je le connaisse

et que je l’aime toujours plus, pour que je puisse le suivre

dans la fidélité et l’annoncer avec enthousiasme.

Fais-nous le don d’un cœur de fils et de frères,

pour que nous formions dans notre monde la famille du Père.

Amen !

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I. 6. Marie, missionnaire La mission de Marie dans l’histoire du salut

La maternité de Marie n’est pas un titre mais une mission. La libération réalisée dans le Christ, une fois pour toutes, et acquise pour toute l’humanité, reste ouverte et doit se compléter en chacun de nous. Et l’objectif de Marie est bien là : faire en sorte que chaque homme et chaque femme, de toutes les époques, découvrent le Christ, s’unissent à lui, le suivent. Que chaque homme et chaque femme rompent avec le péché personnel et collectif et s’ouvrent à la nouvelle vie de fils et de fille de Dieu, de frères et de sœurs entre eux. Qu’ils découvrent la Bonne Nouvelle de la miséricorde et de l’amour du Père et renaissent à une vie nouvelle, avec le dynamisme de l’Evangile et de l’Esprit. C’est en cela que consiste la mission de Marie dans l’histoire du salut. Cette mission se prolongera jusqu’à ce que le "Christ rende le Règne à Dieu, le Père" (1 Cor 15,24). Cette mission, nous la faisons nôtre.

Ce fut cet aspect du mystère de Marie qui, plus qu’aucun autre, enthousiasma le Père Guillaume-Joseph Chaminade et inspira sa vie et son œuvre : "Par la grande miséricorde de Dieu, depuis longtemps je ne vis et ne respire que pour propager le culte de l’auguste Vierge, et ainsi, obtenir, chaque jour, que croisse et se multiplie sa famille".15 Essayons de mieux comprendre quelque chose de la mission de Marie. Une scène de l’Evangile : Marie à la Visitation

La tradition marianiste se reporte à divers lieux bibliques pour expliquer la mission de Marie, et particulièrement à l’Annonciation et à l’heure de la Croix. Nous nous

15 Ecrits Marials, II,19.

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opposons au mal et nous le combattons en privilégiant le dogme de l’Immaculée Conception, dont nous voyons une image dans la victoire de la Femme de l’Apocalypse. Aujourd’hui je t’invite à considérer la scène de la Visitation de Marie à Elisabeth. Elle me paraît singulièrement riche et suggestive pour expliquer comment Marie est missionnaire et pour éclairer notre propre mission. Elle ouvre de nouveaux horizons à notre réflexion.

A la Visitation, Marie se montre attentive au réel, sensible et solidaire. Elle comprend le problème d’Elisabeth et se sent poussée à lui venir en aide. Marie, mère et missionnaire, nous révèle que la mission chrétienne consiste à se sentir et à se faire solidaire des hommes dans le besoin.

A la Visitation, Marie abandonne sa maison et son rythme de vie, se met en route pour offrir présence, soins et protection à sa cousine. Marie, mère et missionnaire, nous apprend à sortir de nous-mêmes, à rejoindre ceux qui vivent des moments de souffrance ou de crise, à leur offrir sérénité, consolation et paix.

A la Visitation, Marie porte à Elisabeth Jésus, présent et palpitant en elle, l’enfant qui a transformé sa vie. Marie, mère et missionnaire, nous apprend à offrir la vie et la nouveauté de Jésus qui transforme notre propre vie et aussi l’histoire du monde.

A la Visitation, Marie dans la joie et en toute liberté, annonce un Dieu puissant et sauveur qui se fait source de joie et de bonheur pour les humbles. Mère et missionnaire, elle nous apprend à montrer le vrai visage de Dieu et à inciter les hommes à vivre avec simplicité et confiance devant lui.

A la Visitation, Marie loue Dieu pour sa miséricorde et témoigne qu’Il est fidèle à sa promesse, qu’il réprime les orgueilleux et rend la dignité aux humbles. Marie, mère et missionnaire, suscite dans le cœur de ses enfants la louange

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et la confiance, le sens de la justice et du combat pour le Royaume. Marie, Femme promise

Le fondement le plus important de la mission de Marie, c’est son union profonde à la vie, aux mystères et à l’œuvre rédemptrice de Jésus. Parce qu’elle collabore en tout avec son fils, Marie coopère au salut des hommes par sa foi, son obéissance et son immense amour.

"Marie, fille d’Adam, donnant à la parole de Dieu son consentement, devint mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la Rédemption. Les saints Pères considèrent Marie comme apportant au salut des hommes non seulement la coopération d’un instrument passif aux mains de Dieu, mais la liberté de sa foi et de son obéissance. Parce que, comme le dit Saint Irénée, ‘par son obéissance, elle est devenue pour elle-même et pour le genre humain, cause de salut […]’.

La comparant à Eve, ils appellent Marie ‘la Mère des vivants’ et déclarent souvent : ‘par Eve la mort, par Marie la vie’".16

Dans la tradition de l’Eglise, on nomme couramment Marie Nouvelle Eve, opposant l’obéissance et la foi de Marie à la désobéissance et à l’incrédulité d’Eve. On voit de même la place de Marie dans l’histoire du salut comme celle de la femme promise décrite dans la Genèse, en vue de la 16 Concile Vatican II, Constitution Lumen Gentium, sur l’Eglise, 56. Les citations sont de saint Jérôme, saint Augustin, saint Jean Chrysostome, Saint Jean Damascène…

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réhabilitation du genre humain. Le Père Chaminade était particulièrement sensible à ces titres et en parlait avec enthousiasme.

"Le pouvoir de Marie n’est pas diminué. Elle est,

aujourd’hui comme toujours, la femme par excellence, la femme promise pour écraser la tête du serpent. Jésus-Christ, l’appelle toujours de ce grand nom de femme et ainsi il nous fait comprendre qu’elle est l’espérance, la joie, la vie de l’Eglise et la terreur de l’enfer. À elle est réservée de nos jours une grande victoire".17

"Marie en sa qualité de nouvelle Eve est indispensable à ses enfants […]. Elle doit prévenir de son attention maternelle l’Eglise naissante, elle doit l’édifier et la construire, elle doit la guider sur les chemins ardus de la vie […]. Dans le Ciel, Marie continue à coopérer à la grande œuvre de la régénération. Tout se fait par elle, tout nous vient d’elle. De cette façon, le Sauveur nous montre que sa mère est la Nouvelle Eve, comme il est, lui, le Nouvel Adam".18

Marie Immaculée et la lutte contre le mal

Tout effort pour croître dans la foi et dans l’amour comporte inévitablement la lutte contre le mal et le péché. Nous ne pouvons perdre de vue cette dimension de combat et d’ascèse dans notre vie et dans notre mission si nous ne voulons pas tomber dans des explications simplistes et peu réalistes. Le mal, la violence, mille formes d’agression contre la vie, la guerre et l’avortement, la drogue et les attentats

17L’Esprit qui nous a donné d’être, Lettre aux prédicateurs de retraites, 24 août 1839, document 7, p 64, Publications Marianistes, Madrid, 1992. 18 Ecrits marials, II, 475-476.

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visant des personnes, des groupes, des races, des peuples … n’ont pas leur origine dans l’économique, le politique, le culturel, le biologique. C’est dans l’intérieur des personnes que s’origine la cause du mal, que nous appelons le péché. Le péché est là, dans notre cœur et dans le monde. Le péché est là, dans nombre de structures sociales, juridiques et politiques qui ignorent ou négligent de pratiquer la justice pour tous et le bien commun. Le péché est là, dans les systèmes économiques qui élargissent l’abîme entre groupes et pays riches et groupes et pays pauvres. Plus ou moins grave, plus ou moins enraciné, plus ou moins conscient, plus ou moins reconnu, plus ou moins habituel, ce qui nous sépare de Dieu et des frères, de la joie et de la plénitude dans notre vie, s’appelle toujours le péché.

La lutte contre le péché, c’est le combat pour la vie et pour le Royaume. Et le mystère de l’Immaculée, la femme sans péché, est le mystère de la victoire anticipée du Christ sur le péché du monde. Marie Immaculée est un signe d’espérance, le signe du triomphe sur le mal et le péché. Toute forme de caducité, de désagrégation et de rupture est résolue dans la sérénité transparente de Marie Immaculée. En elle s’ouvre un passage, celui de la vie et de l’amour de Dieu dans leur toute puissance.

Le Père Guillaume-Joseph Chaminade parlait de Marie Immaculée avec passion, alors qu’à son époque l’Immaculée Conception n’avait pas encore été définie comme dogme de foi. Dans ses premiers travaux de pastorale et dans toute la formation des Congréganistes missionnaires, il insistait beaucoup sur cette mystique. C’est à nous de l’approfondir et de la vivre aujourd’hui.

Le style missionnaire de Marie

Marie a une manière personnelle de s’unir au Christ et de se consacrer à sa mission. Aujourd’hui, Marie imprime à la tâche

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missionnaire du chrétien un sceau particulier. Il est important de l’élucider pour pouvoir agir comme elle et avec elle. Approfondissons quelques traits caractéristiques de la "mission" de Marie tels qu’ils apparaissent dans la scène de la Visitation.

Simplicité et naturel

Dans la vie de Marie, dans sa manière d’offrir la vie et l’amour de Dieu à ses frères, tout n’est que simplicité et naturel. Point d’affectation, point de gestes étudiés, rien de scénique ni de démagogique. Elle tient à ce que Dieu ait toute la place. Dans notre mission, aujourd’hui, nous devons être simples comme Marie. Eviter, comme elle, de nous présenter comme des acteurs et de faire du spectaculaire. Être le pont que les hommes traversent pour rencontrer Jésus. Le pont que l’on oublie parce que l’important est ce qui se trouve sur l’autre rive..

Attention et réalisme

À la Visitation et à Cana on voit très bien l’attention de Marie aux personnes qui sont dans le besoin et sa volonté de leur rendre service. Marie sait que la douleur et la solitude ternissent le bonheur ; que le manque de vin compromet la joie de la fête des jeunes mariés. Ce qui intéresse Marie, c’est toute la personne, parce qu’elle est comme le reflet et la nostalgie de Dieu. Dans notre mission aujourd’hui, nous devons cultiver une attention empressée et une volonté ardente pour aider nos frères à vaincre leurs difficultés.

Force et patience

Marie connaît la peur et la critique, l’incompréhension et l’obstination dans le refus de la lumière, la persécution et la violence. Et Marie se taît dans la souffrance et elle espère en aimant. Elle est forte sans mot dire et patiente dans la douleur. Elle tient debout près de la croix. Dans notre mission aujourd’hui, combien il est important d’accepter les

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temps et les moments de l’autre ; de souffrir et d’offrir avec amour les moments de croix et d’incompréhension ; d’espérer contre toute espérance et d’être fidèle jusqu’à la fin.

Amour maternel

Tout en Marie porte le sceau de la délicatesse, de la tendresse et de l’amour qui sont le propre d’une mère. D’une mère qui se dépense jusqu’au bout pour que ses enfants aient la vie, qu’ils deviennent vigoureux et soient heureux. D’une mère qui donne une vie nouvelle, qui cultive la foi, l’espérance et l’amour en ses enfants. Vatican II nous le rappelle : "La Vierge a été, par sa vie, le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l’Eglise, coopèrent à la régénération des hommes".19

Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Si tu devais proposer des scènes de l’Evangile où Marie se montre missionnaire ou collaborant à la mission de Jésus, lesquelles choisirais-tu ? Explique pourquoi. T’aident-elles aussi à comprendre et à valoriser davantage ta propre vocation missionnaire ? De quelle manière ? 2. Comment, dans ta vie chrétienne et marianiste, as-tu découvert la vocation missionnaire ? Qui te l’a présentée et en qui l’as-tu admirée, au début ? Comment as-tu découvert que la mission peut se vivre dans le quotidien de la vie normale ? Rappelle ou raconte à ton groupe de vie chrétienne quelque expérience personnelle de mission.

3. Tu as sans doute entendu beaucoup parler de la mission du laïc dans l’Eglise et dans le monde. Concrètement, comment

19 Constitution Lumen Gentium, 65. cf les commentaire de Jean Paul II dans l’encyclique Redemptoris Mater, 43,44.

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entends-tu cette mission aujourd’hui ? Que penses-tu que Dieu et Marie attendent du laïc aujourd’hui ? Y a-t-il une mission du laïc dans l’Eglise et une autre dans le monde ? Laquelle est la plus importante ? Quelle mission les évêques demandent-ils aux laïcs aujourd’hui ?

4. La mission suppose la lutte contre le mal et le péché. Pourquoi est-il si peu question du péché aujourd’hui ? Est-ce quelque chose de périmé, en avons-nous peur ou nous rappelle-t-il de mauvais souvenirs ? D’après toi, quelles formes de péché affectent davantage le milieu et la société où tu vis ? Comment luttes-tu contre le péché dans ta propre vie et dans ton milieu ?

5. Marianistes - laïcs et religieux – avons-nous une mission spéciale dans l’Eglise et dans le monde ou simplement un style de vie missionnaire ? Qu’en penses-tu ? Pourrait-on parler d’une mission marianiste dans notre propre pays ? Comment formulerais-tu ses objectifs, ses champs d’action, et son organisation ?

6. Le texte que je propose maintenant à ta lecture et à ta réflexion - personnelle et communautaire - paraît être écrit par un marianiste. En fait, il est de Jean-Paul II, dans son encyclique Redemptoris Mater, sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Eglise qui chemine sur la terre. Cela vaut la peine d’y prêter attention.

" La dimension mariale de la vie d’un disciple du Christ s’exprime précisément, d’une manière spéciale, par cette offrande filiale à la mère de Dieu, qui a commencé par le testament du Rédempteur sur le Golgotha. En se livrant filialement à Marie, le chrétien, comme l’apôtre Jean, " reçoit parmi ses biens personnels " la Mère du Christ et l’introduit dans tout l’espace de sa vie intérieure, c’est à dire dans son " moi" humain et chrétien " Il l’accueillit chez lui" Il cherche ainsi à entrer dans le rayonnement de " l’amour maternel " avec lequel la mère du Rédempteur

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" prend soin des frères de son Fils ", " à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte sa coopération " à la mesure du don qui est propre à chacun de par la puissance de l’Esprit du Christ. C’est ainsi que s’exerce aussi la maternité selon l’Esprit, qui est devenue le rôle de Marie au pied de la Croix et au Cénacle.

Non seulement ce rapport filial, cet abandon de soi d’un fils à sa mère trouve son commencement dans le Christ, mais on peut dire que, en définitive, il est orienté vers lui. On peut dire que Marie redit continuellement à tous les hommes ce qu’elle disait à Cana de Galilée : " Tout ce qu’il vous dira, faites-le." C’est lui, en effet, le Christ, qui est l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes ; c’est lui qui est ‘" le Chemin, la Vérité et la Vie." (Jn 14,6) ; c’est lui que le Père a donné au monde afin que l’homme " ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. « (Jn 3,16) La vierge de Nazareth est toujours et partout l’humble servante du Seigneur […]. Ce lien spécial qui unit la Mère du Christ à l’Eglise permet d’éclairer davantage le mystère de la "femme" qui, depuis les premiers chapitres du Livre de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, accompagne la révélation du dessein de salut de Dieu pour l’humanité. En effet, Marie présente dans l’Église comme Mère du Rédempteur, participe maternellement au " dur combat contre la puissance des ténèbres " qui se déroule à travers toute l’histoire des hommes […]. C’est pourquoi les chrétiens, en levant les yeux avec foi vers Marie au cours de leur pèlerinage terrestre " sont tendus dans leur effort pour croître en sainteté." Marie, fille de Sion par excellence, aide tous ses fils – où qu’ils vivent et de toute manière, à trouver dans le Christ le chemin qui conduit à la maison du Père."20

20 Redemptoris Mater, 45-47.

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MARIE FEMME PROMISE

Marie, vierge missionnaire et mère de l’Eglise

nous voulons te saluer aujourd’hui comme la Femme Promise, toi, la Vierge Immaculée,

signe de la victoire sur le péché et sur le mal.

Nous te présentons notre humanité blessée par l’injustice,

l’égoïsme et la violence.

Nous te présentons la réalité de tant d’hommes et de femmes

qui cherchent la lumière et ont besoin d’amour.

Nous te présentons la réalité de tant de frères

qui ne connaissent pas ton fils Jésus ou ne le suivent pas.

Tu as une mission envers eux, Marie, et nous voulons que ce soit aussi la nôtre.

Remplis notre cœur d’amour, de force et d’espérance,

pour que, engagés dans la mission avec fidélité, nous prolongions sur la terre

ton amour maternel, et fassions croître l’Eglise,

le peuple de Dieu dans ce monde.

Amen !

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I. 7. Le mystère de l’Incarnation et le chemin marianiste

Le mystère de l’Incarnation, centre de notre foi

Nous voici au terme de la première partie de notre travail. Nous avons essayé de partager quelques aspects caractéristiques du mystère de Jésus, fils de Marie et du mystère de Marie, mère de Jésus, et nous avons vu comment notre vie constitue un chemin de découverte progressive et de croissance heureuse dans ce mystère qui nous enveloppe et nous implique. Avant d’entrer dans l’explication de chacune des étapes de notre chemin de vie et de mission, il est bon de nous donner un moment pour contempler le mystère de l’Incarnation. J’ai été personnellement frappé un jour, il y a déjà longtemps, par cette affirmation lue dans un document marianiste : Le cœur de la spiritualité marianiste est le mystère de l’Incarnation. Elle m’a toujours suivi et elle devenue comme le résumé de ma recherche.

En lisant cette phrase pour la première fois, elle ne te dit probablement pas grand chose ou alors tu trouves que c’est trop savant, trop théorique. Veux-tu bien, cependant, aller un peu plus loin ? Commence par cette question : que représente le mystère de l’Incarnation pour moi ? Essaye de le décoder à partir de concepts plus simples.

C’est, en effet, le mystère d’un Dieu qui se fait homme pour partager notre vie ;

le mystère d’un Dieu qui apparaît avec un visage, une apparence humaine ;

le mystère d’un Dieu qui nous parle dans notre propre langue ;

le mystère d’un Dieu qui, comme nous, vit la croissance à travers le temps ;

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le mystère d’un Dieu qui respecte la liberté de chaque être humain ;

le mystère d’un Dieu riche, grand et fort qui se fait pauvre, petit et faible ;

le mystère d’un Dieu qui partage avec nous travail, fatigue, faim et soif ;

le mystère d’un Dieu tout-puissant qui veut avoir besoin des êtres humains ;

le mystère d’un Dieu qui nous offre le pardon, la miséricorde, la tendresse ;

d’un Dieu qui meurt sur une croix pour nous libérer et nous donner la vie…

Nous pourrions poursuivre et relever beaucoup d’autres

aspects de ce mystère inépuisable, qui est le centre de notre foi chrétienne et aussi du charisme marianiste. Mais notre souci n’est pas de faire une liste exhaustive de tous les aspects de l’Incarnation, ni de rechercher des formules originales. Notre intention est de contempler, ruminer et savourer l’inimaginable, le prodigieux, l’incroyable, le fou, l’illogique : Dieu se fait enfant, petit et fragile. Dieu connaît la tentation et le danger. Dieu prononce avec émotion les mots de "maman" et d’"ami". Dieu qui prend du plaisir à une noce. Dieu qui pleure à la mort d’un ami. Dieu qui joue avec les enfants et converse avec les grands. Dieu qui éprouve la peur et l’angoisse. Dieu marginalisé, persécuté et condamné comme un criminel. Dieu qui meurt. " Christ, malgré sa condition divine, n’a pas recherché son égalité avec Dieu, au contraire, il s’est vidé lui-même, a pris la condition d’esclave, est devenu copie humaine ; reconnu comme tel à sa figure humaine et pareil aux hommes, il s’est mis très bas, très soumis jusqu’à l’extrême mort, mort en croix " (Ph 2,6-8). Comment penser pareille chose ? Quel poète, même le plus inspiré et le plus profond, aurait pu inventer pareille histoire ? Or c’est l’histoire de notre foi, le centre de notre

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religion, le mystère de l’Incarnation. Il est pour toi, pour nous, parce que Dieu nous en a fait le don. Il est pour tous parce que nous avons à le vivre et à le partager comme une mission universelle. Marie, comme tu as commencé à le pressentir dans ce qui précède, est la grande experte dans ce mystère. Avant tout le monde, elle l’a reçu et vécu et elle le vit en le livrant et en l’offrant. Avec elle nous pouvons le vivre et le transmettre. Il s’agit de se mettre à l’écoute, dans la réflexion et la prière, avec Marie et comme elle. Il est question de se mettre à l’école de Marie.

Voici, pour achever ce chapitre, un tableau synthétique de certains aspects du mystère de l’Incarnation, avec quelques pistes pour notre vie. Nous le développerons plus loin. Dimensions du mystère de l’Incarnation

Notre image de Dieu

Notre action envers les autres

1. ASSUMER L’HUMAIN Connaître Dieu en Christ. En Christ, Dieu fait sien tout

l’humain. Il l’aime, l’exalte, lui donne sa dignité.

Un Dieu proche, semblable à nous, nôtre.

1. AIMER CHAQUE PERSONNE Non à l’indifférence et à la discrimination, à la domination, à la ségrégation, à la manipulation. Sympathie et intérêt pour chacun. Naturel et proximité.

2. ADAPTATION Époque, lieu, langue, coutumes… Culture, histoire, moment… Jésus adapte son amour à chacun. Adaptation à tout et à tous

3. RESPECT DE LA LIBERTE Dieu libre respecte la liberté de

l’homme.

2. UN AMOUR ADAPTE Ne pas aimer seulement à sa façon. Se faire proche, s’exprimer, s’adapter,

se conformer. Chercher le bien de l’autre. L’art "d’être soi" et "d’être pour".

3. EDUQUER LA LIBERTE Accepter et valoriser la liberté de chacun.

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Le style d’un Christ qui ne s’impose pas.

Compréhension, patience, "temps de Dieu".

Le courage et le risque de la liberté.

Eduquer "dans" la liberté et "pour" la liberté. Pas de coercition, paternalisme, autoritarisme. Etapes et modes de liberté.

4. DIALOGUE Structure de dialogue de la personne,

de la foi. Vérité révélée : claire, directe,

motivante. Présenté avec simplicité, sérénité,

opportunité. Jésus parle. Jésus écoute. Jésus se tait.

4. DIALOGUONS Proposons-nous "notre" vérité ? Vérité et mensonge de la parole et de la vie. Écoutons-nous l’autre ? Le défi et le style du dialogue.

5. LE CHEMIN DE LA CROIX Dieu se fait pauvre, voyageur,

travailleur. Dieu qui assume la douleur et

l’humiliation. La véritable preuve de l’amour.

Vérité de l’amour qui se livre.

5. L’AMOUR PASSE PAR LA CROIX Faire notre la souffrance des autres. Partager et adoucir la croix de l’autre. Aimer vraiment : sacrifice et dévouement. Petites choses et grandes motivations.

6. LE ROYAUME ET LE PECHE La cohérence du Christ (péché-

incohérence). L’amour du Christ (péché-non à

l’amour). l’engagement du Christ (péché-fuite). L’espérance du Christ (péché-

défaitisme).

6. EN COMBATTANT LE PECHE Discerner le mal dans notre vie et autour de nous. Sérieuse tentative de cohérence et de recherche. Dire les choses. Corriger. Aider. Dénoncer. Une espérance "inaccessible au découragement".

Que penses-tu de ce tableau ? Il s’agit de simples points

sans développement, des idées qu’on peut développer, expliciter. J’ai essayé ici de traduire un peu concrètement l’énoncé du grand mystère de l’Incarnation. Ces deux colonnes contiennent bien des choses. Voici tout de suite quelques développements.

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Dans l’Incarnation, Dieu assume tout l’humain

En se faisant homme en Christ, Dieu accepte et fait sienne la réalité humaine, toute la réalité humaine, aussi bien ce qui fait notre naïve fierté que ce qui nous donne le sentiment de nos limites et de notre fragilité. Cela entraîne des conséquences importantes pour notre manière de vivre, personnellement et avec les autres.

Il s’agit, premièrement, de donner sa valeur et sa dignité à la personne humaine et à tout ce qu’elle fait. Dieu a assumé notre nature et de ce fait notre nature acquiert une valeur nouvelle, considérable. Désormais on ne peut plus classer quelqu’un seulement à partir de son intelligence, de ses qualités, de son pouvoir, de sa renommée ou de son argent…, car à chaque personne humaine est reconnue une dignité immense du fait que Dieu s’est fait homme.

Applique cela à ta manière de classer et de juger les autres. Nos critères pour motiver l’importance, la préférences, la considération que nous donnons aux gens ne tiennent plus. Depuis que Dieu a fait irruption dans notre monde, tout homme est précieux, digne de respect et d’attention : tout homme est mon frère parce que Dieu l’aime comme son fils. Le vieillard infirme, la personne handicapée, délinquante, droguée, malade du sida, étrangère, l’adversaire politique ou religieux …, tous ont une dignité qui mérite d’être respectée et aidée en vue de sa pleine réalisation. Les formes bien lamentables et pourtant si habituelles de notre relation aux autres que sont l'indifférence, la suspicion, la discrimination subtile, la toute puissance, la démagogie, la manipulation, la tromperie … perdent toute justification dans la lumière de l’Incarnation.

Considérons, deuxièmement, qu’il n’est rien de notre propre vie qui soit étranger à Dieu, inconnu de Lui, parce qu’Il a tout souffert et expérimenté dans la personne de Jésus. Et ce terrible complexe d’infériorité, ce sentiment d’être un

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étranger que l’homme a toujours éprouvé devant Dieu s’écroule définitivement. Désormais Dieu sait, connaît, comprend ce qui fait notre vie parce qu’il l’a expérimenté. Sur celui qui confesse ses incapacités et ses erreurs, sur celui qui exprime sa souffrance et ses préoccupations se lève le visage serein et cordial de Jésus, qui nous dit : "Frère bien-aimé, je te comprends parce que je l’ai vécu moi aussi".

Ne crois-tu pas que notre relation à Dieu doit prendre une autre forme ? Que notre prière doit être plus spontanée et plus confiante ?

Enfin, l’Incarnation change notre manière de connaître Dieu, et la manière dont Dieu se révèle. Il va cesser d’être le Dieu lointain et méconnu, à peine pressenti et craint à travers certaines manifestations effroyables de l’Ancien Testament, le Dieu déconcertant qui s’exprime par les oracles des prophètes. A partir de la naissance à Bethléem, Dieu nous parle en la personne de Jésus, il se montre à nous dans le visage humain de Jésus. Jésus est la parole suprême et définitive de Dieu à l’humanité. Jésus est la manifestation pleine et incontestable de Dieu au monde. Il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre, rien d’autre que demander. Tout est dit en Jésus. Tout se résume en Jésus. Si on prend cela au sérieux, cela modifie aussi notre manière de comprendre la religion et la vie, cela change nos demandes et nos questionnements sur Dieu et la foi, la manière de lire et de vivre la Sainte Écriture.

La spiritualité et la vie marianistes essaient de passer par ces chemins. Peut-être comprends-tu mieux, dès lors, pourquoi, les marianistes donnent tant d’importance au respect et à la dignité de l’homme ; pourquoi ils essaient de pratiquer une forme de prière simple et directe ; pourquoi ils s’efforcent de trouver en Jésus leur raison de vivre et de croire.

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Le dialogue avec Dieu et avec les autres

C’est une des nombreuses autres réflexions que le Mystère de l’Incarnation suscite pour notre vie. En Jésus, Dieu donne sa plénitude à un certain style de relation avec les hommes, celui de la rencontre personnelle et du dialogue direct, celui de la communication face à face, et de la parole écoutée et proposée. En Jésus, Dieu nous invite à vivre avec lui et avec les autres une relation interpersonnelle. En quoi consiste-t-elle ? Voici ce qu’en écrit un auteur récent :

"Entrer en relation avec un être personnel, c’est l’accepter sans conditions, dans sa liberté et son autonomie, dans son originalité unique […]. C’est ne pas essayer, ne serait-ce qu’un instant, de l’utiliser, de le posséder, de le manipuler, de quelque manière que ce soit. C’est, en définitive, le laisser être lui-même, dans le respect, la compréhension et l’acceptation de ses limites […]. Ce type de relation interpersonnelle ne peut s’établir qu’en aimant. Mais, qu’est ce qu’aimer quelqu’un ? - c’est le laisser être lui-même, à force de respect, d’acceptation, voire de silence. Parce que chacun est ce qu’il est et non ce que nous voudrions qu’il soit. Pour cela, apprendre à se taire et à écouter font partie des conditions fondamentales de tout amour vrai. Quand une personne se sent acceptée de cette manière, elle expérimente quelque chose de l’amour créateur qui lui donne d’être elle-même […].

La rencontre personnelle comporte deux dimensions fondamentales : "être pour" l’autre et "être avec" l’autre. La première consiste à vivre la même vie que l’autre, la seconde est l’expérience affective, qui se traduit en présence mutuelle, en dialogue, en intimité et en bonheur partagé. Il s’agit pour cela non seulement d’"être pour" l’autre, mais bien plus "d’être avec" l’autre […]. Aucune de ces deux dimensions ne peut être absente d’une vraie rencontre entre des personnes. Parce que si "l’être pour" vient à manquer, nous tombons

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dans l’intimisme infructueux, dans la subjectivité pure, dans le sentimentalisme stérile. Et si c’est "l’être avec" qui fait défaut, nous débouchons dans l’activisme idéologique, qui finit par avoir raison de toute relation entre des personnes"21.

C’est ce type de relation que nous sommes appelés à vivre, avec Dieu et avec les autres. Le modèle, nous le voyons clairement dans l’Évangile, en chacune des relations de Jésus avec les autres. Ces relations débordent de respect, de sincérité, d’acceptation et de patience. Ce sont des rencontres où Jésus se propose et se donne sans violenter la liberté de l’autre. La formidable personnalité de Jésus ne s’impose pas, n’asservit pas : il dit ce qu’il a à dire et puis se tait, écoute et attend. Oui, vraiment Jésus a été "l’homme pour les autres", celui qui est venu pour "être avec nous" et qui nous appelle à être avec lui et à vivre pour lui et pour le Royaume.

Il nous reste à expliciter les conséquences de tout cela pour notre vie. Tous les jours nous devrions reprendre notre relation avec Jésus et la vivre avec la joie et l’émotion d’un premier amour. Tous les jours nous devrions vivre nos rencontres avec les autres avec la volonté de faire de chacune d’elles une expérience de liberté et d’amour qui nous fassent nous ressentir davantage personnes ensemble. Tous les jours nous devrions cultiver l’art du dialogue, de ce dialogue que Paul VI a élevé au rang d’idéal humain et chrétien jusqu’à le définir, dans l’encyclique Ecclesiam Suam, comme "dialogue avec le monde qui est poésie, dialogue avec les autres qui est amour, dialogue avec Dieu qui est prière".

Il est normal de trouver la volonté de dialogue et de relations personnelles profondes en ceux qui prétendent vivre le charisme marianiste. C’est un fruit et une exigence 21 J.M. Castillo, La suite de Jésus, pp. 84-85, Ed. Sigueme, Salamanca, 1987. Cf sur le même thème P. Lain Intralgo, Théorie et réalité de l’autre, Madrid 1961 ; M. Buber, Je suis à Toi, Buenos Aires, 1956 ; Ph. Lersch, La structure de la personnalité, Barcelone, 1968.

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du mystère de l’Incarnation. Pour ceux qui s’approchent de Jésus et de Marie, il y a là une invitation et un défi. Marie et le mystère de l’Incarnation

En débarquant sur la plage de l’humanité par le mystère de l’Incarnation, Jésus Christ a ouvert un chemin, celui de l’amour de Dieu pour les hommes. Pour rejoindre Dieu, chaque être humain doit emprunter un autre chemin, celui de l’amour pour Dieu et les hommes. Et les deux chemins se rencontrent en Marie, carrefour entre Dieu et les hommes. Elle reçoit la parole et l’amour de Dieu, en recevant le Christ ; elle vit cette parole et cet amour comme centre de son existence ; comme mère, donneuse de vie, elle continue à les donner à l’humanité. Le chemin marianiste prétend reproduire l’expérience de Marie : chemin de fidélité à Dieu et itinéraire missionnaire.

Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Question pour toi, ou à discuter dans ton groupe de vie chrétienne : que pensais-tu jusqu’à présent de l’Incarnation ? Quel sens donnais-tu spontanément à ce mot ? Dans ce que tu viens de lire, quel aspect attire le plus ton attention ?

2. Analyse le tableau-synthèse ci-dessus. Des six aspects présentés, lequel te paraît le plus important ? et le plus nouveau pour toi ? Lequel devrait avoir le plus d’impact sur ta vie ? Lequel te manque le plus ? Et si tu l’appliques à ta famille ? Et à ta communauté chrétienne ou marianiste… ?

3. Comment considères-tu et traites-tu ta propre dignité ? Et celle des autres ? Si nous disons que nous avons tous la même dignité – le criminel et le saint, par exemple -, comment

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comprendre cela ? Quelle forme de manque de respect te fait le plus souffrir dans ta vie ?

4. Quels attentats à la dignité humaine vois-tu dans la société qui t’entoure ? Que peut-on faire, individuellement et collectivement, pour les combattre ou les réduire ? Quels sont les principaux « droits de l’homme » ? Lesquels sont respectés et lesquels non ? Sais-tu ce que l’Eglise dit sur ce sujet ?

5. Voici un exercice à réaliser en famille ou en communauté : analyser nos dialogues habituels. Se limitent-ils à des sujets extérieurs ou banals ou impliquent-ils aussi nos sentiments et notre vie ? Quelles attitudes se font jour à travers eux ? Nous sentons-nous capables de les personnaliser davantage ?

6. Pense à trois personnes avec lesquelles tu as une relation plus personnelle. Analyse : Vis-tu dans cette relation l’"l’être pour" et "l’être avec" ou une forme de manipulation ? Que peux-tu faire pour que ce soient vraiment des relations personnelles ?

7. Je t’invite à lire quelques lignes d’amour et de poésie de Carlo Carreto. Elles parlent de Marie et de l’Incarnation. Elles peuvent faire l’objet d’une bonne prière, personnelle ou communautaire, et se prêtent à la réflexion et au partage, le plus important étant d’en tirer profit. - Quelle partie du texte te touche le plus ? Peux-tu en faire une prière ?

"Heureuse es-tu, Marie, toi qui m’aides à croire. Heureuse es-tu, toi qui eus la force d’accepter tout le mystère de la nativité et le courage de prêter ta personne à cet événement à nul autre pareil, qui n’a pas de limites dans sa magnificence ni dans son inimaginable petitesse.

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Dans l’Incarnation, les extrêmes se sont rencontrés : l’infiniment lointain s’est fait infiniment proche, et l’infiniment puissant s’est fait infiniment pauvre.

La transcendance s’est faite incarnation, la peur s’est convertie en douceur, l’incommunicabilité en embrassement.

Dieu s’est fait fils. Pour la première fois une femme peut dire en toute vérité : "Mon Dieu, mon fils".

Je n’ai pas du tout peur. Si Dieu est cet enfant couché dans la crèche de la grotte, Dieu ne me fait pas peur du tout.

Et si moi aussi je peux murmurer, au côté de Marie, "Mon Dieu et mon fils", le paradis est entré dans ma maison, en m’apportant la paix. Non, je n’ai pas du tout peur.

La paix, qui est absence de peur, est maintenant en moi. L’unique travail qu’il me reste à faire, c’est de croire.

Et croire, c’est comme engendrer. Dans la foi, je continue à engendrer Jésus comme fils. Ainsi fit Marie. Pour engendrer Jésus dans la chair, neuf mois lui ont suffi ; pour engendrer Jésus dans la foi, elle a dû employer toute la vie, depuis Bethléem jusqu’au Calvaire."

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JESUS, FILS BIEN AIME FAIT HOMME

Seigneur Jésus, je te rends grâce parce que tu m’as fait découvrir

le mystère de l’Incarnation. Je te rends grâce parce que tu m’as aimé jusqu’à vouloir venir partager notre vie.

Je te rends grâce parce que maintenant je sais

que tu comprends nos difficultés et nos souffrances.

Je crois en toi quand tu nous révèles le Père :

tu es la Parole du Père. Je crois que tu es dans le Père

et que le Père est en toi. Je crois que tu m’as appelé

pour être avec toi et te suivre. Augmente en moi la foi et l’amour,

pour que ma vie chrétienne soit toujours une rencontre profonde d’amour

et de dévouement à toi et à chacun de mes frères.

Marie de l’Incarnation, Dame du Oui, Apprends-moi à être ouvert, comme toi,

au Seigneur qui vient, et à donner ma vie, comme toi,

à tous mes frères.

Amen !

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Les horizons du chemin marianiste

Dans la spiritualité marianiste, nous cheminons en nous appuyant sur l’expérience profonde et croissante de ces trois attitudes, connaître-aimer-servir, envers Marie, Jésus et nos frères et sœurs. En fait, ces trois verbes renferment l’intuition d’une anthropologie marianiste, une manière particulière de comprendre les personnes et d’implanter notre mission dans le monde et dans l’Église. Dans la présentation de ″ Notre feuille de route ″ nous avons expliqué chacun de ces trois verbes et dit comment, en quelque sorte, ils concernent toute notre vie.

D’autre part, toute expérience chrétienne de croissance et de fidélité à un appel de Dieu doit toujours se dérouler sur trois plans : personnel, communautaire et ecclésial. Sur le plan personnel on est renvoyé à l’effort de croissance et de fidélité à la grâce, à l’expérience intime de prière et de rencontre du Seigneur, aux attitudes profondes de vie que nous allons développer. L’aspect communautaire se réfère au groupe dans lequel doit normalement se réaliser toute expérience chrétienne. Il n’y a pas de vie chrétienne sans communauté. Une communauté où nous partageons la vie et la prière, où nous cultivons et célébrons notre foi, où nous vivons l’amour et le service. L’ecclésial, c’est notre insertion dans la grande communauté qu’est l’Église sous ses diverses formes de groupements : la paroisse, un mouvement, une organisation caritative. Oublier de mettre clairement ces trois cercles en quelque projet de vie personnelle ou communautaire que ce soit, c’est courir de sérieux risques dans notre vie. Risques de dispersion et de déviation qui, à la longue, nous mèneront dans une impasse, nous condamnant à la stérilité et à l’échec.

Ces trois aspects peuvent-ils s’articuler ensemble ? Oui, du moment que nous ne prétendons pas enfermer la vie dans des schémas intellectuels qui étoufferaient ou limiteraient son énergie et sa nouveauté. Le connaître chrétien

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et marianiste doit se vivre sur les trois plans, même s’il concerne un peu plus directement le domaine personnel. L’aimer chrétien et marianiste doit, évidemment, se vivre aux trois niveaux, même si nous pouvons le considérer un peu plus concrètement sous son aspect communautaire. De même pour le servir chrétien et marianiste même s’il est un peu plus naturellement ecclésial. C’est ce que nous allons essayons de démontrer dans ces pages, laissant toujours les portes ouvertes à la vie et à l’Esprit.

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Deuxième partie

Connaître Jésus, connaître Marie 1. Le chemin de la Parole : écouter comme Marie

2. Le chemin de la foi : croire comme Marie

3. Le chemin de la prière : prier avec Marie et comme

Marie

4. Le chemin de la réflexion et de la vie : méditer et

discerner comme Marie.

5. Connaître Marie

6. Marie nous apprend à connaître Jésus

7. La voie marianiste de la foi et de l’oraison

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II. 1. Le chemin de la Parole Ecouter comme Marie

Dieu continue à nous parler aujourd’hui

Au chrétien qui commence à vivre vraiment la foi, une des premières questions qui se posent est celle de savoir s’il croit vraiment que Dieu nous parle aujourd’hui. - Dieu veut-il me parler ? Est-ce que je suis décidé à l’écouter ? - Nous vivons tellement immergés dans nos affaires et nous avons tant de préoccupations personnelles que, parfois, nous ne pensons même pas ce que pourrait nous dire cet étranger, lointain et ennuyant, que nous appelons Dieu. Ou bien nous nous estimons si bien formés que nous nous croyons capables de deviner ce qu’il peut nous dire et nous ne lui prêtons guère attention. "Nous l’avons écouté tant de fois, que peut-il nous dire de neuf ?" Vraiment, voulons-nous l’écouter ?

Certes, nous pouvons connaître suffisamment de choses que Dieu a communiquées à son peuple tout au long de l’histoire. Il se peut aussi que nous soyons suffisamment informés de ce qu’il peut nous dire à travers ses représentants officiels dans l’Église. Mais que de nuances il faudrait introduire dans tout cela ! et surtout, que de choses sont oubliées ou laissées dans l’ombre !

Dieu continue à nous parler aujourd’hui : ses "paroles anciennes" ont une résonance nouvelle dans les circonstances actuelles.

Dieu continue à nous parler aujourd’hui : quand nous lisons sa parole, l’Esprit la fait comprendre et goûter à chacun selon sa situation et ses besoins.

Dieu continue à nous parler aujourd’hui : sa parole, lue avec foi et partagée en communauté, est toujours critère de discernement et d’action pour les nouveaux problèmes qui sont les nôtres.

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Dieu continue à me parler aujourd’hui : il a une relation personnelle avec moi, il veut m’accompagner sur le chemin de ma vie et il façonne mon cœur par sa parole.

Dieu continue à me parler aujourd’hui par le Christ : lorsque nous lisons sa parole, le Christ lui-même, vivant, présent dans son Église, nous parle et continue à nous expliquer le sens de la Pâque.

Jusque là nous n’avons fait référence qu’à la parole de Dieu. Or Dieu nous parle aussi par les merveilles et les lois de la nature, à travers le témoignage et la parole de nos frères, à travers le grand livre de la vie et de l’histoire. Nous n’y insistons pas maintenant. Ce qui est sûr, c’est que Dieu nous parle. Le problème est plutôt de savoir si nous voulons l’écouter et si nous prenons les moyens pour cela. Marie écoutait Dieu

Marie appartenait à une culture profondément marquée par le religieux, ce qui n’empêchait pas – c’est même probable - que la piété judaïque de l’époque était aussi menacée par le formalisme, le ritualisme, la superficialité… Il est très difficile de cultiver l’intériorité quand les pratiques religieuses sont devenues fastidieuses et que ce sont des prières apprises par cœur qui jalonnent toutes les activités de la journée. La tentation est permanente de se croire justifié devant Dieu parce qu’on en a accompli tous les devoirs rituels.

Il n’en est pas ainsi pour Marie : Elle est transparente, Elle, comme le cristal et profonde comme l’océan. Elle a pris Yahvé au sérieux. La foi de son peuple au Dieu de la Promesse, la confiance dans le Dieu libérateur, l’amour envers le Dieu de l’Alliance… n’ont cessé de grandir en elle. Marie croit et espère en Yahvé, elle l’aime de tout son cœur. Les images et les supplications des psaumes, qu’elle a répétés tant de fois dans la synagogue et dans les prières

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domestiques, ont imprégné son cœur et ont façonné sa spiritualité : "Je bénirai le Seigneur qui me conseille, même la nuit il m’instruit intérieurement […]. Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants […]. Je trouve ma joie dans ses paroles, que j’aime tant […]. Je te cherche avec ardeur ; mon âme a soif de toi." Marie répète ces paroles et elle les convertit en désir et en prière.

Mais elle a appris, peu à peu, qu’il est préférable de se tenir en silence devant Dieu que de répéter des formules de prières ; qu’il vaut mieux écouter la musique de son cœur croyant, que de lire et de paraphraser les psaumes ; qu’on éprouve plus de joie et de paix à se taire devant Dieu et à l’écouter qu’à lui parler et à le supplier … Il est facile d’imaginer la jeune Marie dans une profonde expérience de foi. Tout l’idéalisme de sa jeunesse et le débordement de son cœur de jeune fille se trouvent en Yahvé et dans l’Alliance face à un défi immense pour ses désirs de se donner. Or le don se vit dans le silence et dans l’amour qui attend. C’est ainsi que Marie aime et se tait ; qu’elle cherche Dieu et l’écoute ; elle attend et ouvre sa vie au Seigneur. Écouter comme Marie

Nous avons beaucoup à apprendre de l’attitude d’écoute de Marie : elle est à l’écoute de Yahvé parce qu’elle a conscience de sa petitesse, de sa limite, de sa pauvreté. Parce qu’elle sait qu’elle n’a pas toutes les réponses. Parce qu’elle a entendu ce Dieu même qu’elle cherche, auquel elle prête un cœur attentif, nous dire " vos pensées ne sont pas mes pensées, vos voies ne sont pas mes voies. Haut est le ciel au dessus de la terre, aussi hautes sont mes voies au dessus de vos voies et mes pensées au dessus de vos pensées " (Is 55,8-9). Marie est à l’écoute de Yahvé parce qu’elle sait que la sagesse qui vient d’en haut est de beaucoup supérieure à la science et à la logique humaines. Parce qu’elle a comme l’intuition que la suffisance et

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l’orgueil nous guettent dangereusement. Parce qu’elle a observé bien souvent que la raison et le bon sens sont insuffisants pour pénétrer le mystère et les plans de Dieu. Parce qu’elle sait que "le Dieu de Jacob nous instruira sur ses voies et nous cheminerons sur ses sentiers" (Is 2,3). Peu à peu, Marie apprend à regarder et à écouter Jésus. Elle le voit grandir et, avec étonnement, considère ce qu’il

dit. Elle lui a appris tout ce qu’il sait et ce qu’il vit, mais elle est

surprise, déconcertée par la profondeur qu’atteint la réflexion de son fils.

Elle écoute Jésus lui expliquer pourquoi il est resté au temple.

Elle écoute Jésus commenter les oracles des prophètes, dans le foyer de Nazareth, au retour de la synagogue, le jour du sabbat.

Elle écoute Jésus se mettant à annoncer le Royaume. Elle écoute Jésus à travers les relations des apôtres et des gens

qui le suivent. Elle écoute Jésus, perdue dans la foule… Elle se tait et écoute.

Marie aime, souffre et écoute. Marie va répétant : ″ que s’accomplisse en moi ta parole !″

La Parole de Dieu dans notre vie

Tu te demandes comment arriver à écouter Dieu ; demande-toi quelle importance tu donnes pratiquement à la Parole de Dieu dans ta vie chrétienne. Demande-toi si la Parole est l’aliment habituel de ta foi et de ta prière. Quels efforts concrets fais-tu pour lire la Parole et la méditer ? Impossible d’imaginer aujourd’hui, dans l’Église, un effort sérieux de croissance dans la fidélité au Seigneur qui ne passerait pas par un effort sincère et persévérant pour comprendre, intérioriser et vivre la Parole de Dieu.

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Parce que la Parole contient la mémoire vive de l’Histoire du salut du peuple de Dieu, en chemin vers la Patrie. Parce que la Parole rend actuelle la révélation de Dieu et de son amour pour nous. Parce que la Parole est le lieu privilégié de la rencontre avec le Dieu de la Nouvelle Alliance. Parce que la Parole continue à inscrire en nous le regard de Dieu sur tout le créé et battre notre cœur à l’unisson du sien. Parce dans la Parole, l’Esprit de Jésus continue à nous enseigner, à nous rappeler le message du Seigneur et à nous guider jusqu’à la vérité tout entière (Jn 14,26 ; 16,13). Parce que la Parole est un critère sûr pour distinguer ce qui doit nous motiver et nous stimuler pour vivre notre foi dans un monde sécularisé et confus. Parce que la Parole nous met en communion avec Jésus et nous incite à le suivre et à annoncer le Royaume aujourd’hui.

Nous ne manquons pas de motivations ni de propositions concrètes. Grâce à Dieu, dans notre Église, on lit, on étudie on partage toujours plus la Parole de Dieu. Nous avons seulement besoin de décision et de courage pour commencer ou pour approfondir notre recherche. Le chemin marianiste passe par là. Voulons-nous poursuivre et progresser sur ce chemin ? Apprendre à écouter

Le défi est lancé. Mais il nous faut prendre une attitude nouvelle face à la Parole de Dieu, une attitude que nous n’avons pas souvent dans notre style de communication actuel : nous tenir à l’écoute. Dans nos conversations habituelles nous sommes plus attentifs à ce que nous voulons dire nous-mêmes qu’à ce que les autres veulent nous dire ;

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nous sommes plus préoccupés de convaincre que de nous laisser interpeller par ce que nous entendons ; nous faisons plus d’efforts pour être sûrs de nous faire entendre que pour écouter avec humilité ; il y a davantage de paroles et de raisonnement que de silence et d’attention du cœur.

La compétitivité et l’agressivité qui caractérisent notre culture nous préparent davantage à la polémique qu’au partage de la vie et des sentiments. Nous avançons dans la vie, persuadés que nos idées et nos opinions sont plus profondes et plus intéressantes que celles des autres. Il nous manque de découvrir que, face à l’ami dans la souffrance, un quart d’heure d’attention silencieuse est préférable à des heures de brillants conseils. En un mot, nous ne savons pas écouter. Et nous perdons la richesse, la profondeur, la vie, l’expérience et jusqu’au sentiment de ceux qui cheminent à nos côtés. Et pourtant, rien qu’en faisant l’effort d’une écoute attentive et humble des autres nous pourrions progresser dans l’écoute de Dieu qui nous parle dans la Sainte Écriture. Sans cette attitude d’ouverture, de recherche et de docilité, il est inutile d’étudier et de lire la Parole.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1.Exercice pour penser avec Marie. Tu lui parles et tu essayes

d’imaginer ses attitudes et son état intérieur quand elle lisait les Écritures, qu’elle les écoutait à la synagogue ou qu’elle priait seule. Fais-en une liste. Choisis les trois attitudes que tu juges les plus importantes et essaie d’expliquer pour quelle raison.

2. Marie connaissait les psaumes et certainement les priait. Tu es invité à lire - seul ou en groupe -, avec l’esprit de Marie, à la manière de Marie, les psaumes 1, 4, 8, 15, 16, 19, 23, 24, 27, 34 … (numération hébraïque ; cf. la plupart des traductions actuelles de la Bible).

3. Rappelle-toi, et partage avec ton groupe, ta propre rencontre avec la Parole de Dieu - à travers un témoignage, une retraite, un cours, une lecture personnelle, un livre, une prière… Q’as-tu découvert ? Quelles difficultés as-tu rencontrées ? Qui t’a aidé et comment ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui commence à lire et à étudier la Sainte Écriture ?

4. Fais un examen sincère du rôle de la Parole de Dieu dans ta vie de prière et dans ton projet de vie chrétienne. Comment l’utilises-tu ? Quels livres ou quels commentaires as-tu lus récemment ? Habituellement, te sers-tu d’un texte biblique pour prier ? Consultes-tu la Sainte Écriture quand tu as un problème ? Partages-tu la Parole avec quelqu’un ?

5. Es-tu de ceux qui savent écouter ou l’inverse ? Rappelle-toi tes conversations et tes dialogues habituels : qu’indiquent-ils ? Tes amis te confient-ils volontiers leurs problèmes ? Sais-tu garder un secret ? T’énerves-tu beaucoup dans une discussion ou sais-tu garder ton calme ? Prends-tu au sérieux les avis, les critiques ou les observations des autres ?

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6. Que pourrait faire ta communauté ou ta famille pour donner plus d’importance à la Parole de Dieu dans sa vie, dans sa prière ? Recourir habituellement à la Parole, cela te dit-il quelque chose ? Y a-t-il dans ton environnement des cours ou quelque séminaire biblique accessible aux laïcs ? Qui pourrait t’indiquer un bon livre pour t’aider à mieux comprendre la Parole ? 22

7. La réflexion suivante est du Père Mamerto, qui a réfléchi sur la relation de Marie avec la Parole de Dieu. A quoi te fait-elle penser ? Peut-il y avoir dans notre vie une réponse généreuse à Dieu sans l’"entraînement" approprié ? Relions-nous spontanément écoute et obéissance ?

"De l’écoute à l’obéissance"

La première fois que Marie apparaît dans l’Évangile, c’est dans le récit de l’Annonciation. Déjà à ce moment, nous la trouvons totalement ouverte à la voix de Dieu qui la rejoint par l’ange. Elle se sait la servante du Seigneur et elle est disponible du fond de ses entrailles pour ce que Dieu lui demandera. Qui a préparé Marie à une obéissance aussi immédiate ?

Peu de temps après, nous la voyons en visite auprès d’Elisabeth. On a l’impression que les deux cousines avaient déjà beaucoup dialogué entre elles. Elles se reconnaissent tout de suite, et chacune perçoit intimement le mystère de l’autre. Elles se parlent en se félicitant mutuellement pour l’œuvre que le Seigneur réalise en chacune des deux parentes. Cela me fait penser qu’elle ont dû vivre ensemble longtemps.

22 Une manière simple et excellente d’introduire la Parole de Dieu dans la vie quotidienne d’une famille c’est de la lire au moment de la bénédiction de la table, avant le repas. Divers ouvrages existent dans ce but comme, en espagnol : Le pain de la Parole, Miguel Ortega, Ed. Batrau S.R.L., 1986 ; A partir du pain, Luis E Diehl, Ed. Guadalupe, Buenos Aires, 1982.

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Certains pensent que Marie était restée orpheline très jeune, après la mort de ses parents, déjà âgés. Zacharie et Élisabeth l’auront peut-être prise chez eux. La vierge Marie aurait appris à lire la Parole de Dieu avec la grand-tante stérile. Les récits de Sara, Rebecca, Anne ou de la mère de Sanson auront éveillé toutes les deux et les auront poussées à croire possible ce qui est humainement impossible.

Ainsi, bien avant d’entendre l’appel de Dieu, transmis personnellement par l’archange Gabriel, Marie se serait préparée à écouter Dieu en lisant lentement, dans la partage avec Elisabeth, tout ce que la Bible contenait comme preuves de l’action du Tout Puissant.

Seule l’écoute de la parole de Dieu dans l’Écriture nous prépare, nous aussi, quand Dieu nous interpelle personnellement, à savoir reconnaître sa voix et à lui obéir".23

23 Mamerto Manapace. Réflexion préparée spécialement pour ce livre.

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DESIRER LES PAROLES DE DIEU…

Vierge Marie, mère de Jésus,

Verbe fait chair, Parole faite homme, merci de m’inviter à écouter Dieu.

Merci de me faire découvrir ce Dieu qui nous parle.

Fais-moi le don de ta simplicité et de ton humilité,

pour que je cherche et ne cesse de désirer les paroles de Dieu ;

qu’elles soient lumière, motivation et force sur mon chemin ;

que je ne me lasse pas de les méditer et de les contempler ;

qu’elles soient dans mon cœur et sur mes lèvres.

Fais-moi don de ton silence et de ta paix, pour écouter mes frères et Dieu.

Que je sache ouvrir ma vie au Seigneur qui vient, que je Le reçoive avec le même amour

et la même fidélité que toi.

Fais grandir sans cesse le Christ en moi, pour que je puisse le suivre

en accomplissant la volonté du Père, en annonçant le Royaume et en aimant mes frères.

Amen !

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II. 2. Le chemin de la foi Croire comme Marie

Mère des croyants

Les scènes de l’Annonciation et de la Visitation ressemblent beaucoup à d’autres moments forts de l’histoire de la foi du peuple d’Israël. Les détails de la scène de la Visitation sont tout à fait suggestifs : c’est la rencontre de l’Ancien Testament - en la personne d’Élisabeth et de Zacharie, lequel a douté de l’annonce faite par l’ange - avec le Nouveau Testament, représenté par la foi de Marie. Ce qui pour Zacharie avait été motif de scepticisme (la maternité dans le sein stérile d’Élisabeth), a été pour Marie motif de confiance et d’abandon absolus. Elle croit pleinement que " rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37).

Pour le peuple juif, l’histoire du salut a commencé par l’appel et la promesse que Dieu fit à Abraham et par la foi de ce dernier. L’ancienne Alliance a été inaugurée au moment de l’acte de foi d’Abraham, appelé dès lors le père des croyants. Pour le peuple chrétien la Nouvelle Alliance s’ouvre avec l’appel et la proposition faits par Dieu à Marie et avec l’acte de foi de cette dernière. Nous pouvons donc nommer Marie la mère des croyants.

" Marie, par la foi qui l’unit à Abraham, peut être appelée la mère des croyants de la Nouvelle Alliance, c’est-à-dire celle qui, la première, a cru à l’incarnation du Fils de Dieu Sauveur et qui reste pour tous les chrétiens un exemple de l’acte de foi pur, les entraînant à reproduire,

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dans l’Église et en eux-mêmes, cette vie de foi fondée sur la seule grâce et sur la Parole de Dieu ".24

« Bienheureuse es-tu, toi qui as cru ! »

Les paroles d’Élisabeth nous font penser à la foi admirable de Marie… et à notre propre foi. Il est bien facile dire que nous croyons mais combien plus difficile de croire vraiment ! Il est tellement facile de nous contenter d’une acceptation aseptisée de certaines vérités ou de l’accomplissement d’un certain nombre de rites mais combien plus difficile de vivre en portant la lumière de Dieu et son amour dans le regard, dans les paroles et dans le cœur ! Car c’est cela avoir la foi. C’est à cela que nous devons tendre, à partir de notre peu de foi, avec simplicité et persévérance. Compter sur Dieu comme la suprême réalité de notre existence, faire de lui la référence nécessaire et ultime de nos plans et de nos projets, nous en remettre pleinement à sa providence et à sa miséricorde, chercher dans sa révélation et dans sa parole le critère d’interprétation de la vie et de l’histoire, nous engager avec passion dans son plan de salut et de libération de l’humanité. Et cela sans demander de miracles ni de révélations, dans la routine et la grisaille des jours qui passent, aux heures douloureuses et dans les crises ; en suivant le temps qui nous révèle nos limites et notre stérilité, face aux moments critiques de l’échec ou de la mort. Croire toujours, croire sans douter ni hésiter. Croire envers et contre tout. Croire en " espérant contre toute espérance " (Ro 4,18). Croire en " tenant bon, comme (si on) voyait l’Invisible " (He 11,27).

C’est de cette manière que Marie a cru. Avec une pureté, un abandon et une cohérence admirables et émouvantes.

24 Max Thurian, Marie, Mère du Seigneur, figure de l’Église, p.95 ; cf.pp.91-94.

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Avec une confiance absolue et dans la fidélité à la parole donnée, au-delà de tout et de tous. Nous devons nous tourner sans cesse vers la foi de Marie. Progresser dans la vie en imitant la foi de Marie, parce qu’elle est source de foi et de bonheur. Parce que, maîtresse de sagesse, elle est un chemin sûr. Parce qu’elle est la première croyante et l’éducatrice de notre foi. - Oui, tu es bienheureuse, Marie, parce que tu as cru.

Revenons encore sur la richesse immense de la foi de Marie et admirons-la. En Marie la foi est : Ouverture inconditionnelle à Dieu. Écoute permanente d’un Dieu qui est parole et appel. Perception, accueil, de la présence de Dieu dans les

personnes et les événements. Réponse engagée au plan de Dieu, à sa parole. Don sans retenue à des exigences non encore perçues. Fidélité héroïque de tous les jours et de tous les instants. Mesure de la vérité dans l’interprétation du réel. Conviction intime qui dirige sa vie. Geste concret dans lequel s’exprime et se joue toute sa

personne. Horizon de compréhension de l’existence et de l’histoire. Risque terrible dans lequel elle se lance sans douter. Interrogations permanentes à quoi elle répond par un oui

inconditionnel. Décision sereinement mûrie et pleinement libre. Force pour combattre le mal et témoigner de la vérité. Traversée douloureuse de la tentation et de l’épreuve. Effort permanent pour sublimer sentiments et motivations

humains. Don inattendu d’un Dieu surprenant. Joie débordante de celui qui croit. Témoignage de bonheur et d’une admirable maturité.

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Cohérence totale sans faille tout au long de la vie.

Tout cela, c’est la foi de Marie. Une liste de traits que l’on pourrait encore allonger mais qui, comme telle, appelle déjà l’admiration et la louange. Une liste faite pour inspirer prière d’action de grâce et supplication face à la pauvreté de notre propre foi. Un chant d’enthousiasme pour la femme de notre race qui a su répondre à Dieu, une fois pour toutes, au nom de cette humanité sans foi et en proie à la confusion, mais qui cherche la vérité et la vie.

Marie, Mère des croyants, Dame de la fidélité, aide-nous à grandir dans la foi !

a) Croire, c’est regarder la vie avec le regard de Jésus

Une première dimension de la foi concerne directement notre manière de connaître et de voir les choses, notre intelligence, notre raison. La foi est une lumière neuve, pénétrante qui nous fait découvrir le sens le plus profond de la réalité, la dimension religieuse de tout événement, la dignité profonde de toute personne, le caractère transcendant de l’histoire. Avoir foi, c’est voir la vie avec un regard différent, avec le regard de Jésus, son regard profond et miséricordieux. Dans l’Évangile, Jésus nous surprend souvent par ses jugements, ses critères, sa manière de voir la vie et de réagir aux circonstances. Il regardait la vie et les personnes du point de vue du Père et du Royaume.

De notre côté, nous avons à nous rapprocher de cette manière de connaître et de penser, de voir la réalité et de juger les choses. Nous avons à nous laisser éclairer par cette nouvelle lumière que Dieu allume dans notre vie et qui nous rend aptes à découvrir " l’autre côté de la réalité ", " l’envers de la trame ". Laissons-nous envahir par ce don qui peu à peu nous imprègne, à mesure que nous y répondons fidèlement.

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La Parole de Dieu est très claire dans ce sens : " Désormais, nous ne considérons plus personne selon des critères purement humains. Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Les choses anciennes ont passé, les choses nouvelles sont là " (2 Co 5,16-17). " L’homme laissé à sa seule nature n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu. C’est une folie pour lui, il ne peut le connaître, car c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout et n’est lui-même jugé par personne. Car qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ? Or nous, nous avons la pensée du Christ " ( 1 Co 2,14-16 - TOB). " Lumière, je suis venu dans le monde pour que plus un seul de ceux qui me croient ne soit dans la nuit " (Jn 12,46).

Cette manière de considérer la foi n’est pas habituelle dans nos milieux chrétiens. C’est pourtant fondamental ; osons dire que c’est le critère de la qualité de toute foi prétendue telle. Paul VI, dans Evangelii Nuntiandum, disait que l’évangélisation, l’annonce de la foi, ne peut être un vernis spirituel mais qu’elle doit plutôt toucher et transformer nos critères, nos idées, les racines de notre culture. Je ne peux pas dire que j’ai la foi et poursuivre avec mes critères individualistes, élitistes, discriminatoires et consuméristes. N’avons-nous pas tous à progresser beaucoup en ce domaine ? b) Croire, c’est faire confiance et s’abandonner

La deuxième dimension de la foi a trait davantage au cœur et au sentiment. Parce que la foi doit aussi transformer le monde affectif, ce secteur qui a tellement d’influence sur notre vie et qu’il est si difficile de mener à la maturité et à l’équilibre. La foi est la conviction absolue et le sentiment plénier que Dieu m’aime personnellement et que ma vie présente et mon avenir sont dans ses mains de père, de père bon et fidèle ; que je suis un enfant accepté, voulu, aimé et pardonné ; que ma

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vie est indissolublement liée à la vie de mon frère Jésus ; que mon avenir, c’est la résurrection et la vie.

Ce sentiment se convertit en une ferme espérance, en une grande assurance, en la plus profonde source de paix et de bonheur de ma vie. Et elle m’invite à m’abandonner, à faire confiance, à fermer les yeux et à me lancer dans le vaste inconnu des plans de Dieu et de sa volonté.

Peu à peu cette foi m’aide à situer et à guérir mes craintes et mes peurs, mes complexes et mes hésitations, mes mouvements d’orgueil et de suffisance, mes caprices et mes rébellions… Et, je suis poussé, doucement, à dépasser les jalousies, l’envie, la revanche, l’agressivité, la manipulation… qui marquent souvent mes relations avec les autres.

La Parole de Dieu nous ouvre aussi à cette autre dimension : " Joie des cœurs limpides, ils verront Dieu " ( Mt 5,8). " Ne vous inquiétez pas. Ne dites pas: Aurons-nous à manger ? Aurons-nous à boire ? Comment nous vêtir ? Laissez aux autres ces préoccupations. Votre Père dans les cieux connaît vos besoins. Cherchez d’abord le Règne de Dieu et la justice qu’il instaurera. Le reste viendra après " (Mt 6,31-33). " Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? […] Qui nous séparera de l’amour du Christ ? […]." Car j’ai la certitude que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les commandants, ni le présent ni l’avenir, ni les forces cosmiques d’en haut ni les forces d’en bas, ni aucune créature au monde ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, celui qui est en Jésus Christ notre Seigneur " (Ro 8,31-38). c) Croire, c’est assumer engagements et risques

Voici une troisième dimension de la foi, aussi essentielle que les deux autres. Elle concerne davantage notre liberté et notre action, notre vie sociale et notre témoignage. Le raisonnement est simple, presque obvie : si la foi consiste à prétendre vivre aujourd’hui avec le regard, le cœur et la mission du Christ, cette prétention doit avoir un prix. Un jour

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quelqu’un a dit avec justesse : " On ne peut pas croire impunément. " Et c’est bien cela. Vivre la foi, se définir par rapport au Royaume de Dieu, témoigner et combattre pour les valeurs de l’Évangile entraîne trois conséquences, tantôt gratifiantes, tantôt douloureuses. La vie se manifeste ; le jugement chrétien porté sur la réalité dérange ; le rejet de certains critères, de certaines valeurs et formes de vie, cela frappe et cela blesse. Cela peut parfois arriver même dans des milieux familiers et avec des personnes connues. Et on commence à sentir le vide se faire, on nous rejette, on jase, on nous critique.

Cependant il n’en est pas toujours ainsi. Il y a des milieux et des personnes, simples et ouvertes à l’Évangile, qui accueillent avec joie et empressement l’appel de Dieu et l’invitation à la conversion, qui apprécient le témoignage et la parole pénétrante du Seigneur.

Mais malheureusement l’inverse est plus fréquent. L’opposition à l’Évangile ne doit pas nous surprendre. C’est l’histoire d’aujourd’hui mais aussi d’hier et de toujours. On devrait être surpris plutôt que cela n’arrive pas plus souvent dans nos vies. A nous demander si nous sommes vraiment en train de vivre l’Évangile avec sérieux ?

La Bible parle beaucoup et très explicitement de ces aspects de la foi :

" Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, pas plus que l’esclave n’est au-dessus de son propriétaire " […]. Si l’on appelle Béelzéboul le maître de la maison, quel nom ne donnera-t-on pas à ses gens ? Aussi n’ayez pas peur ![…]. Ce que je vous dis dans le noir, répétez le en plein midi, et ce que l’on vous dit dans l’oreille criez le sur les toits […]. Celui qui se réclame publiquement de moi, je le reconnaîtrai devant mon Père dans les cieux " ( Mt10,24-33).

" C’est vous le sel de la terre […]. C’est vous la lumière du monde […]. Que votre lumière éclaire ainsi vos semblables. Tous

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verront quand vous ferez le bien et on louera votre Père dans les cieux " (Mt5,13-16). " Pour notre part nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu […]. Il faut se soumettre à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a relevé Jésus que vous avez exécuté en le pendant à un poteau […]. Nous, nous en témoignons, ainsi que le Souffle saint que Dieu a donné à ceux qui lui sont soumis " (Ac.4,13-22 ; 5,26-33).

d) La foi du cœur

Voilà une des expressions favorites du Père Guillaume-Joseph Chaminade et qui est devenue un élément précieux de la tradition spirituelle marianiste. Que signifie-t-elle ? Le texte inspirateur est en Romains 10,8-10 : " Tout près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton cœur”. Cette parole, c’est la parole de la foi que nous proclamons. Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. " Le contexte et la première phrase viennent du livre du Deutéronome, du dernier discours de Moïse avant sa mort. C’est un beau texte qui mérite d’être lu calmement, et dont les thèmes essentiels sont l’Alliance, la conversion au Seigneur, l’amour et l’observance des commandements et l’option que doit prendre le peuple d’Israël (cf. Dt 29,30 et surtout 29,9-14 ; 30,6-8.10-14. L’insistance sur le " cœur " est particulièrement frappante : dans les trois premiers versets du chapitre 30 il revient sept fois.

Tournons-nous maintenant vers le Père Chaminade.

" Le Directeur, écrit-il, en fortifiant la foi de ses Élèves sur ces grandes vérités, en leur faisant produire beaucoup d’actes de foi, aura soin de les avertir que ces actes de foi doivent être accompagnés des sentiments du cœur. C’est la foi du cœur qui opère la sanctification. “Dans ton cœur la foi devient justice” (Rm 10,10). La seule foi de l’esprit ne sanctifie pas […]. C’est de cette foi qui sort du cœur en

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même temps que de l’esprit que le Concile de Trente a dit qu’elle est la racine de toute notre justification, et saint Paul dit qu’elle est l’aliment de la vie du juste […]. Quelle admirable foi que celle de l’Auguste Marie ! Elle croit aux mystères qui lui sont annoncés et ces mystères ne s’accomplissent en elle que parce qu’elle a cru ! Quel enseignement pour nous ! Les mêmes mystères nous sont annoncés et ils s’accompliront si nous avons la foi." 1

De ce qui précède, essayons de tirer quelque conclusion pour notre vie chrétienne et marianiste : Dans une première approche, la foi du cœur se réfère à une

foi qui implique non seulement la raison, mais aussi le sentiment et les attitudes de la personne.

Mais cela a trait spécialement au grand thème biblique du cœur. Dans la mentalité biblique, le cœur est le centre de l’existence, le siège des pensées, des sentiments et des choix. Pour l’hébreux, c’est une manière de se référer à la personne dans sa totalité.

Foi et cœur (foi du cœur) sont pour le Père Guillaume Joseph des thèmes-synthèses : ils se réfèrent à notre vie chrétienne dans sa totalité et aux mystères centraux de notre salut.

Il y a une connexion évidente entre la foi du cœur et les thèmes de l’Alliance, de la conversion, de l’amour.

L’objet de la foi du cœur est fondamentalement la personne de Jésus, de Jésus Seigneur en sa résurrection. C’est une foi qui sauve impliquant l’intériorité de la personne et son témoignage extérieur.

1 Écrits de Direction, II, 8-9.

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Marie apparaît comme l’instigatrice et le modèle de cette foi qui nous ouvre au mystère de Dieu.25

25 L’excellent Manuel de spiritualité marianiste, de Quentin Hakenewerth, SM, comporte un paragraphe sur la foi du cœur et montre comment l’incorporer à l’oraison et dans la vie.

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Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Je t’invite à composer une prière, pour toi et pour ‘ta communauté’ : convertis la liste des aspects de la foi de Marie (ci-dessus) en Litanies de la foi de Marie. Choisis les aspects que tu préfères, mets-les en forme et cherche une formule d’invocation. Cette prière te fera penser à la foi et prier pour que la nôtre grandisse.

2. Foi-lumière, foi-critère, foi-mentalité. Quels sont les critères, les points de vue, les jugements les plus typiques de notre culture et qui ont le plus besoin d’être évangélisés ? Essaie d’en énumérer le plus possible. Quelle serait leur formulation chrétienne ? Quels sont les thèmes de réflexion, de discussion, que tu as le plus de mal, comme laïc, à éclairer par la foi ? Comment t’y prends-tu ?

3. Consigne : fais une enquête. Tu dois faire une enquête, seul ou avec quelqu’un de ta famille, ou en communauté ; en tout cas, tu dois la faire. Sortir dans la rue et poser à au moins dix personnes, prises au hasard, la questions : ″ Pour vous, qu’est ce que la foi ?″ Ne donne pas trop d’explications. Note les réponses, commente-les, tires-en des conclusions.

4. Foi-confiance. Quels arguments ou preuves pour ou contre peux-tu apporter pour démontrer que la foi chrétienne n’est pas vécue aujourd’hui comme une réelle confiance en Dieu ? Essaie de trouver des faits de vie et non des idées. Puis, en t’appuyant sur ce que tu as pressenti, essaie de te présenter au banc de l’accusé. Quelles leçons en tires-tu pour ta vie ?

5. Foi-risque, foi-engagement. Rappelle-toi et partage avec un ami ou avec ta communauté, l’une ou l’autre difficulté que tu as rencontrée dans ta foi, dans ta situation de chrétien. Est-ce fréquent ou sporadique ? Te présentes-tu aisément

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comme chrétien, (ou comme marianiste) dans ton milieu de travail ? Comment le vis-tu ? Y a-t-il des milieux plus perméables à l’Évangile ? Lesquels ?

6. Le texte qui suit est un exposé clair et profond de certains aspects que suppose la foi de Marie. L’auteur présente la foi de Marie comme modèle de la foi de l’Église et de la foi de chaque chrétien. Prends le temps d’analyser le texte et essaie de l’appliquer à ta vie. Suivant ce que t’inspire ou t’enseigne ce texte, demande-toi comment tu pourrais intégrer la foi de Marie dans ta vie.

″ La foi de Marie est d’abord un acte d’offrande : “Me voici”. Puisqu’elle est toute grâce de Dieu, il est naturel qu’elle rende grâce à Dieu, dans l’offrande de tout son être. Ce mouvement est d’une pureté merveilleuse. La sobriété des mots fait encore éclater la splendeur de la grâce en elle.

La foi de Marie est ensuite un acte d’obéissance : “Je suis la Servante du Seigneur”. Marie entre dans le plan de Dieu, elle accepte la redoutable vocation de Fille de Sion, la fonction bouleversante de Mère du Messie. Elle n’accueille pas cette vocation comme une gloire pour elle, mais comme un service de Dieu. Avec ce service magnifique elle accepte aussi l’abjection d’une situation anormale : être une mère vierge, essuyer les critiques éventuelles de l’entourage et le mépris certain de Joseph, son fiancé. Tout cela est mesuré, accepté, accueilli, dans l’obéissance et le service de Dieu. La Servante du Seigneur ne discute pas, elle s’en remet à son maître.

La foi de Marie est enfin un acte de confiance. “Qu’il m’advienne selon ta parole” ! Après avoir été un instant perturbée par la salutation de l’Ange, Marie a consenti à sa maternité messianique ; elle n’a pas mis en doute les paroles de l’ange mais elle a simplement posé la question du comment de cette maternité, puisqu’elle ne connaît point d’homme. Enfin, lorsque l’Ange de Dieu lui révèle qu’elle sera

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comme l’Arche sous la Nuée lumineuse, que la Puissance du Très-Haut la prendra sous son ombre et qu’Élisabeth, par sa maternité, constitue un signe de la toute-puissance de Dieu, Marie acquiesce totalement à ces paroles et se met au service du Seigneur.[…] La foi de Marie est un fruit de la grâce et de la Parole de Dieu. Marie s’attache de toute sa confiance à la vérité des promesses du Seigneur.

Marie, mère des croyants, est figure de l’Église ; elle montre à l’Église le chemin de la foi, fruit de la grâce reçue dans la pauvreté, s’exprimant en un acte d’offrande, d’obéissance et de confiance en Dieu. L’Église ne peut vivre que de la foi et par la foi, sinon elle apparaîtrait comme une société religieuse dotée de plus ou moins de puissance temporelle pour étayer ses prétentions dominatrices. Et la foi de l’Église est, comme celle de Marie, offrande, obéissance et confiance ″.26

26 Max Thurian, Marie, Mère du Seigneur, Figure de l’Église, 90-91,95.

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MARIE, MERE ET MODELE DES CROYANTS …

Vierge Marie, mère et modèle des croyants,

je veux m’unir à tous ceux qui te proclament bienheureuse d’avoir cru.

Merci pour ta foi qui inaugure la Nouvelle Alliance

et nous ouvre à la présence et à l’action de Dieu. Merci pour ta foi

qui nous apprend à regarder la vie avec le regard de Jésus

et à partir du cœur du Père, à avoir confiance en l’amour et en la miséricorde de Dieu

et à annoncer résolument l’Évangile et le Royaume.

Aide-nous à dépasser notre incrédulité, notre superficialité et nos peurs.

Enseigne-nous à croire de tout notre cœur.

Fais-nous don d’une foi profonde, cohérente et fidèle comme la tienne,

pour que Jésus vive et croisse en notre cœur et que nous puissions

le rendre plus présent dans notre monde.

Amen !

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II. 3. Le chemin de la prière Prier avec Marie et comme Marie

La prière de Marie à Bethléem

La Parole de Dieu nous offre une scène de l’Évangile où nous pouvons contempler la prière de Marie : la naissance de Jésus à Bethléem. En Luc 2,1-9 se trouvent les données de notre recherche. La prière de Marie est source et modèle de toute prière chrétienne.

Joseph est monté de Galilée, de Nazareth, jusqu’en Judée à Bethléem…

Marie vit alors sa prière dans un contexte de déménagement, d’émigration, d’insécurité. Depuis qu’elle a accepté la proposition de Dieu, sa vie est changée : voyages imprévus, nouvelles localités, ouverture à l’inconnu. - La vie et la prière chrétiennes, c’est un peu pareil. Mais au

cœur de la vie et de l’inconnu il y a Dieu pour qui rien n’est impossible.

…pour s’inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Comme tout son être, la prière de Marie était ″ lourde de Dieu ″. Intériorité heureuse, attention à la vie qui croît en elle, émotion partagée avec le visiteur, fidélité au mystère de la virginité féconde, souci exclusif de l’être fragile qui se forme en elle. - Dans notre prière sommes-nous aussi ″ habités par

Dieu ″ ? Comment le vivons-nous ?

Arriva le moment d’être mère, et Marie donna naissance à son fils, premier-né. L’accouchement de Marie se fait prière, la prière de Marie se fait enfantement, mise au monde de Dieu. Et devant le petit enfant nouveau-né, il est naturel que le climat de la prière de Marie soit toujours fait de silence, d’action de

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grâce, de regard contemplatif, d’amour attendri, de louange au Dieu tout puissant. Si Dieu naît chaque jour, pourquoi notre prière n’a-t-elle pas ces caractéristiques ?

Elle l’a emmailloté… Protection maternelle, tendresse, délicatesse féminine. La prière de Marie sera toujours ainsi mêlée à sa vie : engendrer, donner naissance, protéger et soigner son fils. La prière suscite en Marie le sentiment d’être responsable et animatrice de la vie. La prière authentique affermit notre engagement en faveur de la vie et renforce notre action pour défendre les vies menacées et agressées.

… et l’a couché à l’abri dans une étable. Il n’y avait plus de place pour eux dans l’auberge. Pourquoi ? Pourquoi dans une telle pauvreté et parmi les animaux ? N’est-il pas le Fils du Très-Haut ? Ce sont bien les questions que l’on se pose devant la pauvreté et l’humiliation. Et ce seront les questions de la prière et de la foi de Marie durant toute sa vie. Et les questions qui habiteront la prière des chrétiens. Mais c’est seulement s’il y a recherche, obscurité et questions, que la foi est digne de Dieu.

Un messager du Seigneur dit aux bergers : n’ayez plus de crainte. Je vous annonce, pour tout le peuple, une grande joie. Aujourd’hui dans la ville de David, un libérateur est né pour vous. Marie priait lorsqu’elle était à l’écoute des bergers, lorsqu’elle leur montrait l’enfant, qu’elle se réjouissait de l’annonce faite aux humbles. Parce que toute prière chrétienne naît de la Bonne Nouvelle, et pousse à vivre en annonçant la Bonne Nouvelle.

Marie conservait ces choses et les méditait dans son cœur. Y a-t-il meilleure définition de la prière de Marie ? Vigilance constante, assidue, mémoire attentive, rumination sereine, réflexion cordiale… Pour être toujours mieux la Servante de Yahvé. Pour se consacrer davantage à la personne et à

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l’œuvre du fils. Pour s’ouvrir toujours plus aux dons de l’Esprit. Voie sure pour tout projet de prière chrétienne. a) Prier, c’est chercher Dieu

C’est le premier mouvement, la première attitude ; c’est clair. Parce que prier, avant d’être un temps consacré à Dieu ou un style particulier de relation avec Lui, est une option de vie, une option pour Dieu. Si je cherche réellement Dieu dans ma vie, la prière viendra toute seule ; elle sera comme un effet indispensable. Il me semble que poser le problème de la prière dans la vie chrétienne aujourd’hui, et notamment dans la vie des laïcs, c’est d’abord et essentiellement parler de vocation et d’option fondamentale dans la vie. La foi et la vie chrétienne sont-elles des options fondamentales dans ma vie ? Est-ce librement que j’ai choisi de suivre Jésus ? Est-ce que je veux vraiment être évangélisé ? Ma conversion me préoccupe-t-elle vraiment? La volonté de Dieu m’intéresse-t-elle ? Suis-je au clair avec mon insertion et mon engagement dans l’Église ?

Si la réponse à toutes ces questions est modeste mais clairement affirmative, ma prière trouvera des chemins d’expression. Si la réponse est ambiguë ou très dubitative, le thème de la prière restera coincé dans un cercle vicieux, dans la médiocrité.

Prier c’est chercher Dieu. Chercher sa présence, son nom, son visage, sa parole, sa volonté. Parce que Dieu, pour qui a la foi, est le Grand Inconnu et le Grand Nécessaire. Nous cherchons ce que nous n’avons pas, ce que nous avons perdu, ce dont nous avons besoin pour vivre, ce à quoi nous aspirons, ce qu’on nous a pris. Or Dieu à la fois est chacune de ces réalités et toutes à la fois. Nous cherchons l’ami dont nous avons la nostalgie. Le livre que nous désirons, la musique évocatrice, le coin tranquille, le sourire stimulant. Et Dieu, en toute légitimité, s’offre à nous comme chacune

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de ces choses et toutes réunies. Nous cherchons l’être aimé qui est parti, l’ami intime qui s’en est allé, le compagnon avec qui nous vivons tant de choses, le maître pour qui nous avons tant de vénération. Et Dieu est, à juste titre, chacun de ces visages recherchés et tous à la fois. La prière est l’expression concrète et quotidienne du désir du Dieu de notre vie. Dieu est le thermomètre de notre recherche, l’indicateur sûr de notre amour. C’est pourquoi, prier, c’est se tenir calmement devant la face de Dieu, le chercher et attendre qu’il nous montre son visage, qu’il nous dise sa parole, qu’il nous transmette son amour.

Prier c’est chercher Dieu, avec ardeur, avec espérance, avec bonheur, avec insistance, avec indignation, avec des reproches…, et surtout avec humilité et avec amour. Mettre dans cette recherche toute notre espérance et toute notre vie. Sachant, au plus profond de notre être, même si nous ne savons pas toujours l’exprimer en paroles et en actes, que Dieu est le grand trésor, le grand bonheur, le grand amour. Les images des psaumes, dans le cadre de cette recherche, sont très expressives : " J’ai cherché Yahvé et il m’a répondu. Il m’a délivré de ma

terreur" (34,5). " Comme le cerf altéré cherche la rivière, ainsi je te cherche, Dieu !

Mon être a soif de Dieu, le Dieu de la vie. Quand irai-je devant Dieu paraître devant lui ? " (42,2-3).

" De toi mon cœur dit : “Cherche ma face”. Moi, je chercherai ta face, Seigneur, ne me cache pas ta face ! " (57,8).

" Dieu, mon Dieu, c’est toi que je cherche. J’ai soif de toi. Ma chair t’attend sur la terre sèche, aride et sèche ! " (63,2). Chercher le visage de Dieu comme Marie. Désirer Dieu

comme Marie…

Il conviendrait de dire un mot des méthodes, styles, écoles, formules, attitudes, temps et lieux mais à un autre moment et dans un autre lieu. Ce sont de bons ingrédients

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pour la prière, des moyens concrets, des outils à utiliser, mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qui est essentiel, indispensable, c’est mon désir de chercher Dieu. S’il existe, les moyens et les outils seront profitables ; s’il n’y a pas une sincère recherche de Dieu, aucune méthode ne sera efficace. b) Prier, c’est demeurer avec Dieu

Ce n’est pas en vain que la définition de la prière de sainte Thérèse est devenue fameuse : " Prier, c’est passer des heures à parler d’amitié avec celui dont nous nous savons aimés." Cette définition est à l’image de la profondeur et de la justesse de la vie de la sainte. Mais elle implique une connaissance intuitive, fondamentale, pour comprendre le cœur de la prière : la connaissance intuitive de l’amitié, la connaissance intuitive de l’amour. Parce que prier c’est vivre l’amour, donner son temps à celui que nous aimons, sentir le besoin d’être avec celui qui a conquis notre cœur pour toute notre vie.

Et ici, je me permets de recourir à ce que, quelquefois, j’appelle la logique de la foi. C’est à dire le parallèle et l’analogie profonde qui existent entre nos expériences humaines et notre expérience de Dieu. Voici un exemple ; il provoque souvent chez mes amis laïcs le silence ou le sourire humble de l’incontestable : " As-tu un fiancé ou une fiancée ? Vous vous voyez pratiquement tous les jours, je suppose ? Pense à ton meilleur ami ou à ton amie intime : vous vous rencontrez fréquemment ; vous ressentez le besoin, l’envie d’être avec celui ou celle que vous aimez ? Que ressens-tu quand vous ne pouvez pas vous voir ? Quand vous êtes ensemble, mesurez-vous le temps ? Ne parlez-vous pas tous les jours des mêmes choses et avec les mêmes mots ? Le silence et le regard ne peuvent-ils pas aussi exprimer l’amour ? …

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Après cette reprise de conscience de l’expérience humaine de l’amitié et de l’amour arrivent les questions centrales : " Jésus est-il réellement ton ami ? Te plaît-il d’être avec lui ? Comment est ton oraison ? Combien de temps lui consacres-tu par jour ou par semaine ? "...

C’est simple, direct et efficace. On constate la grandiloquence mensongère de notre langage ou la tiédeur de notre amour pour Dieu ou pour Jésus. On ressent la nécessité de se poser sérieusement la question : est-ce que je veux être avec Dieu, avec Jésus ? si on veut que la prière soit au moins aussi spontanée, confiante, intime que nos rencontres avec nos êtres chers.

L’expression " demeurer avec Dieu " suppose d’autres lectures intéressantes pour arriver au cœur de la foi et de la prière. Sans développer le thème, voici quelques suggestions : Demeurer avec Dieu exprime l’intimité, le degré de confiance et de transparence qui doit exister entre moi et Dieu. Demeurer avec Jésus c’est vivre en disciple, à la suite du Seigneur. La Bible est riche à ce propos. Demeurer avec Dieu exprime le choix auquel on a abouti au terme d’un discernement et le rejet ou la mise à l’écart de ce qui n’a pas été choisi. Dieu est considéré comme la valeur suprême par rapport aux autres " dieux " de notre vie. c) Prier, c’est se laisser envahir par Dieu

Avançons d’un pas sur le chemin de prière de Marie. Souvent on comprend la prière comme un effort ascétique, comme un sacrifice, comme une activité fatigante. Certes, prier suppose qu’on ait laissé derrière soi d’autres choses pour essayer de chercher Dieu dans le silence et la tension amoureuse. Cependant la prière est avant tout communion à un Dieu qui est tout et contient tout, et qui communique sa vérité, sa bonté et sa beauté à ceux qui s’ouvrent à lui. Si dans nos pauvres expériences humaines, à travers le contact avec des

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personnes sereines, profondes et heureuses nous trouvons la paix, des horizons nouveaux ou de la satisfaction, que ne devons-nous pas espérer du contact et de la communion avec Dieu ? Dieu est amour, joie, justice, lumière, vérité, vie, paix, bonté …, tout ce vers quoi tend le désir le plus profond du cœur humain et que résume le mot bonheur. Prier, c’est se laisser envahir par le torrent intarissable de la vie et de l’amour de Dieu.

Jésus l’a annoncé et l’a promis : " Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi. Un fleuve d’eau vive jaillira de son cœur" (Jn 7,37-38). Et Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, fait une description profonde de la richesse du don divin. " Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père rayonnant, vous donne un souffle de sagesse qui vous dévoile sa connaissance, pour que, les yeux de votre cœur illuminés, vous sachiez quel espoir est son appel, la richesse de son héritage rayonnant parmi les saints, et pour nous qui faisons confiance, l’immense grandeur de sa puissance, suivant l’énergie de sa force vigoureuse " (Ep 1,18-19). " Que le Christ habite en vous par la foi pour que, dans l’amour enracinés et fondés, vous ayez la force de comprendre avec tous les saints largeur, longueur, hauteur et profondeur pour connaître l’amour du Christ, qui surpasse la connaissance, pour que vous soyez comblés de toute la plénitude de Dieu " (Ep 3,17-19).

La simplicité et l’admirable grandeur de Marie c’est d’avoir cru que Dieu voulait la combler de son amour et de sa grâce, qu’il voulait faire d’elle un canal de vie et de plénitude, et de s’être remise totalement à l’action de l’Esprit. Marie a su se faire " pure capacité de Dieu." C’est pour cela qu’elle chante avec gratitude : " Toutes les générations m’appelleront l’Heureuse, puisque pour moi le Puissant a fait des prodiges. Son nom est saint " (Lc 1,48-49). Sa prière n’a cessé d’être ouverture et soif, disponibilité et docilité. Et pour cela se reflètent en elle d’une façon incomparable la vie et

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l’amour de Dieu. En priant avec elle et comme elle, nous pourrons, nous aussi, faire l’expérience d’un Dieu grand qui veut nous communiquer la vie et le bonheur. d) Prier, c’est s’impliquer dans l’action pour Dieu et pour son Royaume

Dans la vie de l’Église et dans la présentation de la vie chrétienne on a très souvent opposé prière et action, comme si c’étaient deux réalités antagonistes, contradictoires, exclusives. Il me semble que cela révèle une fausse compréhension de la véritable prière et du travail pour le Royaume. Il n’y a pas de véritable prière qui ne nous implique dans un travail pour l’Évangile et pour le Royaume. il ne peut y avoir de vrai travail pour le Royaume s’il n’est accompagné par une prière authentique. La prière véritable naît de la vie et se termine avec la vie. Toute vie chrétienne authentique naît de la prière et conduit à la prière.

La vie chrétienne est une unité intégrée et intégrante, à laquelle président la foi et l’amour. Avec des aspects et des attitudes diverses, mais toujours en quête de synthèse, d’équilibre et d’harmonie. Quand on situe bien les choses, il ne peut pas y avoir d’opposition entre la prière et l’engagement chrétien, quelle que soit la vocation ecclésiale de la personne concernée, religieuse contemplative ou catéchiste urbaine, mère de famille ou patron catholique.

Prier c’est s’impliquer dans une action pour Dieu et pour le " Royaume de Dieu ", comme on appelle le projet de Dieu sur l’humanité, une humanité en laquelle tous les hommes et toutes les femmes se reconnaissent enfants de Dieu, s’aiment et se respectent comme tels et construisent un monde de justice et de paix. Ce projet est depuis toujours dans le cœur de Dieu. Il a été le grand axe de la vie de Jésus. Nous sommes confrontés avec lui lorsque nous entrons en relation avec le Dieu de ce Jésus et avec Jésus. Notre Dieu est et sera

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toujours le Dieu du Royaume, le Dieu qui appelle une humanité renouvelée et qui combat pour elle à travers ceux qui se sont mis à la suite de Jésus. Et le Royaume sera toujours le Royaume de Dieu, et non promesse de paradis terrestre idéologique, ou aventure réformatrice de quelque idéaliste se croyant investi d’une vocation messianique. Prier, c’est correspondre à ces grands intérêts de Dieu et de Jésus, qui nous invitent à les considérer dans notre cœur pour y engager ensuite toute notre vie.

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Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Le premier thème de réflexion personnelle ou de dialogue en groupe est la relation entre ta foi, ta vocation chrétienne et ta prière. Repose les questions du paragraphe “Prier, c’est chercher Dieu” et essaie d’y répondre avec sincérité, en situant bien le thème de la foi. Qu’est ce qui apparaît clairement ? À quelles conclusions pratiques peut-on arriver ?

2. Parlons de prière. Dans ta vie il y a des expériences variées de prière. Essaie de te les rappeler suivant les moments, les circonstances, le vécu, les dévotions… Tout cela parle de ta foi et de ta prière aujourd’hui. Comment priais-tu lorsque tu étais enfant et adolescent ? As-tu participé à quelque retraite, atelier de prière ou séminaire de prière ? Raconte ton expérience.

3. Fais une analyse et une évaluation honnêtes de ta prière aujourd’hui, comme si tu aidais un ami à le faire. Considère quand, où, comment et combien d’heures tu pries. As-tu une méthode particulière ? Pries-tu mieux seul ou en compagnie ? Qu’est-ce qui t’aide à prier ? Qu’est-ce qui te gêne ou fait obstacle à ta prière ? Qu’est ce que tu retires normalement de la prière ? Quelle est l’évaluation objective de ta prière : valeur, causes, solutions… ?

4. Nous avons abordé plus haut quatre formes de prière. Reviens-y seul ou en groupe. Laquelle t’a fait réfléchir et qui peut t’aider le plus à mieux prier ? Quelles sont celles que tu n’avais jamais pratiquées et quelle est celle qui t’est la plus familière ? Comment un laïc d’aujourd’hui doit-il situer sa prière pour grandir dans la prière et ne pas se sentir frustré ?

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5. La prière de Marie et ta prière. Qu’est ce qui t’attire le plus dans la prière de Marie ? Quelles attitudes de Marie ou quels aspects de sa prière te paraissent les plus importants ? Comment pouvons-nous l’imiter ? Cela a-t-il un sens de prier avec Marie et comme Marie ? Comment Marie peut-elle aider aujourd’hui un laïc à prier avec sa vie et son travail ?

6. Suit un texte sur la prière dans la vie marianiste. Il aide à situer la prière plus près de la vie, à comprendre que la prière humanise. Il ouvre des horizons, donne des pistes, pose des questions, lance des défis. Lis-le, réfléchis, commente, partage.

*** La prière du marianiste se situe dans la vie, c’est à dire, dans

sa réalité personnelle, dans l’intériorité, dans le temps et dans l’histoire ; dans la vérité et dans le don généreux, dans l’intuition et dans l’engagement […]. La prière biblique, nous aide à prendre la vie dans nos mains, jusqu’à ce qu’elle soit peu à peu transfigurée par l’amour ; ainsi les événements à tout moment de notre vie se trouvent immergés dans la lumière de l’Écriture et orientés vers le bien. On entre alors dans la vie de prière.

La prière peut déshumaniser la personne et peut la mettre aussi sur le chemin d’une riche qualité humaine. La déshumanisation se produit quand, dans la prière on déprécie le corps, la matière et les réalités terrestres de la création ; on en arrive alors au solipsisme, à l’égocentrisme, à la fuite de la réalité sociale […]. Au contraire, l’homme se construit et se réalise pleinement quand la prière développe dans la personne le dialogue, la rencontre, la purification, la vérité, l’ouverture aux autres, la dimension communautaire et sociale, l’amène progressivement à se transcender et à vivre une entière solidarité.

Vivre en marianiste, cela s’apprend aussi. Cette forme de vie ne s’acquiert bien que quand prière et vie se rejoignent ; quand la Parole se fait vie en nous ; quand se réajustent constamment nos valeurs, nos critères et nos attitudes au mode de vie de Jésus. La

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Parole de Dieu nous enseigne et nous fait vivre. Comment la faire entrer dans notre projet de vie ? Comment arriver au sens et à l’espérance à partir de la Parole pour naître et mourir, pour aimer et se donner, travailler et profiter du plaisir de vivre? Comment marquer notre spiritualité par l’Écriture et comment lui donner une place privilégiée dans la prière ?

La vie marianiste a besoin de grands orants, d’hommes et de femmes heureux de vivre et de contempler, qui parlent au nom du Seigneur sans avoir besoin de le nommer, qui sont décidés à ne mettre sur leurs lèvres aucune parole qui ne soit celle de Dieu (cf. Dt4,24 ; 6,15). Ces paroles ne sont autres que la Parole ; avant d’être sur leurs lèvres, elles doivent être dans leur cœur, et, pour les prononcer, il faut supplier que le Seigneur soit sur nos lèvres, pour que la proclamation soit empreinte de dignité. Pour y parvenir, il faut cheminer dans la prière : commencer par nous laisser embraser par le feu de l’amour, l’alimenter constamment par le cri d’une prière jaillie du cœur : “Viens, Seigneur Jésus !” (Ap 22,20) et finir par incendier les autres du même amour ".27

27 José María Arnaiz, la Parole se fait vie.

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MARIE, APPRENDS-NOUS A PRIER !

Vierge Marie, toi qui as toujours cherché le visage de Dieu,

toi qui as désiré comme personne sa présence et son amour,

toi qui as vécu une prière et une vie engagée, nous venons te demander de nous apprendre à prier.

Que nous sachions chercher avec joie et générosité les moments d’intimité et de dialogue avec Jésus.

Que nous sachions nous abandonner avec la même docilité que toi

à l’action de l’Esprit Saint en nous.

Que nous sachions faire entrer notre prière dans la vie

et amener notre vie et la vie du monde dans la prière.

Fais-nous don de ta profondeur, de ta foi et de ton amour,

pour que nous puissions chanter avec toi et avec l’Église

les merveilles du Tout Puissant et sa miséricorde.

Amen !

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II. 4. Le chemin de réflexion et la vie Regarder et discerner comme Marie

Marie aux noces de Cana

Pour éclairer notre réflexion, nous avons choisi une scène de l’Évangile : les noces de Cana (Jn2,1-12). Ce récit est souvent commenté par les exégètes, qui y découvrent Marie comme Femme, figure de l’Église, Fille de Sion, animatrice de la communauté des disciples, collaboratrice de Jésus dans la Nouvelle Alliance…28. Quant à nous, nous allons chercher dans le récit comment Marie fait face à la réalité.

Dans l’épisode des noces de Cana, Marie nous est montrée comme quelqu’un qui participe à la célébration de l’amour humain. Marie est invitée à la fête et elle y prend une part active. Elle connaît le projet des jeunes de former une famille et elle les y encourage par sa présence. Elle est sensible à une réalité aussi intime que l’amour humain et l’encourage avec joie. Pas l’ombre d’une réticence, d’une excuse, d’une crainte. Rien que soutien, encouragement et participation.

A Cana, Marie se joint à une fête populaire. Elle ne fuit pas les occasions de célébrer la vie, une vie qui s’exprime dans l’amour. Marie valorise la vie, se réjouit de la vie, rend grâce pour la vie et la chante. Et nous pouvons imaginer Marie cordiale, enthousiaste, joyeuse et communicative, chantant, dansant, assurant les jeunes mariés de la part qu’elle prend à leur joie.

28 Voir un commentaire détaillé d’Ignacio Otaño, Marie, Femme de foi, Mère de notre foi, Service des Publications Marianistes, Madrid, 1996. De même l’analyse détaillée de A, Serra dans l’article “Bible” du Nouveau Dictionnaire de Marialogie, Ed. Pauliniennes, Madrid, 1988.

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A Cana, Marie manifeste son observation attentive à la réalité et sa sensibilité devant les problèmes des autres. Personne avant elle ne s’est rendu compte que le vin commençait à manquer. Elle repère tout de suite l’inquiétude dans le regard du maître de cérémonie et dans les gestes d’impuissance des parents. Et Marie ressent le problème comme le sien propre, s’en émeut, veut aider et collaborer.

A Cana, Marie est un exemple de discrétion et de décision. Comme il est facile de céder à la tentation du commentaire et à la critique voilée devant une faute humaine ou une imprévoyance ! Il est si naturel de se lamenter, d’ironiser ou de témoigner une compassion stérile. Marie sent qu’elle peut faire quelque chose. Elle prend la mesure des moyens disponibles pour venir au secours des époux et elle agit. Elle sait ne rien pouvoir par elle-même, mais elle croit savoir que quelque chose peut se faire et à qui elle doit recourir.

A Cana Marie montre sa confiance en Jésus. Elle-même ne peut rien mais lui peut. Si Marie perçoit l’embarras et éprouve le désir d’aider comment son fils ne le ressentirait-il pas ? Lui, en plus, dispose de moyens… Plus d’une fois elle l’a entendu parler de confiance en un père bon et qui n’abandonne pas ses enfants. Sans le savoir, elle est en train d’anticiper ″ l’heure ″ et la manifestation de Jésus.

Marie et la réalité

L’attitude devant la réalité est un des signes les plus probants de la profondeur et de la maturité d’une option chrétienne. La réalité est toujours là, complexe et conflictuelle, difficile à déceler et plus difficile encore à changer. La réalité est ma vie et la vie de ceux qui m’entourent ; elle est l’actualité de mon peuple et de mon pays ; elle est la tendance politique et philosophique sous-jacente au système économique ; elle est le problème écologique et la

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progression de la drogue ; elle est l’informatisation et l’avancée humaine dans l’espace, et la faim scandaleuse et insultante de tant d’Africains ; elle est la culture qui nous façonne et nos efforts pour l’infléchir. La réalité… nous pouvons essayer de la nier, de lui échapper, la déguiser ou la condamner, elle revient cependant toujours à la surface, nous lançant des défis et nous interpellant. Je vis immergé dans la réalité même si je m’en distingue. J’y suis à la fois comme objet et sujet. Et pourtant, malgré tout, Dieu me parle, m’aime et m’attend au cœur de la réalité.

Marie aussi vit la réalité, sa réalité. Avec des données différentes des nôtres mais avec des effets similaires. Marie aussi sent la dureté de la réalité, ses assauts imprévus, ses dimensions à l’évidence très vastes. Mais il est en elle des sentiments plus profonds que le désarroi, la désespérance ou l’impuissance. Marie vit la confiance inébranlable que la réalité et l’histoire n’échappent pas des mains de Dieu. Elle est convaincu de ce que Dieu a voulu compter sur elle pour améliorer le monde. Que, à travers la réalité, Dieu lui parle et l’appelle. Son oui à Dieu implique qu’elle affronte la réalité avec foi, espérance et en s’y engageant.

Comme Marie, je dois assumer ma réalité en me comportant de manière adulte et évangélique. Recherche d’une information objective et recours à des statistiques et à des données fiables. Analyse des tendances, des mentalités et des orientations de la culture. Etude d’auteurs marquants et lecture d’œuvres ou d’articles éclairants. Participation à des groupes, à des cours ou à des séminaires sur la réalité du monde. Formation à un sens critique mûr et à la conscience de devoir s’engager et participer. Connaissance et étude de la doctrine sociale de l’Église et de son actualisation. Sensibilité attentive et solidarité active. Courage pour défendre les valeurs chrétiennes dans n’importe quel milieu. Confiance dans

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l’avancement mystérieux du Royaume et décision de combattre pour lui. Croire ou penser ? Foi ou raison ? La synthèse de Marie et la nôtre

Croire ou penser ? Tension que tout le monde ressent, et a toujours ressenti. Option fondamentale et difficile à laquelle nous ne savons pas toujours nous résoudre. Si je me décide à croire, dois-je renoncer aux ressources de mon intelligence et aux conclusions de ma raison, aux thèses laborieusement élaborées par la science et à la riche sagesse de l’expérience et du bons sens commun ? Dois-je pénétrer sur un terrain dominé par le mystère et une volonté de Dieu que je ne connais pas, où les seules réactions demeurent la crainte, l’incertitude et la résignation ? Si je me décide à penser, il m’est difficile d’accepter certains dogmes de foi, je résiste à accepter le mystère du mal et de la mort, je ne peux accepter le passage du Christ par l’humiliation et l’échec, je me rebelle devant l’injustice du monde et le silence de Dieu, j’ai peur devant un au-delà inconnu. Si je crois seulement, une voix intérieure me dit : " Dieu t’a donné une raison pour que tu t’en serves ! " Si je raisonne seulement, j’entends une autre voix m’avertir : " Tu ne te rends donc pas compte que la raison n’expliquera jamais tout et que pour vivre tu as besoin de la foi ? "

Marie aussi a vécu cette incertitude, et durant toute sa vie. Elle ne pouvait douter de la première annonce de Dieu mais bien des fois elle lui a paru être un rêve. Tout était si routinier, si insupportablement humain ! Il est très difficile de croire quand Dieu se cache dans un silence si obstiné ! Mais Jésus était là. Elle savait qu’il n’était fils que de Dieu et d’elle. Elle croyait en lui et l’aimait de tout son cœur et de toutes ses forces. Et puis, pourquoi penser, raisonner et écouter la sagesse des anciens ? Pourquoi se soumettre aux préceptes

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d’une tradition sensée et fermée? Si la présence de l’Esprit était éblouissement et vertige, elle était plénitude et extase. En cela consiste le chemin de la foi de Marie et sa maturité. Avancer sur ce chemin de sa vie avec toute la force de sa sensibilité, de son intelligence et de sa vitalité, mais avec la conscience de sa petitesse, de son ignorance et de ses limites. Croire et garder sa parole et sa fidélité à Dieu, même sans comprendre, sans recevoir de preuves ni de signes. Faire une synthèse entre foi et raison, non à travers un raisonnement brillant mais dans la routine et la simplicité de la vie. Penser parce que le Dieu de la foi le lui demandait. Croire parce que le Dieu de la vie le lui indiquait. C’est cela la synthèse de Marie, sobre et profonde, douloureuse et sereine, laborieuse et libératrice, avec ombres et lumière, renoncements et espérance, humilité et abandon. Notre synthèse, comment est-elle ? Marie, femme de son peuple

Marie nous est présentée comme une femme du peuple et comme une femme de son peuple. Marie observe et discerne à partir de son vécu, de la routine et de la monotonie des jours qui passent, de l’écho, en elle, des préoccupations sociales et politiques de son peuple et de la manière de réagir au milieu de tout cela par sa foi et son abandon à Dieu. Tout cela modèle son profil et sa réponse.

Il me paraît important de faire apparaître maintenant la figure de Marie comme femme de son peuple. Je relis pour cela quelques lignes qui ont déjà quelques années mais qui n’ont rien perdu de leur vigueur et peuvent nous servir à comprendre et à mieux apprécier cet aspect de la personnalité de Marie.

" Marie est femme de son peuple parce qu’elle accepte et vit la réalité de tant d’autres femmes juives de son époque. Sans prétention et sans amertume : elle fait la lessive, le ménage,

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prie, chante, souffre et espère comme elles. Elle attend son époux qui revient du travail, veille sur son fils qui vacille en risquant ses premiers pas. Elle se réjouit de la visite de parents et pétrit le pain pour l’aïeule Anne. Préoccupée quand Joseph n’a pas assez de travail, elle s’efforce de faire en tout son bon plaisir. Elle garde les enfants de la voisine et se fait belle pour le mariage de sa cousine. Marie jeune, Marie épouse. Marie voisine. Marie maîtresse de maison. Marie mère. Marie amie. Marie veuve, peut-être, et seule…

Marie est femme de son peuple parce qu’elle partage les peurs et les frustrations des autres femmes, leurs illusions et leur espérance d’un avenir meilleur, leur fierté nationale et leur révolte contre un dominateur tout-puissant. Comme les gens de son peuple, elle porte l’empreinte d’une histoire difficile et d’un futur incertain, de l’échec et de l’espérance, du malheur collectif d’être infidèle à Dieu et de l’orgueil d’être le peuple choisi par Yahvé.

Marie est femme de son peuple, parce qu’en elle se concentre l’espérance séculaire du Sauveur. Des générations et des générations sont passées qui ont entendu l’annonce, par les prophètes, des temps messianiques, de l’apparition du Fils de David, de l’arrivée du Soleil de justice venant d’en haut… Dans le cœur simple et immense de Marie, cette espérance s’est faite désir ardent, supplique insistante, offrande totale. Marie représente et symbolise tout le désir de Dieu qui bat dans le cœur de l’humanité. Elle est la femme ouverte à la vie et à la fécondité de Dieu.

Marie est femme de son peuple parce qu’elle se sent proche des pauvres, des humiliés, des oubliés, des malades. Comme on aime à voir en Marie une personne attentionnée et empressée, zélée pour ses frères marginalisés, sensible à la solitude et à la tristesse, portant à chacun une parole de réconfort, un sourire d’espérance, un geste de service ! En

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Marie commence à briller l’aurore d’un Dieu qui prend le parti des pauvres, juste pour ceux qui ont souffert l’injustice, riche pour ceux qui sont accablés, écrasés par leur pauvreté. En Marie la lutte pour la dignité de l’homme et de la femme aboutit et l’effort pour la justice se fait chemin, la construction d’un monde fraternel et pacifié devient sûre et certaine ".29 Le chemin du discernement

L’effort pour découvrir la volonté et les chemins de Dieu dans nos vies, nous l’appelons discernement.

On ne peut prétendre parcourir un chemin chrétien de croissance et de fidélité, un chemin d’authentique engagement et d’approfondissement, sans discernement.

Parce que le discernement est recherche de la réalité, regard attentif sur le réel et sur Dieu qui nous parle à travers lui.

Il est attention à l’Esprit du Seigneur, qui nous guide vers la vérité et nous inspire le bien.

Il est sincérité et honnêteté pour distinguer les motivations authentiques des impulsions trompeuses.

Il est étude et examen de ma vie et de mon histoire, pour découvrir en elle les pas et les traces de Dieu.

Le discernement est différent du pressentiment, de l’intuition, du sentiment ou de la dépendance de l’opinion des autres, même s’il passe aussi par le chemin du cœur et par la recherche de conseils.

C’est l’examen du pour et du contre dans une action. C’est l’analyse de mes motivations. C’est l’étude de la réalité, de son évolution et de ses

tendances.

29 Manuel Madueño, Forts dans la foi.

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C’est un examen minutieux et un jugement prudent avant tout choix important.

Il est décision mûrement pesée et libre. Il est demande de conseil et ouverture à la lumière des

frères. Il est prière ouverte à l’inspiration de Dieu. Le discernement est une exigence essentielle dans une vie chrétienne sérieuse et un défi qui ne peut être remis à plus tard pour la communauté ecclésiale tout entière. Dans l’Église on a longtemps refusé à certains le privilège et le défi de décider par eux-mêmes et donné à d’autres, avec trop de confiance, la direction des vies et des consciences. Cela est vrai aussi bien pour les laïcs que pour les religieux, pour le fidèles de la base du peuple de Dieu que pour les membres de la hiérarchie. On a vécu, les uns, dans une soumission infantile, une dépendance exagérée de ce que les autres décidaient pour eux ; les autres, très imbus de leur autorité, tout à fait à l’aise dans leur paternalisme, très attachés à leurs schémas de pouvoir et de décision. Je crois que nous sommes en train de sortir de cette époque, qu’il y a une conscience plus claire de la nécessité d’assumer, avec maturité et indépendance, toutes nos décisions, de chercher la vérité ensemble, avec simplicité et esprit de partage. Mais nous demeurons encore craintifs et boiteux, imprégnés d’un cléricalisme et d’un paternalisme dont il nous faut sortir. Personne dans l’Église n’a le monopole de la vérité, même si nous devons chercher, dans certains cas, des interprètes autorisés de la volonté de Dieu ou les chemins de l’Esprit. Mais le risque de se tromper après avoir cherché la vérité avec honnêteté sera toujours préférable à la commode tranquillité de celui qui se soumet sans penser ou de celui qui obéit sans réfléchir. Jésus a promis son assistance et son Esprit à toute l’Église, à tout le peuple de Dieu, et c’est dans ce

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peuple, et avec la participation organique de tous, que nous devons chercher et discerner la volonté de Dieu.

Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Prends un moment de réflexion et de prière sur le passage de l’évangile des noces de Cana, à la lumière du paragraphe “ Marie aux noces de Cana” (ci-dessus). Quel est l’aspect que tu as préféré et qui te motive le plus ? En quoi aimerais-tu ressembler à Marie ? Avec quelle situation de ta propre vie pourrais-tu comparer cette scène ? Comment l’appliquer ?

2. La réalité, ta réalité ? Quels aspects de ta réalité te préoccupent le plus ? Essaie de passer en revue tous les milieux que tu fréquentes. Comment la réalité t’influence-t-elle ? Quelles sont tes attitudes les plus fréquentes devant la réalité ? Comment vas-tu les transformer en attitudes évangéliques et mûres ?

3.Comment ressens-tu dans ta vie l’apparente antinomie entre raison et foi ? Quels sont les symptômes, quelles difficultés en résultent ? Comment as-tu essayé de les dépasser ? Que penses-tu pouvoir faire concrètement pour

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arriver à une synthèse plus profonde entre ta pensée et ta foi ?

4. Marie nous est présentée comme une femme de son peuple ; revois sous quels aspects. Te considères-tu comme une personne de ton peuple ? En quoi oui, en quoi non ? Et ta communauté - ton groupe - est-elle proche ou éloignée des inquiétudes et des problèmes du peuple ? Marie, que peut-elle nous enseigner et comment le vivre ?

5. Le discernement. Comment l’as-tu expérimenté dans ta vie jusqu’à ce jour ? Quels aspects signalés dans le paragraphe qui y est consacré ci-dessus te sont familiers et qu’est-ce qui est nouveau pour toi ? Comment être sûr de la volonté de Dieu sur moi? As-tu fait, ou fais-tu, l’expérience d’un accompagnement spirituel ?

6. Que penses-tu de la soumission, de la liberté et de la dépendance dans l’Église ? Comment les as-tu vécues et comment les vis-tu aujourd’hui ? Quels sont les obstacles et les problèmes que tu rencontres ? Te considères-tu comme un laïc dépendant ou capable de décision propre ? Dans ton milieu ecclésial ou marianiste, indique quels sont les symptômes de dépendance et les signes de décision libre.

7. Analyse, seul ou en groupe, le texte suivant de Paul VI, qui décrit les aspects profonds et actuels de la personne de Marie. Lesquels te paraissent les plus applicables à ta vie, à ton engagement, à la spiritualité marianiste ?

″La femme d’aujourd’hui, désireuse de prendre part au

pouvoir de décision et aux choix de la communauté contemplera avec une joie intime Marie qui, dans son dialogue avec Dieu, donne son consentement actif et libre non pas à la solution d’un problème contingent, mais à

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“l’événement des siècles”, comme a été justement dénommée l’Incarnation du Verbe.

Elle constatera avec une joyeuse surprise que Marie de Nazareth, tout en étant totalement abandonnée à la volonté du Seigneur, ne fut pas du tout une femme passivement soumise ou d'une religiosité aliénante, mais la femme humble qui ne craignit pas de proclamer que Dieu est celui qui relève les pauvres et les opprimés et renverse de leur trône les puissants du monde (Lc 1,51.53).

Elle reconnaîtra en Marie la femme forte qui connut la pauvreté et la souffrance, la fuite et l’exil (Mt 2,13-23), situations qui ne peuvent échapper à l’attention de celui qui veut seconder, par esprit évangélique, les forces de libération contenues dans l’homme et dans la société.

Et elle ne se la représentera pas comme une mère jalousement repliée sur son divin fils, mais comme la femme qui, par son action, favorisa la foi au Christ de la communauté apostolique (Jn 2,1-12), et dont le rôle maternel s’étendit en prenant au Calvaire des dimensions universelles.

La figure de la Vierge ne déçoit aucune des attentes profondes de l’homme de notre temps, et leur offre un modèle achevé de disciple du Seigneur : artisan de la cité terrestre et temporelle, mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours aux nécessiteux. Mais, par dessus tout, témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les cœurs ″.30

30 Exhortation Apostolique Marialis Cultus.

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POUR DISCERNER LA VOLONTE DE DIEU …

Vierge Marie, femme de ton peuple et Dame du discernement,

nous te rendons grâce pour ton ouverture à la réalité

et pour le chemin admirable de ta foi.

Nous te rendons grâce parce que tu as su chercher et trouver Dieu

sur les sentiers de la vie et de l’histoire.

Apprends-nous à connaître et à vivre notre réalité avec un regard attentif, un cœur sensible

et une âme généreuse.

Apprends-nous à chercher la vérité et le bien en usant de notre intelligence

et ouverts à la lumière de la foi.

Apprends-nous à partager, à souffrir et à célébrer avec notre peuple.

Apprends-nous à pratiquer un authentique discernement.

Que nous sachions assumer le défi de notre liberté et être ouverts aux inspirations de l’Esprit.

Que nous cherchions toujours, en frères, la volonté de Dieu

et la mettions en pratique avec amour et fidélité.

Amen !

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II. 5. Connaître Marie Connaître Marie : chemin de vie

La connaissance de Marie nous conduit à la maturité humaine ; elle est chemin de vie chrétienne et de vie marianiste. La personne de Marie, ses attitudes devant la vie, son expérience de disciple, sa vie à la suite de Jésus et sa mission maternelle dans l’Église sont un don de Dieu et une voie sûre de fidélité. Et comme tout don de Dieu, celui-ci doit être approfondi, apprécié, vécu dans la reconnaissance. Il ne s’agit cependant pas d’un simple effort intellectuel mais d’une participation à la connaissance du mystère de Jésus ; elle relève donc, comme telle, du domaine de la grâce, de la communication de la vie et de l’amour de Dieu.

La connaissance de Marie est une lumière qui éclaire le sens de la vie humaine et nous aide à sortir des ténèbres de l’ignorance et de la confusion.

Connaître Marie c’est comprendre l’idéal d’équilibre et de maturité auquel nous sommes appelés et se le laisser d’autant plus attirer par son acquisition.

Connaître Marie, c’est s’approcher de la vérité de Jésus et peu à peu incorporer à notre vie la force libératrice de cette vérité.

Connaître Marie c’est donner à notre existence la capacité d’accueillir le mystère du salut à l’inauguration duquel elle a participé, dont elle a vécu, et qu’elle continue à offrir au monde en tant que mère. Rendre à la connaissance son visage humain

Nous avons intellectualisé à l’excès la signification de la connaissance. Bien souvent connaître est un quasi privilège des intellectuels et des spécialistes ou de ceux qui ont accès à l’information la plus actualisée. Dans les domaines

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économique, politique et stratégique, connaître équivaut à pouvoir et garantie de domination sur les personnes et les groupes. Nous faisons de la connaissance quelque chose de privé, de réservé, presque le privilège d’une nouvelle classe sociale. Nous sommes en train de creuser un nouvel abîme entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre les peuples cultivés et les peuples ignorants. Or c’est là un chemin périlleux, sans retour. La connaissance est beaucoup plus que cela : elle est ou devrait être un chemin ouvert à tous de dépassement individuel et collectif. Car la connaissance est une des manières que nous avons de " ressembler à Dieu " et cela, Dieu lui-même nous en a doté. Pour mener notre vie conformément à sa volonté, nous avons besoin d’intelligence et de cœur pour étudier la vie et contempler la nature, nous avons besoin d’intuition et de capacité d’admiration, il nous faut avoir faim de beauté et d’empathie avec notre peuple, de sensibilité historique et d’ouverture humble à la sagesse de Dieu.

Connaître c’est avancer dans la compréhension du sens profond de la nature et de l’histoire.

C’est regarder avec intérêt et respect le mystère de chaque personne.

C’est être étonné par la pureté des yeux d’un enfant et par la beauté d’une fleur, par la majesté d’une nuit étoilée et par l’immensité de la mer.

C’est sentir la joie ou la tristesse dans le regard de l’être aimé.

C’est deviner la sagesse et la mémoire d’un peuple qui souffre et qui lutte.

C’est savoir trouver dans la nature et dans l’histoire les clés d’interprétation de notre propre vie et de la marche de l’humanité.

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C’est abandonner définitivement la suffisance de la raison toute puissante et s’ouvrir avec simplicité à la vérité qui jaillit du cœur et de la foi.

Or nous trouvons tout cela quand nous nous faisons proches de Marie, quand nous essayons de regarder la vie avec les mêmes yeux qu’elle et que nous voyons les personnes comme a fait Marie.

En connaissant Marie nous connaissons à la fois Dieu et la personne humaine

Marie est comme un carrefour entre Dieu et les hommes. Après Jésus, elle est le visage qui ressemble le plus à Dieu et qui reflète le plus clairement la réalité profonde de l’être humain. Voilà pourquoi connaître Marie est un chemin de sagesse. En Marie nous voyons le visage de Dieu.

Ce Dieu qui a voulu laisser de lui-même, dans la nature et dans les manifestations multiples de la vie, des vestiges, des empreintes, des images et des signes de lui-même. Ce Dieu qui a voulu faire de la personne humaine une synthèse de la création, un vrai microcosme et un reflet de sa vie même. L’homme est à l’image et à la ressemblance de Dieu dans son intelligence et dans sa capacité de modifier la nature, de dialoguer et de vivre en société, dans sa liberté et dans sa capacité d’aimer. L’homme est à l’image et à la ressemblance de Dieu, quand, dans sa vie et dans son histoire, il ressent la nostalgie de la plénitude et tente de la façonner dans ses aspects les plus riches : la vérité et la beauté, la justice et la solidarité, le bien et le bonheur. Marie nous permet de regarder cet abîme insondable qu’est le mystère et la plénitude de Dieu. Elle est le reflet clair et profond de la vie de Dieu. Contempler la bonté et la beauté de Marie, sa transparence et son équilibre, son amour et sa

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générosité, c’est contempler un modèle bien petit mais fiable de la grandeur et de la perfection de Dieu. En Marie nous entrevoyons les traits du visage et du cœur de Dieu

… des traits que ne révèlent pas les applications de la science ni les déductions de la philosophie. Ainsi, Dieu est transcendant mais aussi plus intime à nous-mêmes que nous mêmes ; il est éternel, mais sa présence est latente dans la vie et à chaque instant de notre existence ; il est immuable, mais il vit en lui-même, pour ses enfants, le mystère et l’alternance de la souffrance et de la joie ; il est tout-puissant, mais il a voulu connaître et expérimenter la fragilité et la faiblesse ; il est immense, mais il s’est enfermé dans les étroites limites d’un corps, d’une vie humaine, d’une époque et d’un petit pays. Et cet envers mystérieux du Dieu très-haut nous est révélé dans la vie et le cœur de Marie. En Marie nous connaissons la personne humaine

… parce qu’en elle apparaissent, limpides et transparents, les traits de l’être humain. Le beau et le noble, le profond et le simple, l’héroïque ou le quotidien de la vocation humaine se trouvent en Marie et ont été vécus par elle. Tout le côté fragile, éphémère et limité de la condition humaine se trouve aussi en Marie et traverse son expérience de femme et son cœur de mère du peuple de Dieu. Marie a aussi été confronté aux aspects douloureux, amers et erronés de la vie des hommes ; elle a souffert pour Jésus et avec Jésus et elle s’est unie à son offrande au Père pour tous les hommes et les femmes de l’humanité. En Marie, les hommes et les femmes de toutes les époques peuvent trouver un reflet stimulant de leur réalité et ils peuvent recevoir d’elle un élan pour aller de l’avant, dans l’espérance. En Marie nous admirons toutes les

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possibilités de l’être humain ainsi que leur équilibre harmonieux. En Marie sont contenus et s’expriment tous les rêves et les attentes de l’humanité, tous les efforts de maturation de la personne et de construction de la société. En Marie peuvent se retrouver tous les âges, toutes les races, toutes les situations. Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Que penses-tu de la connaissance dans ta vie : comment l’as-tu comprise et comment la comprends-tu aujourd’hui ? Revois le dernier " Exercices pour la route ". Es-ce que tu tiens compte de tous ces aspects ? La connaissance peut-elle séparer les personnes et les peuples ? Que peux-tu - que pouvons-nous - faire pour humaniser davantage notre connaissance ?

2. La connaissance de Marie est chemin de maturité humaine, de vie chrétienne et marianiste. Es-tu d’accord avec cette phrase ? Essaie de l’analyser et de bien la maîtriser. Dans des circonstances très concrètes, en quoi cela peut-il t’aider sur le chemin de ta vie de connaître Marie ?

3. Le document de Puebla nous dit : " Marie est la présence sacramentelle des traits maternels de Dieu. " Comment comprends-tu cette phrase ? Dans quel sens la connaissance de Marie peut-elle nous aider à mieux connaître Dieu ? Quels traits de Dieu trouves-tu le mieux reflétés en Marie ?

4. Pourquoi disons-nous que Marie nous aide à mieux connaître la personne humaine ? Essaie d’énumérer les aspects de la personne humaine qui, selon toi, se reflètent le mieux en Marie ? Pouvons-nous aussi trouver en Marie ce qui et indigne et ce qui est faux dans la condition humaine ? Sens-tu ta propre vie représentée, reflétée, dans celle de Marie ? Comment ?

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… CONNAITRE DIEU ET L’HOMME COMME TOI

Vierge Marie, chemin de sagesse et de connaissance, nous venons te présenter nos difficultés

à connaître le vrai visage de Dieu et la réalité profonde de chaque être humain.

Libère-nous de la superficialité et des préjugés, du rationalisme et de la tromperie des apparences.

Aide-nous à te contempler avec simplicité pour découvrir en toi

le chemin de la vraie connaissance.

Aide-nous à trouver un regard pénétrant et lucide,

pour connaître la vraie sagesse cachée en Dieu et découvrir la vérité

recelée en chaque être humain.

Que nous nous engagions à chercher la vérité, à la défendre et à témoigner d’elle.

Que, connaissant Dieu et l’homme comme toi, nous fassions de notre vie un don d’amour au Père

et un service permanent pour nos frères.

Amen !

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II. 6. Marie nous apprend à connaître Jésus Marie, visage et image de Jésus

De même que Jésus est reflet et image du Père, Marie est reflet et image de Jésus. Si Jésus est l’Homme nouveau et résume en lui tout ce que tout homme ou femme est appelé à être dans le plan de Dieu, Marie est la femme nouvelle, qui incarne l’idéal de la personne jaillie du mystère de la Rédemption. En suivant son Dieu et son fils dans un amour total, Marie a acquis les traits et les attitudes profondes de Jésus. De la même manière que Marie a éduqué Jésus et lui a transmis tout ce qu’elle était, vivait et avait, Jésus a formé Marie comme disciple, à sa suite, comme la première chrétienne, comme le premier membre du peuple de Dieu. L’Esprit de Jésus rencontra en Marie une docilité insurpassable et une collaboration intelligente et active qui peu à peu a développé en elle les traits de la nouvelle créature, modèle et mère des sauvés.

Il y a un va et vient, une interaction continue entre la mère et le fils, entre le maître et la disciple, entre le sauveur et la première sauvée, entre Dieu qui se donne dans l’Esprit et l’humanité qui répond en Marie. À partir de ce jeu de la grâce et de la liberté, de l’amour et de la correspondance, nous découvrons comment Marie nous montre Jésus, nous révèle ses attitudes et ses sentiments, les options de sa liberté et la richesse de sa personnalité. Et elle le fait avec cette touche chaleureuse et féminine, naturelle et réaliste que Marie met en toute chose. L’effort chrétien pour entrer, peu à peu, dans la “sublime connaissance” du Christ (Ph 3,7) trouve en Marie l’itinéraire par excellence aussi bien qu’un modèle accessible et séduisant.

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Garder la Parole et la méditer

Marie nous apprend à connaître Jésus par sa manière de garder et de méditer en son cœur toutes les paroles reçues de son fils et toutes les expériences vécues avec son fils et à cause de son fils. Et cet effort de Marie pour comprendre et assimiler les paroles de Jésus a toutes les caractéristiques d’une rumination paisible, d’une manière tranquille de les savourer et de repasser dans son cœur le vécu et les souvenirs. Marie n’essaie pas de posséder le message de Jésus d’une manière intellectuelle, elle ne cherche pas à emmagasiner un catalogue de vérités clairement démontrées ; elle ne classe pas la connaissance de Jésus dans un système rigoureux et évident. Non, tel n’est pas le style ni le chemin qu’elle nous propose. Marie nous invite à garder dans la mémoire et dans le cœur les paroles et les souvenirs de Jésus.

A les conserver avec révérence et tendresse, à les considérer comme un trésor précieux que l’on contemple sans se lasser. Dans ce sens, la mémoire nous découvre sereinement aujourd’hui la profondeur de la parole d’hier ou le sens de tel geste ancien. Proposition de l’évocation cordiale, qui entretient les souvenirs et les actualise dans la vie. C’est la pratique habituelle de la mélodie fredonnée ou de la poésie reprise sans fin qui remplit le cœur de bonheur et de paix. Et tout cela non pas avec des paroles, des souvenirs ou des visages de notre histoire, mais avec la parole et le souvenir de Jésus.

Marie nous invite à méditer dans notre cœur tout ce que Jésus a vécu et ce que nous vivons avec lui

et à laisser cette réflexion, profonde et sereine, se convertir progressivement en conviction intime, en idée-force, en connaissance éclairante, en amour plénier, en

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volonté de se mettre à la suite de Jésus. Méditer sans tension, réfléchir avec humilité et avec calme, chercher sans prétendre découvrir des idées brillantes. Il est important de chercher sérieusement à connaître les faits et les événements de la vie de Jésus, de fixer avec précision les paroles et l’intention avec laquelle elles ont été prononcées, d’enquêter sur les coutumes de l’époque et les courants spirituels du temps de Jésus. Mais pour connaître Jésus, plus importante encore est la réflexion contemplative et chargée d’amour, l’acte de foi et de supplication pour entrer dans son cœur.

C’est la direction que Marie nous propose de suivre pour connaître Jésus. C’est celle qui a marqué son vécu, qui l’a conduite à l’intimité la plus profonde et à la communion la plus pleine avec lui. Un chemin qui ne demande pas de conditions préalables, sinon un vrai désir de connaître Jésus. Un chemin facile à parcourir par celui qui reste ouvert avec humilité et persévérance. Nous laisserons-nous enseigner par Marie ?

Connaître en partageant la vie

Marie, cohérente dans sa proposition de connaître à fond son fils et d’y engager toute sa vie, nous enseigne aussi que nous connaîtrons davantage Jésus en partageant sa vie qu’en étudiant des livres de théologie ou d’exégèse biblique. Pour Marie, le principal moyen de connaître Jésus a été : d’observer, d’accompagner, de partager. Marie a capté et pénétré la personnalité et le mystère de Jésus en partageant sa vie pendant de longues heures, en suivant beaucoup de ses regards et en observant beaucoup de ses silences, en s’associant à beaucoup de ses attitudes et de ses gestes. La parole est révélatrice et indispensable pour connaître l’être aimé, mais combien plus éloquentes son action et sa vie, ses présences et ses absences, ses choix et ses refus. Marie vit avec Jésus la réalité de la famille et du travail, du manque et de

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l'effort, du voisinage et de la fête, de la prière et du repos. Et à travers l’expérience de chacune de ces pages de vie, elle apprend à connaître Jésus, à le déchiffrer, a saisir la clé de son existence et à saisir plus clairement la raison de ses options.

Nous aussi nous sommes appelés à partager la vie de Jésus. Comment est-ce possible aujourd’hui ? De deux manières fondamentales, distinctes mais convergentes. Premièrement, en le laissant grandir dans notre vie, en lui ouvrant l’espace de notre existence pour qu’il continue sa mission d’évangélisation et de libération, en étant des membres actifs et vivants de son corps mystique, qui permettent à son amour et à son énergie de circuler.

Deuxièmement, en nous unissant à ceux qui ont fait de la suite du Seigneur l’objectif et la raison de leur existence, en suivant les pas de ceux qui ont suivi les pas de Jésus, en faisant de la volonté du Père et de l’extension de son Règne les deux grands amours de notre vie. Si nous envisageons notre vie dans cette direction, nous allons assurément partager la vie et la destinée de Jésus et nous allons le connaître vraiment.

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Exercices : questions, réflexion, partage… 1. On a parlé d’évocation et de mémoire. Ont-elles une

importance dans ta vie ? T’aident–elles à retrouver et à élaborer les faits et les situations vécus et à mieux comprendre les personnes ? Rappelle-toi quand tu avais entre dix et quinze ans et essaie de te souvenir de faits importants. Evoque les et partage les avec ton équipe, ta communauté. Ecoute aussi les souvenirs des autres.

2. Connaître en partageant la vie. As-tu quelque expérience de cette forme de connaissance de l’autre? Essaie de te rappeler des voyages, des travaux, des études, des tâches domestiques, des temps de crise, de vie en commun. Quelles personnes as-tu connues alors, sur lesquelles as-tu changé d’opinion grâce à ce partage d’expérience ? Qu’est-ce qui s’ajoute à l’observation, au dialogue ou à la parole écrite ?

3. Proposition d’une dynamique pour une réunion de communauté. Un ou deux groupes (de quatre à cinq personnes)

préparent une liste de cinq attitudes ou traits saillants de Jésus. D’autres font de même pour Marie. Puis on compare. Y a-t-il des ressemblances, des coïncidences ? Peut-on constater que Marie est image ou reflet de Jésus ? Sous quels aspects ?

4. Essaie d’imaginer une méthode d’oraison basée sur l’attitude de Marie : " garder dans son cœur et méditer ", qui soit accessible aujourd’hui à un laïc. Comment t’y prendrais-tu ? Pense au pourquoi, aux attitudes préalables, à la forme de prière, aux conseils pratiques, aux textes à proposer, aux encrages dans la vie, à la présence de Marie dans cette prière… As-tu déjà essayé cela ? Cette méthode t’inspire-t-elle ?

5. Je t’invite à lire et à méditer le texte suivant, du Père Guillaume-Joseph Chaminade, qui se demande comment

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Marie peut nous guider dans la connaissance de Jésus. Tu vas y trouver des idées claires, des intuitions profondes et des pistes pour cheminer intérieurement.

" De même que nul ne connaît le Père sinon le Fils et ceux à qui le Fils l’a révélé, nul ne connaît le Fils sinon la mère et l’Église, à laquelle elle l’a révélé. Unissons-nous donc à Marie dans l’oraison et demandons-lui de nous révéler son fils. Elle l’a bien connu, l’a bien observé et a reçu et conservé dans son cœur toutes les paroles qui sortaient de sa bouche.

Qui pourrait mieux nous initier dans les merveilleux mystères de l’Incarnation et de la Rédemption que Marie qui y a participé si activement ? Si je contemple Jésus qui naît de son sein, je ne peux laisser de côté la mère qui lui donne le jour, le tient dans ses bras, le serre sur son cœur et me le présente pour que je lui offre mes hommages et mon adoration.

Y a-t-il un mystère de la vie du Sauveur dont Marie soit absente ? Et si la Mère est partout où est le Fils, je devrais être aveugle pour ne pas le voir, et je serais un insensé et un téméraire pour séparer la mère du fils, lorsque dans la réalité ils n’ont jamais été séparés. "31

31 Ecrits d’Oraison, n° 578.

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VIERGE MARIE, MERE ET DISCIPLE DE JESUS…

Vierge Marie, mère et disciple de Jésus, merci, parce qu’aujourd’hui nous t’avons connue

dans une lumière nouvelle, merci parce que nous te découvrons comme l’image et le reflet de Jésus.

Nous voulons te regarder et t’admirer pour pouvoir connaître Jésus.

Que ta personne et tes attitudes nous rappellent toujours le visage de Jésus et le visage du Père.

Nous voulons refaire ton chemin. Nous voulons garder sa vie et sa parole

dans notre mémoire, et les passer avec amour dans notre cœur.

Aide-nous à faire de la parole du Seigneur l’aliment véritable de notre vie chrétienne.

Montre-nous comment partager aujourd’hui la vie de Jésus, en étant fidèles à son appel

et en luttant pour le Royaume, afin de le connaître, de l’aimer

et de le suivre mieux chaque jour.

Amen !

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II. 7. La voie marianiste de la foi et de l’oraison Foi en Jésus, foi vécue, foi du cœur

La compréhension profonde du mystère de l’Incarnation et de l’union à Marie donne au cheminement de foi du marianiste une tonalité et un style particuliers.

D’abord c’est une foi nettement centrée sur Jésus. Le marianiste évite de se perdre dans des discussions théoriques sur la foi. Son unique préoccupation est de connaître Jésus, de croire en lui, de le suivre, de recevoir sa parole, de vivre comme lui. Il sait que les lieux communs classiques - "je crois en Dieu mais pas en la divinité du Christ", "je crois, mais je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit l’Evangile", "je crois mais je ne pratique pas", "je crois en Dieu et en Christ mais pas en l’Église", "la foi est une affaire intime et personnelle" - sont l’expression d’une foi immature ou mal située, ou constituent des excuses pour éviter l’engagement de la foi véritable. Pour le marianiste, la foi, plus qu’une vertu est une personne - Jésus - et son engagement envers cette personne.

Le marianiste, laïc ou religieux, cherche toujours à faire une synthèse entre foi et vie. Il sait que la foi exige l’engagement dans la vie et que la vie est liée à la nécessité de la foi. Il connaît par expérience le risque de séparer ou de mettre en parallèle la vie et la foi, et il lutte toujours pour intégrer les deux réalités sans les séparer. Dans sa prière et sa célébration, le monde entier est présent et il poursuit sa marche à travers le monde sans jamais cesser de ruminer et d’actualiser sa foi. Il n’accepte pas la distinction entre histoire du salut et histoire profane. Il n’accepte pas la prétendue opposition entre foi et raison, entre science et foi. Il n’accepte pas une morale pour les dimanches et une autre pour le reste de la

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semaine. Il sait que l’on ne peut être chrétien par intermittence seulement.

C’est pourquoi la foi du marianiste est, en même temps, une manière de vivre et un défi pour incarner l’Évangile. - Une manière de vivre parce que Marie et Jésus lui

enseignent que tout peut être vécu dans la foi et à partir de la foi.

- Une manière de vivre parce qu’il apprend à regarder la vie à partir du cœur de Dieu, à aimer et à servir en suivant Jésus, à choisir et à ordonner ses valeurs selon la hiérarchie proposée par Jésus.

- Un défi pour incarner l’Évangile parce qu’il découvre continuellement dans sa vie et dans le monde des zones profanes et des milieux et des réalités qui sont à évangéliser.

- Un défi pour incarner l’Évangile parce qu’il comprend que la vie est un combat, et que l’option chrétienne est une option capitale qui pose question et qui détermine des formes de vie et de comportement, des idéologies et des mentalités, des valeurs culturelles et sociales.

Cet effort de faire de la foi la vertu de base de la spiritualité marianiste, de l’entendre comme une manière de vivre et de ne cesser de faire la synthèse entre foi et vie, c’est notre manière d’expliquer ce que nous appelons la foi du cœur (cf. plus haut, sur "La foi du cœur"). En définitive, c’est une expression qui indique la volonté marianiste de " désintellectualiser " la foi pour qu’elle soit une motivation, une action, remplie de chaleur et de vie. Telle est la foi biblique, celle que Marie a vécu. Prier avec Marie, comme Marie

Si Marie est pour le marianiste la personne la plus qualifiée pour nous former dans la foi et la vie, elle l’est spécialement dans la prière. Marie devient de plus en plus

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présente à la prière du marianiste et elle l’imprègne de son esprit.

Il est fort probable que, dans les premières étapes de sa prière, le marianiste trouve plus facile et plus naturel de prier Marie, d’adresser des demandes à Marie. Car Marie ne cesse d’être mère, consolatrice des affligés, médiatrice de grâce et de vie. C’est d’ailleurs la manière spontanée et naturelle pour le peuple chrétien de se tourner vers Marie. Beaucoup de chrétiens n’ont-ils pas pratiqué cette prière en famille depuis leur enfance, dans toutes les manifestations traditionnelles ?

A mesure qu’il avance dans son chemin de prière, le marianiste se sent attiré et appelé à prier avec Marie. Elle est entrée peu à peu dans sa vie et dans son expérience religieuse, et il sent le besoin de l’incarner dans sa prière. Prier avec Marie, c’est se mettre en sa présence et compter sur cette présence sereine et stimulante. Prier avec Marie, c’est prier avec l’esprit de Marie, c’est-à-dire, essayer de reproduire ses dispositions et ses attitudes. Prier avec Marie, c’est choisir le silence comme climat nécessaire à la rencontre de Dieu, l’ouverture à l’Esprit comme méthode de prière. Et le fruit de son intimité avec le Seigneur, c’est le don généreux du quotidien durant toute sa vie.

Peu à peu, la prière se fait plus simple et plus profonde, et le marianiste se découvre priant comme Marie. Prier comme Marie, c’est trouver que la meilleure prière n’est pas celle que prononcent nos lèvres ou se formule avec l’esprit, mais la prière qui jaillit du cœur et que l’Esprit nous inspire. Prier comme Marie, c’est avancer en substituant au raisonnement l’amour, au désir de domination l’humilité confiante, à l’activité de l’intelligence et à l’imagination la "passivité", l’abandon de la personne qui se met tout entière entre les mains de Dieu.

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Prier comme Marie, c’est découvrir que la prière de Marie est la meilleure prière à laquelle l’homme puisse prétendre. Qu’il est bon de laisser Marie être celle qui prie en nous et continue à dire "oui" au projet libérateur de Dieu. L’oraison sur le Credo, une proposition particulière pour cheminer en marianiste

Le P. Chaminade a laissé à ses disciples marianistes un modèle et une méthode pour prier et faire oraison : l’oraison sur le Credo. En quoi consiste cette manière de prier et pour quoi la proposons-nous ?

a) Ce qu’est l’oraison sur le Credo. - L’oraison sur le Credo est une prière de la foi profonde et bien sentie, qui me fait dépasser une prière inspirée par mes besoins et tendances spontanés, sentimentaux ou rationnels, et qui va me pénétrer de la lumière de la révélation qui vient de Dieu, par la douceur qui procède du Père. Dans la pratique de cette oraison, le marianiste trouve une excellente manière de corriger une vision laïciste du monde et de la vie qui prétend mettre de côté tout ce qui touche à Dieu, jusqu’à l’éliminer de nos vies.

- L’oraison sur le Credo est une prière centrée sur le mystère d’un Dieu qui se révèle à nous comme Père créateur, Fils incarné et rédempteur et Esprit saint et vivificateur. C’est une prière sous forme de dialogue, une rencontre avec un Dieu personnel qui cherche une relation personnelle avec ses fils et ses filles. En priant et en méditant le Credo, j’entre dans une communication de plus en plus profonde avec le Père, qui m’appelle son enfant, avec Jésus-Christ, qui m’appelle à le suivre comme un disciple et un ami, avec l’Esprit Saint, qui me guide et me transforme. En priant avec et sur le Credo, le marianiste se dégage peu à peu de l’anonymat grégaire, de la superficialité et de la dépersonnalisation.

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-L’oraison sur le Credo est une prière qui développe et explique le mystère de l’Incarnation, perçu comme la clé d’interprétation de l’histoire et comme chemin de réalisation des personnes et des communautés. Dieu a voulu nous sauver et nous faire membres de sa famille par l’Incarnation et cela constitue pour chacun et pour la communauté humaine l’unique chemin pour grandir et entrer dans la plénitude. Dans la prière du Credo, le marianiste découvre le sens de sa vie et de l’histoire, il surmonte le pessimisme et le scepticisme et il est engagé dans la voie de l’espérance et de son action transformatrice dans le monde.

-L’oraison sur le Credo est une prière qui peu à peu illumine et enrichit ma foi, en la purifiant et en la centrant sur l’essentiel : Dieu, Père et Créateur, qui se communique à moi et à qui je dois ouvrir ma vie. Jésus-Christ, le Seigneur, incarné, mort et ressuscité pour les hommes. L’Esprit Saint. L’Église, espace de communion. Marie, la femme en qui l’humanité reçoit Dieu et se donne à lui. En priant le Credo, le marianiste dépasse la fragmentation de la connaissance et tout sensation d’impuissance devant la réalité ; il trouve la voie de l’unification de ses énergies au creux de l’idéal chrétien.

- L’oraison sur le Credo se situe dans le climat de l’expérience priante de Marie : c’est une prière de foi et de recherche de Dieu ; c’est une prière d’ouverture et de disponibilité ; c’est une prière de fidélité et d’engagement. C’est une prière marquée par la simplicité et la concentration, par le silence et la sérénité, par l’humilité et la confiance. C’est une manière accessible à tous et concrète de prier avec Marie et comme Marie. C’est une proposition pour avancer sur le chemin marianiste de la foi et de la prière. b) Comment se pratique la méthode d’oraison sur le Credo ?

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Voici quelques pistes et quelques étapes de la méthode, pour comprendre l’explication qu’en donne le Père Guillaume Joseph Chaminade.

1. Créer d’abord une ambiance extérieure et intérieure de silence et de sérénité.

2. Se mettre en présence de Dieu et de Marie. 3. Réciter avec attention et calme le Credo, en essayant de

vivre la foi. 4. Recommencer cette récitation, en étant attentif à chacune

des vérités et à l’écho qu’elle provoque en moi. 5. Demeurer dans la contemplation, en ruminant ce qui

m’attire et me motive. 6. Demander le don de la foi. Faire des actes de foi en

répétant chaque vérité ou supplication. 7. Examiner ma vie et mes comportements à la lumière de

cette vérité de foi. 8. Appliquer cette vérité de foi dans ma vie, en essayant

d’aboutir à une résolution, à un engagement concret.

" Quand l’âme se présente devant Dieu pour prier, la première pensée qui doit l’occuper est celle de la présence de Dieu : "Seigneur, pénètre mon âme de la pensée de ta présence divine, ma pensée de l’idée de tes perfections infinies, mon cœur de ton amour ineffable. Augmente en moi la lumière de la foi pour que, te connaissant mieux et me connaissant chaque fois un peu plus, je t’aime, toi seul, que je ne pense qu’à toi et que je ne voie plus que toi en toute chose. Je me tiens devant toi pour considérer, à la lumière qui rayonne de ton visage, les vérités de la foi. Aide-moi, parce que sans toi je ne puis rien. Esprit-Saint, auteur de toute lumière et de toute grâce, c’est à toi de me guider et de me conduire. Je m’abandonne à ta direction. Marie, ma mère, présente-moi à ton fils ".

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Après s’être mis en présence de Dieu, réciter tout d’abord une fois le Credo avec toute l’attention dont on est capable.

Ensuite, redire encore le Credo, en considérant chaque vérité, l’une après l’autre, en s’arrêtant à chacune, tout le temps que l’on ressent un attrait intérieur, puis passer à la suivante pour ne pas laisser les distractions envahir le temps de la prière. Ne pas s’arrêter aux vérités qui ne retiennent pas l’attention parce que nous n’avons pas à nous faire violence ni à nous crisper […]. Qu’on redise simplement le Credo, deux, trois ou quatre fois si c’est nécessaire, pourvu qu’on le fasse avec toute l’attention possible. Si, pendant plusieurs jours, quelqu’un passe son temps d’oraison de cette manière, avec toute la fidélité possible, bien vite il n’aura plus besoin de répéter plusieurs fois chaque vérité de foi du Credo et l’attrait divin grandira en fonction de sa fidélité. Quelques vérités frapperont son attention plus que d’autres. Il s’y arrêtera davantage et y reviendra dans la journée, le plus souvent possible, pour réitérer ses actes de foi, d’espérance et d’amour.

La manière de s’exercer sur chaque vérité de foi est facile[…]. Je la redis mentalement avec toute l’attention possible et puis je me tiens en silence, à l’écoute de l’Esprit de Dieu […]. Je la considère du point de vue qui m’a le plus touché. J’interroge ma foi, je la compare avec ma conduite. Je vois par ma conduite que ma foi est imparfaite. Je le reconnais en toute humilité, je fais des actes de foi et je demande à Dieu de l'augmenter […].

Enfin j’écoute ce que la foi me dit pour ma vie au regard de ce mystère, et je demande à la bonté de Jésus-Christ et de sa mère la grâce d’y être fidèle". 32

Avant de parler d’une méthode d’oraison proprement marianiste nous devons nous demander : Quelle est notre

32 Écrits d’oraison, 563,564, 538-543. Traduction libre.

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méthode d’oraison ? En avons-nous une et l’utilisons-nous ? Ou au contraire, lorsque nous nous mettons à faire oraison nous laissons-nous aller à la spontanéité ou à ce que nous pensons être une inspiration de l’Esprit ? Nous ne pouvons pas développer ici la question des méthodes d’oraison mais nous devons dire tout de même que pour apprendre à faire oraison, et pour parcourir les premières étapes d‘une vie d’oraison qui se veut sérieuse, nous avons besoin d’avoir et de pratiquer une méthode. Cela consiste en une série de pas à faire, en quelques indications pratiques, en des conseils et des procédés qui nous aident à préparer notre oraison, à nous mettre dans un climat favorable et à vivre l’oraison avec recueillement et profit.

Nous avons voulu mettre en relief la méthode d’oraison sur le Credo parce qu’elle nous paraît simple, intéressante et attrayante pour nous. Mais à vrai dire, ce n’est pas l’unique méthode d’oraison marianiste. Le père Guillaume-Joseph Chaminade nous a aussi laissé une autre méthode, qu’il a nommée "Méthode commune" d’oraison. Le P. Quentin Hakenewerth en a fait une présentation simple et pédagogique dans le Manuel de spiritualité marianiste.

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Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Ton chemin de foi (pour ta réflexion personnelle ou pour le dialogue en communauté) :

Quelles sont les caractéristiques de ma foi ? Quels en sont les points forts et les points faibles ? Quels ont été ou quels sont actuellement les points de ma foi en crise, sur lesquels je doute ? Quelles expériences ou méthodes m’ont aidé - m’aident - à centrer ma foi sur la personne de Jésus ?

2. Synthèse entre foi et vie. Quels aspects ou secteurs de ta vie sont plus difficiles à mettre en cohérence avec ta foi ? Est-ce un problème théorique ou pratique ? Dans quels domaines cela t’est-il plus facile ? Comment essaies-tu de vivre la foi dans ton travail, dans tes relations sociales, dans les voyages et les déplacements, dans le sport ou dans les fêtes ? Quels sont tes procédés ou ton "secret" ?

3. Marie dans ta prière, dans ton oraison (beau thème à partager en communauté). Quand as-tu commencé à faire oraison avec Marie ? Quels sont tes souvenirs et quelles prières faisais-tu ? Le rôle de Marie dans ta prière a-t-il changé ? Comment Marie est-elle maintenant présente dans ta prière ? Te reconnais-tu dans l‘une ou l’autre des étapes décrites dans le paragraphe : "Prier avec Marie et comme Marie" ?

4. Voie marianiste de foi et d’oraison. Est-ce une belle phrase ou une réalité ? Peux-tu te rappeler et partager quelles ont été tes étapes et tes avancées sur ce chemin ? Où en es-tu et comment te sens-tu aujourd’hui ? Que faire (toi, ta communauté, les laïcs et les religieux marianistes) pour clarifier, proposer et pratiquer mieux cette voie ?

5. Faire oraison sur le Credo. As-tu quelque référence ou expérience préalable ? La proposition te paraît-elle possible, te touche-t-elle ? Es-tu décidé à essayer de la pratiquer un

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temps pour l’expérimenter ? Et organiser avec ta communauté un atelier sur le credo ?

6. Notre oraison et sa méthode. Quelle est ta manière habituelle de faire oraison, ta méthode ? Pries-tu "comme cela vient" ou suis-tu une démarche déterminée ? Crois-tu que ton oraison puisse dépendre d’une méthode ? Ne serait-ce pas la ramener à quelque chose de routinier et perdre la spontanéité ? Peux-tu donner quelque exemple de méthode et dire pourquoi tu aimes l’utiliser ?

"La vie du marianiste qui prie est une vie simple, sereine, féconde et créative. En elle tout est intégré : la rencontre avec soi-même dans la solitude, avec les autres dans l’hospitalité, avec les choses dans la spontanéité, avec Dieu dans la bonté. En retour, la prière du marianiste qui a appris à vivre est une prière solidaire, profonde, prolongée, prière de louange et d’action de grâce. Quand on vit intensément, on prie bien et quand on prie bien, le vécu quotidien devient un mélange de passion et de bonheur, de combat et de purification.

Pour atteindre cet objectif, il faut suivre un chemin, celui que propose l’expérience d’hier et d’aujourd’hui dans la Famille marianiste ; celui de la prière comme exercice de foi ; une prière qui soit contemplation des mystères de Jésus, qui naît et meurt pour que l’homme soit la gloire du Père. La Famille marianiste laissera une empreinte dans l’Église si elle sait prier et partager sa méthode de prière avec les autres composantes de l’Église.

Apprendre à vivre et à prier, pour arriver à ce que tout se fasse en nous selon la Parole, tel a été le désir de Marie ; cette Parole prononcée par son fils a été pour elle le commencement et le ferment de sa vie évangélique. La prière ou l’oraison faites en union avec Marie ce n’est pas seulement ni principalement une question de connaissance ou d’ écoute mais de pratique (Jc 1,22) ; cette pratique, ce

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n’est pas seulement écouter mais mettre en œuvre (Lc 11.28) ; dans ce cas, notre vie s’édifie fermement sur le roc (Mt 7,21). On entre et on demeure dans le Royaume qu’inaugure Jésus par l’oraison, qui aboutit à une nouvelle manière de vivre en relation avec Dieu, avec le monde, avec les autres et avec nous-mêmes. Une demande, pour être très marianiste, sera, au fond, comme celle de Marie elle-même : que la Parole du Seigneur pénètre en nous et nous conforme à Jésus dans notre vécu quotidien et qu’ainsi nous donnions de bons fruits et abondants ; qu’elle retentisse dans notre cœur et dans notre esprit". 33

33 José María Arnaiz, La Parole se fait vie.

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LITANIE DE MARIE

MERE DE JESUS ET MERE DES HOMMES

Marie, femme débordante de grâce et de gratitude, apprends- nous à reconnaître les dons de Dieu et à l’en remercier.

Marie, comblée de grâce et exemple de fidélité, aide-nous à apprécier les dons de Dieu et à les faire fructifier.

Marie, servante inconditionnelle de Dieu, apprends-nous à faire à tout moment la volonté de Dieu dans notre vie.

Marie, disciple fidèle à la suite de Jésus, guide-nous pour que nous soyons de vrais disciples à la suite de ton fils.

Marie de Nazareth, Notre Dame de Chaque Jour, fais que nous réalisions les petites choses avec un grand cœur.

Marie, passée maître dans l’amour universel et le pardon total, fais que nous nous aimions les uns les autres comme le Christ nous a aimés.

Marie, Évangile vivant, demande pour nous le don de l’Esprit, qu’il change nos cœurs égoïstes et fermés en cœurs ouverts et généreux.

Marie, complice de Jésus et crucifiée avec lui, enseigne-nous l’audace pour la cause du Christ.

Marie, forte et tendre, prie pour nous, pour que nous soyons spontanés et simples comme des enfants et courageux comme des martyrs.

Marie, femme qui persévère dans la prière,

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obtiens-nous de Jésus la grâce de prier sans cesse. Marie, figure de l’Église, femme de communauté,

que nous vivions notre foi en communauté et soyons des membres actifs de l’Église.

Marie, abandonnée à Dieu dans la confiance, aide-nous à croire que "nous pouvons tout en celui qui nous fortifie ".

Marie, glorifiée dans ton corps et dans ton âme, prie pour nous maintenant et à l’heure de notre mort, pour qu’avec le peuple saint de Dieu nous parvenions à la Patrie et partagions la gloire de ton Fils, notre frère, qui vit et règne pour les siècles des siècles.

Amen ! 34

34 Inspiré de Atilano Alaiz, Marie, force et tendresse, prophétie de l’homme nouveau. Madrid 1989.

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Troisième partie

Aimer Jésus, aimer Marie 1. Le chemin du don : se livrer comme Marie.

2. Le chemin de la fidélité : être fidèles comme Marie.

3. Le chemin de l’intégration et de la liberté : être

libres comme Marie.

4. Le chemin de l’union et de la fraternité : appeler

comme Marie.

5. Aimer Marie.

6. Marie nous apprend à aimer Jésus.

7. Le chemin de la communauté marianiste.

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III. 1. Le chemin du don Nous livrer comme Marie

Estime de soi ou renoncement ?

Beaucoup, depuis leur enfance, se sont entendu dire avec insistance que l’Évangile exige le renoncement à soi, que l’amour propre est péché, que s’aimer soi-même, c’est de l’égoïsme. Or nous lisons aussi dans l’Évangile : "Aime ton prochain comme toi-même" (Mc 12,19-31 ; Mt 22,34-40). Jésus semble nous dire qu’il est un amour de soi qui est bon et mieux encore, qu’il est le paramètre de l’amour des autres et la mesure de cet amour. De toute évidence, quelque chose n’est pas au point, ou alors il y a des contradictions dans le message de Jésus !

D’autre part, et c’est un fait caractéristique de notre temps, nous avons assisté au réveil d’un énorme intérêt pour l’estime de soi, pour la recherche de la gratification personnelle, pour le soin de notre corps et de notre santé, pour les techniques de la connaissance de soi et de sa propre valeur… Ces tendances ont-elles une valeur simplement culturelle ou peuvent-elles être branchées sur les valeurs évangéliques ? Devons-nous choisir entre ces deux courants ou peuvent-ils s’intégrer ? L’estime de soi-même est-elle un égoïsme camouflé ou a-t-elle un sens ? Le renoncement est-il naturellement évangélique ou implique-t-il une fausse compréhension du message de Jésus ?

Pour commencer, il faut dire que la personne humaine, en tant que synthèse de l’univers, œuvre maîtresse entre tous les êtres vivants et créature sortie des mains de Dieu, est précieuse et aimable pour elle-même. Toute personne humaine, chacun des êtres humains est digne de recevoir estime, respect et amour. Dès lors, c’est clair : si je dois respecter, aimer et aider chaque être humain à se réaliser, je dois aussi avoir

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estime, respect et amour envers moi-même. L’amour de soi est une valeur évangélique proclamée explicitement par Jésus et cela doit se concrétiser dans des attitudes telles que l’acceptation et la compréhension de soi-même, le respect et le soin de sa propre vie, la patience et le pardon de ses erreurs, l’énergie et la rigueur dans notre propre croissance, la reconnaissance et l’estime de nos qualités… L’auto-appréciation est une forme du véritable amour chrétien de soi-même ; nous devons la regarder avec sympathie et nous appliquer à l’approfondir. Se déprécier, se dévaloriser, s’auto-agresser, entretenir un complexe d’infériorité… : autant de signes d’une compréhension partiale ou erronée de la valeur de sa propre vie et d’une relation négative avec cette première acceptation de la réalité que je suis moi-même.

Il y a problème lorsque ma préoccupation et mon amour pour moi-même m’absorbent au point d’exclure les autres de ma préoccupation et de ma sollicitude. Quand je me constitue fondamentalement centre de ma vie, et consacre tout mon temps et toutes mes énergies à me procurer à moi-même satisfaction et bien-être, y compris au détriment des autres. Quand, systématiquement, je néglige de considérer le bien commun, je méconnais ou déprécie la vie et les droits des autres et défends souverainement ma vie et mes droits à n’importe quel prix, c’est de l’égoïsme et cet égoïsme est une tendance enracinée en tout être humain. Cet égoïsme est celui que Jésus dénonce comme l’origine de toute injustice, inégalité et marginalisation et comme opposé au Royaume de Dieu. C’est là qu’apparaît le renoncement chrétien et le renoncement à soi.

Ni l’amour de soi ni le renoncement chrétien ne sont des valeurs absolues. La valeur absolue, c’est le Royaume, le Plan de Dieu sur toute l’humanité, le bien commun. Et la réalisation de ce plan d’amour exigera de moi tantôt des attitudes d’amour et d’attention à moi-même, tantôt le renoncement à mes plans et à mes prétentions pour me

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dévouer au service des frères. La force et la douceur de l’amour de Dieu qui m’habitent me demanderont parfois de m’occuper de moi, parfois elles m’amèneront au contraire à me mettre de côté par souci des autres.

Ainsi la solution à la question posée au début de ce paragraphe n’est pas dans le choix de l’une des deux alternatives mais dans une mûre intégration des deux à un niveau supérieur : au niveau d’une vie qui a opté pour l’amour et le Royaume. Ni amour de soi sans renoncement ni renoncement sans amour de soi. Jésus nous demande les deux attitudes.

Le Don de Marie. Vivre pour Jésus

Si la foi apparaît comme l’attitude de base du mystère et de l’itinéraire de Marie, l’amour pour son Dieu et son fils est le moteur et le secret de ce mystère et de cet itinéraire. Marie n’aime pas parce qu’elle croit, elle croit parce qu’elle aime. L’amour est la clé de son existence. L’amour reçu de Dieu et l’amour offert à Jésus et aux hommes. En Marie tout se décode à partir de l’amour et ne s’entend qu’à partir de l’amour. En cela Marie est une fois de plus révélation sereine et lumineuse du mystère de chaque être humain. Parce que chaque vie humaine est un mystère dont l’explication parfaite a pour clé l’amour ou le manque d’amour. A l’origine, à chaque étape de notre croissance et de notre éducation, au début et à travers l’évolution de nos relations sociales, dans les grands et dans les petits choix de notre vie, dans nos succès et nos échecs, dans la manière dont nous rayonnons sur les autres ou nous laissons influencer par eux, dans notre façon de vivre la vie et dans la manière d’assumer la mort…, en chaque parcelle de l’existence il y a un problème d’amour ou de manque d’amour, d’acceptation ou de rejet, de communion ou de division. C’est la cause la plus profonde du bonheur ou du malheur de notre vie. Si la vie de Marie

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est marquée par une telle plénitude et un tel bonheur c’est qu’elle aime beaucoup et qu’elle aime toujours, c’est qu’elle répond à l’amour reçu et qu’elle a toujours vécu toute donnée à Dieu et aux autres. Notre vie, à travers les circonstances concrètes de son histoire, sera aussi pleine et heureuse si, en son centre, nous savons mettre l’amour.

Mais c’est l’amour de Marie pour le Christ qui est particulièrement révélateur et attirant. Marie vit pour Jésus ; elle a fait de la personne de Jésus et de son œuvre l’option fondamentale de sa vie ; elle a mis à son service toutes les énergies de son cœur et de son esprit. Dans l’admirable résumé de foi et de vie chrétienne qu’est le Document de Puebla, nous trouvons un beau texte qui nous explique l’amour de Marie pour Jésus.

" Selon le plan de Dieu, en Marie "tout se réfère au Christ et tout dépend de lui" (MC 25). Toute son existence est communion plénière à son fils. Elle a donné son oui à ce dessein d’amour. Librement elle l’a accepté à l’Annonciation et elle est demeurée fidèle à sa parole jusqu’au martyre du Golgotha. Elle a fidèlement accompagné son fils dans toutes ses voies. La maternité divine l’a conduite jusqu’au don total, généreux, conscient et permanent. Il s’est noué entre elle et le Christ une histoire d’amour, intime et sainte, unique, qui s’accomplit dans la gloire" (DP 292).

L’amour de Marie pour Jésus est communion, fidélité, présence de tous les instants, don généreux et persévérant. Marie a vécu en femme croyante, en mère, en disciple, en missionnaire. Et ces divers aspects de l’amour sont source d’inspiration et de vie pour nous tous qui avons formé le projet de faire de l’amour pour Jésus l’option suprême de notre vie. Marie continue à nous montrer comment faire de l’amour pour Jésus et de l’amour pour les hommes le centre de notre vie.

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Aimer : vivre pour les autres

Il n’est pas de mot plus ambigu que le mot amour, pas de mot plus souvent employé, à propos de n’importe quelle option ou idéologie, pas de mot aussi utilisé pour désigner un lieu commun en même temps que quelque chose de sacré, aussi exalté et banal à la fois, que le mot amour. Il peut désigner la réalité la plus éminente aussi bien que la plus vile. Nous l’employons pour parler tour à tour de ce qu’il y a de plus animal, de plus authentiquement humain ou de l’essence même de Dieu. Ce terme peut décrire un dévouement héroïque ou un égoïsme malsain, le sentiment sublime d’une mère comme le commerce honteux d’une prostituée… Tout est amour. Le terme amour justifie tout et cautionne tout.

Le plus grave est que cette constatation ne se réduit pas à un aspect linguistique ou culturel mais est l’indicateur d’une dangereuse déviation des valeurs. L’attitude du chrétien devant l’amour est donc très significative et précise. Il importe que le chrétien ait des idées claires sur l’amour et qu’il prenne des options très nettes inspirées par l’amour ; il doit faire de l’amour un cachet distinctif et une école de conduite, l’orientation centrale de son projet de vie et l’objectif de sa relation aux autres.

Et là, une fois de plus, nous rencontrons la figure sereine et lumineuse de Marie. Elle est le modèle du véritable amour, de l’amour qui procède de Dieu, qui cherche à se frayer un passage dans le cœur et dans la vie des hommes et des femmes, en rectifiant leurs égoïsmes, en calmant leurs haines, en pacifiant leurs agressivités, en surmontant leur blocages… L’amour, en Marie, est l’exemple même d’une vie consacrée aux autres au prix du sacrifice de soi. Marie aime parce qu’elle sait mettre le bien des autres avant son intérêt ou sa convenance, parce qu’elle voue une attention particulière aux besoins des autres plus qu’aux siens, parce qu’elle fait de sa

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vie une consécration humble et généreuse au projet d’amour de Dieu. Les scènes de l’Évangile qui reflètent la vie de Marie sont une symphonie d’amour : de l’Annonciation au Calvaire, de la Visitation à la Pentecôte, de Cana au triomphe de la Pâque : chaque geste de Marie a sa source dans l’amour et nous révèle que l’amour est le ressort et le secret de son existence.

A partir de la sereine maturité et la contagieuse tendresse de Marie, nous pouvons nous faire une idée du mystère de l’amour, et découvrir en particulier que le véritable amour n’est pas ambigu, qu’il ne réside pas dans l’impulsion première de la passion, dans le sentiment ou dans les formes subtiles de l’égocentrisme.

L’amour est don conscient et libre de toute la vie. L’amour est volonté affirmée de consécration à l’être aimé. L’amour est oubli de plus en plus profond de soi-même et

attention permanente à la personne aimée. L’amour est jouissance heureuse de sa propre vie et service

joyeux des autres. L’amour est fidélité par-delà les temps et les lieux, les

présences et les absences. En Marie, en méditant sur son amour, nous comprenons

combien l’amour peut être à la fois tendre et fort, expressif et profond, silencieux et éloquent, souple et rigoureux, serein et vivace, patient et dynamique, humble et digne, libre et esclave.

En Marie, l’amour est attention à tous et à chacun, présence et service humble en toute circonstance, compréhension et acceptation de l’autre, dialogue franc et écoute respectueuse, sacrifice et renoncement, confiance et stimulant, travail et fête, patience et force, promptitude dans la réponse et constance dans la fidélité, don et réserve, oblation de la vie qui se donne et accueil joyeux de la vie reçue.

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L’option chrétienne de l’amour

En théorie, nous savons tous que le cœur du message de Jésus, son "commandement nouveau", le cachet distinctif qu’il a voulu laisser à ses disciples, c’est l’amour. Le défi de chaque vie chrétienne est de passer de cette conviction théorique au vécu quotidien, cohérent et soutenu. Car l’amour chrétien a des exigences très concrètes qui embrassent l’existence tout entière. Si nous le prenons au sérieux, nous ferons de l’amour l’axe central et le moteur de notre vie. Notons quelques-unes de ces exigences et quelques voies de l’amour.

Avant tout nous devons réfléchir aux options de notre vie, à celle surtout qu’on appelle l’option fondamentale. Je désigne par là le choix du type de personne que je veux être, du style de vie qui me définit et me fait connaître de Dieu, des autres et du monde. Autrement dit, le nœud intime qui justifie mes motivations, mes attitudes habituelles, ma manière d’être en relation avec les autres, le mobile de ce que je fais et de ce que je refuse de faire. Ce pour quoi je lutte et pour quoi je suis prêt à jouer ma vie. L’orientation fondamentale que je vais donner à mon existence et que mon histoire personnelle jalonne au quotidien. Quelle est mon option fondamentale ? Quel est le sens profond de ma vie ? Voilà des questions importantes que nous avons tous à nous poser si nous voulons prendre notre vie au sérieux. Notre vie y donnera une réponse non équivoque et ce sera la cohérence ou l’incohérence, la dépendance ou l’indépendance, l’individualisme ou le sens social, le dynamisme ou la passivité, l’égoïsme ou l’amour.

Jésus et Marie nous apprennent que l’option la plus décisive et la plus transformatrice de la vie humaine est l’option de l’amour ; que l’amour peut devenir la motivation profonde d’une vie et la conduire à des fins imprévisibles ; que l’amour est la grande révélation de l’existence de Jésus et l’option radicale de son expérience humaine ; que l’amour

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constitue une chance unique pour l’histoire de l’humanité, la seule qui puisse l’unifier et lui ouvrir les chemins d’un avenir plein de promesse.

Très vite, nous nous rendrons compte que le verbe aimer, la décision d’aimer, se traduit en une série d’attitudes concrètes qui font irruption dans notre vie et qui illuminent toute décision ou tout acte, si petit soit-il. Lorsque je me décide à aimer, tout change. Si j’aime, j’opte pour la vérité et l’honnêteté. Si j’aime, j’accomplirai mon devoir et mon travail avec responsabilité. Si j’aime, je respecterai les autres et j’aurai souci d’eux. Si j’aime, j’essaierai d’accepter, de comprendre et de tolérer mes semblables. Si j’aime, je me préoccuperai du bien commun et je collaborerai aux projets communautaires. Si j’aime, je ne tolérerai pas l’agression ni la violence et je pratiquerai le dialogue dans la cordialité. Si j’aime, je rejetterai la commodité, la corruption, la trop grande facilité, le recours aux influences, la dérobade. Si j’aime, je lutterai pour la justice dans ma vie et dans mon milieu. Si j’aime, je saurai demander pardon et pardonner… On pourrait prolonger la liste mais il s’agit moins d’être exhaustif que de comprendre que l’amour pénètre dans tous les recoins de la vie, les illumine et les transforme.

Enfin, si nous sommes attentifs à notre monde et sensibles à ce qui s’y passe, nous devons nous persuader que l’amour chrétien doit avoir des effets sociaux, économiques et politiques dans notre existence. Face à l’exclusion dont sont victimes des pays, des groupes et des personnes, c’est une exigence de l’amour chrétien que de prendre parti et de combattre toute forme de marginalisation et d’exclusion. Du néolibéralisme capitaliste régnant, présenté comme unique sauveur de l’humanité, dénoncer les injustices et les incohérences et lui chercher des alternatives est une exigence de l’amour chrétien. Face à l’abandon, à la solitude, à la maladie, au chômage dont souffrent tant de frères, l’amour

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chrétien doit se faire empressé, actif, influent, promoteur, pour que les structures soient modifiées. Tout cela, disons-le simplement, nous le savons ; cela nous dérange, nous gêne, nous questionne, nous fait sortir de nos formes habituelles d’évasion, de conformisme, de rationalisation et de commodité, et nous situe face à une réalité qui nous blesse et que nous ne pouvons ni nier ni éluder longtemps. Sommes-nous disposés, personnellement et comme communauté chrétienne, à vouloir assumer concrètement, réellement, ces conséquences dans notre vie ?

Exercices : questions, réflexion, partage… 1. Comment te poses-tu dans ta vie la question de l’estime de soi et

du renoncement ? Regarde ton passé et demande-toi comment cela s’est passé dans ton enfance, dans ton éducation, dans ton évolution, etc. Comment l’entends-tu et le vis-tu aujourd’hui ? Es-tu arrivé à un équilibre satisfaisant ? Comment pourrais-tu l’intégrer mieux encore ?

2. Je te propose un travail à réaliser seul, avec un ami, ou en communauté : il s’agit de dresser une double liste, de mettre en parallèle des plaisirs que nous nous offrons ou qui sont signes du souci que nous avons de nous-mêmes, et des choses auxquelles nous renonçons par austérité ou par amour des autres. Regarder ensuite cette liste de près et essayer d’en tirer les conséquences.

3. Toute la vie s’explique à partir de l’amour. Es-tu d’accord avec ce principe ? En quoi ? Comment le justifierais-tu, le nuancerais-tu ou le rejetterais-tu ? Analyse l’histoire de ta vie à cette lumière. Qu’est-ce qui dans ta vie s’explique fondamentalement par l’amour ou le manque d’amour ?

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Comment l’amour a-t-il pesé dans ton évolution ? Qu’en est-il actuellement ?

4. Je t’invite à prendre un moment de réflexion et de prière tranquille avec Marie, à la lumière du paragraphe "Aimer : vivre pour les autres" et de quelques scènes de l’Évangile qui t’intéressent. Analyse les attitudes et les caractéristiques de l’amour de Marie puis essaie de les intérioriser et de les appliquer à ta propre vie et à la vie de ceux que tu aimes.

5. Voici un thème sérieux pour un partage avec un ami intime ou avec ta communauté : les conséquences économiques et politiques de notre amour chrétien. Cela correspond-il à quelque chose dans ta vie en ce moment ? A quoi ? Que devrais-tu faire encore ? Quels risques cela implique-t-il et quel prix faut-il payer ? Comment nous entr’aider dans cet engagement difficile ?

6. Les réflexions qui suivent relient le don de Marie à sa vocation à la maternité. Des nuances intéressantes qui peuvent donner à penser. Ce qui se dit des mères est-ce vrai de toutes les mères ? Qu’est-ce qui est spontané et qu’est-ce qui est qualités acquises chez les mères ?

" La maternité de Marie : don total.

Impossible de méditer sur sa vie sans en venir à la “vocation de la maternité”. Il s’agit d’une disposition fondamentale qui incite à donner, servir et éduquer la vie, physique ou spirituelle. Il s’ensuit que maternité est synonyme de générosité, abnégation, fidélité, compréhension, tendresse et délicatesse. La femme mère est le lieu du premier accueil, elle est le lieu d’hébergement pour son propre fils ou pour celui d’une autre ; mieux encore, elle est lieu d’hébergement pour l’humanité. Elle l’est dans la mesure même où elle vit l’essentiel de la maternité : "le

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service désintéressé pour la vie d’un autre" (P. Kentenich) […].

Marie est l’incarnation maximale de cette maternité. Dans ses entrailles, la vie a été conçue ; le Verbe éternel s’est fait enfant en elle. La grossesse, l’accouchement, les soins et l’alimentation du bébé sont sanctifiés par la maternité de Marie. Cependant manque encore le plus important, car la maternité est, avant tout, "don de l’âme". Avant d’accueillir l’enfant dans sa chair, Marie l’accueille dans son sein et, après lui avoir fait don de la vie durant neuf mois dans son sein, elle fait le don d’un service sans partage à sa personne et à son œuvre. Sa maternité s’élargit jusqu’aux confins de la terre. Personne ni rien de ce qui concerne l’humanité ne lui est étranger ; à tous elle tend la main dans un geste de service, d’aide et de protection.

Marie plaide ainsi pour ce qu’il y a de plus noble dans la femme : "la capacité d’amour oblatif, et l’incitation au don généreux pour le bien de l’autre" […]. Marie exalte la source première de toute maternité, physique ou spirituelle : l’amour oblatif, le don généreux à une vie pour laquelle on n’a aucun titre de propriété privée. La réalisation personnelle passe inéluctablement par l’amour toujours prêt à rendre service. "Celui qui perd sa vie la gagne".

Marie nous apprend aussi que l’amour maternel - fait de don de la personne, d’attention permanente, de sacrifice quotidien, d’oubli de soi, de refus des désirs et des possibilités personnelles – ne se réduit pas à une tâche secondaire, à une forme de frustration et de condamnation à la monotonie d’une vie routinière mais que, assumée librement et vécue avec la perspective d’horizons plus vastes, elle constitue une forme privilégiée de réalisation personnelle "1. 1 Angle L. Strada, Sch, Marie et nous. Manuel de théologie et de spiritualité mariales. 5° édition, pp.201-202. Ed. Clarétaines, Buenos Aires, 1989.

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LEÇON D’AMOUR …

Vierge Marie, merci pour ta leçon d’amour.

Merci pour ton exemple de consécration totale et généreux à ton fils Jésus, au Royaume et à nous tous.

Merci d’avoir fait de l’amour le cœur de ton existence

et l’engagement permanent de tous tes jours.

Merci d’avoir laissé croître en toi, sans limites, l’amour débordant de l’Esprit Saint

qui t’a été donné.

Apprends-nous comment vivre l’amour chrétien.

Apprends-nous à aimer Dieu et tous nos semblables

de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces.

Aide-nous à toujours choisir l’amour, sans que rien ni personne ne puissent

nous en empêcher.

Amen !

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III. 2. Le chemin de la fidélité Être fidèle comme Marie

La fidélité a-t-elle un sens aujourd’hui ?

Nous ne pouvons éluder la question ni méconnaître la mentalité de la culture dominante de nos jours. La fidélité n’est pas à l’affiche aujourd’hui, elle n’a pas la faveur du grand public. D’abord fusent l’ironie et les plaisanteries, puis viennent les questions : "fidélité à qui ? fidélité pour quoi ? fidélité jusqu’où ?" Aujourd’hui l’acceptation de l’infidélité est normale et constamment on en étale devant nous les multiples formes : elle est conjugale, familiale, professionnelle, civique, économique, politique… C’est comme une marée envahissante qui avance inexorablement et qui entraîne tout sur son passage.

Les interrogations et commentaires que l’on entend questionnent notre propre conscience, surtout si l’on n’a pas de réponses suffisamment convaincantes. Prétendre demeurer fidèle est-ce héroïsme ou stupidité ? La fidélité a-t-elle été une vertu exaltée dans le passé parce qu’elle tenait de la soumission inconditionnelle et permanente à quelque chose ou à quelqu’un ? En ces temps de liberté, d’autonomie, et de valorisation de la dignité peut-on encore parler de fidélité et la présenter comme une valeur ? Quand je ne sais pas ce que me réserve le lendemain, quand le futur m’apparaît incertain, quand on vit tellement dans l’instant présent, comment puis-je hypothéquer mon avenir avec des promesses et des engagements à long terme, alors que je ne sais pas si je pourrai les honorer ? N’est-ce pas de l’hypocrisie ou de la fausseté de promettre quelque chose que je n’ai pas en main ? Comment puis-je être fidèle si autour de moi l’infidélité est pratique normale ? Je ne puis aller à contre-courant.

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Cette manière de voir est grave et doit être prise au sérieux. Il serait puéril de la méconnaître et de s’enfermer dans une attitude de suspicion face à tous ses adeptes. Il nous faut réfléchir dans la sérénité et discerner ce qui est profondément en cause ; mûrir notre opinion et donner des réponses approfondies. Chaque question est significative de ce que vivent les gens et exprime une part de leur vérité.

Arrête-toi un instant et essaye de préciser ta position sur cette question : que penses-tu de la fidélité et comment la vis-tu ? Parler de fidélité aujourd’hui, cela a-t-il un sens ?

La fidélité de Marie: un texte de Jean Paul II

A l’occasion de son voyage en Amérique Latine, en 1979, pour l’inauguration de la Conférence de Puebla, le pape Jean-Paul II a prononcé une homélie dans la cathédrale de Mexico. Il a parlé de la fidélité et il a donné Marie comme exemple. C’est un texte profond et très beau que je propose à ta réflexion et à ta prière :

"Parmi les nombreux titres attribués à Marie, tout au long des siècles, en ce qui concerne l’amour filial des chrétiens, il en est un dont la signification est profonde : Vierge fidèle. Que signifie cette fidélité de Marie ? Quelles en sont les dimensions ?

a) La première dimension s’appelle recherche. Marie a été fidèle, quand, avec amour, elle s’est mise à chercher le sens profond du dessein de Dieu sur elle et pour le monde. "Comment cela se fera-t-il ? Comment cela peut-il arriver ?", demande-t-elle à l’ange de l’Annonciation. Déjà dans l’Ancien Testament le sens de cette recherche se traduit par une expression d’une rare beauté et d’un extraordinaire contenu spirituel : "chercher le visage du Seigneur". Il n’y aurait pas de fidélité s’il n’y avait à sa racine cette fervente, patiente et généreuse recherche. S’il ne se trouve dans le

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cœur de l’homme une question dont la seule réponse est Dieu.

b) La seconde dimension de la fidélité a nom accueil, acceptation. Et le comment cela se fera-t-il se transforme, sur les lèvres de Marie, en un fiat : que cela se fasse : je suis prête, j’accepte. C’est là le moment crucial de la fidélité, moment où l’homme perçoit qu’il ne comprendra jamais complètement le comment ; que dans le dessein de Dieu les zones de mystère sont plus nombreuses que celles de l’évidence ; que, quoi qu’il fasse, jamais il n’arrivera à le comprendre tout à fait. Cela advient quand l’homme accepte le mystère, le reçoit dans son cœur comme l’a fait Marie, "[Elle] conservait toutes ces choses, et les méditait dans son cœur" (Lc 2.19 ;3,15). C’est au moment où l’homme s’abandonne au mystère, non avec la résignation de quelqu’un qui capitule face à une énigme, à une situation absurde, mais bien mieux, avec la disponibilité de quelqu’un qui s’ouvre pour être habité par quelque chose - par Quelqu’un ! - de plus grand que son propre cœur. Cette acceptation, en définitive, se fait par la foi, qui est adhésion de tout l’être au mystère qui se révèle.

c) La troisième dimension de la fidélité est cohérence : vivre en accord avec ce que l’on croit. Ajuster sa vie à l’objet de sa propre adhésion. Accepter incompréhensions, persécutions plutôt que laisser une fissure s’insinuer entre ce qui se vit et ce que l’on croit : c’est en cela que consiste la cohérence. Là réside, peut-être, le noyau le plus intime de la fidélité.

Mais toute fidélité doit passer par l’épreuve la plus exigeante qui soit : celle de la durée. Cela explique la quatrième dimension de la fidélité : la constance. Il est facile d’être cohérent un jour, voire quelques jours. Difficile mais important d’être cohérent toute la vie. Il est facile d’être cohérent à l’heure de l’emballement, difficile de l’être à

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l’heure des tribulations. Seule peut être appelée fidélité une cohérence qui perdure toute la vie. Le fiat de Marie à l’Annonciation trouve sa plénitude dans le fiat silencieux qu’elle redit au pied de la croix. Être fidèle, c’est ne pas trahir en privé ce que l’on a accepté en public ".1

Dans la prospérité comme dans l’adversité

Il n’est pas question ici d’ironiser sur l’infidélité dans le mariage mais d’entrer dans les questions les plus profondes sur la possibilité d’être fidèle : l’adversité, la difficulté, le changement… Comment puis-je être fidèle si je ne sais pas comment je serai demain ?

Dans un atelier sur la formation de la conscience morale qui impliquait un groupe de foyers s’est posée avec sincérité et profondeur la question de la fidélité. Un des participants égrenait avec angoisse des questions comme celles que j’ai évoquées plus haut. Les autres avaient signalé une longue liste de cas d’infidélité… Un moment donné tous se sont tus et m’ont regardé : ils avaient besoin d’une réponse acceptable et ferme. Je leur ai parlé avec conviction et force mais je ne sais pas si ma réponse les a pleinement convaincus. Je n’ai pas changé sur ma conviction profonde :

J’accepte et je prends en compte le changement culturel en cours, marqué par la technologie, la mobilité sociale, l’accélération de l’histoire, l’incertitude face au futur… J’admets qu’il faut être très prudent avant de rien absolutiser et que "presque" tout est relatif. Je suis prudent dans l’emploi de termes catégoriques comme "toujours", "jamais", "tout", "rien"… mais je crois que la fidélité est possible parce qu’il est des valeurs permanentes. La vérité, la justice, la paix, la solidarité, la dignité de la personne, le bien commun… sont des valeurs pour tous et pour tous les temps. Les époques se suivent ainsi que les

1 Jean Paul II, 26 janvier 1979.Les mots en italique sont de moi.

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cultures, les temps et les systèmes de pensée. Mais j’affirme que le plus intime de la personne ne change pas ; il demeure identique à lui-même. Ma conscience d’être personnel, intelligent et libre, demeure, ainsi que mon besoin de bonheur et de vivre avec d’autres, ma conscience morale et mon ouverture à la transcendance. Et s’il est quelque chose de permanent en moi, s’il est des valeurs permanentes, la fidélité est possible, la fidélité est désirable, la fidélité est indispensable.

Au fond, je crois dans les valeurs permanentes et dans la nécessité de la fidélité, parce que je crois en Dieu. Parce que ces valeurs ne sont pas autre chose que les reflets, dans notre vie, d’un Dieu vrai, juste, libre et bon. Parce que ma conscience d’être une personne, la conscience de ma dignité et la capacité d’engager ma liberté et ma vie, ne sont pas autre chose que l’image de ce Dieu en moi.

Lorsque je fais une promesse ou que je prends un engagement pour l’avenir, limité ou définitif, je n’agis pas en irresponsable, je ne fais pas un saut dans le vide, je ne suis pas inconscient, hypocrite ni faux. J’affirme mon intention de maintenir cette position que je crois valable et bonne. Je n’ignore pas que des impondérables et des adversités peuvent survenir mais ils ne vont pas changer radicalement ma personne ni la profondeur de ma promesse. C’est pourquoi la fidélité est possible. Notre fidélité aujourd’hui

Faisons un pas de plus : sur quels terrains la fidélité est-elle la plus menacée et donc la plus nécessaire ? A la marée de propagande en faveur de l’infidélité nous devons opposer une conviction solide en partageant nos propositions concrètes.

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Fidélité à soi-même. La fidélité à mes convictions et à mes principes, à ma conscience et, en elle, à Dieu : telle est ma première fidélité, fondamentale, que je dois travailler. Accepter la nécessité de la réflexion et du discernement. Affronter les moments d’incompréhension et la critique, assumer les doutes, les luttes et les résistances intérieures, les options douloureuses.

Fidélité à l’amour : dans le mariage, en famille, avec les amis. En dépassant les motivations sentimentales ou superficielles, les moments de routine et de fatigue, les difficultés et les partis pris. En pariant avec confiance sur le dialogue serein et sur l’effort partagé. En se préparant avec sérieux et responsabilité durant le temps des fiançailles au grand défi du mariage.

Fidélité à la vérité : dans sa recherche et dans sa manifestation. Sincérité dans les paroles et simplicité des gestes et des attitudes. Rejet des multiples formes d’hypocrisie, de cachotterie, de mensonge. Défense publique de la vérité et de la justice. Enquête sur les faits douteux et sur la réalité sociale et politique.

Fidélité dans le travail et les affaires : accomplissement du devoir avec honnêteté et responsabilité. Rejet des situations de copinage et de privilège. Initiatives pour une meilleure recherche du bien commun. Usage honnête de l’argent et comptabilité claire. Paiement des impôts et autres taxes. Rejet des pots de vin, fraudes et négociations douteuses.

Fidélité à la communauté et à la Patrie : sens civique dans la vie sociale. Respect de nos semblables, particulièrement des moins favorisés. Respect des lois et des normes de la vie en commun. Participation aux organismes de solidarité et de promotion. Défense des traditions nationales et des valeurs de notre culture. Rejet de toute forme d’ingérence et d’impérialisme culturel.

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Exercices : questions, réflexion et partage…

1. Supposons que dans un groupe de gens connus se pose la question de la validité de la fidélité conjugale et se défendent les formes d’amitié alternative ou d’aventures passagères. Que diras-tu ? Quels seront tes arguments et tes raisons ? Aurais-tu le courage d’affronter une telle situation, au risque de passer pour un puritain ou un arriéré ?

2. Tu converses sincèrement avec un ami intime ou avec ton conseiller spirituel et voici qu’il te pose la question : "Comment vis-tu la fidélité aujourd’hui ? En quoi as-tu été fidèle et en quoi ne l’as-tu pas été ?" Essaie d’imaginer ta réponse. Va même plus loin et essaie de faire l’histoire de tes fidélités et de tes infidélités.

3. Dans ta vie concrète, dans ton milieu, dans ta famille, comment la fidélité est-elle mise en question ? Quels sont les arguments et les faits réels qui troublent le plus ton désir d’être fidèle à tes valeurs et aux personnes que tu aimes ? Comment luttes-tu contre cela ? Seul ? avec d’autres ?

4. As-tu lu avec attention le texte ci-dessus de Jean Paul II sur la fidélité de Marie ? Quels commentaires en fais-tu ? Relève les phrases qui t’ont le plus frappé et qui peuvent t’aider. Essaie d’appliquer à ta vie les quatre dimensions développées par le pape. Quelles sont celles que tu vis et celles dont tu as le plus besoin ?

5. La fidélité a des conséquences concrètes dans notre vie. Analyse les aspects énumérés dans le paragraphe "Notre fidélité aujourd’hui". Prends-les comme une grille d’analyse de ta fidélité. Quelles sont les dimensions que tu vis et celles que tu as le plus de mal à assumer ? Lesquelles ajouterais-tu et lesquelles abandonnerais-tu ? Comment faire pour les vivre avec plus de cohérence ?

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NOTRE DAME DE FIDELITE…

Notre Dame de la fidélité,

nous t’apportons nos infidélités et notre recherche de cohérence et de constance.

Nous venons te présenter notre malaise et nos doutes

à cause de tant d’actes d’infidélité qui sont posés dans notre monde.

Obtiens-nous une foi inflexible et forte, comme la tienne,

dans le Dieu fidèle à ses promesses et à son alliance avec nous.

Aide-nous à grandir dans la conscience de notre dignité,

à valoriser et à garder la parole donnée, à défendre la bonté des valeurs profondes de la vie.

Obtiens-nous un cœur fidèle et une volonté constante,

pour que, dépassant les difficultés, la fatigue et le doute,

nous maintenions toujours notre oui à Dieu et à nos frères.

Amen !

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III. 3. Le chemin de l’intégration et la liberté Être libres comme Marie

Amour, épanouissement et intégration de la personne

C’est un thème dont on parle peu, qu’il s’agisse de notre épanouissement ou de notre intégration en tant que personnes. Il est pourtant important et pose des problèmes qui ne se résolvent pas tout seuls. Notre expérience est celle d’une vie soumise à des tendances opposées, comme un combat entre forces antagonistes que nous sommes incapables de mettre en ordre et d’harmoniser et qui nous font souffrir. Nos rêves et nos désirs portent sur des objectifs grandioses alors que nos réalisations s’avèrent très pauvres. L’intelligence nous propose une certaine analyse de la réalité et le cœur ressent cette même réalité d’une manière tout à fait différente. Nous avons des projets de dépassement personnel et de croissance mais très souvent nous constatons que nous n’avons guère avancé. Nous nous croyons libres et indépendants mais en fait nous sommes subordonnés à bien des dépendances et à des contraintes. Nous avons un comportement différent selon que nous sommes seuls ou avec d’autres. Nous pensons être sûrs de nos réactions, jusqu’au jour où nous nous surprenons à parler ou à agir de manière étrange et inattendue. Voilà bien comment nous sommes. Être une personne, c’est sentir ce déchirement profond, cette anarchie intérieure et ce désir ardent d’équilibre et de maîtrise personnelle.

Cependant nous ne pouvons pas renoncer à lutter pour devenir des êtres mûrs et unifiés. N’est-ce pas la condition indispensable de notre bonheur et le défi le plus important de notre vie ? Chaque jour la même question revient : "As-tu grandi aujourd’hui ?".

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D’ailleurs nous connaissons tous des personnes dans notre entourage dont la vie nous prouve que la maturité est possible ; elles ont réussi leur intégration personnelle et nous les admirons pour leur équilibre et leur maîtrise ; elles vivent une liberté sereine et forte et, en tous temps, elles gèrent admirablement toute situation. Nous devinons bien que cela ne tient pas tellement à la chance ou à la malchance dont nous avons hérité en naissant ni au seul fait d’avoir reçu telle ou telle éducation. C’est quelque chose de plus profond et de plus personnel, c’est le résultat d’un combat permanent, c’est la grande aventure que nous avons à risquer toute notre vie.

Mon intuition, devenue peu à peu conviction, est que la grande force qui fait mûrir et rend possible l’intégration de la personne humaine c’est l’amour. C’est seulement en découvrant le pouvoir de l’amour et ses capacités transformatrices, et en le vivant, que nous sommes à même de croître et de mûrir. C’est seulement lorsque nous sommes décidés à mettre notre vie au service d’un projet qui nous transcende et qui nous est dicté par l’amour que nous commençons à vivre en profondeur. Seulement lorsque nous brisons la carapace de notre individualisme et que nous nous comportons comme membres de la grande famille humaine, dans la solidarité et le don de soi, nous pouvons faire l’expérience de la vraie joie d’une existence en profondeur. Oui, seul l’amour fait mûrir, seul l’amour favorise l’intégration, seul l’amour rend heureux. Le chemin ardu de la liberté

L’amour en question dépend inexorablement de la manière dont nous situons la liberté dans notre vie. La liberté, grande prérogative et grand devoir en même temps ! Nous nous sentons libres, nous affirmons notre liberté de mille manières mais combien peu sont des actes d’authentique liberté ? Comme nous nous trompons lorsque nous vantons un système sensé respecter la dignité de la

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personne et garantir sa liberté mais qui aboutit au triste résultat que nous voyons : le panorama de tant d’êtres humains privés des conditions élémentaires d’une vie décente ! Précisons brièvement comment nous devons fonder notre liberté.

Notre discours sur la liberté n’offre de garanties de crédibilité que dans la mesure où il est simple et réaliste : notre liberté est toujours située et conditionnée. Certes, nous sommes libres et appelés à vivre dans la liberté, mais notre liberté n’est pas un pouvoir inconditionnel ni une capacité sans limites. Elle est petite et limitée, c’est notre pauvre liberté humaine. Pour la décrire, nous devons tout autant faire état de ses nombreuses limites que de ses possibilités.

Quand on parle de liberté, il convient de le faire sur le fond d’un horizon collectif : ma liberté s’exerce à côté de beaucoup d’autres libertés ; mes droits par rapport aux autres correspondent et sont corrélatifs à mes devoirs envers eux tous ; je ne peux être libre que si, en même temps, je me sens membre et responsable d’un ensemble.

Pour cerner le champ de ma liberté, mieux vaut commencer par décrire ce qui m’empêche d’être libre. Analyser mes dépendances personnelles et culturelles, mes préjugés, mes conditionnements familiaux et sociaux, mes craintes, mes faiblesses, mes capacités et le poids du groupe sur moi.

La liberté se comprend mieux quand elle est comprise non comme un privilège acquis mais comme une tâche permanente. Plutôt que de dire "je suis libre" je devrais dire "je suis dans un processus de libération" ; ou "je dois me libérer". Mieux vaut exprimer cela au pluriel : "nous sommes dans un processus de libération", "nous devons nous libérer".

Une dernière note : la liberté n’est pas une fin en soi. Notre liberté est une liberté pour : liberté pour vivre la vérité, la justice et l’amour ; liberté pour réaliser notre dignité de personnes ; liberté pour une convivialité sociale juste ; liberté

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pour la communion et la participation ; liberté pour une relation profonde avec Dieu.

Si l’horizon où nous devons situer et vivre l’aventure de notre liberté nous apparaît trouble, peut-être nous manque-t-il seulement une chose : trouver une motivation forte pour entreprendre l’aventure. Comme dans le chapitre précédent, je veux vous partager une conviction qui peut servir d’éclairage et de stimulant dans les moments de confusion ou de crise : seul l’amour libère. Seul un amour grand et fort peut mettre en œuvre toutes nos ressources et nous faire tenir ferme dans ce combat permanent pour notre libération. Seul un amour passionné pour quelqu’un ou pour quelque noble cause est capable de briser le cercle de notre égoïsme, de l’individualisme dans lequel nous nous mouvons habituellement. Seul un amour vrai nous permet de discerner quelles sont nos servitudes, de les affronter et de les surmonter peu à peu.

Marie, la plus unifiée et la plus libre des personnes

Tournons-nous vers Marie. Elle se présente à nous, dans ce domaine aussi, comme un stimulant et un modèle, comme une femme heureuse parce qu’elle est arrivée à l’intégration et à la libération.

Comment voyons-nous Marie ? Comme une femme parfaite dès sa naissance, une espèce de poupée idéale, une sorte de magnifique sculpture déjà achevée ? Ou comme celle qui a vécu sa vie dans un processus de croissance et de maturation ? La tradition chrétienne et certaines formes de spiritualité tendraient peut-être à retenir la première image ; à partir des faits rapportés par l’Évangile, la réflexion biblique et théologale récente opte pour la seconde. Suivons-les : Marie, comme Jésus, a vécu authentiquement sa condition humaine : elle a connu le questionnement et le doute, la souffrance et la crise, l’apprentissage et la découverte, les limites et l’adaptation. S’il est vrai qu’elle a été dotée d’un

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immense capital de grâce, il n’est pas moins certain qu’elle a participé au plan de Dieu avec toutes les ressources de son humanité et de sa liberté, avec toutes les forces de son intelligence et de sa volonté. Elle a acquis des connaissances, a grandi, a souffert jour après jour, et est arrivée à la connaissance progressivement.

Assurément, c’est l’amour qui a fait mûrir Marie jusqu’à l’élever à des sommets admirables d’équilibre et de plénitude. Son immaturité de départ n’avait rien de coupable, mais elle a dû développer les capacités et les potentialités inscrites dans sa personne comme des germes en attente de germination et de croissance. Et elle l’a fait par amour et avec un amour profond. L’amour a affiné en Marie le sens de l’autre et son intuition sur la condition et les besoins des autres, sa capacité d’écoute et la compréhension du cœur de l’autre, sa créativité pour combler l’existence des autres de mille signes d’attention et de cordialité. L’amour a rendu Marie plus apte à discerner le moment où il faut se taire et le moment où il faut parler et agir. Il a développé en elle le respect profond de la personne et du mystère de l’autre, qui tout à la fois se révèle et demeure secret. L’amour a dilaté le cœur de Marie pour faire place en elle aux préoccupations et aux angoisses de tous, et développer en elle une compassion et un accueil sans limites.

Vraiment, l’amour a fait grandir et vivre Marie dans la vraie liberté. Certes, elle n’a jamais été coupablement dépendante, mais elle s’est heurtée à des barrières sociales, culturelles et religieuses qu’il lui a fallu dépasser. A côté de Jésus, elle a fait une expérience profonde de liberté et de libération. Elle a pris progressivement conscience – pour les dépasser – des complexes et des ressentiments du nationalisme juif étroit, elle les a dépassés et s’est ouverte à l’horizon libérateur de la grande famille universelle, du nouveau peuple de Dieu. Marie a dépassé progressivement les limites d’une piété formaliste et d’un culte extérieur, pour entrer

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dans l’espace libérateur de "l’adoration du Père en esprit et en vérité" (Jn 4,23). Elle a appris à affronter les coutumes exclusives et racistes de la société juive, pour défendre la dignité de toutes les personnes et le privilège réservé aux marginalisés dans le Royaume de Dieu. Dans la société machiste de son temps, Marie a fait l’expérience des femmes mises de côté et asservies et elle a fait les premiers pas libérateurs de la femme affirmant sa présence, osant parler et prétendant participer.

" Qui est ma mère et qui sont mes frères ? "

Dans ce contexte, nous trouvons dans l’Evangile une scène significative (Mc 3,31-35), souvent interprétée avec des partis pris1 mais qui peut éclairer notre réflexion sur l’amour comme source d’intégration et de liberté et sur l’action de Marie.

"Sa mère et ses frères arrivent et, restant dehors, le font appeler. La foule l’entourait". La famille de Jésus intervient pendant qu’il est occupé à prêcher. On ne sait pas trop ce qu’elle voulait : se saisir de lui, pensant qu’il avait perdu la tête (Mc 3,21) ? Lui transmettre un message et le ramener à la vie normale ?... On devine que la famille revendique des droits sur Jésus : ils sont sa famille, ils sont du même sang !

On lui dit : "Ta mère et tes frères sont dehors. Ils te cherchent". Ceux qui l’accompagnent interprètent également l’arrivée de la famille comme un rappel à l’ordre et la revendication d’un droit à se faire entendre de Jésus. En ce temps là, et aujourd’hui encore, on admettait que les liens de sang et le nom de famille entraînent des privilèges qui méritent d’être reconnus et pris en compte.

1 Voir le commentaire de A.Sera dans l’article "Biblia", du Nouveau Dictionnaire de Mariologie, Ed.Paulinas, 1988, pp.302-307.

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"Ma mère ? répondit-il. Qui est-ce ? et qui sont mes frères ?". Première surprise : Jésus conteste le droit naturel mis en avant et, par sa question, il invite son entourage à se situer sur un autre plan. Il rejette les prétendus droits acquis sur sa personne et refuse qu’on interprète sa personne en l’enfermant dans des paramètres étroits. Il conteste à quiconque un droit exclusif à son intimité et à son amour.

"Et embrassant du regard ceux qui faisaient cercle autour de lui, il dit : Les voici, ma mère et mes frères ! ". Deuxième surprise : non, il ne repousse pas sa famille physique, il ne nie pas son appartenance à sa famille, au contraire : il élève au rang de mère et de frères ceux qui l’entourent, en train d’écouter sa parole, d’essayer de devenir ses disciples et de le suivre. Il parle d’une nouvelle famille, qui n’est pas fondée sur les liens du sang.

"Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère". Finalement la clé, le secret pour atteindre Jésus et entrer dans une authentique intimité avec lui et jouir habituellement de sa présence c’est de faire la volonté du Père, d’accepter Dieu comme le Père de tous, de faire avancer le projet de Dieu qui est de former, avec tous les hommes et toutes les femmes du monde, une unique famille, sans privilèges ni marginalisation ni exclusion :

Il n’est pas difficile de relire cette scène du point de vue de Marie. Cela a peut-être d’abord été pour elle une nouvelle et douloureuse étape à franchir sur le chemin de la connaissance de Jésus, de l’acceptation de son mystère et de sa souveraine liberté. Jésus a l’air de lui dire : "Mère, la famille ce n’est pas tout, ni la première chose ; elle ne crée pas de droits absolus ni ne doit séparer les personnes ou les opposer. Dans l’histoire beaucoup de sang a coulé, et les conflits entre les familles et les clans en feront encore couler

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beaucoup. Or le Père ne veut pas cela". Marie progresse dans l’apprentissage de la liberté et de la libération à l’école de Jésus.

Mais au fond, Jésus reconnaît et souligne ici la vraie grandeur de Marie, la qualité de son amour, la raison la plus profonde de son intimité avec lui. Jésus semble dire : Marie n’est pas surtout unie à moi parce qu’elle est ma mère physique ; elle est ma mère, avant tout, parce qu’elle a accepté la volonté de Dieu sur elle, et elle est en train de l’accomplir avec un amour immense". Marie est le premier membre de la nouvelle famille que Dieu créer avec toute l’humanité. En cela consiste son vrai bonheur et le bonheur de ceux qui suivront son chemin (cf. Lc 11,27-28).

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Exercices : questions, réflexion, partage…

1. Nous parlons de notre maturité. A ton avis, quels sont les traits les plus marquants d’une personne mûre ? Fais-en une liste.

- Quelles sont concrètement les caractéristiques de la maturité affective, de la maturité sociale, de la maturité de la liberté ? Leur donnons-nous suffisamment d’importance ? Comment les vivons-nous ? Dans lesquelles sens-tu le plus ton insuffisance ? Comment les développer ?

2. Comment décris-tu une personne intégrée, unifiée ? Et, inversement, une personne qui ne l’est pas ? En quoi l’intégration se manifeste-t-elle chez l’une et l’autre ? L’intégration a-t-elle une relation avec la maturité ? Peut-on être immature et intégré ? Quelles sont les manifestations les plus typiques d’une personne intégrée et, de celle qui ne l’est pas ? Et quelles effets ont-elles sur les autres ?

3. Je t’invite à faire un petit sondage dans ton cercle de connaissances en posant la question : Qu’est-ce que pour toi être libre ? Ne donne pas beaucoup d’explications. Demande une réponse spontanée, sans trop de réflexion. Analyse les réponses. Tires-en des conclusions, après avoir fait la comparaison avec les aspects de la liberté indiqués dans le paragraphe ci-dessus "Le chemin ardu de la liberté".

4. Liberté et libération. Es-tu d’accord pour considérer la liberté comme un processus jamais achevé de libération ? Quelles connotations a pour toi le mot libération ? De quoi doit-on se libérer, individuellement et collectivement ? Quelles sont nos dépendances les plus notables ? Comment nous en libérons-nous ?

5. Marie est une personne mûre et intégrée. Marie, femme libre. T’es-tu parfois arrêté sur ces aspects de la vie de Marie ?

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Que te révèlent-ils ? En quoi les trouves-tu attrayants ? Qu’est ce qui est le plus admirable dans la maturité de Marie ? Et dans sa liberté ? Nous est-il possible de l’imiter dans son processus de maturation et dans sa manière de vivre la liberté ?

6. Je t’invite à lire un texte très intéressant sur Marie comme personne. Il peut paraître un peu technique et difficile, mais en le lisant posément et en réfléchissant, tu le comprendras très bien. Et tu y découvriras mille aspects nouveaux pour considérer Marie. Note ceux qui t’apparaissent les plus attirants pour ta vie.

"L’identité humaine peut s’entendre à trois niveaux, à partir de trois termes proches : les substantifs “identité” et “identification” et le verbe “identifier”.

1° L’identité personnelle. Nous voulons dire que l’identité de Marie, comme toute identité humaine est :

a) une réalité "évolutive", une réalité qui s’est formée et constituée de manière progressive : c’est une réalité en processus. Dans la personne concrète de Marie ce processus s’est accompli. Dans les textes évangéliques, la communauté primitive et leurs auteurs ont relaté suffisamment de faits pour nous permettre de conclure que Marie a réalisé ce processus de constitution de sa personnalité psychologique, sociale et religieuse. Comme personne-type, on n’a pas fini de saisir les traits de la personnalité de Marie […] ; l’Église n’a pas fini de formuler la profondeur de l’identité de Marie.

b) Une réalité "relationnelle", parce que son processus de constitution a impliqué et implique une relation et des relations concrètes, qui se déploient en cercles de plus en plus larges : elle est passée de sa famille à son peuple, de son peuple à son histoire, de son histoire à Jésus et à ses

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disciples, des disciples à l’Église et de l’Église à l’humanité […].

c) Une réalité "de type référentiel" car elle s’est constituée à partir d’un “Référent” toujours plus clair, précis et absolu : Dieu […]. Sa personne tout entière s’est structurée à partir de son adaptation à l’Absolu et à son plan de salut. Son identité ultime et personnelle est une identité religieuse qui imprègne toute son humanité.

2°. L’identification personnelle. Par cette expression, il s’agit de résumer plusieurs facteurs qui ont contribué à forger l’identité personnelle de Marie :

a) Le sentiment ou la conscience de soi-même : sentiment d’auto-activité […], sentiment de propriété de ses aptitudes, de ses attitudes, de sa corporalité, de sa composante cognitive, de son niveau affectif, de ses tâches et de ses limites personnelles.

b) - Une autonomie qui s’exprime toujours comme une manière de s’approprier son propre corps et de le maîtriser ; une manière d’intégrer son sexe psychologique ;

- une autonomie d’aptitude qui se concrétise par la connaissance de ses capacités et de leur développement dans son milieu social de vie […] ;

- une autonomie morale qui a exigé d’elle un certain nombre de changements de critères, une évolution partant du judaïsme de son enfance et aboutissant aux critères de Jésus et de sa communauté naissante ;

- une autonomie sociale : elle a connu une inadaptation adaptée, puisqu’elle a été disciple de Jésus et adepte de sa doctrine, ce qui la fit appartenir à un monde différent de celui auquel elle avait d’abord appartenu ;

- une autonomie idéale : son projet personnel a coïncidé parfaitement au projet de Dieu sur elle. Marie a été ce qu’elle a voulu être ; elle a été ce que Dieu lui a demandé

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d’être ; elle a été aussi plus que ce dont elle aurait jamais rêvé. La Parole lui a fait dépasser ses limites.

c) Le travail d’identification. Marie est un modèle d’identification humaine ; elle est pour toute créature une proposition à être en vérité. Elle transmet son identité et, à travers les Évangiles, elle livre son processus d’identification […] ; par là elle peut devenir un modèle abordable par quiconque veut être réellement une personne.

Marie est agent d’identification : nous voulons dire par là qu’elle est capable de transmettre ce qui constitue une identité, nous lisons en elle ce qui est constitutif de l’humain ; elle est paradigme de la personnalité humaine c’est pourquoi on peut la regarder et l’imiter […]. Marie n’est pas un modèle à contempler passivement ; elle n’est pas non plus un modèle passif ; elle est proposition d’une manière dynamique d’être et de se faire".2

2 M. Navarro, article "Personne", dans le Nouveau Dictionnaire de mariologie, pp.1.583-1.602. Dirigée par Stéphane de Fiores et Salvatore Meo, Ed.Paulinas ; Madrid, 1988. Voir aussi l’article "Liberté" , de X. Pikaza et S. Galilea, pp. 1.062-1.091, qui présente les fondements biblico-théologiques d’une vision mariologique de la liberté.

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MARIE LIBRE ET LIBERATRICE !

Marie, tu es une personne mûre et heureuse ! Notre-Dame de la Plénitude et de l’Équilibre,

de la Liberté et de la Libération !

Laisse-nous t’appeler par ces noms et te saluer avec joie,

toi l’orgueil de notre race.

Merci pour ta manière de vivre l’aventure de la personne humaine.

Merci d’avoir accueilli ta liberté et d’y avoir correspondu.

Merci pour ton amour immense, clé de la fidélité et du bonheur de ta vie.

Apprends-nous à réaliser dignement notre vocation de personnes.

Guide notre vie vers la maturité que veut le Père.

Sois notre maîtresse dans notre combat pour la liberté et la libération.

Que nous puissions aimer, grandir et être libres comme toi, afin d’être heureux comme toi

et de porter du fruit dans le Royaume,

Amen !

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III. 4. Le chemin de l’union et de la fraternité : Convoquer, rassembler, comme Marie

Marie dans la première communauté

Nous trouvons dans les Actes des Apôtres 1, 13-14 des faits intéressants, éclairants, sur la présence et le rôle de Marie dans la première communauté chrétienne, la communauté de Jérusalem.

Pour commencer, le texte cite la présence de trois groupes différents de personnes : les apôtres, les femmes, et les frères de Jésus. Il s’agit de trois groupes distincts, chacun illustrant un aspect particulier de la première communauté et donnant le témoignage de son vécu avec Jésus. - Les apôtres désignent le nouvel Israël fondé par le Seigneur ;

ils sont les témoins de Jésus et les missionnaires par qui le travail de l’Église a débuté.

- Les femmes sont là pour transmettre la mémoire de l’amour actif de Jésus au service de tous, sans acception ; elles sont les premiers témoins de la souffrance du calvaire et du mystère du tombeau vide.

- Les frères apportent à l’Église le témoignage de la tradition, de la famille juive de Jésus ; ils veulent entretenir le souvenir de Jésus et de son message dans la fidélité à la réalité de l’histoire et de l’alliance juive. Ces trois groupes, unis par leur lien à la mère de Jésus,

forment le noyau fondateur ou le cœur de l’Église. Marie n’appartient de manière exclusive à aucun groupe particulier. Elle est plutôt un trésor commun à tous ceux qui aiment Jésus en vérité. La Mère est avec tous, elle appartient à l’ensemble de l’Église ; cela explique qu’elle est au centre de la communauté des apôtres, du groupe des femmes et, bien sûr, de la famille.

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Dans cette première expérience de vie partagée, où persistent la peur et les doutes, la douleur de l’absence physique du Seigneur et l’incertitude pour l’avenir, se trouve Marie. Elle est la mère de Jésus, profondément fidèle au souvenir et à la promesse du Seigneur, ouverte à l’Esprit dans une espérance sereine et la prière persévérante. Elle est la femme dévouée à la communauté des disciples bien-aimés ( Jn 19,25-27 ), la seule chrétienne bien caractérisée du début de l’Église.1

Il y a un parallèle très significatif entre l’Annonciation et la Pentecôte. Marie, sise à l’ombre de l’Esprit, dans sa maison et dans sa personne, voici qu’elle monte à la montagne de Judée pour annoncer les merveilles que le Tout-Puissant a opérées en elle. L’Église apostolique, confirmée par l’Esprit de force, quitte sa retraite pour proclamer publiquement les grandes œuvres du Seigneur. C’est l’illumination de l’Esprit qui permet à Marie - et à l’Église - d’être des témoins prophétiques de l’action de Dieu en faveur de son peuple. La difficile fraternité : unis mais différents

Venons-en à nous, aujourd’hui : à notre réalité marquée par les données concrètes de la culture, par le lieu et la situation de nos communautés, où nous voulons fermement vivre la fraternité chrétienne. Il est fondamental que nous considérions cette ambition avec tout le réalisme possible : La fraternité est-elle possible ? Ne s’agit-il pas d’un idéal utopique, ou d’un but inaccessible ? Si nous visons trop l’idéal en oubliant les données du réel concret nous finirons évidemment par rêver de quelque chose qui est impossible et nous souffrirons frustration sur frustration. Si nous mettons l’accent sur notre réalité, laissant de côté le dynamisme de l’idéal il est probable que nous terminerons dans une vie

1 Xabier Pikaza, Amie de Jésus. Message marial du Nouveau Testament, pp. 96-111, st. 100-103. Ed. San Pablo, Madrid, 1996.

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aseptisée, dans une espèce de coexistence sans effets et donc sans rayonnement évangélique.

C’est pourquoi, sur ce chemin que nous prétendons parcourir ensemble, il me paraît important de tenir compte d’une série de situations et de constatations :

1. Il est indispensable d’avoir dès le début un idée claire et de dire en termes précis ce que nous entendons par fraternité chrétienne. Une certaine droiture pour ne rien soustraire à l’idéal proposé par le Seigneur mais pour savoir prendre la mesure des difficultés inhérentes à l’aventure ; repérer les obstacles prévisibles, la nécessité de comprendre et de pardonner, les nécessaires étapes de croissance, les attitudes qui entrent en jeu ; accepter les rythmes et les temps ; avoir fait l’inventaire des recours dont dispose cette communauté concrète qui veut vivre la fraternité…

2. Un second élément indispensable est la connaissance de la situation personnelle et des exigences de chacune des personnes du groupe qui prétend vivre l’expérience communautaire chrétienne. Est-ce un groupe de jeunes ou un groupe d’adultes ? Des couples ou des célibataires ? À quelle étape de leur vie se trouvent-ils ? Est-ce la première fois qu’ils se réunissent ou ont-ils déjà fait d’autres expériences de groupes ou de communautés chrétiens ? La vie et l’histoire de chacun constituent la substance concrète de "cette" communauté qui veut naître.

3. Un élément absolument nécessaire est la définition du type de communauté que l’on veut réaliser : un groupe chrétien de foi et d’amitié, avec des rencontres périodiques, chaque membre gardant sa vie personnelle et familiale ? Un groupe ou une équipe au service de tâches déterminées, d’évangélisation ou de promotion humaine ? Une communauté permanente où l’on partagerait la vie, les biens, un projet commun et un même horaire ? Parfois, ces

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schémas-types de communautés admettent des variations et des nuances dans leur finalité et leur style. Cette définition va indiquer les caractéristiques du type de fraternité que l’on veut vivre et qui peut se vivre.

4. Il faut savoir que dans tout projet de fraternité, quelles qu’en soient la définition et l’implantation, il y aura à faire l’expérience de la différence, à partager la vie et le dialogue, à se répartir les tâches et à se rencontrer… Apparaîtront alors les personnalités, les caractéristiques de chacun, leurs tempéraments et leurs réactions, aussi différents les uns des autres que le sont les moments et les rythmes de chacun. Sans l’acceptation réaliste et cordiale de cet éventail de différences, aucun essai de fraternité ne pourra être mené à bonne fin.

5. Enfin, il faut souligner la nécessité vitale de la confiance dans le groupe. Tout essai moyennement acceptable de fraternité montre très vite la richesse de la communauté, l’unité qui sourd de la diversité acceptée, de la force des volontés et des mains unies… Dans une expérience de fraternité on apprend à vivre le respect et les limites, on valorise davantage sa propre dignité et celle d’autrui, le soutien et l’aide se manifestent, la vérité s’approfondit. Il faut croire que tout cela est possible, et avoir confiance que le groupe peut y arriver.

La mère au milieu des frères

Une des caractéristiques les plus admirables de la fonction maternelle est son pouvoir de rassembler. Les mères ont été et demeurent le principe et la force d’union dans nos familles ; elles sont la raison des réunions familiales et la voix qui invite aux rencontres. Le regard et la présence de la mère changent la relation entre les frères. Dieu a voulu que dans la nouvelle famille née de la croix et de la résurrection du Christ, Marie, notre mère, joue ce rôle : rassembler. Elle

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rassemble ses enfants dans tous les sanctuaires de par le monde ; les fêtes de Marie sont des occasions de célébration par toutes les communautés chrétiennes ; sa personne et son amour sont des motifs de pèlerinage et de rencontres ; son nom et sa piété sont facteur d’union et de fidélité dans la foi : "Marie fut aussi la voix qui poussa à l’union entre les hommes et les peuples […]. Le peuple sait qu’il rencontre Marie dans l’Église catholique. La piété mariale a souvent été le lien qui a résisté, qui a gardé dans la fidélité à l’Église des secteurs où manquait pourtant une attention pastorale adéquate (Puebla 282,284).

Mais Marie n’est pas seulement présence qui appelle à se rassembler et facteur d’union : elle développe et cultive en nous le sens de la fraternité. Plus nous nous sentons fils du Père et plus nous nous sentons frères les uns des autres, plus nous reconnaissons à chacun sa dignité de personne, nous nous regardons sans méfiance et sans préjugés, nous apprécions le dialogue et la collaboration, nous sommes prêts à pardonner et à nous réconcilier. A la conférence de Puebla, nos pasteurs ont exprimé cela comme suit : "Marie-mère réveille le cœur filial qui sommeille en chaque homme. De cette manière, elle nous amène à développer la vie du baptême qui nous a faits fils. En même temps, ce charisme maternel fait grandir en nous la fraternité. Ainsi Marie fait-elle que l’Église se perçoit comme famille […]. Il s’agit d’une présence féminine qui crée l’ambiance familiale, engendre la volonté d’accueil, l’amour et le respect de la vie" (DP 295-291).

Les chemins de la fraternité

Marie nous enseigne les chemins de la fraternité que nous devons emprunter pour faire avancer les familles ou les groupes et les communautés, si imprégnés d’égoïsme, d’indifférence, d’agressivité vers des communautés de foi et de célébration, de tolérance et d’amour, de joie et de service.

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Le chemin de l’accueil et du respect

Il s’agit d’ouvrir le cœur et la vie aux frères, de les accepter et de les respecter comme ils sont, sans prétendre les modeler à notre goût ; de mettre en valeur leurs qualités et d’agréer leurs initiatives ; d’écouter avec attention leurs paroles et de respecter leurs silences, de leur faire sentir qu’ils comptent pour nous et que nous comptons sur eux.

Le chemin du pardon et de la réconciliation

Dans notre vie, il y a des oublis, des omissions et un manque d’amour. C’est pour cela que la fraternité a besoin du baume du pardon et de la brise fraîche de la réconciliation. Il ne peut y avoir de fraternité s’il n’y a pas des cœurs miséricordieux et compréhensifs, de frères patients et indulgents, s’il n’y a pas pardon demandé et offert, réconciliation recherchée et acceptée.

Le chemin de l’humilité et du service

La fraternité se fige là où règne la suffisance mais s’épanouit dans l’humilité ; elle se fane au soleil de l’orgueil mais repousse avec l’eau ordinaire de la simplicité. Il n’y a rien d’aussi stimulant pour la fraternité que les services empressés et généreux, que les petites attentions qui sont signe d’affection pour les frères.

Le chemin du travail et de la responsabilité

La fraternité est un temple qui se construit pierre par pierre, jour après jour. Elle demande un courage ferme, une disponibilité pour les diverses tâches, la générosité dans l’effort, la patience dans les difficultés. Elle prend du retard avec les absences injustifiées, souffre de l’abandon du devoir. Elle croît avec la présence constante et la fidélité entretenue.

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Le chemin de la joie et de la fête

Il ne peut être question d’une fraternité triste. Une communauté chrétienne sans fête et sans célébration, c’est inconcevable. Pas de communauté sans la joie des rencontres et des bonnes nouvelles, sans l’allégresse des congés et des loisirs, sans les anniversaires et les fêtes, sans le plaisir de "perdre du temps" entre frères et sœurs, sans célébration de la vie partagée et des succès des autres.

Exercices : questions, réflexion, parage…

1. La première expérience de fraternité se vit évidemment dans la famille. Quelles ont été tes premières expériences de fraternité ? Quel souvenir en gardes-tu ? Comment penses-tu qu’elles t’ont marqué ? Qu’est ce que tu retiens surtout et qu’est-ce que tu déplores le plus ?

2. "L’homme moderne […] a oublié que l’unique façon d’être frères est de reconnaître qu’on procède du même Père". Que penses-tu de cette affirmation du Document de Puebla (242) ? Parler de fraternité humaine sans référence à Dieu, cela a-t-il un sens ? Les athées peuvent-ils vivre une vraie fraternité ?

3. Examine sous ses différents aspects ton expérience de fraternité dans un groupe ou dans des communautés chrétiennes. L’objectif de la fraternité y a t-il été bien défini ? Comment a t-il été vécu ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Quelles ont été les réussites ? Quels enseignements en as-tu tirés ? Quels conseils pratiques donnerais-tu à un groupe qui veut vivre en fraternité ?

4. Essayons de faire un bilan, du point de vue de la fraternité des groupes et communautés chrétiennes que nous connaissons. Qu’en penses-tu ? Parmi leurs succès, leurs erreurs, leurs oublis, lesquels te paraissent les plus importants ? Quelles peuvent

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être les critiques de ceux qui ne partagent pas notre foi ? Qu’est ce qui échappe à leur critique ?

5. Marie nous apprend la fraternité - thème pour une réunion de fraternité ! – Soudain apparaît Marie ; elle salue et s’assoit sur une chaise. "Bonsoir les enfants, je suis venue échanger avec vous sur la manière de vivre la fraternité". - Que dirions-nous à Marie ? Que nous dirait-elle ?

6. Marie et la fraternité universelle. Les lignes qui suivent ouvrent des horizons intéressants sur Marie en tant que sœur et mère de la nouvelle communauté des disciples de Jésus, l’Eglise. Cela vaut la peine de les lire et de les commenter en famille ou en communauté.

″Jésus a brisé la vision traditionnelle du père en Israël. Cette rupture n’est pas seulement théorique, située sur le plan des idées et des principes : elle est aussi sociale et familiale. Jésus n’admet pas de père dans ce monde, puisque le Père des cieux le comble complètement. C’est pour cela qu’il a critiqué les régimes d’autorité, il a rejeté les docteurs de la loi qui en appellent au pouvoir de la tradition, les prêtres qui administrent le temple comme une maison qui est sous leur pouvoir. Tout le chemin de Jésus a été une ouverture à la fraternité universelle où, comme dit Ga 3,28, "il n’y a ni homme ni femme, ni juif ni gentil, ni homme libre ni esclave". En développant cette parole dans la ligne de Mt 23,8-9, nous pourrions dire : il n’y ni pères ni fils, dans le sens juif traditionnel de l’autorité et de la dépendance.

Cette rupture familiale, avec la découverte de la fraternité universelle qu’elle implique, a obligé l’Église à resituer d’une manière plus profonde la figure de Marie. L’Église, dès le début de sa vie, a regardé et a découvert que la mère de Jésus n’est pas une mère qui s’impose, au sens patriarcal. De même que sa fonction ne s’est pas limitée au niveau de la soumission ni de la génération biologique du monde. Elle

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est mère dans la foi parce qu’elle a cru ( cf. Lc 1,45 ) et parce que, jusqu’au bout, elle a suivi le chemin de la nouvelle fraternité de Jésus, ce qu’elle a ratifié par sa présence au pied de la croix ( Jn 19,25-27) et à la naissance même de l’Église ( He 1,14-15 ). C’est seulement ainsi, en étant sœur, dans un contexte d’accueil-amour, comme le symbolise ce qui concerne le disciple que Jésus aimait, que Marie peut se présenter au Calvaire comme la mère universelle.

C’est seulement là où les hommes sont frères dans l’amour, sans despotisme, sans pouvoir ni domination, que Marie vient se présenter comme la mère. Elle est femme-mère : elle représente et réalise le long chemin de l’humanité, ouverte au mystère de la vie. Ainsi la voyons-nous à Cana ( Jn 2,1-12 ), participant au mystère des noces. Ainsi la revoyons-nous quand les noces se sont accomplies dans le sang du Calvaire ( Jn 19,25-27 ), où naît la nouvelle humanité, représentée par le disciple bien-aimé et aimant ; elle demeure toujours comme mère de ce disciple de l’amour du Christ".3

3 X. Pikaza, article "Famille", dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie, pp.777-778. Nous recommander dans ce même article, la section ̃Marie dans la spiritualité familiar̃, de B. Antonini, pp.784-788.

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MARIE, MERE DE L’ÉGLISE

Marie, mère de l’Église qui naît à la Pentecôte, mère de ce peuple de frères,

nous te saluons comme la mère qui nous invite et nous appelle à vivre la filiation et la fraternité.

Pardonne-nous nos péchés d’égoïsme et d’orgueil, nos affrontements, nos convoitises et nos rivalités.

Rassemble-nous dans ton affection et ta douceur maternelle,

et apprends-nous à vivre la fraternité voulue par Jésus. Réveille en nous un cœur de filial et fraternel.

Aide-nous à construire chaque jour une communauté de frères

qui se respectent et s’aiment tendrement, manifestant ainsi dans le monde l’amour de ton fils. Guide-nous sur les chemins du pardon et du service,

de l’accueil et de l’humilité de la joie et de la fête.

Amen !

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III. 5. Aimer Marie L’amour de Jésus pour Marie

En celui qui cherche à reproduire les sentiments de Jésus se reflètent les sentiments et les attitudes de Jésus envers sa mère ; il découvre que Jésus a aimé Marie et il veut aimer Marie comme Jésus, avec l’amour de Jésus.

L’amour de Jésus pour Marie est avant tout l’amour d’un bon fils envers sa mère. Un fils qui admire et respecte sa mère, qui découvre sur son visage l’attention et l’affection et qui se laisse entourer de prévenances. Qui se laisse guider et qui apprend à accepter et à suivre les indications de sa mère qui ne veut que son bien. Un fils qui pose des questions sur le mystère de la vie et de la nature et qui reçoit avec gratitude les réponses opportunes d’une mère qui modèle peu à peu sa perception et sa compréhension. Un fils qui découvre que l’amour de sa mère se fait parole et action, silence et service, et qui commence à aimer en suivant la même voie. Un fils qui perçoit ce que c’est que d’être aimé en liberté et qui apprend à aimer de même. Un fils qui voit la mère occupée par les nécessités de tous et qui s’essaie, lui aussi, à ouvrir son regard et son cœur aux problèmes des autres. Un fils qui a l’intuition que personne n’écoute, ne comprend et ne console comme une mère et vit avec elle le dialogue et la confidence. Un fils qui tient toujours compte des sages conseils de sa mère, fruits de son expérience et de son amour maternel.

Ce n’est pas la peine d’allonger la liste. Jésus a vécu comme personne d’autre l’expérience de la filiation. Il a eu avec sa mère une relation mûre, excellente, supérieure à celle qui peut exister entre un fils et sa mère. En cela aussi il est source et chemin pour notre vie.

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a) Il nous apprend comment doit être notre amour pour notre mère ; - Arrêtons-nous un moment pour un examen et la réflexion : Comment est l’amour que je porte à ma mère ? Comment est-ce que je le ressens et l’exprime, le démontre ? -

b) il nous invite à avoir avec Marie une relation et un amour comparable au sien.

Il est un autre aspect de l’amour de Jésus pour Marie que nous devons considérer. Cet amour ne fut ni exclusif ni excluant mais embarqué dans un autre amour, plus grand : l’amour du Père et du Royaume. Dans la vie de Jésus, la hiérarchie des valeurs et des options est très claire. La relation avec son Père et l’accomplissement de son plan d’amour - le Royaume - est premier, absolument. Tout est polarisé par cette option fondamentale, tout est suspendu à elle. C’est pourquoi il ne vit pas son amour pour Marie comme quelque chose d’extérieur ou de plaqué mais il l’intègre dans son projet total. Et, ce faisant, il intègre Marie dans ce grand projet. De fils il devient maître et Marie, sans cesser d’être la mère de Jésus, devient la Femme, la Nouvelle Eve, la première disciple, la mère de l’humanité nouvelle. Cette perspective éclaire plusieurs scènes de l’Évangile, comme celle de la perte de Jésus au temple, des noces de Cana, de la rencontre de Jésus avec les gens de sa famille et nous les fait mieux comprendre. Il n’y a pas de rejet de la part de Jésus mais appel à la foi et au centrage plus radical de la vie sur le dessein et les voies de Dieu.

Tel doit être notre amour pour Marie, à l’école de Jésus qui nous apprend à aimer sa mère et notre mère d’un amour tendre et fort, intime et profond, docile et reconnaissant. D’un amour généreux et libre, incorporé au plan de Dieu, ouvert au renoncement et à l’engagement de toutes nos énergies.

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Le vrai sens de la dévotion à Marie

Le moment me paraît venu de réfléchir ici sur la dévotion à Marie. Parce que l’amour et la dévotion à la Vierge s’entrecroisent dans la tradition chrétienne et dans la vie de l’Église actuelle. L’amour pour Marie s’est exprimé et s’exprime par différentes formes de dévotion, dont chacune a prétendu épuiser l’amour pour Marie et se donner en modèle. L’histoire de la dévotion à Marie dans l’Église catholique comporte de multiples faits et manifestations qui méritent d’être analysés avec respect et sérieux, bien qu’ils ne méritent pas tous la même approbation et la même adhésion. Certaines dévotions mariales apparaissent exagérées, fruits de la sensiblerie, fermées sur elles-mêmes, exagérant le rôle de la Vierge dans notre vie, à la limite de l’idolâtrie.

Ce n’est pas le lieu ici de faire une recherche historique des causes de ces déviations mais il est opportun d’en signaler les risques et d’en rechercher le sens évangélique et ecclésial pour mieux dégager la véritable dévotion à Marie.

Le paradigme qui nous est donné pour cette recherche est de la plus haute valeur :c’est le Concile Vatican II et sa manière de traiter la personne de Marie et sa relation avec le mystère du Christ et de l’Église. Il y a eu polémique et tensions sur ce thème dans la salle conciliaire mais, à la fin, les partisans de l’intégration l’ont emporté, ceux qui voulaient présenter Marie totalement liée au Christ et à l’Église.

Des documents du Concile et de la révision profonde de la mariologie et de la spiritualité mariale qui en a résulté nous retenons quelques critères d’une vraie dévotion à Marie. Celle-ci doit être : - biblique : toujours nous en tenir aux faits de la Révélation et à l’exégèse la plus fondée ; éviter extrapolations et

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projections, qui naissent plus de l’imagination et du désir que des faits de l’Évangile ;

- christologique : le parcours de Marie n’a de sens que par référence au Christ, en communion avec lui et avec sa mission. ; toute séparation ou opposition est une erreur ; des présentations de Marie qui éclipsent le Christ sont dangereuses ;

- ecclésiale : Marie est mère et figure de l’Église ; elle n’est pas une espèce de déesse séparée du peuple de Dieu. ; Marie nous conduit à la communion ecclésiale et ne cautionne pas les groupes fermés ou exclusifs.

- liturgique : la dévotion à Marie doit s’inspirer de la liturgie de l’Église et se vivre selon ses règles plutôt que de s’exprimer en des formes ou des manifestations étrangères au culte et à la prière de l’Église ;

- pastorale : la dévotion à Marie n’est pas une fin en soi ; elle doit toujours déboucher sur l’évangélisation et la promotion humaine, le souci des pauvres et des exclus ;

- œcuménique : Marie, comme le Christ, veut l’union des frères séparés. La dévotion à Marie doit développer cette union et non se dresser comme une barrière qui s’y oppose.

A la lumière de ces critères, je t’invite à évaluer les dévotions actuelles à la Vierge et leurs manifestations dans notre Église, à t’interroger avec sérénité sur leurs effets et à en tirer quelques conclusions pratiques ; à revoir aussi ta dévotion à Marie, pour qu’elle soit réellement l’expression de l’amour que Jésus et l’Église veulent pour Marie.

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Les chemins de l’amour envers Marie

Notre regard sur l’amour de Jésus envers sa mère et sur la dévotion mariale authentique nous ont indiqué des directions pour la vie spirituelle et pour la vie pratique. Essayons de les concrétiser et d’y mettre un peu d’ordre.

Le chemin de la connaissance et l’intimité

L’amour ne se lasse pas de connaître la personne aimée. Notre amour pour Marie nous pousse à la connaître toujours mieux, à la découvrir à travers la rumination tranquille des passages évangéliques qui nous parlent d’elle et qui nous aident à nuancer ce que nous savons d’elle et à découvrir toujours de nouvelles perspectives ; à la connaître par la lecture et l’étude des bons livres que la théologie, l’exégèse biblique et la spiritualité chrétienne ne cessent de produire sur elle ; à la connaître à travers le dialogue et le partage de foi avec d’autres chrétiens qui la connaissent et qui l’aiment ; à la connaître dans l’intimité de la prière, en silence avec elle, lui demandant de nous enseigner tout ce qu’elle gardait et méditait dans son cœur (cf. Lc 2,19.51).

Le chemin de la communion de vie

L’amour réclame présence et communion de vie avec la personne aimée. Notre amour pour Marie nous pousse à vivre en communion avec elle, en communion avec ses attitudes de foi profonde, de disponibilité à Dieu qui se révèle, d’humilité et de service, de louange et de gratitude envers le Seigneur des pauvres, de vaillance et d’espérance joyeuse ; en communion dans le concret de la vie, à travers le temps qui passe et la monotonie des jours, dans le travail routinier et dans les tâches obscures, dans la relation avec les autres et dans les moments de repos et de solitude. Vivre sa vie en communion avec Marie, c’est avoir trouvé le secret de vivre mieux.

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Le chemin de l’engagement

L’amour exige le don à la personne aimée. Notre amour pour Marie nous amène à nous donner à elle, dans l’amour et la fidélité, parce que Jésus nous l’a donnée pour mère et que nous voulons la recevoir comme telle dans notre vie ; à nous donner à elle comme le meilleur chemin pour vivre notre don à Dieu, à Jésus et aux frères ; à nous donner à elle dans la confiance et la paix de qui se sait entouré et protégé ; à nous donner à elle parce que nous savons qu’elle est maîtresse de foi, dame de fidélité, étoile de l’évangélisation, première disciple, meilleure voie pour suivre le chemin de Jésus. Le chemin du plan de Dieu et du service du Royaume

L’amour cherche toujours le bien de la personne aimée. Et le plus grand bien, le plus grand désir de Marie est que se réalise la Parole de Dieu (Lc 1,37) et que nous fassions ce que Jésus nous dit (Jn 2,5). L’amour de Marie nous conduit à nous donner à l’annonce de la Bonne Nouvelle et à laisser Jésus transformer l’eau de nos existences en vin du Royaume. Avec Marie et comme Marie, nous voulons proclamer, par notre parole et par notre vie, que Dieu est Père et qu’il nous aime. Avec Marie et comme Marie, nous voulons consacrer nos énergies à l’extension du Royaume de la justice et de la paix de Jésus pour que notre monde devienne une patrie de frères.

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Exercices : questions, réflexion, parage… 1. Jésus a aimé sa mère. Dans le paragraphe "L’amour de Jésus

pour Marie, tu as trouvé une liste d’attitudes et de formes que prend l’amour du fils plein de bonté envers sa mère. Est-ce applicable à l’amour de Jésus pour Marie et à l’amour de quiconque pour sa mère ? Quel amour as-tu eu et as-tu envers ta mère ? Comment a-t-il évolué avec le temps ? Que pourrais-tu reprocher à ta mère ou que te reproche-t-elle ?

2. Peut-il y avoir conflit entre l’amour de la famille et la foi ? Connais-tu des cas ? ( Vocation religieuse d’un fils, changement de religion, choix pour l’éducation des enfants, engagement de quelque membre, choix économiques…). Quels en ont été les effets ? Comment les analyser et les résoudre ? Comment ferais-tu s’il s’agissait de toi ?

3. La dévotion à Marie. C’est un thème à analyser, avec le temps qu’il faut, avec la communauté ou avec ta famille. Tu peux y déceler d’abord des styles, des groupes, ou des manifestations. Quels types de dévotion à Marie connais-tu ? Te paraissent-elles toutes valables ou en est-il qui comportent des éléments critiquables ? Complète les critères d’une bonne dévotion énoncés dans le paragraphe "Le vrai sens de la dévotion à Marie".

4. Que penses-tu des apparitions de la Vierge ? Lesquelles connais-tu ? Sont-elles toutes semblables ? As-tu connu quelque ‘apparition’ qui se soit avérée fausse par la suite ? Quelle est l’attitude de la hiérarchie de l’Église ? Quelle importance peuvent avoir les apparitions de la Vierge pour notre foi ? Doit-on croire aux révélations privées ?

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5. Les chemins de ton amour pour Marie. Voilà un autre beau thème sur lequel partager dans un groupe d’amis. Comment vis-tu ton amour pour Marie et comment entends-tu grandir dans cet amour ? Qu’est-ce qui est en train de bien se développer dans ta vie chrétienne ? Cela te rapproche-t-il de Jésus et des autres ? Dans "Les chemins de l’amour envers Marie" quels aspects vis-tu davantage et lesquels aimerais-tu vivre mieux ?

6. Je t’invite une fois encore à lire un beau texte, classique, sur l’amour pour Marie. Il est tiré du merveilleux petit livre Mon idéal, Jésus, fils de Marie, écrit par le Père Émile Neubert, un prêtre marianiste français qui a beaucoup aimé Marie. Lis tranquillement ces paroles, que l’auteur met dans la bouche de Jésus, et analyse les sentiments qu’elles éveillent en toi. Puis reviens à la question : comment aimer Marie davantage ?

"Par amour le Père m’a fait fils de Marie. Tout dans mes relations avec ma mère s’explique par

l’amour. Veux-tu comprendre ma piété filiale envers elle,

comprends avant tout mon amour pour elle. Oh ! Que je désire faire passer dans ton cœur un peu de

l’amour pour ma mère qui brûle dans le mien ! Je l’ai aimée parce qu’elle m’a aidé à remplir la mission

que m’avait confiée le Père. Parce qu’elle m’a donné ma nature humaine afin que je

pusse prêcher la bonne nouvelle aux hommes et mourir pour eux. Parce que, dans cette mission, elle s’est unie à moi par sa volonté, par ses supplications, par ses immolations, par sa présence au pied de la croix.

Parce que, jusqu’à la fin des temps, elle travaillera à convertir les pécheurs, à sanctifier les justes, à m’amener des âmes sans nombre.

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Parce qu’elle est elle-même le grand triomphe de ma mission rédemptrice et qu’en la rachetant d’une manière si parfaite j’ai fait plus qu’en rachetant tout le reste du monde.

Je l’ai aimée et je l’aime parce que, grâce à elle, j’ai pu offrir au Père des adorations, des réparations, une gloire d’une valeur infinie, que je ne pouvais lui donner sans l’humanité dont elle m’a revêtu ; parce qu’elle s’est unie à moi dans mes hommages au Père et l’a adoré, vénéré et aimé comme il ne l’a jamais été et jamais ne le sera par tous les saints et anges réunis ; et parce que, par elle, on comprendra mieux mon Père et on prendra des dispositions plus filiales à son égard".

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JESUS, QUE NOUS AIMIONS MARIE COMME TOI

Jésus, fils de Marie et notre frère, nous voulons aujourd’hui contempler

ton amour pour Marie et laisser ce même amour croître dans notre cœur.

Merci d’avoir tant aimé ta mère et de nous l’avoir donnée comme notre mère.

Apprends-nous à faire de notre amour pour Marie

un chemin de croissance et de fidélité.

Que, vivant dans son intimité et en communion avec elle,

nous apprenions à te connaître, à t’aimer, à te suivre

et à mieux t’annoncer aux hommes.

Qu’en nous livrant avec confiance à Marie nous laissions la volonté du Père

s’accomplir en nous et étendions plus largement

ton Règne de justice et de paix.

Amen !

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III. 6. Marie nous apprend à aimer Jésus L’amour de Marie pour Jésus

Jésus nous a montré son amour pour Marie et nous a invités à y participer. Laissons maintenant Marie nous guider dans notre amour progressif de Jésus. En effet, dans le plan de Dieu la mission de Marie est de conduire les hommes à Jésus pour qu’ils le connaissent, l’aiment et le suivent. Comment a-t-elle vécu elle-même son amour pour Jésus ? Les évangiles vont éclairer notre recherche. Le don inconditionnel de la vie

C’est le premier aspect de l’amour de Marie. Une fois qu’elle a discerné l’appel et la proposition du Seigneur et qu’elle s’est plongée dans le mystère, Marie se donne pleinement et sans condition et dès lors l’Esprit fait grandir la Vie en elle. Dès ce moment-là, Jésus a été le pôle de toute la vie et de tout l’amour de Marie ; elle s’est donnée à lui et à son œuvre. Ce don va grandir, souvent dans la douleur, l’obscurité, le choc de l’inattendu mais Marie recourt constamment à la foi. Elle s’est lancée dans l’inconnu, elle a accepté le risque de la persécution, le déracinement de l’émigration, la monotonie de la vie quotidienne, la douleur de la séparation et de la solitude, l’humiliation de la critique et des insultes. Ce don assumé librement à l’Annonciation, Marie y reste fidèle jusqu’au martyre du Golgotha.

De tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces (Mc 12,28-34 ; Dt 6,4-5).

L’amour vrai centre le cœur et la vie de l’aimant sur la personne aimée. En Marie nous avons la démonstration de ce que peut signifier prendre au sérieux et vivre jusque dans

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ses ultimes conséquences le commandement de l’amour. L’amour de Marie pour Jésus a polarisé toutes ses énergies et l’a fait se dépasser elle-même et grandir de manière étonnante. En Marie nous comprenons la force de l’amour et sa prodigieuse capacité à transformer la vie des personnes et à les rendre fécondes. Elle vit de plus en plus centrée, affectivement et effectivement, sur Jésus et son œuvre. Et elle le fait avec une simplicité et une cohérence admirables. Comme l’explique Paul VI dans Marialis Cultus, "En Marie tout est référé au Christ et tout dépend de lui" (MC25).

La participation au même destin

L’amour pour Jésus amène Marie à participer à ses côtés, comme disciple et compagne, au déploiement de son projet de vie, de son annonce du Royaume et de son dévouement à la cause du Père. Proche ou loin de son fils, Marie rumine ses paroles, écoute et médite les paraboles, lui rend grâce pour ses gestes de guérison et de miséricorde, l’applaudit lorsqu’il affronte les pharisiens, imite sa pauvreté et sa liberté, se réjouit dans l’Esprit avec son fils parce que Dieu se révèle aux humbles, souffre avec lui de l’obstination et de l’orgueil de tant de cœurs. Le Document de Puebla résume tout cela en ces termes : " L’existence entière de Marie est une communion plénière avec son fils […]. Elle fut fidèle au Seigneur sur tous ses chemins […]. Elle a noué une histoire d’amour avec le Christ, intime et sainte, culminant dans la gloire" (DP 292).

Le témoignage public d’amour

On ne peut pas cacher ni taire l’amour. Celui de Marie pour Jésus, malgré toute sa discrétion et son humilité, se manifeste, se rend visible, s’exprime en paroles et en gestes, se définit, se joue. Déjà, dans la joyeuse explosion de la Visitation, l’amour de Marie se fait service et témoignage. Le

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Cantique de Marie est un beau chant d’amour et de gratitude à Dieu, qui tourne son attention vers les humbles et libère les pauvres. Le geste de la maman montrant Jésus aux bergers et aux mages rend manifeste l’amour de Marie. Son intervention à Cana est une claire expression de sa confiance en Jésus. La suite de la vie publique du Seigneur la fait voir comme disciple, impliquée dans le projet de son fils. Sa présence au Calvaire constitue le témoignage définitif de son amour, de sa fidélité au moment où tous abandonnent le crucifié. L’acceptation de la mission

L’amour fait réaliser les désirs de la personne aimée, se sacrifier à ses intérêts, veiller sur l’exécution de son testament ou de ses dernières volontés. Marie manifeste son amour inconditionnel en acceptant la mission commandée par Jésus. Sa présence à la Pentecôte est le signe de cette acceptation : elle est la mère qui réunit ceux qui se sont mis à la suite de Jésus et elle anime la naissance de l’Église missionnaire. Ce cœur qui n’a été que pour Jésus se dilate alors pour embrasser tous ses disciples. La mère qui a pris soin de son fils unique va désormais et jusqu’à la fin des temps s’occuper de tous ses nouveaux enfants, les frères et sœurs de Jésus. La femme qui a dit aux serviteurs de Cana "Tout ce qu’il vous dira, faites-le" va répéter cette consigne à tous les chrétiens qui se sont engagés pour que se réalise l’humanité. Le chemin du chrétien dans l’amour pour Jésus

Le chemin de la vie chrétienne est un chemin de découverte, de connaissance, d’amour, de suite et d’annonce de Jésus.

Chacun de ces pas se vit comme une étape particulière, à un moment particulier de la vie mais on ne l’abandonne

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jamais parce que, au contact du Seigneur, il ne cesse de se renouveler et de s’enrichir. D’autre part, il ne faut pas les considérer comme une séquence rigide : nous pouvons passer de l’amour à la connaissance ou de la ‘suite’ à la découverte … Chaque vie chrétienne se déploie à un rythme différent, marqué par des circonstances, l’action de l’Esprit et notre réponse à Dieu. C’est pourquoi nous nous limitons à signaler quelques aspects de chacune des facettes de notre rencontre avec le Seigneur et de notre amour pour lui.

Découvrir Jésus

La personne, le message et l’action de Jésus sont réellement fascinants : ils attirent, séduisent, émerveillent ; jamais ils ne s’épuisent. "Jésus ayant cessé de parler, les foules demeurèrent impressionnées par son enseignement (Mt 7,28-29 ; Lc 4,36-37). Debout, il rabroua le vent et la mer. Un grand calme se fit. Autour de lui, figé, on s’interrogeait : qui est-il ? Voyez ! Même les vents et la mer lui obéissent !" ( Mt 8,26-27 ; Lc 9,43). Quelque expérience de "découverte" humaine peut nous faire penser à nos attitudes et à notre capacité de découvrir Jésus. Le cri de notre indigence, et notre désir de bonheur, le mal dans le monde et la nécessité de la justice sont aussi des portes ouvertes sur la reconnaissance du Seigneur. Il est impossible de découvrir Jésus sans chercher à le connaître

La rencontre de Jésus mène à une recherche de connaissance et d’intimité. " Rabbi (c’est à dire Maître) où demeures-tu ? […]. Venez, vous verrez […]. Ils demeurent avec lui de quatre heures de l’après-midi jusqu’au lendemain" (Jn 1,35-39). Il y a beaucoup de manière d’arriver à connaître de Jésus : l’étude de son existence humaine, de ses attitudes, de ses traits, la lecture de sa vie et la réflexion sur ses actions et ses paroles, qui sont pour nous l’expression de ses motivations et de ses options ; la contemplation de son "heure", du

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moment culminant de sa passion et de sa mort ; les témoignages des amis et des connaissances du Seigneur, tels Paul et Jean (Ph3,7-16) ; au milieu de tout cela se lève la main de celle qui le connaît le mieux et qui nous enseigne comment était Jésus, comment il pensait et sentait, quelles étaient ses joies et ses tristesses. Il est impossible de connaître Jésus sans l’aimer

La connaissance de Jésus que l’Esprit inspire et accompagne n’est pas une connaissance théorique, une analyse historique, une investigation scientifique. C’est la connaissance de l’ami, du frère, du Seigneur qui "a aimé les siens et qui les aime jusqu’à l’extrême" (Jn 13,1). Il réclame l’amour, exige une réponse, engage le don de la vie par amour. En connaissant l’amour de Jésus, on apprend à aimer Jésus et à l’aimer comme il nous a aimés. La connaissance de Jésus devient peu à peu profonde relation personnelle, intimité, dialogue et vie partagée, engagement affectif et effectif envers le Seigneur aimé. Amour pour un Maître qui, au-delà de nos infidélités, revient nous demander, en présence des frères : "M’aimes-tu ? Est-ce que tu m’aimes ?" Et il attend notre réponse pour nous confier une mission (Jn 21,15-18). Il est impossible d’aimer Jésus sans le suivre.

La connaissance et l’amour de Jésus, chemin, vérité et vie, nous entraîne inévitablement, si nous sommes cohérents, à nous mettre à la suite du Seigneur. Jésus est le Seigneur de l’histoire et le Seigneur de notre histoire personnelle. Il est impossible de découvrir, de connaître et d’aimer Jésus sans engager notre vie à sa suite. L’amour de Jésus et l’amour pour Jésus transforme la vie, modifie la hiérarchie des intérêts et des valeurs, les raisons de vivre et de mourir, la relation avec le monde et avec les autres. Jésus devient le centre d’une l’existence qui n’a de sens que dans la mesure

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où elle assume le projet de Jésus, et l’on chemine avec lui et comme lui. Contempler Marie est une excellente manière de comprendre ce que veut dire suivre Jésus. Il est impossible de suivre Jésus sans l’annoncer

L’expérience d’amour et la suite de Jésus deviennent, dans la vie du chrétien, le grand secret, la grande nouvelle que l’on veut communiquer aux autres. Le nom de Jésus ne peut être passé sous silence, parce qu’il est perçu comme l’unique source de salut et de sens pour notre vie et pour l’histoire. " Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu […]. Ils prêchaient la Parole de Dieu avec ardeur […]. Retournés auprès des leurs, ils leur ont répété tout ce qu’avaient dit les grands prêtres et les anciens" (Ac 4,1-31). L’expérience de la première communauté chrétienne est très éloquente. La conscience de la présence du Seigneur est plus forte que la peur et neutralise n’importe quel risque. Dépassant les limites du caractère, de la formation et de la culture, l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus devient la grande mission de l’Église et de chaque chrétien. L’amour pour le Père et l’engagement pour le Royaume

L’amour et la suite de Jésus situent la vie sur un nouveau plan, défini par deux coordonnées essentielles : le Père et le Royaume. Parce que ce furent les deux grandes passions de Jésus et qu’elles doivent l’être aussi de ses disciples et de ses amis. Marie a beaucoup à nous enseigner sur cette façon de vivre l’amour pour Jésus. L’expérience filiale de Marie

"Si la vocation du chrétien est d’arriver à être fils de Dieu dans le Fils, afin de vivre dans la liberté sa condition filiale, Marie a été

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la première à vivre en elle-même cette expérience".1 Nous ne sommes pas particulièrement habitués à contempler cette facette du vécu religieux de Marie, pourtant fondamentale. Avant de se comprendre et de s’accepter comme mère de Dieu de la nouvelle humanité, Marie s’est comprise et acceptée comme fille du Père et sœur de hommes. Marie a reçu le don de comprendre que le projet du Père était de faire cadeau aux hommes et aux femmes de tous les temps de la dignité filiale, de les appeler à vivre l’intimité avec lui et la liberté, de répandre sur eux l’Esprit filial … Et elle a vécu tout cela avec une simplicité et une profondeur admirables. Marie nous apprend à suivre le chemin de la confiance et à vivre l’abandon filial entre les mains d’un Père qui nous connaît, prend soin de nous et nous aime. Marie nous enseigne le chemin d’une prière joyeusement récapitulée dans l’invocation du Père comme Abba, Père aimé. Marie nous enseigne que, face à Dieu, nous devons nous sentir fils libres et non serviteurs craintifs. Marie nous apprends à valoriser et à vivre la dignité radicale de la personne humaine : ne nous soumettre à aucun pouvoir despotique mais adorer seulement notre Père, notre créateur. L’engagement de Marie pour le Royaume

A l’Annonciation, Marie pressent que la proposition de Dieu ne se limite pas à l’intimité d’une maternité et au soin d’un enfant important. Les horizons du grand projet du Père se révèlent peu à peu. C’est le fruit de la réflexion, dans l’intimité du cœur, sur tout ce qu’elle vit et de l’observation de Jésus et de ses attitudes. Cela deviendra encore plus explicite quand le Seigneur commencera à annoncer la Bonne nouvelle du Royaume, ses exigences et ses caractéristiques. Marie s’engage pour le Royaume en faisant sien le plan de convertir l’humanité en famille de Dieu. Marie

1 A. Amato, article "Dieu Père", dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie, pp. 612-614.

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s’engage en adoptant les attitudes proposées par Jésus dans ce qu’il vit, avançant parmi ombres et lumières sur le chemin de la foi et de la fidélité. Elle s’engage pour le Royaume en chantant la miséricorde d’un Dieu qui aime son peuple et en dénonçant la superbe et l’oppression qui humilient et marginalisent. Marie s’engage pour le Royaume en se consacrant entièrement à la personne de son fils, assumant les risques de l’incompréhension et de la persécution et les moments de solitude et de souffrance. Marie s’engage pour le Royaume en acceptant sa mission d’être la mère de l’humanité nouvelle, en maintenant vive la mémoire de Jésus, en animant la foi et l’amour des premières communautés.

Exercices : questions, réflexion, parage… 1. L’amour de Marie pour Jésus. Le paragraphe "L’amour de

Marie pour Jésus" te présente un certain nombre de traits de l’amour de Marie pour Jésus. Qu’en penses-tu ? T’aident-ils à mieux comprendre Jésus et Marie ? Réfléchis - et partage avec ta communauté - sur leur capacité à nous motiver et à nous stimuler dans notre amour actuel pour Jésus.

2. Découvrir et connaître Jésus. Quelle est ton expérience sur ce point ? Peux-tu te rappeler un moment, une expérience, ou une étape particulièrement significative ? Comment le vis-tu maintenant ? Que fais-tu concrètement pour découvrir et connaître Jésus un peu mieux chaque jour ? Que pourrais-tu faire de plus ?

3. Aimer Jésus. Essaie de te regarder de l’extérieur. En quoi l’amour que tu vis pour Jésus peut-il être perçu ? Comment s’exprime-t-il en paroles et comment se manifeste-t-il dans

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les faits ? Essaie de le décrire par quelques qualificatifs. Compare-le aux autres grands amours de ta vie. Y a-t-il des points de ressemblance et de différence ?

4. Suivre et annoncer Jésus. Comment suis-tu le Seigneur, comment l’annonces-tu dans ta vie ? Vis-tu un christianisme plutôt anonyme ou un christianisme explicitement affirmé ? Quelles satisfactions et quelles difficultés t’apporte ta détermination à suivre Jésus et à l’annoncer ? Comment pourrais-tu mieux suivre et annoncer Jésus.

5. L’expérience de Marie comme fille de Dieu. Y as-tu parfois réfléchi calmement ? Quels aspects de la vie de Marie nous aident-ils à comprendre ce qu’elle a vécu en tant que fille de Dieu ? Quels traits ressortent le plus chez elle ? Comment vis-tu aujourd’hui ta condition de fils ou fille de Dieu ? Examine ta confiance, le ton de ta prière, ta liberté, le sens de ta dignité.., et tires en quelque conséquence pratiques pour ta vie.

6. Dans le texte qui suit tu vas trouver des réflexions éclairantes sur l’expérience de Marie comme fille du Père et son importance pour nous. Je t’invite à le lire avec attention et à le partager en famille ou en communauté. Quels aspects t’apparaissent orignaux et attrayants ? Pouvons-nous les vivre ?

" Si la maternité divine de Marie peut être vue comme l’image humaine et créée de la paternité de Dieu, son existence filiale en union avec son fils divin peut être considérée comme l’image humaine et créée de la filiation divine du Christ. Et Marie a vécu sa réalité filiale non d’une manière passive mais active, correspondant pleinement aux conséquences de cette situation privilégiée au service de son fils et, en lui, de ses frères. Marie a confié tout son être à la puissance du Père, pour qu’il puisse être le temple de Dieu et

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le sacrement de l’Esprit Saint. Comme mère du Christ – et, donc, non seulement revêtue de l’homme nouveau mais étant elle-même créature nouvelle dans le Christ nouvel Adam – Marie a vécu dans l’Esprit l’expérience filiale de sainteté, d’amour, de liberté et de service. Le Magnificat - et pas seulement le Fiat - est une des expressions les plus significatives de l’expérience que Marie a eue du Père des miséricordes et de son amour paternel pour le peuple élu. Parce que, s’il est vrai que le Christ est le visage humain de Dieu, il est tout aussi vrai que Marie a pris une part active dans la révélation du visage miséricordieux de Dieu-Père, qui donne au monde son fils de prédilection, qui s’intéresse à la libération des pauvres et des opprimés et revendique ses droits contre les prévaricateurs.

En même temps, l’expérience de la paternité de Dieu en Marie révèle à l’homme certaines réalités particulièrement significatives pour notre temps.

D’abord, cette paternité de Dieu implique que l’on a découvert et estimé Marie comme fille du Père. Comme telle, elle redonne à l’homme sa véritable identité de fils de Dieu. En effet, invoquer Dieu comme Père, c’est rencontrer la véritable identité de l’homme nouveau, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu et recréé comme son fils adoptif en Jésus-Christ.

En second lieu, l’expérience de la paternité de Dieu en Marie […] fait découvrir sa fonction de maternité spirituelle pour les fils du Père et les frères du Christ. Comme telle, Marie redonne à l’homme son identité de frère parmi les frères, tous fils du même Père, s’engageant en outre à revendiquer au nom de Dieu les droits d’égalité, de justice et de liberté. Dans cette famille unique de Dieu se trouvent repoussées les limites, la disparité entre les langues, les peuples, les conditions, les sexes […], puisque nous sommes

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tous fils du Père en Jésus-Christ et que nous sommes tous héritiers et participants du Royaume.

En troisième lieu, l’expérience de la paternité de Dieu en Marie met en relief son état fondamental de créature, mais de créature déjà sauvée par le Père en vue de la réconciliation de l’homme et du cosmos en son fils. Ainsi Marie rend à l’homme le cosmos, au double sens de lieu profane ouvert à la conquête, à la connaissance et à l’usage (non à l’abus) de l’homme, et de lieu sacré où l’homme reprend la louange de la création en l’adressant à Dieu. À la création qui vit l’espérance d’être elle aussi libérée de l’esclavage de la corruption, pour entrer dans la liberté de la gloire des fils de Dieu ˝ (cf. Rm 8,20ss), Marie révèle déjà sa destinée de liberté et de re-création dans l’Esprit du Seigneur ressuscité.

L’expérience de la paternité de Dieu en Marie, n’est donc pas névrose mais libération ; non limite de l’homme mais sa réalisation suprême ; non imposition masculine mais affirmation de fraternité universelle et de réconciliation avec le cosmos.

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MARIE, APPRENDS-NOUS A AIMER JESUS !

Notre Dame de l’amour, de l’amour grand et fidèle,

nous avons contemplé ton amour pour Jésus et nous sommes touchés,

pleins d’émotion et de reconnaissance.

Merci d’avoir fait de ta vie un don total à ton fils. Merci de l’avoir aimé de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces.

Merci de t’être donnée pleinement et fidèlement, dans les moments de joie

et dans les moments de souffrance.

Apprends-nous à aimer Jésus. Apprends-nous à le découvrir

et à le connaître de plus en plus intimement.

Aide-nous à nous donner à lui et à le mettre au centre de notre vie.

Accompagne-nous sur le chemin où nous marchons à la suite de Jésus et fais que nous puissions annoncer le Royaume avec joie et cohérence.

Qu’aimer ton fils soit notre but et notre gloire.

Amen !

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III. 7. Le chemin de la communauté marianiste Pas de vie chrétienne sans communauté

Tout au long du chapitre sur l’amour pour Jésus et pour Marie nous avons souvent fait allusion à la fraternité, aux attitudes nécessaires pour vivre l’amour chrétien dans une communauté et qui en assurent la vigueur. C’est le moment d’aborder explicitement et de situer concrètement le charisme marianiste de la vie communautaire.

Quand le Père Guillaume-Joseph Chaminade lance son projet missionnaire pour renouveler la vie chrétienne dans le Bordeaux post-révolutionnaire, il ne met pas d’abord l’accent sur la vie sacramentelle des chrétiens ni sur leur formation individuelle : il forme des groupes de chrétiens, d’origine et d’âge différents, et met l’accent sur la foi et la motivation religieuse de leur union, leur inspire l’amour et le don à Marie et les lance dans l’action. Il est clair pour lui que le renouveau de la vie chrétienne doit s’inspirer des origines de l’Église, des premières communautés et du secret de leur vitalité et de leur expansion.

Dans une lettre au Pape Grégoire XVI (16 septembre 1838), à qui il présente la Société de Marie et l’Institut des Filles de Marie, en sollicitant l’approbation des deux fondations, il fait allusion à ce thème : "Le ciel m’inspira, au commencement de ce siècle, de solliciter du Saint-Siège les lettres patentes de Missionnaire apostolique, afin de raviver ou de rallumer partout le divin flambeau de la foi, en présentant de toute part au monde étonné des masses importantes de chrétiens catholiques de tout âge, de tout sexe et de toute condition, qui, réunis en associations spéciales, pratiquassent sans vanité comme sans respect humain notre sainte religion, dans toute la pureté de ses dogmes et de sa morale. […] Dès lors, Très Saint Père, des

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Congrégations ferventes, les unes d’hommes et les autres de femmes, se formèrent dans plusieurs villes France ; la religion eut le bonheur d’en compter en peu de temps un assez grand nombre, et beaucoup de bien se fit".

L’idée est claire : il est impossible de vivre la richesse et l’exigence de la vie chrétienne si ce n’est en communauté. Les Marianistes d’aujourd’hui, laïcs et religieux, doivent se remettre à approfondir cette conviction et leurs motifs de vivre en communauté. Au-delà des raisons humaines, que notre foi valorise et assume, il y a trois raisons évangéliques qui doivent nous rester clairement présentes :

1. Nous voulons vivre en communauté parce que nous sentons l’urgence de mettre en pratique le commandement du Seigneur : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés". Et l’amour exige de partager, de mettre en commun, de participer, de réaliser la communion des sentiments, des intérêts et des vies.

2. Nous voulons vivre en communauté parce qu’elle seule peut donner le plus authentique témoignage chrétien. "Qu’ils soient un pour que le monde croie que, toi, Père, tu m’as envoyé". Il faut démontrer que l’amour, la justice, la joie, le service, le pardon et surtout l’unité sont possibles et pour cela il faut que des groupes de chrétiens vivent unis et rendent présentes toutes ces valeurs évangéliques dans le cadre de la vie quotidienne.

3. Nous voulons vivre en communauté parce qu’en unissant ainsi nos forces humaines, nous pouvons offrir un service plus spécifique, bien organisé et efficace. Les forces des francs-tireurs nous paraissent insuffisantes face aux nécessités de notre monde et de l’Église.

Les communautés marianistes, de laïcs et de religieux, prétendent constituer des fraternités où se vit l’amour, des centres de

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rayonnement des valeurs évangéliques, des équipes de service ecclésial. Communauté marianiste et partage de vie

A la lumière du mystère de l’Incarnation, les Marianistes découvrent jour après jour que le grand lieu de rencontre entre Dieu et les hommes est la réalité de la vie quotidienne. La vie, c’est le grand cadeau et le grand défi, c’est la grande question et la grande tâche. La vie est l’autre livre de la révélation de Dieu et de son plan. La vie est le motif permanent de notre louange et de notre action de grâce et le champ de notre combat. La vie est notre limite concrète aussi bien que notre horizon infini.

Les Marianistes ont l’intuition que, selon ce qui a été dit précédemment, leur propre vie et celle de chaque frère est leur première responsabilité : accepter la vie, comprendre la vie, se laisser enseigner par la vie, valoriser la vie, défendre la vie, faire grandir la vie… ! Il croient que dans ces tâches ils jouent leur existence et qu’en elles, dans le succès ou l’échec, réside le secret de leur bonheur et de leur fécondité en ce monde. Les Marianistes savent aussi que depuis l’Incarnation, la Vie s’est introduite dans notre vie et lui a conféré un sens transcendant. Pour cela ils ne séparent ni n’opposent la vie et la foi et ils essayent de les lire et de les situer ensemble. Ils comprennent que leur mission est d’introduire la foi dans la vie et d’insérer la vie dans la foi.

Tout cela se traduit concrètement dans la vie de communauté marianiste :

1. Dans une communauté marianiste, au-delà des thèmes occasionnels ou nécessaires d’études et de réflexion, le grand thème, c’est la vie. On parle de la vie des membres et de celle de l’entourage ; on s’intéresse à l’actualité du

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monde, on essaye d’utiliser des faits sûrs et des informations fiables.

2. Cela exige une attitude fondamentale de spontanéité, de sincérité et de transparence. Il faut laisser la vie des membres s’exprimer et se manifester. Pour cela, dans le respect des modalités et des temps de chacun, tous luttent contre la dissimulation, le mutisme, le repli sur soi, l’enfermement...

3. Cela exige aussi de cultiver l’art du discernement, car on ne peut pas se satisfaire d’un commentaire banal ou de la superficialité. Il faut s’aider mutuellement à entendre ce que dit la vie, à déchiffrer les signes de la présence ou de l’absence de Dieu qu’elle donne, à trouver des solutions aux problèmes.

4. Partager la vie requiert une attitude de confiance dans les autres et de discrétion sur leurs problèmes. J’ai confiance dans ma communauté à qui je parle de mes problèmes parce que je sais qu’elle me comprend et me protège. Je garde le secret de ce que j’ai entendu parce que les autres m’ont fait confiance.

5. Partager la vie, c’est ouvrir l’existence de chacun à la communauté et impliquer la communauté dans la vie de ses membres. Chacun compte sur les autres et accepte qu’eux comptent sur lui. Travail, situation de famille, problèmes, infirmités…, tout finit par être partagé parce que la communauté est devenue une nouvelle famille.

6. Partager la vie suppose qu’on se pose avec respect et réalisme mais avec un sérieux évangélique la question du partage des biens et des ressources, économique et autres. C’est un sujet délicat mais inévitable si on veut mener une vie communautaire.

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Communauté marianiste et célébration de la foi

La foi est le grand cadeau fait aux Marianistes et leur grande responsabilité dans l’Église. Il a été question plus haut de la foi, à propos du style marianiste (cf. "Foi en Jésus, foi vécue, foi du cœur" ), de la foi du cœur, de la foi de Marie. Précisons ici ce qui concerne la foi vécue en communauté.

1. Vivre la foi en communauté suppose de ne jamais perdre de vue que ce n’est pas l’amitié humaine ni le désir d’être unis ni aucune autre motivation qui a déterminé la vie communautaire mais l’appel de Jésus et de Marie à constituer une communauté de frères, en Église. Cette motivation ne diminue pas la qualité humaine des rencontres et des relations ; au contraire, elle leur apporte un enrichissement et un approfondissement .

2. Vivre la foi en communauté c’est reconnaître la nécessité d’être toujours attentifs aux appels et aux signes de Dieu dans notre vie et notre histoire. C’est privilégier une lecture chrétienne de la réalité, être attentifs à la voix de l’Église et de tout le peuple de Dieu, qui cherche à être fidèle à l’Évangile et lutte contre l’injustice et la pauvreté de tant d’hommes exclus.

3. Les communautés marianistes savent qu’il faut approfondir la foi par la lecture et la réflexion partagée de la Parole, par l’analyse des documents pastoraux, l’étude d’articles et de livres importants de théologie et de spiritualité… Pour cela, chaque communauté élabore des plans de formation et suit leur exécution.

4. Partager la foi en communauté, c’est consacrer du temps et de la réflexion à l’approfondissement de la spiritualité marianiste pour qu’elle nourrisse et dynamise les membres ; c’est aller aux sources de la vie marianiste et aux écrits des

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fondateurs, et aussi tirer profit des études qui paraissent sur la spiritualité.

5. Célébrer ensemble la foi, c’est se donner un espace pour la prière partagée, pour l’action de grâce, pour l’Eucharistie. La communauté cherche son rythme propre et son style de prière, ses formules et ses signes : tout ce qui l’aide à exprimer ensemble sa foi et son amour.

6. Célébrer ensemble la foi, c’est mettre l’accent sur les moments importants de l’année chrétienne et s’en inspirer pour le rythme de vie et de croissance de la communauté : Avent, Noël, Carême, Pâque, Pentecôte… jalonnent la vie chrétienne et l’éduquent à mesure qu’elle suit la vie de Jésus et de Marie.

7. Une communauté marianiste célèbre avec joie les temps qui ont marqué la croissance de ses membres ou de ses parents : baptême, première communion, confirmation, mariage, et expériences déterminées ou temps forts de prière ou de spiritualité… Car lorsque quelqu’un grandit, tous grandissent.

Communauté marianiste et engagement dans la mission

Dans le quatrième chapitre de ce livre nous allons parler plus amplement du service et de la mission marianistes. Dans le présent chapitre, consacré à la vie de communauté, avançons quelques aspects concrets.

1. Une communauté marianiste doit se donner du temps pour mûrir et grandir mais dès le début elle doit situer son engagement de service et sa vocation missionnaire. Le retarder, se trouver des excuses, en appeler au manque de formation…, ce sont des tentations dangereuses.

2. Il y a une très grande variété de services et de tâches auxquelles un marianiste peut se donner pour répondre à son

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engagement à aider les autres. L’important est de faire le bon choix, en répondant aux besoins perçus et en tenant compte de ses propres aptitudes ; être responsable, persévérant et ne pas travailler seul.

3. La première façon de vivre la mission en communauté est de s’intéresser aux activités des autres, être informé, partager les expériences de tous et demander de l’aide lorsque c’est nécessaire. A cela, il convient d’ajouter, de temps en temps, une évaluation de ce qui a été réalisé.

4. Une communauté marianiste doit aider ses membres à trouver un équilibre entre, d’une part, les temps de service et d’aide aux autres et, d’autre part, l’indispensable présence au foyer et l’accomplissement des obligations professionnelles. La première mission de tout chrétien est sa famille et son travail.

5. L’idéal pour une communauté est de pouvoir assumer ensemble une mission définie, même si cela ne va pas sans beaucoup de difficultés. Mais il est des chemins d’approche et des expériences ponctuelles qui permettent à la communauté de s’unir pour réaliser une même tâche ( des campagnes particulières, un travail demandant des compétences diverses…).

6. Les services et les responsabilités à l’intérieur de la communauté, les tâches d’organisation et les équipes de travail pour les institutions ou des mouvements déterminés, sont aussi une forme de mission. Il s’agit d’animation ou d’appuis d’arrière-garde, nécessaires pour la vitalité de telle portion de l’Église missionnaire.

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Exercices : questions, réflexion, parage… 1. Je suppose que tu as déjà une expérience de communauté

marianiste. Il est bon de temps en temps de s’arrêter et de jeter un coup d’œil en arrière. Quel jugement portes-tu sur ton expérience communautaire ? Quels sont tes meilleurs souvenirs, quels ont été tes pires moments ? Pourrais-tu noter des étapes dans ta vie de communauté ?

2. Partage de vie. Quelle a été l’évolution de ta communauté sur ce plan ? Crois-tu qu’il y a eu vraiment partage ? donne des preuves. Quels ont été vos difficultés et vos succès en essayant de partager chrétiennement la vie des autres ? Si tu avais à donner un conseil à une communauté naissante, que lui dirais-tu ?

3. Partage des biens. Vous êtes-vous parfois posé sérieusement la question ? Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? Ces biens mis en commun, constituent-ils un apport face aux besoins des autres ? Ont-ils aidé un des membres qui avaient des problèmes économiques ? Selon quel processus pourrait-on améliorer le partage de nos biens ?

4. Approfondissement de la foi. Comment ta communauté vit-elle cela ? Avez-vous un plan de formation dans la communauté ou bien sautez-vous d’un thème à un autre ? Quelles dynamiques de formation et de réflexion vous ont aidés le plus? Que faites-vous pour mieux connaître le charisme et la spiritualité marianistes ? Qu’est-ce que vous pouvez améliorer ?

5. Célébration de la foi. Comment cela se passe-t-il ? Qu’en est-il de la prière communautaire ? Avez-vous progressé sur ce point ? Quelles méthodes employez-vous ? Quelles autres célébrations de la foi vivez-vous ? Avez-vous fait des retraites ensemble ? partagé l’Eucharistie en communauté ?

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6. La mission de la communauté. Avez-vous à cœur de faire un examen sincère de votre engagement à l’égard des autres ? Comment avez-vous vécu cette solidarité ? Qu’avez-vous fait individuellement ou communautairement ? En êtes-vous satisfaits ? Comment l’envisagez-vous en ce moment ? Qu’est ce qui vous préoccupe ou qui vous pose le plus de problèmes ? Que faire pour grandir dans le sens et la vie missionnaires ?

7. Qu’est-ce qu’une communauté marianiste ? Le texte qui suit tiré du Manuel de Formation pour les laïcs marianistes est une bonne synthèse sur ce point.

"Le marianiste est quelqu’un qui rassemble. Par sa joie et sa simplicité, par sa serviabilité, par son attention à la réalité concrète de la vie, par son union à Marie […], il va créant l’union, construisant des ponts, calmant les tensions. Il respecte chaque personne, s’adapte à toute circonstance. Il sait vivre "du dedans" ce qui fait souffrir ou qui réjouit ceux qui l’entourent. Un marianiste n’est jamais un solitaire ; il a découvert l’importance de la communauté et il se sent appelé à s’intégrer avec un profond esprit de famille, dans sa communauté et dans celle, plus vaste, de l’humanité, à s’y intégrer en agissant et en vivant en communauté.

La fraternité est une communauté construite à l’image de l’Église, formée par le Corps du Christ ressuscité (1 Co. 12,12-31). En Christ, les marianistes sont membres les uns des autres, vivant et agissant chacun pour tous et tous pour chacun (Ga. 3,28 ; Col. 3,11). ˝ Notre mission est celle de l’Église ˝, disait le père Guillaume-Joseph Chaminade, qui voulait même que les diverses œuvres de la Famille de Marie s’organisent à la manière de la grande Église.

La communauté marianiste englobe tout, des choses matérielles aux réalités surnaturelles. Elle est insérée dans l’Église locale et, à travers elle, dans l’Eglise universelle. Elle

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chemine vers la communion intégrale : la communauté ne se crée pas automatiquement parce qu’on met en commun des choses ou des sentiments mais seulement quand tous les membres s’efforcent d’avoir un seul cœur et une seule âme ; à partir de là, la mise en commun des biens et des besoins prend tout son sens. Cette mise en commun se célèbre dans l’Eucharistie.

Le marianiste vit en communauté sous l’action de l’Esprit Saint, principe invisible d’unité et de communion, comme de l’unité et de la variété des états de vie, des ministères et des charismes. De toute manière, la Famille Marianiste, en tant que communauté de communautés, est ici-bas une anticipation de la réalité future de l’Église qui sauve".1

1 Cf. Manuel d’initiation. Fraternités marianistes de Madrid. Edition privée.

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MERE DE LA COMMUNAUTE MARIANISTE …

Vierge Marie, mère de notre communauté marianiste, nous voulons te rendre grâce de nous avoir appelés

à vivre ensemble notre vocation.

Merci pour chacun de ceux qui y sont insérés, pour sa vie, pour son exemple et pour son affection.

Merci parce que, en communauté, nous avons grandi dans la foi et dans la prière,

nous avons appris à partager la vie et à nous engager dans la mission.

Merci pour tant d’expériences partagées et pour ta présence sensible au milieu de nous.

Nous te présentons notre présent et nos projets d’avenir.

Apprends-nous à vivre mieux chaque jour la foi et l’amour,

unis aux frères de notre communauté.

Que nous puissions être un stimulant et un appui pour les autres

et des instruments utiles entre tes mains maternelles.

Accompagne notre chemin et notre croissance. Sois toujours la mère

et la maîtresse de notre communauté.

Amen !

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Quatrième partie

Servir Jésus, servir Marie 1. Le chemin de l’humble service : servir comme Marie.

2. Le chemin de la solidarité : être solidaires comme

Marie.

3. Le chemin de la Bonne Nouvelle : annoncer Dieu

comme Marie.

4. Le chemin de la souffrance rédemptrice : être forts

comme Marie.

5. Servir Marie. Annoncer Marie.

6. Marie nous apprend à servir et à annoncer Jésus.

7. Le chemin de la mission marianiste.

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IV. 1. Le chemin de l’humble service Servir comme Marie

Qui sers-tu aujourd’hui ? Il y a servir et servir

Le mot servir n’est un terme tout à fait clair dans notre langue. D’une part, nous l’employons volontiers pour désigner tous les objets qui sont utiles, fonctionnels : "il me sert bien", " cela ne sert à rien", "achète-le sans hésiter, cela te servira"… D’autre part, le mot servir fait souvent penser à des activités humiliantes ou repoussantes à nos yeux : "Moi, je ne pense pas faire du service", ou "ce n’est qu’une employée de service"… Dans ce dernier cas, le rejet est parfois dû au préjugé selon lequel il est des travaux où volontiers on utilise les gens et qu’il est des gens qui aiment bien utiliser et manipuler les autres. C’est peut-être aussi la crainte de formes d’esclavage ou de dépendance, d’aliénation de la liberté. Le sens de notre dignité ou notre fierté se braquent contre toute forme de servilité ou de manipulation.

De toute manière, nous devons reconnaître qu’il nous est difficile de parler de "service". C’est rare que quelqu’un dise qu’il aime servir, ou qu’il a fait telle ou telle chose pour servir la communauté. Le service, ce sont de petits boulots, anonymes, pénibles, des tâches qu’on laisses volontiers à d’autres. Nous préférons des actions intéressantes, reconnues, qui nous valent des éloges et des félicitations.

C’est pourquoi il est bon de réfléchir à notre attitude personnelle à l’égard du service et sur ce qui est en jeu. Pour cela, rien ne vaut quelques questions sur la notion de service. A quoi je sers aujourd’hui ? Est-ce que je sers quelqu’un ou est-ce que je me sers de quelqu’un ? A qui ma vie sert-elle ? Qui me sert, moi ? Est-ce que je me sens inférieur lorsque je rends quelque service ? Ou supérieur lorsque quelqu’un me

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rend un service ? Quels intérêts est-ce que je sers en faisant ce travail ?

"Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir".

Le chrétien se sent inévitablement confronté à la réalité du service. Les paroles, les attitudes et les gestes de Jésus sont trop forts et trop évidents ; je ne peux pas les méconnaître ni les évacuer de ma réflexion. Analysons seulement un texte qui peut nous aider à mieux comprendre la pensée de Jésus : il s’agit de l’intervention de la mère de Jacques et de Jean pour demander des postes de privilège pour ses fils ; intéressantes sont la réaction des disciples et les réflexions du Seigneur (Mt 20,20-28 ; en parallèle : Mc 10, 35-45 ; Lc 22,24-27, avec quelques variantes intéressantes).

La demande fait ressortir l’aspiration au pouvoir, à l’honneur et aux privilèges qui est latente chez beaucoup, y compris parmi les plus proches du Seigneur. Jésus reconnaît cette réalité et il l’étend aux "chefs des nations" et "aux grands". Il fait ressortir à quoi mènent cette prétention et ces situations : à l’autorité absolue et à l’oppression par le pouvoir.

L’indignation des autres apôtres ne vient pas tant de l’ambition de leurs compagnons, qu’ils caressaient eux aussi dans le secret de leurs cœurs, mais du fait qu’ils ont su cacher leur intention. Les manigances pour obtenir et exercer le pouvoir ne sont habituellement pas très démocratiques ni transparentes ; elles comportent tromperies, cachotteries, hypocrisie.

La vie et la mission de Jésus : "Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude". Dans le parallèle de Luc, Jésus dit : "Moi, je suis venu au milieu de vous comme celui qui sert". Jésus ne fait rien d’autre que montrer sa vie, à laquelle il donne un sens, une mission reçue et assumée : servir, guérir, libérer, sauver.

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Cet objectif suppose le rejet de toute forme de pouvoir despotique et de domination.

L’allusion à la figure du Serviteur de Yahvé : celui qui, humble et docile, se mettra au service de ses frères et prendra sur lui les infirmités et les douleurs de tous, pour les racheter (Mt 20,22 ; Mt 12,15.21 ; Is 42, 1-4), qui accepte la souffrance et l’humiliation pour sauver les siens. Dans le plan de Dieu, seule cette manière de se donner ouvre la voie à la glorification.

La mission des apôtres : "Celui qui veut être grand parmi vous sera le serviteur de tous, et celui qui veut être le premier au milieu de vous sera l’esclave de tous". Jésus est précis : il n’exprime pas un désir, il donne un commandement. De là naît le sens chrétien de l’autorité : elle ne peut être qu’humble service, don total pour le bien des autres.

Le service de Marie

La récit de la Visitation (Lc 1,39-45) a toujours été compris comme illustration typique du service de Marie. Au-delà des nuances exégétiques qu’il comporte, faisons de ce récit une lecture chrétienne, méditative, qui nous aide à approfondir son message et à mieux comprendre certains aspects du service chrétien.

Marie de la Visitation se montre sensible à la situation d’Élisabeth et, sans se soucier de la fatigue ni de la longueur du voyage, en toute hâte, elle se met en route. Le service chrétien doit s’offrir avec promptitude, parcourir les chemins de la rencontre et assumer fatigues et risques.

Marie de la Visitation rejoint Élisabeth affectée par la solitude et l’incertitude, et elle la comble de la joie de sa présence et du réconfort de sa compagnie. Le service chrétien est sensible aux situations de solitude, de douleur et de crise et offre présence, sérénité, consolation et paix.

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Marie de la Visitation se sent appelée à prendre soin d’une vie fragile, qui grandit dans un corps déjà vieux. Le service chrétien est toujours service de la vie, spécialement de vies menacées, sans défense, faibles.

Marie de la Visitation apporte avec elle la présence et la nouveauté de Jésus, qui a transformé sa propre vie. Le chrétien sait que le meilleur service qu’il puisse rendre sera toujours d’offrir aux autres la vie et la nouveauté de Jésus, pour qu’il transforme notre vie et celle du monde.

Marie de la Visitation se montre humble, simple et discrète ; elle oriente tout, sa parole et sa louange, vers Dieu. Le service chrétien, fruit de l’amour, ne prend pas des airs d’importance, ne s’enorgueillit pas, ne cherche pas l’ovation, essaie de passer inaperçu (cf.1 Co 13,1-8).

Marie de la Visitation supplée à l’incapacité et à l’inhabileté d’Élisabeth dans les tâches domestiques, en travaillant et en s’occupant de tout avec joie. Le service chrétien ne répugne à aucun travail, il fait face avec courage aux tâches les plus simples, met de la joie dans la monotonie et la routine.

Marie de la Visitation demeure trois mois auprès d’Élisabeth, jusqu’à la naissance de Jean, et se retire seulement lorsque la nouvelle famille s’est organisée et adaptée à la nouveauté de la situation. Le service chrétien est persévérant, il maintient sa présence et son aide tant que durent les besoins ; il se retire seulement au moment opportun.

Un amour qui sert

Le service assumé chrétiennement suppose une série d’attitudes et d’exigences très concrètes. Essayons d’en préciser quelques unes.

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Attention aux besoins des autres

Le service a son point de départ dans ma réalité et ma manière de voir le monde, mais il suppose un critère fondamental : le regard attentif aux nécessités de mon frère telles que lui les ressent. C’est moi qui, en définitive, déciderai de rendre service ou non mais ce n’est pas moi qui déterminerai ce qui est nécessaire ou non à l’autre.

Je pourrai - si le service consiste en cela - l’aider à relativiser l’urgence de sa nécessité, ou lui suggérer d’autres "nécessités" qu’il n’a pas perçues, mais c’est mon frère qui vit, sent et souffre, et je n’ai pas à lui dicter ce dont il a besoin ou non.

Servir dans la vie et servir la vie

Il est des services planifiés et organisés, mais souvent l’opportunité de rendre service surgit de la vie de manière imprévisible. Je dois vivre dans une mentalité de serviteur, dans la disponibilité, prêt à offrir mon aide quand je perçois une nécessité quelconque. Avec une grande attention à la vie car le service doit être un service rendu à la vie : à la vie sans défense ou fragile, à la vie menacée ou affaiblie, à la vie qui veut croître, à la vie qui ne trouve pas de sens… Simplicité et joie

Un service rendu avec vanité est inconcevable, comme un service rendu avec tristesse. Le service est humble et sait être attentif, en toute simplicité, aux petits détails dans ce qui se présente. Faire de la figuration ne l’intéresse pas, ni être loué ; il est discret et préfère passer inaperçu. C’est bien pour cela qu’il est joyeux ; il prend part avec plaisir à la satisfaction et au bien-être qu’il a procurés aux autres. Il vérifie le bien fondé des paroles de Jésus : "Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir".

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Servir selon mes capacités

Nous avons tous des qualités ; les découvrir, c’est avancer sur le sentier de la connaissance de soi et du don aux autres. Nous demander ce qu’on attend de nous, quelle aide on sollicite de nous, de quoi on nous est reconnaissant, est une bonne méthode pour connaître la voie à suivre dans le don et le service. Savoir ce que je réussis à peu près bien, en quoi je peux être utile, quelles sont mes capacités, c’est trouver la manière de me sentir utile aux autres et de mettre les talents que j’ai reçus au service de la communauté. "Donne gratuitement puisque tu as reçu gratuitement" (Mt 10,8). Servir les plus nécessiteux

Nous avons tous des besoins dont tous n’ont pas la même importance. Jésus nous apprend à voir les priorités, à relativiser le superflu et à porter notre regard et notre cœur sur ceux qui se trouvent aux prises avec de vraies nécessités : besoin de nourriture, de toit, d’abri ; besoin de travail ou d’attention médicale ; besoin d’instruction ou de compagnie ; besoin de consolation ou d’hospitalité… As-tu entendu parler des œuvres de miséricorde ? C’est une bonne liste des authentiques besoins humains. Cherche-la ou demande à quelqu’un de te la faire connaître : cela donne à réfléchir.

Exercices : questions, réflexion, parage… 1. Analyse un jour ordinaire de ta vie. Essaie d’énumérer les

situations où tu as vu ou vois d’habitude des gestes et des attitudes de service, peu importe de la part de qui. En quoi ont-ils consisté et comment cela s’est-il passé ? Quels ont été les effets sur la personne secourue ou sur les

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circonstances ? Que penses-tu de celui qui a rendu service ? Pour quoi l’aura-t-il fait ?

2. Analyse cette même journée et essaie de revoir les situations ou les attitudes de domination, de manipulation par des personnes qui se servent des autres. Qui vois-tu ? Comment cela s’est-il passé ? Dans quelles circonstances cela s’est-il produit ? As-tu noté, ou as-tu habituellement quelque réaction de la part des personnes "dont on (ab)use ainsi" ? As-tu participé, d’une manière ou d’une autre, à une de ces situations ? Qu’as-tu ressenti et qu’aurais-tu dû faire ?

3. Outre le lavement des pieds, à la dernière cène, te rappelles-tu des moments de la vie de Jésus où il manifeste son attitude de service ? Raconte. Et des enseignements sur ce thème ? Lesquels ? Comment imagines-tu, dans ce sens, la convivialité de Jésus avec ses disciples, avec ses amis, avec ses connaissances ?

4. Serviable oui, obséquieux, non. Explique cette phrase. Quand est-on obséquieux et pourquoi est-ce une attitude répréhensible ? Quelles sont les motivations d’une personne obséquieuse ? Où est la différence entre serviable et obséquieux ? Le chrétien qui sert ne court-il pas le risque de paraître obséquieux, soumis, peu digne ?

5. Tâches domestiques, devoirs pour la famille. Dresser à plusieurs une liste exhaustive des services ou des tâches qu’exige le bon fonctionnement d’un foyer. Le plus important : qui s’occupe de chacun de ces services ? Y a-t-il une répartition des tâches dans le foyer ? Pourrions-nous être davantage au service les uns les autres ?

6. A la lumière des caractéristiques du service de Marie (cf. paragraphe sur "Le service de Marie" ci-dessus), essaie de faire une révision de quelques services rendus par la communauté ou par chacun. Quels traits du service de Marie s’agit-il de reproduire ? Lesquels négligeons-nous

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habituellement ? Quels sentiments suscite en moi un service ? Est-ce que je le partage ?

Le texte qui suit est une réflexion sur le sens et la transcendance du service dans la vie humaine et chrétienne. Des références bibliques et des phrases célèbres sur le thème nous aident à l’approfondir et à l’assumer avec plus de conviction. C’est une bonne piste pour la réflexion personnelle ou communautaire.

"L’honneur de servir. Mieux vaut donner que recevoir, affirme Jésus (Ac 20,35) ;

de la même manière, on peut prôner qu’il vaut mieux servir qu’être servi. Jésus, Marie, Paul et les saints connaissaient très bien le chemin de la vraie grandeur de l’homme, et celui qu’ils ont emprunté a été le chemin du service […]. De Jésus, Paul écrit : "Lui-même alors qu’il était Dieu n’a pas cherché l’égalité avec Dieu. Lui-même s’est vidé, a pris forme d’esclave est devenu copie humaine, reconnu comme tel à sa figure humaine et pareil aux hommes, lui très bas, soumis jusqu’à l’extrême mort, la mort en croix. C’est pourquoi Dieu l’a fait très haut et gratifié du nom le plus haut des noms" (Ph 2,5-8) […]. Marie a atteint le sommet de la plénitude humaine parce qu’elle s’est faite la servante du Seigneur dans ses frères […].

L’attitude de service est l’attitude la plus humaine et la plus grande gloire de l’homme parce qu’elle implique l’amour, dont le service est l’expression la plus authentique.

Se considérer comme le serviteur de tous, c’est toute une philosophie de la vie ; c’est la manière la plus sûre de se situer face à soi-même et devant les autres. C’est vivre de manière oblative, c’est à dire de la façon la plus parfaite, la plus mûre et la plus humaine qui soit.

Être capable de s’oublier soi-même pour servir les autres est une forme divine de se dépasser, de sortir de la tanière de son égoïsme. C’est une façon de vivre à la manière de Dieu

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comme personne, puisque Dieu est amour (Jn 4,8), don. "L’homme ne peut parvenir à sa propre plénitude humaine sinon dans le don sincère de lui-même aux autres", assure Vatican II (GS 24). La manière la plus naturelle de se donner aux autres est de les servir […].

L’ambition de dominer assaille le cœur, le remplit de convoitises, d’envies, l’entraîne dans d’incessants conflits avec les autres ; celui qui cherche à servir vit réconcilié avec lui-même et avec les autres ; il goûte la paix de celui qui fait ce qu’il veut : aider les autres à être heureux […].

J’aime prier comme François d’Assise : "Seigneur, que je ne cherche pas tant à être servi qu’à servir". Rabindranath Tagore, sans être chrétien, parlant de sa propre expérience, a eu cette phrase mémorable : "J’ai dormi et j’ai rêvé que la vie est joie. Je me suis réveillé et j’ai découvert que la vie est service. J’ai servi et j’ai découvert que le service était joie".

Comme nous pouvons le constater, la vraie proximité de Marie est dérangeante. Elle nous renvoie sans cesse à nos proches et à leurs problèmes, comme elle a sollicité Jésus pour les mariés de Cana : "Ils n’ont pas de vin, ils n’ont pas de joie, ils n’ont pas d’amitié, ils n’ont pas de réconfort…". Et elle nous invite à faire le miracle du partage, du service. Heureux sommes-nous, si, comme elle, nous nous mettons à servir parce que nous découvrirons alors la vraie joie !"1

Cette fois la prière se fait poésie. Curieusement, elle rejoint les dernières paroles du texte qui précède. Avec Marie nous découvrons le manque de vin de notre humanité, et nous offrons au Seigneur notre eau. Nous cherchons à faire ce qu’il nous dit et à transformer l’eau en vin du Royaume nouveau.

1 Atilano Alaiz, Marie, vigueur et tendresse. Prophétie de l’homme nouveau.

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ILS N’ONT PAS DE VIN

Ils n’ont pas de vin, Seigneur, du vin de la joie, du vin de l’espérance.

Quelle souffrance, quelle angoisse, que de larmes douloureuses ! Prends, Seigneur, notre eau : change-la en pluie paisible :

en vin du Royaume qui vient. Ils manquent de vin, Seigneur,

du vin de l’enthousiasme, du courage, des désirs.

Que de bonheurs rompus, que de vies éteintes !

Prends, Seigneur, notre eau : qu’elle soit source qui chante : vin du Royaume tout proche.

Ils manquent de vin, Seigneur, du vin du rassemblement,

de la fête célébrée. Quel enfermement stérile,

que de vies qui s’affrontent ! Prends, Seigneur, notre eau.

Fais-en une mer de prospérité : vin du Royaume tout proche.

Ils manquent de vin, Seigneur, du vin de la justice,

de la fraternité conquise. Que d’égoïsme coupable, quelle fuite camouflée !

Prends, Seigneur, notre eau : qu’elle soit un torrent qui bondit :

vin du Royaume tout proche

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IV. 2. Le chemin de la solidarité Être solidaires comme Marie

Scène d’Évangile : le massacre des innocents et la fuite en Égypte

Nous voici devant un passage assez peu connu et commenté de l’Évangile de Mathieu.1 Les faits eux-mêmes sont clairs : fuite en Égypte (Mt.2,13-15), massacre des enfants innocents (2,16-18) retour de la sainte famille à Nazareth (2,19-23). Sans discuter du procédé littéraire ici employé, mais fidèles à l’objectif pédagogique de l’auteur, approfondissons les faits pour découvrir leur actualité, leur vigueur symbolique permanente. Sur la toile de fond se dessine, souffrante mais forte, la figure de Marie, la mère solidaire.

Hérode, roi peureux. On croit qu’il peut tout, on l’appelle Hérode le Grand et pourtant il est pris dans les filets du désir et de la peur qui le rendent impuissant et dur. Pour préserver son trône il doit abattre tous les concurrents éventuels, s’asseyant ainsi sur un trône de sang.

Dieu Sauveur. Il laisse Hérode s’imposer avec des armes de mort ; il paraît caché, incapable d’agir mais il est celui qui dirige les événements ; ainsi il protège l’enfant et sa mère, les guidant sur un chemin jalonné d’épreuves et de tous les périls de l’histoire.

Des enfants innocents. Ils meurent en lieu et place de Jésus et leur sacrifice paraît inutile. Ils sont le symbole de tous les

1 Cette scène est traitée brièvement dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie, seulement dans l’article "Les Évangiles de l’enfance" de Salvador Muñoz Iglesias (pp. 735 ss.). Nous donnons les précieux commentaires de Xavier Pikaza dans son œuvre Amis de Dieu, message marial du Nouveau Testament, pp. 52-56. Saint Paul, Madrid, 1996.

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petits ( les captifs, les opprimés, les marginalisés… ) que le système exclut ou massacre pour se maintenir en place. Leur destin même en fait des témoins de la présence de Dieu sur terre : leur mort est source de salut pour l’histoire.

Jésus enfant. Hérode veut le tuer mais en est empêché parce que Dieu même protège sa route, le libère. Des petits enfants meurent à sa place, des millions d’innocents périssent, mais lui ne les oublie pas, ne les abandonne pas : il grandira pour leur annoncer le Royaume et mourir pour tous, en leur offrant la gloire de sa Pâque.

La mère. Elle partage le sort de l’enfant, elle vit pour lui, affronte avec lui les périls de l’évasion et de l’exil. Elle semble suivre passivement (Mt2, 14-20), mais dans sa passivité, c’est elle la plus active : entre persécutions et exil, elle prend soin de l’enfant, le protège, l’éduque.

Joseph. Il revient sur la scène pour accomplir, en pleine persécution, le même service de foi que nous l’avons vu accomplir en Mt 1,18-25 : il croit en Marie, accueille, conduit, libère la mère avec l’enfant, en se mettant au service du Dieu fugitif, expulsé, errant à travers le monde.

Culture, néolibéralisme et solidarité

Le thème de la solidarité ne peut se lire en-dehors du cadre culturel actuellement dominant. Comme toutes les valeurs, la solidarité est fortement médiatisée, influencée par la culture et son expression à travers les moyens de communication.

Première constatation : alors que s’affirment une conscience planétaire et une sensibilité aiguë à tout ce qui se passe dans n’importe quelle partie de ce "village global", chez beaucoup d’hommes et de femmes de notre temps persiste une attitude défensive et individualiste. Individualisme vécu non comme un égoïsme fermé ou une méconnaissance des problèmes mais comme une défense contre une nouveauté

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ressentie comme menaçante, pour se protéger contre ce qui diminue la sécurité, l’intimité. Gestes et manifestations de solidarité à l’occasion d’accidents et de catastrophes coexistent avec une indifférence criante face aux besoins des personnes proches. On voit croître et se multiplier les Associations Non Gouvernementales (ONG) qui se veulent solidaires mais dont les membres eux-mêmes vivent parfois dans le luxe et l’opulence. Les gouvernements essaient de proposer des programmes d’intégration et d’aide aux réfugiés aux immigrés et en même temps ils ignorent les revendications de milliers de chômeurs et les problèmes des retraités et des pensionnés. On ne peut pas parler d’une culture solidaire ou d’une culture individualiste : les deux coexistent dans la société et dans les groupes plus restreints. Et les deux tendances tiraillent la conscience de beaucoup de personnes qui ont à faire des choix de vie.

Il me paraît important d’attirer l’attention sur certaines caractéristiques du néolibéralisme économique en vigueur, parce qu’il constitue un agent formidable de formation et de transmission de la culture. A son objectif normal de garantir des bénéfices économiques immédiats s’ajoute aujourd’hui la froide rationalité avec laquelle sont présentés des schémas de technicisation et des réformes de l’entreprise et du travail ; la confiance aveugle dans les recettes de marché et dans des mécanismes économiques autonomes ; la navrante dépendance de certains fonctionnaires, législateurs et juges par rapport aux groupes de pression ; la volatilité d’importantes masses d’argent, sans drapeau ni pays, qui réagissent seulement aux conditions favorables des Bourses ; le cercle de fer des intérêts des dettes interne et externe… Ce sont là des paramètres qui ne facilitent pas l’instauration de structures sociales ni de lois promouvant la solidarité et l’attention aux secteurs marginalisés. La justice, la reconnaissance de la dignité et des droits de tous, la

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protection des faibles et des plus vulnérables se réduisent à de pieux désirs, aux déclamations vides des discours prosélytes ; la réalité répond à d’autres intérêts. Solidarité chrétienne et action alternative

Il est important que le chrétien d’aujourd’hui ait les yeux bien ouverts sur l’évolution économique, politique et sociale de notre monde.

Parce qu’elle est le lieu où se jouent les conditions de vie et le destin de millions d’êtres humains. Ces conditions ne sont d’aucune façon étrangères au projet du Royaume de Dieu présenté par Jésus. Le propos évangélisateur et libérateur du Seigneur affecte toute la personne et toutes les personnes, et elle a de claires implications sociales, économiques et politiques. Nous ne pouvons plus continuer à penser à des structures, des lois et des décisions politiques moralement neutres ; toutes, du point de vue de la foi, sont pour l’Évangile ou contre l’Évangile, dans la mesure où elles favorisent le développement de la personne ou la marginalisent et l’excluent.

Le chrétien d’aujourd’hui doit admettre que la solidarité évangélique implique des jugements clairs sur les systèmes économiques et politiques, des attitudes précises, définies face aux lois et aux situations, et des engagements concrets en faveur d’un authentique développement humain. En cela consiste l’action alternative dans la mesure où la culture dominante et les modèles économiques et politiques continueront à tourner le dos à des millions d’êtres humains. L’évêque sud-africain Desmond Tutu disait : "Je ne sais pas quelle Bible lisent ceux qui prétendent que l’on ne doit pas mêler religion et politique".

La solidarité chrétienne doit se sentir blessée par l’accroissement de la pauvreté dans les banlieues de nos grandes villes et par le nombre d’hommes et de femmes qui

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connaissent la précarité de l’emploi ou le chômage ; elle doit se sentir interpellée par l’écart qui ne cesse de grandir entre le grand nombre de gens qui sont chaque jour plus pauvres et le petit nombre de ceux dont le sort s’améliore un peu ; elle doit se sentir porteuse des nécessités et des réclamations de tant d’hommes et de femmes que l’on exclut et à qui on nie le droit à l’éducation, à la santé, au logement ou à la participation et se faire leur porte-voix. Tout cela doit trouver dans la solidarité chrétienne des intermédiaires efficaces pour manifester auprès du corps social, protester et dénoncer, en faveur de la promotion humaine et du développement.

L’option évangélique pour les pauvres

Grâce à Dieu, ce n’est plus là un sujet de polémique dans l’Église. Il semble même que - au moins au niveau théologique et théorique – cette préoccupation a progressé dans la conscience des catholiques. Personne ne conteste que Jésus s’est mis du côté des marginaux, des pauvres et des exclus de son temps, qu’il leur a annoncé l’amour du Père qui veut leur libération, et qu’il a dénoncé les abus de l’autorité et du pouvoir, de l’oppression et de l’injustice. Ce souci doit être partagé par toute l’Église et chacun des chrétiens. On peut parfois se demander si l’absence de débat témoigne d’une conviction réelle et si les gens ne sont pas plutôt las de polémiquer et s’enferment alors dans le faux-fuyant d’un mutisme calculé.

Cependant, si le souci des plus pauvres constitue un pas en avant, un progrès, il lui manque une traduction pastorale active, plus développée. On doit reconnaître que dans les dernières décennies du XXe siècle, ont surgi, surtout en Amérique latine, beaucoup d’initiatives, de projets et d’options concrètes faites par des individus ou des groupes. Mais il reste encore beaucoup à faire. L’actualité continue à nous montrer la persistance, voire l’augmentation de la pauvreté matérielle, sous toutes ses formes et dans toutes les

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zones de la planète. Les statistiques sont accablantes. Nous avons dû inventer d’autres formules ( "quart monde" - "cinquième-monde" ) pour décrire la réalité et la diversité de la marginalisation. Face à tout cela, la solidarité chrétienne doit encore davantage rechercher des solutions, multiplier les efforts et mieux organiser ses ressources. De la hiérarchie jusqu’au dernier des laïcs, de chaque famille à chaque groupe ou communauté laïque ou religieuse, de chaque catholique aux organismes et institutions, tous nous devons intensifier notre engagement en faveur de nos frères les plus pauvres et mieux répercuter dans notre vie l’option claire de Jésus.

Exercices : questions, réflexion, parage… 1. La solidarité n’a pas toujours été l’attitude chrétienne la

plus encouragée. Mais il est bon d’y penser et d’approfondir sa signification et ses exigences. Essaie de répondre aux questions suivantes : Selon toi, qu’est-ce que la solidarité ? Quelles sont ses motivations et sa parenté avec l’amour ? A ton avis, quelles sont ses manifestations les plus nécessaires ?

2. Ce point, tu peux l’aborder seul ou en communauté : La solidarité fait-elle partie des préoccupations de notre vie concrète ? Décris une famille dans laquelle la solidarité est réelle, et aussi un groupe d’amis solidaires. Comment devrait se manifester la solidarité dans un groupe de travail ? Et dans une communauté chrétienne ? Ne t’arrête pas aux attitudes, essaie d’indiquer des actions concrètes.

3. Dans ton milieu habituel de travail et dans ton cercle de relations, qu’est-ce qui règne surtout : la solidarité ou l’individualisme ? Peux-tu donner des exemples ? Dans les milieux commerciaux et économiques que tu fréquentes, quelle est

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la situation ? Dans les organismes publics, quel est le panorama : solidaire ou pas ? Y a-t-il des différences sensibles entre ces divers milieux ?

4. Analysons les moyens de communication : programmes de radio, de télévision et périodiques : comment y vois-tu la solidarité ou le manque de solidarité ? Peux-tu donner des exemples concrets ? Que disent les affiches en général ? Connais-tu des périodiques et des moyens de communication qui font preuve de plus de solidarité dans leur mise en page ?

5. Nous devons vraiment parler de notre option pour les pauvres : quand as-tu commencé à y penser ? As-tu participé à quelque discussion sur ce sujet ? Que penses-tu de la théologie de la libération ? Et aujourd’hui, que fais-tu ? As-tu pris quelque engagement concret dans cette ligne ? Qu’est-ce qui manque à l’action de l’Église aujourd’hui dans ce domaine ?

6. Comment as-tu ressenti le commentaire ci-dessus sur la solidarité de Marie, dans le paragraphe ′une scène de l’Évangile′ : "le massacre des innocents" et "la fuite en Égypte" ? Est-il correct d’appeler Marie "hors-la-loi" et "persécutée" ? Commente toi-même ces faits. Comment imagines-tu la solidarité de Marie en son temps et dans sa vie concrète ? Peut-elle apprendre quelque chose aux chrétiens d’aujourd’hui, dont nous sommes ? Qu’aimerais-tu imiter en elle ?

7. Le texte qui suit va aussi te donner à penser. Il est d’un bon bibliste et théologien sérieux. Je te recommande d’en faire une lecture calme, attentive, si tu es seul, ou de proposer une lecture commentée en groupe, en communauté. Quels sont les aspects de ce texte qui appellent notre attention ? Ne serait-ce pas qu’on a peu réfléchi sur ces dimensions de

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la vie de Jésus et de Marie ? Devrions-nous les intégrer davantage dans notre vie ?

"Jésus naît dans un monde de jalousies, de violences et

d’oppressions. De toute évidence, il assume le sort des persécutés et des exilés : comme un simple hors-la loi, un ″ sans-papiers ″ dangereux, le Messie se cache. Sa mère a commis le délit de donner le jour à un fils qui peut être un libérateur ; bien plus, persistant dans le délit, elle cache l’enfant dangereux, prend soin de lui défiant la loi de l’État que représente Hérode. Ils ne sont pas seuls : le fils et la mère comptent sur l’aide d’une personne amie, Joseph, l’homme fort, qui les tient cachés en Égypte et qui, plus tard, les ramènera avec prudence dans leur ville d’origine, Nazareth.

En cela consiste la mission de libération qui incombe à Marie : elle croit en son fils, l’accueille et l’éduque en désobéissance à la loi de l’État. Ce faisant, elle exprime le motif suprême de la venue de Dieu sur terre : veiller sur la vie menacée. Là où il semble que Dieu se tait et que seuls les puissants de l’histoire crient ( les intérêts d’Hérode, les soldats ), elle écoute dans l’enfant persécuté la voix de Dieu plus forte encore. Pour donner la vie au petit, elle mène une vie risquée. Pour prendre soin de lui, elle est prête à marcher comme une hors-la-loi jusqu’en exil.

Ce ne sont pas les puissants triomphateurs, les Hérode astucieux et envieux s’appuyant sur la force des armes et l’argent qui écrivent l’histoire de la nouvelle humanité : ils finissent détruits eux-mêmes par la spirale même de la violence qu’avait suscitée leur égoïsme. Les fugitifs ( Joseph, Marie, l’enfant ), réussissent en revanche à perdurer en créant un monde nouveau. C’est dans ce climat de persécutions et à cette école que le Messie a grandi, partageant ainsi le sort des Hébreux opprimés en Égypte ; en

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grandissant dans notre histoire, Jésus a pu la comprendre et l’interpréter de l’intérieur.

Mais il ne fut pas seul : sa mère Marie l’a accompagné, elle qui a compris que l’amour donné à l’enfant abandonné est la loi suprême de Dieu sur la terre ; Joseph aussi l’a accompagné, homme différent des autres, libre, qui a su découvrir dans la femme et dans l’enfant les valeurs les plus hautes de la vie, au-dessus du pouvoir tyrannique et de la violence.

Ces scènes ( Mt 2 ) constituent une parabole puissante ; elles sont comme un miroir où se reflète notre histoire […]. Il est évident que Matthieu veut que nous nous rappelions ici le signe de Moïse sauvé des eaux, sous le regard de la jalousie peureuse et assassine du roi Pharaon, qui a donné l’ordre de tuer les enfants des Hébreux. Comme un nouveau Moïse, libérateur de ses frères, Jésus survit, triomphe du danger avec l’aide de ses parents et devient le guide sauveur de son peuple […].

Le Dieu fugitif, persécuté constitue le thème principal de Mt 2,13-23. Jésus a grandi parmi les fugitifs et les persécutés, aux frontières de la prison. C’est là que nous devons chercher et trouver les dévots de Marie, Vierge fugitive et persécutée. La naissance de Dieu est un mystère de joie, de gloire et de louange ; mais, en même temps, il ouvre un temps de crise abondamment arrosé de larmes : c’est pour partager la douleur humaine que Jésus est né".2

2 Xavier Pikaza, Amie de Dieu. Message marial du Nouveau Testament.

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MARIE, FORME EN NOUS UN CŒUR SOLIDAIRE

Vierge Marie, femme solidaire et mère migrante,

tu as connu la violence, la persécution et la peur ;

tu as vécu en exil et en Égypte tu as pris soin de Jésus.

Merci de nous faire découvrir aujourd’hui cette facette de ta vie,

méconnue de nous et trop sous-estimée.

Donne-nous de savoir ouvrir les yeux sur la vie, sur la réalité du monde

et sur la souffrance de tant de pauvres et d’exclus.

Forme en nous un cœur solidaire face à tant d’injustice

et secoue en nous l’égoïsme et le confort.

Forge en nous une volonté décidée et généreuse, disposée à assumer un engagement plus radical

en faveur des pauvres.

Sois notre mère et notre guide patiente dans cet apprentissage si exigeant.

Aide-nous à découvrir sur le visage de tant d’hommes

la dignité dont le Père les a gratifiés et le regard de Jésus,

caché dans chacun des leurs.

Garde-nous dans la foi, dans l’amour et dans ce combat pour le Royaume.

Amen !

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IV. 3. Le chemin de la Bonne Nouvelle Annoncer Dieu comme Marie

Une page de l’Évangile : le Cantique de Marie

Le cantique du Magnificat est un excellent moyen pour comprendre comment Marie a vécu la Bonne Nouvelle et comment elle l’a annoncée aux autres.1

Le cantique de Marie comprend deux parties, différenciées par le contenu même de la prière. Dans la première, Marie loue Dieu pour les merveilles qu’il a opérées en elle. Dans la seconde, Marie, dans une attitude typiquement prophétique, annonce l’action de Dieu dans l’humanité et sa libération, son salut.

1°. L’annonce joyeuse de la grandeur de Dieu (Lc 1, 46-50)

Marie vient d’entendre une bénédiction de la bouche d’Élisabeth qui clame le bonheur de la jeune fille pour avoir cru (Lc 1, 42-45). Celle-ci laisse alors éclater la joie de son esprit et l’admiration de son âme pour Dieu, Seigneur et Sauveur. Elle communique à Élisabeth toute son émotion et son désir de louer ce Dieu et de le remercier, lui qui s’est fié à sa petitesse. Détachons quelques traits de cet hymne de louange :

Marie exprime son expérience personnelle. Elle ne parle pas des autres ni ne reprend des choses déjà entendues : elle reconnaît et loue Dieu parce qu’il a fait de grandes choses en

1 Pour une étude biblique, technique et complète du Magnificat, voir l’article "Magnificat", de E. Peretto, dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie, pp. 1.224-1.237. Et l’excellent article "Liberté", de X.Pikaza et S. Galilea, dans le même ouvrage, pp.1.062-1.092, st. 1.070-1076. Dans la même ligne, X.Pikaza, Amie de Dieu. Message marial du Nouveau Testament, pp.23-38.

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elle. Marie se sent transformée par la visite de Dieu dans sa vie. Elle se sent une femme aimée de Dieu, objet de sa faveur, mère du Messie, personne libérée… Et elle renvoie de tout son élan sa reconnaissance au Seigneur.

Parce que Dieu a regardé ma petitesse. Marie s’est sentie, dans sa petitesse, regardée par Dieu. Dans le regard amoureux de Dieu, elle découvre un abîme de protection, de sécurité et de force. Quand Dieu regarde avec amour, plus rien d’autre ne compte. Marie loue un Dieu qui continue à regarder les hommes, qui continue à faire confiance aux plus petits et aux méprisés.

Un Dieu puissant, saint et miséricordieux. C’est ainsi que Marie comprend, qu’elle sent Dieu, comme le pouvoir suprême devenu miséricorde pleine d’amitié pour les hommes ; comme la transcendance devenue simple proximité ; comme un torrent insoupçonné de vie, de lumière et de tendresse qui " déborde de génération en génération ". 2° L’annonce prophétique de Marie (Lc 1, 51-55)

Très vite, tout change et le chant de Marie s’ouvre à l’humanité et prend une dimension et un langage prophétiques. Marie montre le Dieu saint et puissant qui agit dans l’histoire, transforme l’histoire, inversant le sens injuste que les hommes donnent à l’histoire. Arrêtons-nous sur quelques-uns des traits les plus significatifs de cette annonce prophétique :

Révélation d’un Dieu qui change l’histoire. Le Dieu puissant, saint et miséricordieux que Marie a contemplé est le Dieu qui maintenant " fait des prouesses par son bras," il abaisse et élève, comble et vide, pour offrir une rédemption universelle. Le même Dieu qui, à la Mer Rouge ( cf. Ex 14,31 ) en a libéré certains va maintenant montrer sa miséricorde et sa sainteté en offrant son salut à tous.

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Annonce de la libération des marginaux. Marie cite particulièrement trois types de personnes : les affamés, les opprimés, les humiliés ( en opposition implicite aux superbes ). Elle s’intéresse à autre chose qu’à leur attitude religieuse ou morale : il suffit d’être dans le besoin pour être digne de l’amour de Dieu et de sa promesse. Ils ne connaissent pas la liberté, leur situation naît d’un affrontement que Dieu n’a pas voulu.

Dénonciation de l’oppression. Marie parle d’une situation d’oppression qui naît d’un " cœur orgueilleux " et qui génère dans la vie idolâtrie et péché : l’idolâtrie du pouvoir, qui humilie et soumet les petits ; l’idolâtrie de la richesse, qui maintient la faim dans le monde et la justifie. Face à ces deux maux, Dieu va intervenir pour rejeter cette situation et la corriger à la racine.

Présence transformante de Jésus. Marie vit et parle déjà avec Jésus dans son cœur et dans son sein. Le même Jésus qui a apporté l’Esprit et la joie à Élisabeth et à Jean parle par l’intermédiaire de Marie, anticipant ainsi sa présence et son message au monde. Marie partage avec tout le monde son expérience personnelle de liberté et de plénitude.

Parole de rédemption et de grâce. Dieu donne le pain à ceux qui ont faim, il libère les opprimés, il élève les humiliés. C’est le Dieu qui veut que tous les hommes vivent dans la joie fraternelle et la louange. Marie partage son expérience d’avoir été regardée et transformée par Dieu : elle veut que tous les hommes se regardent et s’acceptent, se transforment et partagent leur vie.

Annoncer Dieu aujourd’hui : notre évangélisation

La leçon de Marie est pour nous une leçon magistrale d’évangélisation. Essayons de réfléchir à nos manières d’annoncer la Bonne Nouvelle à la lumière de son chant :

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Nous ne pouvons pas annoncer la Bonne Nouvelle si ce n’est pas notre expérience de Dieu que nous transmettons. Nos paroles, nos idées, nos démonstrations n’auront un écho que si elles sont basées sur un vécu personnel. Si, comme Marie, nous nous sommes sentis regardés, aimés et transformés par Dieu, et si nous pouvons dire avec force et conviction que Dieu a fait, pour nous aussi " de grandes choses. "

Nous ne pouvons pas annoncer la Bonne Nouvelle si nous ne vivons pas l’humilité, la joie, et la louange. Annoncer Dieu, cela suppose - de vivre avec la conscience de sa petitesse et dans la lutte contre l’orgueil et la suffisance ; - de manifester la joie de se sentir sauvé par Dieu ; - de louer Dieu et de proclamer sa grandeur parce qu’Il continue à agir en faveur de son peuple.

Nous ne pouvons pas annoncer la Bonne Nouvelle sans présenter un Dieu grand, saint et puissant, et en même temps intime, proche et miséricordieux. C’est lui, le Dieu de Marie et du Magnificat, le Dieu de Jésus et du Royaume. Annoncer Dieu aujourd’hui c’est parler de sa transcendance à une humanité imbue de pouvoir et de suffisance et parler en même temps de sa tendresse et de sa miséricorde à cette même humanité qui se sent orpheline et déconcertée.

Nous ne pouvons pas annoncer la Bonne Nouvelle si nous ne dénonçons pas l’injustice et la marginalisation. Évangéliser, c’est dire ce que Dieu pense de notre réalité et de notre histoire. Or Dieu rejette la violence et l’oppression, la faim et la marginalisation dans laquelle vivent nombre de ses enfants. Comme Marie nous devons dénoncer la " superbe du cœur " et les idolâtries de notre monde, et annoncer la fraternité et la justice que Dieu aime.

Nous ne pouvons pas annoncer la Bonne Nouvelle si nous n’agissons pas au nom de Jésus, si nous ne portons pas Jésus dans

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notre cœur et dans notre vie, comme Marie. Évangéliser, c’est se sentir appelé par Jésus, c’est avoir fait l’expérience de sa compagnie et de son amitié, c’est vivre dans son intimité, c’est se sentir envoyé pour annoncer aux frères le projet du Père miséricordieux. C’est lui qui continue à évangéliser en nous, aujourd’hui. Annoncer Jésus et Marie aux hommes

En plus d’apprendre de Marie comment parler de Dieu à partir de notre petitesse et de notre expérience de Dieu, nous avons encore à apprendre d’elle à percevoir les nécessités et les attentes des hommes et des femmes de notre temps : l’évangélisation suppose une réponse vitale aux nécessités profondes et au désir de bonheur de l’humanité.

1. L’homme et la femme d’aujourd’hui n’ont pas besoin d’une proposition religieuse basée sur des formulations dogmatiques ( qu’ils rejettent ), des pratiques rituelles ou des exigences moralistes. Ils ont besoin de vie et d’amour, non de rigidité et de menaces. Or, malheureusement, la religion catholique traîne un poids historique très lourd dans ce sens, et beaucoup la regardent avec un certain soupçon. Seule une " bonne nouvelle " qui aide à vivre, qui stimule, qui reconnaît tout ce qui est bon dans la condition humaine sera reçue avec plaisir. Cela s’obtient en annonçant Jésus et Marie.

2. L’homme et la femme d’aujourd’hui ont besoin d’une grande dose de compréhension et de patience, d’écoute et d’attention. La liste des préoccupations, des angoisses et des incertitudes qu’ils vivent est longue. Ils ont besoin de proximité et de miséricorde. L’évangélisation doit rendre évidente la proximité et la tendresse de Dieu, à travers la proximité et la sollicitude de ses envoyés. Annoncer Jésus

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et Marie, c’est trouver le chemin de cette approche cordiale.

3. Les hommes et les femmes d’aujourd’hui, même sans le dire, sentent un manque de lumière et de sens dans leur vie, un manque de joie et d’espérance, de solidarité et d’amour. Et ces carences provoquent l’angoisse et une sensation de vide que la propagande de la société de consommation a grand peine à cacher. Il faut présenter la personne de Jésus - et son message - comme celui qui sauve, qui libère, qui donne sens, qui remplit la vie d’espérance et de force. Et montrer à côté de Jésus la présence réconfortante de Marie.

4. Les hommes et les femmes d’aujourd’hui sont frustrés de beaucoup de promesses non tenues, de beaucoup de paroles vides. Ils réagissent seulement devant l’engagement de la vie et l’action solidaire et courageuse. L’évangélisation doit faire l’économie de trop de paroles et parler avant tout avec l’éloquence du service et de l’action transformatrice ; elle doit montrer que la proposition de Jésus rend possible le partage et le pardon, la fraternité et la simplicité, la joie et la liberté. Jésus et Marie sont des signes clairs de cohérence, de service et de don.

Tout cela se résume en une seule chose : présenter Jésus et Marie avec toute la force de leur vie et de leur message libérateur. Les présenter comme ceux qui ont vécu en plénitude, et qui offrent, à ceux qui croient en eux et les suivent, une nouvelle manière de vivre en dignité, liberté et solidarité. Paul VI et les évêques d’Amérique Latine à Puebla le disent clairement : ″ L’évangélisation doit contenir toujours une proclamation claire que, en Jésus Christ, Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le salut est offert à tous les hommes comme don de la grâce et de la miséricorde de Dieu ″ ( EN 27 ). ″ Cette Église, qui avec une lucidité et une décision renouvelées veut

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évangéliser en profondeur, à la racine, dans la culture du peuple, se tourne vers Marie pour que l’Évangile soit davantage chair et cœur en Amérique latine " (DP 303).

Évangéliser toute la personne et toutes les personnes

Un chrétien qui se sent appelé à rendre présent dans le monde le message et l’action de Jésus doit le faire selon les critères les plus clairs et être prêt à dire la raison de sa foi, de son espérance et de son engagement. Pour cela il est indispensable qu’il ait réfléchi sur les grands thèmes de l’évangélisation : son véritable objet et son contenu, sa dimension universelle, ses destinataires et ses agents, les critères de discernement et les signes de l’authenticité d’une vraie évangélisation, les relations entre évangélisation et culture, entre évangélisation et promotion humaine et libération… Il s’agit des noyaux fondamentaux de la vie et de l’action de l’Église qui doivent être assumés, vécus et présentés avec beaucoup de clarté et dont on rencontre fréquemment des interprétations dénaturées, des applications partiales et des risques de polarisation.

Ce n’est pas le lieu ici de développer le thème, mais on peut indiquer des documents fondamentaux devenus des lieux de référence indispensables si on veut comprendre et vivre l’évangélisation. Nous nous référons à l’Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi (EN) de Paul VI et au document final de la IIIème Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-américain : l’Évangélisation dans le présent et dans l’avenir de l’Amérique latine, plus simplement : " Document de Puebla " (DP).

Dans le texte de réflexion de ce chapitre nous essaierons de reprendre les paragraphes les plus saillants des deux documents mais pour l’instant, nous indiquons schématiquement quelques-unes des conclusions les plus éclairantes.

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1. La mission d’évangélisation est commune à tout le peuple de Dieu. Elle est la vocation primordiale, l’identité la plus profonde du peuple de Dieu. Celui-ci, avec tous ses membres, ses institutions et ses plans, existe pour évangéliser ( cf. DP 348, EN 14 ).

2. Le contenu essentiel de l’évangélisation est l’annonce du nom de Jésus, de sa doctrine, de sa vie, de ses promesses, du Royaume qu’il a introduit, du mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu. En Jésus-Christ, fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, est offert le salut à tous les hommes ( cf. DP 351, EN 22,27 ).

3. De la proclamation de Jésus-Christ naît ce que nous pouvons appeler le " contenu central " de l’évangélisation, la " cosmo-vision chrétienne, " selon trois axes : la vérité sur Jésus-Christ, la vérité sur l’Église et la vérité sur l’homme ( cf. DP 166-169 ).

4. Le dynamisme de l’évangélisation génère un processus, signe de son authenticité : le témoignage de Dieu - l’annonce de la Bonne Nouvelle en Jésus-Christ – la conversion du cœur et de la vie – l’entrée dans la communauté des croyants – l’envoi missionnaire ( cf. EN 21-24, DP 356-360 ).

5. L’évangélisation a des liens très forts avec la promotion humaine dans ses aspects de développement et de libération. Toute la communauté chrétienne se constitue en sujet responsable de l’évangélisation, de la libération et de la promotion humaine ( cf. EN 31, DP 355 ).

6. Par son action évangélisatrice, l’Église cherche à atteindre non seulement l’individu mais aussi la culture du peuple ( cf. EN 18-20, DP 388, 390, 394 ).

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Une ultime référence est nécessaire : l’appel de Jean Paul II à la nouvelle évangélisation. En ce troisième millénaire, le défi de toute l’Église, et plus spécialement en l’Amérique Latine, est grand. "La Nouvelle Évangélisation est quelque chose d’opérant, de dynamique. C’est avant tout un appel à la conversion et à l’espérance […]. C’est aussi un nouveau milieu vital, une nouvelle Pentecôte où l’accueil de l’Esprit fera surgir un peuple nouveau, constitué d’hommes libres, conscients de leur dignité et capables de forger une histoire vraiment humaine. C’est un ensemble de moyens, d’actions et d’attitudes propres à mettre l’Évangile en dialogue actif avec la modernité et la post-modernité, soit pour les interpeller soit pour se laisser interpeller par elles. C’est aussi l’effort pour inculturer l’Évangile dans la situation actuelle des cultures de notre continent[…]. La Nouvelle Évangélisation a comme finalité de former des hommes et des communautés mûres dans la foi et donner une réponse à la situation nouvelle que nous vivons. " 2

En 1990 la conférence épiscopale d’Argentine a publié le document : " Lignes pastorales pour la nouvelle Évangélisation ;" il présente très clairement les deux grands défis de l’actuel processus historico-culturel : le sécularisme et la justice, si longtemps espérée. Y sont développés, dans leur application à la réalité argentine, les contenus de la nouvelle évangélisation, l’esprit qui doit nous animer et les engagements que nous devons assumer.

2 Conclusions de la IV Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-américain, document de San Domingo, 24,26. Voir tout le premier chapitre de la " Nouvelle Évangélisation" (nn.23-156) et le discours inaugural de Jean Paul II (nn.6-12).

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Exercices : questions, réflexion, parage…

1. Marie, la première évangélisatrice. Analyser le cantique de Marie c’est mieux comprendre sa spiritualité, sa relation à Dieu et sa vision du monde. A la lumière du paragraphe " Une page de l’Évangile : le cantique de Marie, " essaie de comprendre comment Marie annonce Dieu et dénonce ce qui s’oppose au plan de Dieu. Que t’enseigne-t-elle ? Quelle orientation peut-elle nous donner pour notre tâche d’évangélisation aujourd’hui ?

2. Notre évangélisation aujourd’hui. Le paragraphe " Annoncer Dieu aujourd’hui : notre évangélisation" propose cinq critères qui devraient caractériser notre style dans l’évangélisation actuelle. Ils sont très utiles pour un examen personnel ou communautaire. Qu’est-ce qui caractérise nos efforts pour annoncer Jésus et dénoncer l’injustice ? Que devrions-nous changer et comment devrions-nous faire ?

3. Il n’y a pas de véritable évangélisation si on ne dénonce pas ce qui n’est pas dans le plan de Dieu. Es-tu d’accord avec cette affirmation ? Justifie ta réponse à cette question ou tes doutes. Que veut dire évangéliquement " dénoncer " et comment s’exprime la dénonciation ? Y a t-il des dénonciations qui ne sont pas évangéliques ? Cite un exemple récent de bonne dénonciation évangélique.

4. L’évangélisation est l’annonce de la Bonne Nouvelle. Pense aux hommes et aux femmes de notre temps. Qu’est-ce qui est " bonnes nouvelles " ou " mauvaises nouvelles " pour eux ? Que veulent-ils entendre et que ne veulent-ils pas entendre ? Dans quel sens l’Évangile peut-il être une " bonne nouvelle " ? A quels besoins des gens devrait essayer de répondre une bonne évangélisation ?

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5. Essayons d’analyser objectivement la manière actuelle d’évangéliser de l’Église. Revois ses formes et ses manifestations : documents, discours, homélies, catéchèse… Quelle est ton opinion là dessus ? Quelles sont ses réussites et ses échecs ou carences ? Y a t-il d’autres formes d’évangélisation ? Lesquelles ? Sont-elles efficaces ? Qui sont aujourd’hui les agents de l’évangélisation ?

6. As-tu pris connaissance de " Evangelii Nuntiandi" ou du "Document de Puebla" ? Que peux-tu en dire ? Comment entends-tu l’expression " Nouvelle Évangélisation " ? Connais-tu quelques initiatives de l’Église dans ce sens ?

7. Les textes qui suivent sont des affirmations centrales sur l’Évangélisation, tirées de Evangelii Nuntiandi de Paul VI. Cela vaut la peine de les lire avec attention, d’y réfléchir, d’en faire l’objet d’échanges en famille ou en communauté et de les confronter avec la vie. Ils sont suggestifs, ils motivent, orientent, lancent des défis.

"Évangéliser signifie pour l’Église porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux constitutifs de l’humanité et, sous l’influence de cette Bonne Nouvelle, transformer du dedans, rénover cette même humanité […]. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas d’humanité nouvelle s’il n’y a pas en premier lieu des hommes nouveaux, suivant la nouveauté du baptême et la vie selon l’Évangile […]. L’Église évangélise quand, par la seule force divine du message qu’elle proclame, elle tente de convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l’activité où ils sont engagés, leur vie et leurs milieux concrets " (EN 18).

"Il s’agit de toucher et de transformer avec la force de l’Évangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources d’inspiration et les modèles de vie de l’humanité qui sont en opposition avec la parole de Dieu et avec son dessein de

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salut […]. Ce qui est important, c’est d’évangéliser – non d’une manière décorative, comme avec un vernis superficiel, mais de manière vitale, en profondeur et jusqu’aux racines – la culture et les cultures de l’homme […], prenant toujours comme point de départ la personne, et en restant toujours attentifs aux relations des personnes entre elles et avec Dieu " ( n° 19-20 ).

"Nous nous réjouissons de ce que l’Église prenne une conscience toujours plus vive de sa façon propre, essentiellement évangélique, de collaborer à la libération des hommes. Et que fait-elle ? Elle essaie de susciter de plus en plus de chrétiens qui se consacrent à la libération des autres. À ces chrétiens " libérateurs " elle donne une inspiration de foi, une motivation d’amour fraternel, une doctrine sociale à laquelle le vrai chrétien ne doit pas seulement prêter attention, mais qu’il doit poser comme base de sa prudence et de son expérience, pour la traduire concrètement en action, en participation et en engagement "( n° 38 ).

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MARIE, ETOILE DE L’EVANGELISATION …

Vierge Marie, étoile de l’évangélisation, avec toute l’Église nous nous tournons vers toi pour que l’Évangile devienne plus réellement

chair et cœur de l’Amérique latine.

En toi la personne et la parole de Jésus se sont faites proches et rénovatrices,

compréhensibles et attirantes.

Nous voulons que la Bonne Nouvelle de Jésus parvienne à la racine de notre intelligence,

de nos valeurs et de nos options.

Qu’elle pénètre aussi au plus profond de la culture

et de la forme de vie de nos peuples.

Rends-nous dociles comme toi à l’Esprit et disciples fidèles de Jésus,

pour annoncer l’amour, le pardon et la miséricorde du Père,

et pour dénoncer l’injustice, l’égoïsme et la violence.

Qu’unis à toi, nous puissions chanter toujours

le Magnificat du salut et de la libération opérée par notre Dieu.

Amen !

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IV. 4. Le chemin de la souffrance rédemptrice

Être forts comme Marie

Une scène de l’Évangile : la prophétie de Siméon

Le récit de la présentation de Jésus au temple et la rencontre avec Siméon (Lc 2.22-35) a été peu travaillée dans la catéchèse et la réflexion chrétiennes. Ce texte peut paraître étrange mais il renferme des perspectives lumineuses ; il nous parle de conflit et d’espérance et surtout de la douleur de Marie.1

Nous passons rapidement sur les premiers versets (Lc 2,22-32), qui sont centrés sur la purification de Marie, l’offrande du premier garçon et l’accomplissement de l’espérance de Siméon. Celui-ci apparaît dans ce texte comme un symbole du reste d’Israël et de toute l’humanité, qui attend un rédempteur. Mais déjà dans les paroles de Siméon s’annonce la crise : tous les fils d’Israël ne seront pas disposés à identifier celui qui est la Lumière des gentils et la Gloire d’Israël (2, 32). Jésus représente un appel à la mort pour une nouvelle naissance : pour que triomphe la promesse universelle, il faut que meure la manière juive de se comprendre et de s’assumer. Siméon accepte cette mort mais beaucoup de Juifs se lèveront avec force à pour s’opposer à la crise suscitée par Jésus. Liée au nouvel enfant messianique, Marie elle-même se trouve entraînée dans cette crise. Pénétrons le sens des versets qui nous intéressent ( 2,34-35 ).

Marie souffre de la souffrance d’Israël. C’est le sens premier et le plus précis de la scène. Le signe de Jésus divise les Juifs, 1 Pour l’analyse de ce texte nous nous sommes inspirés de la réflexion de X. Pikaza dans Amie de Die. Message marial du Nouveau Testament.

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et Marie ne peut rester indifférente à cette grande rupture. Dans le Magnificat nous l’avons découverte comme représentante du peuple messianique. C’est pour cela qu’elle souffre : elle vit en sa personne toute la souffrance de son peuple. Elle a chanté la gloire du Messie ( Lc 1,46-55 ) ; maintenant elle pressent l’accomplissement de son destin et en souffre déjà. C’est le mystère de la profonde solidarité personnelle de Marie avec Jésus : même après la naissance de Jésus, Marie continue à porter dans ses entrailles de mère cet enfant devenu emblème controversé.

Le glaive qui frappe Marie c’est la souffrance de la foi. Marie va enseigner beaucoup de choses à Jésus, mais Jésus va enseigner à Marie le chemin long et douloureux de la maturation dans la foi. Marie devra dépasser toute une manière traditionnelle de comprendre la foi pour suivre Jésus, prenant sa croix et renonçant à elle-même (Lc 9.23). Marie a répondu fiat à Dieu et s’engage à maintenir cette option, à donner sa vie pour le fils qui suscite des conflits, à porter dans son cœur l’épine de la passion.

Le glaive est la souffrance causée par les Juifs qui rejettent le Christ. Marie ne souffre pas seulement à cause de la division intérieure du judaïsme mais aussi et surtout à cause du rejet concret de ceux qui nient le Christ et qui se perdent sur des chemins sans issue. Paul souffrira de même plus tard ( Ro 9,2-3 ), et Matthieu évoque Rachel, la mère d’Israël qui pleure ses fils perdus ( Mt 2,16-18 ). En acceptant le Christ, Marie accepte de souffrir pour tous ceux qui se perdent en le rejetant.

La compassion de la mère devant la croix de son fils ( Jn 19, 25-27 ). Devant les yeux de Marie, le prophète Siméon a soulevé le coin du voile sur son destin : au terme du parcours se dresse la sombre colline de la croix. Marie vit avec la certitude qu’elle a mis au monde un être pour la mort. Il est difficile d’imaginer chose plus douloureuse que

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la compassion de Marie au pied de la croix. Mais elle ne se laisse pas aller à la tentation de la désespérance : elle assume jusqu’au bout le chemin de la vie au service de tous ses nouveaux enfants.

Marie souffre avec tous les souffrants. Comme mère du Messie universel, Marie est mère de l’humanité messianique et c’est pourquoi elle ressent dans sa propre chair les souffrances de l’humanité souffrante. Elle porte dans ses entrailles la passion de tous ceux qui ont faim et soif, de ceux qui sont exilés et nus, des malades et des captifs qui forment sur cette terre le corps souffrant de Jésus ( Mt 25,31-46 ). Elle est Vierge de miséricorde, Mère des désemparés, Consolatrice des affligés, comme l’évoquent les Litanies.

Mais le glaive qui frappe Marie n’est pas inutile, ses larmes ne sont pas stériles. Les semailles douloureuses sont devenues en son âme récolte rédemptrice : elle a transformé la souffrance en germe de bonheur. Tous ceux qui aiment Marie doivent traduire leur dévotion en gestes d’amour fort en faveur des affligés et des marginaux de la terre. La contemplation des douleurs de Marie doit aboutir à un mouvement de proximité humaine et d’action rédemptrice. "Si je ne ressens pas dans mes entrailles l’épée de la douleur, de la captivité et de l’oppression des autres, c’est que je n’ai pas suivi jusqu’au bout le chemin de Jésus, que je n’ai pas compris le mystère de Marie. La douleur devient féconde avec Marie là où elle se convertit en geste efficient de libération, de présence humanisatrice, d’espérance créatrice" ( X. Pikaza ).

Les croix de notre vie

Dans notre langage, le mot croix est habituellement employé pour parler de la souffrance et des aspects pénibles de l’accomplissement de la volonté de Dieu. Bien que ce soit un usage légitime et enraciné dans la tradition chrétienne, il

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peut parfois cacher une ambiguïté dangereuse. En effet, ce que nous appelons croix n’est pas toujours une conséquence de notre obéissance à la volonté de Dieu. Un effort de discernement est nécessaire pour distinguer les vraies croix des fausses. Quelques réflexions dans ce sens.

1. Nos croix inévitables

La croix est, dans une première approximation, symbole des limitations, de la précarité et de la fragilité de l’existence humaine. Ses manifestations sont multiples et variées : les restrictions dans le vivre et le travail, la constatation de nos défauts et de leur enracinement, les tensions internes de notre personnalité et l’affaiblissement progressif de notre santé, la distance - effective ou affective – d’avec nos êtres chers, la maladie ou la mort de nos amis ou de nos proches, la relation difficile avec la nature, la difficulté de communiquer et de partager en profondeur …

Jésus a vécu tout cela. La première leçon de l’Incarnation et la première démarche d’approche et d’amour de Dieu c’est l’acceptation de notre condition humaine, avec ses limites et ses souffrances. Et la conséquence pour nous, la manière d’assumer nos croix, s’appelle acceptation de la vie - de ma vie - avec son quota inévitable de limitation et de fragilité ; cela s’appelle réalisme, sérénité et humilité devant la souffrance, la maladie et la mort ; cela s’appelle compréhension des défauts et des limites, les siennes propres et celles des autres. 2. Nos croix coupables

Il y a un second type de croix et de souffrances : celles qui sont causées par nos actes humains libres et volontaires. Il s’agit des souffrances provoquées par l’égoïsme, l’insensibilité, le désir du pouvoir ou de la richesse, la haine et l'intolérance, l'agressivité et l'envie …, qui provoquent dans

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notre monde la pauvreté et la marginalisation, les guerres et les morts violentes, l’insécurité et la peur, l’exploitation et l’injuste répartition des biens. Souffrances et douleurs dans lesquelles, parfois, nous prétendons voir quelque intervention mystérieuse de Dieu, sans en analyser les véritables causes.

Jésus aussi a connu tout cela. A son époque il a été confronté à l’orgueil et à la marginalisation, à la pauvreté et à la soif du pouvoir. Il a lutté contre tout cela, en paroles et en actes. La conséquence pour nous, aujourd’hui, est claire : ces croix, Dieu ne les aime pas. Nous devons lutter conte l’injustice, affronter le mal qu’on peut surmonter, nous placer du côté des marginaux, accepter des risques quand le Royaume de Dieu est en jeu, être clairs et cohérents dans notre façon de parler du bien et dans notre engagement en vue du bien. 3. La croix comme expression de l’amour

Il est une troisième dimension de la croix : la croix qui résulte de l’amour vrai pour celui qui partage la vie et la douleur de son frère, quand ce dernier connaît le manque de pain et de travail, la maladie ou la crise, la solitude ou l’angoisse, quand il se sent révolté contre Dieu ou qu’il en veut à la société. Cette croix se manifeste de manières diverses : c’est la croix de la présence difficile et de l’aide embarrassante, la croix du silence et de l’écoute, du geste discret ou du prêt à fonds perdus. C’est la croix de nos plans bousculés et de la fatigue supplémentaire quand il faut tout recommencer.

Jésus a bien connu cette croix. Il l’a vécue comme "un grain de blé qui tombe en terre et qui meurt" ; comme celui qui a lavé les pieds et a donné sa vie pour ses amis ; comme le maître "doux et humble de cœur" et comme le bon Samaritain qui s’occupe de l’humanité agressée. Aimer à l’école de Jésus c’est comprendre la croix de l’autre et s’en charger, être toujours en tenue de service et disponible pour les autres, être fort et persévérant

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devant la lenteur des changements après lesquels on soupire. C’est accepter avec générosité la croix du respect inconditionnel et de la patience, du conseil donné mais non entendu ou de la correction non acceptée, de l’erreur constatée et du pardon qu’il en coûte de donner. Résignation, révolte ou force chrétienne ? 4

Notre attitude devant la souffrance est peut-être le thermomètre le plus précis pour mesurer notre maturité humaine et chrétienne. Car face à la douleur on ne peut pas discuter ; les recettes sont inefficaces et inutiles les appels à la logique ou à l’éducation. La souffrance est là, inattendue et cruelle, injuste et arrogante, nous secouant et nous laissant muets. L’unique réponse valable est celle qui vient de la vie même, de notre expérience et des moments de sagesse et de force que nous avons pu faire nôtres.

Il y a une manière traditionnelle de réagir devant la souffrance : celle qu’on appelle à tort la résignation chrétienne. Selon cette interprétation, l’origine de la souffrance est systématiquement attribuée à Dieu, comme cause médiate ou immédiate. Si Dieu veut que nous souffrions, si sa volonté régit mystérieusement nos problèmes, nos crises ou nos tragédies, il n’y a qu’à se résigner, accepter, se taire, souffrir.

Cette interprétation consiste en un providentialisme appliqué à tous les événements ; il est très enraciné dans la mentalité chrétienne traditionnelle et il a pénétré profondément dans notre langage. Or c’est vraiment une théorie ambiguë, théologiquement dangereuse et pastoralement erronée. Elle conduit à la conclusion que Dieu veut le mal ; elle appuie l’image d’un Dieu cruel et punisseur, qui met la foi en crise et bloque l’espérance.

Il y a d’autres réactions devant la souffrance : celles qui surgissent spontanément ou qui sont provoquées par le sentiment, selon la personnalité et l’histoire de chaque individu. Telles sont la colère

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et les larmes, l’angoisse et l’abattement, la révolte et le rejet, la dépression et la crise, la négation et la fuite, la révolte - et parfois la malédiction - contre la vie et contre Dieu. Normalement ces réactions ignorent la foi, se situent en marge de la foi ou s’appuient sur une foi peu mûre.

Entre les deux extrêmes – la foi bâillonnée, et le sentiment sans foi – y a-t-il place pour une attitude chrétienne devant la douleur et la souffrance ? Assurément et elle découle de l’espérance. Dans certains cas c’est de la patience, dans d’autres, du courage. La force et la patience sont les attitudes, les vertus chrétiennes, qui nous aident à affronter la souffrance. Si la douleur est insurmontable, si rien ne peut être fait pour l’éviter, nous avons besoin de patience, une patience qui n’est pas résignation impuissante ni désespérance camouflée mais acceptation sereine, compréhension réaliste, humilité et offrande pleine d’espérance. L’espérance donne un sens au difficile exercice de la patience, parce qu’elle nous rappelle toujours que le mot final n’est pas la mort mais la vie.

Si le problème que nous affrontons est surmontable, s’il s’agit d’une des multiples manifestations des croix coupables, l’attitude – la vertu - chrétienne qu’il faut mettre en œuvre s’appelle force. La force est résistance et endurance, mais aussi, en même temps, effort et combat. Elle est dénonciation claire et opposition nette au mal que Dieu ne veut pas. La force est résistance pacifique et affrontement concret avec toutes les armes que nous offre l’Évangile. Elle démasque le mal et construit le Royaume. Elle ne baisse jamais les bras, elle continue à semer, est surmonte la peur, elle endure la persécution et la critique parce que sa source est la conviction inébranlable que Jésus a vaincu le monde et qu’il demeure avec nous.

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Salut, ô croix, unique espérance !

Notre réflexion nous amène à un des axes centraux du message chrétien : le mystère de la croix. Mystère qui nous ébranle, nous bouleverse et nous déborde, qui nous rend muets, nous émeut ou nous révolte mais mystère que nous devons contempler, auquel nous devons faire face si nous voulons suivre Jésus. Car Jésus de Nazareth est mort sur une croix et cela ne peut pas être ignoré par nous, les chrétiens, qui portons son nom et qui voulons nous engager dans son projet de vie. Au-delà de toutes les explications traditionnelles ou politiques de la mort de Jésus, la croix continue et continuera toujours à être un questionnement et un défi, jugement du monde et victoire du crucifié, sens de l’histoire et espérance de résurrection.

Dans l’offrande de Jésus jusqu’à la mort sur la croix nous comprenons comment on peut vivre avec cohérence et comment on peut arriver à donner sa vie pour ne pas trahir les idéaux et les valeurs auxquelles on croit et pour lesquelles on lutte. C’est en cela que la croix se dresse comme un signe de liberté et de vie dans la plénitude. Et c’est ainsi que la croix de Jésus nous libère d’une manière de vivre superficielle et peu engagée. Salut ! Ô croix, unique espérance !

Dans l’offrande de Jésus et sa mort sur la croix nous comprenons jusqu’où peut aller l’amour pour des amis, jusqu’où peut se vivre le service et la solidarité. La croix est symbole d’amour et d’engagement inconditionnel. C’est ainsi que la croix nous libère de nos égoïsmes et de nos évasions. Salut ! Ô croix, unique espérance !

Dans l’offrande de Jésus crucifié apparaît avec évidence son option en faveur des exclus et des condamnés de la terre, et sa passion pour le Royaume du Père, un Royaume de justice et de fraternité. Pour tout cela, la croix est l’emblème de la nouvelle humanité. La croix de Jésus nous libère de notre péché de silence et de complicité devant l’injustice et les formes d’exclusion qui mettent à l’écart tant d’hommes et de femmes de notre monde. Salut ! Ô croix, unique espérance !

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Exercices : questions, réflexion, parage…

1. Reviens sur la scène de l’Évangile et l’explication du paragraphe " la prophétie de Siméon". Essaie d’imaginer la présence de la souffrance et des douleurs dans la vie de Marie. Quelles sont-elles ? En quoi les circonstances sociales et historiques l’ont-elles fait souffrir ? Et pourquoi son engagement aux côtés de Jésus ? Comment Marie a-t-elle vécu tout cela ?

2. Quelles sont tes croix inévitables ? Essaie d’estimer calmement les limites et les manques dans ta vie. Demande-toi surtout comment tu les vis. Rappelle-toi la vie de Jésus et comment il a connu la précarité et les limites de son Incarnation. Que nous enseigne-t-il ? Comment pouvons-nous vivre mieux ce type de croix de notre existence ?

3. Il y a peut-être aussi, dans ta vie, des croix coupables : celles que tu subis de la part des autres et celles que tu leur imposes. Rappelle-les toi et nomme-les. Dans les deux cas : d’où viennent-elles ? Comment les vis-tu, comment y réagis-tu ? Que nous enseigne Jésus sur ce type de croix ? En quoi et comment devrions-nous l’imiter, concrètement, dans la vie ?

4. As-tu une expérience de croix causée par l’amour ? Es-tu d’accord avec la phrase : " L’amour vrai fait toujours mal " ? ou : " Qui aime bien châtie bien !" Quels sont les aspects et les attitudes de l’amour qui te coûtent le plus et comment les vis-tu ? Analyse les expressions de ton amour envers les êtres qui te sont le plus chers : Quels renoncement et quels sacrifices exige cet amour ? Que pouvons-nous apprendre à ce propos de la vie de Jésus ?

5. Essaie de te rappeler ce qui t’a le plus fait souffrir cette année. Comment as-tu assumé : avec résignation, révolte ou

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force chrétienne ? Analyse tes sentiments, tes attitudes et tes paroles face à des situations pénibles : qu’indiquent-ils ? Comment pouvons-nous mieux reconnaître les souffrances de notre vie et les assumer avec patience et force ?

6. Pensons aux critères et aux attitudes dominantes dans notre société et dans notre culture. Comment se vivent, en elles, la douleur et la souffrance ? Quelles en sont les manifestations les plus typiques ? Quels sont les liens entre la souffrance des gens et la politique ou l’économie ? Y a-t-il des groupes sociaux qui souffrent plus que d’autres ? Lesquels ? Pour quelle raison ? Que pensent de la souffrance la société de consommation et la mentalité post-moderne ?

7. Le texte qui suit nous aide à assumer la souffrance à la lumière de celles de Marie. Lis-le avec attention et essaie d’en partager le message et de le commenter avec ta communauté, à la lumière des questions suivantes :

- Quelle est notre attitude habituelle face au mystère de la souffrance ?

- Comment peut-on convertir la souffrance en source de maturité et de libération ?

- Comment expliquer le sens rédempteur de la croix et de la mort du Seigneur ?

- As-tu quelque expérience de souffrances libératrices ?

"Marie a souffert. Sa passion a débuté au moment où elle a accepté d’être mère du Serviteur de Yahvé […]. Marie a compati à la douleur de ceux qui entouraient son fils et à celle de ceux qui le faisaient souffrir. Elle s’est identifiée à son peuple, accablé par le péché et par la domination du joug étranger. Elle a entendu son appel à la libération […]. Marie a lutté contre la souffrance […]. Elle fut un " bon samaritain " pour beaucoup d’hommes et de femmes de son temps […].

Se faire proche de cette souffrance de Marie déploie en nous des énergies de libération et de communion, de vie et d’espérance […].

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Célébrer les douleurs de Marie, c’est célébrer la nôtre. Trouver aussi les moments forts de notre vie où nous avons été visités par la souffrance et où elle nous a marqués. Il y a une histoire de nos souffrances qu’il convient de savoir lire et situer. Parcourir les douleurs de Marie c’est évoquer notre propre souffrance.

Contempler notre douleur, c’est pouvoir la convertir en source de vie pascale, et découvrir la relation entre le péché et les tensions, les drames et les injustices de la société et de chacun de nous ; c’est apprendre que lorsque par le péché est rompu le lien principal qui tient l’homme sous la domination amoureuse du Père, alors prolifèrent toutes les formes esclavage et d’oppression et on souffre intensément […]. Non que toute douleur vienne du péché mais tout péché est une souffrance et en entraîne d’autres […].

Intercéder à partir de nos douleurs c’est demander à Dieu qu’il nous fasse la grâce d’être " des hommes au cœur docile, capables de faire leurs les chemins et le rythme que la Providence nous montre. Être notamment capables d’assumer notre propre douleur et celle de nos peuples et les convertir, dans un esprit pascal, en exigence de conversion personnelle, en source de solidarité avec tous ceux qui partagent cette souffrance et en défi lancé à l’initiative et l’imagination créatrices " ( Puebla 279 ).

Louer pour notre souffrance c’est tout simplement affirmer en nous la conviction que si nous sommes morts avec le Christ, avec lui nous vivrons ( 1 Tm 2, 12 ). Par la souffrance nous serons glorifiés ( Rm 8, 17 ). La louange est l’expression d’un bien et d’un bonheur débordants ; nous bénissons donc Dieu pour les énergies de vie et d’espérance qui nous viennent de l’expérience de la souffrance. Nous avons souvent été frappés par la sérénité, la solidarité et la force créatrice qu’on trouve dans les personnes qui ont beaucoup souffert. De cette impression sera née notre louange".2

2 José Maria Arnaiz et Luis Casala, Notre Dame des douleurs.

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MERE DES DOULEURS ET VIERGE FORTE

Vierge Marie, mère des douleurs et Vierge forte, nous venons te présenter ce qui nous fait souffrir

et ce qui fait souffrir le monde, et nous te demandons sagesse et force

pour vivre avec toi, comme toi, le mystère de la croix.

Aide-nous à accepter avec sérénité et réalisme les limites et la fragilité

de notre existence humaine.

Obtiens-nous le courage de lutter contre l’égoïsme et l’injustice,

qui font souffrir tant de nos frères.

Obtiens-nous la force d’accepter avec amour la croix du service humble, de la solidarité généreuse

et de l’engagement pour le Royaume de Dieu.

Que dans la croix de Jésus nous trouvions comme toi la force nécessaire

pour vivre, avec fidélité et cohérence, la monotonie et la fatigue de tous les jours

et les moments de douleur et de souffrance.

Que la croix de Jésus soit pour nous signe de victoire

et espérance de cette libération pour laquelle nous nous battons.

Amen !

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IV. 5. Servir Marie Annoncer Marie

Saint Jean, modèle du service de Marie

Plus loin nous étudierons dans le détail la scène au pied de la croix de Jésus. Avant cela, essayons de découvrir dans la personne de saint Jean quelques traits du service de Marie modèle.

1. Jean est le disciple bien-aimé, celui qui a goûté l’intimité de l’amitié avec Jésus, l’évangéliste du témoignage, qui est entré comme personne d’autre dans le mystère de Jésus. Quand il se met " au service de Marie ", tous ces traits subsistent et accèdent un niveau de la médiation maternelle. Servir Marie c’est servir la cause de Jésus, prolonger son œuvre, approfondir son intimité et communiquer son message.

2. Jean " a reçu Marie dans sa maison", dans sa vie et en même temps il est accueilli lui-même dans l’intimité et dans la vie de Marie. Servir Marie, c’est accepter le testament du Seigneur, c’est accueillir Marie dans notre vie et dans notre travail, c’est parcourir avec elle et comme elle le chemin de la foi et de l’amour, c’est nous unir à elle dans le service du Royaume et la présenter comme la meilleure servante du Royaume.

3. Jean, qui tient compagnie à Marie au Calvaire, est le symbole de la présence à la solitude de tant de femmes qui souffrent de la perte ou de la condamnation injuste de leurs enfants. Marie est la mère universelle qui partage cette souffrance et qui en fait une offrande. Servir Marie, c’est offrir aujourd’hui le service de la présence et de la

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solidarité à des femmes et à des mères seules, abandonnées, anéanties par leur souffrance.

Missionnaires de Marie

Il n’est pas facile de faire une synthèse du charisme marianiste vécu par le Père Guillaume-Joseph Chaminade et qu’il a légué à ses fils et cela parce qu’il comporte une riche variété d’aspects et parce qu’il nous manque une présentation synthétique, organique, du Fondateur lui-même. Cependant nous pouvons souligner deux traits caractéristiques de ce charisme : le sens missionnaire qu’il a donné à toutes ses œuvres et la dévotion particulière à Marie qu’il a voulu transmettre à ses disciples. Il faut dire plus : c’est le lien inséparable de ces deux éléments qui est caractéristique du charisme marianiste : la mission marianiste est une mission faite au nom de Marie ; notre amour de Marie et notre consécration à elle sont essentiellement missionnaires.

Qu’est-ce qui caractérise surtout le sens missionnaire

marianiste, d’après la vie et le message du Père Chaminade ? - La priorité donnée à l’évangélisation ( "multiplier les chrétiens ″ ) ; - l’ouverture et l’universalisme ; - le sens de l’adaptation - et la conscience de réaliser la mission au nom de Marie.1

Arrêtons-nous un moment sur ce dernier trait, en écoutant le Fondateur :

"Marie est la femme par excellence, la femme promise pour écraser la tête du serpent. À elle est réservée de nos jours une grande victoire […]. Faire connaître, aimer et servir Marie est un des moyens les plus sûrs pour ramener les 1 Cf. Philippe Pierrel, Sur les chemins de la mission… G. Joseph Chaminade, fondateur des marianistes, pp. 121-129. Paris 1981.

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hommes à Jésus […]. Notre œuvre est grande, elle est magnifique. Elle est universelle parce que nous sommes les missionnaires de Marie qui nous a dit : " Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ! " Oui, nous sommes tous missionnaires ; à chacun de nous, la Très Sainte Vierge a confié la tâche de travailler au salut de nos frères dans le monde".2

Il n’y a pas grand chose à ajouter : ce sont des phrases marquantes par leur signification et leur portée. L’union à Marie n’est pas un trait parmi d’autres à ajouter à la mission marianiste ou un qualificatif au hasard : c’est son élément essentiel, son fondement et sa colonne vertébrale. Les Marianistes sont- ont à être - missionnaires parce qu’ils participent à la mission de Marie ; leur mission est de collaborer à la mission que Jésus a confiée à sa mère : de former une multitude de frères et de disciples du Seigneur pour qu’ils constituent dans le monde la famille de Dieu et y construisent le Royaume.

Cette manière de comprendre la mission ne constitue pas une particularisation mais c’est une manière sûre et profonde de comprendre l’unique mission des disciples de Jésus. Marie a été associée à l’œuvre de son fils comme modèle des disciples et de tous ceux qui suivent Jésus, comme l’éducatrice des nouveaux chrétiens, comme un signe d’espérance et de victoire sur le mal, comme l’étoile de l’évangélisation, comme la mère de l’Église… Nous pouvons vraiment dire, en conformité avec la Bible et la théologie, que la mission de l’Église est la mission de Marie et que faire nôtre la mission de Marie, c’est réaliser la mission de l’Église. Quand les Marianistes se font missionnaires de Marie ils consacrent leur vie et leur action au service de

2 Lettre aux prédicateurs de retraite (24 août 1839). Ecrits Marials, II, 74, 77, 82.

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l’évangélisation et de la construction du Royaume de justice et de fraternité voulu par Dieu. Le sens de notre consécration : l’alliance avec Marie

Dans l’histoire de la spiritualité mariale on ne peut pas passer sous silence le thème de la " consécration " à Marie - se donner à elle par amour filial -. Cette attitude a pris diverses formes dans l’histoire, selon les époques, les cultures et l’inspiration des chrétiens qui ont ouvert la voie.3

Voici donc les aspects originaux de la proposition du Père Guillaume-Joseph tels qu’ils ressortent de sa vie et de ses écrits, tels qu’ils ont été enrichis au cours de l’histoire par la vie et la tradition marianistes et tels qu’on les comprend aujourd’hui. Cette synthèse permettra de mieux les comprendre et de les vivre dans une plus grande fidélité. 1. La consécration à Marie est une actualisation de la consécration

baptismale et une manière de vivre cette consécration première qui définit, synthétise et oriente la vie de tout chrétien. Au baptême, Dieu nous consacre, c’est-à-dire qu’il nous adopte comme ses enfants, que nous sommes à lui et qu’il nous envoie en mission. La consécration à Marie est un moyen pour vivre la consécration à Dieu.

3 Dans son article "Consécration", dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie, pp. 476-485, S. de Fiores cite et analyse les principales : Marie, consacrée à Dieu et modèle de consécration virginale ; le recours confié à Marie ; l’engagement des Serviteurs de Marie ; l’amour chevaleresque pour Marie ; la consécration à Jésus-Christ par Marie de St Louis Grignion de Montfort ; la consécration-alliance de Guillaume Joseph Chaminade ; la consécration à Marie Immaculée de Maximilien Kolbe et le " Totus tuus " du Pape Jean Paul II. La configuration de toutes ces formes offre une mosaïque intéressante et riche de suggestions pour la vie.

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"Celui qui consacre, c’est Dieu. C’est lui qui prend l’initiative, qui veut sauver et qui sauve ; en sauvant, il consacre et en consacrant il sanctifie ( 1 Co 1,2 ; Rm 15,16 ) ; en sanctifiant, il envoie. Le Dieu qui sanctifie est le Christ : par lui nous avons été sanctifiés ( 1 Co 6,1 ; Ep 2,1-6 ). Tout cela se produit au baptême. Par le baptême donné "au nom de Jésus" et au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, on devient ‘de’ Jésus ressuscité, son bien propre. De cette manière tous les " sanctifiés en Jésus-Christ " sont " appelés à être des saints ", c’est-à-dire à transformer leur vie en un don total et en une offrande agréable à Dieu ( Rm 12,1 ). Cette offrande du croyant à Dieu suppose le concours de toutes les autres dimensions de la vie chrétienne : profession de foi, adoration, action caritative et solidaire, annonce de l’Évangile […].

Le baptême est le fondement théologique de toute consécration chrétienne et de toute consécration mariale. La consécration au Seigneur par Marie n’ajoute rien de substantiel au baptême, elle ratifie seulement et renouvelle ce qu’un jour on a déjà offert ou promis. Ainsi, avec l’esprit de Marie, esprit d’amour et de liberté, nous faisons offrande de notre vie au Seigneur d’une manière nouvelle. S’offrir totalement à Marie c’est se mettre en chemin pour arriver à la parfaite consécration à Dieu. Le rôle de Marie est de nous donner à Dieu, de nous aider à être entièrement pour Dieu […].

En recevant le don de Marie, le chrétien se trouve motivé et stimulé pour se faire lui aussi offrande et don total à Marie […]. Pour célébrer ce fait et confirmer ce charisme, des chrétiens expriment par une démarche leur consécration mariale et apostolique ; ainsi, par Marie et en Marie, ils se font dons au Père et serviteurs du Royaume. Ils découvrent leur mission : celle d’être en quelque sorte Marie dans

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l’Église, d’y continuer sa présence, sa fécondité et son service".4

2. La consécration marianiste se comprend et se vit comme une alliance avec Marie. C’est un aspect original et nous devons mettre à profit toute la richesse biblique, spirituelle et pastorale de cette alliance. Les Marianistes comprennent leur alliance avec Marie à la lumière de l’alliance de Dieu avec son peuple et ils approfondissent cette tradition qui parcourt toute la Sainte Écriture. Ils développent une spiritualité de l’alliance qui les pousse à vivre la confiance et l’amour, l’intimité et la fidélité. Ils présentent l’alliance avec Marie comme un chemin pour suivre Jésus et s’engager pour le Royaume.

Voyons comment le Père Chaminade situe cette alliance avec Marie.

"Une consécration sincère au culte de la très pure Vierge Marie est une vraie alliance entre la personne qui se consacre et la Vierge Immaculée qui reçoit cette consécration. D’une part, l’auguste Marie prend sous sa puissante protection le chrétien fidèle qui se jette dans les bras de sa tendresse maternelle, et elle le prend pour fils ; d’autre part, le nouveau fils de Marie contracte avec sa mère les plus douces et plus aimables obligations".5 "Si nous avons fait alliance avec Dieu, ne l’avons-nous pas fait aussi avec Marie ? […]. Nous nous sommes engagés avec Marie à tout ce qu’un enfant doit faire et sentir pour une bonne mère : l’aimer, la respecter, lui obéir, l’assister. Surtout, nous nous sommes engagés à ce dernier effet de l’amour filial : l’assistance, la bienveillance active ; nous nous

4 José Maria Arnaiz, "La Consécration mariale dans la Famille marianiste", dans La Nouvelle Évangélisation avec Marie, Service des Publications Marianistes, Madrid, 1994, pp. 25-32.e 5 G.J.Chaminade, Manuel du Serviteur de Marie, Écrits Marials, n.395.

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sommes engagés à publier le nom de Marie et à le faire honorer partout".6

3. La consécration-alliance avec Marie renferme une série de propositions de croissance et de fidélité, un ensemble d’attitudes qui vont modeler toute la vie du marianiste. Celui qui se consacre à Marie doit croître en intimité avec elle, la prendre comme modèle pour suivre Jésus, l’aimer, se laisser former par elle, la faire connaître, partager sa mission, s’engager dans le monde avec la Famille marianiste, formuler ses engagements laïcs ou religieux comme une consécration à Marie.

Est-il besoin de développer ici ces diverses attitudes ? En fait, tout ce livre y est consacré, sous le schéma général évident du " connaître-aimer-servir Marie ". Mais il nous paraît important de souligner le caractère global et unificateur de la consécration-alliance dans la vie marianiste.

Au niveau personnel, elle suppose une option définie et précise pour vivre à la suite de Jésus et l’affirmation publique et ecclésiale d’un tel engagement.

Au niveau apostolique, elle représente aussi un style précis et particulier d’activité missionnaire dans l’Eglise pour évangéliser et rendre le Royaume de Dieu présent dans le monde.

Au niveau de la Famille Marianiste, elle est l’expression claire et partagée d’une vocation reçue comme un don de Dieu et offerte comme un service ecclésial.

Servir Marie : servir en Église

Entre Marie et l’Église il y a une profonde interaction : Marie nous conduit à l’Église, l’Église nous conduit à Marie. Dans une authentique dévotion à Marie ne peut manquer la dimension ecclésiale ; un véritable sens de l’Église doit 6 G.J. Chaminade, Notes de retraite de 1819, Écrits Marials, II, nn. 751-753 ; cf.739-742.

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toujours être marqué d’un cachet marial bien caractérisé. On ne peut pas envisager de service de Marie sans référence ecclésiale. Servir Marie c’est faire nôtre sa mission, la mission d’étendre le Royaume dans le monde, d’incorporer des fils et des filles dans la famille de Dieu et de les former selon le projet communautaire et ecclésial de son Fils.

Dans ce service marial et ecclésial épinglons trois aspects qui nous paraissent particulièrement significatifs aujourd’hui :

a) Annoncer Marie

Marie est "évangile" de Dieu. Le nom et la personne de Marie sont " bonne nouvelle ", annonce de salut, de miséricorde et de libération. Les Marianistes sont convaincus que, annoncer Marie c’est annoncer Jésus ; que conduire leurs frères et sœurs à Marie c’est les conduire à la rencontre du Seigneur qui sauve. Bien plus, ils sont persuadés que la personne de Marie est particulièrement significative pour l’homme et la femme d’aujourd’hui, et que proposer une spiritualité et une pastorale centrées sur Marie c’est contribuer de manière particulièrement opportune à la nouvelle évangélisation et à l’instauration de la civilisation de l’amour. C’est pourquoi les Marianistes s’efforcent d’être de ceux qui font connaître Marie pour que son nom soit célébré et que son itinéraire de foi et de service fidèle éclaire le chemin des chrétiens. b) Promouvoir la dignité et la participation de la femme

Notre culture est devenue plus sensible à l’effort de promotion de la femme. Cependant il persiste dans la mentalité, dans le langage, dans les structures des éléments de machisme et de dévalorisation. Marie apparaît comme un exemple clair de femme libre et libérée, éclairée et ferme dans ses options et décidée dans l’accomplissement de sa mission - de femme, d’épouse et de mère, de membre responsable d’une

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collectivité qui lutte, de constructrice d’une société juste et fraternelle -. Marie inspire des revendications authentiquement féminines ; elle est signe d’une vraie promotion de la femme, modèle de la participation particulière et spécifique qu’on attend de la femme dans la société et dans l’histoire. c) Servir comme Marie dans une Église servante

Le service a toujours été un trait central du message chrétien. Mais aujourd’hui, dans une société hédoniste et calculatrice, les gestes de service humble et gratuit acquièrent une signification évangélisatrice très spéciale. La communauté chrétienne, en suivant l’exemple de Marie, doit intensifier sa présence comme servante de l’humanité. Cela a un impact très concret : renoncer à tout privilège, à toute attitude de pouvoir ; proposer avec simplicité et générosité la parole et le message de Jésus ; refuser tout compromis politique ou économique qui diminuerait la liberté ou occulterait le seul objectif qui est d’évangéliser ; multiplier les engagements en vue de la promotion humaine dans les milieux les plus nécessiteux.

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Exercices : questions, réflexion, parage…

1. Le thème biblique de l’alliance doit être un thème connu et étudié par les Marianistes. Il est très important pour tout chrétien et il est à la base de notre alliance avec Marie. - Que connais-tu sur ce thème ? Quels traits définissent l’alliance de Yahvé avec son peuple ? En quoi l’alliance biblique éclaire-t-elle notre vie chrétienne actuelle ? Comment vivre aujourd’hui notre alliance avec Dieu ?

2. Quelle est l’histoire de ta connaissance de Marie et de ta vie de consécration à Marie ? Quand et comment as-tu "fait ta consécration" ? Qu’est-ce qui t’a le plus attiré dans la consécration à Marie ? Comment l’as-tu vécue et mûrie ? Quel sens lui donnes-tu aujourd’hui ? Répondre à ces questions ( individuellement ou en communauté ) est un bon moyen pour mieux vivre ta consécration à Marie.

3. Dans le paragraphe "Missionnaires de Marie" nous avons revu quelques-uns des traits du projet du Père Guillaume Joseph Chaminade. As-tu trouvé quelque parallèle entre son temps et la nôtre ? Lesquels des traits décrits sont les plus motivants aujourd’hui et pourquoi ? Comment actualiser le projet missionnaire du Fondateur ? Dans quelles zones du monde ou dans quels milieux te semble-t-il le plus urgent de mettre ce projet en œuvre ?

4. Missionnaires de Marie. Nous avons entendu et utilisé cette expression à diverses reprises ; essayons aujourd’hui, dans un partage communautaire - de nos intentions et de notre expérience - de l’approfondir et de la concrétiser. Comment l’entendons-nous ? De quelle manière essayons-nous de vivre effectivement en missionnaires de Marie ? En quoi Marie éclaire-t-elle, stimule-t-elle ou fortifie-t-elle notre conscience et notre engagement missionnaires ?

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5. Dans le paragraphe "Servir Marie : Servir en Église" tu as lu : " Marie est évangile de Dieu ". Est-ce une expression juste ou seulement originale ? As-tu eu quelque occasion d’annoncer Marie, de parler d’elle, de présenter sa vie et ses attitudes comme une manière d’approcher Jésus ? Comment pouvons-nous mieux annoncer Marie et faire en sorte qu’elle soit mieux connue et appréciée ?

6. Dans quelle mesure Marie peut-elle favoriser la promotion de la femme ? Peut-on faire un parallélisme entre la société machiste et sectaire dans laquelle a vécu Marie et notre société ? Comment et en quoi Marie peut-elle accompagner les justes revendications de la femme actuelle ? Vois-tu des textes bibliques qui peuvent éclairer notre recherche ?

7. Le texte qui suit résume assez bien le thème de ce chapitre. Essaie d’y repérer les affirmations qui représentent des convictions que tu as déjà acquises et celles qui restent ces objectifs à atteindre. Ces mêmes questions peuvent orienter une lecture communautaire du texte suivie d’une mise en commun. Y a-t-il une différence entre la consécration à Marie des laïcs marianistes et celle des religieux marianistes ? Comment laïcs et religieux peuvent-ils s’enrichir mutuellement en ce domaine ?

" Consécration mariale apostolique dans la Famille marianiste.

En nous appelant à faire partie de la Famille marianiste, le Seigneur nous offre un chemin concret pour vivre avec intensité et originalité les exigences de notre baptême. Le début officiel de cette marche est dans la consécration mariale apostolique. En ce moment de l’histoire de nos vies le Seigneur nous consacre ou renforce la consécration première du baptême car la radicalité du baptême appartient à nos vies de chrétiens. Il ne peut en être autrement car être marianiste est une manière d’être chrétien. À son tour, cette

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consécration fait du bien au marianiste ; il ne peut lui manquer un dévouement confiant et explicite à Marie ; ainsi devient public et communautaire son choix personnel et intime de Marie comme sa mère ; il la prend chez lui, il la choisit comme médiation grâce à laquelle sa vie va évoluer en Jésus et son existence devenir une offrande permanente pour que le monde soit sauvé.

La relation que nous établissons avec Marie a été considérée par le Père Chaminade comme une authentique alliance ; depuis le début, cette consécration a été pour le marianiste un engagement mutuel entre Marie et lui, comme croyant, c’est-à-dire un engagement mutuel entre deux personnes, lui et quelqu’un en qui il a confiance au point de lui livrer toute son existence, ce qu’il est et ce qu’il a. Cette alliance entraîne une "dépendance" et une "disponibilité" totales à la personne avec qui on s’est engagé : en l’occurrence envers Marie.

Le signe de cette consécration à Dieu qui marque l’entrée dans la famille marianiste est Marie : cette nouvelle alliance entre le Seigneur et nous aura comme mémorial Marie. Elle est là comme rappel, expression et réalisation de notre alliance. Marie n’est pas seulement la médiation mais aussi le signe que Dieu a mis entre Lui et nous – l’arc en ciel - pour réaliser l’alliance et mener à bien notre consécration".7

7 José Maria Arnaiz, La nouvelle évangélisation avec Marie. Note bibliographique : parmi les études sur la consécration à Marie, signalons : 1. Stefano de Fiores, article "Consécration" dans le Nouveau Dictionnaire de Mariologie. Il parcourt les dimensions biblique, historique et spirituelle du thème. Profond et intéressant. 2. Alfonso Gil, SM : Une alliance avec Marie, la mère de Jésus. Vision d’ensemble du thème ; Agréable, simple, suggestif. 3. Divers auteurs marianistes : La Nouvelle évangélisation avec Marie. La consécration mariale dans la Famille Marianiste. Excellent travail d’ensemble, qui analyse les dimensions historique, théologique, spirituelle, pastorale, festive et testimoniale de la consécration mariale.

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NOTRE ALLIANCE POUR LA MISSION

Vierge Marie, Servante du Seigneur et Mère de l’Église,

nous venons renouveler notre alliance avec toi, et nous consacrer à nouveau à toi pour t’assister dans ta mission.

Nous voulons te recevoir dans notre vie et t’ouvrir pleinement notre cœur

et le chemin de notre foi.

Nous te consacrons notre vie et notre temps,

pour être avec toi et comme toi serviteurs du Royaume.

Nous t’offrons nos pensées, nos paroles et nos actions,

pour qu’elles soient imprégnées de l’Esprit de Jésus.

Nous voulons annoncer ton nom et ton amour à nos frères pour que,

te connaissant, t’aimant et te servant, ils connaissent, aiment et suivent

ton fils, Jésus.

Donne-nous part à ta fidélité, à ta force et à ton espérance, pour que, servant comme toi,

avec amour et fidélité, nous fassions grandir ta famille,

qui est la famille des enfants de Dieu.

Amen !

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IV. 6. Marie nous apprend à servir et à annoncer Jésus

Une scène de l’Évangile : Marie au pied de la croix

Le récit de la mort de Jésus et de la présence de Marie à cette Heure-là revêt, au cœur de l’Évangile de Jean, une densité biblique et théologique dont les limites de ce travail ne nous permettent pas de rendre compte de manière exhaustive.1 Nous essayerons simplement de contempler la scène de notre point de vue, pour percevoir comment Marie, au moment de la mort de Jésus, est figure et modèle du service et de l’annonce du Seigneur.

La présence fidèle est la première donnée du texte : "Près de la croix de Jésus se tenait sa mère". Marie est la seule à être demeurée unie à Jésus, depuis Cana jusqu’au Calvaire. Ni les frères ni les parents du Seigneur ni le groupe des disciples n’ont fait tout le chemin avec lui. Seul avec Marie, il y a le disciple bien-aimé. Voilà un premier trait à relever : le service du Seigneur, des frères et du Royaume, est présence constante, fidélité indéfectible, compagnonnage indéfectible jusqu’au bout du chemin.

La foi et l’espérance malgré tout. Marie et Jean, figures de la nouvelle humanité des disciples de Jésus, donnent le témoignage héroïque de la foi et de l’espérance dans le

1 Quelques études qui abordent ce texte largement et avec autorité : Ignacio Otaño, SM, Marie, femme de foi, Mère de notre foi. Mariologie du Père Chaminade et d’aujourd’hui, Service des Publications Marianistes, Madrid, 1996, pp. 89-98, 129-142 ; Xabier Pikaza, Amie de Dieu. Message marial du Nouveau Testament, pp. 83-95 ; Stefano de Fiores et divers auteurs, Nouveau dictionnaire de Mariologie, articles "Bible", "Dolorosa", "Notre Mère", "Médiatrice", "Foi Nouvelle", "Redemptoris Mater".

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Seigneur, malgré tout et malgré tous. Croire en quelqu’un qui semble avoir échoué, espérer en un moribond parce que l’amour vrai est plus fort que l’échec et la mort. Servir Jésus, les frères et le Royaume, c’est garder toujours la foi et l’espérance, et plus spécialement dans les moments de crise, de solitude, de confusion et de mort.

L’engagement à continuer l’œuvre de Jésus. La piété et la théologie chrétiennes ont développé l’intuition selon laquelle Marie a collaboré à l’œuvre de son fils, a participé de manière active à la rédemption. Au moment suprême de cette rédemption, Marie est là. À Cana, ce fut la collaboration festive et au Calvaire c’est la collaboration douloureuse. Le service de Jésus, des frères et du Royaume est engagement inconditionnel, acceptation généreuse de tout ce que l’Esprit nous montre comme étant la volonté de Dieu.

L’annonce du mystère de la croix. Au Calvaire Marie est témoin à la fois du drame du péché, de la douleur de tant d’hommes et de femmes et de la force rédemptrice et transformante du don du crucifié. Marie nous ouvre aux profondeurs du mystère de la croix, qui traverse la vie et l’histoire de l’humanité. Le service de Jésus, des frères et du Royaume nous demande d‘assumer dans notre propre vie le mystère de la croix, avec son exigence d’humilité, de conversion, d’amour, de combat et d’espérance.

Donner vie en donnant la vie. Au summum de la douleur, à la mort du Seigneur, Marie accompagne la vie qui s’éteint et croit en la Vie qui ne meurt pas. En cela consiste son service : recevoir la Vie et prendre soin de la Vie en donnant, en engageant sa propre vie. Elle l’a fait depuis l’Annonciation et elle va continuer à le faire dans le nouveau peuple de Dieu. Le service de Jésus, des frères et du Royaume suppose d’animer la vie sous toutes ses formes et d’en

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prendre soin, en offrant, dans ce but, le meilleur de notre propre vie.

L’amour maternel. Marie inaugure au Calvaire une nouvelle forme de maternité, un nouveau service du Royaume : être mère des disciples de Jésus. Depuis cette Heure-là, Marie appelle et accompagne, redonne souffle à l’espérance et console, éduque et forme ceux qui se sont mis à la suite de Jésus. C’est ainsi que doit être le service de Jésus, des frères et du Royaume : un amour maternel qui ne se lasse jamais d’espérer, de se préoccuper, de convoquer, de pardonner, d’animer tous ceux qui cherchent la vérité et la justice. Le combat pour le Royaume et l’espérance

Considérées à la lumière de la seule raison, les paroles de Jésus en croix paraissent dues au délires d’un moribond ou d’un fanatique. Car promettre le paradis au délinquant qui meurt à ses côtés, pardonner à ses bourreaux, déclarer que tout est accompli, implorer un Père-Dieu inconnu qui apparemment l’a abandonné : autant de paroles qui ne peuvent être entendues que dans la perspective du Royaume. Cette tension entre la réalité dramatique et l’idéal en perspective a été, est et sera toujours une des caractéristiques du mystère chrétien. Nous savons que le Royaume est déjà présent au milieu de nous et nous pouvons constater sa croissance en notre cœur et en notre vie, dans les communautés qui vivent le pardon et le service, dans le témoignage de beaucoup d’hommes et de femmes qui engagent le meilleur de leurs vies pour lui. Mais, en même temps, nous souffrons parce que le Royaume ne montre pas encore sa puissance transformatrice, parce qu’il paraît absent de beaucoup de vies, de groupes et de structures, et que les valeurs et les forces de l’anti-royaume continuent à agir puissamment dans notre monde.

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Et surgissent des questions pointues et douloureuses : l’histoire avance-t-elle ou recule-t-elle ? L’humanité progresse-t-elle ou n’évolue-t-elle pas ? Dieu conduit-il réellement l’histoire ? Le projet de Dieu - le Royaume - n’est-ce pas une utopie vouée à l’échec comme tant d’autres ? Le combat pour le Royaume a-t-il un sens ? Questions qui ont besoin d’une réponse. Et l’unique réponse valable est l’espérance chrétienne, une espérance que nous ne pouvons pas comprendre comme une vision onirique, comme une méconnaissance des problèmes humains et une évasion dans un futur utopique, comme une vision innocente de l’histoire ou comme une ingénuité d’enfant ou de demeuré. L’espérance chrétienne est la ferme conviction que Dieu a un projet d’amour et de justice sur l’histoire ; c’est l’affirmation absolue que le Christ a déjà vaincu les forces du mal et de la mort ; c’est l’assurance inébranlable que l’Esprit du Seigneur agit dans le peuple de Dieu et dans la vie des hommes et des femmes de bonne volonté. L’espérance chrétienne n’est pas un simple mot : elle est une force qui nous pousse à lutter pour ce à quoi nous croyons ; elle est une énergie qui nous entraîne au-delà de nos forces et de nos ressources humaines ; elle est un dynamisme qui, basé sur la promesse du Dieu fidèle, met le chrétien à l’abri du découragement. Le chrétien est un combattant patient et courageux de l’espérance et cette espérance va ainsi devenir un style de vie et d’action. Voici quelques traits de ce style auxquels nous pourrons nous confronter, que nous pourrons approfondir dans notre propre vie.

Un chrétien qui vit l’espérance et qui combat pour le Royaume Ne se fie pas avant tout à son intelligence, à sa capacité

personnelle, à ses ressources, à ses forces.

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Il reconnaît ses qualités, il en rend grâce et les utilise mais il reste conscient de ses limites.

Il s’appuie sur une foi qui se nourrit de la prière et de la Parole de Dieu.

Il est humble, simple, réaliste, c’est pourquoi il mène ce combat, sans baisser les bras, en supportant, en espérant.

Il est doux et serein, mais sûr et ferme. Il ne polémique pas mais il sait donner les raisons de son espérance.

Il se fie moins aux pouvoirs humains, aux promesses et aux belles paroles qu’au pouvoir et à l’amour de Dieu.

Il sait que Jésus a triomphé sur une croix aussi ne craint-il pas l’échec et recommence autant de fois qu’il faut.

Il n’aime pas travailler seul mais préfère s’appuyer sur la force d’une communauté unie.

Il ne nie pas ses peurs mais il lutte pour les surmonter parce qu’il compte sur la promesse du Seigneur.

Il sait que l’espérance chrétienne doit se faire parole d’encouragement, sourire, présence, geste de service.

En construisant la justice et la paix

La mort de Jésus, injuste et violente, a été et continue d’être un exemple dramatique de notre réalité historique : une histoire où les valeurs évangéliques ont constitué une permanente confrontation avec les mille formes d’injustice et de violence enracinées dans le cœur des hommes et des structures humaines.

Le combat pour la justice et la paix est aujourd’hui un devoir qui s’impose inéluctablement à tout chrétien conscient de la situation du monde et de la mission de l’Église. Depuis le Concile Vatican II, les paroles de Paul VI et de Jean Paul II et les documents de nos épiscopats viennent nous le rappeler avec insistance. Relisons seulement deux textes dans ce sens :

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"En laissant de côté les chiffres et les statistiques, il suffit de regarder la réalité d’une multitude immense d’hommes et de femmes, d’enfants, d’adultes et d’anciens, bref, de personnes humaines concrètes et uniques, qui souffrent du poids intolérable de la misère. Ils sont des millions à manquer d’espérance, en tenant compte du fait qu’en beaucoup d’endroits de la terre, leur situation va en s’aggravant sensiblement. Devant ces drames de totale indigence et de situations de besoin vécus par beaucoup de nos frères et sœurs, c’est le Seigneur Jésus qui vient nous interpeller ( cf. Mt 25,31-46 )".2

"L’attitude du chrétien devant les réalités qui s’opposent

à la paix ne doit pas s’épuiser dans une simple critique ou dans une révolte stérile : la promotion de la paix ne doit pas se borner à déplorer les effets négatifs des situations de crises, de conflits et d’injustices, mais elle doit être aussi proposition de voies de solution, agent de projection de nouveaux objectifs et idéaux pour la société, ferment actif dans la construction d’un monde plus humain et chrétien".3

La première obligation du chrétien face à ces problèmes

est un effort d’information, pour les connaître et s’y rendre sensibles. Dans le panorama actuel de l’humanité, il y a beaucoup de situations qui doivent être lues par les chrétiens non comme de simples faits statistiques mais comme des signes d’une réalité non voulue par Dieu : les déséquilibres économiques et sociaux entre classes et nations, la domination du capitalisme libéral, la marginalisation de personnes, de groupes et de peuples entiers, les nouvelles formes de pauvreté, la crise du logement et de l’emploi, la surconsommation, les déséquilibres dans le commerce 2 Jean Paul II, Sollicitudo rei socialis, n.13. 3 Jean Paul II, Mendoza, 7 avril 1987.

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international, la dette extérieure, la spéculation financière et la politique des placements, la guerre, la violence et le terrorisme, le problème des réfugiés…

La seconde étape consiste à s’en faire une idée claire et à manifester publiquement son opinion. Avant tout, nous devons avoir des critères bien fondés concernant la justice et la paix que nous propose le message chrétien. Puis nous devons savoir regarder au-delà de la conjoncture présente : il y a des causes profondes qui portent atteinte à la liberté humaine, à la conscience éthique, aux intérêts économiques et politiques des personnes et des groupes. Et ces " raisons occultes " doivent être démasquées, débattues et dénoncées.

L’ultime impératif de tout chrétien est de répondre efficacement aux questions :" Que dois-je faire ? Que pouvons-nous faire ? Comment vais-je le faire ?". Avec une grande dose d’humilité et de réalisme mais avec non moins de décision et d’engagement. En acceptant les limites étroites de mon petit monde mais avec la ferme détermination d’améliorer ce monde. Dépassant les peurs, les raisonnements et les excuses et engageant le meilleur de moi-même en temps et en qualité. Avec des initiatives et des actions individuelles ou en collaborant avec des groupes et des institutions qui sont déjà engagés dans la promotion de la justice et de la paix, de quelque type qu’ils soient. Tout homme qui travaille pour la dignité humaine, pour la justice et pour la paix travaille pour le Royaume de Dieu. Jésus nous a dit : " Celui qui n’est pas contre toi, est avec toi " (Lc 9,50). L’engagement des laïcs et la doctrine sociale de l’Église

Nous vivons dans une Église qui nous propose, à partir de l’Évangile, diverses manières de participer, suivant notre vocation. La mission unique et entière de l’Église se réalise diversement dans les personnes, en accord avec sa réalité et la vocation reçue de Dieu.

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Et l’Église nous dit avec insistance que le champ de l’engagement des laïcs chrétiens est défini par la connaissance et la mise en œuvre de sa doctrine sociale. ″ Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières […]. C’est à leur conscience, préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre […]. Eclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l’enseignement du magistère, qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités ″.4 Si c’est l’heure des laïcs c’est aussi l’heure de la doctrine sociale de l’Église. Il n’y a pas lieu ici de développer la nature, le sujet, les champs et la finalité de la doctrine sociale de l’Église. Mais on peut rappeler son importance et aussi déplorer sa méconnaissance par une large majorité du peuple chrétien. Jean XXIII disait, dans l’encyclique Mater et Magistra, que " la doctrine sociale de l’Église est partie intégrante de la vision chrétienne de la vie " (MM 222). Et allant un peu plus loin, les évêques latino-américains ont affirmé à Saint-Domingue : " La doctrine sociale de l’Église fait partie essentielle du message chrétien. Son enseignement, sa diffusion, son approfondissement et son application sont des exigences indispensables pour la nouvelle évangélisation de nos peuples " ( Message, n°23 ). Et pourtant, la doctrine sociale de l’Église est à peine connue, étudiée, diffusée, défendue. L’énorme richesse doctrinale élaborée par l’Église, 4 Concile Vatican II, Constitution sur l’Église ; cf. Jean XXIII, Mater et Magistra, nn.240-241. L’affirmation du Document de Puebla est particulièrement forte : ″ Dans notre continent latino-américain, marqué par des problèmes aigus d’injustice qui se sont aggravés, les laïcs se doivent de s’engager sérieusement dans la promotion de la justice et du bien commun, éclairés toujours par la foi et guidés par l’Évangile et par la doctrine sociale de l’Église, mais en tenant compte à la fois de l’intelligence de l’action sociale et de l’efficacité ″

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spécialement à partir de l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII ( 1891 ), et durant tout le XXe siècle, demeure méconnue de beaucoup de chrétiens, qui trouveraient pourtant en elle des critères et des fondements pour une vision cosmique chrétienne, et des orientations précises pour leur action dans tous les domaines. Quels sont les champs ouverts à la doctrine sociale de l’Église ? Pratiquement tous les secteurs de la vie humaine, mais pas d’une manière désordonnée. Dans une analyse des documents du Magistère, nous pouvons remarquer une certaine ordonnance. Le thème fondamental est la dignité de la personne humaine et ses droits. À propos de l’appartenance de la personne à la société, la doctrine sociale de l’Église nous donne des orientations sur la famille, l’éducation, le bien commun, l’État et l’autorité, la démocratie, le sens de la participation politique. Nous pouvons approfondir le sens des idéologies et le discernement que l’Église a fait des plus importantes : fascisme, libéralisme, socialisme, marxisme, doctrine de la sécurité nationale… et découvrir une réflexion actualisée sur l’action humaine et les principaux problèmes de notre monde : l’économie et la propriété, la justice sociale et la pauvreté, le développement et le sous-développement, l’internationalisation de l’économie et la dette externe, le travail et le chômage, le salaire, l’entreprise, les syndicats, la culture, l’écologie, la science et la technique, la paix et les problèmes de la communauté internationale. Que connaissons-nous de tout cela ? Quels documents de la doctrine sociale de l’Église avons-nous lus ? Oui, l’étude et l’application de cette doctrine sociale est une importante matière à repasser pour toute l’Église.

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Exercices : questions, réflexion, parage… 1. La scène de Marie au pied de la croix est peut-être l’icône la

plus forte et la plus suggestive de la vie et de la mission marianistes. Nous devons revenir continuellement à elle. Que t’inspire-t-elle et comment en vis-tu ? Quelles sont les attitudes de Marie qui te provoquent le plus ? Comment pouvons-nous aujourd’hui faire revivre et vivre nous-mêmes l’amour de Marie ? Sommes-nous forts ? Témoignons-nous de notre attachement à Jésus ?

2. Qu’entends-tu par utopie ? Quelles utopies humaines connais-tu et pourquoi pouvons-nous les considérer comme insuffisantes devant les désirs de justice et de fraternité de l’humanité ? Pourquoi le Royaume de Dieu n’est-il pas une utopie ? Pourquoi accuse-t-on parfois l’Église d’endormir les consciences et de prêcher un message évasif et utopique ?

3. Quels sont tes moments de désespérance et d’où viennent-ils ? Es-tu affecté par la fatigue, le défaitisme, les difficultés, les échecs, le relativisme ou le conformisme ? Comment vis-tu la véritable espérance chrétienne ? En quoi se manifeste-t-elle dans ta vie ? Revois la liste des attitudes d’un chrétien qui espère, dans le paragraphe sur "Le combat pour le Royaume et l’espérance". Comment les développer et les vivre mieux ?

4. Voici un thème de dialogue en famille ou en communauté : Quelle relation y a-t-il entre le Royaume et la justice ? Quelle notion de justice utilises-tu et quelles formes de justice te paraissent particulièrement importantes ? Quelles sont les formes d’injustice que tu perçois aujourd’hui dans ton pays ? D’où proviennent-elles et

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quelles conséquences entraînent-elles ? Comment pratiquer la justice dans notre vie concrète ?

5.Quel est le sens chrétien de la paix ? Essaie, essayez, d’analyser et de nommer les formes de violence les plus fréquentes dans notre monde et dans notre milieu. Y a-t-il de la violence dans notre vie quotidienne ? Comment se manifeste-t-elle ? Quelles attitudes concrètes doit avoir un chrétien constructeur de paix ? Par quels gestes ou engagements devraient se manifester ces attitudes ?

6. La doctrine sociale de l‘Église. Qu’en sais-tu ? Quelles sont les dates historiques les plus importantes la concernant ? Comment a-t-elle marqué l’histoire de manière notable ? As-tu lu les encycliques sociales de Jean Paul II ? Pourquoi dit-on que connaître et appliquer la doctrine sociale de l’Église est une tâche spécifique des laïcs ? Est-elle une préoccupation constante dans ta vie ? Que suggères-tu pour la mieux connaître et l’intégrer à ton engagement missionnaire ?

7. Ci-dessous, quelques textes de la Doctrine sociale de l’Église sur la justice et la paix. Ils te donneront une toute petite idée de ce que tu peux découvrir. Essaie de les lire seul ou en communauté et compare-les avec les opinions les plus courantes dans ton milieu culturel. Que conclus-tu ?

"Les inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou entre les peuples d’une seule famille humaine font scandale et font obstacle à la justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine ainsi qu’à la paix sociale et internationale".5

"Les pouvoirs publics, responsables du bien commun, ne peuvent pas faire moins que de se sentir obligés de

5 Concile Vatican II, Constitution Gaudium et Spes, 29.

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développer dans le domaine économique une action multiforme, plus vaste, plus profonde et plus organique".6

"Le manque de sécurité, lié à la corruption des pouvoirs publics et à la prolifération de sources douteuses d’enrichissement et de bénéfices faciles, basés sur des activités illégales ou purement spéculatives est un des principaux obstacles au développement et à l’ordre économique".7

" Dans les pays industrialisés, les gens sont dominés par le désir frénétique de posséder des biens matériels. La société de consommation met toujours plus en relief la distance qui sépare les riches des pauvres et l’avide recherche du bien-être empêche de voir les besoins des autres […]. Il est indispensable de freiner la consommation immodérée des biens matériels et de limiter l’avalanche des besoins artificiels".8

" La paix exige une éducation constante, et la famille est le lieu privilégié, choisi par Dieu, pour que l’homme reçoive la vie, la développe, la modèle dans ses attitudes fondamentales et découvre la valeur de l’amour et de la paix".9

6 Jean XXIII, encyclique Mater et Magistra, 54. 7 Jean Paul II, encyclique Centesimus Annus, 48. 8 Jean Paul II, message du 1er janvier 1993. 9 Conférence Épiscopale Argentine, 18 janvier 1978.

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UNIS A TOI, AU PIED DE LA CROIX …

Vierge Marie, nous venons te présenter notre souffrance

et notre angoisse pour tant de douleur, d’injustice et de violence qui secouent notre monde

et font souffrir tant d’hommes et de femmes.

Unis à toi, au pied de la croix de ton fils, nous voulons vivre la force,

l’espérance et l’amour fidèle, nous voulons apprendre à lutter pour la justice et pour la paix,

nous voulons renouveler notre engagement de servir le Seigneur en annonçant

et en construisant le Royaume qu’il nous a apporté.

Apprends-nous à être justes en toutes nos actions, aide-nous à être des semeurs de compréhension,

d’union et de paix.

Obtiens-nous la lucidité et l’audace dont nous avons besoin

pour rendre l’Évangile présent dans nos milieux,

et de ton amour maternel vivifie notre espérance et notre engagement.

Amen !

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IV. 7. Le chemin de la mission marianiste "Nous sommes tous missionnaires !"

Tous les Marianistes savent que c’était là une des phrases favorites du Père Guillaume-Joseph Chaminade et ils aiment bien la citer. Mais il faut lui donner une application concrète dans notre vie, en tirer tout le sens pour le faire passer dans notre vie. Que signifie se sentir missionnaire aujourd’hui ? Quel est le comportement d’un missionnaire marianiste ?

Faire preuve de sens missionnaire dans la vie de tous les jours suppose un changement dans la mentalité chrétienne traditionnelle, disons d’avant le concile Vatican II. Nous ne pouvons plus penser aux "pays de mission" à partir de la tranquille assurance de notre civilisation occidentale et chrétienne. Nous ne pouvons plus limiter la mission au travail de quelques membres de l’Église, habituellement des prêtres, œuvrant dans des pays très lointains. L’Église est essentiellement missionnaire, tout en elle doit avoir un caractère missionnaire, tous ses membres doivent se sentir missionnaires.

Sans pouvoir en analyser les raisons ici, rappelons que par le passé nous avons vécu un christianisme trop installé, très conformiste, enfermé dans les sphères de notre orthodoxie et de notre morale. Le monde ne nous faisait-il pas peur ? Ne le considérions-nous pas parfois comme déjà perdu ? Comment pouvions-nous oublier le bon berger sortant à la recherche de la brebis perdue ? Ou Jésus impatient de mettre le feu au monde par son message de salut ? Ou ce Dieu qui veut que "tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité" ( 1 Tim 2,4 ) ? L’Évangile est une bonne nouvelle qui a besoin d’être proclamée, il est une semence qui doit être semée et croître partout, il est un ferment qui doit transformer le monde

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entier. Nous ne pouvons pas vivre un christianisme de retrait ni d’évasion ; le christianisme est annonce de libération, force transformatrice, proposition universelle.

Essayons d’esquisser le profil du missionnaire actuel et les attitudes qui le définissent.

Être missionnaire aujourd’hui, c’est : Être en contact avec la réalité et informé des événements

historiques et sociaux. Réagir avec la sensibilité de Marie devant les problèmes de

notre monde. Vivre avec la conviction que la parole et la personne de

Jésus sauvent et libèrent. Savoir que nous avons reçu un trésor et que nous devons

le partager. Avoir conscience que nous avons été appelés et envoyés

sans aucun mérite de notre part. Surmonter la peur de se présenter comme chrétien et

affirmer son identité de disciple de Jésus. Créer des occasions ou profiter de celles qui se présentent

pour porter le message de l’Évangile. Se sentir membres vivants d’une Église dont l’unique

mission est d’évangéliser. Savoir offrir généreusement sa personne et son temps pour

la mission. Être présent dans les lieux où l’on a le plus besoin de foi et

de justice.

"Tout ce qu’il vous dira, faites-le !" : mission ouverte

La mission marianiste se propose de s’adapter à la situation de tous les temps et d’être ouverte aux nouveaux appels pour l’évangélisation, même si elle n’a pas toujours réussi avec le même succès. Revenir à la source inspiratrice du charisme est une nécessité permanente et le meilleur chemin de renouveau et de fidélité.

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De l’invitation adressée par Marie aux serviteurs de Cana, les marianistes doivent tirer trois enseignements fondamentaux : a) Être absolument convaincus que Jésus est la réponse

définitive aux besoins et aux problèmes de l’humanité ; b) avoir pleinement confiance en son pouvoir et en son

amour ; c) être totalement disponibles pour assumer et réaliser les

tâches missionnaires que Jésus nous propose. Les paroles suivantes du Père Chaminade, lues dans le

contexte de notre réalité et de notre temps continuent à être inspiratrices :

"Nous, les derniers de tous, nous nous croyons appelés par Marie elle-même à la seconder de toutes nos forces dans sa lutte contre la grande hérésie de notre temps, et nous avons pris comme devise […] les paroles de la très Sainte Vierge aux serviteurs de Cana : " Tout ce qu’il vous dira, faites-le ". Notre mission propre est d’exercer envers le prochain toutes les œuvres de zèle et de miséricorde […].

Notre œuvre est grande, elle est magnifique ! Si elle est universelle, c’est que nous sommes les missionnaires de Marie qui nous a dit :"Tout ce qu’il vous dira faites-le !". Oui, nous sommes tous missionnaires. À chacun de nous, la très Sainte Vierge a confié un mandat pour travailler au salut de nos frères dans le monde".1

L’intention du Fondateur est claire : maintenir le champ missionnaire ouvert à toutes les œuvres qui contribuent à semer la foi, à pratiquer la miséricorde et à porter le salut. Dans le respect des paramètres de leur charisme et très attentifs aux appels de l’Église et aux nouveaux problèmes de l’humanité, les Marianistes doivent discerner en permanence ce qu’ils doivent faire et comment le faire. 1 Écrits Marials, II, 81-82.

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Et ce n’est pas facile. Cela suppose une grande docilité à l’Esprit et à Marie ; l’habitude d’évaluer l’objectif et le sens de leur travail ; l’ouverture au dialogue et à l’autocritique ; la capacité d’adapter les personnes, les œuvres et les méthodes aux nouvelles orientations ; la disponibilité pour répondre à de nouveaux défis. Cela suppose aussi de lutter contre l’installation et la routine, de vaincre la tentation de l’inertie et de la sécurité qui viennent du déjà-vu, d’être toujours disposé à recommencer une nouvelle fois, d’accepter les risques et les difficultés de toute nouvelle œuvre.

Une ultime intuition : les Marianistes doivent prendre plus au sérieux la "mission commune de la Famille Marianiste" et essayer de la mettre en œuvre. Puisqu’ils ont reçu la grâce de vivre une vocation commune, conscients que les membres de cette famille ont un besoin mutuel les uns des autres, ils doivent davantage partager non seulement le charisme et la spiritualité mais également la vie et la mission. Laïcs et religieux, hommes et femmes, jeunes et adultes, célibataires et mariés, religieuses, frères et prêtres, ils peuvent donner au monde le témoignage de "l’homme qui ne meurt pas" et la richesse de la variété apportée à la mission. En annonçant et en partageant la foi

La foi est le grand trésor et la grande tâche des Marianistes : vivre la foi, être forts dans la foi, semer la foi. Cela paraît évident pour tout chrétien mais cela ne l’est pas tellement dans le contexte religieux de notre époque. A certaines époques, vivre de la foi paraissait naturel et ne posait pas problème. Au seuil du vingt et unième siècle il n’en est plus ainsi : tous les jours nous croisons des personnes qui confessent ouvertement leur agnosticisme, leur relativisme religieux, leur opposition à la foi chrétienne, leur athéisme ou leur position subjective en matière de foi… Et tous les jours nous côtoyons des personnes qui, tout en

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s’affirmant croyants, relèguent leur foi dans un recoin de leur conscience ou lui réservent quelques moments isolés de leur vie, sans l’intégrer à une vision du monde ou à leurs options personnelles. Le sécularisme est l’une des caractéristiques de la culture actuelle : on veut faire abstraction de Dieu, organiser l’existence et la société sans tenir compte de lui. Malgré nous, ces faits nous touchent et influencent nos critères et nos options. L’absence de Dieu est un climat – a-thée - dont la mentalité actuelle est imprégnée, et tout le monde en est affecté.

Mais, en même temps, l’homme et la femme d’aujourd’hui ont un grand besoin de la foi. On ne peut pas exclure ainsi, par décret ou par mimétisme, tout un secteur constitutif de notre existence. La personne humaine est faite pour la transcendance et elle aspire à la relation avec l’Absolu. Les désirs les plus profonds du cœur humain ne s’expliquent qu’à partir de Dieu et ne se satisfont qu’en Dieu : nous avons besoin de Dieu pour être heureux. D’où la recherche de nouvelles formes de spiritualité, l’apparition de certains mouvements religieux, le recours à des expériences ésotériques par de tant d’hommes et de femmes d’aujourd’hui.

À cause de tout cela, le premier devoir du marianiste qui veut vivre sa mission aujourd’hui sera peut-être d’approfondir et de renouveler constamment sa foi. Ce doit être une foi consciente et ferme, nourrie de la prière et de la rumination de la Parole de Dieu, enrichie de la lecture et de l’étude théologique, habituée aux questions fondamentales et aux réponses humbles et sereines, offerte avec simplicité et conviction, manifestée avec joie et cohérence. Voilà la foi qu’il s’agit de vivre et de transmettre.

Notre seconde préoccupation doit être d’expérimenter et d’enrichir les chemins de l’annonce marianiste de la foi. Car il y a bien une manière marianiste de proposer et de partager la

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foi. Notre histoire et notre expérience nous proposent des amorces de réponses que chacun doit confronter et enrichir : l’attitude de compréhension et d’accueil, le respect et la cordialité, la valorisation de l’humain comme signe et manifestation de Dieu, le contact direct et personnel, le témoignage d’une vie cohérente, l’annonce simple et directe de Jésus et de Marie, la défense de la hiérarchie chrétienne des valeurs, la proposition de la Parole comme aliment de la foi, l’invitation à vivre des expériences communautaires de foi… En multipliant les communautés chrétiennes

Une caractéristique particulière de la mission marianiste c’est de vivre la foi en communauté, de témoigner de la valeur de la communauté et de former des communautés. Le marianiste est conscient de l’importance de la communauté dans sa vie de foi. Pour cela il est convaincu ″ qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans communauté ″, et il la propose comme forme de vie, de croissance et d’engagement.

Il a été question plus haut de la communauté. Nous y revenons ici pour souligner que la communauté est un instrument d’évangélisation, ce qui explique l’effort marianiste pour multiplier des communautés chrétiennes. La consigne marianiste de multiplier les communautés chrétiennes comporte une série d’exigences que nous présentons schématiquement. Vivre une expérience sérieuse et soutenue de communauté. Donner du temps à sa propre communauté et s’efforcer

de la faire vivre. Se sentir membre vivant et responsable de la

communauté. Faire de la communauté une référence fondamentale de sa

propre vie.

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Développer le sens missionnaire de sa propre communauté.

Vivre en communauté des expériences de service et de mission.

Approfondir les traits d’une communauté qui nourrit l’impulsion missionnaire de ses membres, discerne, évalue et accompagne la mission.

Se rendre apte à être animateur et conseiller de communauté.

Connaître et accompagner le processus de croissance d’une communauté.

Vivre des expériences concrètes de conseiller et d’animateur de communauté.

Détecter et former des animateurs de communauté. Accroître la capacité de leadership et d’animation des

personnes avec qui on travaille. Insuffler le sens missionnaire aux communautés qu’on

anime. Convoquer des personnes et des groupes à former des

communautés chrétiennes. Présenter les objectifs et le chemin d’une communauté. Motiver pour vivre des expériences communautaires. Etre capables, dans des circonstances déterminées, de

renoncer à sa propre communauté ou de la diviser pour former de nouvelles communautés.

Accepter d’être "le grain de blé qui meurt" pour que d’autres aient la vie.

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Exercices : questions, réflexion, parage… 1. Nous sommes tous missionnaires. Rappelle-toi les

circonstances dans lesquelles tu as entendu cette phrase, aux différentes étapes de ta vie. Que s’est-il passé ? Étrangeté, méconnaissance, rejet, ironie …? Comment l’entends-tu maintenant ? Cela change-t-il quelques chose dans ta manière de comprendre la vocation chrétienne ? Est-ce quelque chose d’assumé par tous les chrétiens ? Comment faire pour ancrer plus profondément le sens de la mission dans notre vie ?

2. Je te propose un exercice de réflexion et de comparaison - plus intéressant encore s’il est fait en famille ou en communauté. Réfléchis puis note les dix attitudes qui te paraissent les plus intéressantes pour un chrétien-missionnaire. Compare-les avec ce qui est proposé dans le paragraphe "Nous sommes tous missionnaires". Qu’est-ce que cela donne ?

3. Tout ce qu’il vous dira, faites-le. Quand et comment Jésus nous demande-t-il de remplir la mission qu’il nous confie ? Comment bien comprendre la notion de mission marianiste ouverte ? Ne vaut-il pas mieux se donner à une chose bien précise pour mieux la faire ? De quels changements dans la mission marianiste as-tu été témoin ? Que penses-tu de la mission commune de la Famille Marianiste ?

4. Annoncer la foi. Comment es-tu affecté dans ta vie concrète par l’incrédulité et le sécularisme de la culture ? Quel a été jusqu’à présent ton cheminement dans la foi ? Décrire la situation où tu en es arrivé aujourd’hui dans ta foi ? De quelle manière annonces-tu la foi et la partages-tu avec les autres ? Par quels moyens penses-tu que les Marianistes doivent aujourd’hui proposer la foi aux autres ?

5. En multipliant les communautés. Décris ton expérience de mission en communauté. En quoi perçoit-on qu’une

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communauté est missionnaire ? Quels sont les avantages mais aussi les difficultés d’une mission ou d’un service communautaires ? As-tu participé à la formation ou à l’animation de quelque communauté ? Comment multiplier aujourd’hui les communautés marianistes ?

6. Le texte qui suit est la conclusion et la synthèse d’une étude sur le projet missionnaire du père Fondateur. Il est clair et donne une orientation. Il est bon de le confronter avec nos essais actuels de pratique missionnaire marianiste.

a. Selon le Père Chaminade, la mission se caractérise par une disponibilité totale au Saint-Siège, pour le service de l’Église universelle, par-delà tout particularisme local ou national […]. C’est pourquoi, les marianistes sont disposés à accepter toute tâche que l’Église veut leur confier, par l’intermédiaire du pape ou des évêques […]. On trouve là, à l’œuvre, les idées d’engagement au service de la foi, d’efficacité apostolique, d’adhésion et d’obéissance à un guide […].

b. Le mot mission a aussi, pour le Père Chaminade, le sens qu’il prit à la fin de l’Age Moderne : envoi vers ceux qui sont les plus éloignés de l’Église. Aller en mission, c’est aller vers les incroyants ou les plus déshérités, pour pratiquer toutes les œuvres de zèle et de miséricorde, toutes les œuvres de charité possibles. Ces œuvres concernent toutes les classes sociales, tous les sexes et tous les âges, mais surtout la jeunesse et les pauvres. En ce sens, le mot mission rejoint directement et profondément le sens qu’il a dans l’Évangile.

La mission du Père Chaminade et de ses disciples a été et continue d’être la coopération à l’œuvre du Christ, qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Le zèle pour le salut des âmes, pour multiplier les chrétiens et propager la foi résume bien cette seconde façon de comprendre la mission marianiste.

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c. Le "zèle pour le salut des âmes" paraît étroitement lié à la consécration à Marie […]. Pour le Père Chaminade, s’engager envers Marie entraîne nécessairement l’engagement apostolique. A l’inverse, se consacrer à l’apostolat suppose nécessairement l’union à Marie dans son action […]. 3

d. En ce qui concerne les moyens d’action missionnaire, le Père Chaminade met en avant la formation d’authentiques communautés évangélisatrices. On ne peut pas évangéliser en solitaire […]. C’est pourquoi, pour le Père Chaminade, il est primordial de fonder des missions stables, permanentes, des communautés chrétiennes et religieuses dont l’objectif principal est d’offrir au monde le spectacle d’un peuple de saints, et de prouver ainsi que l’Évangile peut être vécu aujourd’hui comme dans l’Église primitive, avec toute la rigueur de l’esprit et de la lettre.4 Dans ce cas, le type d’activités auxquelles se dédient ces communautés importe peu […]. Ce qui est fondamental c’est de contribuer puissamment […] à étendre le Règne de Jésus et de Marie dans les âmes5 et de s’adapter. La tradition marianiste implique essentiellement l’adaptation.6

e. Enfin, l’esprit missionnaire du Père Chaminade a longuement mûri dans le creuset de l’épreuve et dans le face à face avec Dieu dans la prière et l’oraison […]. Homme de foi et d’oraison, le Fondateur n’a cessé d’inviter ses disciples à ne pas se laisser noyer par leurs préoccupations […] et de les encourager à s’enraciner dans la prière, moyen par excellence de s’ouvrir à la volonté de Dieu".7

3 Lettre aux prédicateurs de retraites, 24 août 1839. Lettres, V, n° 1.163 4 Lettre au pape Grégoire XVI, 16 septembre 1838 : Lettres, IV, n. 1.076. 5 Lettre aux prédicateurs de retraite, 24 août 1839, Lettres, V, n.1.163. 6 J. Verrier, S’adapter pour multiplier les chrétiens. Séminaire marianiste, Fribourg, 1959, p.7. 7 Philippe Pierrel, Sur les chemins de la mission.

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PASSION POUR LE REGNE QUI VIENT

Vierge Marie, aujourd’hui nous venons te présenter

nos préoccupations missionnaires et nos petits efforts pour collaborer à ta mission.

Modèle-nous un cœur et une vie attentifs et sensibles aux besoins de nos frères,

sages et lucides pour trouver des chemins de libération,

généreux et persévérants dans l’engagement.

Répète-nous souvent "Tout ce qu’il vous dira, faites-le",

pour que le désir d’étendre le Règne de Dieu se change en passion et don de notre vie.

Obtiens-nous une foi profonde, forte et reconnaissante,

qui soit en nous annonce de bonheur et trésor partagé.

Fais-nous la joie de vivre dans des communautés

engagées, tourmentées par la mission et qui cherchent toujours

de nouvelles formes d’évangélisation et qui continuent à appeler

et à former des missionnaires de Jésus.

Amen !

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TABLE DES MATIERES page Présentation 3

FEUILLE DE ROUTE. Comment utiliser ce livre 7

I. JESUS NOUS MENE A MARIE, MARIE NOUS MENE A JESUS 13 1. Le chemin de Jésus et notre chemin 15 2. Marie, sur le chemin de Jésus 25 3. Marie, Mère de Jésus - Jésus, fils de Marie 31 4. Marie, disciple, à la suite de Jésus 39 5. Marie, Mère du peuple de Dieu 49 6. Marie missionnaire 59 7. Le mystère de l’Incarnation et la voie marianiste 69 II CONNAÎTRE JESUS, CONNAÎTRE MARIE 83

1. Le chemin de la Parole : écouter comme Marie 85 2. Le chemin de la foi : croire comme Marie 95 3. Le chemin de la prière : prier avec Marie

et comme Marie 109 4. Le chemin de la réflexion et de la vie : méditer, discerner comme Marie 123 5. Connaître Marie 135 6. Marie nous apprend à connaître Jésus 141 7. La voie marianiste de la foi et de l’oraison 149 III AIMER JESUS, AIMER MARIE 163

1. Le chemin du don : se livrer comme Marie 165 2. Le chemin de la fidélité : être fidèles comme Marie 177 3. Le chemin de l’intégration et de la liberté : être libres comme Marie 185

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4. Le chemin de l’union et de la fraternité : convoquer, rassembler comme Marie 199 5. Aimer Marie 209 6. Marie nous apprend à aimer Jésus 219 7. Le chemin de la communauté marianiste 231 IV SERVIR JESUS, SERVIR MARIE 243

1. Le chemin de l’humble service : servir comme Marie 245 2. Le chemin de la solidarité :

être solidaires comme Marie 255 3. le chemin de la Bonne Nouvelle :

annoncer Dieu comme Marie 265 4. Le chemin de la souffrance rédemptrice :

être forts comme Marie 279 5. Servir Marie. Annoncer Marie 291 6. Marie nous apprend à servir et à annoncer Jésus 305 7. Le chemin de la mission marianiste 319 Table des matières 331