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La Revue de médecine interne 34 (2013) 26–31 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Supplémentation en fer : indications, limites et modalités Iron therapy: Indications, limitations and modality J.-B. Arlet a,,b,c , J. Pouchot a , S. Lasocki d , C. Beaumont c,e , O. Hermine c a Service de médecine interne, centre de référence des syndromes drépanocytaires majeurs, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, hôpital européen Georges-Pompidou, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France b CNRS UMR 8147, 75015 Paris, France c Laboratoire d’excellence du globule rouge (GR-ex), service d’hématologie adulte, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, hôpital Necker, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France d UMR CNRS 6214 Inserm 771, pôle anesthésie-réanimation, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49100 Angers, France e Inserm U773, université Paris-Diderot, site Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 21 mai 2012 Mots clés : Fer Hepcidine Érythropoïèse Anémie par carence martiale Anémie inflammatoire r é s u m é En moins de dix ans, les connaissances sur le métabolisme du fer ont été bouleversées par la découverte de la principale hormone régulatrice du métabolisme du fer de l’organisme : l’hepcidine. Parallèlement, de nouvelles formulations de fer intraveineux (IV) sont disponibles ou le seront prochainement, avec de nouvelles modalités de traitement ou de nouvelles indications. Cet article fait le point des données physiopathologiques récentes permettant une meilleure compréhension de l’anémie inflammatoire et par carence martiale. Les différentes modalités de prise en charge de l’anémie par carence martiale chez l’adulte (apports par voie orale ou intraveineuse) et les nouvelles indications du traitement par fer sont également abordées. Les situations dans lesquelles un traitement par fer pourrait être néfaste sont également discutées. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Keywords: Iron Erythropoiesis Hepcidin Iron deficiency Anemia of chronic disease a b s t r a c t During the past 10 years, the knowledge of iron metabolism has been revolutionized by the discovery of the main regulatory hormone of body iron: hepcidin. Meanwhile, new formulations of intravenous iron have been developed and are already or readily available. In this article, we review the recent pathophy- siological mechanisms underlying anemia of chronic disease or due to iron deficiency. We describe the various treatment modalities of iron deficiency anemia using oral or intravenous route and the emerging indications of treatment with iron. Finally, we discuss the situations in which iron supplementation may be harmful. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI). 1. Introduction Le fer est un micronutriment indispensable au métabolisme cellulaire (synthèse de l’ADN, division cellulaire) et pour de nom- breuses réactions enzymatiques [1]. Les cellules de la lignée érythroblastique sont les plus grandes consommatrices de fer de l’organisme. En effet, 200 milliards de nouveaux globules rouges sont produits par jour. Le fer sérique est lié à son transporteur, la transferrine, également appelée sidérophiline. Il pénètre dans Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-B. Arlet). les érythroblastes grâce à un récepteur transmembranaire spéci- fique : le récepteur à la transferrine (CD71). Le fer est nécessaire à la prolifération et à la différentiation des érythroblastes au même titre que d’autres facteurs de croissance, au premier rang desquels l’érythropoïétine (Epo). Cela explique qu’un déficit prolongé en fer ait pour répercussion une anémie, d’autant que le fer entre également dans la composition de l’hème (structure aromatique entourant un atome de fer, servant au transport de gaz, dont le dioxygène). Celui-ci se lie aux chaînes de globine pour former l’hémoglobine. Les globules rouges circulants contiennent ainsi 70 % du fer de l’organisme. Le reste est retrouvé pour 20 % sous forme de ferritine (protéine de stockage, essentiellement dans les hépatocytes, les cellules de Küpffer et les macrophages spléniques) 0248-8663/$ see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.04.007

Supplémentation en fer : indications, limites et modalités

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La Revue de médecine interne 34 (2013) 26–31

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.-B. Arleta,∗,b,c, J. Pouchota, S. Lasockid, C. Beaumontc,e, O. Herminec

Service de médecine interne, centre de référence des syndromes drépanocytaires majeurs, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, hôpital européen Georges-Pompidou,ssistance publique–Hôpitaux de Paris, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, FranceCNRS UMR 8147, 75015 Paris, FranceLaboratoire d’excellence du globule rouge (GR-ex), service d’hématologie adulte, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, hôpital Necker, Assistance publique–Hôpitaux dearis, 161, rue de Sèvres, 75015 Paris, FranceUMR CNRS 6214 – Inserm 771, pôle anesthésie-réanimation, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49100 Angers, FranceInserm U773, université Paris-Diderot, site Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :isponible sur Internet le 21 mai 2012

ots clés :erepcidinerythropoïèsenémie par carence martialenémie inflammatoire

r é s u m é

En moins de dix ans, les connaissances sur le métabolisme du fer ont été bouleversées par la découvertede la principale hormone régulatrice du métabolisme du fer de l’organisme : l’hepcidine. Parallèlement,de nouvelles formulations de fer intraveineux (IV) sont disponibles ou le seront prochainement, avecde nouvelles modalités de traitement ou de nouvelles indications. Cet article fait le point des donnéesphysiopathologiques récentes permettant une meilleure compréhension de l’anémie inflammatoire etpar carence martiale. Les différentes modalités de prise en charge de l’anémie par carence martialechez l’adulte (apports par voie orale ou intraveineuse) et les nouvelles indications du traitement parfer sont également abordées. Les situations dans lesquelles un traitement par fer pourrait être néfastesont également discutées.

© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne(SNFMI).

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a b s t r a c t

During the past 10 years, the knowledge of iron metabolism has been revolutionized by the discovery ofthe main regulatory hormone of body iron: hepcidin. Meanwhile, new formulations of intravenous iron

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have been developed and are already or readily available. In this article, we review the recent pathophy-siological mechanisms underlying anemia of chronic disease or due to iron deficiency. We describe thevarious treatment modalities of iron deficiency anemia using oral or intravenous route and the emergingindications of treatment with iron. Finally, we discuss the situations in which iron supplementation maybe harmful.

© 2012 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine

. Introduction

Le fer est un micronutriment indispensable au métabolismeellulaire (synthèse de l’ADN, division cellulaire) et pour de nom-reuses réactions enzymatiques [1]. Les cellules de la lignéerythroblastique sont les plus grandes consommatrices de fer de

’organisme. En effet, 200 milliards de nouveaux globules rougesont produits par jour. Le fer sérique est lié à son transporteur,a transferrine, également appelée sidérophiline. Il pénètre dans

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.-B. Arlet).

248-8663/$ – see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nattp://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.04.007

interne (SNFMI).

les érythroblastes grâce à un récepteur transmembranaire spéci-fique : le récepteur à la transferrine (CD71). Le fer est nécessaire àla prolifération et à la différentiation des érythroblastes au mêmetitre que d’autres facteurs de croissance, au premier rang desquelsl’érythropoïétine (Epo). Cela explique qu’un déficit prolongé enfer ait pour répercussion une anémie, d’autant que le fer entreégalement dans la composition de l’hème (structure aromatiqueentourant un atome de fer, servant au transport de gaz, dont ledioxygène). Celui-ci se lie aux chaînes de globine pour former

l’hémoglobine. Les globules rouges circulants contiennent ainsi70 % du fer de l’organisme. Le reste est retrouvé pour 20 % sousforme de ferritine (protéine de stockage, essentiellement dans leshépatocytes, les cellules de Küpffer et les macrophages spléniques)

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t pour 10 % couplé à des enzymes, des protéines et à la myoglobine2,3].

Cependant, parallèlement à son rôle vital pour l’organisme, le ferst également potentiellement toxique, notamment par sa capacité

générer du stress oxydant.Une meilleure connaissance du métabolisme du fer ainsi que

es nouveautés thérapeutiques justifient cette mise au point dont’objectif principal est de mieux préciser les indications et les limitesu traitement martial chez l’adulte. Un apport de fer est fréquem-ent prescrit à tort ou de fac on inadéquate (dose insuffisante,auvaise voie d’administration, durée de prescription inadap-

ée). Nous discuterons également des indications émergentes deupplémentation martiale et, à l’inverse, de l’intérêt éventuel enancérologie et hématologie du respect de la carence martiale oue son induction par chélateurs, en dehors des indications bienéfinies que sont les surcharges.

. L’hepcidine, hormone centrale de la régulation du fer eton rôle dans l’inflammation

La découverte récente de l’hepcidine, hormone synthétisée pare foie, a bouleversé la compréhension de la régulation du métabo-isme du fer [2].

Schématiquement, le fer est échangé entre différents comparti-ents :

les globules rouges, qui contiennent la majorité du fer del’organisme (autour de 1800 mg) ;les macrophages tissulaires, qui récupèrent le fer des globulesrouges sénescents et le stockent sous forme de ferritine (envi-ron 600 mg) ou le remettent en circulation pour permettrel’érythropoïèse médullaire ;la moelle érythropoïétique, qui est le lieu d’utilisation du fer(environ 20 mg/jour).

Les échanges entre ces différents compartiments « fonctionnels »’effectuent sous forme de fer lié à la transferrine au niveau plas-atique. Mais finalement, à un instant donné, la quantité de fer

ontenu dans le plasma est infime. Parallèlement à ce cycle en cir-uit fermé, il existe des pertes minimes (de l’ordre de 1 à 2 mg/j) paricro-saignements, desquamations cellulaires, etc. Ces pertes sont,

ans des condition physiologiques, compensées par un apport ali-entaire du même ordre (fer alimentaire intestinal). Elles peuvent

tre augmentées, en situation pathologique, lors de saignementsynécologiques abondants, saignements digestifs et lésions vascu-aires diverses.

L’hepcidine se fixe au seul exporteur membranaire connu duer : la ferroportine. Ainsi, l’hepcidine diminue l’absorption intes-inale de fer et bloque la sortie du fer des macrophages et desépatocytes grâce à sa liaison et à l’internalisation de la ferropor-ine [1,4]. L’hypersécrétion chronique d’hepcidine que l’on peutbserver dans certaines circonstances pathologiques conduit ainsi

une carence martiale typique [5]. Cette situation est observéeans les très exceptionnelles tumeurs sécrétant de l’hepcidine ouu cours de syndromes inflammatoires associés à une sécrétionure d’interleukine-6 (IL-6). En effet, l’IL-6 est la principale cytokine

nflammatoire stimulant la synthèse hépatique d’hepcidine [6]. Leeul modèle pathologique décrit à ce jour de sécrétion pure d’IL-

est la maladie de Castleman, qui peut, dans certaines formes de laaladie, réaliser un syndrome inflammatoire biologique marqué

ontrastant avec un tableau de carence martiale (ferritine basse,

némie microcytaire), due à la production chronique d’hepcidinen quantité importante [5]. La cascade IL-6–hepcidine avec pouronséquence la diminution de concentration sérique de fer estctivée après quelques heures lorsqu’on injecte de l’IL-6 chez des

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volontaires sains [6]. Le rôle physiologique de cette régulationfine du métabolisme du fer par la cascade IL-6–hepcidine résidepeut-être dans un moyen de défense « naturel et inné » contre lesinfections. En effet, la carence martiale peut limiter la croissancede nombreux agents infectieux, pour lesquels le fer sérique estun élément indispensable du développement et de la prolifération[7–9]. Cette liaison entre métabolisme du fer et inflammation pour-rait être aussi un moyen de lutte contre la prolifération cellulairemaligne (cf. infra).

Lors des syndromes inflammatoires, qu’ils soient d’origineinfectieuse, auto-immune ou maligne, d’autres cytokines (IL-1,tumor necrosis factor-˛, interféron-�) sont habituellement syn-thétisées, en plus de l’IL-6. Elles interviennent dans l’entrée dufer dans les cellules du système réticuloendothélial et dans lestockage du fer intracellulaire fixé sur la ferritine, dont la syn-thèse est augmentée [5,10,11]. Il en résulte donc, pour la majoritédes syndromes inflammatoires, une séquestration du fer dans lecompartiment « réserve » (augmentation de l’entrée favorisée parles cytokines citées précédemment et sortie bloquée par la cascadeIl-6–hepcidine–ferroportine), une baisse de l’absorption digestivede fer (cascade IL-6–hepcidine–ferroportine) et, par voie de consé-quence, un déficit dans le compartiment plasmatique. On parlealors de déficit « fonctionnel » en fer pour l’érythropoïèse puisque,à proprement parler, les stocks de fer sont « pleins », mais peu oupas mobilisables. Le mécanisme de l’anémie inflammatoire qui enrésulte est un peu plus complexe puisqu’en plus du déficit fonc-tionnel en fer, diverses cytokines inflammatoires (tumor necrosisfactor-˛, interféron-�, IL-1) ont une action inhibitrice directe sur laprolifération et la différentiation des précurseurs érythroïdes, maisaussi sur la synthèse d’Epo et l’expression du récepteur à l’Epo surles cellules érythroïdes [2,10,12].

À l’inverse, l’explication physiopathologique commune de laplupart des hémochromatoses primitives est le blocage chroniquede la sécrétion d’hepcidine et l’augmentation de l’absorption diges-tive du fer qui en résulte [2]. Ces situations d’hepcidine bassesont rencontrés dans des hémochromatose génétiques : de type 1(mutations du gène HFE), de type 2 (mutations des gènes del’hémojuvéline et de l’hepcidine) et de type 3 (mutation des gènesdu récepteur 2 à la transferrine [TfR2]). La synthèse d’hepcidine estégalement régulée négativement dans une autre situation patho-logique pouvant aboutir à une hémochromatose non génétique : ladysérythropoïèse. C’est le cas des thalassémies intermédiaires, cer-taines myélodysplasies de bas grade et les anémie sidéroblastiques[2,7]. Dans ces exemples, les transfusions de concentré globulaire,parfois nécessaires à la prise en charge de la maladie, peuvent êtreun facteur aggravant l’hémochromatose.

3. Carence martiale et déficit fonctionnel en fer

La situation la plus classique justifiant un traitement par le fer estla carence martiale. C’est la cause la plus fréquente d’anémie [12].En l’absence de syndrome inflammatoire, le diagnostic est facile,reposant sur une ferritinémie inférieure à 20 �g/L [2,7].

Les causes des carences martiales sont dominées par les sai-gnements chroniques, digestifs ou gynécologiques, et beaucoupplus rarement dus à des saignées répétées (prélèvements pour desexamens biologiques) ou des saignements volontaires (« asthéniede Ferjol »). Plus rarement également, il s’agit d’une malabsorp-tion intestinale du fer liée à une maladie du tube digestif (maladiecœliaque, maladie inflammatoire chronique intestinale [MICI] ouparasitoses dans des pays à forte endémie). En revanche, la carence

martiale due à un défaut d’apport alimentaire isolé n’est pas unecause reconnue, même chez des sujets dénutris ou malnutris. Unealimentation normale apporte en moyenne dix fois plus de fer(10 à 20 mg/j) que ne le permet l’absorption intestinale (environ 1 à
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Comme discuté précédemment, dans certaines situations, alorsême qu’il n’y a pas, à proprement parler, de carence martiale,

e fer, sous forme de réserve, n’est pas disponible où pas assezapidement mobilisable pour l’érythropoïèse. On parle de « déficitonctionnel » en fer. Il peut être la conséquence de syndromesnflammatoires chroniques où le compartiment sérique est défi-ient alors que les réserves sont pleines. C’est aussi le cas desatients traités par Epo (dialysés et patients cancéreux avec ouans chimiothérapie) qui stimule l’érythropoïèse, nécessitant unpport basal supérieur en fer qui dépasse les capacités de relargagees cellules du système réticuloendothélial. Dans les cas de déficitonctionnel, la voie orale n’est pas ou peu efficace car l’absorptionigestive est freinée par l’augmentation de la synthèse d’hepcidine.’est dans cette situation que peut être discuté un traitement par fer

ntraveineux (IV), même si comme nous le verrons, les indicationsoivent probablement être limitées.

. Le fer par voie orale

.1. Comment traiter ?

La carence martiale peut et doit être le plus souvent corrigéear voie orale. Il existe plusieurs spécialités disponibles, sous formee sulfate ou fumarate ferreux (Fe++), qui diffèrent entre elles par

a quantité de fer qu’elles contiennent et l’adjonction pour cer-aines de vitamine B9 ou de vitamine C (cette dernière augmente’absorption de fer) (Tableau 1).

Plusieurs remarques sont importantes :

l’absorption du fer par voie orale, comme tout fer alimentaire,est médiocre (de l’ordre de 10 à 20 %). Il faut l’administrer, dansla mesure du possible, à jeun (une heure avant les repas), depréférence le matin, surtout si on utilise des formes galéniquescontenant de la vitamine C qui augmente l’absorption du fer, maisqui est aussi un excitant ;la durée d’une « cure » est de l’ordre de quatre mois pour recons-tituer les réserves en fer ;la dose à administrer est de 150 à 200 mg/j [13].

On peut recommander de ce fait l’utilisation préférentielle duero-Grad® (fer : 105 mg et vitamine C : 500 mg) ou Tardyféron®

fer : 80 mg et vitamine C : 30 mg), deux comprimés par jour, plutôtue d’autres formulations qui sont beaucoup moins concentréesTableau 1). L’adjonction de vitamine B9 n’a pas de place dans leraitement de la carence martiale isolée, mais reste utile chez la

ableau 1ifférent sels de fer par voie orale disponibles en France (liste non exhaustive).ormulation et concentration en fer.

Formulation Concentrationen fer (mg)

Molécule associée

Sulfate ferreuxFero-Grad® Comprimé 105 Vitamine C 500 mgTardyféron® Comprimé 80 Vitamine C 30 mgTardyféron B9® Comprimé 50 Acide folique (B9) 350 �g

Fumarate ferreuxFumafer® Comprimé 66 –

Poudre 33 –Ferrostrane® Sirop 34 –

ose journalière recommandée pour la correction de la carence martiale : 150 à00 mg/j.

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femme enceinte chez qui les besoins en acide folique et en fersont augmentés. Enfin, des traitements associés comme certainsantibiotiques (quinolones, cyclines), l-thyroxine, lévodopa, inhibi-teurs de la pompe à proton et anti-acides (aluminium, zinc) (listenon exhaustive) peuvent diminuer son absorption digestive [7]. Demême, la prise concomitante de théine réduit l’absorption du fer.

Le coût du traitement est faible (environ 6 D par mois pour leFero-Grad®). L’inconvénient principal du traitement par voie oraleest sa relative mauvaise tolérance digestive pouvant concernerjusqu’à 20 % des patients, alors même que les durées de traitementsont longues (constipation ou diarrhée, douleurs abdominales,selles noires et parfois nausées), même si ce sont des effets secon-daires mineurs [13]. En cas de mauvaise tolérance, on peut proposerd’autres formulations (existe en comprimé, poudre, sirop), la priseau moment du repas (même si cela diminue l’absorption de 50 %)ou encore la diminution de la dose administrée, avant de discuterun traitement par voie intraveineuse (Tableau 1).

4.2. Qui traiter ?

Les principales indications sont reprises dans le Tableau 2.

4.2.1. Anémie par carence martialeTous les patients ayant une anémie par carence martiale prouvée

(ferrininémie basse dans la majorité des cas ou saignement récent,comme dans l’anémie aiguë post-hémorragie ou chirurgie) peuventêtre traités par voie orale, en plus de la correction de la cause de laperte de fer.

4.2.2. Faut-il traiter des patients carencés mais sans anémie ?Quatre essais randomisés, contre placebo, en double insu, ont

évalué l’effet clinique d’une supplémentation en fer par voieorale chez des femmes sans anémie [14–17]. La première, chez144 femmes adultes (âgées de 18 à 55 ans) suivies en médecinegénérale pour une fatigue avec carence martiale mais sans ané-mie, montre un bénéfice statistiquement significatif sur la fatigued’un traitement d’un mois par Tardyféron® (80 mg/j) [15]. Ce béné-fice est limité aux patientes ayant une ferritinémie dans des valeursbasses (inférieure ou égale à 50 �g/L). Cette étude rejoint les conclu-sions du premier essai contrôlé, publié en 1960, chez des patientesfatiguée, sans anémie mais ayant une carence martiale prouvéepar myélogramme (le gold standard) [14]. La troisième étude,chez 81 adolescentes ayant aussi une carence martiale (ferritinémieinférieure ou égale à 12 �g/L), sans anémie, démontre un béné-fice de la supplémentation en fer (deux mois) sur la mémoire etl’apprentissage verbal [16]. La dernière étude démontre un bénéficesur les performances cognitives de jeunes femmes adultes [17].

D’autres essais contre placebo, avec des critères de jugementplus éloignés de la pratique clinique, chez des individus carencésnon anémiques, ont montré un bénéfice de la supplémentationen fer sur différents éléments du métabolisme : amélioration de

Tableau 2Principales indications du fer par voie orale et intraveineux.

Fer par voie oraleAnémie par carence martialeFatigue chez des femmes jeunes (< 55 ans) sans anémie avec ferritinémie

dans des valeurs basses (≤ 50 �g/mL)Carence martiale chez des adolescentes, sans anémie

Fer intraveineuxCarence martiale ne répondant pas à un traitement par voie orale bien

conduit (4 mois à bonne dose) ou traitement par voie orale mal toléréPatient dialysé ou insuffisant rénal sous érythropoïétineCarence martiale chez des patients avec maladies inflammatoires

chroniques intestinalesInsuffisance cardiaque chronique (chez des patients avec ferritinémie dans

des valeurs basses)

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’endurance physique, du seuil ventilatoire, etc. [18]. Cet effete la supplémentation martiale, indépendant de la correction de

’anémie, pourrait relever du rôle du fer dans de nombreuseséactions enzymatiques, dans la fonction mitochondriale, dans laynthèse de neurotransmetteurs et dans les fonctions neuromus-ulaires [14,18].

Il y a donc actuellement plusieurs études méthodologiquementien conduites, qui apportent des arguments convaincants pourraiter des patientes carencées (ferritinémie basse inférieure à0 �g/L) mais sans anémie. Une limite de ces études, conduites avec

e fer per os, est qu’il est difficile d’avoir un placebo parfait puisquees selles sont colorées en noir avec le produit actif. Il faut, bien sûr,avoir arrêter le traitement après une cure qui ne doit pas dépas-er quelques mois. On ne dispose pas de données solides chez lesommes carencés et sans anémie.

.2.3. Cas particulier de la grossesseAu cours de la grossesse, il y a une augmentation des besoins

n fer secondaire à l’augmentation de la masse sanguine, à la crois-ance fœtale et au développement placentaire (le fer étant absorbée fac on active au niveau du placenta) et parallèlement, il existene majoration compensatrice de l’absorption intestinale du ferlimentaire [19]. L’anémie par carence martiale en début de gros-esse augmente le risque de prématurité, de mortalité périnatalet d’hypotrophie fœtale, alors qu’en l’absence d’anémie, la carenceartiale n’a pas d’effet démontré sur le fœtus [19]. C’est donc

niquement en cas d’anémie par carence martiale prouvée qu’unraitement par fer oral est indiqué, jusqu’à correction de l’anémiedéfinie chez la femme enceinte comme un taux d’hémoglobinenférieur à 10,5 g/dL) [19]. Les doses prescrites sont faibles,omprises entre 30 et 60 mg/j et le fer est le plus souvent associé àe l’acide folique, recommandé par ailleurs, pendant la grossesse.es doses plus importantes de fer sont à éviter du fait d’un risqueotentiel sur le stress oxydatif et la mauvaise tolérance intestinale19]. Une supplémentation systématique ne semble pas devoir êtreréconisée car il n’y a pas d’efficacité démontrée au plan obstétri-al ou maternel, alors qu’il existe un risque d’effets secondaires et’hémoconcentration [20].

. Le fer intraveineux

.1. Les spécialités de fer intraveineux

La voie intraveineuse doit sa mauvaise réputation à la possibleurvenue d’un choc anaphylactique, parfois fatal. C’était le casvec d’anciennes formulations de fer (fer dextran) pouvant donnerusqu’à 0,6 % d’anaphylaxie fatale [21]. Les complexes d’hydroxydeerrique–saccharose (Vénofer®, Fer Mylan®, 100 mg par ampoule)ctuellement les plus utilisés en France ont un risque d’anaphylaxieien moindre (0,002 % d’anaphylaxie fatale). Le risque anaphylac-ique semble aussi très faible avec les nouvelles formulations deer IV arrivant sur le marché, même si les données de pharmacovi-ilance sont plus limitées. Parmi elles, le carboxymaltose ferriqueFerinject®, 100 à 1000 mg par injection) est le seul disponiblectuellement en France. D’autres spécialités, disponibles aux États-nis, devraient bientôt arriver sur le marché franc ais (fer gluconate,eraheme®, 510 mg par injection ; fer isomaltoside Monofer®,00 à 1000 mg par injection). Ces nouvelles formulations ont deuxvantages : une durée d’injection intraveineuse plus courte et uneose injectable maximale possible par perfusion plus importante.ar exemple, une ampoule de 100 mg de Ferinject® peut être

dministrée en intraveineux direct [22] alors que l’administratione la même dose sous forme d’hydroxyde ferrique–saccharoseVénofer® ou Fer Mylan®) nécessite 15 à 30 minutes ; de la mêmeac on, 200 mg de Ferinject® se perfuse en six minutes, contre

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environ 30 minutes à une heure de perfusion pour les spécialitésplus anciennes. Par ailleurs, la dose maximale que l’on peut admi-nistrer en une fois est de 300 mg pour les complexes d’hydroxydeferrique–saccharose et de 1000 mg (en 15 minutes) pour toutes lesnouvelles formulations de fer. Le prix du Ferinject® est cinq foisplus élevé que les complexes d’hydroxyde ferrique–saccharosemais reste modéré (environ 15 D l’ampoule de 100 mg).

Enfin, il faut souligner que la transfusion d’un culot globulaireapporte l’équivalent de 200 mg de fer IV. Même si la transfusion nedoit pas faire partie du traitement de l’anémie par carence martiale,il est donc inutile de réaliser des perfusions de fer juste avant ouaprès une transfusion, si celle-ci est justifiée.

5.2. Les doses de fer intraveineux à utiliser

Les doses de fer à administrer par perfusion et leur rythmesont assez difficiles à préciser de fac on synthétique. En effet,elles dépendent du type d’indication (anémie par carence mar-tiale, anémie des insuffisants rénaux traités avec Epo, etc.), dela profondeur de l’anémie, du taux d’hémoglobine que l’on veutatteindre et du poids du patient. Ainsi, la formule de Ganzoni[23], qui prend en compte tous ces paramètres, devrait théorique-ment être utilisée pour définir la dose totale cumulée à perfuser.Celle-ci est la suivante : poids corporel [kg] × (Hb cible − Hb réelle)[g/dl] × 2,4 + réserves de fer [mg] (pour un poids inférieur à 35 kg,les réserves de fer sont de 15 mg/kg, pour un poids supérieur ou égalà 35 kg, elles sont de 500 mg). Habituellement, la dose est d’environ100 mg, deux à trois fois par semaine pour un poids de moins de50 kg, et 200 mg, deux à trois fois par semaine pour un poids de plusde 50 kg (Vidal 2011). Les perfusions doivent être arrêtées lorsquel’objectif en hémoglobine est atteint et que les réserves sont recons-tituées.

Plusieurs essais contrôlés, dans différentes indications, sonten cours pour définir si de plus fortes doses de fer, autoriséespar les nouvelles formulations (500 à 1 000 mg), administrées enune ou deux perfusions espacées d’une semaine, seraient équiva-lentes voire plus efficaces que la répétition des injections de plusfaibles doses de complexes d’hydroxyde ferrique–saccharose. Ainsi,récemment, il a été montré qu’un schéma posologique simplifié,fondé sur le taux d’Hb (inférieur à ou supérieur à 10 g/dL) et lepoids (inférieur à ou supérieur à 70 kg) était supérieur à la formulede Ganzoni pour corriger l’anémie par carence martiale de patientsporteur de MICI [24]. Les résultats de ces études pourraient alorssimplifier la prescription du fer IV qui se résumerait, pour une majo-rité de patients, par une ou deux perfusions de fer fortement dosé(posologie définie selon le poids et la profondeur de l’anémie).

5.3. Les effets indésirables et les contre-indications du ferintraveineux

L’administration de fer IV s’accompagne d’une coloration rougedes urines et parfois d’un goût métallique. Une réaction anaphylac-toïde (gonflement des mains et des pieds, dyspnée, hypotension,tachycardie) peut être observée et, exceptionnellement, un chocanaphylactique [7]. L’extravasation de fer au site d’injection peutprovoquer douleurs, inflammation, formation d’abcès stériles etpigmentation brune définitive de la peau (Vidal 2011).

Les effets secondaires intestinaux (douleurs, constipation, diar-rhée, nausées) ne sont pas uniquement l’apanage du fer par voieorale, ils sont également observés avec le fer IV. Les effets des per-fusions chroniques de fer à long terme, notamment sur les risquesinfectieux, athérosclérogène (par déclenchement de phénomènes

oxydatifs) et de cancer ont fait l’objet de certaines discussionset études. Celles actuellement disponibles ne permettent pas deconclure formellement même si les risques théoriques sont proba-blement très faibles [7,8,25]. Une vigilance reste donc nécessaire.
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Les contre-indications à la perfusion de fer sont l’alcoolismehronique, l’hémochromatose, une infection non contrôlée et’hypersensibilité connue à la spécialité utilisée. Le fer IV peut êtretilisé chez la femme enceinte et qui allaite (Vidal 2011).

.4. Les indications du fer intraveineux

Les principales indications du fer IV sont reprises dans leableau 2.

.4.1. Indications indiscutablesLes indications d’un traitement par fer IV ayant l’autorisation de

ise sur le marché sont l’anémie de l’insuffisant rénal chroniqueémodialysé, le don de sang autologue en préopératoire (mêmei cette pratique n’est plus à l’ordre du jour), les anémies aiguës enostopératoire immédiat chez des patients ne pouvant pas recevoire fer par voie orale et les anémies par carence martiale lorsque leraitement par voie orale n’est pas possible, inefficace ou mal toléré.n traitement par voie intraveineuse est également recommandét logique dans la maladie cœliaque et les maladies inflammatoiresntestinales où, en plus des problèmes d’absorption du fer et deoxicité du fer par voie orale liés à la maladie digestive, le syn-rome inflammatoire peut, comme nous l’avons vu, aggraver laalabsorption par le biais de l’hepcidine.

.4.2. Des indications nouvelles, à confirmer

.4.2.1. L’insuffisance cardiaque. Une étude récente comparant desnjections répétées de Ferinject® (200 mg par injection, dose totalealculée par la formule de Ganzoni) chez des insuffisants car-iaques assez graves (FEVG inférieur à 45 % ou inférieur à 40 %)vec carence martiale (définie, dans l’étude, comme une ferritiné-ie inférieure à 100 �g/L ou inférieure à 300 �g/L avec un taux de

aturation de la transferrine inférieur à 20 %) montre l’intérêt despports de fer IV, indépendamment de la présence d’une anémie26]. Dans cette étude, 50 % des patients traités par Ferinject® rap-ortent une amélioration de leur état général (définie par auto-valuation) contre 28 % dans le bras placebo (p < 0,001) et une amé-ioration significative de l’insuffisance cardiaque évaluée sur lalasse NYHA à six mois (ces deux critères constituaient le critèrerimaire de jugement), indépendante de l’existence ou non d’unenémie. Ces données paraissent assez convaincantes, d’autant quea carence martiale est associée à un mauvais pronostic chez lesnsuffisants cardiaques [27], mais il faut certainement éviter derop supplémenter les patients (ferritinémie moyenne à six mois

312 ± 13 �g/L dans le groupe traité par fer dans cette étude), carn sait que la surcharge en fer est néfaste à long terme sur le cœurpas de suivi au long cours dans cette étude).

.4.2.2. L’anémie inflammatoire chronique. Dans les anémiesnflammatoires, l’apport de fer par voie orale est illogique enaison d’une stimulation de la synthèse hépatique d’hepcidinet par voie de conséquence d’une inhibition de l’absorptionigestive de fer qui en résulte [2]. Comme vu précédemment,ans cette situation, le déficit fonctionnel en fer disponible pour

’érythropoïèse pourrait justifier l’utilisation de fer IV. Cependant,n cas de syndrome inflammatoire chronique, le fer IV est détournée l’érythropoïèse au profit des organes de réserve. L’efficacité duer IV peut donc être diminuée dans cette situation et la correctione l’anémie nécessite des doses plus fortes de fer IV. Des essais sontn cours pour étudier la place des nouvelles formulations de fer IVans cette indication, qui auraient, en plus, l’avantage de pouvoirerfuser de plus fortes doses avec un moindre détournement au

rofit des cellules du système réticuloendothélial. Les situationsù un traitement par le fer IV sont nécessaires devraient cepen-ant être exceptionnelles puisque c’est avant tout le traitementtiologique de l’inflammation qui en est la solution logique.

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Il existe également, dans l’anémie inflammatoire, des pistesthérapeutiques visant à antagoniser l’hepcidine, notamment parl’utilisation d’anticorps anti-hepcidine [2,28].

5.4.2.3. Syndrome des jambes sans repos. Les raisons pouvant jus-tifier la prescription de fer dans le syndrome des jambes sansrepos reposent sur la découverte d’une diminution des concentra-tions en fer dans le liquide céphaloracidien et le locus niger despatients atteints de ce syndrome [18]. Une première étude compa-rant l’administration de fer IV contre placebo, en double insu, avecun faible effectif, chez des malades hémodialysés atteints de ce syn-drome, a montré une efficacité du traitement [29]. Une secondeétude plus récente [30], chez des patients non dialysés, infirme lesrésultats de l’étude précédente avec également une administrationde fer IV. Enfin, un seul essai contrôlé a montré une efficacité du ferpar voie orale dans cette indication [31]. D’autres études sont doncnécessaires pour préciser la place du traitement par le fer dans cetteindication.

5.4.2.4. Fatigue chronique. Un essai contrôlé récent suisse a inclus90 femmes non ménopausées, non anémiées avec une ferritinémieinférieure ou égale à 50 �g/L et une fatigue chronique pour rece-voir 800 mg de fer IV (quatre perfusions de 200 mg de Venofer® surdeux semaines) ou un placebo. L’efficacité sur la fatigue (évaluéeseulement à 1,5 et trois mois) semble réservée aux seules patientesréellement carencée (ferritinémie inférieure à 15 �g/L) [32]. Laplace du traitement intraveineux et le bénéfice/risque par rapportau fer oral reste à préciser dans cette indication qui concerne detrès nombreuses femmes. Il faut notamment signaler 21 % d’effetsindésirables (peu graves) avec le fer IV dans cette étude versus 7 %dans le groupe placebo et une durée de suivi limitée.

6. Fer et cancer

Le fer est nécessaire à la croissance et au métabolisme des cel-lules néoplasiques et le récepteur à la transferrine est exprimésur plusieurs cellules tumorales [1,2]. Des études chez la sourisont montré une augmentation de la progression tumorale lors dela supplémentation en fer. Par ailleurs, il existe un risque accrude cancer dans l’hémochromatose et à l’inverse plusieurs argu-ments pour penser qu’une chélation du fer dans certaines affectionsmalignes pourrait être bénéfique (neuroblastome, leucémie aiguëmyéloïde notamment) [33–35]. Il existe également un débat sur lerisque de progression tumorale avec l’utilisation des éryhtropoïé-tines, associées dans de nombreuses études à des apports de fer(augmentation de la progression tumorale, diminution de la sur-vie), même si l’efficacité de l’association (y compris en l’absence decarence martiale) a été clairement démontrée sur la concentrationd’hémoglobine et la qualité de vie [36,37].

L’utilisation du fer dans les affections néoplasiques doit doncrester prudente et être limitée aux malades ayant une carencedémontrée [37]. En revanche, le respect d’une carence martiale àvisée antitumorale chez ces patients reste à démontrer et c’est undomaine de recherche peu exploré.

Lorsque la correction d’une carence martiale est envisagée,l’utilisation de fer IV pourrait être utile car le traitement par voieorale est souvent mal accepté et inefficace (altération fréquente dela muqueuse digestive sous chimiothérapie, syndrome inflamma-toire associé) [16].

7. Conclusion

La majorité des carences martiales doit être corrigée par voieorale. Les nouvelles formulations de fer IV permettront peut-êtrede mieux traiter les patients intolérants aux traitements par

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oie orale [38]. Quant à l’intérêt de nouvelles indications thérapeu-iques, telles que l’insuffisance cardiaque, elles sont pour la plupart

confirmer.

éclaration d’intérêts

Tous les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt, exceptéigismond Lasocki consultant pour ViforPharma.

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