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Sœur Charlotte de la Résurrection (Mouy, 16 septembre 1715 – Paris, 17 juillet 1794) L’histoire des 16 Carmélites de Compiègne guillotinées en pleine Terreur révolutionnaire le 17 juillet 1794 (29 thermidor an II) est connue dans le monde entier, grâce à l’œuvre de Georges Bernanos « Dialogues des Carmélites » (1948 ) inspirée de la nouvelle de l’allemande Gertrud von Lefort « La dernière à l’échafaud » (1931) mais aussi grâce au film éponyme du R.P. Bruckberger et à l’opéra du même nom de Francis Poulenc, joué régulièrement dans les plus grandes salles. Mais qui se souvient de l’histoire, non romancée celle-là de chacune de ces 16 « martyres » ? La plus âgée d’entre elles avait été baptisée le 16 septembre 1715 en l’église de Mouy, dans le diocèse de Beauvais. Le jour même de sa naissance on la prénomma Anne-Marie Madeleine, de Marie-Anne Thouret, sa mère et de Madeleine Héron, sa marraine et grand-mère paternelle, originaire de Mouy. Rien ne semblait alors la prédisposer à se retirer dans un couvent, ni à périr sur l’échafaud. Issue d’une famille de notables, elle est par la suite décrite comme une belle jeune fille qui aimait les sorties, le bal, même si son enfance fut perturbée par le décès de son père en 1724 et par le remariage de sa mère. Un événement dramatique, qu’elle n’a jamais précisé, la décida à quitter le « siècle » pour obéir à la règle du couvent. C’est en 1736 qu’elle entra au Carmel de Compiègne, à 21 ans et en 1741 qu’elle y prononça ses vœux définitifs, après des préparations particulièrement longues de par la volonté de la Prieure. En religion, elle devient sœur Charlotte de la Résurrection, de Charlotte de Jésus Crucifié, la Prieure et son auxiliaire Thérèse de la Résurrection, ses deux « marraines » .

Sœur Charlotte de la Résurrection - FranceArchives · Un événement dramatique, qu’elle n’a jamais précisé, la décida à quitter le « siècle » pour obéir à la règle

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Page 1: Sœur Charlotte de la Résurrection - FranceArchives · Un événement dramatique, qu’elle n’a jamais précisé, la décida à quitter le « siècle » pour obéir à la règle

Sœur Charlotte de la Résurrection(Mouy, 16 septembre 1715 – Paris, 17 juillet 1794)

L’histoire des 16 Carmélites de Compiègne guillotinées en pleine Terreurrévolutionnaire le 17 juillet 1794 (29 thermidor an II) est connue dans le monde entier,grâce à l’œuvre de Georges Bernanos « Dialogues des Carmélites » (1948 ) inspirée dela nouvelle de l’allemande Gertrud von Lefort « La dernière à l’échafaud » (1931)mais aussi grâce au film éponyme du R.P. Bruckberger et à l’opéra du même nom deFrancis Poulenc, joué régulièrement dans les plus grandes salles.

Mais qui se souvient de l’histoire, non romancée celle-là de chacune de ces 16 « martyres » ?

La plus âgée d’entre elles avait été baptisée le 16 septembre 1715 en l’église deMouy, dans le diocèse de Beauvais. Le jour même de sa naissance on la prénommaAnne-Marie Madeleine, de Marie-Anne Thouret, sa mère et de Madeleine Héron, samarraine et grand-mère paternelle, originaire de Mouy.

Rien ne semblait alors la prédisposer à se retirer dans un couvent, ni à périr surl’échafaud.

Issue d’une famille de notables, elle est par la suite décrite comme une bellejeune fille qui aimait les sorties, le bal, même si son enfance fut perturbée par le décèsde son père en 1724 et par le remariage de sa mère.

Un événement dramatique, qu’elle n’a jamais précisé, la décida à quitter le « siècle » pour obéir à la règle du couvent.

C’est en 1736 qu’elle entra au Carmel de Compiègne, à 21 ans et en 1741qu’elle y prononça ses vœux définitifs, après des préparations particulièrement longuesde par la volonté de la Prieure. En religion, elle devient sœur Charlotte de laRésurrection, de Charlotte de Jésus Crucifié, la Prieure et son auxiliaire Thérèse de laRésurrection, ses deux « marraines » .

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Sa vie fut alors consacrée à soigner ses sœurs en religion, en qualité d’infirmière ducouvent et elle se dévoua jusqu’à en perdre la santé.

Quand la Révolution éclate, elle est devenue une vieille femme souffrante etfragile. Aussi, lorsque la Prieure évoque, conformément à une ancienne prédiction,« un sacrifice possible » en cette époque troublée, elle est effrayée et en refuse l’idéemême. Mais elle ne se montre pas moins courageuse que ses sœurs lorsque lesévénements se précipitent et qu’on les conduit à l’échafaud.

En effet, le 17 avril 1792 le gouvernement révolutionnaire ordonne l’évacuation descouvents et la dispersion des religieuses, le 12 septembre, le Carmel situé près duchâteau est dépouillé de ses biens par les membres du district de Compiègne. Aliénécomme bien national, il est démoli par la suite. (le Théâtre Impérial sera construitultérieurement à son emplacement). C’est le 14 septembre que sœur Charlotte et sescompagnes doivent quitter le monastère ainsi que leurs vêtements religieux. Elles seréfugient alors dans des familles compiégnoises compatissantes, sœur Charlotte ainsique quatre de ses sœurs, au n° 9 de la rue Saint-Antoine avec la Prieure qui avaitsouhaité garder auprès d’elle les plus fragiles.

Mais le 21 juin 1794, suite à des dénonciations, les maisons sont perquisitionnées etdes documents qualifiés de « compromettants » aux yeux des révolutionnaires y furenttrouvés. Le 23 juin, elles sont arrêtées et incarcérées au monastère de la VisitationSainte Marie, transformé en prison.

Le 12 juillet, elles sont transférées à Paris et enfermées à la Conciergerie.

Le 17 juillet a lieu leur procès et le jugement sans appel est rendu par le Tribunalrévolutionnaire, présidé ce jour-là par leur concitoyen Sceller, frère du maire deCompiègne. L'accusateur Fouquier-Tinville prononce la condamnation. Dans l’heurequi suivit, elles furent exécutées place de la Nation pour avoir « machiné contre laRépublique ».

Charlotte de la Résurrection est la seule d’entre elles dont nous ayons unportrait précis. Elle fut peinte jeune fille et le tableau servit de modèle à J. Mercié quien 1907 l’a représentée en vêtements de Carmélite (Église de Mouy).

Les 26 et 27 septembre 2015 sera commémoré le tricentenaire de la naissance de Sœur Charlotte en la paroisse de Mouy. On pourra y admirer le tableau restauré ainsi qu’une exposition d’œuvres inédites, tableaux, sculptures … sur le thème de la Carmélite.

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Elisabeth Vignon

Attachée à la rédaction de la revue « Historiens et Géographes ».

Déléguée pour la S.P.P.E.F. (Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de laFrance) dans l’Oise.

Relais de pays de la Fondation du Patrimoine dans l’Oise.

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Sources : Denys Le Sayec : « Du Carmel à l’échafaud » (Téqui, 1987)

Sœur Marie de l’Incarnation : documents originaux inédits publiés par William Bush « La relation du martyre des seize carmélites de Compiègne » (Cerf, 1993)

Bruno de Jésus – Marie : « Le sang du Carmel » (Cerf, 1992)

Abbé H. Blond, vicaire général de Beauvais : « Sœur Charlotte de la Résurrection » (Desclée, de Brouwer et Cie, 1898)

Charlotte de la Résurrection par J. Mercié, 1907. (Église de Mouy). © Élisabeth Vignon

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Église Saint-Léger de Mouy (Oise). © Élisabeth Vignon