25
SUR LA MUSÉOLOGIE André Desvallées et François Mairesse DÉFINITION DUN CONCEPT Terme français (lat. : museologia). – Équi- val. anglais : museology, museum studies ; espagnol : museologia ; italien : museo- logia ; polonais : museologia ; allemand : Museologie, Museumswissenschaft, museum- skunde ; russe : museieivedenie, ovtchei museieivedenie ; tchèque : museologie. Définition : Étymologiquement parlant la muséologie est « l’étude du musée » et non pas sa pratique, qui est renvoyée à la muséographie. Mais le terme, confirmé dans ce sens large au cours des années 1950, et son dérivé muséologique – surtout dans leur traduction littérale anglaise (museo- logy et son dérivé museological) – ont trouvé quatre acceptions bien distinctes. La première et la plus répandue est une tendance à s’appliquer, très large- ment, à tout ce qui touche au musée (en français en concurrence avec le terme muséal), et plus particulièrement dans les pays anglophones et de même, par contamination, dans les pays latino-amé- ricains. C’est ainsi que, là où n’existe pas de profession spécifique reconnue, comme en France les conservateurs, les termes de « muséologie » et de « muséo- logue » s’appliquent à toute profession muséale, et en particulier aux consul- tants qui ont pour tâche d’établir un projet de musée ou de réaliser une exposition. Pour la deuxième acception qui tra- duit le sens premier (étymologique) d’« étude du musée », l’anglais préfère plutôt l’expression museum studies, par- ticulièrement en Grande-Bretagne, où le terme museology est encore assez peu employé à ce jour. Et il est indispensable de remarquer que, de façon générale, si le terme a été de plus en plus utilisé de par le monde à partir des années 1950, à mesure que croissait l’intérêt pour le musée, il continue à l’être très peu par ceux qui vivent le musée « au quotidien » et que l’usage du terme reste cantonné à ceux qui observent le musée de l’exté- rieur. Pour ces derniers, qui tendent à en faire sinon un véritable domaine scien- tifique, du moins une discipline à part entière, dans une troisième acception la muséologie est l’étude d’une relation spécifique entre l’homme et la réalité dont le musée, phénomène déterminé au cours du temps, ne constitue que l’une des concrétisations possibles. Enfin, la muséologie peut, selon une quatrième acception, recouvrir un champ très vaste d’institutions liées à la science documentaire intuitive, notamment les musées virtuels. Philosophie du muséal, la muséologie représente autant la méta- théorie du fonctionnement de ces insti- tutions que leur éthique. Exemples de définition issus de cita- tions : 1. « Kunstgeschichte und Museo- logie. » (Georg Rathgeber, 1839.) 2. « Dermoplastik und Museologie. » (Philipp Leopold Martin, 1876-1882.) 3. « Zeitschrift für Museologie und verwandte Wissenschaften. » (J. G. T. Grässe, 1878-1885.) 4. « Museography – the systematic description of the contents of mu- seums ; museology – the science of ar- ranging museums ; museologist – one versed in museums. » (Oxford Diction- nary, 1924.) 5. « [] les méthodes nouvelles de muséologie appliquées au musée de peinture et de sculpture. » (R. Rey, 1929.) 6. « La muséologie est la science ayant pour but d’étudier la mission et l’organisation du musée. La muséogra- phie est l’ensemble des techniques en relation avec la muséologie. » (G.-H. Ri- vière, 1960.) 7. « Museology is a differantiating itself, independent scientific discipline whose object of cognition is a specific attitude of Man to reality expressed objectively in various museums forms throughout the history, which is an expression and a proportionate part of the memory systems. » (Z. Stransky, 1980.) 131 EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE CULTURE & MUSÉES N° 6 POINT DE VUE

Sur La Museologie

Embed Size (px)

Citation preview

SUR LA MUSÉOLOGIEAndré Desvalléeset François Mairesse

DÉFINITION D’UN CONCEPT

Terme français (lat. : museologia). – Équi-val. anglais : museology, museum studies ;espagnol : museologia ; italien : museo-logia ; polonais : museologia ; allemand :Museologie, Museumswissenschaft, museum-skunde ; russe : museieivedenie, ovtcheimuseieivedenie ; tchèque : museologie.

Définition : Étymologiquement parlantla muséologie est « l’étude du musée » etnon pas sa pratique, qui est renvoyée àla muséographie. Mais le terme, confirmédans ce sens large au cours des années 1950,et son dérivé muséologique – surtout dansleur traduction littérale anglaise (museo-logy et son dérivé museological) – onttrouvé quatre acceptions bien distinctes.

La première et la plus répandue estune tendance à s’appliquer, très large-ment, à tout ce qui touche au musée (enfrançais en concurrence avec le termemuséal), et plus particulièrement dansles pays anglophones et de même, parcontamination, dans les pays latino-amé-ricains. C’est ainsi que, là où n’existepas de profession spécifique reconnue,comme en France les conservateurs, lestermes de « muséologie » et de « muséo-logue » s’appliquent à toute professionmuséale, et en particulier aux consul-tants qui ont pour tâche d’établir unprojet de musée ou de réaliser uneexposition.

Pour la deuxième acception qui tra-duit le sens premier (étymologique)d’« étude du musée », l’anglais préfèreplutôt l’expression museum studies, par-ticulièrement en Grande-Bretagne, où leterme museology est encore assez peuemployé à ce jour. Et il est indispensablede remarquer que, de façon générale, sile terme a été de plus en plus utilisé depar le monde à partir des années 1950,à mesure que croissait l’intérêt pour lemusée, il continue à l’être très peu parceux qui vivent le musée « au quotidien »

et que l’usage du terme reste cantonnéà ceux qui observent le musée de l’exté-rieur.

Pour ces derniers, qui tendent à enfaire sinon un véritable domaine scien-tifique, du moins une discipline à partentière, dans une troisième acceptionla muséologie est l’étude d’une relationspécifique entre l’homme et la réalitédont le musée, phénomène déterminéau cours du temps, ne constitue quel’une des concrétisations possibles.

Enfin, la muséologie peut, selon unequatrième acception, recouvrir un champtrès vaste d’institutions liées à la sciencedocumentaire intuitive, notamment lesmusées virtuels. Philosophie du muséal,la muséologie représente autant la méta-théorie du fonctionnement de ces insti-tutions que leur éthique.

Exemples de définition issus de cita-tions :

1. « Kunstgeschichte und Museo-logie. » (Georg Rathgeber, 1839.)

2. « Dermoplastik und Museologie. »(Philipp Leopold Martin, 1876-1882.)

3. « Zeitschrift für Museologie undverwandte Wissenschaften. » (J. G. T. Grässe,1878-1885.)

4. « Museography – the systematicdescription of the contents of mu-seums ; museology – the science of ar-ranging museums ; museologist – oneversed in museums. » (Oxford Diction-nary, 1924.)

5. « […] les méthodes nouvellesde muséologie appliquées au musée depeinture et de sculpture. » (R. Rey, 1929.)

6. « La muséologie est la scienceayant pour but d’étudier la mission etl’organisation du musée. La muséogra-phie est l’ensemble des techniques enrelation avec la muséologie. » (G.-H. Ri-vière, 1960.)

7. « Museology is a differantiatingitself, independent scientific disciplinewhose object of cognition is a specificattitude of Man to reality expressedobjectively in various museums formsthroughout the history, which is anexpression and a proportionate part ofthe memory systems. » (Z. Stransky, 1980.)

131EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

POINT DE VUE

8. « La muséologie est une sciencequi examine le rapport spécifique del’homme avec la réalité et consiste dansla collection et la conservation, con-sciente et systématique, et dans l’utilisa-tion scientifique, culturelle et éducatived’objets inanimés, matériels, mobiles(surtout tridimensionnels) qui documen-tent le développement de la nature et dela société. » (A. Gregorova, 1980.)

9. « La muséologie est une philoso-phie du muséal investie de deux tâches :(1) elle sert de métathéorie à la sciencedocumentaire intuitive concrète, (2) elleest aussi une éthique régulatrice de touteinstitution chargée de gérer la fonctiondocumentaire intuitive concrète. »(B. Deloche, 2001.)

Dérivés : muséologique (museologi-cal) ; muséologue (museologist).

Corrélats : musée (museum) ; muséo-graphie (museography) ; nouvelle muséo-logie (new museology) ; muséal (museal) ;muséaliser (to musealize) ; muséifier,péjor. ; muséalité ; muséalisation ; mu-sealium, muséalie, objet de musée,réalité.

GENÈSE D’UN CONCEPT

La muséologie s’est constituée à la con-jonction des besoins techniques liés àla vie pratique des musées et d’uneréflexion sur le rôle de ces établissements.D’abord confondu avec la muséographie,le terme s’est progressivement limité, aumoins dans les langues latines, à ne pluscouvrir que le volet théorique du musée,pendant que le terme de muséographietendait à n’en désigner que la pratique.

C’est avec le développement des cabi-nets de curiosité au cours des XVIe etXVIIe siècles qu’est née la théorie du mu-sée, sans pour autant porter le nom demuséologie.

Le plus ancien traité sur les muséesque nous connaissions a été rédigé parle médecin d’origine anversoise SamuelQuiccheberg (1529-1567)1. Les Inscrip-tiones vel Tituli Theatri Amplissimi, Com-plectentis Rerum Universitatis SingulasMaterias et Imagines Eximias, ut

idem Recte quoque dici possit paraissenten 1565, à Munich. Le titre du volumeexplique le programme de Quiccheberg :« Inscriptions ou titres du théâtre im-mense comportant toutes la matière del’univers et des images extraordinaires sibien qu’il peut à juste titre être appeléaussi réserve des objets fabriqués avecart et merveilleux ainsi que de tout trésorrare, qu’on a décidé de réunir tous en-semble dans ce théâtre afin qu’en lesregardant et les manipulant fréquemmenton puisse acquérir rapidement, facilementet sûrement une connaissance singulièredes choses et une sagesse admirable ».Le projet de Quiccheberg vise nonseulement à fournir un catalogue deschoses formant l’univers, des lieux (descabinets) où l’on peut trouver celles-ci,mais aussi les instructions nécessairespour la structuration d’une telle collec-tion, d’un « musée » dans lequel desobjets tangibles – à l’opposé de projetsplus anciens, notamment celui de GiulioCamillo et de son Théâtre de la mémoirepublié en 1550 – sont présentés demanière exhaustive. La conception dumusée, pour Quiccheberg, reste com-plexe, puisqu’elle englobe autant leprojet de Camillo, basé sur les citationsd’auteurs antiques et l’art de la mémoire,que les cabinets constitués par dessavants comme Ulysse Aldrovandi oupar les princes de son époque. Par lebiais de son système de classes et d’ins-criptions autant que par sa fascinationpour le rangement, Quiccheberg promeutessentiellement l’inventaire et le catalo-gage des collections, se souciant peu deconservation.

En 1674, un siècle après l’apparitiondu traité de Quiccheberg, paraît à Kielun nouvel ouvrage sur l’organisation descabinets ou « musées ». Les Unvor-greiffliches Bedencken von Kunst-undNaturalien-Kammern insgemein sontrédigés par Daniel Johan Major, médecinnatif de Kiel. Leur contenu ne diffère pasfondamentalement de celui du médecinanversois, bien que Quiccheberg ne soitpas mentionné par Major. Le texte de cedernier, par contre, sera publié à nouveau

132EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

dans son intégralité par Michael Bern-hard Valentini, en 1704, en seconde partiedu traité Museum Museorum.

Le terme de « muséographie » sembleavoir été employé avant celui de « muséo-logie ». C’est en 1727 que le marchandhambourgeois Caspar F. Neickel (ou Jen-ckel) fait paraître Museographia, ouvragerépertoriant cabinets et bibliothèquesdans lequel il propose également desconseils pour la collecte, la conservationet le classement des objets.

L’origine allemande de tous ces ou-vrages, si elle atteste de la vitalité descollectionneurs dans ces régions, sou-ligne également l’importance du travailscientifique qui y prévaut, notammentau travers de l’œuvre de Leibniz – cedernier ayant également abordé la ques-tion des kunst et wunderkammern.

La première utilisation du terme« muséologie » semble remonter à 1839,date de la publication, par Georg Rath-geber, de l’ouvrage : Aufbau der niederländischen Kunstgeschichte undMuseologie (Reconstruction de l’histoirede l’art et de la muséologie néerlandaise),publié à Weissensee2. À ce moment,muséologie et muséographie semblentpratiquement se confondre pour définir,de manière globale, les méthodes dedescription, de classement et d’expo-sition des collections de musée. Ainsi,c’est avant tout à la description analy-tique d’œuvres architecturales ou desculptures que s’attelle Rathgeber, toutcomme, quelques années plus tard, JohanThéodor Grässe le fera dans ses Zeit-schrift für Museologie (1878-1885) pourles collections d’art, les ventes publi-ques, etc. La fameuse phrase de Grässeplaidant pour la muséologie commescience : « Si quelqu’un avait parlé ouécrit, il y a vingt ou trente ans, sur lamuséologie comme science, il aurait ététraité avec un sourire condescendant.Aujourd’hui, la situation est fort diffé-rente3 » s’explique dans ce contexte.C’est ce même travail qu’entreprend Salo-mon Reinach, dans la muséographieen 1895 et que définissent le Laroussedu XIXe siècle ou l’Enciclopedia universal

illustrada : « Muséographie : descriptionde musées », respectant ainsi au mieuxl’étymologie du mot. Quant à la muséo-logie, Philipp Leopold Martin la conçoitalors comme l’ensemble des méthodesd’exposition et de conservation des objets(« Dermoplastik und Museologie, oderdas Modelliren der Thiere und dasAufstellen und Erhalten von Naturalien-sammlungen », Weimar, 1870). C’estencore cette distinction qui sera donnéepar Richard Bach en 19244, se référant àl’Oxford Dictionnary, pour caractériserles termes anglais museography (la des-cription systématique du contenu des mu-sées) et museology (la science del’aménagement des musées).

Le développement de la muséologie,quoi que puisse recouvrir ce terme, sepoursuit dans le sillage de l’évolutiondes musées. Ces derniers prennent unessor considérable à partir de ladeuxième partie du XIXe siècle, mais sur-tout durant la période de l’entre-deux-guerres. Non seulement ils se multiplienten nombre, mais leurs collections por-tent progressivement sur tous les domai-nes de la vie sociale : musées d’histoire,musées d’art et d’industrie, musées defolklore, musées de sciences et techni-ques, musées d’art et traditions popu-laires, musées d’ethnologie, etc. Un telessor entraîne la nécessité de formaliserles techniques mises en œuvre par lesmusées afin de les mieux connaître ettransmettre, mais suscite également unquestionnement sur la place du muséeau sein de la société.

L’importance grandissante du phéno-mène muséal amène ainsi la constitutiond’associations de musées dont la pre-mière, la Museums Association, est fon-dée en Grande-Bretagne en 1889, amenant,par le biais de rencontres, colloques etréunions, la constitution progressived’un savoir sur les musées. MuseumsJournal, l’organe de la Museums Asso-ciation, paraît à partir de 1902 ; Museum-skunde est publié par l’Associationallemande des musées dès 1905 et lepremier numéro de Museum Work, del’American Association of Museums, sort

133EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

en 1919. Il faut attendre l’entre-deux-guerres et la création de l’Office interna-tional des musées (OIM), en 1926, dans lecadre de la Société des Nations, pour quece mouvement atteigne une amplituderéellement internationale. À ce niveau, etau travers de la revue Mouseion éditée àpartir de 1927 par l’OIM, c’est plutôt leterme de muséographie qui est utilisé,notamment pour décrire l’organisation,la vie, le rôle social, la formation histo-rique des musées, mais surtout pour pré-ciser les méthodes d’exposition, deconservation ou de diffusion utilisées,comme en témoigne l’important recueilMuséographie : architecture et aménage-ment des musées d’art, publié à la suitede la conférence internationale de Madridde 1934 et qui constituera une référenceen la matière durant plusieurs décen-nies.

Première acception : un terme généralsusceptible de confusion

Il est cependant bien difficile, à cemoment, de différencier « muséologie »de « muséographie » dans la mesure oùces deux termes sont encore rarementutilisés. Tout au plus le concept désigne-t-il, de manière globale, le domainegénéral du travail muséal, comme en té-moignent les bibliographies de Murray etde Clifford (Murray, 19045).

La création du Conseil internationaldes musées (Icom), en 1946, conduit àune augmentation importante des échan-ges entre les professionnels de muséesdes différents pays, à la confrontationdes différents points de vue sur la défi-nition du musée et sur son étude, et àla reconnaissance progressive d’unespécificité de la muséologie, considé-rée comme la « science » du musée. Lamuséographie, à la suite de l’ouvragede 1934 publié par l’OIM, est désormaisconsidérée comme une technique, c’est-à-dire comme la mise en œuvre pratiquedes connaissances muséologiques, toutparticulièrement en matière d’architec-ture et d’aménagement des musées.

Le terme est encore loin d’avoir fran-chi les portes du cénacle du monde muséal.

En 1960, Luc Benoist ne donne pas dedéfinition malgré le titre qu’il donne àson livre Musées et Muséologie paru dansla collection « Que sais-je ? » éditée parles Presses universitaires de France et,en 1963, le Dictionnaire de la Languede Robert donne le terme commeun néologisme avec cette définition :« Science, techniques qui concourent àla conservation, au classement, à laprésentation d’œuvres, d’objets dans lesmusées. » Comme Luc Benoist, le rédac-teur du Robert ignorait sans douteque, dès 1958, dans le cadre officiel d’unstage de l’Unesco, à Rio de Janeiro,du 7 au 30 septembre, Georges-HenriRivière, alors directeur de l’Icom, avaitdéfini la muséologie comme étant« la science ayant pour but d’étudier lamission et l’organisation du musée » etla muséographie comme « l’ensembledes techniques en relation avec lamuséologie » (Rivière, 1960 : 12). Cettedéfinition, qui marque l’arrivée presqueofficielle du terme « muséologie » dans lalangue française, consacre égalementla séparation entre un volet pratique (lamuséographie) et ses aspects théoriques(la muséologie). Sans remettre en ques-tion l’attribution à la muséologie de saqualité de science – ce qui fera par lasuite l’objet de nombreux débats – Ger-main Bazin ne fera que reprendre en 1975,en l’étendant, pro domo, à l’histoire desmusées, la définition donnée par Rivièrepuisque, pour lui, la muséologie est« la science qui s’applique à tout ce quiconcerne les musées, leur histoire, leurmission et leur organisation » (Bazin,1975 : 447-450). L’un et l’autre, en intro-duisant dans l’étude des musées celle deleurs « missions », prennent quelques dis-tances avec la conception traditionnellede la plupart des universités ou institutsqui, comme alors l’École du Louvre, limi-taient l’enseignement de la muséologieà l’histoire des collections ainsi qu’àl’administration et aux règles juridiquess’appliquant aux musées (des cours ditsde « muséographie » apparaissent dès 1929),ou d’autres à la gestion des musées etaux matières couvrant leur contenu.

134EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Rivière et Bazin ne prétendent pas encorefonder une science nouvelle en cherchantà en justifier l’existence épistémologiqueet téléologique et se contentent, enquelque sorte, de prendre une positionoffensive par rapport aux enseignementsuniversitaires en affirmant qu’il existe unchamp autonome concernant le musée àcôté des enseignements traditionnelscouvrant l’histoire de l’art, l’archéologie,la préhistoire, l’anthropologie, l’histoiredes techniques et les sciences de lanature.

La séparation muséologie/muséogra-phie est cependant encore loin d’êtreévidente. Ainsi, Rivière, au même stagede Rio de 1958, confie au muséologue lacharge d’établir le projet et d’assurerl’exécution des programmes établis parles conservateurs que devaient réaliserles muséographes. En 1963 il introduitdans l’organigramme du Musée nationalfrançais dont il assurait la direction, lemusée des Arts et Traditions populaires,un service de muséologie, qu’il confie àAndré Desvallées pour gérer les secteursde la muséographie (ateliers de mainte-nance et expositions), de la conservationet de la restauration. Ce premier niveaude définition, qui existe encore de par lemonde, s’il tend à reconnaître à la muséo-logie des aspects théoriques, dignesd’enseignement, part plutôt du termecomme d’un qualificatif général : estdit « muséologique » ce que l’on pour-rait plutôt qualifier de muséal, à savoirqui a trait au musée. Cette acception per-dure un peu partout dans le monde, parexemple au Brésil où une loi de 1984créa une fonction de « muséologue » etensuite un « Conseil fédéral de muséolo-gie » pour officialiser l’existence de pra-ticiens remplissant des fonctions qui, enFrance ou ailleurs, seraient dévolues auxconservateurs. À témoin aussi l’usagequi est fait du terme « muséologue » auQuébec, où, par glissement de sensdepuis l’anglais, il s’applique à tous lesprofessionnels de musée. En 1989, Petervan Mensch résume ce constat de la ma-nière suivante : « Généralement, lorsquel’on parle de muséologie, on envisage

autant la théorie que la pratique, mais ilexiste des confusions terminologiques.Parfois, le terme “muséologie” se réfèreseulement au niveau théorique, commedans le nom du comité international,mais il est aussi explicitement utilisé enréférence aux aspects pratiques, notam-ment au Musée national d’Helsinki (Fin-lande) dont le département muséologiqueest responsable [des aspects techniques]de la préservation et de la présentationdes collections. Certains auteurs utilisentle terme “muséographie” pour désigner ceniveau pratique. » (Van Mensch, 1989 : 85.)

Deuxième acception : l’étude des buts,de l’organisation des musées, d’un cer-tain nombre d’activités concernant lapréservation et l’utilisation du patrimoineculturel et naturel.

Cependant une évolution réelle est àl’œuvre, suivant peut-être en cela l’ou-verture d’un certain nombre de cours demuséologie ou d’études muséales de parle monde. Certes, des cours étaientprofessés depuis les années 1920 dansun certain nombre de musées ou d’uni-versités (au Louvre, à Harvard, à Ne-wark, etc.). C’est cependant à partirdes années 1960 que l’on voit surgirdes formations universitaires nettementplus ambitieuses (masters, cursus com-plets, etc.), notamment à Brno (1963),Leicester (1966), Paris (1970) et Leiden(1976). Sans doute les ambitions de cescursus imposent-elles un effort de théo-risation sur les savoirs formulés. Toujoursest-il que, en 1970, dès la première annéede son cours de muséologie aux univer-sités de Paris-I et Paris-IV, G.-H. Rivièredonne une définition beaucoup plusdétaillée que celle qu’il avait proposéeprécédemment et qui prend fondamen-talement en compte le rôle social dumusée (cette définition se trouve d’ailleurscorrespondre globalement au plan dumême cours, dont la première partie s’in-titule : « Musée et société ») : « Sciencedu musée, la muséologie a pour objetd’élaborer l’histoire de cette institutionet, au plan théorique, d’en étudier lerôle dans la société, les fonctions de

135EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

recherche, de conservation, d’éducationet d’organisation, la typologie et la tech-nologie. En tant que telle, elle se dis-tingue de la muséographie, système plusou moins développé de descriptions etde moyens techniques concernant lemusée6. » Dix ans plus tard la définitiona été enrichie. En voici la dernière for-mulation, de 1981 : « La muséologie :une science appliquée, la science dumusée. Elle en étudie l’histoire et le rôledans la société, les formes spécifiquesde recherche et de conservation physi-que, de présentation, d’animation etde diffusion, d’organisation et de fonc-tionnement, d’architecture neuve ou mu-séalisée, les sites reçus ou choisis, latypologie, la déontologie. » (Rivière,1989 : 402.) Il faut préciser que cettedéfinition de la muséologie renvoyait àune définition du musée, par le même,au moins aussi dynamique (et sociale)que celle que l’Icom avait inscrite deuxans auparavant, en 1974, dans ses nou-veaux statuts.

Il est intéressant de noter que paral-lèlement, en 1975, G. Ellis Burcaw, di-recteur du département de MuseumsStudies de l’université de l’Idaho, utiliseencore le terme anglais « museology »dans son premier sens, lorsqu’il écrit :« Bien que le terme “muséologie” ne soitpas utilisé couramment de nos jours,il possède une longue histoire. Peu degens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur dumonde des musées, ont regardé le tra-vail muséal comme une véritable profes-sion. La position extrême du profaneétait (et reste encore) […] que les tra-vailleurs de musée doivent seulementêtre des spécialistes dans un domaineparticulier. » Et d’ajouter aussitôt, entreparenthèses « et ne doivent pas avoir decompréhension théorique du musée engénéral ». Mais, dans le même ouvrage,Burcaw utilise une définition qui setrouve être presque identique à celle deRivière (et qu’il attribue d’ailleurs àl’Icom) : « La muséologie est la sciencedu musée, elle en étudie l’histoire et lerôle dans la société, les formes spéci-fiques de recherche et de conservation,

d’éducation et d’organisation, leurrelation avec leur environnement, et laclassification des musées. Bref, la muséo-logie est la branche du savoir concer-nant l’étude des buts et de l’organisationdes musées. La muséographie est l’en-semble des techniques relatives à lamuséologie. Elle couvre les différentesméthodes et pratiques utilisées au seindes musées dans leurs aspects les plusdivers. » (Burcaw, 1975 : 12-13.) Cettedernière définition est encore reprisedans la troisième édition de son Intro-duction to Museum Work, en 1997.

Ce groupe de définitions est proba-blement celui qui trouve le plus de réso-nances auprès de la profession muséale,tous pays confondus. Très générales,étymologiquement cohérentes, ces défi-nitions, reprises par certains des plusgrands théoriciens du musée (Burcaw,Rivière), permettent ainsi de catégoriserthéorie et technique du musée. Ainsi, ladénomination des cours sur le muséeportera assez logiquement le titre de« muséologie » (la plupart des Anglo-Saxons, cependant, utilisent de préfé-rence le concept de museum studies oud’étude du musée, cf. infra). La muséo-logie interroge donc, comme disciplinespécifique, l’évolution du musée au coursde son histoire, ses missions et ses fonc-tions. Tout se passe cependant comme sile musée formait, en tant que tel, uneforme stable dont l’évolution ne passeque par la transformation de ses techni-ques. On sait cependant que le conceptde musée a considérablement évolué,qu’il fut un temps où « musée » ne signi-fiait nullement un lieu où des objetsétaient conservés et étudiés, que d’autrestermes (cabinets, théâtres, thésaurus,cornucopia) étaient parfois utilisés.D’un point de vue strictement logique,la muséologie ne consiste donc pas tou-jours en l’étude du musée, mais d’unprincipe sous-jacent ayant donné nais-sance, à partir du XVIIe siècle, au muséemoderne tel que nous le connaissons ;sinon, la muséologie laisse en dehors deson champ d’étude « l’essentiel du phé-nomène », comme le souligne Zbynek

136EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Stransky (Stransky, 1995). Évitant cetécueil, Peter van Mensch propose de con-sidérer la muséologie dans une optiqueplus large que celle du musée classique :« Une science concernant la rechercheliée à la sélection, l’entretien et l’accessi-bilité des manifestations matériellesde la culture et de la nature, qui sontpréservées par des institutions (princi-palement des musées) à des fins derecherche, d’éducation et de délectation.À cette fin, la muséologie utilise desméthodes spécifiques et des techniquesmises en œuvre par d’autres sciences– selon leur objet d’étude – et est ainsihautement déterminée par l’interdiscipli-narité, la supradisciplinarité ou la mul-tidisciplinarité, mais elle développeégalement ses propres méthodes pouratteindre les résultats recherchés. »(Mensch, 1989 : 85.)

NAISSANCE D’UNE PLATE-FORME INTERNATIO-NALE : ICOFOM

La nécessité de modifier cette concep-tion, peut-être limitée, de la muséologievient d’ailleurs. Un certain nombre deconservateurs ou d’enseignants de lamuséologie ou de chercheurs, réunis ausein de l’Icom, seule plate-forme inter-nationale, ressentent assez rapidementles limites de cette discipline qui, fauted’échanges et de programmes de coopé-ration, ne semble se développer que trèsfaiblement. En 1976, depuis Stockholm,Vinos Sofka insiste sur la nécessité duchangement de point de vue lorsque, àdestination – et, semble-t-il, à la stupé-faction – de la communauté muséalesuédoise, il définit la muséologie eninsistant sur le travail interdisciplinaire àréaliser et sur les nouvelles perspectivesque cette recherche pouvait présenter :« La muséologie, comme science ouétude sur les musées, est conçue de nosjours comme une recherche interdiscipli-naire, qui coordonne les autres scienceset les fait converger vers les musées,leur système et leurs caractéristiques. Lesméthodes propres de chacune de cessciences sont appliquées à l’objet de

recherche commun qu’est le musée. »(Sofka, 1976 : 5.)

C’est afin de poursuivre dans cetteperspective évoquée par Sofka que voitle jour le Comité international pour lamuséologie / International Comitteefor Museology (Icofom), à l’initiativede Jan Jelinek, alors président de l’Icom,directeur du musée Antropos à Brnoet intéressé à ce titre aux problèmesd’interdisciplinarité que présente letravail muséal et que semble résoudre lamuséologie. C’est à partir de ce comitéque va évoluer la conception que l’onavait de cette discipline – non seulementle sens du terme mais aussi, à coup sûr,le contenu du concept. C’est lors de l’as-semblée générale de l’Icom à Moscou,en mai 1977, que le Comité pour la muséo-logie est officiellement institué et tient sapremière réunion officielle, sous la pré-sidence de Jan Jelinek. Les objectifs ducomité visent clairement à développerune recherche théorique à partir desdéfinitions évoquées plus haut, notam-ment celle de Rivière. Les objectifs ducomité visent à établir la muséologiecomme discipline scientifique, étudier etassister le développement des muséeset de la profession muséale, étudier lerôle des musées dans la société et en-courager l’analyse critique des princi-paux courants de la muséologie.

La seconde réunion a lieu en Polo-gne (Varsovie, Niebirov et Torun), en1978, et la troisième un an plus tard enItalie (à Torgiano). Très rapidement sefait sentir le besoin d’une politique depublication. Parmi les conclusions de laréunion de Pologne, on peut ainsi noterque : « La recherche sur les musées– son but et son rôle, sa fonction, sonorganisation et ses méthodes, etc. –doit être assurée par les musées. Cetterecherche muséologique – fondamentaleet appliquée – doit être interdisci-plinaire. En réalisant la collaborationentre les musées, elle doit utiliser lesrésultats de tous les domaines scientifi-ques qui peuvent contribuer au développe-ment continuel du musée. Des institutsmuséologiques ou des cabinets pour la

137EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

muséologie devraient être créés danstous les pays. Un centre internationalpour les études muséologiques aide-rait à simplifier les échanges des idéeset des résultats de la recherche dans cedomaine. […] Afin de couvrir les besoinssi bien connus et très urgents, l’Icomdevrait élaborer et publier un manuelsur la muséologie au terme le plusproche. La publication deviendrait, decette façon, une base pour les discus-sions continuelles sur la muséologie etune aide aux études muséologiques auxuniversités et aux différents institutsd’éducation, aussi bien qu’à l’éducationcontinuelle du personnel et à ses be-soins pratiques. » (Icofom, 1978 : 2-3.)

La question des publications permetde saisir la différence de point de vueentre les professionnels des muséeset les théoriciens de l’institution. Ainsi,il semble bien que certaines tensions seproduisent au commencement entreIcofom et le Comité pour la formation(Ictop) qui craint le concurrence – ten-sions qui se sont notamment expriméeslors d’une réunion que Ictop a tenue àLeicester, les 24 et 25 septembre 1979.Outre qu’ils souhaitent faire la compa-raison entre les contenus des cours demuséologie dispensés respectivement àBrno, Leicester et Paris et que Ictop en-visage la publication de manuels prati-ques, les deux Comités ont en communla charge de publier un Traité de muséo-logie, dont l’initiative avait été priseen 1978 par le Comité exécutif de l’Icom,planifié pour être publié en 1983, enquatre volumes (Musée et Société ; Muséeet Patrimoine ; Le musée en tant qu’ins-titution ; L’Avenir du musée, études decas). Ce traité n’a jamais été achevé.Vinos Sofka, chargé de représenter l’Ico-fom à la réunion de Leicester, remarqueque les oppositions ne se manifestentpas sur la base d’arguments doctrinaux,mais simplement parce que, si l’accordpeut se faire sur la nécessité de mettreau point des guides pratiques, presquepersonne ne semble ressentir le besoinde théoriser. C’est pourquoi le représen-tant de l’Icofom doit préciser que « le

travail d’Icofom, selon ses principes fon-dateurs, vise à étudier les questions phi-losophiques et théoriques liées aumusée par le biais d’un inventaire desopinions internationales – ce que nousferons systématiquement – et par l’ana-lyse de cet inventaire » (Sofka, 1995 : 15).

Jusqu’en 1983 et la réunion du comitéà Londres, pendant la 13e Conférencegénérale de l’Icom, au cours de laquelleVinos Sofka est élu président d’Icofom,la vie du comité demeure quelque peuchaotique. Cependant, si ni le traité nile manuel n’aboutissent, une propositionde Sofka approuvée à Torgiano restecapitale : celle de publier des « docu-ments de travail sur les questions muséo-logiques fondamentales ». Ce dernierréussit ainsi à mettre au point un pre-mier volume de Museological WorkingPapers (MUWOP/DOTRAM) pour la 12e Con-férence générale de l’Icom, à Mexico, du25 octobre au 4 novembre 1980. Unsecond volume paraît en 1982, avantque ne soit interrompue la publication,pour des raisons financières. La série desIcofom Study Series, qui prend le relais àpartir de 1983 et publie les contributionsaux symposiums annuels du comité,constitue le vrai départ de la réflexionmuséologique internationale. Ainsi, enl’espace d’un quart de siècle, l’Icofompublie plus de 7 000 pages de réflexionset synthèses sur les sujets suivants :

La muséologie – science ou seule-ment travail pratique du musée ? 1980(Muwop 1)

L’interdisciplinarité en muséologie,1982 (Muwop 2)

Méthodologie de la muséologie et laformation professionnelle, Londres, 1983(ISS 1, 3, 5)

Musée – territoire – société, Londres,1983 (ISS 2, 4)

Collectionner aujourd’hui pour demain,Leiden, 1984 (ISS 6-7)

Originaux et substituts dans les musées,Zagreb, 1985 (ISS 8-9)

Muséologie et identité, Buenos Aires,1986 (ISS 10-11)

Muséologie et musées, Helsinki, 1987(ISS 12-13)

138EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Muséologie et pays en voie de déve-loppement, Hyderabad, 1988 (ISS 14-15)

La prospective – un outil muséolo-gique ? Muséologie et futurologie, DenHaag, 1989 (ISS 16)

Muséologie et environnement, Living-stone, 1990 (ISS 17)

Le langage de l’exposition, Vevey, 1991(ISS 19-20)

La recherche muséologique, Québec,1992 (ISS 21)

Musées, espace et pouvoir, Athènes,1993 (ISS 22)

Objet-Document ? Beijing, 1994(ISS 23)

Musée et communauté, Stavanger,1995 (ISS 24-25)

Muséologie et art, Rio de Janeiro,1996 (ISS 26)

Muséologie et mémoire, Paris, 1997(ISS 27-28)

Muséologie et mondialisation, Mel-bourne, 1998 (ISS 29-30)

Muséologie et philosophie, Coro,1999 (ISS 31)

Muséologie et le patrimoine immaté-riel, Munich, 2000 (ISS 32)

Muséologie, développement social etéconomique, Barcelone, 2001 (ISS 33a)

Muséologie et présentation : originalou virtuel, Cuenca, 2002 (ISS 33b)

Muséologie un instrument d’unité etde diversité ? Krasnoyarsk, 2003 (ISS 34)

LA MUSÉOLOGIE DE L’EST

L’inventaire analytique des opinions surles musées, auquel appelait VinosSofka, s’il demeure encore fort incom-plet de nos jours, a cependant permisde mettre en valeur la diversité éton-nante au sein de la réflexion muséolo-gique mondiale. Sans doute le plussurprenant fut-il, pour les muséologuesoccidentaux, de découvrir au cours desannées 1970 et 1980 les travaux réalisésde l’autre côté du rideau de fer, dans lespays dits du Bloc de l’Est. La muséolo-gie, comme système théorique, y avaitalors conquis une place à laquelle ellene pouvait encore prétendre dans lespays occidentaux.

Deux traits distincts fondent lamuséologie de l’Est : d’une part ses pré-tentions scientifiques, d’autre part, lesprincipes marxistes-léninistes d’analysequi lui sont parfois sous-jacents « Mu-séologie, une discipline scientifique trai-tant de l’origine des musées et de leursfonctions sociales, de questions de théo-rie et de méthode d’administration desmusées. La muséologie comprend l’étudedes conditions sociales qui détermi-nent l’origine et le fonctionnement desmusées », annonce le muséologue sovié-tique Avraam Razgon (Razgon, 1978 : 254).Pour ce muséologue, comme parexemple pour son collègue de la Répu-blique démocratique allemande KlausSchreiner, tous deux membres actifsde l’Icofom dès les premières heures, lamuséologie ne peut cependant pas êtreimpartiale. Les musées – l’histoirerécente l’a bien démontré – sont desappareils idéologiques efficaces et doi-vent, à ce titre, être contrôlés par leParti. Les méthodes muséographiques(notamment les méthodes de présen-tation), en ce sens, doivent refléter lepoint de vue marxiste-léniniste. Ce pointde vue se heurte aux réactions demuséologues américains, notammentBurcaw. Ce dernier, s’il constate le rôlepolitique joué par les musées en Europede l’Est, souligne également l’approchedélibérément scientifique prise par leComité de muséologie de l’Icom (consti-tué, au départ, d’un grand nombre demuséologues de l’Est) : « Aux États-Unis,et, je pense, dans les pays occidentaux,nous avons tendance à envisager lestravaux des musées davantage sousl’angle des résultats mesurables quesous l’angle des fondements théori-ques. » (Burcaw, 1981 : 30-31.) Raressont en effet, chez les Anglo-Saxons, leschercheurs qui s’intéressent à la théori-sation du travail muséal par le biais de lamuséologie – si la science des muséesexiste, pourquoi ne pas fonder unescience des grands-mères, la grandmo-therology, ironise Washburn. L’approcheanglo-saxonne diffère notamment parson système d’enseignement universitaire.

139EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Si l’on n’initie pas, dans ces universi-tés, de cours sur de supposées nouvel-les sciences, le système d’étude permetcependant de regrouper plusieurs coursissus d’approches différentes afin d’abor-der un même sujet. Ainsi voit-on appa-raître, à côté de gender studies ou deceltic studies, des formations de culturalstudies de material culture studies et demuseum studies ou études muséales.L’approche d’Icofom, dès sa fondation,est fort différente : les premiers sujetstraités par le comité (muséologie commescience, muséologie et interdisciplina-rité, méthodologie de la muséologie)abordent en effet la muséologie à partird’un point de vue partagé communé-ment par les muséologues de l’Est, celuide la muséologie comme science en for-mation. Cette approche, qui dominerales débats durant les quinze premièresannées de l’activité de l’Icofom, est ini-tiée à l’Est dès les années 1950, notam-ment en URSS et au travers des écrits deJiri Neustupny (Tchécoslovaquie), l’undes premiers à disséminer cette approcheau reste du monde7 (Neustupny, 1971 :67-68), mais aussi par le biais des contri-butions de Joseph Benes (Tchécoslova-quie), de Wojciech Gluzinski (Pologne)ou de Ilse Jahn et Klaus Schreiner (Alle-magne de l’Est). C’est cependant surtoutà partir des travaux d’un groupe descientifiques tchécoslovaques, et princi-palement des travaux de Zbynek Stran-sky, qu’un certain nombre de pas vontêtre franchis.

Troisième acception : l’étude de lamuséalité ou d’une relation spécifiqueentre l’homme et la réalité

La Tchécoslovaquie, et notammentla ville de Brno, joue en effet à cetteépoque un rôle de premier plan au niveaude la formation en muséologie. Jan Jeli-nek, déjà cité, y fonde dès 1963 un dé-partement de muséologie à l’universitéPurkinje de Brno (actuellement universitéMasarik), avec l’assistance de ZbynekStransky ; parallèlement, un départementde muséologie est également créé aumusée morave de la même ville. En 1968,

Jelinek demande à Vinos Sofka (qui de-viendra le président et la cheville ouvrièrede l’Icofom de 1982 à 1989) d’organiserdes cours de muséologie sous l’égide del’Unesco ; la répression du Printemps dePrague mettra un frein brutal à ces pro-jets et il faudra attendre 1987 pour quel’International Summer School of Museo-logy voie le jour à Brno.

C’est dans ce contexte que des défi-nitions de la muséologie, à la fois beau-coup plus larges et plus dynamiques queles précédentes, voient le jour, fondantla muséologie non sur le musée mais cequi détermine celui-ci, à savoir l’hommeet son attitude face à la réalité, attitudequi se détermine par la sélection et lapréservation de ses témoins authenti-ques : « La muséologie est une disciplinescientifique indépendante, spécifique,dont l’objet d’étude est une attitude spé-cifique de l’homme à la réalité, expres-sion des systèmes mnémoniques, quis’est concrétisée sous différentes formesmuséales tout au long de l’histoire. Lamuséologie a la nature d’une sciencesociale, ressortant des disciplines scienti-fiques documentaires et mnémoniques,et contribue à la compréhension de l’hom-me au sein de la société. » (Stransky,1980 : 398.) Cette nouvelle approche dela muséologie trouve pour des annéesson ciseleur sous la plume d’Anna Gre-gorova : « La muséologie est une sciencequi examine le rapport spécifique del’homme avec la réalité et consiste dansla collection et la conservation, con-sciente et systématique, et dans l’utilisa-tion scientifique, culturelle et éducatived’objets inanimés, matériels, mobiles (sur-tout tridimensionnels) qui documententle développement de la nature et de lasociété » et « le musée est une institutionqui applique et réalise le rapport spé-cifique homme-réalité. » (Gregorova,1980 : 20-21.) Les autres membres ducomité comprennent très vite qu’un vraitournant est pris et, à des nuances près,adoptent le même point de vue. Cetterelation spécifique qui sous-tend lamuséalisation du monde par l’hommeest décrite par Waldisa Russio comme

140EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

« fait muséal » ou par Friedrich Waida-cher comme « muséalité » et se présentecomme l’objet principal de l’étude de lamuséologie : « Même les plus anciennestraces d’activités humaines nous permet-tent de présumer que nos ancêtres vou-laient préserver des témoins matériels deleur monde et les transmettre à la posté-rité. La muséologie a pour mission d’in-vestiguer cette attitude et toutes sesoccurrences dans le passé, le présent et lefutur. Cette relation spécifique de l’hommeà la réalité est appelée la muséalité. Celasignifie que l’homme identifie, évalue,sélectionne, étudie et préserve des objetsde son monde comme témoins de faitsparticuliers, et tente de les communiquerà ses proches, autant qu’à la postérité9. »(Waidacher, 1996.)

Le concept de « relation spécifique »offre donc une base d’étude plus vastemais plus stable que le musée, car siles formes d’institutions préservant destémoignages de la réalité peuvent évo-luer au fil du temps (trésors d’églises,cabinets de curiosités, musées moder-nes, etc.), cette relation, fondée surl’homme et son besoin immémorial decollectionner, de muséaliser, semble per-durer de manière stable. Ainsi défini,l’objet des recherches en muséologieporte donc sur les raisons, autant quela manière, qui poussent l’homme àmuséaliser ou non : « La muséologieétudie le comportement de l’hommeenvers les valeurs idéales que l’hommeattribue aux choses. Toute chose – quin’existe d’ailleurs culturellement que parsa relation avec l’homme, individuel oucollectif – a, d’une part, une fonction uti-litaire (à laquelle s’intéressent en parti-culier les ethnologues et sociologues) et,d’autre part, des valeurs attribuées (dansce contexte, Krysztof Pomian parle desobjets comme sémiophores). Nous dis-tinguons des valeurs matérielles (avanttout la valeur pécuniaire) et des valeursidéelles. Ce sont ces dernières auxquellesla muséologie a trait, soit la valeur es-thétique, commémorative, heuristique,symbolique. La muséologie étudie doncpourquoi et comment l’individu ou la

société, pour des raisons autres que leurfonction utilitaire ou leur valeur maté-rielle, muséifie (collectionne, etc.), ana-lyse et communique des choses, desobjets – ou, bien sûr, pourquoi l’indi-vidu, la société ne le font pas. C’estdonc la relation homme/société/patri-moine qui est au centre de toute recherchemuséologique. » (Schärer, 1995 : 261).

Mais ces définitions ne sont pasconnues, et encore moins acceptées, desprofessionnels – en dehors des membresde l’Icofom et d’une partie des adeptesde la nouvelle muséologie ou de l’éco-muséologie (puisqu’elles vont dans lemême sens). Pour ces derniers, dont ilsera question plus loin, le patrimoinedevient un tout dont le musée classiquene détient qu’une partie, et l’écomusée,sur un territoire défini, peut être étendupotentiellement à tout ce qui existe. Leterme ou l’objet d’étude, jugé souventtrop abscons et trop loin des véritablesbesoins empirico-pratiques évoqués parBurcaw, ne permet en outre pas dedéfendre le choix de « muséologie » pourune telle discipline, que certains souhai-teraient baptiser heritology (patrimono-logie), comme proposé tour à tour parTomislav Sola et Klaus Schreiner en 1982– ou mnemosophy, également envisagépar Sola.

Il ne faut cependant pas oublierque si, pour la plupart des membres del’Icofom, la définition de la muséologiecomme étude d’une relation spécifiqueentre l’homme et la réalité offre de sti-mulantes perspectives de réflexion surle musée actuel et son fonctionnement,c’est avant tout pour répondre aux pré-tentions scientifiques des muséologuesd’Europe de l’Est que cette conceptionest adoptée. Dans ce contexte où l’exis-tence de la muséologie comme sciencedoit impérativement être démontrée afinde positionner cette discipline au seindu système universitaire, un certainnombre de critères doivent logiquementêtre rencontrés. Stransky, le plus ardentdes défenseurs de cette position, lesdécrit de la manière suivante : « Les pro-blèmes de l’existence de la muséologie

141EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

peuvent être seulement résolus si l’onprouve : 1. que le phénomène muséalest vraiment l’expression d’une relationspécifique de l’homme à la réalité ;2. que cette relation nécessite des con-naissances spécifiques qui ne sont pasapportées par d’autres sciences exis-tantes ; 3. qu’il existe des conditionspréalables d’ordre historique, social etmétascientifique pour instituer commediscipline scientifique ce qui est unefinalité gnoséologique spécifique ; 4. etque, sans cette discipline scientifique,on ne peut continuer à être efficacedans le musée, ni résoudre les problè-mes de la fonction et de l’importance duphénomène muséal dans la société. »(Stransky, 1995 : 15.) Ces caractéristiquesse traduisent par un objet d’étude spéci-fique, un langage scientifique particulier,des méthodes caractéristiques, un sys-tème scientifique et son intégration avecles autres sciences.

LA MUSÉOLOGIE COMME SCIENCE ?

Les principaux travaux de l’Icofom, dansce contexte préscientifique d’une scienceen formation, portent plus sur la cons-titution théorique de la science, sorted’épistémologie de la muséologie, quesur des recherches originales à partir deladite science. Ainsi, parmi les princi-paux travaux synthétiques sur le thème,on notera, outre les contributions deStransky, la thèse de Peter Van MenschTowards a Methodology of Museology,ainsi que les ouvrages de Ivo Maroevicet de Friedrich Waidacher10, chacun deces ouvrages tentant de synthétiser lesvues souvent très différentes sur lamuséologie, d’en dessiner les contourset la structure, d’en définir les conceptsclés – de dresser la table des matièresavant d’écrire le livre, diront certainsesprits chagrins – afin de rendre pluscohérente la discipline.

Ainsi, l’objet de connaissance, noyaud’étude dont il a été question plus haut,constitue toujours un sujet de discussionimportant, tous les muséologues nes’entendant pas sur l’objet d’étude de la

muséologie. Van Mensch, les résumantdans sa thèse, en souligne la grandeabondance :

1. La muséologie comme l’étude desbuts et de l’organisation des musées.

2. La muséologie comme l’étude del’exécution et de l’intégration d’un cer-tain nombre d’activités de base concer-nant la préservation et l’utilisation dupatrimoine culturel et naturel au sein ducontexte muséal institutionnel, ou indé-pendamment de toute institution.

3. La muséologie comme l’étude desobjets de musées – ou l’étude de lamuséalité comme qualité distincte desobjets de musées.

4. La muséologie comme l’étude d’unerelation spécifique entre l’homme et laréalité.

Si les premières acceptions, celles del’approche institutionnelle et de l’appro-che fonctionnelle, sont encore actuelle-ment les plus couramment usitées, ce sontles dernières qui influencent le plussouvent les muséologues de l’Icofom,celles d’une approche fondée sur ce quel’on définit parfois comme le « cœur » dumusée : la collection principalementconstituée d’objets ou de témoins maté-riels (et immatériels) de l’homme et deson environnement.

La structure du système muséologiqueest également abordée à plusieurs repri-ses, afin de définir les grands axes derecherche. Neustupny, parmi les pre-miers, discerne la muséologie générale,étudiant les problèmes communs à tousles musées et toutes les sciences concer-nées, les muséologies spéciales, concernantle domaine spécifique propre à chaquescience et son application à la muséo-logie (muséologie géologique, archéo-logique, etc.), ainsi que la muséologieappliquée ou muséographie. Cetteapproche qui rencontre une grandeadhésion au sein de l’Icom est par lasuite affinée ou modifiée par de nom-breux muséologues, notamment Razgon,Tsuruta, Van Mensch et Stransky. VanMensch, notamment, définit le conceptde muséologie théorique afin de rendrecompte de la réflexion épistémologique

142EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

sur la muséologie, concept que Stranskydéfinit par métamuséologie. « La muséo-logie générale traite des principes depréservation, de recherche et de com-munication des témoins matériels del’homme et de son environnement, et ducadre institutionnel qui entoure ces acti-vités. Elle examine également les condi-tions sociales préalables à ces activités etleur impact sur les tâches mentionnéesplus haut. La muséologie théorique poseles fondations philosophiques (notam-ment épistémologiques) de la muséo-logie. La muséologie spéciale abordeles liens entre la muséologie généraleet les disciplines particulières liées àla recherche de témoins matériels del’homme et de son environnement (his-toire de l’art, anthropologie, histoirenaturelle, etc.). La muséologie historiquetravaille dans une perspective histori-que globale. La muséologie appliquéeconcerne les implications pratiques desprincipes de la muséologie, assistée parun grand nombre de disciplines auxi-liaires. La subdivision de ce champ estfondée sur les trois fonctions muséo-logiques de base : la préservation(acquisition, inventaire, documentation,conservation), la recherche et la com-munication (présentation, éducation),accompagnée par l’administration etla gestion. » (Van Mensch, 1989 : 87.)Témoin de ces difficultés de synthèse, ladéfinition par Stransky de la muséologiethéorique est celle que Van Menschpropose pour la muséologie générale, lesavant tchèque proposant quant à luid’ajouter la muséologie sociale, pourétudier le phénomène de muséalisationdans le cadre de la société actuelle : « Lamuséologie théorique constitue le noyaugnoséologique du système de la muséo-logie. L’objet de cette discipline, c’est lareconnaissance de la relation spécifiquede l’homme à la réalité, laquelle mènevers son appropriation, avec un glisse-ment de sens vers la réalité culturelle. »(Stransky, 1995 : 36.)

C’est à partir de la muséologie théo-rique que la muséologie appliquée peutêtre définie, amenant les professionnels

des musées vers un terrain qui leur estplus familier, celui des fonctions muséa-les de base. À cet égard, si le continentaméricain connaît encore de nombreuxpartisans du principe élaboré par JosephVeach Noble, instituant cinq responsabi-lités de base au travail muséal : collecter,conserver, étudier, interpréter et expo-ser, la plupart des muséologues se sontrassemblés autour d’un système à troispôles, défini comme le modèle PRC, iden-tifiant par ses initiales les opérations dePréservation, de Recherche et de Commu-nication, mis au point par la ReinwardtAcademie ; la préservation impliqueselon cette optique les tâches de col-lecte, de conservation et de gestion descollections, tandis que la communicationcomprend les activités d’exposition, d’in-terprétation ou de communication parla voie de publications, etc. Ce modèlerappelle les activités de conservation, derecherche et de présentation de Rivièreou les fonctions de sélection, de thésau-risation (ou documentation) et de com-munication envisagées par Stransky.

Si nombre de muséologues se sontattachés à ainsi mieux définir l’objet deconnaissance de la muséologie, la struc-ture de son système et son rapport avecles autres sciences, le plus importantreste à bâtir, soit la constitution d’unsavoir basé sur des méthodes spéci-fiques et que d’autres méthodes scientifi-ques ne pourraient produire. C’est danscette perspective que, par exemple, VanMensch et Maroevic ont tenté d’élaborerdes méthodes d’analyse spécifiques (etnon dérivées de la linguistique, de lasémiologie ou des travaux de Foucault,comme l’ont proposé plusieurs cher-cheurs de l’université de Leicester) àl’analyse muséologique des objets, envi-sagés dans ce cadre comme objets docu-ments ou objets porteurs d’information,clé du système de connaissance de lamuséologie. Dans cette perspective, cene sont pas les données factuelles maisculturelles qui sont avant tout étudiéespar la muséologie, soit leurs valeursheuristique, symbolique, commémora-tive ou esthétique, comme le souligne

143EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Schärer dans sa définition de la muséo-logie.

Il faut cependant remarquer que, sila production strictement muséologiquedéveloppée notamment dans le cadredes Icofom Studies Series est abondante,rares sont les méthodes d’analyse qui sedégagent et tout aussi rares sont lesrésultats systématiques engendrés par detelles méthodes, permettant de dégagerune modélisation des activités de muséa-lisation. C’est à partir de la même situa-tion que Bernard Deloche conclut quela vocation de la muséologie ne peutêtre scientifique, à moins que le termede science ne soit utilisé de manièregénérique. La muséologie, en effet, nepratique pas scientifiquement la muséali-sation, elle ne produit pas de contenu deconnaissance et ne peut d’ailleurs objec-tivement prétendre observer de l’exté-rieur le champ muséal. C’est dans cecontexte que peut se concevoir une autreacception de la muséologie, plus vastemais sans pour autant être fondée sur lascience.

Quatrième acception : une philosophiedu muséal

On doit à l’Américaine Judith Spiel-bauer d’avoir réussi à intégrer l’approchede la « relation spécifique » pour pro-duire l’une des définitions les plusélargies du musée, sans pour autants’inscrire dans une perspective scienti-fique : « Le musée est un moyen, ce n’estpas une fin. Ses fins ont été clarifiées dediverses façons. Elles comprennent l’in-tention de favoriser la perception indivi-duelle de l’interdépendance des mondesnaturel, social et esthétique en offrantinformation et expérience, et en facilitantla compréhension de soi-en-contexte etde soi grâce au contexte. Elles compren-nent aussi la dissémination des connais-sances, l’amélioration de la qualité devie et la préservation pour les généra-tions futures. » (Spielbauer, 1987 : 271-277.)Cette définition entraîne une vue pluslarge de la muséologie, qu’elle décritdans le même article : « À mon pointde vue, la muséologie est la théorie

relationnelle et organisationnelle, maisaussi la connaissance nécessaire et lesméthodes ainsi que le cadre méthodolo-gique utilisé pour faire de la préserva-tion un élément actif dans l’expériencehumaine. Ceci par l’étude de la relationculturellement structurée que l’individuentretient avec les valeurs et le sens quemanifeste la culture matérielle. »

La réflexion de Spielbauer s’inscritdans un certain contexte pragmatiqueaméricain que ne renieraient pas deuxde ses plus remarquables prédécesseurs,George Brown Goode et John CottonDana : la muséologie sera véritablementétablie lorsqu’elle rendra le travailmuséal incontournable pour l’épanouis-sement humain. Spielbauer rappelle éga-lement à juste titre les visées très largesque peut revêtir l’institution muséale etdans laquelle on peut aisément insérerle musée moderne, mais égalementd’autres institutions plus anciennes,n’ayant par ailleurs pas toujours collec-tionné de témoins matériels, tels leMouseion antique, le musée/catalogueou le musée/texte. On peut égalementen déduire – Spielbauer le signale impli-citement – que dans ce contexte, la col-lection non plus n’est pas une fin, maisseulement un moyen. Autre façon deremarquer que la « relation spécifique »,dans le cadre actuel évoque un moyenet non une fin.

À ce stade, il est important de remar-quer que chacune des acceptions pré-cédentes de la muséologie conçoit laconstitution d’une collection et la con-servation des objets comme collection.Les musées antiques sont certes liés àl’étude philosophique qui porte incon-testablement sur une relation entrel’homme et la réalité, mais cette relation,bien que tendant à être documentée etperpétuée, ne passe pas par la rétentiondes objets. Définissant un « cabinetd’homme de lettres. Lieu destiné àl’étude des beaux-arts, des sciences et deslettres, du nom des muses protectricesdes beaux-arts » selon le dictionnaire deTrévoux, le terme de « musée » poursuitsa destinée jusqu’à au moins la fin du

144EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

XVIIe siècle. Si la rencontre et la discus-sion apparaissent dans ces lieux commeprépondérantes, les collections peuventne pas y figurer. Jusqu’au XIXe siècle, voireencore dans quelques revues actuelles,le terme de « musée » est égalementutilisé pour désigner des ouvrages ency-clopédiques. Ces revues ou ouvragessont considérés comme des musées àpart entière, témoignant de cette mêmevolonté d’appropriation de la réalité parl’homme, sans que ce dernier souhaite laconserver physiquement. C’est évidem-ment selon ce même principe que l’onpeut considérer le développement desmusées virtuels, sous forme de cédéromsou sur Internet. On sait en outre toutesles difficultés rencontrées par les princi-paux protagonistes de la « nouvelle muséo-logie » (cf. infra) pour faire reconnaîtrele principe de l’écomusée, dont les rap-ports à l’objet et à sa conservation phy-sique s’écartent (alors) considérablementde la norme communément admise parl’institution. En outre, actuellement, l’Icomreconnaît les centres scientifiques ainsique les planétariums comme répondantà sa définition du musée. Les collectionsde ces institutions sont, sinon inexistantes,du moins composées de documents dontles principes de conservation s’accor-dent mal avec les principes définis dansles musées classiques. La conception dela muséologie selon les trois premièresacceptions ne peut intégrer ces éléments ;la dernière approche, plus vaste, plutôtcentrée sur une approche critique quesur la constitution d’un champ spécifi-que, intègre également ces institutionsà la périphérie de la filière muséale clas-sique.

Le point de vue adopté par BernardDeloche permet de mieux saisir les liensentre ces autres éléments que formentmusées antiques ou virtuels et le champmuséal classique. Tous, par leur approchede la réalité, renvoient de façon expliciteà l’expérience intuitive (voir, entendre,sentir, appréhender le monde de façonquasi immédiate), relation différente del’esprit du laboratoire, mais nettementplus proche du livre d’images (le musée

imaginaire de Malraux) ou des multimé-dias. Dans cette perspective, l’intuition,ou l’appréhension sensible directe, selonles termes de Deloche, occupe une placemajeure dans le principe du musée, et lamuséologie, corpus théorique et cri-tique, agit comme philosophie de l’en-semble du champ des musées étendu ausens le plus large, soit le champ muséal.« La muséologie est une philosophie dumuséal investie de deux tâches : (1) ellesert de métathéorie à la science docu-mentaire intuitive concrète, (2) elle estaussi une éthique régulatrice de touteinstitution chargée de gérer la fonctiondocumentaire intuitive concrète. » (De-loche, 2001 : 137.) L’éthique, dans cecontexte, ne se réfère pas aux normesou aux codes de bonne conduite établispar les associations de musée, mais àl’éthique philosophique questionnant lesvaleurs existantes au sein du champmuséal. Cette perspective positionneainsi comme muséologues les penseursles plus importants du champ muséal,influençant tant son approche théoriqueque ses développements pratiques, soitpar exemple sur le continent américaintraditionnellement réfractaire à la théoriemuséologique, tant Benjamin Yves Gil-man que George Brown Goode, JohnCotton Dana ou Henri Watson Kent, PaulSachs, Joseph Veach Noble, WilcombWashburn ou, pour notre époque, Dun-can Cameron, Neil Postman, Allan Wallach,Carol Duncan, Stephen Weil ou RolandArpin. Sur le continent européen, on seréférera notamment au courant de lanouvelle muséologie, à la muséologie dela rupture et, pour la Grande-Bretagne,à la New Museology (qui n’est en rien latraduction de la première). La nou-velle muséologie, au travers d’expé-riences réalisées un peu partout dansle monde, répercutées dans la revueMuseum International, a incontestable-ment influencé la manière de penser lemusée et les valeurs qui le gouvernent.

145EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

146EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

NOUVELLE MUSÉOLOGIE

La nouvelle muséologie constitue, dansl’histoire récente des musées, la manifes-tation la plus extrême du bouleverse-ment des valeurs engendré à partir dela fin des années 1960. On pourraitsituer son plus important développemententre 1972 et 1985. Sur le plan mondial,on parle toujours à cette époque d’expo-sitions temporaires, de présentation oud’architecture. Mais l’on parle aussi – etavec insistance – du trafic illicite et de larestitution des biens culturels, ou desmusées et des pays en voie de dévelop-pement. Quelque chose a changé avecle mouvement de décolonisation et quiévolue aussi dans les pays industrialisés.De nouveaux concepts voient le jour :« participation de la collectivité » ou« identité culturelle ». Sur fond d’expé-riences récentes (le musée de Voisinaged’Anacostia, la Casa del Museo et leprojet de Musée intégré, l’écomusée duCreusot…), une pensée se forge et sedéveloppe, qui questionne le musée, saplace dans la société et son rapport àl’homme et à l’environnement, mais quien même temps formule des réponses.Ces expériences nouvelles vont progres-sivement défrayer la chronique muséolo-gique et imposer leurs vues, du moinsdurant quelques années.

Le concept de « nouvelle muséo-logie » n’apparaît qu’au cours des an-nées 1980 pour qualifier certaines desexpériences les plus novatrices de ladécennie précédente (Desvallées, 1992et 1994). Ces expériences, bénéficient àla fois d’un soutien local – communau-taire – très important, mais aussi del’appui de deux anciens directeurs del’Icom, Georges-Henri Rivière et Huguesde Varine, dont les noms restent intime-ment liés à la fois à la théorisation et auxréalisations de ce mouvement.

Les expériences dont il est questionont pour caractéristique commune lerapport résolument différent qu’ellesgénèrent avec la population à laquelle lemusée est destiné. On pourrait dire quedans ces institutions, l’ancien « cœur » du

musée – la collection – a été placé à lapériphérie du système pour être rem-placé par l’humain, l’homme à qui l’ins-titution est destinée. Celle-ci ne s’adressepas au touriste de passage mais à l’indi-vidu qui vit sur le territoire dans lequelle musée a été installé. Ce territoire, cetenvironnement dans lequel des gensvivent et meurent, est la deuxièmedimension dans laquelle s’inscrivent cesinstitutions. Les « nouveaux » musées sesituent qui dans un faubourg défavoriséd’une grande ville (le musée d’Ana-costia, à Washington, 1967), qui dans unbidonville (La Casa del Museo à Mexico,1973), dans une région industrielle surle déclin (l’écomusée du Creusot, enFrance, 1974) ou dans une région ru-rale (l’écomusée de la Grande Lande,en France, 1969, ou celui de la Haute-Beauce, au Québec, 1982), c’est-à-dire àla périphérie (géographique) du mondemuséal classique, dans des lieux que lesmusées ont encore rarement pénétrés.Dans ces no man’s land culturels, lesgens ne vont pas au musée parce qu’ilsn’en ont pas les moyens ou qu’ils n’envoient pas l’intérêt, parce que les muséesne s’adressent pas à eux ni à leur passéculturel. Bien qu’il existe d’autres alter-natives, telles que les musées itinérants(par bus ou par train), celles-ci ne par-viennent pas à produire un sentimentd’appartenance et d’intérêt suffisant pourle projet muséal, geste trop bref pour sus-citer l’engouement de la population. Ceseront donc les musées qui viendronts’établir à la périphérie, mais avec d’au-tres objectifs que ceux des institutionsclassiques.

En dehors de quelques réflexions unpeu marginales, comme celles du FrançaisÉmile Groult dans les années 1870-1880,de l’Écossais Patrick Geddes, dans lesannées 1890-1900, de John Cotton Dana,aux États-Unis, ou du Belge Jean Capartpendant les années 1920 (les uns et lesautres menant surtout des recherchessur le rôle social du musée et semblantd’ailleurs s’ignorer respectivement), lemonde des musées ne s’était pas vérita-blement attaché à un bouleversement des

147EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

valeurs sociales – le musée agissantplutôt comme principe de renforcementde ces valeurs, l’Angleterre victorienneen représentant peut-être la plus remar-quable illustration. La « nouvelle muséo-logie » s’attache à bouleverser cet ordredes choses. Sa première composanten’est pas vraiment originale : le rapportd’identité, le projet culturel spécifique-ment destiné aux habitants du territoireauquel le musée s’identifie, est déjàprésent dans les Heimatmuseen, avec lesdérives national-socialistes que l’on sait.Mais la deuxième composante est con-textuelle et s’inscrit dans la tradition desluttes d’émancipation menées à traversle monde, qu’elles soient ouvrières (leCreusot, la doctrine marxiste) ou rurales(Casa del Museo et l’éducation commepratique de la liberté, selon les principesde Paulo Freire). Le contexte révolution-naire apporte un esprit de radicalité etde besoin de changement, un espoir de« grand soir » de la muséologie, commel’illustre l’emblématique Déclaration deSantiago du Chili de 1972.

Cette déclaration, élaborée lors d’uneréunion conjointe d’experts en muséolo-gie et de spécialistes du développementrural ou du monde de l’éducation, inviteà un repositionnement du musée afin defreiner la situation de déséquilibre tech-nologie/culture qui menace dangereuse-ment le monde. Le musée doit s’engagerdans les débats actuels sur le change-ment des structures de la société. Cela, ilparviendra à l’accomplir par l’interdisci-plinarité, par le rôle social qu’il peutfaire jouer au patrimoine, par la prise deconscience qu’il peut donner tant dansles régions rurales qu’urbaines (sur lesproblèmes de l’environnement social ouécologique, sur le développement urbain)et par son rôle d’éducation permanente,de diffusion des connaissances.

Cette approche bénéficie d’un soutienimportant, sans lequel la reconnaissanceinternationale ne serait sans doute pasaussi importante. Les deux directeurs del’Icom de cette époque, Georges-HenriRivière puis Hugues de Varine, œuvrent demanière à promouvoir un tel changement

du monde muséal dont la sclérose leursemble évidente. Rivière est le premier à« théoriser » ce mouvement, en partantnotamment du travail effectué au Creusot,mais également des premiers muséesde plein air français. Le concept d’éco-musée, imaginé par les deux chevillesouvrières de l’Icom, apparaît en 1971afin d’opposer au musée classique unevariante plus dynamique et de définir lespremières tentatives françaises. La défi-nition évolutive (1971-1980) que donneRivière de ce concept prend d’abord laconnotation strictement environnemen-tale – écologique – d’un musée dutemps et de l’espace dont la superficiene se résume pas au seul bâtiment prin-cipal, mais englobe l’ensemble du terri-toire. L’expérience du Creusot influencel’évolution du concept, amenant unecomposante participative et sociale auniveau de la population du territoire.

L’essai de théorisation de « l’éco-musée communautaire » proposé parHughes de Varine paraît en 1978. Varine,qui a notamment participé à la réunionde Santiago du Chili, apporte unedimension plus internationale au déve-loppement du concept. Le projet éco-muséal, dans cette perspective, viseessentiellement le développement com-munautaire et s’oppose au musée classi-que. Il vise à construire l’avenir de lasociété, d’abord par une prise de con-science, ensuite par l’engagement et l’ini-tiative créatrice : « Car l’écomusée estl’instrument privilégié du développementcommunautaire. Il ne vise pas d’abord àla connaissance et à la mise en valeurd’un patrimoine ; il n’est pas un simpleauxiliaire d’un système éducatif ou infor-matif quelconque ; il n’est pas un moyende progrès culturel et de démocratisa-tion aux œuvres éternelles du géniehumain. En cela, il ne peut s’identifierau musée traditionnel et leurs définitionsrespectives ne peuvent pas concorder. »(Varine, 1978 : 28-40.)

Pour un temps, durant une bonnedécennie, le mouvement des écomuséessuscite un engouement général. C’est lanécessité d’affirmer ce changement qui

donnera naissance en France, en 1982, àl’association Muséologie nouvelle et expé-rimentation sociale (MNES) et, en 1984, auMouvement international pour une nou-velle muséologie (Minom) et, à l’initia-tive de Pierre Mayrand, à la Déclarationde Québec qui entend poursuivre leprojet de celle de Santiago du Chili. LeMinom entraîne avec lui un certain nom-bre de membres de l’Icofom, bien quede nombreux partisans de la nouvellemuséologie restent fidèles à ce dernier.La nouvelle muséologie y sera parailleurs toujours traitée et, dans l’espritde la Déclaration de Santiago du Chili,un comité spécifique de la muséologiepour les pays d’Amérique latine, Icofom-LAM, sera créé en 1986, dont le dyna-misme et la productivité joueront un rôleconsidérable pour le développement dela muséologie dans les pays latino-américains. Des écomusées sont fondésdans le monde entier, principalement enEurope mais aussi en Afrique et enAmérique ; le néologisme d’écomuséo-logie est constitué pour caractériser lediscours théorique bâti autour de cesréalisations. Pourtant, sans pour autantdisparaître, le mouvement se déradica-lise progressivement. Les projets pion-niers sont progressivement remis en cause.Par suite de manœuvres politiques (auCreusot, à Mexico, au Québec), ils sontabandonnés ou profondément transfor-més (amenant l’éviction des fondateurs).D’autres (Anacostia) semblent se mutergraduellement en musées classiques.L’utopie révolutionnaire qui animait lesfondateurs semble céder le pas à unpragmatisme technique et de plus enplus patrimonial. Afin d’accéder à la recon-naissance par la profession, de nom-breux écomusées ont épousé les vuesanciennes du projet muséal centré sur lacollection. Conservation, gestion du patri-moine, prestige et recherche scientifique,mais aussi tourisme ou développementéconomique, se mêlent peu à peu auxobjectifs plus sociaux, en les asphyxiantparfois.

La muséologie de la rupture, définieet illustrée par Jacques Hainard dans les

nombreuses expositions du musée d’Eth-nographie de Neuchâtel, s’inscrit parfoisdans le sillage de la nouvelle muséo-logie (au même titre et pour les mêmesraisons que les travaux de Bernard De-loche), moins pour ses revendicationssociales que pour son approche tota-lement désacralisante de l’objet. Pourrompre la relation de délectation et desublime qui s’instaure entre le visiteur etl’œuvre – de Mona Lisa à une statueTshokwe – Hainard impose par le décoret la mise en scène une relecture àrebrousse-poil, amenant à voir et à com-prendre l’objet – démarche intellectuelle,certes, mais véritablement active du visi-teur. D’où cette tentative de définitionde la « muséologie de la rupture », essen-tiellement axée sur l’exposition, mais quitrouve ses prolongements dans toutesles fonctions du musée : « Raconter unehistoire avec un début et une fin, trou-bler l’harmonie, susciter l’esprit critique,provoquer l’émotion dans la compréhen-sion et la découverte de sens nouveauxdéfinissent pour moi quelques para-mètres de ce que signifie exposer. Dèslors, l’objet précieux ou banal peut êtresoumis à une lecture autre, à un ques-tionnement qui lui donne du sens enl’inscrivant dans un univers autre quecelui qui oppose le beau à la laideur,l’art à ce qui ne l’est pas. » (Hainard,1987 : 44-45.)

The New MuseologySi, comme André Desvallées a pu le

faire remarquer, il n’existe pas de nou-velle muséologie par rapport à uneancienne, mais plutôt une bonne et unemauvaise, la tentation de présenter lenouveau en opposition à l’ancien jugépeu convaincant – ce qui est un combledans un contexte muséal – semble avoirencore beaucoup de partisans. Ainsi leBritannique Peter Vergo, éditeur de l’ou-vrage The New Museology paru en 1989,s’insurge-t-il contre « l’ancienne » muséo-logie, axée sur des questions de mé-thode et pas assez sur les objectifs dumusée. Ce dont s’occupe la « nouvellemuséologie » de Vergo, qui découle de la

148EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

conception formulée par l’Icom ou Bur-caw, est l’étude du musée vue sous unangle plus critique, à savoir l’interre-lation entre le politique, les parcs d’attrac-tions et l’exposition des objets, l’étudedu comportement des visiteurs dans lesexpositions, etc. Une telle voie, totale-ment étrangère à la nouvelle muséologiequ’elle semble ignorer, s’inscrit à la suitedes travaux de l’équipe de Leicester,menée notamment par Susan Pearce,Gaynor Kavanagh ou Eilean Hooper-Greenhill. Deux ans plus tard, c’est autour de la Royal Academy de Londresd’intituler son forum annuel « NewMuseology » en examinant les nouvellesinterrelations entre l’art et l’architecture.Cette fois, ce sont les architectes desnouveaux musées (Hollein, Foster, Ven-turi), les directeurs de centres d’art con-temporain (Amman), les artistes (Buren,Kosuth, Weiner) ou les collectionneurs(Panza) qui tentent de répondre auxnouveaux problèmes posés par l’artcontemporain dans un cadre muséal.

On notera, dans une tout autre direc-tion, la proposition du Québecois CyrilSimard de définir l’économuséologiepour théoriser le néologisme « écono-musée » lancé par le même en 1990, afinde qualifier de petites entreprises-musées artisanales dotées d’un centred’animation et d’interprétation de leurproduction (papeteries, fonderies debronze, etc.).

Ces différents courants, se revendi-quant à l’opposé de l’institution muséo-logique traditionnelle, ne contribuentpas moins à une philosophie du champmuséal et à son éthique, par le rejet oula discussion de certaines des valeursqui lui sont associées.

La muséologie aujourd’huiDe nos jours, le terme de muséologie

n’est pas encore couramment utilisédans tous les pays. C’est principalementaux États-Unis et en Grande-Bretagneque l’on retrouve les plus grandes réti-cences : « museology » y est très rare-ment utilisé, sinon, parfois, de manièretrès générale, pour traiter de ce qui se

rapporte au musée ; c’est avant tout lestermes museum studies et museum workqui sont d’usage. La résistance du mondeanglo-saxon, qui possède les associa-tions professionnelles nationales les plusimportantes et constitue une proportionconsidérable de la production scienti-fique ou philosophique sur le musée,crée évidemment un obstacle importantà l’introduction généralisée du terme.Cela ne signifie pas que la muséologiesoit identifiée dans les autres pays demanière similaire. Le terme reste souventévoqué comme qualificatif généraliste etpour la majorité des musées et du per-sonnel y travaillant, c’est la secondeacception de la muséologie qui domine,définissant la théorie du musée. Lesavancées envisagées notamment au seinde l’Icofom, correspondant à une science(en formation) étudiant une relation spé-cifique entre l’homme et la réalité, ou àla philosophie du muséal, métathéoriede la science documentaire intuitive etéthique du muséal, constituent l’excep-tion au sein des dizaines de milliers deprofessionnels du musée ou des univer-sités.

Un accord semble pourtant se déga-ger pour reconnaître au musée la néces-sité de s’appuyer sur un corpus théoriquemultidisciplinaire, au même titre que labibliothéconomie ou l’archivistique, ame-nant à la professionnalisation du mondedes musées. À cet égard, le nombre deformations appropriées au monde desmusées s’est très sensiblement développéau cours des quinze dernières années duXXe siècle, amenant une réflexion tou-jours plus importante sur l’institutionelle-même, mais également une ouver-ture du champ des recherches sur lemusée.

Ainsi se constitue, au fur et à mesuredes emprunts à d’autres disciplines oudes incursions d’autres scientifiquessur le champ du muséal, avec ou sansl’apport de la muséologie, ce que JeanDavallon définit comme une technologiemuséale, « entendue comme la connais-sance des outils et moyens permettant lefonctionnement du musée » (Davallon,

149EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

1995 : 249). C’est en effet plutôt auniveau de la muséologie appliquée,de la muséographie et des techniquesd’administration, de conservation ou decommunication qu’un savoir s’est pro-gressivement formé. L’étude de ces aspects,autant que les emprunts à d’autres scien-ces, ont conduit à la constitution d’aumoins deux champs spécifiques de plusen plus autonomes, la conservation desœuvres d’une part, les études de visi-teurs d’autre part. Il n’est pas étonnantque le comité de conservation de l’Icom(Icom-CC) figure parmi les plus im-portants et que ses multiples réunionsdonnent lieu à de très nombreuses publi-cations. De même, le développementincessant des contributions sur l’éva-luation des publics a conduit progressi-vement ce secteur à se reformuler sousla dénomination de visitor studies (étudesde visiteurs). Ce nouveau domaine sedéfinit par son objectif d’interfaceentre les visiteurs et les musées, voired’« avocat du public ». Incluant les tech-niques d’évaluation, il comprend égale-ment des études prospectives, sorte derecherche fondamentale sur les visiteurs,se voulant plus rigoureuse et plus scien-tifique que les résultats directementapplicables des évaluations. Les visitorstudies possèdent leurs propres congrèset association (Visitor Studies Association)ainsi que des périodiques qui leur sontentièrement (Visitor Studies – actes desconférences annuelles, Visitor Behavior,ILVS Review – qui publie périodiquementune bibliographie) ou partiellementconsacrés (Publics & Musées, Culture& Musées). L’émergence de ces deux pôlesn’est pas tellement étonnante : entretous les domaines d’activité du musée,ce sont ceux où l’immixtion de sciencesdures (physique, chimie dans le cas dela conservation) ou au moins de sciencespermettant, par le biais de la statistique,une certaine systématisation (sociologie,psychologie pour les enquêtes de visi-teur), est la plus importante. Les articlesissus de ces deux champs peuvent, parleur contenu autant que par leur forme,donner l’impression de consistance au sein

du système universitaire dominé – de labibliométrie à l’économétrie – par la rai-son quantifiée. Signe de la fragmentationdes savoirs, c’est donc au niveau de deuxfonctions muséales (préservation et com-munication) et non au niveau de l’insti-tution que s’est opérée la constitutiond’un savoir à la prétention scientifique.Quant à la troisième fonction, la recherche,elle reste irrémédiablement attachée auxdisciplines liées aux objets présentés àl’étude : archéologie, histoire de l’art, an-thropologie, minéralogie…

Si d’autres aspects du musée fontégalement l’objet d’études, notammentsa gestion ou, dans un sens plus large,son économie, on ne peut valablementpas mettre sur le même pied la spé-cificité de l’administration du musée,relativement identique à celle des biblio-thèques ou à de nombreuses autres ins-titutions à but non lucratif, et celle desfonctions de conservation ou de commu-nication. C’est peut-être pour cette raisonque, jusqu’à présent, ce champ s’estmoins développé que les autres.

L’étude du musée comme institution,si elle n’intéresse pas directement lesgestionnaires, les chimistes ou les physi-ciens, a par contre fait l’objet ces der-nières années de plusieurs analysessociologiques, anthropologiques mais sur-tout historiques. On ne peut cependanty voir la constitution d’un champ derecherche spécifique, même si quelquestentatives remarquables – telles la sommeproduite dans les années 1980 sur lesLieux de mémoire sous la conduite dePierre Nora – font la part belle auxmusées, plaçant cependant ceux-ci dansle cadre plus vaste du patrimonial et del’histoire des idées.

L’Icofom (avec le Minom) demeure laseule plate-forme internationale tentantd’appréhender le phénomène muséal demanière globale. À défaut d’être consi-dérée comme scientifique, sa contribu-tion n’en demeure pas moins capitalepour son effort de théorisation et de cri-tique du phénomène muséal. Bien quel’on ne puisse prétendre non plus à unereprésentativité parfaite, la diversité de

150EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

ses contributions en fait l’unique ins-tance pouvant montrer et étudier, demanière globale, la perception duchamp muséal à travers le monde. Lesdifférences de cette perception s’éten-dent bien évidemment à l’ensemble desparamètres œuvrant au sein du champmuséal, à commencer par la définitiondu musée lui-même. Les conceptionsparfois contradictoires du musée leconduisent en effet vers des objectifsparfois bien éloignés les uns des autres,selon qu’on envisage celui-ci commeinstitution de conservation, d’éducation,de recherche ou de développement éco-nomique et touristique. L’ensemble desthéories et applications muséographiquess’en retrouve, dans chacun de ces cas,considérablement transformé. Cette dif-férence s’exerce encore un pas plus avant,dans la notion de patrimoine, mais sur-tout au travers des concepts de réalité etd’objet ou de chose qui constituent sansdoute les éléments les plus essentiels dela relation spécifique entre l’homme et laréalité, ou qui définissent la perceptionpar l’homme de l’interdépendance desmondes naturel, social et esthétique. Laperception et l’étude de ces différentsconcepts, tels qu’ils sont abordés de parle monde et présentés ici de manière suc-cincte, constitue l’essentiel de la muséo-logie actuelle : ensemble vaste, hétérogèneet parfois contradictoire, mais indénia-blement vivant.

DICTIONNAIRE

ÉCOMUSÉOLOGIE. n. f. – Adaptation de lamuséologie aux besoins spécifiques desécomusées. Le néologisme a été avancéen 1971 par Jean-Pierre Gestin, alorsconservateur (et directeur) des écomu-sées du parc naturel régional d’Armo-rique, avant même qu’Hugues de Varineait inventé le mot « écomusée ».

ÉCONOMUSÉOLOGIE. n. f. – Adaptationde la muséologie aux besoins des éco-nomusées. Ce néologisme a été proposépar le Québécois Cyril Simard en 1990,ce dernier ayant également créé le termed’économusée.

FUTUROLOGIE. n. f. – Dans le contextegénéral de la muséologie comme scienceinterdisciplinaire, la futurologie, conçuecomme manière de penser l’avenir, a étéperçue par plusieurs muséologues commel’une des disciplines pouvant intervenirdans le fonctionnement des institutionsmuséales, notamment pour l’acquisitiondes collections. Le thème a été directe-ment abordé dans plusieurs contributionsdes Icofom Study Series (ISS 6, 7 et 16).

INTERDISCIPLINARITÉ. n. f. – On appelleinterdisciplinarité le paradigme métho-dologique prétendant construire un pas-sage entre les sciences expérimentaleset les sciences humaines. Depuis lesnouvelles définitions de la réalité, cettearticulation inclut aussi le point de vuede la logique et de la logique-mathéma-tique. La perspective interdisciplinaire estla réponse attendue par la science con-temporaine afin de vaincre les limitesdisciplinaires qui ont caractérisé les espa-ces d’investigation jusqu’à nos jours. C’estdans cette perspective que la muséolo-gie de l’Est envisage l’interdisciplinaritécomme concept clé d’une muséologiecomme science en formation, scienceinterdisciplinaire conjuguant les effortsdes disciplines utilisées au sein du musée(chimie, géologie, anthropologie, his-toire de l’art, etc.).

MÉTAMUSÉOLOGIE. n. f – La métamuséo-logie désigne, pour Zbynek Stransky, lathéorie dont l’objet est la muséologieelle-même, et qui discute notamment, demanière historique et philosophique, sonproblème d’existence et son statut descience.

MUSÉOLOGIE (NOUVELLE). n. f. – Mouve-ment né en France en 1980 et, sur leplan international en 1984, sur les basesnotamment de la plate-forme muséolo-gique contenue dans la Déclaration deSantiago du Chili de 1972. Il met l’accentsur la vocation sociale du musée et surson caractère interdisciplinaire, en mêmetemps que sur ses modes d’expression etde communication renouvelés. Son in-térêt va surtout vers les nouveaux typesde musées qui ne supportent pas trop lecarcan des traditions, tels les écomusées,

151EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

les centres de culture scientifique et tech-nique ou les centres d’art contemporain.

MUSÉOLOGIE APPLIQUÉE. n. f. – Lamuséologie appliquée (terme notam-ment utilisé par Zbynek Stransky), oumuséographie, se définit comme la partiepratique de la muséologie. En anglaisl’expression museum practice est souventpréférée au terme museography ou muséo-logie appliquée. Elle est subordonnée àla muséologie et applique les conclu-sions théoriques auxquelles la muséo-logie est parvenue. Elle comprend lestechniques requises pour remplir lesfonctions muséales et particulièrementce qui concerne l’aménagement du mu-sée, la conservation, la restauration, lasécurité et l’exposition.

MUSÉOLOGIE DE LA RUPTURE. n. f. – Phi-losophie générale du musée définie parJacques Hainard (Neuchâtel) pour romprela relation sacralisante s’instaurant entrel’objet et le visiteur (ou le conservateur).La muséologie de la rupture, utilisée dansles expositions, conçoit ces dernièrescomme des récits suscitant l’esprit cri-tique par une lecture décalée des objets,en marge des lectures traditionnelles,apportant de nouveaux questionnementsau visiteur.

MUSÉOLOGIE GÉNÉRALE. n. f. – Le con-cept de muséologie générale, défini parJiri Neustupny et utilisé notamment parFriedrich Waidacher (allgemeinen museo-logie) et Peter Van Mensch, dans le cadrede la muséologie comme discipline scien-tifique. Elle constitue l’ensemble du corpusmuséologique théorique applicable à tousles musées, à l’encontre de la muséologiespéciale qui s’adresse aux problèmes d’unsecteur spécifique des musées (muséesd’archéologie, de géologie, etc.).

MUSÉOLOGIE HISTORIQUE. n. f. – Lamuséologie historique, dans le contextede la muséologie comme discipline scien-tifique, étudie l’évolution du rapportspécifique entre l’homme et la réalité,ayant conduit à la constitution d’institu-tions muséales, telles que des collections,trésors, thésaurus, trésors ecclésiastiques,des cabinets de curiosités et, actuellement,les musées que nous connaissons. Le terme

est notamment utilisé par Stransky etVan Mensch.

MUSÉOLOGIE MARXISTE-LÉNINISTE. n. f. – Lesmusées étant perçus, dans les ancienspays de l’Est et dans les pays commu-nistes, comme des systèmes éducatifsidéologiques et non neutres, ces dernierssont contrôlés par l’État et la muséologiequi en résulte, qui ne peut être neutre,doit refléter l’esprit de l’appareil d’État,soit une muséologie marxiste-léniniste,dont la philosophie pourra avoir desincidences sur la sélection des objets,leur étude et, bien sûr, leur exposition.

MUSÉOLOGIE SOCIALE. Sociomuseologyn. f. – La muséologie sociale, pour Zby-nek Stransky est la discipline de la muséo-logie scientifique qui étudie le phénomènede muséalisation dans le cadre de lasociété actuelle.

MUSÉOLOGIE SPÉCIALE. n. f. – Le conceptde muséologie spéciale a été défini parJiri Neustupny (et utilisé notamment parStransky), dans le cadre de la muséologiecomme discipline scientifique, comme lecorpus muséologique s’adressant spécifi-quement aux problèmes et besoins d’unsecteur spécifique des musées (muséesd’archéologie, de géologie, etc.).

MUSÉOLOGIE THÉORIQUE. n. f. – PourZbynek Stransky, la muséologie théo-rique constitue le noyau gnoséologiquedu système de la muséologie commescience. L’objet de cette discipline est lareconnaissance de la relation spécifiquede l’homme à la réalité, laquelle mènevers son appropriation, avec un glisse-ment de sens vers la réalité culturelle. Leconcept de muséologie théorique peutégalement inclure, pour certains (et notam-ment Van Mensch), la métamuséologie.

MUSÉOLOGIQUE. adj. – Qui a trait à lamuséologie – et non pas qui a trait aumusée, ou à la muséographie. Une exten-sion abusive de sens tend à le confondreavec « muséographique », et parfois mêmeavec « muséal ».

MUSÉOLOGUE. n. m. et n. f. – Étymolo-giquement : celui ou celle dont l’acti-vité est la muséologie, entendue comme« l’étude du musée ». Mais, par influencede l’usage anglophone, le terme tend à

152EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

s’appliquer à toute personne ayant à faireavec le musée, et notamment, au Québec,les consultants chargés d’effectuer laprogrammation et la réalisation d’exposi-tions temporaires ou de musées.

MUSEUM STUDIES. Études muséales,n. f. – Programme de cours désignécomme tel dans l’enseignement supé-rieur ou universitaire, composé de coursthéoriques et pratiques et abordant, sousdifférents angles (sociologie, histoire,linguistique, sémiologie, etc.), le phéno-mène des musées.

NEW MUSEOLOGY. n. f. – Courant depensée défini à partir du livre de PeterVergo, The New Museology (1989), quiaborde de manière critique le musée parl’étude sociale et politique de ses fonc-tions de collecte ou de présentation. LaNew Museology ne constitue pas la tra-duction anglaise de la nouvelle muséolo-gie française, et ses auteurs ne semblentpas en avoir eu connaissance.

PATRIMONOLOGIE. n. f. – Théorie dupatrimoine. S’inspirant de la définitionextensive de la muséologie donnée parZbyneck Stransky, Tomislav Sola a pro-posé en 1982 que la patrimonologie (enanglais heritology) étudie « le rapportspécifique de l’homme avec la réalité »,le musée étant, selon le même, « une desformes possibles de la réalisation durapport de l’homme à la réalité ».

SYSTÈME MUSÉOLOGIQUE. n. m. – Struc-ture théorique, définie dans le cadre dela muséologie comme discipline scienti-fique et établissant les différents domai-nes d’étude (ou sous-disciplines) de lamuséologie. Zbynek Stransky, AvraamRazgon, Sochiro Tsuruta, Peter Van Menschont ainsi défini, dans le cadre de leurdéfinition du champ d’étude de lamuséologie, les différents domaines spé-cifiques d’étude de la muséologie, soitla métamuséologie, la muséologie théo-rique, générale, appliquée, historique,sociale, etc.

SYSTÈME PRC. n. m. – Système muséo-logique mis au point par la Reinwardt Aca-demie et définissant les fonctions de basedu musée, soit la Préservation (acquisition,conservation, gestion des collections), la

Recherche et la Communication (exposi-tion, éducation, publications).

NOTES

1. Samuel Quiccheberg était méde-cin, né à Anvers en 1529 et mort àMunich en 1567. Sa formation enSuisse et en Allemagne (Nurem-berg, puis Bâle et Fribourg) l’amenaà rencontrer les Fugger, dont ilclassa les collections. L’éloge qu’enfirent ses protecteurs le conduisitchez le duc Albert V de Bavière,pour le compte duquel il se renditen Italie afin d’y acquérir des anti-quités ou des œuvres d’art. Revenuà Munich, il s’occupa activementdu classement des collections d’Al-bert V.

2. Rathgeber était secrétaire à labibliothèque ducale et au cabinetdes médailles de Gotha.

3. « Wenn jemand vor dressig selbstvor zwanzig jahren von der Mu-seologie als einer Fachwissen-schaft gesprochen oder geschriebenhätte, würde er bei vielen Per-sonen enem mitleidigen, gering-schätzenden Lächeln begegnetsein. Jetz freilich ist dies anders. »Grässe, Die Museologie als Fach-wissenschaft, Zeitschrift für Mu-seologie und Antiquitätenkunde,Dresden, 1883.

4. Museum work, 7, 1924, p. 31. Bachrectifie ainsi le néologisme pro-posé par les éditeurs de la revue,lesquels parlent alors de museu-mology.

5. Cet ouvrage, principalement biblio-graphique, contient une section« Museography », dans laquellesont répertoriés les premiers traitésde Quiccheberg et de Neickel,ainsi que de nombreux ouvragesgénéraux sur les musées. L’entrée« Museology » contient notammentles références aux articles desZeitschrift für Museologie undAntiquitätenkunde. L’ouvrage de

153EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

W. Clifford (Bibliography of Mu-seums and Museology, New York :Metropolitan Museum of Art,1923) ne contient aucune réfé-rence spécifique à la muséologie ;les références à la muséographieproviennent d’ouvrages étrangers(Reinach, Neickel, etc.).

6. Dans le même cours de 1970,il observait que Pierre Bourdieuavait utilisé le mot « muséologie »à contre-sens, dans L’Amour del’art (Paris, Éd. de Minuit, 1966 :115) : « La muséologie qui, mal-gré son nom, est plutôt qu’unescience, un corps de recettes et depréceptes empiriques transmis demanière diffuse et officieuse. »

7. Neustupny avait déjà publié certai-nes de ses thèses à partir de 1950et a notamment influencé PeterLewis, alors directeur du pro-gramme de Museum Studies del’université de Leicester.

8. Voir du même auteur, « Predmëtmuzeologie » (The subject ofmuseology), Sbornik material Üprého muzeologického sympozia,Brno, 1966, Moravské muzeum :30-33.

9. Le concept de muséalité, que l’onpeut ici identifier à la relation spé-cifique, est surtout utilisé, danscertains écrits de Stransky ou deMaroevic pour définir la qualitéspécifique qui amène le processusde muséalisation et détermine lasphère du « muséal » (Deloche)

10. Van Mensch (1992). La thèsede Peter Van Mensch est consul-table sur Internet (sur le site dela Reinwardt Academie) : http://www.xs4all.nl/~rwa/contents.htm.Voir aussi Maroevic (1998) et Wai-dacher (1996). Waidacher n’est pasmembre de l’Icofom, mais ses tra-vaux sont fort influencés par l’œu-vre de Stransky.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Bazin (Germain). 1975. Art « Muséo-logie », in Encyclopaedia universalis.

Burcaw (Georges Ellis). 1975. Intro-duction to Museum Work. Nash-ville : American Association forState and Local History.

Burcaw (George Ellis). 1981. « L’inter-disciplinarité en muséologie ? ».Mu Wop/Do Tram, 2.

Davallon (Jean). 1995. « Musée etmuséologie : Introduction ». Musées& Recherche. Actes du colloque,Paris, 29 nov.-1er déc. 1993, muséenational des Arts et Traditionspopulaires. Dijon : Éd. OCIM.

Davallon (Jean). 1997. Art. « Muséo-logie », in Dictionnaire encyclopé-dique de l’information et de ladocumentation / sous la directionde S. Cacaly, Y. Le Coadic, M. Me-lot, P.-D. Pommart et E. Sutter.Paris, Nathan.

Deloche (Bernard). 2001. Le Muséevirtuel. Paris : Presses universi-taires de France.

Desvallées (André) (sous la dir. de).1992 et 1994. Vagues : une antho-logie de la nouvelle muséologie.Textes choisis. Mâcon : Éd. W /Savigny-le-Temple / MNES, 2 vol.

Gregorova (Anna). 1980. « La muséo-logie, science ou seulement travailpratique du musée ? ». Mu Wop/DoTram, 1.

Hainard (Jacques). 1987. « Pour unemuséologie de la rupture ». Musées,10(2-4). Montréal : Éd. Société desmusées québécois.

Icofom. 1978. Report Poland. Museo-logical Working Paper / Docu-ments de travail de muséologie, 1,1980, p. 57.

Maroevic (Ivo). 1998. Introductionto Museology : The European Ap-proach. Munich : Christian Müller-Straten.

Murray (David). 1904. Museums,Their History and Their Use. Glas-gow : James Mac Lehose andSons, 3 vol.

Neustupny (Jiri). 1971. « What is Mu-seology ? ». Museums Journal, 71.

154EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6

Razgon (Avraam). 1978. Art. « Museo-logy », in Great Soviet Encyclopedia,Translation of the Third Edition,vol. XVII. New York : Mc MillanPress.

Rivière (Georges-Henri). 1960. Stagerégional d’études de l’Unesco sur lerôle éducatif des musées (Rio deJaneiro, 7-30 sept. 1958). Paris :Éd. Unesco.

Rivière (Georges-Henri). 1989. LaMuséologie selon Georges-HenriRivière : Cours de muséologie /Textes et témoignages. Paris :Dunod/Bordas.

Schärer (Martin). 1995. Musées etRecherche. Actes du colloque tenuà Paris, les 29, 30 novembre et1er décembre 1993. Dijon : Éd.OCIM.

Sofka (Vinos). 1976. Museologin iinternationellt perspektiv [texteintégral, inédit], trad. par Museo-logy : an International View.

Sofka (Vinos). 1995. « My adventurouslife with Icofom… », in IcofomStudy Series, t. I.

Spielbauer (Judith). 1987. « Museumsand museology : a means to activeintegrative preservation », in IcofomStudy Series, 12.

Stransky (Zbynek). 1966. « Predmëtmuzeologie » (The subject ofmuseology). Sbornik material Üprého muzeologického sympozia.Brno : Moravské muzeum.

Stransky (Zbynek). 1980. « Museologyas a science (a thesis) ». Museo-logia, 15(11).

Stransky (Zbynek). 1995. Muséologie :introduction aux études. Brno :Éd. Université Masaryk.

Van Mensch (Peter) (Ed.). 1989. Pro-fessionalising the Muses. Amster-dam : AHA Books.

Van Mensch (Peter). 1992. Towards aMethodology of Museology. Th. Doc. :philosophie : université de Zagreb.

Varine (Hugues de). 1978. « L’éco-musée ». La Gazette. Associationcanadienne des musées, 11.

Waidacher (Friedrich). 1996. A ShortIntroduction to Museology. Munich :Müller-Straten.

Waidacher (Friedrich). 1996. Hand-buch der Allgemeinen Museologie.Wien : Böhlau Verlag.

155EXPÉRIENCES ET POINTS DE VUE

C U L T U R E & M U S É E S N ° 6