Aurora

SurlefilTome2

Roman

Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,descomportementsdepersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnages

vivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

ÉDITION:LeCodefrançaisdelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantsdroitouayantcause,estillicite(alinéa1erdel’articleL.122-4)etconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparles

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«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».

CouverturephotoCopyright:sakkmesterke

Premièreédition:Avril2016

ISBN:9782375760093

Copyright©2016/Dépôtlégal:Avril2016

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Aurora

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Jedédiecelivreauxtroisamoursdemavie,mesenfants,quimedonnentl’enviedemedépasserpourréalisermesrêves,etquim’ontfournil’entraînementnécessairepourpasserdesnuitsblanchesà

travaillersurcelivre.

Jevousaime,plusquelesmotsnepourrontjamaisl’exprimer.

1

Après trois ans d’absence, je n’aurais jamais cru renouer aussi vite avec ma vie parisienne etsurtout avec Owen. Comment aurais-je pu imaginer que les choses se dérouleraient ainsi ? Qu’ilauraittoujoursenviedepartagermonquotidien?

Unenouvellerelationestentraindes’établirentrenous,unerelationoùchacunestprêtàprendreenconsidérationlessentimentsde l’autreetàfaire leseffortsnécessairespour lespréserver.Nousallons…non,jevaisdevoirapprendreàfairedesconcessions.

Aprèsnotrephénoménalepartiede jambesen l’airde laveille, jesuisencoreplusdisposéeà lesatisfaire,mêmesiceladoitpasserparlefaitd’êtreplusconciliantesurmapriseenchargemédicale.

Nousavionsconcluqu’ilallaittravaillerpendantquej’iraisaulaboratoirefairecettesatanéeprisedesang. JedevaisensuitepasserauStarbuckspouracheterquelquechosepour lepetit-déjeuneretretrouverOwenàlagalerie.Jesaispertinemmentquecen’estpasparsolidaritéqu’iln’arienmangé,mais plutôt pour m’obliger à partager mon repas avec lui et s’assurer que je me nourrissesuffisamment.Ceseraittrèsénervantsicen’étaitpassimignon,etjesuisdécidéeàfairedeseffortscarcegenredechosecomptebeaucouppourluietlerassurevraiment.Cen’estpascherpayépourluioctroyerunpeudetranquillitéd’esprit.Letoutétantdesavoircombiendetempsjevaispouvoirprendre surmoi, parce que j’ai pris l’habitude d’être indépendante et de neme justifier auprès depersonne,mêmesiuncertaincasse-piedveilleaugrain,maisilestd’ordinaireassezdiscretpourquejenem’enénervepas.

Nousavonsfaitletrajetensemblejusqu’àcequenositinérairesdiffèrent.Ilm’afaitungentilpetitbisouetn’amêmepasinsistépourm’accompagner.

Jepatientetranquillementenattendantmontour,aprèsavoireuleplaisird’allerfaireunpassageauxtoilettespourremplirunflacon,qui,commed’habitude,estridiculementpetit.Sérieusement, iln’yaqu’unmecpourenvisagerdefournirdestrucsaussiminuscules!Poséesurunechaiseavecunécouteur dans l’oreille, je me connecte à la webcam du club. Pour une fois j’y ai pensé au bon

moment, puisqu’il n’est pas une heure du matin et qu’il y a encore de l’animation. J’ai un petitpincementaucœurenvoyantquec’estPetequijouecesoir-là.Çamemanque,lascène,lesdéliresavec mes amis, l’ambiance, la musique…Mais il faut être logique, je ne peux pas tout avoir, le«calme»demavieparisienne,et lessoiréesfollesduBlackpearl.Monchoixest fait, j’ai ledroitd’êtrenostalgique,maiscequej’aiicienvautlapeine,deplusenplusd’ailleurs.

—MademoiselleDavis!

—Oui.Bonjour.

—Bonjour,venezparici.

Jem’installe tranquillement sur le fauteuil, positionnemon bras pendant qu’elle pose le garrot.Alorsqu’elledésinfectelazoneduprélèvement,j’envisageunerequête.

—Jenesaispassic’estpossible,maisest-cequedanslalistedesanalysesvouspourriezajouterleVIHetlesMST?

Toutenposantlaquestionjeréalisequejedoisavoirl’airbiensuspectdedemanderuntrucpareil,et jemevoismal lui direque c’estpourm’envoyer en l’air avecmonchéri sanspréservatif.Ellepenseraitquec’estdéjàlecas,vuquejesuisenceinte.Etjeneveuxpasrentrerdanslesdétails…

—C’estprévusurvotreordonnance.Çafaitpartiedubilanendébutdegrossesse.

—Parfait.

Jedétourneleregardpouréviterdelavoirmepiquer.C’estbizarrequandonconsidèretouslesexamensauxquelsj’aipuavoirledroit,maisçamemettoujoursmalàl’aise.Unefoisterminé,ellem’informequelesrésultatsserontdisponiblesdèslelendemainmatin.

Je file endirectionduStarbucks, l’air de rien je commence à être affamée, nous avons sauté ledînerlaveilleetj’aivraimentlescrocs.Enarrivant,jesuiscontentedenepasavoiràyrester,carmaplacepréféréeestdéjàoccupée.JerécupèreuncafépourOwenetunfrapuccinoà lamanguepourmoi,letoutaccompagnédequelquespâtisseries.

Devantlagalerie,jeremarquequemonmatouestenpleineconversationavecunhommequiaunlookdecommercial,aprioripasunclientvulafaçonqu’ilsontdediscuter,plusconcentrésl’unsurl’autrequesurlesœuvresquilesentourent.J’entrediscrètementpournepaslesdéranger,maisOwenm’interpelleàpeineleseuildelaportefranchi.

—Anouk,viens,jevoudraisteprésenterquelqu’un.

Je pose notre petit-déjeuner sur le comptoir et me dirige vers ces messieurs. Owen m’attrapeimmédiatementparlatailleetm’embrassedanslescheveuxavecunecertainechaleur.Jenemesenspastrèsàl’aiseaveccegenrededémonstrationalorsquejenesaismêmepasquij’aienfacedemoi.

— Anouk, je te présente Carlos, c’est un ami de Dimitri qui s’occupe de trouver des locauxcommerciaux.Carlos,Anouk,machérie.

Ma chérie ! Ma chérie ! Je pince les lèvres pour m’empêcher d’afficher le sourire d’une adoexcitéecommeunepucequ’onpuissel’appeler«MAchérie».C’estbête, j’aidéjàeudeshommesdansmavie,maisencet instant,etdans labouchedecethomme-là,cepetitsurnommedonnedesenviesdefaireunedansedelavictoire.

—Jesuisvenuapporterlesplansetlesphotosdedeuxsitesquej’airepéréspourleprojetd’Owen.Vousvoulezyjeteruncoupd’œil?

—Volontiers.Çatedérangepas,tunevoulaispasquecesoitunesurprise?

—Non,aucontraire,jeseraisravid’avoirtonavis,p’titcœur.

Jeremarquelepetitsourirequ’esquissenotrevisiteur,sûrementamusépourtouscespetitsnomsqui,moi,mefontfondre.Ilmemontrerapidementlesplansetnousproposedefaireunevisitedèscesoir.

—Etjustepoursavoir,ilyavaitquoidansceslocaux,avant?

Jequestionnel’agentimmobilieret«monchéri»sembleheureuxdevoirquejeprendsunepartactivedanscetéchange.

—Ilyaunancienmagasindevêtements,etl’autrec’étaitunegalerie.

—Etpourquoilagalerieafermé?

CarloslanceunregardamuséetcompliceàOwen.

—Vousêtestropmarrantstouslesdeux,c’estexactementcequ’ilm’ademandédeuxminutesavantquetuarrivesetjeluiexpliquaisqueçan’avaitpasmarchépoureux,ilsnevendaientpasetontfiniparfairefaillite.

—Çacraintunpeu,non?Ilnefaudraitpasqu’ilyaitd’amalgameavecl’ancienpropriétaire.

—OK,làc’estpresqueflippant.Vousvousétiezmisd’accordavantquej’arrive?!

Je comprends immédiatement qu’Owen a dû lui faire la même remarque. Après avoir exposéquelquesidéesdetravaux,ilprendcongétoutennousfixantrendez-vouspourlesoirmême.

—Allez,c’estpastoutça,maisj’aifaim,moi!

—T’avaisqu’àprendretonpetit-déjeunercematin,t’étaispasobligéd’attendre.

—J’allaispasmangerdevant toiquinepouvais rienavaler.J’suispassadiqueàcepoint,quandmême.Alors,qu’est-cequetunousasramenédebon?

Ilrécupèrelesacetm’inviteàallerdanslebureau,histoired’êtretranquillessijamaisdesclientsarrivent. Il essaye d’être plus discret quand ilme surveillemais ce n’est pas gagné. J’ai prismesprécieuxmédicaments,enespérantqu’ilsferaienteffetrapidementpourquejepuissetenterdefaireuneébauchederepas.Peineperdue,auboutd’unquartd’heureetd’unseulpetitcookie,monestomac

mefaitsavoirqu’ilfautm’arrêterlà.J’argumenteendisantquelemédecinm’aconseillédemangerdepetitesquantitésmaisplusfréquemment.Owenfaitmined’accepteretmeproposedem’installerdans la salle principale pour travailler surmon ordinateur. À peine assise, jeme reconnecte à lawebcamduclub,parcequ’ilfautbienavouerquejen’aipaseuletempsplustôtdefairecequimepréoccupait le plus : vérifier qu’Anton n’était pas là. Mais il est tard là-bas, le club commencedoucementàsevideretjenelevoispas.Peut-êtreest-ilpassépuisreparti.Peuimporte,ilfautquej’arrête d’y penser, quand bien même il serait là-bas, je ne dois pas intervenir, il finira parcomprendreetlâcherprise.Jememensàmoi-même,jelesaispertinemment,iln’abandonnerapasaussifacilement.Etfinalement,c’estpeut-êtreçaquejevoulais,levoirsurcetécranpoursavoiroùilest,m’assurerque lesmilliersdekilomètresque j’aimis entrenousmegarantissentvraimentunecertainetranquillité.

Auboutdequelquesminutesd’observation,Sammefaitunpetitsigne, iladûremarquerque levoyantde lawebcams’estallumé.Je lui renvoieunclind’œil, ilne levoitpasmais ilmeconnaîtassezpoursavoirquejeluiairépondu.Jel’appellerai,plustard,unefoisqu’ilauraeul’occasiondesereposer.

Owenarriveprèsdemoietjerabatsbrusquementl’écrandemonportable,j’ail’impressiond’êtrepriseenfauteensurveillantdelasorteleclub,mêmesiSamestd’accordavecça.Illèvelesyeuxaucieletfaitimmédiatementdemi-tour.

—Owen,s’ilteplaît!Excuse-moi.

Jeme lève rapidementpour le rejoindre, jeviensde faireuneboulette,encore.Parchancenoussommespourl’instantseuls,jen’aipasbesoindespectateurs.

—Owen!Laisse-moit’expliquer.

Ilseretourneetplongesesyeuxbrunsd’ordinairesipétillantsdanslesmiens.

—C’estpaslapeine.Tuastessecrets,jedevraisavoirl’habitude.Tesrèglesdujeu.

Il hésite un instant, puis finit par repartir vers son bureau. Je trottine pour attraper son bras etl’arrêter.

—Écoute-moi une seconde. Je voudrais vraiment pouvoir partager certaines choses avec toi, etsurtout je voudrais que ce soit aussi simple,mais ça ne l’est pas, ça ne le sera jamais. Je… tout àl’heure…je…j’étaisentraind’observermonchez-moi,là-bas,auxÉtats-Unis,avecunewebcam.Etj’ensaisrien,quandtuesvenu,jemesuissentiecommepriseenfaute.Alorsqu’ilyapasderaisonmais…

—Maistunevoulaispasquejevoie.Est-cequeturegrettesd’êtreici?

—Non,pasdutout.Maisçan’empêchepasquecertainsaspectsdemavielà-basmemanquent.

Jerelâchesonbraspourattrapersontee-shirtetmeblottircontresontorse.

Ilrespireprofondémentdansmescheveuxavantdecontinuer.

—Qu’est-cequitemanqueleplus?

— Mes amis, la musique, mon chez-moi. Ici, à l’hôtel, je ne me sens pas chez moi et j’aiterriblementbesoinderetrouvermoncoconencemoment.Jemesens…

Jenefinispasmaphrase,j’enaidéjàtropdit,jeneveuxpasqu’ilperçoivemonmalaise,qu’ilaitl’impressionquejenesuispasbienici.Etsurtoutjeneveuxpasqu’ilsachequ’encetinstant,jemesensfragile.

—Dis-moi.

—Quoi?

—Dis-moicommenttutesens.

—Jemesensfatiguée.

Ilsereculelégèrementetprendmonvisageentresesmains.

—Tunemedirasriendeplus,hein?

Ilesquisseunsourireavantd’ajouter,

—T’asdelachancequejet’adore.

—Jesais!

Je fais ma petite maligne et lui dépose un baiser rapide sur les lèvres, trop contente qu’il aitdésamorcédelui-mêmeunesituationquiauraitpudéraper.

Jeretourneversmonordinateurpouressayerdetravailler,cettefois,quandmontéléphonesemetàsonner.

—Salut,c’estÉric.

—Ouijesais,tonnuméros’affiche.Tuvasbien?

—Ouiçava,ettoi?

— Bien merci. Bon allez, assez de politesses, dis-moi ce que tu veux, tu n’appelles pas pourprendredesnouvelles.

—Pourunefoisquec’estmoiquiappelledefaçonintéressée!Etenpluspourarriveraumêmerésultatquetoi,vuquec’estpourteproposerdepasseraustand.

—Deuxfoisenunesemaine.Onvadopernosstatistiques.T’asbesoind’unepauvrevictimepourregonflertonego,tuveuxmeremettreunedéculottée?

Monchériquin’estpasloinmelanceunregardmi-interloquémi-amusé,sedemandantsûrement

dequelgenrededéculottéejeparle.

— Disons que Stéphane réclame sa revanche, et que maintenant que ta réputation te précède,certainsabsentsaimeraientbiensefrotteràtoi.

—Combient’asmisé?Etsurtoutleplusimportant,surquias-tumisé?

—Commesic’étaitmongenre…

—Toutàfait,oui.

Iléclatederire.

—CinquanteeurossurtoicontreStéphane.Parcontre,j’aimisquelquesbilletscontretoisurunautregars.

—Bahvoyons,c’estdujoli.Bon,tumeproposesdepasserquand?

—Tufaisquelquechoseaujourd’hui?

—J’aiuntrucdeprévupourlafindejournéemaisrienpourcetaprèm.

—Mouais,bahonvafaireavec,çadevrait le fairepourStéphane,peut-êtrepaspourmonautrepoulain.Ceserapouruneprochainefois,aupire.Déjàlà,ondevraitbiens’amuser.Sionditàquinzeheures,çateva?

—Ouitrèsbien,maisilfaudraquejesoispartieauplustardàdix-huitheures.Commeça,j’ailetempsdedéjeuneretd’allermechanger,j’aimeraisavoirunetenueàlahauteurdel’événement.

Jel’entendspoufferderireàl’autreboutdufil.

—J’m’attendsaupire.Bonallez,àtoutàl’heure.

—Àtout’.

Monchéri(j’adorediremonchéri)a, j’ensuissûre,écoutécetteconversation,maisiln’osepasm’en parler. Définitivement, ça ne va pas être simple, il faut vraiment qu’on trouve un mode defonctionnement.

—Heylematou,ondéjeuneensemblesit’asriendeprévu,etaprèsjem’échapperetrouvermonamiÉric.JeseraideretourpourallerfairelesvisitesavecCarlos.

Attention,jeviensdefournirTHEeffort.Jen’aipasdit«j’aiuntrucàfaire»,non,j’aiditquejedevaisvoirquelqu’unetj’aidonnéunnom.Bon,j’avouecen’estpasl’effortdusiècle,c’estmêmeleminimumsyndicalentermesd’interactionsocialepourbiendesgens,maispourmoi…

—Éric,toncoachsportif?

Merde,d’oùiltientça?!Iladûremarquerunchangementdansmonexpressionparcequ’ilajoute

presqueimmédiatement.

—J’aiunebonnemémoire,tum’enavaisparlé…avant.

Probablement…Mais ilneme laissepas l’occasiondecogiterplusà laquestion, ilm’embrassevoluptueusement,faisantchavirermoncœuretmespensées.

—Tucomptesfairedusport?

Ilal’airgênédemeposerlaquestion,maisl’inquiétudeaprislepassursondevoirderéserve.

—Non,t’enfaispas,jesaisbienquejenesuispasenconditionpourm’activerdansunesalledesport.T’inquiètepas,jesaisêtresage.

Une caresse sur le torse, un petit bisou, et j’espère bien noyer le poisson. Et pour le coup, çafonctionne,ilarrêtelàsesinvestigations.

L’arrivéedeclientsoccupeOwenpourlerestedelamatinée,etdemoncôtéjesurfesurdessitesdepressepeople,incapabledememettresérieusementautravail.Etcommejeveuxêtreunegentillefille,jeprendsmêmeletempsdepicorerunnouveaucookiedevantmonordi.Jefaisattentionàcequ’il ait un œil sur moi à ce moment, quitte à manger, autant qu’il le voit bien. Il remarquesuffisammentquandjenelefaispas.

Pour le déjeuner, nous avons commandé du Libanais,mais le repas fut rapidement écourté parl’arrivée de clients qu’Owen a dû renseigner.De toute façon, comme d’habitude je ne faisais quegrignoter.J’hésiteàallermettreunpeudenourritureàlapoubellependantsonabsencepourdonnerl’illusionque j’aimangé,mais j’optepourunpeud’honnêteté.Aumomentdepartir, je lui faisunpetitclind’œilpournepasledérangeravecsesclients,maisils’excuseetm’interpellepourquejem’arrête.

—Tuveuxqu’onseretrouveoù,p’titcœur?Turepassesiciouonseretrouvesurplace?

— Je repasserai ici,mais t’étais pas obligé de t’interrompre pour ça, t’aurais pum’envoyer untexto.

—Oui,maisj’étaisobligédem’interromprepourça.

Ilplaqueseslèvressurlesmiennesdélicatementetsanshâtealorsqu’ilestattendu.Qu’ilprenneletempsdes’arrêterdetravaillerjustepourmedireaurevoirconvenablement,etmêmemieuxqueça,c’esttropmignon.Définitivement,ilsaityfaire.

Jerepasserapidementàmonhôtelpouressayerdetrouverlatenueparfaite.J’aiuneréputationàtenir!Pasmoyenquejemepointeaustanddansunetenueclassique.J’envisageuninstantunminishortquimefaitdesjambesdetueuse,surtoutavecdeshautstalons,maisjemeraviserapidement,mescannesdesereinnesontplusaussiattrayantes,surtoutqu’ilfautquejerejoigneOwenjusteaprèsetquejenepourraisdoncpasmechangerpourleretrouver.Jesuisdetoutefaçonobligéedemettreunerobe,tousmespantalonssontdésormaistroplarges.J’optepourunepetiterobelégèrerosepâledontlapartiequienveloppelapoitrineestnoire.Elleestsimplemaisjolie,avecunepetiteouverturedansledosquiapporteunepetitetouched’originalité.Avantagemajeur,jepeuxportermesgrosses

bootsàtalonavec,trèshautesmaistrèsstablesetconfortables.

Arrivée au stand, je me sens tout excitée, comme une môme dans un parc d’attractions, quiappréhendeunpeumaisquisaitqu’ellevatrops’éclater.

J’entreet je remarque toutde suitemonamiqui se tourneversmoi, clairement il attendaitmonarrivée.Sonvisages’illumineimmédiatementetjenemanquepasdereleverquec’estStéphanequisetientàsescôtés.Ilsembleamusédevoirsurquelleschaussuresjesuisencoreperchéeetjesensplusieursregardsconvergerversmoi.

—OKTOUTLEMONDE,ONVAPOUVOIRCOMMENCER!

Ils’avanceversmoietjesensquejesuistombéedansunputaindeguet-apens.Ilmeprenddanssesbraschaleureusement,sansréussiràeffacerlesouriretaquinqu’ilaffiche.

—Dansquelmerdiertum’asmise?Qu’est-cequetumijotes?

—Disons qu’il se pourrait que les enchères aient pris un peu d’ampleur et qu’il y ait plus deparieurs.

Iljubile,iln’enpeutplusdeserégalerdesonpetitjeuetils’amusetroppourquejeluiboudesonplaisir,j’acceptedejouerlejeu.

—C’estdujoli!Desparisclandestinsalorsquelamajoritédecesgenssontdesflics.Bien,alorsautantquejecommenceavecStéphane,histoiredem’échauffer.

Jesuisd’uneinsolencequimedépasse,j’enrevienspasmoi-mêmedemedonnerenspectacleàcepoint-là,mais au fond je croisquec’estparceque jene suispas très à l’aise avec le faitd’être lecentred’intérêt,etducoupj’enfaisdestonnespourcompensermonmalaise.Oualorsc’estjusteunexcèsdeconfianceetunegosurdimensionnéquejen’avaispasencorelaisséss’exprimerjusque-là.

—Salut.Doncjevaisêtretonéchauffement?

Jelanceunregardjoueuràmonadversairepoursouleverlapetiteambiguïtéqu’ilpourraityavoirdanscettephrase.Jeluifaisrapidementlabiseavantderépondre.

—J’espèrebien.

Je ne sais pas à quoi je joue avec lui, je ne me reconnais pas, mais après tout si ça peut ledéconcentrer un chouïa…Je commence à êtreméfiante, il a l’air d’y tenir à sa revanche, quelquechosemeditqu’iladûs’entraîneràmort,maisbon,siÉricamisésurmoi…

Éricreprendlesrèglesdela«partie»pourtoutlemonde,expliquantqueçasepasseraendeuxsessionsdetirs.

Jedemandeàavoirquelquestirsd’échauffementmaisjedécidesilencieusementdenepasviserlecentredelacible,etdeconcentrerplutôtmestirssurlenumérohuitsurladroitedelacible,histoire

detrompermesadversairesquim’observentplusoumoinsouvertement.Quandjerécupèremacible,aprèsavoirajustélesréglagesdel’arme, jecroiseleregarddemoncoachquineseleurrepasdutout surmaperformance, ses yeuxbrillent tellement, il exulte intérieurement et je pince les lèvrespourmeretenird’enfaireautant,profitantavecluidecettecomplicitésilencieuse.

—C’estbon?Prête?m’interrogemonchallenger.

—C’estparti.

Nous nous mettons tous les deux en position mais je sens qu’il attend que je commence. Laprécédentesessionluiaapprisàseméfier,ilveutquejetirelapremièrepourvoircommentjem’ensors.Jen’hésitepas,jenepourraidetoutefaçonpasluirejouerlemêmetourqueladernièrefois,ilsaitmaintenantàquois’attendreetqu’ildoitdonnerlemeilleurdelui-même.J’enferaisautant.

Àlafindelapremièresessiondetirs,jemènedéjàdequelquespoints.Jelesenstendu,frustré,etpourlecoupjen’enfoncepasleclouenfanfaronnant.Ladeuxièmesessionscellesonsort.Ilgrimaceunpeumaissemontresportetmeserrelamainpoursaluerlaperformance.J’apprécie,maisaufondjesaisquecen’étaitpas lui lepiège,ni les troisouquatreautresmecsquivont tenter leurchanceensuite. Éric note tous les résultats dans un petit carnet, à croire que le passage à la caisses’organisera plus tard, mais je remarque qu’il ronge son frein, clairement son poulain n’est pasencorepassé.

—Bonalorstuyvas,tumejettesenpâtureàtonprotégé?

—Pourquoitudisça?

—Parcequ’apparemment,ilnem’apasencoreaffrontéeetquetun’attendsqueça.Etqu’enplustuasmisécontremoi.Àquoijedoism’attendre?Untireurd’élite?

—Tuveuxgâcherl’effetdesurprise?

—Oui,j’aimeraisautant.

Ilm’expliquequeBaptiste est effectivement tireurd’élite,maisque finalement çanecomptepastellement(maisbiensûr)parcequ’iltravailleavecdesarmesspécifiquesquin’ontrienàvoiraveccelles du tir sportif.Mais il n’est pas encore arrivé et il espère qu’il sera là avant que je ne soisobligéedepartir.

Jeremarqueunejeunefemmequial’airdem’observerdeloin.Éricnelaconnaîtpas,etàforcedelafixer,ellefinitparsedécideràveniràmarencontre.

—Bonjour,Karen.

—Bonjour,moic’estAnouk.

—Jenevoulaispasvousdéranger,maissivousavezencoredutempspourunp’titdéfi…Aprèstoutaucunenanan’atentésachance.

Ellemefaitunsourire,ellem’estplutôtagréable,uncontactassezfacileetsanschichi.Clairement

ellenevientpaspour la compétition, justepour s’amuser.On fait deux séances, je luioctroieunerevancheetonprendquelquesminutespourdiscuter.J’apprendsqu’ellen’estpasflic,elleestlàpourlesport.Ellebossecommeagentimmobilieretc’estsonexauxÉtats-Unis,quiluiétaitpolicier,quil’ainitiée.Elleyaprisgoûtetmêmequandellel’aquittéelleacontinuéàpratiquer.Etdepuispeuelle adécidédeprendredu recul et de s’installer enFrance.Sonparcoursme la rendencoreplussympathiqueetj’imaginefacilementm’enfaireuneamie.Auboutdequelquesminuteselles’éclipsepouralleràunrendez-voustoutenmeglissantsacartedevisite,prétextantquesiunjourj’aibesoind’unagent immobilier…Je souris intérieurement, question agent immobilier, j’ai cequ’ilme fautavecDimitri.

En attendant mon super challenger, j’en profite pour m’entraîner tranquillement avec mesécouteurssurlesoreillesetuncasquepourmecouperdurestedubruit,lestirstoutautourdemoin’étantpastrèspropicespourapprécierdelamusique.Jem’isole,memetsdansmabullepourmeconcentreravant leduelquis’annonce.Maplaylistenmodealéatoiremeplongedansunesortedetranse avec The Funeral de Band of Horses. Cette chanson me transporte complètement, je suisdéfinitivement déconnectée de tout ce quim’entoure. Et quandmon amime tapote l’épaule, je nesursautemêmepas,jesuissereine,conscientedecequisepasseautourdemoi,maiscomplètementdétachée.Ilmedésignemonnouveauconcurrentàquijefaisunpetitsignedetêtepourqu’ilsemetteen position. Je le laisse tirer pour s’entraîner et j’en profite pour changer la programmation dulecteurdemontéléphonepourmettrelamêmechansonàtournerenboucle.Jenesaispaspourquoi,maiscettemusiquerésonned’unefaçonparticulière,ellefaitéchoàunedouleurquejenem’expliquepas.Baptistemefaitsignequ’ilestprêt,mêmes’ilsembleunpeuétonnéquejeneprennepaslapeinede lui parler. Je me mets en position et sans attendre j’aligne tous mes tirs avec une précisionchirurgicale qui m’étonnerait presque moi-même si je n’étais pas si concentrée, je dirais mêmeabsorbée.Jenefaispasattentionàsonscore,jeneregarderien,jenebougepas,etc’estÉricquifinitpar changer mon carton. Deuxième série identique à la première. Je rends l’arme et le casqueantibruitàmoncoachetj’enlèveuniquementunécouteurpourluiparleretluisignifierquejedoisyaller.

—Qu’est-cequisepasse?Qu’est-cequet’as?

—Rien,toutvabien,jedoisjusteyaller,jet’aiditquej’avaisquelquechosedeprévuenfindejournée.

—T’as l’aircomplètementailleurs.Tudevraisexulter, t’asréussiàbattreBaptiste,depeu,maist’asréussi,t’asfaitunscoredontjenet’auraispascrucapable.Tupourraistefrottersérieusementàmoi.Entoutcas,j’teremerciepas,tum’asfaitperdreplusquetunem’asfaitgagner.

Il parvient à peine à m’arracher une esquisse de début de sourire. Je n’ai même pas envie derépondre, je ne vois pas quoi dire. Je lui fais une bise et pars après avoir remismon écouteur enplace.

Aprèsavoirlaissélachansontournerenbouclecinqousixfois,jedécided’enlevermesécouteurspour essayer deme sortir demabulle qui devient de plus en plus hermétique. Jeme sens commeprisonnière,prisedansunebouclesuivantlemoderepeatdecettechanson.J’aibesoindeprendreletempsdemereconnecteraumondeavantderetrouverOwen.Jemegaremiraculeusementprèsdelagaleriemaisresteencorequelquesminutessurmonsiègeletempsderetrouvermessensations.

2

À peine arrivée je remarque le regard inquiet demon chéri. Quelque chose le turlupine et j’ail’impressiondenepasyêtrepourrien.

—Hey,çavatoi?T’avaispeurquejesoisenretard?

—Non,çava.Ettoi,t’aspasséunebonneaprès-midi?

—Ouiçava,maistum’asmanqué.

Cen’estpas toutà faitvraimais j’aibesoindemeblottir contre lui,deme retrouverdansmoncocon,justeuninstant.Jelelibèrerapidementcarnousnesommespasseuls,etmêmesinosvisiteurssontconcentréssurunetoile,jenetienspasàmedonnerenspectacle.Ilmeregardeintensément,deceregardquimedonnel’impressionqu’ilsondemonâme,etjemesensmalàl’aiseàl’idéequ’ilpuisseytrouverquelquechosequejeneveuxpaspartager.

Mais une drôle de sensationme taraude, qui concerne Jessie, c’est comme quand quelqu’un estpassédansunepièceetqueleseffluvesdesonparfumimprègnentencoreleslieuxaprèssondépart.J’ailesentimentqu’ilestvenuicietjenem’expliquepascetteimpression.

—Owen,est-cequequelqu’unestpasséicipourmevoir?

—Commentça?

—Est-cequequelqu’unestvenuetm’ademandée?

—Non,personnep’titcœur,pourquoi,tuattendaisquelqu’un?

Jel’écoutetoutenvérifiantmonportable.Aucunappelenabsence.

—Non,c’estjusteque…j’ensaisrien,j’aicruquemonfrèreétaitpeut-êtredanslesecteur,maisbon,çaseraitbizarre,ilm’auraitappeléepourmeprévenir.

Unelueurétrangetraversesonregard,maisilreprendrapidementcontenancepournepaslaissersontroubletroptransparaître.Jedécided’ignorercequinedoitêtrequelerefletdemaparanoïa.

—Bon,qu’est-cequ’onfait?Tuchassestesclientspourqu’onpuissefermerboutiqueetrejoindreCarlos?

—Onvaleuraccorderquelquesminutesetaprèsondécolle.

MalheureusementilsviennenttrèsrapidementversOwenpourl’informerqu’ilssouhaitentprendrelatoile,ets’occuperdetoutelapaperassenousmetinévitablementenretard.Depuislebureau,monchérim’envoieuntextoaveclenumérodetéléphonedeCarlos.Jecomprendslemessageetl’appellepourl’avertirquenousneseronspasàl’heure.

Le trajet jusqu’aupremier local se fait dansun silencepesant, je nepeuxpas lui parler demonaprès-midietilsembletroubléparquelquechosequim’échappe.

Lepremiersiteestl’ancienmagasindefringues,maisilestinutilequejedonnemonopinionsurl’endroit, il n’y a pas assez de hauteur sous plafond, il ne pourrait pas facilement accueillir desœuvresvolumineuses.Laquestionestdoncviteréglée.

Nous suivons la voiture deCarlos pour nous rendre à l’ancienne galerie quand je finis parmedécideràlancerlaconversation.

—Tuavaisprévuquelquechosepourcesoir?

—Endehorsdepasserlasoiréeavectoi?

Ilaffichesapetitemouetaquinequicommençaitàmemanquer.

—Humm,MonsieurHenderson,jevoustrouvebienprésomptueuxdecroirequej’airéservémasoiréepourvous.

—Yaintérêtjeunefille.Jecomptebienprofiterdetontempsetdetapetitepersonnecesoir.

Ilsembleenfinabandonnerderrière luisescontrariétéspourlaisserplaceaujeu,etsaremarquemefaitfrémird’impatiencejusquedansmonbas-ventre.

DepuissavoitureCarlosnousfaitsignedenousgarersuruneplacelibretandisqu’ilcontinuesonchemin à la recherched’un endroit où stationner sa proprevoiture.Samanœuvre terminée,Owenposesamainsurmacuisseetmedévisagesiintensémentquej’ensuispresquemalàl’aise.

—Cesoir,jeveuxquetusoistouteàmoi.

Je sais tout ce que ces mots sous-entendent, à bien des niveaux, il me veut physiquement,émotionnellement,officiellement.L’arrivéeimminentedeDimitridoitl’inquiéteretlepousseàhâterleschoses,ilveutsansdoutequetoutsoitbienclairaumomentoùnotreamidébarquera.

—Pourquoi,tun’aspaseul’impressionquec’étaitdéjàlecashier?

Je fais celle qui ne répond qu’à l’aspect physique de la question, mais son regard attendri meprouvequ’il a compris que je réponds à toutes ses interrogations. Il veut se jeter surmoimais saceintureleretientdanssonélan,cequinousplongedansunfourirepaspossible.C’estfinalementmoiquidétachelamiennelapremièrepourmehissersursesgenoux.Jenetrouvepaslesmots,j’aijuste besoin de réduire auminimum la distance entre nous. Il attrapema lèvre inférieure avec sesdents,etsaferveurquandilprendpossessiondemaboucheembrasemoncœuretmonâme.Jenesauraispasdireexactementpourquoi,maisàcet instant, jecomprendsquedésormaisjenepourraiplusvraimentm’échapper, jepourraim’éloignermais je resterai irrémédiablement liéeà lui. Ilestmonpointd’ancragedanscettevieenl’absencedeJessie,etpeut-êtremêmeaprèssonarrivée.

Je finis par le libérer pour que nous puissions faire la visite pour laquelle nous avons fait ledéplacement.Nousavançons,nosdoigtsentremêlés, à la rencontredeCarlosquiarrivepournousretrouver juste en face du local. Je jette un regard complice àmonmatou parce que rien qu’à cequ’onpeutvoirautraversdelabaievitrée,jesaisqu’ilvaêtreemballépartoutlepotentieldulieu.Sonregardpétillepresqueautantquequandilenvisageunplancoquinavecmoi.Onestsurlamêmelongueurd’onde,onpourraitpresquefairel’impassesurlavisite.

—Bon,doncj’vousfaisunpeul’article.

—C’estpaslapeine,onvad’abordfaireletour,onverrasionadesquestionsaprès.

Jel’aiinterrompuetillanceunregardcirconspectàOwenquiconfirme.

—Elletel’adit,pasbesoindenousfairelapubdulieu,onl’adore,onvaexploreretondiscuteraaprès.

Mamaintoujoursdanslasienne,ilm’entraîneverslefonddelagalerie.

—Alorst’endisquoi?s’enquiert-il.

—Tulesais,elleestgénialecettegalerie.Tunem’aspasditdanslesdétailscequeturecherchais,maispar rapportà tonprojetglobalçacollebien.Elleestgrande,unebellehauteur sousplafond,bienagencée,avecplusieursespacesquitepermettraientdesectoriserlesdifférentsartistes,etdansunquartiervraimentsympaenplus.C’estplutôtBoBopar ici,pour legenred’œuvresquetuveuxprésenterçaseraitlabonneclientèle.C’estpeut-êtreçaquiafaitplongerlesancienspropriétaires.Ilsproposaient peut-être des choses trop classiques pour les gens d’ici.Mais il va vraiment falloir terenseignersurlaréputationdel’endroit,sicen’estqu’unequestiondestyleçavalefaire,lesgensverront depuis l’extérieur le changement dans ce qui est proposé. Par contre, si ça tient plus à lapersonnalitédespropriétaires,desarnaquesoudesconneriesdugenre,çavaêtrepluscompliquéderéhabiliterl’imagedemarquedulieu.Maisbon,danstouslescas,riend’impossiblesituasvraimentlecoupdecœur.

—J’aienviedefaireuneoffre.

—Ehbahc’estpartialors.

—Peut-êtrepasaussisimplementqueça,maisoui,c’estparti.

—Pourquoiçaneseraitpasaussisimple?Tuaslesfondsnécessaires?

—Normalementjedevraisyarriver,ilfautquejevoieçaprécisément.

—Tuauraisbesoindefaireunprêt?Situveux,jepeuxt’aiderpourlefinancement.

—Hatiens…Tuvoudraisêtremonassociée,finalement?!

—Non,maisjepourraisêtreunprêteuràtauxzéro,ouuninvestisseursituveux,enattendantdemerachetermespartsquandtuauraslesliquidités.Jeteproposejusteuneaidefinancière,maisc’esttonprojet,tonbébé,jetelaisselegérer.

J’aiparlé tropvite,endisantcesderniersmots jeviensde lui tendreuneperchequ’ilnevapasrater.

—Oualorstupourraist’investirdansmonbébécommejevoudraism’investiravecletien.

Etmerde!C’étaittellementévidentqu’iln’allaitpaspasseràcôtédecetteremarque.Etmaintenant,commentjemesorsdecetraquenard?Onditparfoisquelecœurasesraisonsquelaraisonignore,ehbienmoic’estmaraisonquiignoremoncœur,quineveutpaslaisserOwenprendrelaplacequemoncœurvoudraitluioctroyerdansmavie.

—Qu’est-ce que tu disais déjà ? Step by step. Ce que je te propose, moi, ne représente aucunengagement,cen’estquedufric,etj’enaiassezpourqueçanesoitpasunproblème.Cequetumeproposes,c’estbeaucoupplus,leseulpointcommunc’estlarhétorique.

—Quandbienmêmeçaseraitleseulpointcommun,monoffrerestenéanmoinssurlatable.

—Owen,s’il teplaît, j’aipasenviedeparlerdeça,pasmaintenant.Tuas trouvé le localque tuespérais,alorsréjouissons-nouspourçaetapprécionslemomentsansprisedetête.

Ilsoupireetmetourneledospourallerrejoindrel’agentimmobilier.

—OKCarlos,maintenantsors-moitonblabla.

Ça y est, j’ai réussi, il est énervé. Une fois de plus j’aimerdé. Je l’ai rembarré d’unemanièreinacceptable alors qu’ilme faisait la plus adorable des propositions. Je lui ai balancémon fric auvisage en repoussant son offre qui avait tellement plus de valeur que la mienne. Je vais devoirm’excuser,etpasqu’unpeu,sachantqu’il seraitendroitdemefaire ramer tellement j’aidéconné.D’unautrecôté,mêmesic’estabusé,j’aitendanceàpenserquelefaitqueDimitriarrivedemainval’obligeràacceptermesexcusesplusrapidementqu’ilnelevoudrait.C’estmalhonnêtedemapart,jenepeuxpasmeservirdeçapourlecontraindreàmepardonner.Jeferaicequ’ilfautpourmefaireabsoudre.

Je les rejoins alors qu’ils discutent en consultant les plans du site.Carlos a lamine enjouée duvendeurquisaitqu’ilvatouchersacommission,etilaraison,çanefaitaucundoutequ’Owenaeuuncoup de cœur pour l’endroit et qu’il va l’acheter. Il est déjà en train de récupérer des tonnes depaperasse qu’il souhaite étudier, tout en expliquant qu’il a quand même besoin de réfléchir trèssérieusement,qu’ildoitréaliseruneétudedemarché,serenseignersurlaconcurrenceetlepotentiel

duquartier. Je suismalà l’aisedevoirqu’ilne se réjouitpasautantqu’il ledevrait, j’aibêtementgâchésonplaisir.Jemefaufileàsescôtésetglissediscrètementmamaindanslasienne,maisquandilposesesyeuxsurmoiilssontparfaitementindifférents,pasfâchésouénervés,justefroids.

Aprèss’êtreassuréquenousavonsvutoutcequenoussouhaitons,Carlosnousproposedepartiretd’éventuellementfixerunrendez-vouspoursoitfinaliseruneoffre,soitfaireunecontre-visitedeslieux,avecDimitriparexemple.Jenerelèvepascetteremarque,maisfaireallusionàDimitriquandjesuisdanslesparagesn’estjamaisunetrèsbonneidée.Cecidit,Owenfaitdéjààmoitiélatête,çaneva pas changer grand-chose. Ce dernier annonce qu’il est effectivement temps d’y aller, il adésormaisensapossessiontouslesélémentspourprendresadécision,ilneluirestequ’àfairedesrecherches complémentaires. Il se dirige vers la porte tout en lâchant discrètement ma main aupassage.Jeneluienveuxmêmepas,c’estmérité.Onseditaurevoirsurlepasdelaporteetnousnous dirigeons directement vers notre voiture, marchant côte à côte. Sans dire que nous sommescommedeuxétrangers,cen’estentoutcaspaslaproximité,physiqueetémotionnelle,quivanousétouffer.Chacunprendplaceensilence, jevoudrais romprecetteambiancepesante immédiatementmais lesmots ne viennent pas. Par où commencer ?Commentme justifier ?Au bout de quelquesminutesquimesemblentinterminables,jemelance.

—Jesuisdésolée, jen’auraispasdûdire leschosescommeça toutà l’heure.Tum’asprisedecoursetj’aieul’impressiondedevoirmeprotégeretj’airipostéunpeutrop…vivement.

—Jesais.

Savoixestatoneetdétachée,cequinem’aidepas.Ceseraitpresqueplussimples’il s’énervait,gérersonindifférenceestplusdifficile.

—Nesoispasfâché,s’il teplaît, jesaisquej’aiétéconne.Jevaispastedirequej’aibesoindetemps,jecroisquej’auraistoujoursdumaldanscegenredesituation,quetuveuillesenfaireautantpourmoi,spontanémentetaussifacilement,c’esttrèsdéroutant.

Ilneditrien.J’aipresqueenviedem’énerverpourlefaireréagirmaisceseraitinjuste,ilneméritepasquejel’attaquealorsquejesuisentort,définitivementilvafalloirramper.

—Dis-moiquelquechoseaumoins.

Ilprendquelquessecondesavantdesoupirerprofondément.

—C’est pas tant contre toi que contremoi que je suis agacé. Je devrais le savoir à force, j’teconnais,dèsquejefaisunpasverstoit’enfaistroisenarrière,ilfautquejemecontentedemarcheràtonrythme.

Finalement j’auraispréféréqu’il nedise rien. Il a raison,mais ça faitmalde l’entendredans sabouche.Direqu’ildoitsuivremonrythme,quejesuiscellequidécideetqueluinepeutrienfaired’autrequesubir…Cen’estpascomplètementfauxmaisassezduràencaisser.

—Franchementjefaisdesefforts,jeveuxbienessayerdefairecequ’ilfautpourterassurer,maislàontoucheàunsujetvraiment,vraimenttouchy.Jenesaispasencorecommentjeveuxgérercettesituation.

—Ehbienpeut-êtreque tudevrais teposer laquestion,parcequ’onesten traindese retrouvertous les deuxmais finalement ce petit bout va rapidement entrer dans l’équation, pour ne pas direqu’ilenfaitdéjàpartie.Moijel’aidéjàprisencompte,jet’aiditquejevousvoulais,touslesdeux,maisenfindecompte,toitunem’asditouiquepourtoi,j’aicruqu’onétaitsurlamêmelongueurd’ondemaisenfaitcen’estpaslecas…

Jenerépliquepas,c’estvrai,tellementvrai.Soitjedisouipourtout,soitjedisnon.Jenepeuxpasfairecommesiderienn’étaitjustepourm’envoyerenl’air,mêmesijesaistrèsbienquecen’estpasqueça.Noussommespresquearrivésauniveaudesquaisquandilbifurque,jecroisuninstantquec’est pour retourner à sa galerie mais je ne mets pas longtemps à comprendre mon erreur.Monintuitionseconfirmeauboutdedeuxminuteslorsqu’ils’arrêtedevantmonhôtel.Endéfinitiveilareconsidéré ses projets pour la soirée et je n’en fais plus partie.Quellemerde !Mes explicationsn’ontpasétéàlahauteur…

Il reste statique et attend. Je le regarde un instant mais son regard est fixe, droit devant lui, ilpatiente jusqu’à ce que je m’en aille. Je voudrais m’excuser encore, le prendre dans mes bras,l’embrasser,maisilesttroprenfermépourquejetentelamoindreapproche.

Je descends rapidement, il partma portière à peine refermée. Je suis prise entre la tristesse, lafrustrationetl’irritation,contremoi-mêmeetmesréactionsmerdiques.

Jeresteplantéelà,surletrottoir,quandlevoiturierm’accosteetmesortdemaléthargie.

—MademoiselleDavis,jepeuxfairequelquechosepourvous?

—Heuu,nonmerci,c’estgentilAnthony.

Je finis par regagner ma chambre, histoire de cogiter tranquillement à tout ce qui vient de sepasser.Aufondilnedoitpasêtresiénervéqueça,ilveutcertainementquejeréfléchisseàcequ’ilvientdemedire.Detoutefaçonjen’aipaslechoix,ilestdanstoutesmespenséesetjenepeuxpasmeconcentrersurquoiquecesoitd’autre.

J’enprofitepourenvoyeruntextoàOliver.

*Coucoubeaugosse.TusaisàquelleheureDimiarrivedemain?

*Sonavionarrivedemainmatin.

*Tusaiss’ilaprévuquelquechosepourrentrerchezlui?

*J’passeleprendre.

*Çat’embêtesij’luifaislasurpriseetquej’yvaisàtaplace?

*Oui

Çac’estunmensonge,ils’enfiche,ilveutjustequejelesupplie.

*Pleeease

*Mieuxqueça.

*S’ilteplaîtmonpetitchouchoupréféré.

*Mieuxqueça.

Quelcasse-pied…

*S’ilteplaîtmonsuperpetitchouchouquej’adoreetàquijepaieraiundîner.

*OK

Leprochaintextocontienttouteslesinformationsconcernantlevol,l’horaire,lenumérodehall…Montéléphonevibredanslafoulée.

—Bon,jel’auraiquandmondîner?Parcequejesensquetuvasvitem’oublieravecteschevaliersservantsdanslesecteur.

—OhmonOlichéri!Tusaisquec’esttoimonpréféré.Onlefaitquandtuveuxcedîner.Cesoirsituveux.

—T’aspasencoremangé?

—Bahàdirevrai,j’aifaitdesvisitesavecOwencesoiretjeviensjustederentrer,doncnon,j’aipaseuletempsdegrignoter.

—Etilt’apasgardéeaveclui?

—J’teraconterai.T’asmangédetoncôté?

—J’allaismeréchaufferunboutdepizzaquidatedetroisjours,alorsautanttedirequejepréfèremefaireungueuletonavectoi.

—OK, j’te laisseme rejoindre, on n’a qu’à aller dans le petit resto dans la rue adjacente à lagalerie.Çaseraplussimplepourtoideveniraveclamotoquemoiavecmacaisse.

—Onseretrouvelà-basdansvingtminutes.

—Parfait.Àtoutdesuitemonchouchou.

—Àtoutdesuitebeauté.

Je viens tout juste de rentrer et suis donc prête pour repartir. J’en profite pour prendre mesmédicaments contre les nausées en espérant que ça aidera pour faire passer le dîner. Je reparsimmédiatement,j’arriverailapremièreetçamepermettrad’avoirunetablerapidementoud’enavoirunequandOliarriveraetluiéviterd’attendre.

**

—J’aimerdéàmort,Oli,ilestcontrariéetilaraison.

—T’inquiètepaspourlui,çavaaller.

—J’ensuispassisûre.Ilfautquejeprenneunedécisionetquej’acceptedejouerlejeu.

—Cettetournuredephraseenditlong.Ditcommeça,jecomprendsquetuveuxdireoui.

—Lavérité?Oui,biensûrque jeveuxdireoui,maisça implique tellementdechoses.Déjàunniveau de culpabilité et de hontemaximum.Genre la fille qui se fait engrosser par unmec et quiretournevoirsonexavecquielleseremetenmêmepasdeuxsemaines.Rienqueça,jegèrepasdutout.Alorsaprès,ceseraitlaporteouvertesurtellementdeproblèmes,jeluilaisseraisprendreunetrop grande emprise surmoi, obligée d’accepter qu’il s’implique dans cette grossesse.Çame faitflipper,vraiment.

—Pourquoi?Tusaiscommentilest.Ilabuserajamais,ilconnaîtteslimitesetlesrespectera.Tune crois pas que tu devrais lui laisser une chance avant de le condamner en pensant qu’il vat’emmerder,etcesansmêmedeluiavoirlaissél’occasiondelefaire?

Ilsourit,ilessayederationaliseretdesemontrerrassurantetçamarcheplutôtbien.

—Etj’ajoutequet’espasunenanaquis’estfaitengrosser…Tuesmonamie,mabeauté,quialebonheurd’attendreunenfantetquialachancederecroiserlechemindeceluiquipourraitbienêtrel’hommedesavie.Çaseraitridiculedenepassaisircetteopportunitéqu’ilt’offre.

—Hébin,j’tesavaispassiphilosophe,beaugosse!

—Ahqueveux-tu,jesuisunhommepleinderessources.

—En tout cas c’est gentil de passer la soirée avecmoi, çam’aide à y voir plus clair quand jediscute avec toi, et puis çam’occupe l’esprit plutôt que de gamberger toute seule dansma pauvrechambred’hôtel.Bonallez,changeonsdesujet,qu’est-cequet’asprévudefaireceweek-end?

—Bah, vu que j’avais organisémon planning pour aller chercherDimitri, je crois que je vaism’octroyer une putain de grassematinée ! L’aprèm je bosse et après… on verra, ça dépendra deDimitri,s’ilestd’attaquej’espèrebienallerfairelafiesta.

—J’osecroirequetum’incluesdansceprojet.Pasmoyenquevousalliezvouséclatersansmoi.

—Tucroisquet’esenétat?

Ilsemoqueetchercheclairementàmeprovoquer.

—Disdonc,tuvaspastelajouerenmodeOwen!Pasmoyendemelaissersurlatouche.Aufaitjen’aiencorerienditàDimiconcernantmagrossesse,j’aipréféréattendredelevoirpourluienparlerdevivevoix,doncsurtouttun’yfaispasallusiontantquejetedonnepaslefeuvert.

—àvosordresmadame.Enfin…mademoiselle.Maist’enfaispas,jem’endoutais.Bonceciditc’est relou, si tuviens lesp’titesnanasvont croireque l’undenousest en couple etonva jamais

réussiràenramenerunecheznous.

—T’inquièteva,jetrouveraibienunmoyendedissipertoutmalentendu.Jem’envoudraisdefairecapotervosplansdrague.

Lasoiréecontinuedansunebonneambiance,monjoyeuxacolytes’étantapparemmentmisentêtedeme fairepasserunmoment inoubliable. Jen’enpeuxplusde rigoler en l’écoutantme racontertoutes les anecdotes de ses virées avecDimitri, les plans qu’ilsmettent en place pour draguer lesfilles,lesdéconvenuesqu’ilsontpuavoiraupetitmatin,etunecertainehistoiresurlaquellejen’aipas encore tous les détails mais qui inclut son copilote et un transsexuel. Il refuse de dévoilercertainespartiesdecetteaventure,secachantderrièreunsoi-disantsecretprofessionnel.Àl’usure,jefiniraiparluifairecracherlemorceau,àluiouàDimi,maisj’aurailefinmotdecettehistoire.

Lasoiréesefinitasseztardetonsequittedevantlerestaurant, lui,reprenantsamotogaréelàetmoi,mespetitspieds.Ilm’abienproposédemeraccompagnermaisjenesuispasloinetvuquejenevaispasmontersursamoto…Ilétaitprêtàfairelecheminàpiedetrécupérersamotoaprès,maisjel’enaidissuadétoutenleremerciantmalgrétoutdecetteattentionsichevaleresque,maissurtoutpourtoutecettesoirée.

Jevaispouvoirretourneràmonhôteletmegargariserdemondésespoird’avoiréloignél’hommequi,commeleditsibienOliver,«pourraitbienêtrel’hommedemavie».

3

Uneheuredéjàquejemetourneetmeretournedansmonlitencherchantàétoufferlapetitevoixquimerenvoieenpleinvisagetouteslesconneriesquej’aipudireàOwendepuismonretouràParis.Plusj’ypenseetplusjemedisquec’estunsaint.Ilestd’unepatienced’angeavecmoiquinesuisqu’unechieusenotoire.Bon,d’unautrecôté jene l’aipasprisen traître, ilsavaitàquois’attendreavecmoi,maisjeneluifacilitedécidémentpaslatâche.

Les séries débiles qui passent à cette heure tardive n’arrivent pas à occuper mon esprit, quicontinuedevagabonderparmidessouvenirsdanslesquelsjenem’illustrepas.

Au bout du compte je me décide à sortir pour prendre l’air, mais surtout, autant ne pas fairesemblant, jeveuxmepromenerducôtéde lapéniche. Jenesaispas trèsbienceque j’espèreenyallant,maisilfautquejelefasse.Jeremetsmesvêtementsdujouravecunblousonenprime,histoiredemeprotégerde la fraîcheurde lanuit. Il estplusd’uneheuredumatinmais jemesens fraîchecommeungardon,dopéeparmonstress.Jemefaufiledanslarueencoreassezfréquentéemalgrél’heure tardive et me dirige vers la péniche, ne sachant pas ce que j’y trouverai, mais j’ail’impressionqueréduireladistancephysiqueentrenousm’aideraàgagnerensérénitépouryvoirplusclair.

Plusj’approcheetplusjeressenssaprésence,moncorpsvientd’entrerdanssonchampdegravité,etjesuisirrémédiablementattirée,danstouslessensduterme.

Je suisàquelquesmètresdubateauet je ralentispourme laisser le loisird’observer lapénichetranquillement. Iln’yapasde lumière,pasdemouvement, juste lebruitdesvaguesquis’échouentcontre la coque.Soudain j’aperçois commeuneombre sur le pont, c’est lui, sur l’une des chaiseslongues, et il vient de se redresser. Je ne vois pas très bien, la lune voilée par des nuages et lesréverbères tropéloignésnemepermettentpasdedistinguerexactementcequisepassed’où jemetiens.Maisilfinitparsemettredeboutetilestévidentqu’ilregardedansmadirection.Jenebouge

pas, jenesaispasquoi faire, jenepensaispas le trouver là. Jen’aipasvraimentétablideplanenvenantetjemeretrouveprisedecourt,obligéed’improviseralorsquejenemesenspasenpleinepossessiondemesmoyens.Ilresteimmobile,certainementencoreplussurprisquemoiparceface-à-face.Ilfaitunpremierpasdansmadirectionetinstinctivementj’aienviedereculer,defuir,commed’habitude.Maiscettemauvaisehabitudem’ajustementtropsouventjouédestourspourquej’enuseavecluiencetinstant.Etbizarrement,danslemêmetemps,j’aienviedemejeterdanssesbras,maisla crainte qu’ilme rejetteme retient. Il fait un pas de plus versmoi et tend samain, comme uneinvitation à le rejoindre. Il nem’en faut pas davantage pourme décider à le retrouver. Jemarcherapidement et finis par trottiner jusqu’à la passerelle que je traverse en quelques enjambées.D’instinct,jemejettecontresoncorps,sansmeposerplusdequestionsjel’enlaceétroitementetmeblottiscontresoncœur.Ilm’enveloppeimmédiatementdesesbraspuissantsetposesajouecontrelesommetdemoncrâne,soncorpsformantuncoconautourdumien.Ilinspireprofondémentdansmescheveuxetavantqu’ilnepuissedirequoiquecesoitouqu’ilnebouge,jemedécideàluidirecequim’abrûléleslèvrestoutelasoirée.

—Pardonne-moi,s’il teplaît,excuse-moi.Jetiensàtoi, tellement,et jeveuxtoutcequetuveuxm’offrir,jenesaisjustepascommentfaire.

Unelarmeroulesurmajoue,j’aicomplètementlâchéprise,plusderetenue,plusdefaussepudeur,plusdemasque,justemoi,nevoulantquelui.

—Alorslaisse-moigérer,jesaiscommentfaire,jevaism’occuperdetoi,devous.

Ilnemedonnepas le tempsde répondreetm’embrasse tendrement,délicatement, alorsquedeslarmesinondentmonvisage,submergéeparleflotd’émotionsquim’envahissent.

Lesvannessontouvertesetj’ail’impressionqueplusriennevapouvoirlesrefermer,jesanglote,et toutmoncorpsest secouéau rythmedemespleurs. Jeprendsmaintenantconsciencede toute latensionaccumuléecesderniersjours,toutlestressinduitparnotrerelationenpleinereconstruction,l’angoissedemagrossesseàlaquellejen’osefaireface,lepoidsdemessecrets,touteslesstratégiesquejemetsenplacepouressayerd’épargnerlesinquiétudesdesunsetdesautres,maistoutcelaestentraindemeconsumeràpetitfeuetcommenceàmefairebasculerenmodepanique.Ildoits’enrendrecompteparcequ’ilsemetàmecaresserlescheveuxenmechuchotantdesmotsrassurants.

—Chhhhhut,jesuislà,çavaaller.Net’inquiètepas,toutvabiensepasser.Fais-moiconfiancep’titcœur,jesuislà.

J’aienviedeluidirequenon,queçanevapas,queçanes’arrangerapas,qu’iln’apasidéedecequejeluicache,maisjegardetoutcelapourmoi.Moncerveaumehurled’avoirpitiédeluietdelelaissertranquille,qu’ils’enremettraetqueceseramoinsdifficilequed’encaissertouslescoupsdursque je lui réserve, mais mon cœur saigne à la pensée qu’il soit loin de moi et me supplie de lemainteniràmescôtéstantqu’ilenaural’envieetlaforce.

—Net’enfaispas,toutirabien,jesaisquetut’inquiètesmaisnet’enfaispas,onvafairefaceàchaqueproblème,unparun,ensemble.Laisse-moit’aider.

Siseulementilsavaitau-devantdequellesemmerdesilva,ilrebrousseraitcheminetravaleraitsespromessesplusvitequ’unpoliticienfraîchementélu.Jen’aipluslaforcedemebattrecontrelui,je

n’arriveplusàlemainteniràdistance,j’aitropbesoindelui,etàcetinstantplusquejamaisalorsqueje sensmes jambes se dérober sousmoi. Trop de fatigue, trop de stress et trop peu d’énergie, labalancedemonorganismeest tropdéséquilibréepourque jepuissecontinuerainsi.Mesentant luiéchapper, il resserre rapidement son étreinte autour de moi et ses bras m’empêchent de chuter àmêmelesol.Mesforcesm’abandonnentetjen’arrivemêmepasàm’accrocheràluiouàquoiquecesoitd’autre.

—Anouk?!Qu’est-cequet’as?

Jecroiseàpeinesonregard,etc’estsuffisantpourconstateràquelpointilpanique.

—Je…Jesuisfatiguée…Je…

Etmerde,pasmoyenderéussiràargumenterdavantage,lesmotsnesortentplus,mespaupièressefermentirrésistiblement.J’aitoutjusteletempsderéaliserqu’ilmeprenddanssesbrasetm’emmènevers l’intérieur.Au bout de ce quime semble être quelques secondes à peine, je rouvre les yeux,quelquechosecloche,çavibretoutautourdemoi.Jesuisdanssavoiture,ilestentraindebouclersaceintureetjecrainsdecomprendrecequ’ilaentête.Jen’aipaslaforced’argumenter,jeposemamainsursacuissepourl’interrompre.

—T’inquiètepasp’titcœur,j’t’emmène…

—NON!

Lemotestsortiplusfortquejel’auraiscru,maisjesaispertinemmentoùilcomptemeconduireetjeneveuxpasenentendreparler.Çavalecontrarier,maisc’estplusfortquemoi,c’estau-delàdetoutcequejepeuxluiaccorder.

—Anouks’ilteplaît,ilfautquetuvoiesunmédecin.

Maislaréponsedoitseliresurmonvisageparcequ’ilpousseunlongsoupiravantdecouperlemoteurdesavoiture.Jem’accrochepournepassombrer,depeurqu’iln’enprofitepourreveniràsonplaninitial.Ilfaitletourduvéhiculepourmereprendredanssesbras,etcettefois,j’ensuissûre,ilsedirigeverslaportedubateau.

Ilouvrelacouetteetmedéposeavecdesprécautionsinfinies.Jeréalisequ’ilm’adéshabillée,j’aidûavoiruneabsenceparcequejenemesouvienspasqu’ill’aitfait,maisjecontinuederésisterpournepasm’endormir.

Il est assis à côté demoi, au-dessus de la couette, il me caresse les cheveux et je n’ose pas leregarderdanslesyeuxdepeurdecequejepourraisyvoir.

—Fermelesyeux,repose-toip’titcœur,promisjet’emmènerainullepartsituneleveuxpas.

J’esquisseunsourire,illitenmoicommedansunlivreouvert,àquelquessecretsprèsbiensûr.Jelâcheprise,tropheureusedepouvoircéderausommeilquim’attiredésespérément.

C’est la sonnerie de mon téléphone qui me réveille. Il me faut quelques secondes pour meremémorercomment j’ai atterridansce litque je retrouvedésespérémentvidecematin.Lesignalfinitpars’interrompreetjechercheduregardmonsacàmain.Ilestposéaupieddulit,jemepenchepour l’attraper et je ressensdéjàdesvertiges, j’aurais dûme releverplusdoucement. Jeprends letempsdeconsultermonportable,ilestneufheuresetquart,etdéjàdeuxappelsmanquésdeSam.Jene sais paspourquoi,mais jem’attendais à envoir unde Jessie.Aucun signed’Owen. Jeme lèvetranquillement,m’assurequemonéquilibren’estpastropprécaireetmedirigeverslecanapépourattraperleplaidquivafinirparfairepartiedemagarde-robe.Jem’aventuredoucementverslepont,maisavantdememettreàdécouvertjevérifiequ’iln’yapasdebadaudsquitraînentsurlequai.

—Maisqu’est-cequetuveuxquejefasse?!

Lavoixdemonchéribriselesilence,ilestautéléphoneetsontonreflèteunecertainenervosité.

—Bougetonculicietaprèstum’enreparles.C’esttropfacilededireçaalorsquetun’espaslàetque tu ne fais rien ! Je ne vais pas être le seul à endosser le rôle du chieur de service pour lasatisfactiondetous.

Jesaisquejen’aipasledroitdel’espionnercommejelefais,maissoyonshonnêtes,jesuistropcurieusepourarrêter,etpuisjenel’aiquetrèsrarementvus’énerverdelasorte.

—…

—Trèsbien,alorsnemedispascommentgérerleschoses.Fais-moiunminimumconfiance,detoutefaçontun’aspasvraimentlechoix.Jeveuxaumoinsautantquetoiquetoutsepassebien.

—…

—Ouij’m’endoute.Detoutemanièretuaurasl’info,donctumedirascequ’ilenestetonaviseraàcemoment-là.

—…

—OK,çamarche.Onserappelle.Àbientôt.

Ilraccrocheetjemesensobligéederegagnerpromptementl’intérieurpourqu’ilneserendepascomptequej’aiépiésaconversation.Jemeprécipiteverslelitetm’engouffresouslacouettepourfairecommesiderienn’était.Ilarrivequelquessecondesaprèsmoi.

—Salutp’titcœur.Déjàfinidedormir?

—Oui,ilyaeuungrandcourantd’airfroiddanscelitquim’aréveillée.

Jeluilancemonpetitregardcoquin,espérantqu’ilviendramerejoindre.

—Désolé,j’aieuuncoupdefilimportant.

—Ilestpastroptardpourterattraper.

Ils’approcheetposeungenousurlelit,sepositionnantpresqueàquatrepattesdevantmoi,ilserapproche,nelaissantquequelquescentimètresentrenosvisages.J’attrapel’encoluredesontee-shirtpourl’attirerversmoi,maisilsecontentededéposerunpetitbaisersurmeslèvresavantd’essayerde s’échapper mais j’agrippe toujours son vêtement, absolument pas décidée à lui permettre des’enfuir.

—Laisse-moifinirdepréparerlepetit-déjeuner,mabelle.Aprèsonverracequejeferaidetoi.

Maisquandilremarquemesyeuxpétillerilsedépêched’ajouter.

—Non,non,pascommeçajeunefille.Pourl’instantonvas’occuperdeterequinquer.

J’attrape le revers de son tee-shirt pour le lui enlever, mais il se recule pour se sauver enm’abandonnant le bout de tissu entre les mains. Il file vers l’espace cuisine avant je ne puisse leretenirettenteruneapprochepluscrapuleusepourleconvaincrederesteravecmoi.Jeregrettedenepasavoir réussià legarderprèsdemoimais je suis loinde regretter lepaysage.Sesmusclesquiondulent à chacunde sespas…hummmmiam ! J’observe ce corpsque je désire tellement etmesyeuxseperdentsursontatouage,cetattrape-rêvedontj’aisisouventretracéchaquefilduboutdesdoigts. Ilestmagnifique,unvrai travaild’artisteà lahauteurdeceluiqui leporte.Çayest, jesaisenfincequiachangé.Jesavaisbienqu’ilyavaitquelquechosededifférent,maisjusque-làjen’avaispasmis ledoigtdessus.Lesplumes…Jusqu’àprésent,deuxpetitesplumess’échappaientdumotif,volaient,erraientverssonflanc.Etellessontmaintenantquatre.C’esttrèstroublantcarj’enconnaislamalheureusesignification.Jefrémisenpensantàcettepremièreévadéequ’ilafaitgraverdanssachairenmémoiredesamère.Chacuned’ellereprésenteunprochequ’ilaperdu.Laseconde,unamid’enfancemortdansunaccidentdemoto.Pourquoicesdeuxnouvellesplumes?Quia-t-ilperdu?Pourquoin’enai-jepasentenduparler?Quandlemoments’yprêtera,jel’interrogeraipouressayerdecomprendrecequis’estpassédanssavieetqu’iln’apasencoreeul’occasiondepartageravecmoi.

Surlechemindelacuisineilenprofitepourlancerlastéréo,NirvanainondelapièceavecSmellsLikeTeenSpiritetmefaitunpeuperdrelefildemesréflexions.J’adorecettechanson.Ilestdosàmoi,en traindes’activerauxfourneaux,et je remarquecepetitdéhanché tropsexydont ilnedoitmêmepasserendrecompte.Ilselaisseporterparlamusiqueetj’aijusteenviedefairepareil.Jememetsdeboutsurlelit,cettenuitm’aremised’aplomb,jemesensprêteàattaquercettejournée,etenmusique!Jemetrémoussegentimentpuisjememetsàdansercommeunedinguepossédéeparl’âmed’unrockeur,secouantmacrinièredanstouslessens.Quandjeregardedenouveaudanssadirection,ilmescrute,unlargesouriresurleslèvres.Contaminéparmongraindefolieilserapproche,metendlesbras,jeposemesmainssursesépaules,pensantqu’ilveutmefairedescendredulit,maisilm’attrapesouslesfessesetmeplaquecontreluipourmeporter.Jel’encercleavecmesjambesetilsemetàdansertoutenmesoutenant.Jerigolecommeunefolle,jen’enpeuxplus,ilmefaittourner,il saute, il est déchaîné, je ne le reconnais pas. C’est surtout qu’après l’épisode d’hier soir, jecraignaisde levoirm’entraveravecunecamisolequ’il aurait cadenasséeà la têtede lit.Quand lachansons’arrêteils’apprêteàmereposermaisjemecramponnesolidementpourmelaisserletempsde l’embrasser. Jemedélectedugoûtdeses lèvres, ilestplussavoureuxquen’importequelpetit-déjeuneret jeneveuxplusquittermonperchoir. Jeposemesmainssur sanuqueetmepencheenarrièrepour le fairebasculeretqu’ilavancevers le litquise trouvederrièremoi.Mais ilmevoitveniretattrapemanuquepourmereplacercontreluietm’entraînerdanslacuisineoùilmedépose

surl’îlotcentral.Owen1-Anouk0.

—Bougepastonpetitculdelà,j’vaischerchertonsacpourquetuprennestesmédocs.

Ilyvaenpetites fouléeset jemerégaleduspectaclequem’offresoncorpsd’athlète. J’arriveàvoir toussesmusclesdorsauxsibiendessinéssemouvoiràchacundesesmouvements,et jen’enfinispasdemedélecterdecetableau.

—Tiens,lesvoilà.Tuvoulaismangerquoi?Qu’est-cequitefaitenvie?

—J’ha-llu-cine.T’asfaitdespancakes.Alorslà,chapeaubasmonsieur.Bon,ducoupjevaismesacrifier,faudraitpasqueçaseperde.

—Queldévouement,t’estropbonne.

—J’telefaispasdire.

Jehausselessourcilsàplusieursreprisespourbieninsistersurledoublesensdemaréponseetletitillerunpeu.Ilsouritmaispourautantnerelèvepasmonbonmot,ilneveutpasselaisserentraînersurceterrain.

—Ducoup,quiest-cequiaosét’appelerdesibonmatinetm’aprivéedetacompagnie?

Jeposelaquestiondelafaçonlaplusinnocentequisoit,alorsqueçafaitdéjàcinqbonnesminutesquejeréfléchisàcommentlaformuler,etj’espèrebienobtenirlaréponse.Jesaisquejesuisonnepeutplusmalplacéepour fairemapetite curieuse,mais je suis commeça. J’ai toujoursditque jen’aurais pas son aptitude à respecter des cachotteries comme il le fait avecmoi.Mais la lueurquiéclaire son regardm’avertit qu’il vient de comprendre qu’il tient sa vengeance, il a unmoyen depressionetvaenuseretenabuser.

—Hooohooo.Tuveuxsavoirquim’aappelé?N’ai-jepasledroitàun«jardinsecret»?

Inutilededired’oùluivientcetteréplique.Jelèvelesyeuxaucieletn’insistepas,avecunpeudechanceçaval’agaceretilfiniraparm’enparlerdelui-même,depeurquejenemefassedesidées.

—Si,toutàfait.Tuasraison,jeposaisjustelaquestion,maissitunetienspasàenparler,yapasdesouci.

Iljubile,ilsaitquec’estdubluffetqueçavameturlupiner,maisilnedirarien,entoutcaspastoutdesuite.

—Qu’est-cequetuveuxfaireaujourd’huip’titcœur?Tuviensavecmoiàlagalerie?

Aouch,latempératureambianteestpartiepourrapidementperdrequelquesdegrés.

—Enfait,j’avaisprévud’allerchercherDimitriàl’aéroportcematin,ets’iln’estpastropcrevéetqu’ilestdispo,j’espéraisdéjeuneraveclui.

—OK.

—T’esfâché?

—Pourquoi,jedevrais?

—Biensûrquenon,leschosessonttrèsclaires,tun’asaucunsouciàtefaire.

—Elleslesontpourtoi…

—Etellesleserontpourlui.Net’enfaispas,jen’hésiteraipasàmettreleschosesauclairsic’estnécessaire,maisilresteuntrèsbonamietj’aienviedeprofiterdeluitantquejepeux.

—Pourquoitudisça?C’estpascommesitun’étaislàquepourlesvacances,non?

—Oui,maisçafaittroisansqu’onnes’estpasvus,ilm’aaussibeaucoupmanqué.

Toujoursassisesurmonperchoir, je l’attireversmoienattrapant l’élastiquedesonpantalondejogging pour le positionner entre mes jambes. Mes mains explorent sa peau, ses muscles, je lecaresseetsavourececontactsidélicieux,etquandsapaumeseposesurmajoue,instinctivementmesyeux se ferment, c’est trop bon. Samain glisse tendrement jusqu’àma nuque et il en profite pourm’attirercontresontorsesichaud,siaccueillant.Jepourraisresteréternellementdanscetteposition,réchaufféeparsoncorps,bercéeparlesbattementsdesoncœur,cajoléeparsamainquimecaressedoucementlescheveux.

—Tuaurasquandlesrésultatsdetaprisedesang?

Et voilà ! Un prêté pour un rendu, je lui ai balancé Dimi en pleine figure, il me renvoie mesproblèmesdesantéencontrepartie.Saufquemonbutétaitdel’informer,pasdelecontrarier.Passûrquesaremarquesoitaussiinnocente.

—Heuu,jedevraispouvoirlesrécupéreraujourd’hui.Maisbon,pasdepanique,ilsenvoientunecopieàmonmédecin,doncjenetarderaipasàenentendreparler.EtpuisJessieserasûrementmisaucourantparsapetitecopine,ilferalabonneinterprétationdesrésultatsetlà,ilviendram’emmerder,enfinm’informer.

—T’exagères,ildoitsefairedusoucipourtoi.

—Oui,etilsembleraitqu’ilnesoitpasleseul,çadevientlassantàforce.

J’essayevainementdetournercettediscussionàlaplaisanteriemaisçaneprendpas,sonvisagesereferme doucement, les souvenirs de la soirée d’hier sont probablement en train de s’immiscersilencieusementdanscetteconversation.

—Ilfautqu’onenparle.

—Jepréféreraisallerprendremadouche.

Jevoudraisdescendreduplandetravailmaisilrestedevantmoi,m’empêchantdem’échapper.

—Anouk,sérieusement,ilfautqu’onendiscute.Hiersoir…tupeuxpasmefairedesplanscomme

ça.Ilfautquetuvoiesunmédecin.

—J’aidéjàvuunmédecinet…

—Pasdepuisquetuasfaitunmalaise.

—Unmalaise,toutdesuitelesgrandsmots.Disonsplutôtunefaiblessepassagère.

—Jenevaismêmepasreleveràquelpointtudisn’importequoi.

—Tantmieux.Jevaisbien,j’aieuunpetitcoupdemouhiersoir,maismaintenantc’estbon.Enplus,grâceàtonsuperpancake,jevaisêtreencoreplusreboostée.

Son visage… il est agacé et résigné. Il va jouer la carte de la culpabilité et c’est parti pourfonctionner. Je soupire aussi fort que possible pour lui signifier combien cela m’irrite de mesoumettreàsoncaprice.

—Qu’est-cequetuveux?

—Quetuaillescherchertesrésultats,quetuaillesvoirtonmédecinavec,etquetuluiexpliquescequis’estpasséhiersoir,vraiment,paslaversionédulcorée.

—T’aspasl’impressiond’enfairebeaucoup?

—Non, si j’en faisais beaucoup, je te dirais qu’on va direct à l’hôpital et que je reste avec toijusqu’à ce qu’ils aient fait toutes les analyses possibles et imaginables et qu’ils aient trouvé unesolution.Donctuvois,finalementj’abusepastantqueça.

—Mouais,c’estça.

Je le repousse, gentiment mais fermement, pour me permettre de quitter la cuisine et je filedirectementverslasalledebain.Débarrasséedemessous-vêtementsenquelquessecondes,jefoncesouslejetd’eaudontlachaleurremplacerapeut-êtrecelledesoncorpsqu’ilmerefuse.Jecroiselesdoigtspourqu’ilmerejoignemaisilnelefaitpas.Est-cequ’ilcraintquejesoistropencolère,ouqu’aucontrairej’usedestratagèmesauxquelsilpourraitsuccomber?

Jedoisreconnaîtrequ’ilaassuréhiersoir,iln’apascédéàlapaniqueetquandjeluiaidemandéderenonceràm’emmeneràl’hôpital,ilaaccepté,pourmoi.Jeluidoisaumoinsça.Jeremetsmalingeriedelaveille,bienobligée,etretournedanslapièceprincipalepourrécupérerlerestedemesaffaires.Ilesttoujoursattablé,entraindefinirsonpetit-déjeuner.J’essayedeprendreuntonunpeuenjoué,faisantfidenotreconversationetdeseffortsquejesuisprêteàconsentirpourmelajouernaturelle.

—Jevaisàmonhôtelpourmechangeretjepasseraivitefaitaulaboavantd’alleràl’aéroport,jedevraisavoirletemps.Jeverraipourappelerlemédecinsurlaroute,histoiredesavoirsielleapuprendreconnaissancedesrésultats.

J’aiénoncémonplanningcommesic’étaitbanaletquejen’étaispasentraindefairelaconcessiondusiècle.Jeluipermetsd’avoiruneemprisesurmoietenparticuliersurmonsuivimédical,cequi

mestresseparticulièrement,jeneveuxpaslelaisserprendrelecheminempruntéparAnton.

Sonsourirerayonnantilluminetoutsonvisage,iln’arrivemêmepasàcachercombiencettepetitevictoireluifaitplaisir.

—Hey,vienslà.

—Quoiencore?!

—Jepeuxtedireaurevoirconvenablement?

Jememordslalèvreetsautilleversluicommeuneenfantquivientrécupérersonbonpoint.Assissur un tabouret, il m’attire entre ses jambes et approche son visage du mien pour m’embrasser,voluptueusement,amoureusement,chaleureusement,ettantd’autreschosesencore.

Sabouchemeditqu’ilm’aimeetsesyeuxmedisentmerci.

4

—MABOULETTTTE!

Jemejettedanslesbrasgrandsouvertsdemonamiquialâchésavaliseàl’instantmêmeoùilm’avue.J’aiàpeineeule tempsdevoir l’expressiondesasurprisequ’elleétaitdéjàremplacéeparunimmensesouriredigned’unepublicitépourdentifrice.

Ilm’attrapeetmefaittournoyeraumilieuduhalldel’aéroportsanss’inquiéterdesgensquinousentourent.

—Qu’est-cequetufaislà,maboulette?

Maisqu’est-cequ’ilsonttousavecmonprénom,ilsnedoiventpasl’aimer,parcequ’ilsonttousunsurnom à me servir à longueur de temps. Bon, j’avoue je fais un peu la même chose, et c’estfinalementdemafautes’ilm’atrouvécelui-ci.Àl’époquejel’avaistaquinéenl’appelantlebouletetvoilàcequej’avaisrécupéréenéchange.Nousétionslebouletetlaboulette.

—Surprise!

—Pourunesurprise,c’estunesacréesurprise.J’suistropcontent!

—RaviedevoirquetuneregrettespasOliver.Haaavienslà,tum’asmanqué.

Je le reprends dans mes bras, mon ami est de retour. Petit à petit je reconstitue ma familleparisienneetçamefaitunbienfou.Chacund’entreeuxestnécessaire,ilsonttousunepersonnalitéàpartetm’apportentdeschosesdifférentesmaiscomplémentairesquimerendentlavieplusbelle.

—Bon,qu’est-cequet’asfaitcesdeuxdernièressemaines?T’asdûtefairechiercommeunratmortsansmoi!

— Tu n’imagines pas, depuis que je suis arrivée, je me lamente sur mon sort en espérant

désespérément ton retour.Mon oreiller est encore trempé de toutes les larmes que j’ai versées ent’attendant.

—Jelesavais.C’estclairqu’OwenetOlivernefontpaslepoidsàcôtédemoi.

Ehbahvoyons,onabeauplaisanterilneperdpaslenordetn’oublied’envoyerunepetitepique,l’airderien.Jedécidedenepasrelever,pourl’instant.

—Bonallez,ramassetavalise,j’suisgaréedansleparkingjusteàcôté.Tuveuxfairequoi?

—Humm,j’aibienuneidée.

Cen’estqu’uneplaisanterie,maisilacepetitregardmalicieuxquimefaitleverlesyeuxaucielpourluisignifierqu’ilestridicule.

—OK,ramène-moichezmoidanscecas,j’vaisdéposermesaffairesetonverraensuitecequ’onfait.Tuavaisquelquechosedeprévuouonpeutdéjàréserverunetablepourcemidi?

—J’avaisprévudedéjeuneravectoi,doncceseraparfait.

Surlecheminpourretrouvermavoiture,ilcommenceàmeracontersesvacances,sonhôtel,lessoirées, lesquelquesvisites touristiques, le shopping…toutypasse,enarrivantchez lui iln’apasencoreterminé.

Toutlelongdutrajetjel’aiobservé,recherchantlemoindrechangementdepuiscestroisdernièresannées. Ilest toujours lemême,sescheveuxbrunscoupéscourt, sesyeuxmarronqui reflètentsonintelligence,souventmiseauservicede lamalice,dans lebonsensdu terme.Unpeumoinsgrandqu’Owen etmoins trapu, il est svelte avecunbonmaintienqui lui donnebeaucoupd’allure et quirévèletoutel’assurancequiestlasienne.Ilestsexy,etmalheureusementillesaitetn’hésiteàuserdesescharmessur lagent féminine.Danssonboulot,c’estunatoutnonnégligeablequ’ilutilisesansmodération.

Jel’accompagnejusquedanssonloft,l’écoutantencoremeparlerdessuperclubsqu’ilaécuméspendant cesdeux semaines,même s’il semble regretter l’absencede soncopilote.C’est étrangederetrouvercetappartement,après toutce temps. Ilest immense,pursymboledesa réussite.Unvraipiègeàfilles…Ladécoratricequiaœuvréchezluiavraimentfaitdutrèsbontravailendécorantcegrandespacedansunstyle industrielavecunesprit chaleureux.Lesolavecdegrandscarreauxdecarrelagegrisclairquidonneunespritbéton,desbriquesgrisessurlemurdelacuisineaméricaineetsurlesbordsdel’îlotcentraldontlesmeublessontfaitsd’unboisauxteinteschaudes.Toutestdansdesteintesdegris,beigeetblanc.IlyaunénormecanapéenLquitrônedanslesalonetdonnesurune immensebaievitrée.Labellehauteur sousplafondapermisde faireunemezzaninepour sonbureau, cequimet envaleur lespoutres apparentes tout enmétalde la structure.C’estmoderneetaccueillantenmêmetemps,unappartementderêveensomme.

—Bon bah aumoins, je neme fais pas d’illusion sur le fait d’avoir pu temanquer ces quinzederniersjours,dis-jesuiteàsonlongmonologue.

—Tuparles,çafaittroisansquetumemanques.T’enaurasmisdutempsàrevenirquandmême.

Qu’est-cequit’adécidéeaufinal?

—Toibiensûr,quoid’autre?!

Maréponseestpleined’ironie,maisellemepermetsurtoutdedifférerlemomentd’évoquerlesvraiesraisonsdemonretour,mêmesijecomptemelimiter,avecluicommeaveclesautres,austrictminimum.Mais il en a l’habitude et s’en accommode parfaitement, tant qu’on s’amuse bien, peuimportelesdétails.Contrairementàsespotes,ilnes’agitpaspourluid’uneffort,non,enfait,ils’enfiche.Cen’estpasméchant, ilestcommeça,pour luicenesontquedesbroutillesabsolumentpasnécessairespourentreteniruneamitiébaséesurl’amusement.

—J’enétaissûr.Donne-moideuxminutes,jevaisnousréserverunetablepourcemidi.

—TuvoulaisproposeràOliverdenousrejoindre?

Questionabsolumentpasinnocentedemapart.

—Tu rigoles, on sort constamment ensemble. C’est bon, on est pasmaqués non plus ! J’ai dutempsàrattraper,aujourd’huituestouteàmoi.

—Trèsbien,vas-y,réservetatable.

J’enprofitepourenvoyerunmessageàmonchériquine s’estpasmanifestédepuisqu’ons’estquittésàlapéniche,maisquidoitattendredemesnouvelles.

*Coucoumatou.Pasencore les résultats.Suispassée trop tôt.T’inquiète je retenteplus tard, jesuissurlecoup.

Moinsdetrentesecondesplustardmontéléphonevibreenretour.Ildevaitêtreàl’affûtd’unsignedemapart.

*Jem’inquiètepas.Bisous.

*Partout.

Cepetitcomplémentd’informationmefaitsourireplusquederaisonenmerenvoyantenmémoireledouxsouvenirdesalangueexperte.

—Qu’est-cequitefaitrougircommeça?

Oups!Prisesurlefait.

—Rien,uneconnerie,dis-jeendésignantmonmobile.

—Bon,notretableestréservéepourmidietdemi.Onn’apasbeaucoupdetemps,maistuvoulaisfaireuntrucparticulierenattendant?

—Non,pasvraiment,maisjesensquetoitupensesàquelquechose.

—J’avoue,c’estpastrèsclasse,maissionaquelquesminutesj’aimeraisbienrépondreàquelquesmailspourleboulot.

—Pasdesouci,j’enprofiteraipourpasserquelquescoupsdefil.

Depuiscettenuit,untextod’Enidattenduneréponse,maisavecledécalagehoraireilesttroptardpourl’appeler.UnpetitSMSsuffirabienpourl’instant.

*Hello.Jesaisquetuvasmedirequejeprendsduretardmaisl’inspirationn’estpasaurdvdoncmieuxvautunchefd’œuvreenretardqu’unebousedanslestemps.

Cen’estpastoutàfaitvrai,leproblèmen’estpaslemanqued’inspirationmaisplutôtletrop-pleindedistractions.MonespritestaccaparétoutentierparOwenet jen’arrivepasàmeconcentrersurautrechose.

Ducanapé,jepeuxvoirDimitriengrandediscussiondanssonbureau,maisquandilremarquequejel’observeils’interromptendemandantàsoninterlocuteurdepatienter.

—T’asbesoindequelquechose,boulette?

—Dis-moijustesituasunfax,ilfautquejerécupèreundocumentetçam’arrangeraitdemelefaireenvoyerici.

—Oui,tiens,lenuméroestlà-dessus.

Ilmelancedepuisl’étagel’unedesescartesdevisiteoùilanotésonnumérodefaxpersonnel.

Je profite du fait qu’il ait repris sa conversation pour appeler le laboratoire sansme faire tropremarquer.Lapersonnedel’accueilestd’accordpourm’envoyermesrésultatsparfaxmaistientàcequejem’entretienneavecl’undeslaborantins.Jelèvedéjàlesyeuxauciel,sachantcequim’attend.

—MademoiselleDavis?

—Oui,bonjour.

—Bonjour,jesouhaitaissavoirs’ilvousseraitpossiblederepasseraulaboratoirepourquenousrefassionslesanalyses,lesrésultatssontassez…

—…délirants.Oui je sais, j’ai l’habitude,nevousen faitespas, c’estnormal.Enfin sionveut.Monmédecinestaucourantetétudieraçaentouteconnaissancedecause.

—Trèsbien.S’ilyalemoindresouci,ditesàvotremédecinqu’ilpeutnouscontacter.

— C’est gentil, merci. Par contre pourriez-vous m’adresser les résultats rapidement, je suisdésoléemaisjenesuispaschezmoietjen’auraispasaccèsàcefaxtrèslongtemps.

—Pasdeproblème,onvouslesenvoieimmédiatement.

—Mercibien.Aurevoir.

—Aurevoir.

Jefoncedirectementdanslamezzanineetlebouletmejetteunregardinterrogateur.Jeluifaisunepetite grimace désolée et désigne le fax du bout du doigt pour qu’il comprenne que je viens justerécupérermondocument.Ilcontinuesadiscussionsansêtregênéparmaprésence.Lesrésultatsnemettentpascinqminutesàarriveretjeretourneaussivitequejesuisvenueversleséjourpourlesconsulter.Quedire…c’estmauvais,mêmepourmoi,etjenevaispastarderàenentendreparler.JesuismêmeétonnéequeJessienem’aitdéjàpassautédessus.Iln’apasdûencoremettrelamainsurcesinformations.

Ducoupjecomptebienprofiteraumaximumdutempsqu’ilmeresteavantquelemédecin-chefnes’attaqueàmoncas.

—T’esprêteàdécoller?

—Ouic’estbon.Tuaspufairetoutcequetuvoulais?

—Non,maisvulatonnedeboulotquim’attend,cesoirj’yseraisencore.

—Écoutesituveuxt’occuperdetesaffaires,onpeutremettrecedéjeuneràuneprochainefois.

—Nonmaisturigoles.J’aiditquejepassaislajournéeavectoi,doncc’estcequejevaisfaire.Allezenroute.

Surce,ilm’attrapelamainetm’attireàsasuiteverslasortiedesonappartement.

Il achoisiun restaurantplutôt chicet çam’embarrasse, carma tenuen’estpas franchementà lahauteurdulieu.Cecidit,Dimitrin’apaspris lapeined’enfiler l’undeseshabituelscostumesqu’ilporteensemaineetaconservésonjeanetsachemisedécontractée.Maisilauneclassenaturellequil’empêchedefairetache,contrairementàmoi.

—Tuétais obligéde choisir un endroit aussi guindé ?Si j’avais suoù tum’emmenais j’auraischangédetenue.

Mapetiterobenoireaudécolletéplongeantestsimple,maisheureusement,accessoiriséeavecmapairedeLouboutin,jenesuispastropridicule.

—Tuparles,tuestrèsbiencommetues.Çaauraitétédommagedemepriverdecetterobe.

Ilhausselessourcilsavecunaircoquin,faisantouvertementallusionàlafaçondontmatenuemetmapoitrineenvaleur.Cecidit c’était l’idée, attirer l’œil àunendroitpouréviterqu’ilne seporteailleurs.

—Bonetsinon,plussérieusement,tuasfaitquoicesdeuxsemainesenm’attendant?

—J’aiprofitéd’Owenetd’Oli.Etdequelquesautresamisparisiens.

—Etcesdeux-làn’auraientpasenvisagédetenourriràunmoment?!

Évidemment qu’il a remarqué, ma poitrine gonflée à bloc par les hormones n’a pas suffi àdétournersonattention.

—T’exagères,ilsontétéparfaits,ilssesonttrèsbienoccupésdemoi.

—J’aiaucundoutesurlefaitqu’Owensesoitbienoccupédetoi.

Saphrase,pleinedesous-entendus,alaissétransparaîtreunepointed’agacement…oupeut-êtredelajalousie.

—Nesoispascommeça,s’ilteplaîtDimi.

—Quoi?Qu’est-cequej’aidit?

Iljouelesinnocentsmaisjenemeleurrepas.Ilnem’apasencoreinterrogéepoursavoiroùnousenétions,doncsoitiln’osepas,cequim’étonneraitdelui,soitilcraintmaréponse.Jeluifaisunepetite moue pour lui signifier de ne pas me prendre pour une idiote mais je n’insiste pas. Je luidonnerail’informationquandilseraprêtàl’entendre.

—Sinon,raconte-moi,pourdevrai,t’asfaitquoipendantcesdeuxsemaines?

Jemelancedoncdanslerécitdecesderniersjours,parlantprincipalementdemesactivitésavecOli,laviréedanslescasses,lesrestos,manouvellevoiture,letempspasséàlagalerieavecOwen…

Ilm’écoute attentivement, faisant inconsciemment de petitesmimiques à l’évocation de certainsmomentsqu’ildoitsoitdésapprouver,soitregretterdepasavoirpupartageravecnous.

Oncommenceànous servir et jepicore tranquillement, caressant ledouxespoirquepour cettefois,çapourraitbiensepasser.

—C’estpasbon?s’inquiète-t-il.

— Si, très. Tu permets, je savoure. De toute façon, dans ces restaurants gastronomiques, lesportionssontminuscules,alorsautantprendremontempspoursavourer.

—Ouienfin,àcerythme-làonyestencorecesoir.Maisbon,vas-y,profite,aumoinscommeçajetegardepourmoi.Jusqu’àcequelemaîtred’hôtelnousvire…

J’active la cadence pour ne pasme faire charrier davantage. Lorsque le plat arrive, jeme sensencoreassezenformepourm’yattaquersanstropdedifficulté.Nousnousrégalonsetchacungoûteleplatdel’autrepourapprécierlestalentsduchef.Maisalorsquejecroyaisqu’enfinj’allaispasserune bonne journée, si on fait abstraction demes résultats d’examen, une charmantemini tuilemetombesur leboutdunez.Etc’estpeude ledirepuisque jecommenceàsaignerdunez,cequiestd’autant plus embarrassant vu le genre d’établissement dans lequel nous nous trouvons. J’attraperapidementunpaquetdemouchoirsdansmonsacàmain,sanstropd’espoir,vucequem’atransmislelaboratoirecematinjesaisquemonniveaudeplaquettesestauplusbasetqueçanevapasbiensepasser.

—MerdeAnouk,tusaignesdunez.Çavaaller?

—Pourl’instantoui,maisc’estchiantqueçam’arriveici.T’asdesmouchoirs?

—Ons’enfoutqueçaarriveici,c’estbon,ilsvontpasnousenquiquinerpourça.Parcontre,non,j’aipasdemouchoirs,maisbonsit’asbesoinonleurdemandera,ilsdoiventbienavoircequ’ilfaut.

Ilm’observequelquesminutessansbouger,memettantassezmalàl’aise.

—S’ilteplaît,arrêtedemematercommeçaetmange.

—Jesurveille juste tonstockdemouchoirspourvoirquand jevaisdevoirsolliciter leserveur.Franchementçapissebienlesangquandmême.

—C’estpourçaquej’aimeraisbienquetufinissestonassiettepourqu’onpuisseyallerensuite.

—Maissituveuxpartironyvatoutdesuite,onvapasresterjustepourquejefinissemonassiette.

Çam’arrangebienparcequ’àlavuedetoutcesang,jecommenceànepasmesentirtrèsvaillante.

—Jedemandel’additionetonyva.Tuveuxquejetedéposeoù?Parcequejesupposequetonappartesttoujourszoneinterdite.

—Çaneserapasunproblème,ilfaudraitquetum’accompagnesàl’hôpital,vucommec’estpartiçanevapass’arrêtertoutseul.

—T’essérieuse?

—Non,non,c’estuneblaguequejet’airéservéepourtonretour…

Il demande l’addition, règle la note, réclame un stock de serviettes en papier pour qu’on ne seretrouvepasembêtésavantd’arriverauxurgencesetprendmesclefsdevoiture.

—Bonjour.Alors,dites-moitout.

Jeme retrouvedans une salle d’examendes urgences réservée aux consultations enOto-Rhino-Laryngologie.J’aidemandéàmonamidem’emmenerdansl’hôpitaloùpratiqueledocteurParks,aucasoù.Parchance,lesurgencesn’étaientpasbondéesetlemédecinurgentistenousareçusauboutd’unequinzainedeminutes.Etilfautcroirequ’iln’yavaitpasbeaucoupdepatientsenattented’unORLparcequ’iln’yavaitquedeuxpersonnesdevantmoietçaaétéplutôtrapide.Lebouletn’apasvoulume lâcher jusque-là et il n’a jamais aussi bienporté son surnom. J’aimerais être seulepourpouvoirdonnerunpeuplusdedétailsaumédecin,sansavoiràlesétalerdebutenblancdevantlui.

—Jesaignedunezetj’aibesoind’arrêterça.

—Çafaitcombiendetempsqueçadure?

—Aumoinsquaranteminutes.

Dimitriaréponduavantquejen’aiel’occasiondelefaire.

—Écoute,jecroisquetupeuxyallermaintenant.Prendsmavoituresituveux,jeprendraiuntaxi.

—Non,jenetelaissepas.Yapasàdiscuter.

Jelèvelesyeuxaucieletmetourneverslemédecin.

—Boneffectivement,depuisletempsqueçadureilvafalloirfairequelquechose.Onaplusieurspossibilités.

—Oncautérise.

Ilsmeregardenttouslesdeux,étonnésparmontonferme.

—Vousavezl’airdesavoirdequoivousparlez.Vousavezdéjàeucegenredesouci?

Jesoupireetleregardeintensémentenfaisantglissermonregardrapidementversmonamipourqu’ilcomprennequejeneparleraipasensaprésence.Ildoitêtrehabituéàcegenredesituationcarilajouteimmédiatement:

—Monsieur,vousvoulezbiennouslaisseruninstantquejepuisseprocéderàl’examen?

—Vousallezmatersestrousdenez,yapasvraimentderaisonquejesorte.

—S’ilteplaîtDimitri.

—Bien,jet’attendsdanslecouloir.

—Merci.

Àpeinemonamia-t-ilfranchilaportequelemédecinreprendsoninterrogatoire.

—Donc?

Ilattendmaintenantquejeluilivrelesinformationsquejen’aipasdivulguéesjusqu’àprésent.

—Petitun,jesuisenceinte.De…treizesemaines.Petitdeux,cegenredesaignementdenezm’estdéjà arrivé, une fois, il y a environ trois semaines, et j’ai déjà dû subir une petite séance decautérisation.

—Doncvousconnaissezlaprocédure.Danscecasjevaischerchertoutcequ’ilmefautetons’ymet.

—Dernierpetitdétail,pasd’anesthésie.

—C’estnécessaire,c’estuneprocédureassezdouloureuse.

—Jesais,maisjeneveuxpasd’antalgique,d’analgésiqueoun’importequelleautremédicationdugenre.

—Jevoispascommentonvafairesansquevousnepassiezunmauvaismoment.

—Onvafaireavec,croyez-moi,çaneserapasunepremière.Pasd’antalgique.

Jeluilanceunregardentenduetjevoisdanssesyeuxquel’informationvientenfindeluimonteraucerveau.

Jeressorsdelasalled’examenaprèsquelquesminutes,unemèchedanschaquenarine,uneodeurdecochongrillécommenouvellefragranceetunmaldecrânecarabinéenprime.

Lebouletnepeutretenirsonsourireenmevoyantarriver.Ilfautdirequelesmèches,c’estlatopclasse,lesummumdubongoût.

—Prenezbiensoind’elle,çan’apasétéunepartiedeplaisir,ilfautqu’elleserepose.

—Pasdesouci.Mercidocteur.

Sonregardestsoucieux,ilnerigoleplus,jedoisvraimentavoirunesaletête.Ilmeprendlamainetm’accompagnejusqu’aubureaud’accueilpourlesdernièresformalitésadministratives.

—J’vaisteraccompagnerchezmoi,quetupuissestereposeretquejegardeunœilsurtoi.

C’est vraiment gentil de sa part mais je ne peux pas accepter, ça me semble déplacé vis-à-visd’Owen.Jenecomptedéjàpas luiparlerdecepetit incident,pas lapeined’en rajouteren laissantDimitris’occuperdemoi.

—C’estsympamaislemédecinenfaittrop.Cecidit,jeveuxbienquetumedéposesàmonhôtel,j’iraimereposeretonseretrouvecesoirsituveux.Onsefaituntructousensemble?

—J’aipaslechoix,detoutefaçon?

Jenesuispascertainedusensdesaquestion.Parle-t-ildufaitdemelaisserseuleàmonhôteloudesortiravecnosamiscesoir?Detoutemanièrepeuimporte,danslesdeuxcasiln’apaslechoix.

—Effectivement.

5

Quellegalère,çafaitunvraimaldechien.Ladouleurrésiduelleestlancinanteetalimenteunmaldecrâneingérable.J’aitenubonpendanttoutletrajetpournepasinquiéterDimitrietqu’iln’insistepaspourresteravecmoi,maisunefoisdans l’intimitédemachambre,à l’abridesregards, jemelaisse aller. Recroquevillée dans mon lit, je cherche désespérément une solution. Je dispose dequelquesheuresavantderetrouverlesgarçonspourlasoirée.J’ailaissélesoinàmonbouletdetoutorganiser et de prévenir tout le monde, en lui demandant de se montrer discret sur les derniersévénements.

Jesuisauboutdurouleau,j’aitentéderesterstoïquedevantlemédecinmaisjen’étaisdéjàpasensuperforme,etlapertedesangcoupléeàlapetiteséancedetorturem’aachevée.Ilfautquejetrouveunesolutiond’icicesoir,souspeined’enfaireflipperunoudeux.Detoutefaçon,dansl’étatoùjesuis,jen’arriveraimêmepasàallerjusqu’auparkingdemonhôtel.

Jenevoisqu’unesolution,çanemeplaîtpasbeaucoupmaisjen’aipasd’autrechoix.

—Callie?

—Oui?

—Callie,salut,c’estAnouk.

—Anouk…?…Anouk!AnoukDavis?

— Oui. Je suis désolée, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas parlé et je t’appelle de façoncomplètementintéressée.J’aibesoind’unservice.

—Vas-y,dis-moi.

—J’aibesoindequelquespochesdesolutionsdenutrition.Sijetedonnelesinfossurlescarencesrelevéesparunlabo,tupeuxmepréparerquelquechose?

—Ouic’estpasunsouci,c’estpasdesnarcotiques,j’auraispasdemalàensortir.Jenetravaillequecesoir,maissic’esturgentjefaisunsautàl’hôpitaletjevoiscequejepeuxfaire.

—Ouic’estassezurgent.Jeteremercie.Jesuisvraimentdésoléedetedemanderunservicepareilaprèstoutcetemps,maiscrois-moisijepouvaisfaireautrementjenet’embêteraispasavecça.

—Franchement,yapasdesouci.Tusaisquejesuistoujoursprêteàterendreservice.Donne-moitouteslesinfosnécessairesetl’adresseàlaquelletedéposertoutça.

—Jevais t’envoyerunephotodes résultatsdu labo.Etplutôtquede t’embêteràcourirpartout,j’enverraiquelqu’unleschercher,dis-moijusteoùtuveuxqu’ellevienne.

—Rendez-vousdansnotreanciencafé,dans…uneheureetquart.Çaira?

—C’estparfait.Mercibeaucoup.Vraiment.

Jemesenspresquemieuxàl’idéedesavoirqu’unesolutionseprofile.DanslafouléejepréviensMariapourluidemanderd’alleraurendez-vousetdem’apportercequ’ellerécupérera.

Je suisplusqu’épuiséeetmêmesi laperspectivedecetteperfusionm’aideà tenir lecoup,monsentimentàcesujetesttrèsmitigé,carjesaisquejevaisprendrecherquandJessievadécouvrircequej’aifait.Parcequ’illedécouvrira,çanefaitaucundoute.

Si j’ai échappéà la camisoleavecOwen,mon frèrene ferapaspreuved’autantdeclémence, etmêmesijesaispertinemmentqu’ilauraraison,çam’agaceprodigieusement.Sansparlerdufaitquemagrossessevaclairementêtreunfacteuraggravantàsasurprotection.

L’attenten’enfinitpasetquandj’entendsenfinfrapperàmaporte,jemedépêched’allerrécupérermonGraal.

Honon,pasça.Viteonremetlemasquedelabonnehumeur.

—Hey,qu’est-cequec’estqueça,petitcœur?

Owenmefixe,intrigué,unpeuinquiet.Unpeu,pourl’instant.

—Hoça,c’estrienj’aijusteeuunpetitsaignementdenez.

Jeretireimmédiatementlesmèchesquej’étaissupposéegardervingt-quatreheures.Detoutefaçonellesauraientdisparuavantcesoir.

—Qu’est-cequetufaislà?

—Teréjouispastropsurtout.J’aieuDimitriautéléphone…

Etmerde,iln’auraitpasosémebalancer…nonimpossible,çaluifaittropplaisirqu’onpartageun

secretdansledosdesonpote.

—…pourmeparlerdesesplanspourcesoir.Etducoupilm’aditqu’ilt’avaitdéposéeici,etj’aivouluenprofiterpourvenirtevoircinqminutes.

—Dissurtoutquetuvoulaissavoirsij’avaismesrésultats.Doncouijelesai,maisnonjen’aipasencoreappelélemédecinpoursavoirsiellelesavaitvus.

—Ettonfrère?

—Pasplus.Écoute,jesuisdésolée,maisjesuisvraimenttrèsfatiguéeetj’étaisentraindedormirquandtuesarrivé.Jevoudraisbienmerecoucherpourêtreenformecesoir.

—T’aspas l’airbien.Tuneveuxpasappeler ton franginpourqu’il tedisevite fait cequ’il enpenseetéventuellementquoifairepourqueçaaillemieux?

—Tusaiscequejepourraisfairepourqueçaaillemieux,dormir.

—Jerêveoutumejettesdehors?

Carrémentjetejettedehors,parcequejen’attendsqu’unechose,queMariaarriveetquejepuissemedopertranquillement.

—Unpeu.Nem’enveuxpas,maisjesuistropfatiguéepourfairequoiquecesoitpourl’instant,papoter,téléphonerouquoiquecesoitd’autre.

Ilm’attireversluietj’enprofitepourmeblottircontresonbuste.Maisilinterromptrapidementnotre étreinte en m’embrassant sur le crâne, il attrape ma main et m’attire vers mon lit.Définitivement,jenevaispasmedébarrasserdeluiaussifacilement.

Àpeinem’a-t-ilbordéequecequidevaitarriverarriva,onfrappeàmaporte.

—Bougepas,j’yvais.

J’observedeloin,toutensachantpertinemmentdequiils’agit.

MariaseretrouvantàfairefaceàOwenfaitpreuved’unevivacitéd’espritsurprenanteensimulantimmédiatement s’être trompée de porte. Je n’en reviens pas qu’elle ait réussi à réagir aussi vite.J’attraperapidementmonportable.

*Bienjoué.Merci.Jevouspréviensdèsquejesuistranquille.

—C’étaitqui?

—Rien,uneerreur.Tuessûrequeçava,p’titcœur?T’asvraimentl’airpasbien.

—Ouic’estbon,retournebosser,onseretrouvecesoir.

—Jesaisqueçanevapas,maisjesaisaussiquet’asl’aird’avoirbesoind’êtretranquille,doncje

vaistelaisseràconditionquetumepromettesdem’appelers’ilyalemoindresouci.

Unefoisdeplusilestautop,ilneméritepaslevilainplanquej’aifomenté.

Il dépose un doux baiser surmes lèvres, trop délicat àmon goût,mais en toute franchise je nepourraispasensupporterplus,mêmesijecrainsqu’iln’aitdessoupçonsenvoyantquejen’essayepasdeluisauterdessuscommecematin.

Àpeinea-t-ilpassélepasdelaportequejerenvoieuntextoàMariapourluidirederevenir.

Entrentesecondesellefrappeàmaporte.

—Ditesdonc,vousêtesdrôlementrapide,vousétiezcachéedanslachambred’àcôté?

—Non, dans la cage d’escalier. Tenez, voici votre paquet de la part de votre amie. Jeme suispermisdevousrajouterquelquespetiteschosesquipouvaientvousmanquer.Est-cequejepeuxfaireautrechosepourvous?

—Non,c’estgentil.Encoremercipourlacourse,vousm’enlevezunesacréeépinedupied.

—Trèsbien,alorsjevouslaisse.N’hésitezpassivousavezbesoin.Aurevoir.

—AurevoirMaria,encoremerci.

Elle a dû sentir que ça ne va pas car elle n’a pas pris le temps de bavarder ou deme poser lamoindrequestion,etpourlecoup,çam’arrange.

Je me précipite pour attraper ma « petite » trousse de secours. Je prends tout le nécessaire etm’installe sur mon lit à côté duquel j’ai poussé une grande lampe sur pied à laquelle je compteaccrocherlapochedelaperfusion.

J’ouvre le sac que l’on vient de m’apporter, et au milieu des tablettes de chocolats, biscuits etbonbonssetrouventquatrepochesdesolutiondenutrition.Jefaistoutel’installationetn’enrevienspasmoi-mêmedem’en sortir aussi bien. Jessiem’a tout appris,mais je n’ai pas eu l’occasiondem’entraînerdepuislongtemps.Cecidit lagalèren’estpastantdansl’installationquedanslefaitdemettreungarrotavecuneseulemainetdedevoirmepiquer.Ilnefautpasquejemerate,pasquestionquejemeretrouveavecuneecchymoseparcequejemeseraischarcutéuneveine.Heureusement,ilfautbienquetoutnesoitpascomplètementdésastreuxcetteaprès-midi,jem’ensorscommeunepro.Jemesensl’âmed’unechampionneolympique,tropfièredemonpetitexploit.Aprèstout,yapasdepetitevictoiredanslavie,surtoutencemoment,toutestbonàprendre.Àpeineai-jetoutmisenplaceetbienscotchéquej’attrapel’unedestablettesdechocolatpourengrignoterquelquescarrésavantdemelaissertomberdanslesbrasdeMorphée.

C’estmontéléphonequimeréveille,etcettefoiscen’estpasmonalarmequimesignalequ’ilesttempsdepasseràlapochesuivante.Ladeuxièmen’estpasterminéequandjemedécideàregarder,àcontrecœur,quim’appelle.

Évidemment…Lemédecin-chef!Aupointoùj’ensuis,jevaism’enfoncerencoreunpeuplusetne réponds pas. Je suis encore trop fatiguée pourme lancer dans une grande discussion avec lui.

Deuxième tentative, je ne cède pas. Troisième tentative, là il faut que je réponde si je tiens unminimumàlavie.

—ENFIN!Qu’est-cequetufoutais?!

—Bonjour.Moiaussiçamefaitplaisirdeteparler.

—Jouepasàçaavecmoi.Quandj’appelle,t’espriéederépondre.

— J’ai le droit d’aller aux toilettes sans que tu ne piques une crise. Non mais sérieux, montéléphonen’estpasgrefféàmonderrière,jenel’emmènepaspartoutavecmoi.

Bon,c’estvraiquej’étaisentraindelefiltrer,maisceciditçaauraitpuêtrevrai,j’auraispuêtreauxtoilettesetdanscecasilauraitétéridiculedes’énerverdelasorte.

—BonOK,désolé,j’étaisjusteinquiet.Ilfautqu’ondiscute.

—Jess,jepeuxtedemanderunservice?

—Biensûrmapuce.

—Onpeutremettreçaàdemain,ladiscussion?Jesaisdequoituveuxmeparler,j’meleurrepas.Mais j’aivraimenteuunedure journée, jesuis trèsfatiguée,etcesoir jedois retrouvermesamis.J’aimerais juste essayer de profiter tranquillement de cette fin de journée. S’il te plaît. Tum’embêterasdemain.

—Ilfautaumoinsquejetedisedeprendrecertainsmédicamentspourcomblerlescarences.Etjeteprendsunrendez-vousavecKatherinepourdemain.Aprèsondiscuteradurestedemainsivraimentc’estcequetuveux.

—Katherine?

—LedocteurParks.

—Hummm,Katherine,hein?!

Montonmalicieuxlaissesous-entendrequejesoupçonnequelquechosedepastrèsprofessionnelentreeux.

—N’importequoi!Bon,onfaitcommeça?Çavaallerquandmême?Tutesenscomment?

—Justefatiguéemaisjevaisfaireunebonnesiesteetçaira.

—J’ycroispasuneseconde.Tudoisêtreplusqu’àplat.

—Stop.Onaditdemainlaconversationchiante.

—Çamarche.Detoutefaçonjevaisfairedemonmieuxpourvenirrapidementmaintenant.

Jelèvelesyeuxauciel,jesaisquesonarrivéesonneraledébutdesemmerdes,ilvamecollerautrainetjen’arriveraipasàl’esquivercommeOwen.

—T’inquiètepas,finiscequetuasàfaire.

Maremarquelefaitéclaterderire.

—Pourquetumedisesuntrucpareiletquetucherchesàtedébarrasserdemoi,c’estqueçadoitvraimentpasêtrelaforme.Bon,jet’embêtepasplus.Faisattentionàtoimapuce.Ettum’appellesaumoindresouci.

—Çamarche.Jessie,merci.

Jereposemontéléphoneetm’écrasesurlematelasenattendantpatiemmentquelaperfusionsoitpassée.Unbipretentit.Untextodumédecin-chefpourmedonnerlalistedetouslesmédicamentsquejedoisprendreenmeprécisantqu’ilvatransmettreuneordonnanceàlapharmaciesituéedanslaruedemonhôtelpourquejepuisserécupérertoutcedontj’aibesoin.

Je me sens déjà un peu mieux mais je décide de continuer avec une poche de nutritionsupplémentaire, j’ai assez de temps pour le faire, aller à la pharmacie et me changer avant deretrouverlesgarçons.

J’ensuisàdevoirmetrouverunetenuepourcesoiretc’estunenouvellegalère.Çapeutsemblerridiculeparrapportaureste,maisdéjàilfautquelquechosequim’aille.Àlalonguelistedeschosesquejenepeuxplusmettre,jepeuxajouterlesmanchescourtesparcequej’aidésormaisunetracedepiqûresurlebras.Etdesurcroîtilfautqueçasoitassezhabillépoursortir.Bref,jefinisparopterpourunepetiterobenoirequiauraitdûêtreplusmoulantequ’ellenel’estmaisquial’avantage,au-delàdesmancheslongues,d’avoirundécolletéultraplongeantretenuparunlacet,cequidétournerapeut-êtrel’attentiondecesmessieurs.

Onfrappeàmaporteetjesaisd’oresetdéjàdequiils’agit,puisquedansl’après-midimonchérim’aenvoyéunmessagepourmeproposerdevenirmeprendre.

—Salutmachérie.

Machérie,j’adore,allezhoppetitelambadaintérieure.

—T’aspudormirunpeu?T’asmeilleuremine.

Tum’étonnes,jesuissurtoutunevraiepetitetricheusequiaunebonnepalettedemaquillageetquis’estdopéeàmort.

—Ouiçava,j’airechargémesbatteries,paréepourunesoiréedefolie.

Ils’approcheetmeprendtendrementdanssesbras,mais,etc’estpeut-êtremaparanoïaquiparle,j’ai l’impression que ses caresses lui servent plus à m’examiner qu’à me câliner. Je me détacherapidementdepeurd’avoirvujusteetj’aiàpeineletempsdevoirl’inquiétudequivoilaitsonregardavantqu’il ne se ressaisisse. J’essayede ledistraire avantqu’il ne trouve le couraged’aborderunsujetdontjeneveuxpasentendreparler.

—Alors,qu’est-cequeDimitriaprévu?

—Surprise.Ondoitseretrouverdansunparkingàvingtheures.Çanouslaisseunpeudetemps…

Jevoisclairdanssonjeu,etjen’aimepasça,ilcommenceàdeveniraussimalinque…moi.Ilmelance un regard coquin comme s’il était tenté deme sauter dessus, alors que je sais pertinemmentqu’ilesttropinquietpourl’envisagersérieusement,ilmeteste.

Jen’aipasditmonderniermot.J’attraperapidementunetablettedechocolatdéjàentaméeetj’endécoupeunnouveaucarréquejemangeimmédiatement.Tropcontentqu’ilestdemevoirmanger,iln’oseplusrienfairequipourraitm’interrompre.

—Maisdisdonc,t’asfaitdesprovisionsdignesd’unécureuil.

Effectivementj’ailaisséenévidencetouslesbonbonsetautrescochonneriesapportésparMaria.

Ilm’observe,commesimevoirmangerétaitunvéritablespectacle.Anouk1-Owen0.

J’enprofitepour lequestionnersursa journéeet ilenfaitdemême,cequidoitbien l’arranger,amener le sujet d’une façon aussi anodine alors que tout ce temps passé avec Dimitri a dû lepréoccuper. Je fais évidemment abstraction du passage par la case hôpital et justifiemon retour àl’hôtelparl’enviedemereposerpourêtred’attaquepourcesoir.Ilfaitminedemecroireetjem’encontente.Nous sommes tous lesdeuxassis sur le lit, la tablettedechocolatposéeentrenousdeux.Mon estomac tient le coup et j’ai repris des forces, j’en oublierais presque le milieu de journéelégèrementchaotique.

Il attrape la tablette de chocolat et s’en coupe un carré. Je lui lance mon regard faussementscandalisépourluisignifierquecegesteneresterapasimpuni.

—Tuoses?!C’estduvolcaractérisé.Tusaisquetuprendsdesrisquesenosantt’attaqueràl’unedemestablettes.

—J’espèrebiendesreprésailles,mademoiselle.

Grrrr,jepourraispresquedirequ’ilm’abieneuesiaufonddemoijen’étaispassiexcitée.Ilmerevientenmémoirelesouvenird’unesoiréeoùOwenavaitsuutiliserdescarrésdechocolatdefaçonassezcrapuleuse.

—Àquoitupenses?

Jesensmesjouess’empourpreretill’aremarqué.

Ildécoupedeuxcarréscollésetlesprendentresesdentsenmelançantsonregardmalicieux.Ilsesouvient.Ilrelèvesessourcilsàplusieursreprisespourm’engageràfairedesfoliesaveclui.Ehbienpasdechancepourlui,jemesensdemieuxenmieux,etdésormaisdeplusenplusexcitée,tantpispourlui,sonplannefonctionnerapas.

Jem’avanceetluidérobelechocolatavecmabouche,frôlantseslèvresdesmiennes.

—Lechocolatc’esttrèstentant,maisj’aiunejolietenueetj’aimistropdetempsàlachoisirpourrisquerdelatacher.Onverraçaplustardquandjen’auraipasdefringueàsalir.

—Çapourraits’arranger.

—Onn’apasletemps.Onvadevoiryaller,maisbon…

Jesuisàquatrepattesfaceàlui,monvisageàquelquescentimètresdusienpuisquejeviensdeluivoler sonencasque jedégustede la façon laplusvoluptueusepossible, ou en tout cas j’essaye. Ilattrape mon visage entre ses mains et m’embrasse, délicatement au début, puis de plus en plusintensément,salanguegoûtantlamienne,unbaiserempreintd’unesaveurdechocolat.Ilestassis,etsesmainstropoccupéesàcaressermonvisagemelaissentlechamplibre.Jeremontedélicatementlelongde sa cuisse jusqu’à arriver au niveau de son entrejambe,mais quelle déception de ne pas letrouver à la hauteur dema propre excitation. Il a beau essayer demasquer son inquiétude et fairesemblantdevouloirfairedescabrioles,soncorpsvientdeletrahir.Maisilm’aunpeutropéchaufféepourque jem’arrête là, surtoutqu’avecmespetiteshormones il n’en fautpasbeaucoup.Mamainposéesursontorse,jelepoussedetoutesmespetitesforcespourlefairebasculersurlematelas,ilrigole de bon cœur, un son si agréable qui commence malheureusement à se raréfier. Je mepositionne au-dessusde lui pour l’embrasser, luimordiller les lèvres, le lobede l’oreille puismalangueprendlerelaisensuivantsacarotide.Sesgrandesmainssournoisesenprofitentpourglissersurl’extérieurdemesjambesetremontermarobeauniveaudemondos,exposantlajoliedentellenoirequidissimuleàpeinemonpetitderrière.Ilmecaressedélicieusementetexacerbemondésirquin’aplusrienàvoiraveclesimplefaitdeluiprouverquejesuisenforme.Etquandj’entreprendsdelecaresserdenouveau,forcem’estdeconstaterqu’ils’estprisaujeuetqu’ilestcettefois-citoutàfait«opérationnel».

Je déboutonne son pantalon avec des intentions pas très catholiques et il en profite pour faireglissermaculottelelongdemescuisses,ilseredresselégèrement,rattrapemonvisage,m’embrasseavec ferveur, me fait basculer sur le dos pour se positionner au-dessus de moi, m’obligeant àinterrompre l’exploration de son boxer. Il dépose un chapelet de baisers surmon cou et se dirigerapidementverslesud.

—Jevaism’occuperdetoi,p’titcœur,maistoi,tunebougespas.Tuenasenvie,etmoiencoreplus,maisiln’estpasquestionquetudépensesuneseuleonced’énergiepourça.

Jepouffederire,ils’estpiquéaujeuetn’arriveplusàgarderleself-controlqu’ilpensaitréussiràmaintenir.Quelquepart j’enéprouveunecertaine fierté,mais jen’aipas le tempsdem’en réjouirdavantagequ’ilentreprenddedéposerdepetitsbisousauniveaudemonbas-ventre,toutautourdemafente,metorturantdélicieusement.Sabarbededeuxjoursportedéjàsesfruitssurmapeausisensibleetàl’affûtdumoindrecontact.Ilmelècheavecunelenteuratroce,c’estàlalimitedumartyrequed’attendrequ’il sedécide, il faitmonterenmoiunepressionqui électrise toutesmes terminaisonsnerveuses,despicotementsm’assaillentdetoutepartetlorsqu’ilportesonattentionsurmonclitorisjemecrispeintensément,siprèsduprécipice,àsamerci,ilfaut…

—Owens’ilteplaît…dis-jedansunsouffle.

—Oui?!

Ilsedélecte,demoncorpsetdesonpetitjeu.

—Situnetedépêchespas,jeteprometsquejetesautedessusetquejen’économiseraipasmesforces.

Il rigole, embrassemonventre etmepénètre avec l’unde sesdoigts. Ilme stimuled’une façonhallucinanteetnecomptepass’arrêterlà.Sonsoufflechaudsurmonintimitéestd’excellentaugure.Un deuxième doigt vient intensifier sonmouvement et ses lèvresme portent le coup de grâce ensuçant le point culminant de tout mon système nerveux. Mon cœur palpite frénétiquement, mesmuscles se contractent autour de lui, savourant le plaisir qu’ilm’offre endéclenchant unorgasmed’uneintensitédontluiseulalesecret.

Ilprolongemajouissanceàtelpointquejecroisquejevaism’évanouirsoustoutessesattentions.Comment peut-il croire que cela ne représente pas unedépense énergétique ? Ilm’avidéedemesforces,maisjerécupèreunetelledosed’endorphinesencontrepartiequejem’enfiche.

Owen, allongéàmescôtés,mecaressedoucement levisage, replaçantmescheveuxquidoiventêtretoutébouriffés.Ilmecajoleetjesavourecetinstantdetendresse.

Monportablesemetàsonner.Pasquestionderépondre,lemomentesttropparfaitentrenouspourquejelaissenotrepetitebulleéclateraveccegenredechose.

Deuxièmetentative.Jepesteintérieurement,jesaisquic’est.

—Tunedécrochespas?

—Non,ons’enfout,onestbiencommeça.

—C’estpeut-êtreimportant?

—Jem’enfiche.

Jeluilancemonsourirepost-orgasme,celuiquiditqu’encetinstantj’aitoutcequ’ilmefaut,quejesuiscomblée.

Letéléphonefixedelachambred’hôtelsemetàrésonnerdanstoutelapièce.Jelèvelesyeuxauciel,exaspérée.

—Quelquechosemeditquejesaisquic’estetquetudevraisrépondre.

—Jesais…

Jemerelèvepourattraperlecombinéposésurmatabledenuit.

—ANOUK,TUTEFOUSDEMOI?!?

6

—Douzeminutesderetard!Disdonc,pourunpeuvousauriezpuêtreàl’heure.CeciditOwen,ont’enveutpas,onsaittousdequic’estlafaute.

Surcesbonnesparoles,Dimitriouvresesbraspourm’enlacer.Jeluidonneunpetitcoupdepoingsurl’épauleavantd’acceptersonétreinte.

— Vous n’êtes qu’une bande de bourriques. Je sais même pas d’où vous me sortez une telleréputation,jenesuispassisouventenretard.

Ilséclatentderire,touslestrois.Oliverenrajouteencoreunpeuavantdem’embrasseràsontour.

—çadépenddecequ’onappellesouvent.Toutestrelatif…

—Bonallez,onyva,onaassezperdudetempsetjenousaiprévuunesupersoirée.

Owenprendimmédiatementmamaindans lasienne,marquantainsisonterritoire.Je lui jetteunregardamusépourluifairecomprendrequejesaisquelpetitjeuiljoue,cequilefaitsourire.

—Ilvafalloiryallerp’titcœur,OliveretDimitrivontnousattendre.

—Ouijesais,j’avaispasprévutoutça.Mêmesicertaineschosesvalaientlargementlapeinequ’onsoitenretard.

—Aufait,est-cequetuasparléàDimitri?

—De…?

Jen’aipaspum’enempêcheretcen’estpastrèssympademapart.Jesaispertinemmentàquoiilfaitallusion.

—Nous.

Unmot,ditleplussimplementdumonde,maisquidanssaboucheaunesaveurtouteparticulière.Sij’aiuséd’untonespiègle,lesienestbeaucoupplussérieux.

—L’occasionnes’estpasprésentée.Mais je luiaiunpeuparlédeceque j’avais fait iciensonabsenceetilsaitquej’aipassédutempsavectoi.Ildoitsedouter,mêmes’iln’apasosédemanderfranchement.

—Ettun’aspastrouvéjudicieuxdeluidireavantqu’onleretrouvecesoir.

—T’inquiète,ildoitavoirdeviné,etsicen’estpaslecas,ledouteseravitedissipé.

—Etpourtagrossesse?Tuluienasparléouçaaussitupensesqu’iladeviné?

—Nonplus.Écoute,àtoiaussi,jenetel’aipasditdèslepremierjour.Doncjevaisluidire,maislaisse-moitrouverlebonmoment.

—Commetuveux.

Arrivéedevantlerestaurant,jelanceunregardagacéauboulet.Ilachoisiunétablissementquifaitkaraoké. Et si c’est quelque chose qu’Oli et moi adorons faire, je sais que mon chéri n’est pasforcémentàl’aiseavecça.Clairementilacompris,ilsaitquesinousnesommespeut-êtrepasencoreencouple,celanevapastarder.Etça,c’estunepetitevengeancebienmesquine.

—Qu’est-ce qu’il y ama boulette ? Fais pas cette tête, on va bien s’amuser.Comme à la belleépoque.

Jeluilancemonregardspécial«meprendspaspouruneconne»maisilrigoleetentre.

—Owen,siçat’embêteons’enva,c’estpaslapeinedes’imposerunesoiréesiçat’ennuie.Onpourraitreprendrecequ’onadûinterrompretoutàl’heure.

—Turigoles,çamefaitplaisir,jesaisquevousallezvousamuser,etquisait,ilsepourraitquejem’éclateaussi.

Jesouris,c’estsiloindeluicegenred’ambiance,bienqu’ilsoitcapableparmomentd’êtrepiquéd’ungraindefolieetdeselaisserentraînerdansnosdélires.

Nousavonsunetableréservéejustedevantlascène,nousallonsêtreaucœurdel’actiontoutelasoirée. Une serveuse nous apporte les cartes et ces messieurs commandent immédiatement desapéritifs.Owenmarqueunpeuplussonterritoireendemandantd’officeunjusdefruitpourmoi.Ilest assis àmagauche,Oli àmadroite,Dimitri à ses côtés, laissant l’espacedevantmoividepourpouvoirobserverleshow.

Cedernieraconstammentunœilqui traînedansmadirectionet tous lespetitsgestes, toutes lesattentionsqu’Owenapourmoineluiéchappentpas.

Ledébutdesoiréesepassemalgrétouttrèsbien,chacunracontantcequ’ilafaitcesdeuxdernières

semaines,échangeantdesplaisanteries,etmetaquinant.Parcequebizarrement,jesuislaseuleàfaireles frais de leurs moqueries, une espèce de ligue masculine s’étant formée contre moi. Je jouevolontierslejeu,voyantainsileuramitiés’exprimerpleinement.

Arrivée au moment des plats, je commence à craindre quelques difficultés qui surviennentinévitablement.Jetrituremanourritureplusquejenelamangeetsideuxd’entreeuxnes’étonnentpasplusqueça,letroisièmenemanquepasdes’interroger.

—Yaunsouciavectonplat?

—Non,c’estbon,j’aijustepastropfaimpourl’instant.

—Tum’étonnesque tu sois toutemaigrichonne, t’asdéjàpasmangégrand-chosecemidi, à cerythme-làilvapasrestergrand-chosedetoi.

Leregardquem’adressemonchérimefaitfrémir,cequil’embête,cen’estévidemmentpasquesonpoteaitremarquéquej’aiperdudupoids,non,c’estsaréflexionconcernantmonprécédentrepasquiaétéplusfrugalqu’ilnelecraignait.

—J’avoue,j’aimangédescochonneriesavantdevenirquim’ontpeut-êtreunpeucoupél’appétit.

—Laqueued’Owençacomptepas!

—Homerde,t’esconDimi!

J’ai faillim’étouffer en l’entendantdireuneconneriepareillemais jeparsensuited’un fou rireinarrêtable.Oliverenaàmoitiérecrachésabièreavantdesemarreraveclebouletetmoi.Simonhomme a esquissé un sourire l’espace d’une seconde, ses inquiétudes l’empêchent de se laissercomplètementaller.Aumoinsiln’yaplusdedoutesurlaperceptionqu’aDimitridenotrerelation.Leschosessontclairespourtoutlemonde.

— Bon, sur ces bonnes paroles, essayons de récupérer la liste des chansons. Je sens qu’on vas’éclater.

Le maître de la soirée fait signe à l’une des serveuses de nous apporter l’une des tablettespermettantdevoirlestitresdisponibles.

Lesdeuxcompèresseréjouissentenparcourantlestitres.Oliverveutquel’ondébuteparunduo,histoiredesemettregentimentenconfiance.Jesondeleregarddemonchéripourvoircequ’ilenpense,ilsouritàcetteidée.Biensûr,avecOliverceneserajamaisunproblème.

—Avantdemelancer,jeveuxvoirlaperformancedeceluiquiadécidédevenirs’illustrerici.

—Homais y a pas de souci,ma boulette. Je coche et c’est parti, je suis dans la liste d’attente,t’inquiètequejenevaispasmefaireprier.

Auboutdequelquesminutesetdeprestationsparfoistrèsaléatoires,l’écranauniveaudelascèneaffichelenomdeDimitrietletitrequ’ilachoisi,TwoPrinces{1}deSpindoctors.Deprimeabord,çanemeditrien,maispeut-êtrequ’enl’entendant…Ilprendplacesurl’estrade,parfaitementàl’aise,sa

belle assurance semble déjà charmer une partie de l’assemblée, la gent féminine pour être plusprécise.

Lespremièresnotesretentissentetjereconnaisimmédiatementlemorceau.Ilnemefautpastrentesecondespourcomprendrequesonchoixnetientpasqu’àunemélodiesympa.Ungroupedejeunesfemmesinstalléessurnotredroitesemblecaptivéetunbrinémoustilléparsaprestation.Ilfautbienavouerqu’ilsedébrouillevraimentbien,ilestdanssonélémentetdansed’unefaçonquiprouvequ’iln’aaucuncomplexe.

Maissijesuisamuséeautoutdébut,jesuisvitemalàl’aise,sonchoixdechansonn’étantpasdutoutanodin,iln’yaqu’àécouterlesparoles.

One,twoprinceskneelbeforeyou/Un,deuxprincesagenouillésdevanttoi

That'swhatIsaidnow/C’estcequejedismaintenant

Princes,princeswhoadoreyou/Desprinces,desprincesquit’adorent

Justgoaheadnow/Vas-ymaintenant

……

Marryhim,marryme/Épouse-le,épouse-moi

I'mtheonethatlovedyoubaby,can'tyousee?/Jesuisceluiquit’aime,nepeux-tulevoir?

Ain'tgotnofutureorafamilytree/Jen’aipasdefuturoud’arbregénéalogique

But I knowwhat a prince and lover ought to be /Mais je sais ce qu’un prince et un amoureuxdevraitêtre

Jenesaispascommentréagir,soitc’estuneprovocationetilmériteraitunregardassassin,soitilestsincèreetlàjen’aiplusqu’àcachermonembarras.J’optepourlasolutionlapluslâche,commesouvent,etfaiscommesiderienn’était,commesijen’avaispasfaitattentionauxparoles.Maismonchérin’apasl’intentiond’enfaireautant,sonbrasreposesurledossierdemachaise,caressantmondos ou mon épaule du bout des doigts. Je me penche vers lui, posant ma tête contre son épaule,glissant tendrement sur sa cuisse. Il en profite pour m’embrasser dans les cheveux et je n’oseimaginerleregardqu’ildoitlanceràsonpoteenlefaisant.

Àlafindesaprestationtoutlemondel’applaudit,plusoumoinssincèrement.Oliperçoitsûrementlemalaisequiseprofilecarilrelanceimmédiatementlaconversation,mettantsurletapislefaitqu’ilespère qu’on ne tardera pas à commencer les visites pour son appartement, expliquant qu’il m’aproposédel’accompagner.

Nous sommes interrompus par l’apparition de nos prénoms sur l’écran. Il n’a pas fait dans lafacilitéenchoisissantDon’tStopMeNowdeQueen.

—Allezviensbeauté,onyva.

Il attrape ma main et m’entraîne à sa suite pour prendre un micro. On se met d’accord pourinterpréteruncoupletà tourderôleetchanter les refrainsensemble.Etsous le fauxprétextede lagalanterieilmelaissecommencer.Àpeineai-jedébutéquejevoissesyeuxs’illuminer,ilsedandinedéjà,ilsecontientmaisilnetarderapasàbondircommeuncabri.Ilenchaîne,avecunevoixplutôtjuste,etsefaitvraimentplaisir,ilexultequandjechanteenchœuraveclui.Jefaisunclind’œilàmonchéri quime regarde avec une ferveur indescriptible. Il sait que je suis heureuse etmon bonheursembleleréjouir.J’adorepouvoirpartagerdesmomentstelsquecelui-ciaveclui,c’estcommesijepartageaisunpetitboutdemavieaméricaine,dansmonclub.

Àlafindenotreprestation,Oliversejettesurmoipourmeprendrevigoureusementdanssesbras.Jesurprendsleregardénervédemonhommequiespéraitqu’ilmeménageraitunpeu.Sincèrement,ilnedoitpasserendrecomptedel’effetqu’ilasurmoi,parcequenotrepetiteséancedefind’après-midim’alargementplusmiseàl’épreuvequetoutcequ’apufairemonpartenairedechant.

Àpeineai-jeregagnémachaisequ’ilsaisitmonmentonentresesdoigtspourm’attirerversluietm’embrasser, assez chastement ceci dit. Il se penche ensuite pour me susurrer quelques mots àl’oreille.

—Çavap’titcœur?

Mince, j’espéraisquelquechosedeplusexcitant.Jehochela têteen luidécochantmonregardleplusrassurantpossiblepourluifairesavoirquetoutvapourlemieux.

—Aufaitleboulet,ilfautabsolumentquetumeracontesquelquechose,j’aientenduparlerd’unecertainesoiréeoùuneconquêtes’estavérée…pleinedesurprise.

—Jenedemandemêmepasquim’abalancé.C’esthonteux.

Illanceunregardaccusateuràsoncopilotedesoiréequin’arrivepasàdissimulersonamusement.

—Allez,envoielesdétails,iln’arienvoulumedire.

—Encore heureux ! Ilmanquerait plus que ça.Après tout, on a tous le droit d’avoir nos petitssecrets…

Cetteremarqueestuneaffreusepetiteattaquemesquineàmonencontrepourm’obligeràmetaire.J’arrivepasàcroirequ’ilmemenacededivulguernotre«petiteescapade»pourmecontraindreausilence?!Maisforcem’estdeconstaterqu’ilalancéunregardentenduàOwenquisemblesecrisper.Cettepiqueneseraitpaspourmoi?Jenerelèvepas,horsdequestionquejerentredanssonjeupourcréerunmalaiseentremonhommeetmoi.Ilchercheàfoutrelamerdeetçacommenceàm’agacer,et malheureusement, à me titiller également. Il y a un secret dont je ne suis apparemment pas aucourantetiln’yariendepirepourexacerbermacuriosité.Lebouletvientjudicieusementdeplanterlapetitegrainedeladiscorde.

—Hébeauté!C’esttontour.J’ycroispasquetuaieschoisicettechanson.

Voilà qui tombe à pic. Jeme lève en laissant courirmes doigts le long du bras demonmatou

jusquedanssanuqueavantdem’éloigner.

ToutcommeDimitri,j’aichoisiunechansondontletextem’asembléparticulièrementapproprié.Lespremièresnotes se font entendre et jeme trémoussed’une façonassez charmeuse, fixantmonchéri,luisignifiantquejechantepourlui.Passûrpourautantqu’ilapprécie.

Ihatetheworldtoday{2}/Jedétestelemondeaujourd’hui

You'resogoodtome/Tuestellementbienpourmoi

IknowbutIcan'tchange/Jesaismaisjenepeuxpaschanger

TriedtotellyoubutyoulookatmelikemaybeI'manangelunderneath/J’aiessayédetelediremaistumeregardescommesiunangesecachaitenmoi

Innocentandsweet/Innocenteetdouce

YesterdayIcried/Hierj’aipleuré

Youmusthavebeenrelievedtoseethesofterside/Tudoisêtresoulagédevoirmoncôtéfragile

I can understand how you'd be so confused / Je peux comprendre à quel point tu devais êtredésorienté

Idon'tenvyyou/Jenet’enviepas

I'malittlebitofeverything/Jesuisunpeudetoutça

Allrolledintoone/Touts’entrechoqueenmoi

I'mabitch,I'malover/Jesuisunechienne,jesuisuneamoureuse

I'machild,I'mamother/Jesuisuneenfant,jesuisunemère

I'masinner,I'masaint/Jesuisunepécheresse,jesuisunesainte

Idonotfeelashamed/Jenemesenspashonteuse

I'myourhell,I'myourdream/Jesuistonenfer,jesuistonrêve

I'mnothinginbetween/Jenesuisrienentrelesdeux

Youknowyouwouldn'twantitanyotherway/Tusaisquetun’envoudraispasautrement

SotakemeasIam/Doncprends-moicommejesuis

Thismaymeanyou'llhavetobeastrongerman/çapeutvouloirdirequetudevrasêtreunhommeplusfort

RestassuredthatwhenIstart tomakeyounervous/Soiscertainquequandjecommenceraià terendrenerveux

AndI'mgoingtoextremes/Etj’iraiauxextrêmes

TomorrowIwillchange/Demainjevaischanger

Andtodaywon'tmeanathing/Etaujourd’huinevoudraplusriendire

I'mabitch,I'malover…

À la fin dema prestation, en voyant tout lemondem’applaudir, et pas seulementmes amis, jeréaliseque j’aipeut-êtreunpeu trop fait le show, j’auraisdûmecontenirunpeuplutôtquedemelaisseremporterparlerythmedelamusique.

Je retourne à notre table et Owen se lève pour m’attirer contre lui et m’embrasser. Il est fiercommeunpaonetveutclairementmontrerquejenesuispasvenueseule.Ilsereplacesursachaise,m’inviteàm’installersursesgenouxetmurmureàmonoreille:

—Nomatterwhoyouareaslongasyou'remine{3}.

Qu’est-cequej’adorequandilmeparleanglaisavecsonaccentsisexy.Etpourmedirequejesuissienne…C’estjusteparfait.Jesensmesjouess’empourpreretjedissimuleuninstantmontroubleenmeblottissantdanssoncouquidégageuneodeurenivrante,sonodeur.Samaincaressedoucementmondosetjeresteraisainsiuneéternitésijen’avaispasconsciencequebiendesregardsconvergentversnous.

—J’enaipeut-êtrefaitunpeutrop.

—Turigolesmaboulette,ondiraitquet’asfaitçatoutetavie.T’asjamaisenvisagédetelancerdanslachanson?C’étaitencoremieuxquedansmessouvenirs.Tut’esentraînée?

Je me pince les lèvres pour réprimer mon envie de rire devant sa remarque dont l’ironie luiéchappe. Seul Owen sait que j’ai un club et que ce genre d’ambiance ne m’est pas inconnu. Lesgarçonsmecomplimententtoutenfinissantleursassiettes.

Onvienttoutjustedenousservirnosdesserts,j’ignored’ailleurspourquoij’enaicommandéun,que leprénomd’Owens’affichesur l’écransuivid’un titredeLifehouse :TakeMeAway {4}. Je leregarde,complètementéberluée,jamaisjenel’auraisimaginéfaireunechosepareille.D’une,parcequ’il n’est pas un grand chanteur, de ce qu’il m’en a dit, de deux, parce qu’il n’aime pasparticulièrementsedonnerenspectacle.Jen’aimêmepasremarquéàquelmomentils’estinscrit.Ilm’attrapeparleshanchespourmeposersurmachaiseetselever,nonsansm’avoirlancéunregardamusé.Ildoitbienserendrecomptequejenem’yattendaispasetilestfierdesonpetiteffet.

Legroupedepetitesnanasde la tablevoisinesemetàpiailleretà lesifflerhistoiredemontrerqu’ellesapprécientlespectacle.Spectaclequipourl’instantselimiteàlevoirmontersurscène,maisilfautcroirequel’alcoolcommenceàavoirraisondeleursréservesetquesontee-shirtmoulanta

fini de les anéantir. Une fois installé, le projecteur braqué sur lui, on remarque encore plus sesmusclessaillantssousletissu.Jemesensmoiaussiprisedanssonchampdegravité.Sijen’étaispasaussiimpatienteetintriguéeparsaprestationàvenir,jel’auraisrejointpourleramenerillicoprestodansmachambred’hôtel.

Ilmeregardeavecunetelleintensitéquejesaisd’oresetdéjàquechaquemotserapourmoi.Jemanquedemedécrocherlamâchoirequandjel’entendsprononcerlespremièresparoles,ilchantebien, vraiment bien. Pourquoi s’en était-il caché ? Par pudeur ? En tout cas c’est une excellentesurprisequej’apprécieàsajustevaleur.

ThistimeallIwantisyou/Cettefoistoutcequejeveuxc’esttoi

Thereisnooneelse/Iln’ypersonned’autre

Whocantakeyourplace/Quipeutprendretaplace

Sesmotsmetouchentenpleincœur,ilfaitmouche.J’aimebiencegroupe,ilsontdebonstitresetcelui-ci en fait partie, j’adorais quand Pete le chantait au club. Étonnante coïncidence que je voiscommeundélicieuxsignedudestin.

Safaçondechanter,desemouvoir,ilm’envoûtelittéralement,jesuissuspendueàseslèvres.

…

Itrytomakemywaytoyou/J’essayedefairemoncheminverstoi

ButstillIfeelsolost/Maisjemesenstoujourssiperdu

Idon'tknowwhatelseIcando/Jenesaispascequejepeuxfaired’autre

I'veseenitallandit'sneverenough/J’aivutoutçaetcen’estjamaisassez

Itkeepsleavingmeneedingyou/Çanem’empêchepasd’avoirbesoindetoi

…

Don'tgiveuponmeyet/Nem’abandonnepasencore

Don'tforgetwhoIam/N’oubliepasquijesuis

Ilpèsechaquemot,ettoutmoncorpsfrémitenréponseàcettedéclaration,jusqu’àmesmuscleslesplusintimes.

Les folasses en chaleur, oui je deviens vulgaire mais elles commencent à trop s’exciter surl’hommequiestirrémédiablementlemien,l’acclamentàlafindesaprestation.Ilsautedel’estradepour me rejoindre et je me lève pour prendre son visage entre mes mains et l’embrasserlangoureusement.Inconsciemmentjefaislamêmechosequeluiquelquesminutesplustôt,jemarquemonterritoire.Sesbrasm’enlacentaffectueusementet jenelesauraisjamaisquittéssiOlinenousavaitpasinterrompus.

—Est-cequejevaisdevoirêtretémoindecegenredescèneàchaquefoismaintenant?!

Nous nous rasseyons, non sans rigoler à l’évocation de ce que nous appellerons désormais« l’incident du bureau ». La soirée se prolonge, non sans que notre ami ne se sente l’obligationd’expliquersaremarque,partageantavecsoncopilotel’événementquiluia«brûlélarétine».

Le repas se termine sans que nos deux amis se privent de nous faire quelques nouvellesdémonstrationsdeleurtalent.J’aifiniparretrouvermaplacesurlesgenouxdemonchérietlelaissemecâlinerenfaisantcourirsonpoucelelongdemonéchine.Ilesttendreetdétendu,maisavecunsoupçond’inquiétudeenarrière-planquejen’arrivepasàdissiper.

Noussommeslàdepuisunbonmomentmaintenantquandlebouletdécidequ’ilenamarre.

—Bon,papyetmamievont rentrer sepieuterpour laisser les jeunes faire la fêteouvousallezessayerdenoussuivre.

Je sais très bien ce que mon homme espère, pas qu’il soit fatigué, mais plutôt dans l’idée deménager ma petite personne. C’est pourquoi je ne le regarde pas avant de répondre, histoire depouvoirdirequejenepensaispasqu’ilvoulaitrentrer.

—C’estquiquet’appellesmamie?!Attendsdevoircommentmamievasetrémoussersurlapistededanse.

Lamesseestdite,nousallonsfinirlasoiréedansunclubdanslequelilsontleurshabitudes.Toutlemondemontedansmavoiture,jesuislaseuleapteàprendrelevolant.

Enquelquesminutesnousnousretrouvonssurledancefloor.Le«nous»excluantmonchériquipréfèreprofiterduspectacleàdistance.

—Heymamie!J’t’aiconnueplusremuante.

Dimitriacriéprèsdemonoreillepourquejepuissel’entendremalgrélasonoquicracheunsonquejen’identifiemêmepas.Ilaraison,d’ordinairejesuiscommeunepileélectriqueàsauterdanstous les sens ou alors à me déhancher voluptueusement, seule ou avecmon Oli. Il cherche à mepousser,ilveutmevoirmedévergonderetm’amuser.J’enaipleinementconscienceetneveuxpasentrerdanssonjeu.ParrespectpourOwen,maisaussiparcequejen’enaipaslaforce.J’aidéjàtroptirésurlacordeetjenevaispastarderàenpayerleprix.Ilenprofitepourseglisserderrièremoi,sesbrasautourdemataille,ondulantsoncorpscontrelemien.J’essayeden’yvoirlàqu’unedanseentredeuxamis,maisnousnepartageonspas lamêmecomplicitéqu’avecOliver. Ily aune sorted’ambiguïté qui n’en reste pas une lorsque je sens son sexe durcir contremes fesses.Onpourraitcroire que c’est purement « mécanique », mais si c’était le cas il aurait changé de position, il

n’insisteraitpascommeillefait.Jemeretourneetluilanceunregarddésolé.Parcequ’aufondc’estcequejesuis,désolée,désoléequ’ilsoitsiattachéalorsqu’ilnesepasserarien,désoléequ’ilsoitobligé d’être témoin de mon bonheur, désolée qu’il se sente assez mal pour en venir à avoir uncomportement déplacé, pour se venger, inconsciemment. Pendant un instant je vois une lueur detristessedanssesyeux,peut-êtredehonteégalement,ils’enveut.Commepourlesdifférentesphasesd’undeuil,ilestpasséparledénienrefusantd’enparler,lacolèreenessayantdecréerletrouble,etencetinstantjenesaissic’estdelatristesseoudelarésignation,maisilvientdepasseruneétape.Ilnemeresteplusqu’àattendrequ’interviennel’acceptation.Leplusviteétantlemieux.

Alorsquenoussommesfaceàface,desmainsseposentsurmeshanches,inutiledemeretournerpour savoiràquiellesappartiennent.Moncorps reconnaît l’irradiationà laquelle il est soumis. Jebascule ma tête en arrière et il m’embrasse le front. Nous bougeons en cadence, à notre proprerythme qui n’a rien à voir avec celui de la musique ambiante. Nous sommes dans notre bulle. Ilconnaîtmondegrédefatiguemaisilneditrien,ilaretenulaleçon.

—ANOUK,TUTEFOUSDEMOI?!?

—Hey,keepcoolJessie.Qu’est-cequ’ilyaencore?Jecroyaisqu’onavaitconvenu…

—…situosesdireunaccord,jetejurequejepousselagueulantedusiècle.

Jem’enveux, j’aiprononcésonprénometOwenadûserendrecomptequec’était très tendu.Ildoit déjà imaginer les raisons et spéculer dans tous les sens. Et en plus je viens de dire qu’on aconvenudequelquechose,cequisous-entendqu’onadéjàeul’occasiondeseparleretquejeneluiaipasdit.

—Pourquoi?C’estpasdéjàcequetufais?

—Arrêteça.Yaplusd’accordquitienne.Çaallaittantquetuétaishonnêteavecmoimaislà…

Je suis enpleinegalère,devoirgérer la colèredu siècledemon frère tout enévitantd’alarmermonchéri.

—Maisjel’aiété.

—ARRÊTETESCONNERIES!Nejouepassurlesmots,pasavecmoi.Ouit’aspasmenti,t’asjusteomisdemedirequetuavaisétéàl’hôpital.Tunepensaispassérieusementquejen’allaispasledécouvrir?

—Jelesavais,etjesavaisaussiqueturéagiraisainsi,etj’aijuste…Jet’aidemandédemelaisserunejournéedebreak.

— Il n’en est même pas question. Tu te couches et j’appelle Katherine pour qu’elle viennet’examineretfairecequiestnécessairejusqu’àcequej’arrive.

—Trèsbien,alorsvoilàcommentleschosesvontsepasser.Jenetedemandepastapermission,JEprendsunejournéedebreak.Quetusoisd’accordoupas,c’estlamêmechose.Ondiscuteradetoutçademain.

J’aiusédemontonlepluscalmeetleplusdéterminéalorsquejebouillonneintérieurement.Ilestridiculequejesoisobligéedemejustifierdelasorte,ilvadevoircomprendrequejen’aiplusquinzeansetquejesuisendroitdeprendremespropresdécisions,mêmes’ilnelesapprouvepas.

—MAISTURÊVES!C’esthorsdeques…

—Jevaisraccrocher.Jet’aiditcequej’enpensaisetjenevaispasperdremontempsàdiscuteravectoi,surtoutquandtuesdanscetétat.

—Net’avisespasde…

Jeraccrocheavantqu’iln’aitpufinirsaphrase.Jefixeletéléphoneentremesmains,certainequ’ilvatenterdemerappeler.Ilnelefaitpas.Jen’arrivepassavoirsic’estbonoumauvaissignepourlasuite.Jenebougepas,jechercheuneéchappatoirepournepasaffronterleregardd’Owen.Sansunmot,ilprendmamaindanslasienneetm’attireverslaporte.

—Qu’est-ceque…

—Viens,lesmecsvontnousattendre.

Aumoinsunquim’accordeunsursis.Jesuissoulagée,mêmesijesaisquejevaislepayeràunmomentouàunautre.

Nousdansonsmaintenantfaceàface,l’uncontrel’autre,nousbalançantaurythmedesbasses.Mesbras autour de son cou glissent le long de ses bras auxquels je m’accroche, sentant mes jambesfaiblir. Il le remarque et ses bras autourdema taille resserrent leur étreinte pourmeplaquerplusfermementcontresontorseetmesoutenir.Ilapprochesaboucheprèsdemonoreillepourêtresûrquej’entendebiensavoixdoucemaisferme.

—Cettefoisçasuffit,onrentre.

7

—Tuveuxpasseràtonhôtelrécupérerquelquesaffaires?

J’aisurtoutenviedeluidiredemedéposeràmonhôteletdemelaisserm’yreposermais ilneméritepasça,pasaprès lasoiréequ’ilvientdesubir. Ilavraimentpris sur luivis-à-visdemoietencore plus de Dimitri. Et puis ça m’arrange un minimum d’aller me réfugier chez lui, cela mepermettrademecouperplusfacilementdemonfrère,ilmesuffirad’éteindremonportable.

—Ouisituveux.

Cela faitdéjàdixminutesquenousavonsquitténosdeuxacolytes, leur laissant l’opportunitédetrouverdespetitesnanaspourfinirlasoirée.Vucommeilsétaientimbibés,ilsprendrontuntaxipourrentrer.Jen’aiquasimentpasparlédepuisquenoussommesmontésenvoiture.Owenaprislevolantpuisqu’il n’a rien bu d’alcoolisé depuis l’apéritif et que depuis le temps il est tout à fait apte àconduire, contrairement àmoid’après sesdires. Jen’ai paspris lapeinedenégocier, je suis tropfatiguéepourargumenteroufairequoiquecesoit.Enfoncéedansmonsiège,latêtecontrelavitrefraîche,lesyeuxmi-clos,j’ail’impressiondecuvermesexcèsmusicaux.Maisc’estlecumuldetoutecettejournéequejecommencetoutjusteàpayeretjesaisquejenesuispasaubout.Iln’apasencorelancéleshostilitésmaisçanevapas tarder, j’approchedangereusementde lafindemonsursis.Jeveuxjustefinircettejournéesansqu’onm’ennuie,maisdemainmatin…

Ilrespireprofondémentcommes’ils’apprêtaitàparler,etavantqu’iln’aitpudirelemoindremot,jetendslamainversl’autoradiopourromprelesilencepesantetledissuaderd’ymettreuntermelui-mêmeendiscutant.Samainseposeimmédiatementsurlamiennepourinterrompremongeste.

—S’ilteplaît,j’aieumadosedemusiquepouraujourd’hui.

—Commetuveux.Oualorsjemetsl’undetesCD.Untructranquille.

—Situveux.

JefarfouilledanssonétuiàCDetmetslamainsurunexemplaireavecunAentouré,commeceluiqu’Oliveravait trouvé lorsdenotresoiréesur lapéniche.Jepensesavoirdequoi il s’agitmais jeveuxenavoirlaconfirmation.

—C’estquoicelui-là?Yariend’écritdessusàpartceA.

Iljetterapidementuncoupd’œildansmadirectionpourvoircequejetiensdanslesmains.

—C’estpasuntructranquille.Prendsautrechose.

Inutiledelequestionner,jen’enaidetoutefaçonpaslaforce,jepréfèremecontenterd’écouterunbonalbum.J’optepourunbestofd’AlGreen.Jerepositionnematêtecontrelavitre,espérantéviterlepluslongtempspossibleladiscussionquivatrèsvites’imposer.

—Anouk,onestarrivés.

Samain caressedoucementma joue, j’esquisse un souriremaisme refuse à ouvrir les yeux, jeveux savourer l’instant. J’appuieunpeuplusmonvisagecontre sapaumeet inspireprofondémentpourm’imprégnerdesonodeur.

—P’titcœur…viens,onenapourdeuxminutes,onrécupèretesaffairesetonrentre.Tupourrastereposertantquetuveuxaprès.

Jeprendsuneprofondeinspirationetouvremespaupières.Ilesttournéversmoi,sesyeuxnoisetteplongés dans les miens. Il me regarde avec une telle intensité que je sens mon rythme cardiaques’accélérer.Toutéclatadisparudesonregardquej’aiconnusipétillantautrefois.

—Onyva?

Jehochelatêteenguisederéponse.

—Tuvoulaism’attendreicietquej’yailletoutseul?Jeteprendsdeuxoutroisfringues,dessous-vêtements…

—Nonc’estgentil,c’estbon.Jevaisyaller.

Pas question que je le laisse farfouiller dans mes affaires, il pourrait mettre la main sur mesrésultatsdelabo,lapochedenutrition,oujenesaisquelautretruccompromettantencore.Ilsortdelavoitureetlacontournerapidementpourvenirouvrirmaportière.Ilprendmamainetconfielesclefsauvoiturieren luiannonçantquenousseronsde retourd’icicinqminutes.Une foisdansmachambre,j’attrapeunpetitsacdevoyageetfourrequelquesvêtementsàl’intérieur.

—Tuprendsta«petite»troussedesecours?

—Nonc’estbon,j’ailesmédicamentsdontj’aibesoindansmonsacàmain.

—Ettontensiomètre?

—Euh…

J’hésiteàluidirequec’estinutile,quejeneveuxdesurcroîtpasfairececadeauàmonfrère.Pasquestionqu’ilreçoiveunrapportdesamachineinfernalemeconcernant.MaisjedoisaussitoutfairepourtranquilliserOwen.

—…situveux,oui,onpeutleprendre.

—Tun’aurasbesoinderiend’autre?

—Jenepensepasavoirbesoindureste.Iln’yaquedeschosespourdestraumas,çadevraitaller.

Monsacàpeinerempli,nousrepartonsendirectiondemavoiturequinousattenddevantl’entréedel’hôtel.Jeremercielevoiturieretreprendsmaplacesurlesiègepassagertandisquemonhommedéposemonfourre-toutsurlabanquetteavantdes’installerderrièrelevolant.

Enmoinsdecinqminutesnoussommesgaréssurlequai.Jedescendsdelavoiture,etavantmêmequ’iln’aitpumerejoindrejemedirigeversl’entréedubateau.Ilmerattrapeendeuxfouléestenantmon sacd’unemain, posant l’autre surmanuque.Ce contact quim’apaise immédiatementme faitralentir,sansêtreparfaitementsereine,jesuistoutefoisunpeumoinsstressée.

Unefoisàl’intérieur,sansunmotjemedirigeverslasalledebain,j’aijustebesoind’unebonnedouche.

Aprèsquelquesminutesilfrappedoucementàlaporteetentre.Ilneporteplusquesonboxer.Entempsnormaljeluiauraissautédessus,maisàcetinstantjemesenssifatiguéeetsurtoutsigênéeparmonphysiquequisedégradequesijelepouvais,jemecacheraissousuncolroulé.Maisc’estpeut-êtretoutesmescachotteriesquimedonnentcetteimpressiondemal-être…Owensebrosselesdentset ressort aussitôt. Mes yeux me piquent et je mets quelques secondes à réaliser que je pleure.Pourquoi…Lahonte,lapeurdurejet,lestress,lafatigue…Foutueshormones,oui!Ilfautvraimentque j’aille dormir. Je passe mon visage sous le jet de la douche pour effacer les traces de mesangoisses et sors de la cabine pour me sécher. Dans ma précipitation j’ai oublié de prendre mesaffairesavecmoidanslasalledebain.Jem’enveloppedansunegrandeservietteetsorsdiscrètement.Lapièceestplongéedans lenoirà l’exceptionde la lampedechevetdesoncôtédu lit. Il estdéjàinstallésouslacouette,entraindelire.Jemeposesurlematelas,dosàlui,etenfilerapidementmaculotteetmabrassière.

—J’peuxtepiquertontee-shirtduHardRockCafé?

—Biensûr.Danslepremiertiroir.

Jemesensbientropexposéeavecjustemessous-vêtements,j’aibesoindemecacher,mêmesiunsimpletee-shirtn’estpaslasolutionàtoutcequejevoudraiscacher.

Je me faufile dans le lit et me couche immédiatement en lui tournant le dos. Après quelquessecondesilselève,allumelatélé,metunechaînemusicaleetrevientprèsdemoi.Unefoislalumièreéteinte, jeresterecroquevillée,sansdireunmot,espéranttomberdefatigueleplusvitepossible.Ilrespireprofondément,trèsprofondément,commes’ilessayait…desecalmer,ouquelquechosedans

cegoût-là.Ilcommenceàremuer,etfinalementilplaquesontorsecontremondos,sonbrasrepliéautourdematailleavecsamainquiremonteauniveaudemapoitrine,ilm’enveloppecomplètement,commeunlierreautourd’unchêne,ouplutôtd’unebrindille.Sonsoufflechaudetrégulierdansmoncoum’apaise.

—T’inquiètepasmoncœur,çavaaller.Toutvabiensepasser.Onferaleschosesàtonrythme.

Ilestclairqu’ilnefaitmalheureusementpasallusionausexe.J’auraistellementpréféré.

Je revois le regard froid de mon père qui m’observe depuis l’embrasure de la porte de machambrealorsquej’essaiedésespérémentdemesoustraireauxmainsdesinfirmiers.Jehurleetmedébats de toutesmes forces, je ne veux plus de ces traitements, chaque injectionme rendmaladependantdesjours.Àcetinstant,jecroisquejepréféreraiscreverqued’endurerencorecesupplice.Jene peux pas continuer ainsi, j’ai trop mal et je n’arrive plus à le supporter, surtout que je n’encomprendspaslesraisons.J’imploreunefoisdeplusceluiquidevraitêtremonprotecteur,maissesyeuxn’exprimentquedelahonteetduméprisaumomentoùilsedétournedemoi.Desmainsmesaisissentde toutepartetm’attachentavecdes liensdecontention,monsortestscellé, jen’éviteraipascetteinjection.Jeneleuréchapperaijamais.

—NOOOOONNN!!

—Hey,calmebabe,jesuislà.

Jerepousselamainqu’ilmetend.Marespirationesthaletante,moncœurbatfrénétiquementdansmapoitrine,jesuisennageetcomplètementpaniquéesansencomprendrevraimentlaraison.

—Chhhhut,toutvabien.Tuasfaituncauchemar.

Jeréalisequemesyeuxpapillonnentdanstouslessens,essayantd’analysercequisetrouveautourdemoi.

—Oùtuétais?!

—Quoi?

Malgrélapénombrejevoissesyeuxs’écarquiller.Ilnecomprendabsolumentpasdequoijeparle,maisj’airemarquéqu’ilestassisauboutdulitetpassouslacouette,prèsdemoi.

—Tun’étaispasdanslelitavecmoi.

—Humm…je…jen’arrivaispasàdormir,jeregardaislatéléquandjet’aientenduet’agiter.

—Del’eau.S’ilteplaît.

—Ouibiensûr.

Ilsedirigeverslacuisined’oùilmerapporteungrandverred’eau.

—Çavaaller,p’titcœur?

—Oui,maisresteavecmoi,s’ilteplaît.

Monchériseréinstallesouslacouetteetreprendsaposturedeplantegrimpante.

Etsurl’instant,jenesauraispasexpliquerpourquoi,maisjemesensobligéedeluimurmurer:

—Tupeuxencorechangerd’avissituleveux.Jecomprendrai.

Aufondceseraitlapirechosequisoit,parcequemêmesij’aitrèspeurdetouslesproblèmesquejevaisdevoiraffronteretlafaçondontjedoislesaborderaveclui,jenesaispassijetrouveraislaforceenmoid’avancersanslui.Etc’estquandilmerépondquejecomprendspourquoij’aioséluidirecela,j’avaisbesoind’entendre«cette»réponse.

—Jamais jenechangeraid’avis, jamais jene regretterai, jamais jene te laisseraimequitter. Jesuislàetriennemeferapartir,pasmêmetoi.

Ces derniersmotsme font sourire, parfois j’ai l’impression qu’il sous-estimemon potentiel dechieuse.Pourtantilenadéjàeuplusquesapart…

Jecommenceàm’étirer et chercheà tâtonsmonportablepourvoir l’heurequ’il est.Mêmepasencoredixheures.Monmatouestétalédetoutsonlong,surledos,etjechercheimmédiatementàmeblottirdanslecreuxdesonépaule,monnid,moncocon.

Ilgrognelégèrementetm’enveloppedesesbrasenmarmonnant:

—Hummm,dors.

J’aimerais, j’aimerais vraimentme rendormir et étouffermes angoisses sous lemolleton de lacouettemaisc’esttroptard,moncerveauestdéjàenpleineébullition,spéculantsurledéroulementdecettejournée.

Jenebougepas,jeveuxluilaisserunechancederécupéreruntantsoitpeu.Ilal’airépuisé,non,complètementexténué.Pourquoinedormait-ilpascettenuit?Jel’aidéjàsurprisunepremièrefoissurlepontenpleinenuit,uneautrefoiségalementalorsquejel’avaisrejointaprèsquenousnoussoyonsdisputés.Etcettenuitencorej’aicomprisqu’ils’étaitévadé.

J’attendspatiemmentalorsquejecommencetrèssérieusementàavoirenvied’allerauxtoilettes.Maiscesontfinalementlesgargouillementsdemonventrequiletirentdusommeil.

—Salutp’titcœur.

Jesavourecetinstant,cemomentoùl’onvientdeseréveilleretoùlessoucisduquotidienn’ontpas encore eu le temps de vous assaillir. Ses yeux ont retrouvé cette petite étincelle qui ne tardepourtantpasàdisparaîtrequandilémergesuffisammentpourassimilerlaportéedesévénementsdecesderniersjours.Pourl’instantjeveuxprofiterdesoninsouciance.

—Salutlematou.

Jemeredresselégèrementpourl’embrasser.C’estunpetitbaiser,maisjevoisqu’ilafficheunpetitsourire béat,mélange du plaisir de notre étreinte et des résidus de sa récente torpeur. J’en profitepourfairecourirmeslèvreslelongdesagorge,jemedélectedechaquepartiedesoncorps.Mesdoigts sepromènent sur sespectorauxetglissentdoucement jusqu’à sesabdominaux. Je le sens secrisperalorsquejecontinueàdescendretoutenléchantdélicatementsoncou.Ilfaitcepetitbruitquej’adore, celui que j’assimile à un ronronnement. J’entreprends de le caresser à travers son boxer,maisrapidementjepasselabarrièredesonélastiquepourmefaufilerauplusprèsdesonsexefermeetvelouté.Ilbasculesatêteenarrièreetinspireprofondément.Soncorpsvibreàunefréquencequiexaltelemien,ilaenviedemoi,jeluidonneduplaisir,jel’excite,etçam’enivre.C’esttellementbondeleretrouversiinsouciant.J’enlèvelepeudetissuqu’ilaencoresurluietilsoulèvesonbeaupetitculsexypourm’aider.Jem’assiedssurlui,monintimitéaucontactdesavirilité,déjàprêteàfairedesfolies.Jeposemesmainssursontorse,etilenprofitepourdégrafermonsoutien-gorgequ’ilmeretireàlavitessedel’éclairpourlelancerausol.Ilattrapemanuquepourattirermeslèvrescontreles siennes.La têteme tourne,moncœur s’emballe à chacunede ses caresses surmondos. Jemeredresselégèrementetils’emparedel’undemestétonsavecsesdents.Tousmessenssontenéveil,lecontactdesabouchem’envoiecommeunedéchargequivadirectementjusqu’àmonbas-ventreetqui réveilleenmoides instinctsprimaireset sauvages.Je leveux, lui,maintenant, toutdesuite,enmoi.Jepassemesmainsdanssescheveuxetresserremesdoigtspourlemaintenirauplusprèsdemoi.

—Tuasfaim?!

—Quoi…?

Jesuishaletante,désorientéepar tout leplaisirqu’ilmeprocure,et jenecomprendsabsolumentpascequ’ilvientdemedire.

—Tonventregargouille,ilfautquetumanges.

Ilcommenceàm’attraperauniveaudeshanchespourmefairebasculer.

—Qu’est-cequetufais?Lâche-moitoutdesuite.Jetejurequesitut’envasmaintenant,pourunsimplegargouillis,çavatrèsmalsepasser.

Mon ton est très sérieux au début, un peu moins quand je le menace. Je lui lance un regardprovocateur, luiprouvantque jesuisprêteàmettreenplacedesreprésaillescoquiness’ilcontinuedanscettevoie.

—P’titcœur,s’ilteplaît.

Jeposemonindexsursabouchepourl’inciteràsetaire.

—Chut.Laisse-moifaire.

Jeleregardeintensément,maislapetiteétincellequidonnaitvieàsespupillesadisparu.J’enfaisfietreprendslàoùj’enétais.Ilnebougepas,ilattendquejecomprennequ’iln’irapasplusloin,etje

mesensbienseuleaufinal.Jesuistellementfrustréequej’ail’impressiond’êtreenragée.Jemelèvebrusquement,repousseméchammentlacouvertureetfoncesousladouche.

—Anouk!S’ilteplaît.

Je claque violemment la porte de la salle de bain. Je suis tellement énervée, contre lui…maiscontremoi également, d’avoir pu croire que j’arriverais encore à partager quelquesmoments delégèretéaveclui.Jemedébarrassedemapetiteculotteetm’installedanslacabinededouche,assiseaufonddubac,adosséeaucarrelage,accueillantl’eauenpleinvisage.

Ilentresansprévenir,cequimefaitsursauter.

—Anouk!Ilfautqu’onenparle.

—Owen, sors d’ici. Je suis fatiguée, frustrée, et énervée, et les mots risquent de dépasser mapensée.

—J’enaimarre.Marredemarchersurdesœufs,marredenepassavoirquoidire,quoifaire.Çanevapas,ettuneveuxrienmedire,tuneveuxrienfaire,etcequimefaitleplusflipperc’estquej’ai l’impression que tu rejettes également ton frère, alors que je sais qu’il est sûrement lemieuxplacépourt’aider.

—Owen,pasmaintenant.

—Si!Maintenant!Cen’estjamaislebonmomentdetoutefaçon.J’aibesoinquetumeparles,quetum’expliques,maissurtout,surtout,j’aibesoinquetuaillesvoirunmédecin.

—Jeneveuxpasenparler.

—Tu ne veux pas en parler avecmoi ou tu ne veux pas en parler tout court ? Parce que si leproblèmec’estmoi,jeveuxbienpasseroutre,tantquejesaisquetuenparlesavecquelqu’unetquetuescorrectementpriseencharge.

—Laisse-moitranquille.

Mavoixestlasse,jesuisfatiguée,jeneveuxplusmebattre.

Alors que je nem’y attends pas, il entre dans la douche alors qu’il porte encore son boxer. Ils’assoit près de moi mais il n’essaie pas de m’étreindre ou je ne sais quoi d’autre. Il attend,simplement.

—Jeneveuxpasmebattreavectoi,jenepeuxdetoutefaçonpast’obligeràquoiquecesoit,maisj’aibesoinque tuprennes soinde toi.Çaneconcerneplus seulement toimaintenant, il fautque tupensesàp’titbout.

Jesuispriseentredeuxfeux.Ilm’attendritaveccepetitsurnomqu’illuiatrouvé.Ilyapensé,ilseprojette,avecnous,avecce…p’titbout.Maisd’unautrecôté,l’allusionàpeinedissimuléeaufaitquejesoisunemauvaisemère,puisquejeneveuxpasprendresurmoipourlebiendemonenfant,c’estinsupportableetinacceptable.

—Jetejure,sorsdecettedouche,maintenant.Jesuistellementénervée,maisàunpoint!Jegardemon calmemais ça ne va pas durer très longtemps. Donc sors de là, on discutera quand je seraicalmée.

Maiscontrairementàcequej’espérais,ilnebougepas,ilnecèdepas,pascettefois.Ilbasculesatêteenarrièreet respireprofondément. Jen’aiplus l’énergiedebatailleretde luttercontre tout lemonde,j’aibesoind’avoiraumoinsunsoutien,etjemesensdéjàsidésemparéeàcausedestensionsavecmon frère que je finis par céder. Lentement jeme penche sur le côté jusqu’à ce quema têterencontresonépaule,maisilnefaitrien.Pasdebisousurmoncrâne,pasdecaresse,aucuneformederéconfortoud’encouragement.J’ail’impressionqu’ilestaussiuséquemoi,psychologiquement.

—Qu’est-cequetuveux?

—Quetuailleschezlemédecin,etquetufassescequ’ilteditpourquelasituations’améliore.Tunepeuxpascontinuercommeça.Dimitriaraison,àcerythme-làqu’est-cequ’ilvaresterdetoi?Jenepeuxpascontinueràteregarderfairesansriendiredepeurquetunet’enfuies.Vaconsulter.

—Trèsbien.

—Mercimoncœur.

Etlarécompensetombeimmédiatementsousformed’undouxbaiserdéposédansmescheveux.

—Tusais, j’aurais finiparyaller, c’est justevraimentdifficilequand tout lemondememet lapression de cette façon.Ça nemedonne qu’une envie, prendre le large. J’aimerais que vous ayezassez confiance enmoi pourme laisser gérer comme je l’entends. Si j’ai besoin d’aide, je sauraidemander.

Jenesaispass’ilmecroit,mêmemoijenesuispasvraimentconvaincue.Jenepourraispasdiresic’estpourlesprotégereuxoumoi,maisjen’arrivepasàlesimpliqueràchaquefoisqu’ilyaunedifficulté.Jenesaispasdemanderdel’aide,jeneveuxpasavoiràendemander.J’aitellementpeurqu’ilyait…commeundébordement,unesurprotectionquideviendraitétouffanteet ingérable.J’aibesoindegarderlecontrôle.

Jevaisdevoirfairedesefforts,véritablement,sijeneveuxpasprendrelerisquedeperdreunàuntousmesproches.

8

—Jerêveoutum’aspréparédupainperdu?

—Turêves,jeMEsuispréparédupainperdu.Toit’asqu’àtetrouveruntrucdansleplacard.

Il estdevant les fourneaux, retournant les tranchesdans lapoêle,et l’odeurest justedivine.Mespapillesfrétillentdéjàausouvenirdecepurdéliceaveclequelilmegâtaitautrefois.Jem’approche,vêtuedema tenue spéciale glandouille dudimanche,mes sous-vêtements et l’unede ses chemises.Arrivéeàsahauteur,j’observetoutcequ’ilapréparéetjeluienvoieuncoupavecmonpetitpopotin,quinelefaitmêmepasbougerd’uncentimètre.Ilmeregarde,amusé,enlevantsessourcilspourmesignifiercombienc’estridiculedemapartvumongabaritcomparéausien.

—Donctuvasmelaissermourirdefaimcommeunepauvrepetitemalheureuse?

—Non,j’suissûrqu’encherchantbientudevraisréussiràtrouverdesbiscottesoudesgalettesderizsoufflé.

—J’ail’aird’unefillequibouffedupolystyrène,sérieux?

—Encemoment,oui,plutôt.

Ilsemoqueetjenemanquepasdeluidonnerunetapesurl’épaule,ilvautmieuxleprendreavechumour.

—Qu’est-cequejevaisdevoirfairepouravoirledroitàunepetitebouchée?

—Tuveuxdéjàentamerlesnégociations?

Mince, jenepensaispasqu’il allait leprendre aupiedde la lettre, c’était façondeparler. Ilme

nargueaveccepetitregardtaquin,etpourtantjesuiscertainequ’ilnevarienmedemanderdetrèscoquin.Iljubile,iladéjàobtenuunepremièrevictoiredanslasalledebain,ilnes’arrêterapasensibonchemin…

—J’aibienpenséàt’enpiquerunetrancheetàfilercommeunevoleuse,maissoyonslucide,meschances de m’en sortir sont tropminces. Et vu qu’il semble que tu sois devenu insensible à mescharmes…

Il me scrute, intensément, me détaillant scrupuleusement, et dans ses yeux brille une lueurgourmandequin’arienàvoiraveclepetit-déjeuner.Ilenprofitepourouvrirl’undesboutonsdelachemisequejeporte,créantundécolletétrèsplongeant.Finalement,iln’estpeut-êtrepassiinsensiblequeça.

—Donctuesprêteànégocier.Humm,quejeréfléchisseunpeuàcequejevoudrais…Alors…

—Vas-y,crachelemorceau,lematou!

—Turestesici,avecmoi,pourunesemaine.

Ilaparlésuruntonenjouéetamusémaisenleregardantdroitdanslesyeux,jevoiscombienilestsérieux.Auboutdetrentesecondesilajoute:

—Saufsilemédecinendécideautrement.

—Quellejolieformulepourdire«situdoisêtrehospitalisée».Jenevoudraispasruinertatoutenouvellebonnehumeur,maisçan’arriverapas.Jen’yresteraipas.

—Onverrabiencequediralemédecin.

J’ai la vague impressionqu’il fait exprès denepas comprendrepour éviter toute dispute sur lesujet.Jen’aipasditcelapourmeconvaincrequeleschosesirontbienetquejen’enauraipasbesoin,cequejevoulaisdirec’estque,quoiqu’ellepuissedire,jen’accepteraipasunehospitalisation.

—Etquelsseraientlestermesdecetaccord,précisément?

—Ehbien,tuvisici,toutsimplement.Tumènestaviecommed’habitudesaufqu’aulieuderentreràtonhôtel,tureviensici.

—Jetrouveçabiencherpayépourdupainperdu!

Ildéposeladernièretranchesuruneassietteavantdesetournerversmoietdem’attraperparleshanchespourmepressercontrelui.

—Ilsepourraitqu’ilyaitquelquesautresavantagesennaturepourcompenser.Maisbon,est-cequeceseraitsiterriblederesterici,avecmoi?

—Toutdépendduniveaudechiantittudedonttupeuxêtrecapable.

—Est-cequejet’aifaitchieraveclatracedepiqûresurtonbras?

Évidemmentqu’ill’aremarquée!Depuisquandl’a-t-ilvue?Pourquoinepasm’êtretombédessustoutdesuite?Ilagardécetatoutdanssamancheet ilabienchoisi lemomentpours’enservir. Ilm’examineavecunpetitairsupérieurtrèsagaçant,ilmèneladanseetilespèrequejecède.

—Maiscommed’habitudejeprésumequecen’estrien,quejenedoispasm’inquiéteretcetera,etcetera.

Quedire?!Jesuispriseaupiège.Jenepeuxplusdirequecen’est rien,et l’espaceréduitentrenousnem’aidepas,j’arriveàpeineàdétournerleregardpouréviterqu’ilnejaugemesréactions.

—Onn’apasparlédufaitdefaireconfiance?

—Bonallez,posetesfessesetmange.

Ilrelâchesonempriseetmedonneunepetiteclaquesurlederrièrepourm’inciteràm’installersurl’undestabouretsdel’îlotcentral.Ildéposeuneassiettedevantmoi,unverreetunebouteilledejusdepomme.Ilseplacesurletabouretenfacedumienetdégustesonpetit-déjeuner.

—Qu’est-cequet’attends?Allez!Mange!

Jen’aipasletempsdemeposerplusdequestionsquemontéléphonesonnepourmeprévenird’unmessage.Jelerécupèresurlechevetetvoisqu’untextod’Éricm’attend.

*Hier,1fillem’addétontél.Karen.Tul’asvueaustand.Jeluidonne?

Je suisunpetit peu surprise,mais après toutpourquoipas. J’aibesoindeme fairedenouveauxamissurParis,etdesfillesenparticulier,parcequ’encemomentlesgarçonscommencentàmepeserunpeu.

*Donnelui.Elleal’airsympa.Onsevoitbientôt?

*Quandtuveux.Jesuisaustandtoutelasemaineprochaine.

*OK.Àlasemaineprochainealors.

Enretournantversl’espacecuisine,jeréalisequelevieuxfauteuilclubd’Owenadisparu.Jen’yavaispasvraimentprêtéattentionjusque-là,maisc’esttrèsétonnant.

—Maisqu’est-cequetuasfaitdetavieillecroûte?!

—Dequoituparles?

—Tusaistrèsbien,tavieillecroûte.Cemonstrueuxfauteuilquineressemblaitàrienetquejetesuppliaisdebazarder.Tuvois,çanem’amêmepaschoquéequ’ilnesoitpluslà,ilfaisaittellementtache.Bonjeveuxbienreconnaîtrequ’ilétaitsuperconfortable,maisqu’est-cequ’ilétaitmoche.

—Ehbahvoilà,tuasétéexaucée,jel’aiviré.

Sonregardsevoilelégèrement,iln’estquandmêmepastristedes’êtredébarrassédecettesaleté?

Jevoislàl’opportunitédel’interrogersurunpointquimetaraudedepuisquelquetemps.

—Est-cequec’estpourluiquetuasajoutéuneplumeàtontatouage?

Enledisant,jemerendscompteàquelpointc’estindélicat.Jesaiscequeceladoitsignifieretjenevoudraispasleblesserenabordantunsujetsûrementdouloureuxavectantdelégèreté.

Ilmetoise,intensément,jevoisdanssesyeuxqu’ilanalysemaquestion,carilsaitquejeconnaislasignificationdecesplumes.Ilémetunpetitsoufflebrefavantd’afficherunlégersourireencoin.

—Non,pasvraiment.Allez,viensmanger.

—Tunevaspasmeledire,hein?

—Non.

—Uneprochainefoispeut-être.

—Jepensepas,yarienàendire.

Cette petite phrase à elle seule me fait comprendre qu’au contraire, il serait très intéressant desavoir,maisjen’insistepas.Jepeuxaumoinsluiaccorderça.Etquisait,peut-êtrequ’unjourilfiniraparm’expliquer.

Jerejoinsmonhommeàtableetcommenceàmanger.

—Bonbah,situmangesc’estquetuacceptesmondeal!

Ilsourit,vraiment,ilsembleheureuxetcommeallégédesessoucis.

—Tuparaisdetrèsbonnehumeur,toi.Etbizarrement,sansavoireurecoursausexe.

—Çanevapasteplairemaisdesavoirquetuvasvoirlemédecin…,ilsoupireprofondémentetm’observe,çamesoulage.Tul’appellerasquandd’ailleurs?

—Onestdimanche,doncdemain.Bon,ducouptuveuxfairequoiaujourd’hui?

— Je pensais aller voir la nouvelle galerie avec Dimitri, faire le tour du quartier, voir lespaperassesaveclui…Tuveuxveniravecnous?

—Non, jevous laisseentregarçons.Si j’aiducourage jebosserais. Il fautd’ailleursquej’aillerécupérermonordi.Jel’ailaisséàmonhôteletjevaisenavoirbesoin.

Lerestedelamatinéesepassetranquillement,ons’estposésdanssoncanapé, installéeentresesjambes,mondosreposantsursontorse,jel’écoutemefairelalecture.J’adorecescâlins-bouquins,jepourraisresterainsidesheuresàmelaisserbercerparsavoix.Enfindematinée,ilsedécideàrejoindre son ami avec qui il doit déjeuner avant d’aller faire la visite. J’appréhende un peu leursretrouvaillesaprès lasoiréedelaveille, jecrains lafaçondont leschosespourraient tourner,et jedécline sans regret son invitation à me joindre à eux.Ma présence ne pourrait qu’envenimer les

choses.

Àpeinearrivéedansmachambred’hôtel,jeremarquequelquechosed’étrange.Jenesauraispasl’expliquermaisilyauntrucquicloche.Etd’unseulcoupjemetsledoigtdessus.Lespapiersquej’avaislaisséssurmonbureaunesontplusexactementcommejelesavaispositionnés.L’alignementn’estpluslemême,quelqu’unyatouché,etjesuisquasimentsûrequecen’estpasleserviced’étage.Plusj’ypense,etplusjesuiscertainedequiamissonnezlà-dedans.Jedécrocheletéléphonedelachambreetappelleleconcierge.

—Bonjour,iciMademoiselleDavis,chambre314,est-cequequelqu’unestpassépourmoioum’ademandée?

—Nonmademoiselle.

—Est-cequemonfrèreestarrivé?

—Heu…Votrefrère…MonsieurDavisestarrivé.

—Est-cequ’ilvousademandéuneclefdemachambre?

Ilhésiteàmerépondre.Jusque-làsesréponsesétaientimmédiates,maisàcemomentprécisjesensqu’ilréfléchit.

—Mademoiselle…

—Ce n’est pas grave.Dites-moi juste si vous lui avez donné. Je vous assure qu’il n’y a aucunproblèmeetquecen’estpasgrave,jesaisqu’ilpeutêtretrèsconvaincant.

—Mademoisellejesuisdésolé,maisils’estprésentécommevotremari,pascommevotrefrère,etjenepensaispasmalfaire.Jesuisvraimentconfus.

J’essayedeprendremavoixlapluschaleureuse,jeneveuxpasqu’ilculpabilisealorsquejesaisquiestlecoupable.

—Nevousenfaitespas,c’estunepetiteblagueentrenous.Iln’yavraimentaucunsouci.

Surce,jeréfléchisàlaréactionappropriée.Troptardpouressayerdecacherquoiquecesoit,iladéjàfouillépartout.J’aitrèsenvied’allerfrapperàsaporte,etenmêmetempsilm’abienagacéeetje sais qu’il est lui-même très énervé. Je suis tentée d’attendre et de voir combien de temps il vamettreavantdesemanifester.

Finalementladécisionestprisepourmoiquandjereçoisunmessaged’unnuméroinconnu.

*Salutc’estKaren.Ons’estvuvendrediaustand.Éricm’adonnétonnuméro.Çateditqu’onsefasseuntruc?

*Oui.Tuproposesquoi?

*T’asdéjeuné?

Aprèsavoirjetéuncoupd’œilendirectiondelaporteaufondducouloir,celledelachambrequej’ai réservée pour Jessie, je file versBercyVillage où je dois retrouverKaren à une terrasse. Enl’attendant,jesuisobligéed’appelerOwenpourluiexpliquerquejevaisdevoirchangernosplans,quejenepourraipasrentrerchezluicesoirpuisquemonfrèrevientdedébarquer.Iln’insistepastrop,ilsaittrèsbienquejenepermettraipasqu’ilsaientl’occasiondeserencontrer.Ledéjeunersepassetrèsbienetilm’estfaciled’imaginerquenoussoyonsamies,bienquecesoitunevraiepetitecurieuse,cequinefaitpasmesaffaires,maisaufondc’estnormal,quandonrencontrequelqu’un,ons’intéresseàlui.Nousavonsunpeutraînédanslequartieravantdenousséparerennouspromettantdenousrevoirrapidement,sûrementaustand.

Jemeretrouvedenouveaudansmonhôtel,seuleetunpeuagacéed’êtreisoléeici,mavieentreparenthèsesavecl’arrivéedemonfrèrequejetiensàgarderéloignédemesamis.Désormaisj’aidesaffairesdansmonappartement,danscethôtel,etmêmechezOwen,etaufinaljenemesenschezmoinulle part. J’en suis à ce stade de mes réflexions, qui commencent d’ailleurs légèrement à medéprimer, quand on frappe à ma porte. Je sais d’ores et déjà de qui il s’agit, et c’est presque àcontrecœurquejevaisouvrir.

Quandjemedécideenfinàtournerlapoignée,jeledécouvretoujoursaussibeauetadorable,unegueule d’ange à laquelle on ne peut rien refuser. Ses cheveux châtains un peu plus courts que ladernièrefoisquejel’aivu,sesyeuxnoisettecachésderrièreunepairedesolairesàl’alluresportivequi cadre très bien avec son physique plutôt athlétique. Je craignais de le voir en colère etj’appréhendaiscemoment,marageservantalorsdemasqueàmapeur.Maisenlevoyantsicontentdemeretrouver,toutemonirritations’étiolepourlaisserplaceàmaproprejoiedelerevoir.Maisquand ilenlèveses lunettespourmieuxmedétailler, son regardchangevite, trèsvite, tropvite. Jen’arrivepasàdécryptercequejevois,alorsquej’aitoujoursluenluicommedansunlivreouvert.Ses yeux sont un affreux mélange d’angoisse, de colère, de peur également. Il finit par pencherlégèrementlatêteetsonvisagenereflèteplusquelatristesse,étouffantlesourirequej’arbore.

Ils’avanceenouvrantlesbrasetjem’yprécipitepourmeblottircontrelui.

—Hummmapuce…dansquelétattues?!

—Chuuut.Jet’enprie,cen’estpasaussimauvaisquetuasl’airdelecroire.

Ilinterromptnotreétreintepourprendremonvisageentresesmainsetm’embrassersurlefront.

—Laisse-moienjugers’ilteplaît.

Etsurcesmotsilentredanslachambre,m’entraînantàsasuite.

—Jessie,j’espèrequetun’aspasentêtecequejecrois,parcequeçanevapaslefaire.Tupeuxaumoinsnouslaisserletempsdenousretrouvertranquillement.

—Tucroisquejesuisvenupourtefairelaconversation?Cecidit,sic’estcequetuveux,çapeuts’arranger.Jepeuxtoutàfaireprocéderàdesexamensetpapoterenmêmetemps.

Unevaguedepaniquecommenceàm’assaillir,leschosesnepeuventpassedéroulerainsi.

—Jessie, arrête ça tout de suite.Neme fais pas ça, pas toi. Putain ! Tume connais assez poursavoirquec’estuneidéemerdiquedeveniricipourmesauterdessusenvoulantmefairedestonnesd’examens.

Lafrayeurdoitseliredansmesyeuxparcequ’ilprendunaircontritets’arrêtedanssafouilledematroussedesoinsqu’ilavaitdéjàsortiedemonarmoire.

—Excuse-moimapuce.Jesais,jenesaisquetropbienmais…pourcettefois,s’ilteplaît.

—C’estàlaminuteprès?!Franchement.Tunem’asmêmepasditbonjour.

—Trèsbien.Bonjour.Maintenantdonne-moitonbrasquejetefasseuneprisedesang.

Il est assis surmon lit, et après avoir repris sa fouille dansmonkit de survie, il en sort tout lenécessairepourfaireleprélèvementettendsamainversmoipourm’encourageràlerejoindre.Jen’arrivepasàcroirequ’ilsoitaussistupide.Bon,j’avoue,iln’apastouteslescartesenmain,iln’estpasaucourantdelafaçonsontleschosessesontpasséesavecAnton,maissonattitudemereplongeenpleincauchemar.

—Nefaispasça,s’ilteplaît,vienslà.

Jenecomprendspastoutdesuitesaremarquemaisquandjebutedanslaporte,jeréalisequej’aireculé.Ilmelanceunregarddésolémaispasmoinsdéterminé.

—Jessie…

Mavoix trembleet je réalisequ’une larmecoule le longdema joue,peut-êtrepasqu’uneseuled’ailleurs

—…j’avaisprévud’appelerleDrParksdemain.Onnepourraitpassecontenterdecela?

—Écoutema puce, c’est bien que tu ailles la voir, mais ce n’est pas grand-chose ce que je tedemandequandmême.

Maiscen’estpaslemessagequedoitluirenvoyermoncorpsparcequ’ilsembleseraviserquandilmevoittremblantecontrelaporte.

—Maisqu’est-cequ’ilsepasse?Qu’est-cequetuas?

Il est inquiet. Qui ne le serait pas en me voyant dans cet état ? Il se relève et s’approche.Heureusementqu’aufonddemoijesaisqu’ilneferarien,qu’ilnemeforceraàrien,maismoncorpsrestesurlequi-vive,jenepeuxdetoutefaçonplusreculer.

—Mapuce,qu’est-cequis’estpassé?Ont’afaitquelquechose?

Il me renvoie de plein fouet des souvenirs bien trop douloureux, je me sens si vulnérablesubitementquejeneretiensplusrien,meslarmes,monmasque,touttombeenmêmetemps,aupointque jeme laisseglisser le longde laporte jusqu’àatteindre le sol. Il s’accroupitdevantmoi, l’airdésemparémaintenant.Mes yeux embués neme permettent pas d’en voir davantage et je finis par

posermatêtesurmesgenouxrepliés.C’estquandilmeprenddanssesbrasquejeréalisequ’ils’estassisàmescôtés.Jemelaissetombercontre lui,matêtesursesgenoux.Ilcaressealternativementmescheveux,monbras,mahanche,essayantvraisemblablementdemeréconforter.

Jeseraisbienincapablededirecombiendetempsnousrestonsainsi,maisassezpourquejesoiscomplètement engourdie au moment de me redresser quand il finit par me proposer d’allerm’installerdanslelit.

—Est-cequetuveuxquejenouscommandequelquechoseàdîner?

—Situveux.

Aprèsavoirpassélacommandeauprèsduroomservice,ilseretourneversmoi,levisageunpeuplusdétendu.

—Tusaisqu’ilvafalloirquetum’expliques?

—Tusaisquejeneleferaipas?

—Depuisquandonadessecrets,touslesdeux?

—Please,onneconnaîtqueça,lessecrets.

—Pasentrenous.Àunmoment,j’aimeraisvraimentquetum’expliquesmapuce.

—Jesais…maispaspourl’instant.

—Tuvasmettretasupercarapacedetortueninjaavecmoi?

Ilacepetitairmalindumecquimaîtrisetrèsbiencequ’ilfaitenévoquantunsupersouveniraveclequelilm’arracheraimparablementunsourire.Encoreunechosedécouvertesurletardquinousabienfait rire. Ilyena tellement,dessouvenirsdecetteviequenouspensionsalors libéréede toutproblème.

Après avoir dégusté pour lui, picoré pourmoi, la pizza apportée par le service d’étage, il meproposedem’allongeruninstantaveclui.Lejetlagdoitcommenceràavoirraisondeluietjesuisraviedepouvoirdormiraveclui.Jem’installedirectementdanssesbrasréconfortants,espérantqu’ilfinisse par s’endormir et que je n’aie pas besoin de me changer, parce qu’à moins d’enfiler unjoggingjenevoispascommentj’arriveraisàdissimulertoutcequiabesoindel’être.

Auboutdemêmepasdixminutes,jeremarquequelesmouvementsdesacagethoraciquesontpluslentsetprofonds.Jesoulèvedoucementlatêtepourl’observeretconstatequ’ils’estendormi.

J’aimeraistellementpouvoirenfaireautant,maisdésormaisdesimagesdéfilentàuneallurefolledansmatête,nemelaissantplusaucunrépit.

Il est vingt-trois heures passées lorsque je suis interrompue dans ma petite séance de torturementaleparunesortedepetitgrattementàlaporte.

9

Jeseraistentéedebondirhorsdulitmaisj’optepourunetechniqueunpeuplusdiscrètepuisqueJessien’arienentenduetqu’ildorttoujoursprofondément.Ildoitvraimentêtreépuisépournepasavoirréagi,luiquiad’ordinaireunsommeilsiléger.Jemefaxehorsdulitetfonceverslaporte,non sans avoir attrapé mon taser dans ma commode. J’imagine déjà les pires scénarios, quellesemmerdesmonfrèrea-t-ilrapportéesdanssonsillage?

Forcem’est de constater que ce sontmes propres emmerdes qui frappent à la porte, puisqu’enouvrantjedécouvreOwen,toutsourire,prêtàsejetersurmoi.

—Cooool,tudorspas!

—CHHHHHUUUUUUUTT!

Jeplaquemamainsursaboucheetappuiede toutesmesforcespour l’obligeràreculerdans lecouloir.Unefoislaporterepoussée,sansêtreferméevuquejen’aipaslaclefsurmoi,jereprendsenmurmurant.

—Maisqu’est-cequetufaislà?Jet’aiditquemonfrèreétaitlàetqu’onnepouvaitpassevoir.Sijepeuxmelibérerc’estmoiquipasseraitevoir.

—Oharrête!C’estbon,ilestpascolléàtonculvingt-quatresurvingt-quatre!Etpuisc’estbon,ilvapasnousentendreàtraverslecouloir.

—T’esbourré?!

— Peut-être un peu. On est sortis ce soir histoire pour que je reste pas seul comme un con àt’attendre.

Je le regarde,amusée, je l’ai rarementvudanscetétat, ilaplutôt tendanceàbien tenir l’alcool,mais le Owen bourré est très sympa parce que ça ne le rend pas que très joyeux, il a l’alcool

amoureux,etçaasouventfaitmesaffaires.Jefinisparcomprendrepourquoiils’estpointécepetitmalin,ilsaitquej’ailescrocsetquejenevaispasrefuser,saufquepourunefoisçanem’arrangepasdutout.

—Putain,t’eschiant,tunepeuxpasresterici,monfrèreestlà,dansmachambre.

—Honooon,tuvaspasmelaissercommeça…

Ilm’attrapeparleshanchesetmeplaquecontreluiafinqu’iln’yaitaucuneambiguïtésurlaraisonquil’aattiréici.Clairement, ilest toutdisposéàfairedemoiunefemmeheureuseetunevaguededésirinondejusqu’àmapetiteculottequandjelesenssidurcontremonbas-ventre.

—Alllleeeez.Viens,tulelaisseslàetonsquattesachambre.

Jepouffederireenlevoyantsipleindebonnesidéespourassouvirsespulsions.

—Nonmaisçavapas.S’ilseréveille,çavaêtrelecirquesij’aidisparusanslaisserdetrace.

—Bahtuluilaissesunmot.«Chergrandfrère,jem’envoieenl’airdanstachambrevuquetut’esincrustédanslamienne,doncsurtoutn’yvapas.».Tuvoisc’estfacile,toutestréglé.

Ilsouritbêtement,toutfierdesonplan.

—Tum’énerves.Sij’avaissu,jet’auraisfaitpicolercematin.Disdonc,c’estquoicettetrace?

Sursachemised’unblancimmaculéjeremarqueunetachebeigeauniveaudel’épaule.Clairementc’estdufonddeteint.

—J’ensaisrien.Ons’enfout…Allezviens,onvadanssachambre.

Il m’embrasse brutalement, n’écoutant plus que son instinct. Rien que son haleine pourrait mesaouler.

—Nonj’m’enfouspas.Arrête.C’estdufonddeteintquetuaslà.Jeveuxpasjouerlananacasse-pieds,maisjesuispassûrequet’apprécieraissituremarquaiscegenrededétailsurmoi.

—Sit’avaisdumaquillagesurtesfringues,çam’affoleraitpastrop.

—Tusaistrèsbiencequejeveuxdire.Situréalisaisqu’unmecm’avaitcolléed’unpeutropprès.

—CommehieravecDimitri?!

—C’estpourça?!T’asvoulutevengerett’esallétefrotteràlapremièrepétassevenuedansunclub.

Je peux comprendre que les événements de la veille aient pu l’énerver, bien que ce ne soit pastellementàmoiqu’ildoitenvouloir,maisqu’ilmefasseunplancommeça,c’estindignedelui.

—N’importe quoi ? On a juste profité de la soirée et j’en ai profité pour danser un peu avec

Amanda.

—AMANDA?!AMANDA?!Sérieux?

Je déteste cette fille qui n’est autre qu’unede ses ex. Je n’en connais aucune autre, il nem’en ajamaisparlé,maisavecellec’étaitparticulier,ilsseconnaissentdepuistrèslongtempsetilsontétéencouple, puis amis avec avantages en nature, puis amis tout court.Mais il est clair que ce statut neconvientpas forcément à cettepétassequi est toujoursprête à lui sauterdessus.Mêmequandnousétionsensemble,ilyatroisans,ellenes’encachaitpas.Maismonhommelaissaitcourir,elleétaitson amie et il ne voulait pas s’en séparer, et je n’avais pas le droit de le lui demander. Il saitpertinemment ce que je pense d’elle, et ce choix m’énerve d’autant plus. Elle et son corps demannequin anorexique monté sur des jambes interminables, sa petite coupe à la garçonne blondplatineetsabelleassurancequivousfontvoussentircommeunemerde,jelesdéteste.

—Heeeyyy,keepcoolbabe.C’estjusteuneamie,onapicolé,onadanséetonapasséunebonnesoirée,c’est tout.Enplus j’ysuispourrien,c’estDimitriqui luiaproposédepasserquandilasuqu’elleétaitdanslecoin.

—Quelfouteurdemerdecelui-là!Biensûrqu’ill’aappelée,surtoutaprèslepland’hier.J’aimepasdutoutsafaçondefaire.Demain,luietmoionvas’expliquer.Etaufaitcommentilasuqu’elleétaitdanslecoin?!

—Hein?!

Noyépar lesvapeursd’alcool,soncerveaunefonctionnepasàpleinrégimeet ilnepercutepasbienvite.

—QuiaprévenuDimitriqu’elleétaitsurParis?

—Moi.

—Doncellet’avaitappelépourtedirequ’elleétaitdanslecoin.

—Oui.Écoute,jenesuispasvenupourmeprendrelatêteavectoi,làj’aijustetrèsenviedetoi.

—Ouibahlà,tuvois,j’suisvraimentplusd’humeur.

—Haouais…

Illèvesessourcilsdansunepetitemimiquecoquineavantdememaintenird’unbrasetdeglissersonautremaindansmapetiteculotte.

—J’enétaissûr!Quellepetitementeuse,t’astropenvie!Allezviens.Situveuxtuluilaissesunmotaucasoù,etonprenduneautrechambresit’aspasenviedesquatterlasienne.

—Non,j’suissérieuse,j’aiplusdutoutenvie,desavoirquel’autreconneestvenuesetrémoussercontretoi,çamefouttroplesnerfs.Çaauraitétén’importequid’autre,çam’auraitdéjàbienmisenrogne,maissavoirquec’étaitelle…

—Arrête,tusaisqueçacraintrien,c’estuneamie,commetoiavecOliver.

— Alors là NON ! Ça n’a strictement rien à voir. Jamais Oli n’aurait le moindre geste ni lamoindrepenséedéplacée,contrairementàelle.Etpetitenuancenonnégligeable,jenemesuisjamaisenvoyéeenl’airaveclui,alorsquetoietcettepouffe…

Cet enfoiré, dont la main n’a pas quitté mon entrejambe, commence à caresser mon clitoris,croyantréussiràdétournermonattention.Bonj’avoue,pendantquelquesdélicieusessecondes, ilyarrive,mais je reprends vitemes esprits. Je l’oblige à enlever sa paluche et le repousse avec lesmiennes.Ilsaitquejesuisénervéemaissonespritestraccordéàsabraguette, ilnese laisserapasentraînerdansunedispute.Ilenprofitepourléchersondoigtetsonregardm’inviteàfairebeaucoupplus.

—C’estquoiça?

Sonregardseportesurmamaindontj’avaispresqueoubliélecontenu.

—Montaser.J’ouvrepasmaporteàn’importequienpleinmilieudelanuitsansmeméfierunminimum.

—C’estbonàsavoir,mêmesijesuispassûrquecesoittrèsrassurantdevoirquetupensesavoirbesoindecegenredetrucdèsquetuouvrestaporte.

—Tuveuxquejet’appelleuntaxi?

—Tunevasvraimentpasvenir?

—Non,vraimentpas.C’étaittentantaudébut,çal’estbeaucoupmoinsmaintenant.

—Arrête de faire ta jalouse.Qu’est-ce que je devrais diremoi, alors qu’il y a unmec dans tachambre,avecqui tudors,etque jenepeuxpasvoir?Çase trouve, t’aspasde frère?! Justeunesuperstratégiepourplanquertonamant.

Cetidiotarriveàmevolerunsourireaveccetteréflexiontropnullemaisquin’estpascentpourcentfausse.

—Ouic’estça,c’estmonsuperamantetducoupjevaisallerassouvirmesbesoinsaveclui,vuquetum’aschaufféesansvergogneetquejenevaispaspouvoirprofiterdetoncorps.

—C’estdetafaute,moij’attendsqueça.

Il pressedavantage son corps contre lemien,m’obligeant à reculer, et jeme retrouve contre lemur,justeàcôtédemaporte.Ilattrapemanuqued’unemainetdel’autremacuissequejeremonteinstinctivementauniveaudesahanche.Ilm’embrassetendrement,maisrapidementjelesensdeplusenpluspressant,salanguecaressantlamienneetsontorsem’irradiantdetoutesachaleur,etquandjepassemesmainsdanssescheveuxquej’agrippe,ilronronned’unefaçontellequej’ail’impressionquema chatte lui répond de lamêmemanière. C’est lui qui finalement interrompt notre baiser lepremier.

—Jevaisyaller,parcequesi tuveuxpasmesuivre, je sensqu’àce rythme-là jevais tesauterdessusdanscecouloir.

Jecaressesajoue,luifaisunpetitbisouetlelibère.

—Tum’envoiesunmessagequandtuesarrivé,justepourêtresûrequetun’espastombédanslaSeineenarrivant.

—Çamarche.Ne traînepaspourpassermevoirquandmême.Tuvas toujoursvoir lemédecindemainaufait?

—Ilfautquejevoie,jevaisl’appelermaisapriorioui,moncasse-noisettesdefranginnelaisserapastraîner.Mais jecrainsqu’ilveuilleveniret…çam’emmerde.Jenetienspasàyalleraveclui,maisjesensquejenevaispasavoirtroplechoix.

J’ail’impressionqu’ilvientdedessoulerd’unseulcoup,sonregardestsubitementbeaucoupplussérieux.

—J’auraisvouluveniravectoi.

Ilal’airsidéçuetpeinéquandilmeditcesmotsquejemesensinstantanémentmalpourlui.Jem’endoutais,etjel’envisageaismême,maisiln’avaitjusque-làpasoséformulersarequête,l’alcooln’yestsûrementpaspourrien.

—Jesais.Jevoudraistedirequejevaisessayerd’arrangerça,maisj’ycroispasuneseconde.Laprochainefoispeut-être.

—Oui,t’enfaispas.Allez,cettefoisj’yvais.

Ilmefaitunsourirequejesaisforcé,avantdemefaireundernierbisouetdetournerrapidementlestalons.

Jeleregardes’éloignerettentederentrerleplusdiscrètementpossibledansmachambre.

—Qu’est-cequetufaisais?

—Ohmerdet’escon!Tum’asfaitpeur!

J’aisursautécommepaspermisetjemetienslapoitrinetellementmoncœurbatlachamade.Ilestinstallésurleflanc,sonbrasrepliésoutenantsatête,prêtàmeneruninterrogatoireenrègle.

—Désolé.Çava?

—Non,putain,j’aifaillifaireuneattaque.Merefaisplusjamaisuntrucpareil.

—C’estparcequet’aspaslaconsciencetranquille.Alors…?Quivientcommeçatevoiraubeaumilieudelanuit?

Clairement la situation l’amuse, etmoi… j’ai l’impression d’être une ado qui vient de se fairechoperaprèsavoirfaitlemur.J’aienviedel’envoyerbouler,maisilrestemonfrèreetl’undemesmeilleursconfidents.J’espère justequecelaneseretournerapascontremoietqu’ilnevapasmalprendrelefaitqu’ilyaitquelqu’undansmavie.

—C’étaitOwen.

—Tiensdonc,quellesurprise!Etcommentva-t-il?

—Bien,lesaffairesmarchentetilvaacheterunenouvellegalerie.Tusaisqu’ilvittoujourssursapéniche.

—Etilaquelqu’undanssavieencemoment?

—Pourquoitumedemandesça?Qu’est-cequeçapeuttefaire?

—Tusaistrèsbien,etcen’estpaslapeined’éluderunequestionparuneautreencroyantmefaireperdrelefil.Alors?

Iladéjàcompris,iln’attendqu’uneconfirmationdemapart.Cecidit,unmecquivientmerendrevisiteenpleinenuit,pasbesoind’avoirfaitSaint-Cyrpourcomprendre.

—Oui,ilaquelqu’undanssavie.

Ilauneseconded’hésitationavantd’afficherdenouveausonpetitairréjoui,ilimaginaitsûrementquejeformuleraismaréponsedifféremment,maisilsait,iln’yaaucundoute.

—Quelqu’unquejeconnaispeut-être?

— Très drôle, dis-je avec mon ton le plus ironique possible. Dans la mesure où ils ne seconnaissent pas, en tout cas pas directement, chacun ne dispose que des informations que je luicommuniquesurl’autre,jesuisleurseuleconnaissancecommune.

—Donc…?

—Oui,quelqu’unquetuconnais.

Maintenantquenotrediscussionenestaupointoùilespéraitlamener,ilserelèvepours’asseoirsurlelitalorsquejesuistoujoursdeboutprèsdelaporte.

—C’estcool.Pourquoitunemel’aspasditavant?

—Parcequec’esttrèsrécent,etpeut-êtreparcequejenesuispastrèsàl’aiseavecça.

—Tun’espasbienaveclui?

Iltendsonbrasversmoipourquejelerejoigne,cequejefaissansattendre.Ilserallongeetjemeblottis contre lui.C’est plus facile de se parler ainsi, sans avoir besoinde se regarder. Je n’ai pasbesoindelevoirpoursavoircequ’ilressent,onestconnectés,touslesdeux.

—Si,jesuisbienaveclui,mais…c’estcompliqué.

Maisjefinisparluiparler,jevidemonsac,iln’yaplusdefiltre.Mesangoisses,monstress,mahonte,jeluidéballetout,concernantmonhommeuniquement,jenepeuxpaslâcherprisepourtoutetil estdéjàprêtàmesauterdessusavecses seringues, tensiomètresetautresmerdes sansconnaîtretouslesdétailsalors…Pasbesoindeluidonnerleschaînespourlacamisole!

—Tu cogites tropma puce. Il en a envie, toi aussi, pourquoi te poser plus de questions ? Leschosespeuventêtresimplesdanslavie,ilsuffitdelevouloir.

—S’teplaît,medispasça,pasàmoi.Onsaittouslesdeuxquelaviepeutêtretrèscompliquéeetsacrémentvachardequandelleveut.

BIP!

—Tiens,unmessagedetonamoureux?

J’attrapemontéléphonepourvérifier.

*BienarrivéetpasunorteildanslaSeine.Bisousptitcœur.

*Tantmieux.Cuvebien.Àdemain,jet’appelle.GrosBisous.

Etpourlefaireenragerunpeuplusjeluirenvoieuntextosupplémentairecommeill’avaitsibienfaitquelquesjoursauparavant.

*Partout

—Rien qu’en lisant un de sesmessages, on voit combien il te rend heureuse. Je suis vraimentcontentpourtoimapuce.

—Mais…?

—Yapasdemais.

—Quelmenteur.Vas-y,discequetuassurlecœur,sinonçavateturlupinertoutelanuit.

—Jesuisinquietpourtoi.Taréactiondetoutàl’heureetl’étatdanslequeltues…

—Ouibahalors,finalementgardeçapourtoi,tantpissiçat’empêchededormir.

—C’estreculerpourmieuxsauter.Onvadevoirdetoutefaçonaborderlesujet,maissituveuxqu’onvoieçaavecKatherine…onverrapendantlerendez-vousdedemain.

—Justementenparlantdeça…

—Horsdequestiondefairel’impasse.Pasaprèslesévénementsdecesderniersjours.

—J’aipasditça.Etpuisquelsévénements,iln’yaeuqu’unseulsouci,pasdestonnesnonplus.

— Heuuu. Le saignement de nez avec le traitement qu’on connaît, la perte de poids, nausées,vomissements,malaises…jedoiscontinuer?

Jemeredressepourleregardercettefois.D’oùtient-ilsesinfos?Lapertedepoids,lesnauséesetlesvomissements,OK.LeDrParksestaucourant.Maislesmalaises…?

—Dequelsmalaisestuparles?

—Ouienfin, j’imagine,vucommetues toutefaible, j’medoutebienque tunedoispas tenir laformedusiècle.Rienquelesraresfoisoùtuaspristatension,vulesrésultats,ilestpasdifficiledesavoircommentçaadûseterminer.

Jeleregarde,dubitative,sonexplicationestbizarremaisàdirevraijeconcentremonattentionsurunautrepointquejeveuxaborderavecluiavantdedormir,histoiredem’allégerd’unpoids.

—Mouais,situledis.Je…pourdemain…cequejevoulaistedire,c’estquejepréféreraisyallersanstoi.Jemesentiraisplusàl’aisepourdiscutersitun’espaslààm’espionner.Surtoutquejesaiscommenttues,tuvastemêlerdetout,tuvasluidemanderdefaireteloutelexamenalorsqu’elleesttoutàfaitapteàprendrecegenrededécisionsanstoi.Tupourrastoujoursluidemanderuncompte-renduaprèssituveux.

—Çachangequoi,sic’estpourqu’ellemerépètetoutensuite?

—Jeviensdetel’expliquer.Etpuisellenevapasforcémenttoutteraconter,s’ilyadespoints,disonspersonnels,jen’aipeut-êtrepasenviequemonfrèresoitàmescôtéspourl’entendre.

—Donc je ne peux pas faire d’examen, je ne peux pas t’accompagner chez lemédecin…doncqu’est-cequejepeuxfaire?

—Êtreunfrère.Jeneveuxpasdetoicommemédecin,justecommefrère.

—Ouialors ça, c’estquandça t’arrange, tunechantespas lamêmechansonquand tuveuxdesordonnances.

—S’il teplaît…Avouequec’estbizarred’allerchezunobstétricienavecsonfrangin…et il sepourraitqu’ilyaituneautreraison.

—Valable?

Jelèvelesyeuxciel.Qu’est-cequ’ilpeutêtreagaçantparmoments,unvraigrandfrèredanstoutesasplendeur.

—J’aimeraisyalleravecOwen.Ilenabesoin,çalerassureraitetceseraitunebonnechosepournous, il fautqu’ilvoieque je faisdesefforts etque j’ai assezconfiancepourpartagercemomentaveclui.

—C’estvalable.C’estvraiquesi tuveuxlui laisseruneplacedans tavie, il faut luidonnerunechancedelaprendreetdes’impliquer.

Illèvelesmainsensignederedditionavantd’ajouter.

—Trèsbien,tuasgagné,jetelaissetranquilleettupourrasyalleravectonhomme.

—C’estgentil,merci.Jesaisqueçatecoûte.

Jeluifaisunbisousurlajoueetmeblottisdanssesbraspourdormir.

—Bonallez,j’vaismecoucher.

—Tuneveuxpasresteravecmoi?

—Tuveux?

—Oui.

—Situveux.J’vaischercherquelquesaffairesdansmachambreetj’arrive.

Quelleidée?!J’aiintérêtàviteenfilerunimmensetee-shirtetàmeplanquersouslacouetteavantqu’ilnesoitderetour.

J’enprofitepourenvoyerunpetittextoàmonchéri.

*Coucou.Tudors?Si tuvois cemessagequedemain, c’estpasgravemaisappellesdèsque tupeux.

Laréponsemetunebonneminuteàarriver.

*Jedorspas.Jepensaisàtoi.

J’enprofitepourl’appelerrapidementtantquejesuisencoreseule.

Jel’entendsrespirerbizarrement,commes’ilfaisaitdel’exerciceetj’ail’impressiondel’entendrechuchoterquelquechose.

—Saluttoi.Tupeuxappeler?T’esseule?

—Oui,pourquelquesminutes.Jevoulais juste teparlerdequelquechosevitefait.Çava?T’asl’airbizarre,yaunsouci?

—Nonc’estbon,vas-y,dis-moi.

Jen’aipas le tempsdedirequoiquecesoitque j’entendsungrosbruitenarrière-fond,quelquechosequiadûsecasser…etquelqu’unquiglousse,unefemme.

—Owen,tuesavecquelqu’un?

Montonestpourl’instantassezneutremaisjesensqueçanevapasdurer.

—Heu oui, quelqu’un a débarqué sans prévenir,mais ce n’est rien.Dis-moi plutôt pourquoi tu

appelais?

—T’essérieux?Tucroisquejevaismecontenterdecetteréponsealorsqu’ilyaclairementunenanacheztoietquetuesbourré.?

—J’aimeraisjusteéviterqu’onseprennelatête.

Jedétestefairemajalouse,maisjesaistrèsbiencequisetrameetjecommencedéjààfulminerintérieurement.

—Dis-moijustequecen’estpasAmanda.

—P’titcœur…soupire-t-il,l’airblasé.

—OK,j’aicompris.Jevoulaisjusteteproposerdeveniravecmoichezlemédecin.Jet’enverraiuntextodemainpourtedirel’heuresituasenviedem’accompagner,sinonc’estpasgrave.

—Anouk,s’ilteplaît,biensûrque…

J’ai raccroché. Qu’il s’estime heureux, je n’ai pas grogné et je lui ai quandmême proposé dem’accompagnerdemain.Franchementj’ail’impressiond’avoirfaituneffortsurhumain,etmêmesije saisqu’iln’a rien fait etqueçanedevaitpasêtreprémédité, jenepeuxm’empêcherdecogitercommeunefolle.Ilestsaoul,chaudcommelabraise,etelleestàsadisposition.C’estpartipourunenuitenenferdansmapetitecervelledeparanoïaque.

10

J’ai fini par mettre mon portable sur silencieux, ses textos incessants auraient fini par attirerl’attention de Jessie. Quand ce dernier me rejoint, je suis déjà camouflée sous ma couette, mepréparant à une nuit merdique. Blottie dans les bras de mon frère, je ne peux m’empêcher deremarquerlalumièrequ’émetponctuellementl’écrandemontéléphonemaisjerefusedeleregarder.

C’est sibonde retrouvermon frèreaprèsunesi longueséparation. Il estmon repère,moncap,mon chez-moi. Avec lui je retrouverais presquema zone de confort, si je n’étais pas en train depsychotersurcequisepassedanslapéniche,danssonlit,ARRRGHHHHçam’énerve!!!Jesaisqu’ilneferaitjamaisquoiquecesoitavecelle,maisçam’agacequ’ilaitacceptéqu’ellevienne.Etpuisjedisquejesais,maisenvéritéjenesaisriendutout,c’estbienpourçaquejenepeuxm’empêcherd’ypenser.Sij’étaissisûre,jeneseraispassiinquiète.

Je n’ai pas dû dormir plus de trois heures, et à peine ai-je un œil entrouvert que je fonce mepréparerpourviteenfilerdesfringuesetéviterleregardinquisiteurdumédecin-chef.

—Jeviensd’avoirKatherine,elleterecevraàl’heuredudéjeuner.

Ilestàpeineseptheuresetdemieetjemedoutequ’iladûl’appelersursonportablepersonnel.Unjour,ilfaudraquejelecuisinepoursavoircequ’ilyaentreeux.

—Parfait.Tuveuxquoipourtonpetit-déj?Jevaisappelerleroomservice.

—Jem’ensuisoccupépendantquetuétaissousladouche.Etjustement…

Sonairembêténelaisseaucundoutesurcequ’ils’apprêteàmedire.

—Ouisituveux.

—Quoi?

—Tuvoulaismedemandersitupouvaismefaireuneprisedesang,tantquejesuisencoreàjeun.Doncoui,fais-le.

Ilsourit,jeviensgentimentdeluifaciliterlatâche.Lanuitaétélongue,jesuisfatiguée,etaprèstout,jesaisqu’ilfautlefaire,alorsautantéviterdecourirdansunlabodebonmatin.Etpuishierilaacceptédemelaisseralleraurendez-voussanslui,ils’estmontréréconfortant,etjesaisqu’avecluiaussi,jedoisfairedesefforts.

Cesgarçonsm’épuisent!Degrâce,faitesquecebébésoitunefille.

—Tusaisquetupeuxmelaisserunpeudesangquandmême?!Sérieusement,t’asbesoindedouzetubes?Laprochainefois,prendsuntonneauetvide-moicommeuncochon.

—Tumelaissesfaire,c’estquilemédecin?Yapleindechosesquejeveuxvérifier.Occupe-toid’envoyertontextoàOwenplutôt.

Jelèvelesyeuxaucielavantdem’exécuter.

*RDVà13h30chezledoc.Jepassedevantlagalerieà13hsituveuxvenir.

Pasdepetitmotdoux, fautpaspousser, il vientdemepourrirmanuit et je suis toujours autantremontéecontrelui.

J’enprofitepourremarquerlesdix-huitmessagesetdeuxappelsenabsence.Lesappelsétaientsesdernières tentativespourme joindre,mais il adû finirparcomprendrequ’iln’arriverait à riendecettefaçon.

Dans tous ses textos il tente dem’expliquer qu’il est désolé, qu’elle s’est incrustée, que cen’estqu’uneamie…Blablablabeurk.

*Biensûrquejeviensptitcœur.Jet’aime.

Quelenfoiré!Ilvafinirparmefaireculpabiliserdeluiavoirfaituncacanerveux.

—Disdonc,t’asmoinslesourirequ’hiersoirenlisantcesmessages.

—C’estjustequej’appréhendeunpeudemerendreàcerendez-vousaveclui.Jevoudraiséviterqu’il ne flippeplus, l’idée c’estde le rassurer,mais je suisdemoins enmoins sûrequece soit labonnestratégie.

—Çalerassureraforcément,avoirdesinfosc’estplusrassurantquederesterdansl’ignorance.

Lepetit-déjeunerarriveetlemédecin-chefm’arrachepresquemaboîtedemédicamentsdesmainsavantquejenepuisselesprendre.

—J’enrevienspasqu’Antonnem’aitpasditqu’ilt’avaitfiléça.

—Tul’aseuqu’unefoisautéléphone,ilétaiténervécontremoi,iln’allaitpasterendreserviceettedonnerdesinfosalorsqu’enplustumecouvrais.

Je prends surmoi demanger tout ce qu’ilmedonnepour le petit-déjeuner enpriant pour qu’ilretournerapidementdanssachambre,sachanttrèsbiencommentcerepasvafinir.

Onplanifiedefaireunebaladesurlesquaisenattendantl’heuredurendez-vous,etletempsqu’ilaillesepréparerdanssachambrej’enprofitepourappelerleDrParkspourlabriefersurlerendez-vousquenousallonsavoiretsurlefaitquejeneveuxpasqu’ellefassementiondecertaineschosesdevantmonchéri,quiaupassagen’estpaslepère,autantqu’ellesoitprévenuepournepasfairedegaffe.Elledoitmeprendrepourunechieusedeclasseinternationalepourmepermettredeluidirecedontellepeutounepeutpasparler.Etellen’auraitpastort.

**

—Salut,tuvasbien?

—Oui.

Réponsecourte,claireetunpeufroide,histoirequ’ilsachequejeluifaistoujourslagueule,mêmesijelelaissem’accompagneràcesatanérendez-vousdontjenesaispasmêmepasàquoiilvaservir.

Il finit d’attacher sa ceinture et tend son bras pour toucherma nuque,mais je ne lui laisse pasl’occasiondem’attirerversluioud’avoirlemoindregestetendreetfaisunpetitmouvementsurlagauchepourqu’ilmelâche.Jenevaispasluifaciliterleschoses,ilvaramer,pépère.

Letrajetsepassedansunsilencereligieuxquiperdurejusqu’aumomentd’entrerdanslecabinetdel’obstétricienne.Clicclac j’enfilemonmasquede labonnehumeuravecmonplusbeausouriredefaçade.

—Bonjour.Bon,çafaisaitlongtemps!

Ha-Ha-Ha.Tropdrôle.Siellesavaitàquelpointçamegonfled’êtreici,elleneplaisanteraitpasdecettefaçon.

—Oui,effectivement.Sincèrementc’estparcequeJessieainsisté,iln’yavaitpasderaisonquejerevienne.Maisjesaisquemonsieuraaussidesquestions,doncc’étaitl’occasion.

— Ceci dit, on sait toutes les deux que ce n’est pas si inutile. Vous avez eu le temps de voirl’échographiste?

—Non,j’airendez-vousmercredi.

Monhommemejetteunpetitcoupd’œilétonnépuisquejenel’avaispasencoreprévenu.

—OK,danscecasonvafaireunpetitcontrôlehistoiredevoirsitoutvabiendepuis…ceweek-end.LedocteurDavisvousafaituneprisedesangcematin,ilmecommuniqueralesrésultatspourvoircequel’onpeutfaire.Maisilvafalloirqu’onévoquecertaines…solutionspossibles.

Elleestmarrantemalgréelle,cherchantsesmotspournepasfairedegaffe.

—Jevouslaissevousinstallerpourl’écho.Quoiqu’avantça,j’aimeraisbienquevouspassiezsurlabalance.

Rienque cette idéeme fait blêmir, je n’avais pas du tout prévu cela, j’espérais avoir tout prévupourqueçasepasseaumieuxetqu’Owenpuisseêtrerassuré,maiscelanevapasm’aider.

Jemedirigevers labalance,maisellem’arrête,medemandantdememettreensous-vêtements.Mafeinteesttombéeàl’eau.Ilsepourraitqu’ellesoitplusmalignequejenelepensaisetqu’elleneselaissepasbalader.

Elles’approchepourregarderlerésultataffiché,cequim’arrange,çam’éviteradedevoirledireàhautevoix.

—Cinqcentsgrammesdemoins,enàpeinequatrejours.

Elle soupire profondément, et demon côté, j’ai l’impression quemes yeux vont sortir demesorbitesqu’elleaitosédireuntrucpareilàhautevoix.

—Cequiveutdiresixkilosetdemideperdusdepuisledébutdecettegrossesse.

Putainçayest,cetteconnevientdemeporterlecoupdegrâce!J’hallucine,maisqu’est-cequ’ellefabrique?!Elleariencomprisauconceptdeminimiserlesfaitspourtranquillisermonhomme.Jen’osemêmepastournerlesyeuxverslui.

— Installez-vous sur la table d’examen, on va jeter un coup d’œil à ce bébé.Monsieur, si vousvoulezvousapprocherpourvoir…

Évidemment, il vient immédiatement prendre place sur le tabouret à ma gauche, tandis que leDocteurParksestàmadroiteavecsonpetitéchographe.Unpeudegeletellepositionnelasondesurmonventre,prêteàfaireunepetitevisiteguidéedemonutérus.

Aumomentoùl’oncommenceàdiscernerunpetitcorpsparmilebrouillard,unegrossepaluchevientseposersurmamainetmeserrefort, trèsfort.J’oseuncoupd’œilverssonvisagequifixeintensémentl’écran,ilnevoitmêmepasquejel’observealorsquesonregarddevientdeplusenplusbrillant.Parksjouelaguidetouristiqueendétaillantchaquepartiedep’titboutetfinitencontrôlantlerythmecardiaquequirésonnecommeunedoucemusiqueàmesoreilles.Monhommeestcommeenextase,surunpetitnuagedontj’espèrequ’ilneredescendrapasdesitôt.

Jesuisautoriséeàmerhabillerpourretournerfaceaubureaudumédecin.

—MademoiselleDavis…

—Anouk.S’ilvousplaît,appelez-moiAnouk.

—Anouk, ilva falloirque l’on réfléchisse très sérieusementàcertaineschoses.Lebébéva trèsbien,ceseraàconfirmeravecl’échographiste,maistoutsembleallerpourlemieux.

Voilà,parfait,elleaenfincomprissonrôledanscerendez-vous.Danse,dansepetitemarionnette!

—Mais je ne suis pas aussi confiante vous concernant. Nous verrons ce qu’il ressort de vosanalyses,maispourl’instantilfautqu’ontrouveunesolution,mêmeprovisoire.

Putain,lamarionnettevientdecoupersesficelles.

—Jesensquevousavezune idéederrière la tête,et jecroissavoirquellepetitesourisvous l’asouffléeàl’oreille.

—Bon alors soyons clairs, vous avez tousdesmessages à faire passer et il sembleque je soisvotreintermédiairedeprédilection.Doncoui,leDocteurDavism’ademandéd’évoquercepointavecvous,mais jene le feraispas si jenepensaispasquec’étaitnécessaire.L’importantc’estque l’ons’occupedevous,vuquelebébéseportebien.J’aimeraisquevousrestieziciquelquesjours.

—Mêmepasquelquesheures.C’estdisproportionné,jemesensbien,iln’yaaucuneraisonquejesoishospitalisée.Jenesaispascequemonfrèreavaitentêteenvousdemandantdeprésentercetteidée,maisiln’yapasplusdechancesquej’acceptesiçavientdevous.

—Ilfautquevousypensiez,sérieusement.

Quellebandede…J’ai l’impressionqu’ils l’ontfaitexprès, ilsm’ontmisefaceaufaitaccomplidevantOwen.Jen’aimepasdutoutcettefaçondefaire.

—Trèsbien,j’ypenserai.

Jen’enpensepasunmotetpersonnen’estdupe,maisjeveuxmettreuntermeàcettediscussion.Jemelèveaveclafermeintentiondepartirquandmonhommem’arrêtedansmonélanenm’attrapantlepoignet.Jeleregarde,éberluée,luiquiafaitprofilbas,sûrementdepeurquejechanged’avissursaprésenceàmescôtés,vientdesemanifestertrèsfermement.Etquandjeluilancemonregardnoirilne cède rien.Onen est exactement là où il espérait que ce rendez-vousnousmènerait. Jeme senscommeprise aupiège et cela n’engendre jamais de très bonnes réactionsdemapart. Je prends lepartidemerasseoirenattendantdedécidercommentjevaisgérercettesituation.

—Sivousrestiez,onpourraitvousmettresousperfusion,voiremêmesoussondegastrique.

Un rire nerveuxm’échappemais il est clair que ça n’amuse personne.Owenmaintient toujoursfermementmonpoignet,et j’enviensàfaireunmouvementsecpourm’endébarrasser. Ilne lâchepaspriseimmédiatement,maisdevantleregardétonnédumédecinilcèdeetmelibère.Ilmeconnaîttropbien,ilseméfiedel’eauquidort,ilsaitquemoncalmeapparentcachequelquechose.

—Jenepeuxmêmepasvousdireàquelpointiln’yaaucunechancepourquecelaarrive.Jenesaismêmepascommentvousavezpuenarriveràmeproposercela,monfrèren’apaspucroireuneseulesecondequeçapourraitsefaire.

—Effectivement, iln’ycroyaitpasmaisespéraitquandmême. Jevous l’aidit, jenesuispas làpour jouervotre intermédiaire,cette idéeest lamienne,et je tiensàvous laprésenterparceque jepensesincèrementquec’estlabonnechoseàfaire.

—Çanel’estpas.Cen’estpaslapeined’argumenter,iln’yaurapasdesondegastriqueetencoremoinsd’hospitalisation.Laseulechosequejepourraisaccepter,etencorefaudrait-ilquejemesentevraimentmalpouraccepter,ceseraituneperfusiondesolutiondenutrition.Etjeneleferaipasici,jeferaiçachezmoi,tranquillement,delafaçonlamoinsinvasivepossible.

—Vousavezdéjàeurecoursàcegenredechoses?

—C’estçalatracedepiqûresurtonbras?

Nonmaisc’estpasvrai!Ilabienchoisisonmomentpoursemanifestercelui-là!Ilnemanqueraitplusqu’ellecaftecetteinformationàmonfrère.Laboucleseraitbouclée!

—Sic’estlecas,ilfautquejelesache,çapourraitfausservosrésultatsd’analyse.

Jesuispriseentredeuxfeux,etilsnelesaventpasencore,maisjesuisdéjààdeskilomètresd’ici.

—Est-cequevousyavezeurecoursaprèsvossaignementsdenez?

—Quelssaignementsdenez?Jecroyaisquec’étaitqu’unpetittrucderiendutout.

Achevez-moitoutdesuite!C’estpirequetoutcequejepouvaisimaginer.Quasimenttoutcequejevoulaiscacher,àl’unouàl’autre,vientdesortir.Monchéri,peut-êtrepluspourlongtempsaprèsça,m’interrogeduregard,complètementinterditparcequ’ildécouvre.Jevoisdanssesyeuxqu’ilestentrain d’assembler les pièces du puzzle. L’autre traîtresse me scrute également, attendant que jeconfirmelesthéoriesénoncées.Jesuisacculéeetjenevoisplusqu’unesolutionpourmesortirdeceguêpier.

—Trèsbien,voussavezquoi?Vousvousdébrouilleztrèsbiensansmoipourcomprendrecequise passe, donc je vais vous laisser discuter tranquillement. J’appellerai votre secrétariat pourmonprochainrendez-vous.

J’attraperapidementmonsacetm’éloignepromptementd’Owenavantqu’ilnepuisseànouveaucontrecarrermon plan d’évasion. Je file vers la porte lorsque j’entends sa chaise bouger derrièremoi. Je me retourne et tends le bras dans sa direction sans le toucher, pour l’arrêter dans sonmouvement.

—Laisse-moi tranquille, ça suffitmaintenant, j’ai eu plus quema dose, plus que je ne peux ensupporter,dis-jed’unevoixfermeetdéterminée.

Pasquestionqu’ilpuissepenserqu’ilyamatièreàdébattre.Surprisetembarrasséparmaréactiondevant larenégate, iln’oseplusbouger.Jereprendsmoncheminenclaquant laportederrièremoipour être bien sûre qu’il comprenne qu’il ne doit pas essayer de me suivre, et cela semblefonctionner.

Jen’osemêmepasimaginercequecesdeux-làvontpouvoirsediremaintenantquejenesuispluslà.Cecidit,pourcequeçaachangéquandj’yétais…Jesavaisquec’étaitunemauvaiseidéed’yalleravecmonhomme.Ceguet-apens…Sijemetslamainsurmonfrère,ilvaprendrecher,méchammentcher.Jusqu’àquelpointa-t-ilpréméditécequivientdesepasser?J’auraisdûmeméfierquandilaaccepté de ne pas m’accompagner. Est-ce que depuis le début il a comploté avec la doc ? Est-ce

qu’elleafaitsemblantd’accepterdemecouvrirpourmieuxmebalancerensuite?Luiavait-elleparlédemonsoucidetrophoblaste?Sioui, ilasacrémentbiencachésonjeu.J’aibeausavoirquec’estmoiquiaicommencélejeudescachotteries,jemesenstrèsmalqu’ilaitpusejouerdemoidecettefaçon.Toutcequej’aiprispourdel’affectionetduréconfortlaveilleprenduntoutautresenssousl’éclairagedesderniersévénements,commes’ilavaitpréparéleterrainpourquejesoisenconfianceetqu’ilpuissememettredosaumurplusfacilement.

J’hallucine, il n’a pas pu imaginer une seule seconde que sous la pression je céderais etaccepterais…C’esttropmalmeconnaître.

Désormais,jesuisseulecontretous.

11

Celafaitmaintenantunpeuplusdedeuxsemainesquej’aiclaquélaporteducabinetduDocteurParkssansmeretourner.

Sans réfléchir, jeme suis alors réfugiée dans le seul endroit où je savais que je n’aurais pas àaffronterdereprésailles,monappartement.Audépartc’estl’énervementquim’apousséeàyaller,jevoulais être loin de tout lemonde. Je n’arrivais à pas décolérer, Jessie, la doc,Owen… etmêmeDimitri. Dès le lendemain, je l’ai appelé pour lui faire savoirma façon de penser concernant sesmanœuvres,enparticulieraveccette…Amanda.Etilfautreconnaîtrequ’ilaprispourtoutlemonde,j’aipassélegrosdemaragesur lui.Iln’apasdûcomprendrecequi lui tombaitdessus.Iln’apasréussiàmerépondrequoiquecesoit, ilbafouillait,semblaitgêné,etfinalementj’ai tellementcriéqu’iladûserendrecomptequeriennepourraitm’apaiser.A-t-ilalorscomprisquetoutecettecolèrecachait autre chose que les simples reproches concernant l’ex d’Owen et ses allusions déplacées ?Depuis,iladûavoirquelquesexplicationspuisqu’ilaessayédemejoindreàplusieursreprises,melaissantdesmessagesplusgentilsquecequejeméritais.

Dansunpremiertempsj’aicoupémonportabledepeurqueJessienetentedemelocaliseravec.Jesaisqu’iladéjàinstallél’undeceslogicielsquipermettentderetrouversontéléphonequandilestperdu.Lorsque je souhaitem’en servir, jeprends systématiquementmavoiture,oucelledeMaria,pourm’éloignerdechezmoi.

Dèslepremierjour,àpeinearrivéechezmoi,j’aienvoyéuntextoàmonfrère,prétextantvouloirdesexplications.Jeluiaidonnérendez-vousdansunparcloindechezmoietdemonhôtel,etquandjel’airepéréentraindem’attendre,j’aiappeléMariapourqu’ellerécupèretoutesmesaffairesdansmon dernier point de chute. Je ne l’ai évidemment pas rejoint, je n’étais absolument pas prête àl’affronter. Il apatiemmentattendu,pendantunebonnedemi-heure. Il aessayédem’appeleret j’aialorséteintmonportableetcepourlestroisjourssuivants.

Depuis, une fois par jour, je pars en virée pour consulter mon répondeur et mes textos. Lesmessagesdemonfrangin,audébutencolère,laissentdeplusenpluslaplaceàl’inquiétude.Owenasuivilemêmecheminmaisl’angoisseestapparuebeaucoupplustôtdanssavoix.C’estpourluiquejesuisleplusennuyée.Iln’apasfaitgrand-chose,sil’onfaitabstractiondel’histoireavecAmanda,quirelèveplusdelamaladressequedelavraiebêtise,entoutcasjel’espère.Maisilaprislepartidumédecin,cedontjenedevraispasluitenirrigueurmais…j’avaispeurdesaréactionunefoisqu’il

auraitétérassurésurlefaitquej’allaisbien,etsurtout,j’avaishonte,terriblement,delafaçondontjemesuiscomportéeaveclui.Ilm’adéjàprévenuequ’ilnesupporteraitpluscegenredeplan.Etmêmes’ilmemanque,jenesaispascommentfairemarchearrièreetrevenirverslui.Etpourtantmapeauréclamelasienneàunpointoùc’enestpresquedouloureux.Toutmonêtreestcommesuspendu,enattente de le retrouver, lui, sa chaleur, sa tendresse, son corps, surmoi, enmoi, partout. Son seulsouvenir fait briller mes yeux, de larmes quand je crains de l’avoir perdu, d’émotion quand jerepenseàtouslesmomentsdélicieuxquenousavonspartagés.Chacunedesescaressesalaisséuneempreintedansmachairquimebrûledésormaisenpensantqu’ellenesentiraplussesmains.

Maisjesuispriseaupiège,sij’essayeneserait-cequederéapparaîtrepourrejoindremonchéri,s’ill’estencore,lemédecin-chefmesauteradessusetnemelaisseraplusaucunechancederepartir.Ilnemeferariendeforce,enfinjel’espèresincèrement,maisjel’aisemble-t-ilbienpousséàbout,etd’autresontdéjàatteintdesextrêmesdontjenelesauraispascruscapables.Non,Jessienemeferaitpasça,lechantageaffectifestsameilleurearmeetilsaits’enservir.

Jesuisdoncenferméechezmoidepuisdeuxsemaines,nesortantquepourécoutermesmessagesetpourvoirKaren.Elleestlaseulepersonnequin’aaucunlienavecJessieouOwen,etavecellejepassedubontemps,j’arriveunpeuàmechangerlesidées.J’aidûfeinterpournepasl’accompagneraustanddetir,carjesuispersuadéequemonfranginadéjàalertétousnosamiscommunsetjeneveuxpasprendrederisqueencroisantÉric.

—Hey!Tum’écoutes!

—Oui,excuse-moi.

JetentedemereconcentrersurlebabillagedeKaren,maisjesuisencoreengourdieparlavagued’émotionsquim’asubmergéeenécoutantmesderniersmessagesuneheureplustôt.Chaqueparolemehante,merevientconstammentenmémoirecommeunflash-backfaisantéchoàmaculpabilité.Jedevraisarrêterdelesconsulter,celameplongeàchaquefoisdansunesortedetorpeurmélancolique.Àcroirequejeprendsplaisiràmegargariserdemondésespoiretdemahonte.Maisaufond,celamerassuredevoirqu’ilscontinuentd’appeler,qu’ilsn’abandonnentpas,çaveutdirequ’ilstiennentencoreàmoimalgrétout.

—JedisaisqueBaptisten’arrêtepasdefanfaronneraustandetqu’ilauraitbienbesoinqu’onleremetteàsaplace.

—Situpensesàcequejecroisquetupenses,c’estgentil,etflatteur,maisladernièrefoisétaituncoupdechance.Ériclepremierétaitétonnéparmonrésultat.Tusaisqu’ilavaitmisécontremoi?

—Ouijesais,maisçameferaittellementplaisirquequelqu’unluifassefermersagrandebouche.

—Oui,mais je préfère rester sur une victoire. Surtout que tu imagines ce que ça va donner sijamaisilmebat!Ilrisqued’êtreencoreplusimbuvable.

Ellerigoleetsemblecomprendrequecettefoisencorejenecéderaipasàsademande.Jenesuisdetoutefaçonpasd’humeuràallerfairemamaligne.Maissiunjourjemesorsdecettesituationetquejeretrouvetoutemaconfianceenmoi, jemeferaiunplaisird’enfilerunepetiterobeprovocatricepour aller lui faire mordre la poussière. Après quelques séances d’entraînement, histoire de

m’assurerdenepasmeridiculiser.

—Au fait, lemec avec qui tu t’entraînes au stand, je sais plus son nom, ilm’a demandé de tesnouvelles,ilm’aditqu’iln’arrivaitpasàtejoindre.

—Ouijesais,montéléphonedéconneunpeuencemoment,ilsecoupetoutletemps.Fautquejevoiepourleremplacer.

Cettespontanéitédanslemensongeseraitaffligeantesiellen’étaitpasaussiarrangeante.Onsentlesannéesd’expérience.

— Il m’a dit de te passer le bonjour et de le rappeler à l’occasion. J’ai eu l’impression qu’ilespéraitaussiquetupasserais.

*Coucoumabeauté.On va commencer les visites d’appart avecDimitri.Appelle-moi si tu veuxtoujoursvenir.

MonOli…Ilsaitforcémentcequ’ilsepasse,sonmeilleuramiluienanécessairementparlé,neserait-cequepoursavoirsij’étaischezlui.Était-cesonidéedemerelancerpourl’accompagneroucelledesonpote?Maparanoestsanslimitesdésormais.

—Ilsvontseproduirelorsduconcertenpleinairdecesoir.Jesaisquetunelesconnaispas,maisjet’assurequ’ilssontbien.Tuveuxveniravecmoi?

—Heuuoui,pourquoipas. J’aiunpeu regardésur internetcequ’ils fontdepuisque tum’enasparléetçaal’airpasmal.

Jenesuispasplusemballéeparlaperspectived’alleràcespectacle,maisc’estl’occasiondemechangerlesidéesplutôtquederesterchezmoiàruminerlesmêmessombrespensées.

—Onfaitquoiducoup,onrentreseprépareretonseretrouvesurplace?Onsefaitunrestoavantouonpicoreetonmangeaprès?

—Commetuveux.

*Mapuce,quoidirede+pourque turépondes?Dis-moi justeque tuvasbienavantque jenelancetouteslespolicesd’Europeàtarecherche.

En deux semaines Jessiem’a envoyé une bonne centaine demessages que j’ai tous laissés sansréponse.Siquelqu’unenmériteune,cen’estpaslui.

*Jet’enprieréponds-moi.Appelle-moi,j’aibesoind’entendretavoix,savoirqueçava.Jet’aime.

Jet’aime.Jet’aime.Owenm’aimetoujours.Oudit-ilcelapourm’amadouerjustepours’assurerquejevaisbien?Nonilyaunelimiteàmaparano,ilm’aimetoujours,iltientbon.

—Bonalorsonmangeraaprès,commeçaonprolongeralasoiréesuruneterrasse.Ilfaitbeau,ceserasympa.Jeconnaisunpetitrestaurantdanslecoin,sionarriveàavoirunetable,ceseralasoiréeparfaite.Ducoupjevaisrentrertoutdesuite,jedoisfairedeuxtroisbricolespourleboulot.Onsedit

àvingtheures?

Surlecheminduretour,sesmotsdéfilentencoreetencoredevantmesyeux.Jet’aimeJet’aimeJet’aime.

Cettesituationdevienttropoppressante,ilfautquejefassequelquechose.Ceseraitmentirquededirequejeveuxlerassurer,c’estmoiquejeveuxrassurer,j’aibesoind’entendresavoix,etdepuisquelquetempsilnem’envoieplusquedestextos,etlemanques’enfaitressentirplusdurement.

Àmi-chemindemonappartement,jem’arrêtesurlapremièreplacequejetrouveetdégainemonportablesansplusréfléchir.

Premièresonnerie–Qu’est-cequejesuisentraindefaire?

Deuxièmesonnerie–Ilestpastroptardpourraccrocher.

Troisièmesonnerie–C’estbon,çavabasculersurlerépondeur.

—Anouk?!Anouk?Est-cequetuvasbien?

Lesmotsn’arriventpasàsortirdemabouche.Jesensencoreplusquedanssesmessagescombienilestdévoréparl’angoisse.

—Anouk,s’ilteplaît,disquelquechose!

Jenesaismêmepasquoidire.J’aisisouventimaginécequejepourraisluidiremaismaintenantque j’y suis, j’ignore par où commencer. Est-ce que je devrais m’excuser, le supplier de mepardonner,pesterpourl’histoired’Amanda,qu’ilsesoitralliéaumédecin,lerassurer…

—Jet’entendsrespirer.Jet’enprie,dis-moijustequetuvasbien,jem’encontenterai.

—Jevais…bien,dis-jed’unevoixfaibleettremblante,bienplusquecequej’auraisvoulu.

Ilpousseunsoupirdesoulagementqu’ildevaitretenirdepuisdesjours.

—Parle-moimoncœur.

—Tumemanques.

—ToiaussitumemanquesAnouk.

L’entendrediremonnomdecettefaçon,sidouce,sitendre,rienquepourcesquelquesmotsj’aibienfaitdel’appeler.

—Est-cequejepeuxfairequelquechosepourtoi?

Iladûsacrémentcogiterluiaussicesdernièressemaines,imaginercetteconversation,quoidire,quoidemander,commentréagir,parcequejusque-là,ilestparfait,pasunmotdetrop.Ilnem’apasfaitdereproches,ilnem’apasposédequestion,sicen’estpoursavoirsijevaisbien.Ilfaittoutpour

nepasmebrusquer,etclairement,c’estlameilleuredesstratégies.

—M’attendre.

Jen’enrevienspasd’oserluidemanderunechosepareilleaprèstoutcequejeluiaifaitendurer,maisaufondc’estvraimentcequejeveux,cedontj’aibesoin.

—Jen’arrêteraijamaisdet’attendremoncœur.

—…

—Anouk?Çava?Tupleures?

—Non,je…si.

Je nem’en suis pas rendu compte jusqu’à ce qu’ilme le demande,mais oui, je suis en train depleurer.Sadéclarationmebouleverse.

—Çavaaller?

—Oui.

J’auraisvouluendireplus,tellementplus,maischaquesyllaberestecoincéedansmagorge.

—Jet’aime.

—Jesais.

Moiaussi!C’estcequejevoulaisluidire,cequej’auraisdûluidire,maisjusque-làjenel’aipasfaitetcen’estpaslemomentlepluspropice.Jeneveuxpasprononcercesmotsdansleslarmes.

—Je…jeneveuxpasquetut’inquiètes.J’aijuste…besoindetemps.

—Jesais.Maisçanem’empêcherapasdemefairedusouci.Maisjepatienteraijusqu’àcequetutesentesassezenconfiancepourrevenirdetoi-même.

—Merci.

J’attends mais il ne doit plus savoir quoi dire, il n’avait sans doute pas imaginé que cetteconversationpuissedurerplusdedixsecondesetilestauboutdecequ’ilavaitpréparé,etvuquedemon côté je n’ai rien préparé du tout…Nous restons ainsi un longmoment, le seul bruit de nosrespirationsmeublantlesilenceleplusparfait.

Jen’arrivemêmepasà luidireau revoir, jene l’aid’ailleurspas fait ladernière foisquenousnous sommes quittés, je me contente donc de raccrocher, laissant la mélodie de sa respirationsuspenduedansmamémoire.

—Anouk,tupourraisfairecommesituétaiscontented’êtrelà?!

—Désolée,j’avaislatêteailleurs.

—Commetoujours.

Karenn’apastort,jenesuispasgénialecommeamieencemoment,toujoursplongéedansmespensées.Jem’étonnemêmequ’ellecontinueàcherchermacompagnie,etpourtantellemeproposesouventquel’onsevoie.C’estàsedemanderquandelletravaille.Jeveuxbiencroirequesonboulotd’agentimmobilierluipermetd’adaptersonemploidutempstantqu’ellegèresesvisites,maisellen’apasl’airtrèsdébordée.

—Quelquechosemeditqueçaaunrapportavectonhomme,dit-elleavecunpetitregardcoquinde fillequiveutdesconfidencesentrenanas,maismalheureusementpourelle jene suispas trèsàl’aise avec ce genre de conversation. Elle joue les petites curieuses avec moi qui déteste ça. Lesgarçons neme prennent jamais la tête, surtout qu’ils savent que je ne suis pas du genre bavarde,concernantmavieprivéej’entends,parcequepourlerestejesuisunevraiepipelette.Monentourageétantprincipalementmasculin, jen’aipastropl’habitudedecesbabillagesentrefilles,mêmesi j’ytravaillepouressayerdejouerlejeuavecmescopines.Maisc’estunexercicebienplusfacilequandtoutvabiendansvotrecouple,quandc’est lagalère,onn’apas forcémentenviedes’étaler sur lesujet.Entoutcaspourmoi,surtoutcettefois-cioùjesuisclairementàl’originedesproblèmes.

—C’estjustequ’encemomentlasituationestunpeucompliquéeavecmonchéri,etçamefaitpasmalcogiter.

—Tumeraconterastoutçaquandoniraseposerpourmanger,pourl’instantprofitedushow.

Commentluidirequenon,quejenevaispasluienparlerplustard?Pourlemomentj’ailedroitàunsursis,autantentirerparti.

—Yavachementdemonde.Jenepensaispasquetontrucétaitsiconnu.

—Tontruc?!Nonmais…Enplusavouequ’ilssonttropcraquants,surtoutlechanteur.Ildiraitouiquejenediraispasnon,déclare-t-elletoutsourire.

Ellerigoleàsapropreplaisanteriemaisjedoisbienadmettrequ’ilestassezappétissant,mêmesicen’estpastropmongenreavecsonphysiquedepetitminet,ilrestenéanmoinsbienfichu.

—Maisqu’est-cequetufaisencore?C’estdel’autrecôté,lespectacle!

—Ouidésolée.

J’étais en train de scruter tout autour de moi alors que cette étrange impression, celle d’êtreobservée,nemequitteplusdepuisquelquesminutes.

—Franchement,çateplaîtpas?

— Mais si… Je regardais juste un peu autour, il y a de plus en plus de monde. C’estimpressionnant,etplutôtbonsignepourcegroupe.

—J’espère,ilsméritentd’êtreconnus,ilssontvraimentbons.

Elle se tortille gentiment, mais il est clair qu’elle se retient pour ne pas danser comme la fanhystériquequ’ellesembleêtre.Onneseconnaîtpasassez,ellenedoitpassesentirassezàl’aisepourselâcherdelasorte,surtoutquelerestedelafoulenesedéchaînepasencore.

—Anouk,neteretournepas,maisj’ail’impressionqu’ilyaunmecquinousmate.

J’aiimmédiatementunedrôledesensation,unedecellequivousditqu’ilsetramequelquechosequivavouspéteràlagueuledanspeudetemps.Jesensqueceluidontellemeparlenevapasêtreunparfaitinconnu.

12

Monmauvais pressentiment est en train de se confirmer, j’en suis certaine, il se trame quelquechose.

—Ilestcommentcemec?

—Mignooonnnn.

Si jen’étaispas si stressée je trouveraisçadrôle,maispour l’instant il fautque je sacheàquoim’attendresijemeretourne,quelletoileestentraindesetisserautourdemoi.

—Nonmaissérieusement,ilestcomment?

—Insistantdéjà,vuqu’ilnenousquittepasdesyeux,ilneregardemêmepaslespectacle.

Sonregardalterneentreceluiquinousobserveetmoi,ellesembleembarrassée.

—C’estdingue,illâchepas,ilavuquejel’avaisremarquémaisilcontinuedenousfixer.

—Nonmaisphysiquement,ilestcomment?

Elle me fait un sourire jusqu’aux oreilles comme si j’étais une petite crapule qui voulait serencarder sur le beau gosse du coin, la pauvre, si elle savait ce qui se joue. On est bien loin ducompte.

—Assezgrand,bienfichu,blond.

Blond?Lecalculestvitefait,s’ils’agitvraimentdequelqu’unquejeconnais, jen’envoisplusqu’un.

—Ilporteunevestedemoto?

—Heuoui.Tuattendaisquelqu’un,MadameIrma?

—Nonpasvraimentmais…écoute, jesuisdésoléede te fairececoup-là,mais jevaisdevoiry

aller.Jesuisquasimentsûredesavoirdequiils’agitetpourl’instantjepréféreraisl’esquiver.

—Çavaaller?C’estquelqu’unquit’emmerde?

—Nonnon,pasdutout.Sic’estbienlapersonnequejepense,c’estunami,yapasdesouci,sicen’estquepourlemomentjevoudraiséviterdediscuterd’unsujetaveclui.Doncjevaishonteusementt’abandonneretmesauver.

—Tucroisqu’iloseraitvenirt’embêtersituesavecmoi?

—Jenevaispasattendredelesavoir.Jepréfèrerentrer.

—Maisnon.Sivraimenttutiensàt’enaller,danscecasonfiletouteslesdeuxetonvadirectementaurestaurant.

—Jevaispas te faire rater lamoitiéduconcert alorsque tu l’attendaisdepuis longtemps.Non,restelàetprofite.Excuse-moi.

—Commetuveux.Tum’appelles,tumetiensaucourant.

Je lui fais la bise et file sans me retourner, je jetterai un coup d’œil une fois que je me seraiéloignée. J’essaie de marcher rapidement mais la foule est dense et je n’ai pas un gabarit mepermettantdejouerdescoudespourpasser.Jemefaufiledoncenespérantnepasêtreinterceptée,jenemesenspasprêteàencaissertoutcequ’ilseraitendroitdemedire.J’aibesoindemeprépareravantdemelancerdanscegenredediscussion,ilfautquejeréfléchissetrèssérieusementàlafaçondontjepourraisessayerdejustifiercequis’estpassé.Maisilfautêtrelucide,ilsn’ontpastouteslescartesenmainetjenesuispasprêteàleséclairersurcequiaaccrumapanique.Jesuispartiepourrameravantqu’ilsacceptentd’excusermoncomportement.

J’aienfinquittélegrosdutroupeau,ilrestequelquespersonneséparsesquis’apprêtentàrejoindrelesautresfans,maisjepeuxavancersansencombre.Jemedirigeversleparkingtoutenmedisantquej’aipeut-êtrelaisséunpeutropparlermaparano,jen’aimêmepasvérifiéquiétaitderrièremoi.L’avantage,c’estquel’onnepourrapasm’accuserd’avoirfui,jen’aipasvuquiétaitlà,onnepourrapasmereprocherd’avoirdéguerpiàcausedelui.

Jene suisplusqu’àquelquesmètresde laported’accèsquand j’entendsdespas lourdsderrièremoiquicommencentàtrottiner.Ilnesprintepas,maisçaluisuffirapourmerattraperd’iciquelquessecondes,àmoinsquejenememetteàcourir…Non,jenevaispasmeridiculiseraupointdepartirencourantquandl’undemesamisvientmevoir.

—Anouk!Anouk!

Jemefige,jenepeuxplusfairecommesijenesavaispasqu’ilétaitlà.Jebaisselatête,résignée,jesaisquejevaisdevoirfaireface,àlui,àsacolèrepeut-être.Jeprendsuneprofondeinspirationetfinisparmeretourner,jen’aidetoutefaçonpasvraimentlechoix.

—Heybeauté.J’étaispassûrquec’étaittoi.Est-cequetuvasbien?

Jenesuispascertainedecequejelissursonvisage.Lesoulagementdemevoirsemblemêléàde

l’inquiétude.Iln’étaitpassûrquec’étaitmoi,est-cequecelamelaisseledroitd’espérerqu’iln’apasprévenusonamidemaprésence?

—SalutmonOli.Oui,çava.

Ilfinitderéduireladistanceentrenousmaisnes’arrêtepas,ilmeprenddanssesbras.

—J’étaisinquietpourtoi,mechuchote-t-ilàl’oreille.

Sa voix est douce et rassurante, sans la moindre once de colère ou d’agacement comme je lecraignais.Iln’interromptpasnotreétreinteetjen’aipaslecœuràlerepousser,jerestedoncdanssesbrasmaissansvraimentm’yblottir,jesuistoujourstendueetunpeumalàl’aise.

—Désolée.

Combiendefoisencorevais-jedevoirdirecemot?

—Jesaisquej’auraisdûterappeler.

—Ons’enfoutquetunem’aiespasrappelé.Est-cequetuvasbien?Vraimentbien?

Ilmelibère,légèrement,pourpouvoirmescruter,jaugermaréponse.

—Çava,net’inquiètepas.Jesaisquej’aiunpeudéconné…

—Unpeu?

Ilmeregarde,amusé,prêtàseficherdemoi,cequiaufondestbienmieuxquecequejeredoutais.

—Je… j’ai justebesoind’unpeude temps.Les choses sont plus compliquéesqu’ellesn’enontl’air.

—C’estpassicompliquéqueçad’aprèscequej’aipuapprendre.T’asprisuncoupdeflippeetcommed’habtut’esbarréecommeunevoleuse,dit-ilsuruntondétachéetlégèrementmoqueur,ilnem’épargnepasmaisçarestegentil.

—Sionveut…Oli…Jenesaispas…

Jenesaispasquoifaire,jenesaispascommentfairemarchearrière,etsurtoutjenesaispasquoidire. Je reposema têtecontre son torse,parcequ’encet instantc’est toutceque je suiscapabledefaire.

—Anouk…

Ilditmonprénomd’unefaçonsitendreetsigentillequejesaisquemonamiesttoujoursfidèleauposte,prêtàm’aider,àmesoutenir.

Je respireprofondémentpour essayerde canaliser toutes les émotionsquimeparalysent. Jemeredresseetl’observe,luiquiposeunregardsibienveillantsurmoi.Qu’ai-jefaitpourmériterunami

simerveilleux?

—Etmaintenantmabelle?Qu’est-cequetuveuxfaire?

Bonnequestion.

—C’estpourçaquej’aibesoindetemps,poursavoircequejeveuxfaire.

—Avantque tuneprennes le tempsd’étudier toutes lesoptionsquis’offrentà toi, il fautque tuappellesOwen,ilestvraimentinquiet.

Maisplutôtquedeluidirequec’estchosefaite,jeveuxprofiterdelabrèchequ’ilvientd’ouvrirpourtâterleterrain.

—Inquietcomment?

—Qu’est-cequetut’imagines?Tuleconnais.Ilesttrèsinquiet.

Jeluijettemonregarddubitatifquisous-entendquejenesuispasconvaincue.

—OK!Ilestfoud’inquiétude.

Saréponsemesemblebienplusplausible.

—Ilfaitminequ’iltientlecoup,maisjevoisbienquecen’estpaslecas.Vulatêtequ’ilsetraîne,je peux déjà te dire qu’il ne doit pas dormir beaucoup, et il ne doit pas trop bouffer non plus.Satisfaite?

—Est-cequ’ilestfâché?

Questionfondamentale.Ilnel’apeut-êtrepasmontrépourmepousseràrevenir,maisallezsavoircequim’attend.

—Bien sûr quenon.Tu le connais pas, c’est pas possible ! Il est dinguede toi, et il te connaît.C’était presque prévisible. Bon j’avoue que je ne m’attendais pas à ce que tu disparaisses silongtemps,etvasavoirencorecombiendetempsj’auraisencoreattendupourtevoirsijen’étaispastombésurtoiparhasardcesoir.

—Jel’aiappelé.Cetteaprès-midi.

— Sérieux ?! Je ne savais pas, il ne me l’a pas dit. C’est bien que tu l’aies appelé, ça a dû lesoulager.

—Jenesaispas,j’espère.

—Etmaintenant?

—Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Rienn’achangé,ilespère…j’ensaisrien,quejevaismefairesuivrebiengentiment,quej’accepteraidemefairehospitaliser,quejesubiraitouslesexamens

possiblesetimaginables…etmoi,jeneveuxplusdeça.

—Plus?

—Pas.Jeveuxdirepas.Jeneveuxpasdeça.

—Tudisvraimentn’importequoi.Çanet’estpasvenuàl’espritquetudevraisenparleravecluiavantdeluiattribuerdesintentionsquinesontpeut-êtrepaslessiennes?Iln’estpastonfrangin.

—Qu’est-cequetusaisdemonfrangin?

Maquestionsemble ledéstabiliser,oupeut-êtreest-cemon tonunpeu tropvirulent.Mais le faitqu’ilmeparledeJessienemeplaîtpasdutout.J’aimissuffisammentdesoinàséparermavied’icidemonfrèrepourm’inquiéterdevoirlamoindreinterférence.

—Cequ’Owenapum’endiresuiteaurendez-vousaveclemédecin.Ilacomprisqu’ils’enétaitmêléetquesoninterventionavaitjouéunrôledanstafuite.Tuveuxm’expliquer?

—Pasvraiment.

—Bien.Tuveuxqu’onailleprendreunverre?

—Jenevoudraispasêtredésagréable,maisj’aibesoind’êtreseule.

—Pourréfléchir?

—Oui.Pourréfléchir.

—Ilterestedessujetssurlesquelstun’aspascogitécesdeuxdernièressemaines?

—Disonsqueleschosesévoluent.J’essaied’analyserlasituationplussereinement,avecdurecul.Jevaistrouverunesolutionpourqueçaaillemieux.

—Quandtudis«ça»,tupensesàquoi?Tonfrèreettoi?Owenettoi?Tagrossesse?Tasanté?

—S’ilteplaît.C’estdéjàassezconfussansquetunem’embrouillesdavantagelesidées.

—Faiscequiestnécessairepourquetutesentesmieux,maissachequetupeuxcomptersurmoi,etsurOwen.Onferacequ’ilfautpourçasepassebien.

Jemereblottiscontreluiavantqu’ilnevoieunepetitelarmem’échapper.J’aimeraisdirequemeshormonessontfautives,maisjesuissimplementtouchéeparcequ’ilvientdemedire.

Je voudrais tellement lui annoncer que les choses vont s’arranger, que j’ai la solution parfaite,maisceseraitmentir,àluicommeàmoi.

—C’estgentilmonOli.Maispourl’instantjenesaispascommentm’yprendre,jesuislarguéeetleschosesontététroploinpourquejepuissefairemarchearrière.

—Ehbien,nefaispasmarchearrière,enclencheplutôtlamarcheavant.Faiscequetuveuxsanst’inquiéter de la suite, tu verras au fur et à mesure. De toute façon tu vas pas rester planquéeéternellement,vabienfalloirquetureprennestavie.Iciouailleurs,maistuvasenavoirbesoin,etbon,jepréféreraisquecesoitici,surtoutqu’ilsembleraitquelesoucimajeursoittonfrèreetqu’iltesuiveoùquetuailles,doncpasbesoindeprendrelatangente.

—Mouais,sionveut.Sijepartais,jepourraism’octroyerunbonmomentdetranquillitéavantquemonfrèrenemeretrouvepourm’embêter,etd’ici là j’auraisgérécettegrossessecommebonmesemble.

—Oualorsturestesici,tufaisfacecommeuneadultequin’apasdecompteàrendreettugèrescommetuveux.Çarevientaumêmeconcernanttonfrangin,saufquetuneteprivespasdetavieici,etleplusimportant,demoi!

Jesouris,ilestprêtàdiren’importequelleâneriepourmedérider.Etçamarche.

— T’as raison, en partant d’ici, ma plus grosse perte ça serait toi, sans aucun doute. Mais enattendantilyauraitunepetitedifférencesurledélaid’arrivéedesemmerdes.Etjenesuispassûred’êtrecapabledefairefacepourl’instant.

—Commetuveux.Tumefaissignequandtutesensprête?Jeserailàpourtesoutenir.

Ilmefaitunebisesurlajoueetmelibère,ausensproprecommeausensfiguré.Ilacomprisquenousavonsfaitletourdelaquestionetqu’iln’yaplusgrand-choseàdire.Toutdépenddemoietducouragedontjesuisprêteàfairepreuve.

—Oui,net’enfaispas,jetetiendraiaucourant.

Je l’embrasse àmon tour et file dans le parking pour récupérerma voiture et rentrer dans cetersatz de chez-moi. Jem’y sens demoins enmoins bien.Ce n’est peut-être pas lié au lieu en lui-même,ilaétémonrefugeetjel’adoraisjusqu’àcequejeredécouvrecequ’étaitunvraichez-soi.Unendroit où l’on se sent bien, aimé, et en sécurité. Un endroit où l’on vit par envie et pas parobligation,monrefugeestdevenumonterrier,monbunker,moncaveauémotionnel.

Moncerveauvafinirparfairedesbullestellementjecogitedepuisdeuxheures.Oliveraraison,jene peux pas continuer à laissermon existence entre parenthèses de peur d’affronter la colère deshommesdemavie.Jedoisfairepreuved’unminimumdecourageetassumer lesdécisionsquejeprends.Jeneveuxpasêtrehospitaliséeetpersonnenepourram’yobliger,ilfautjustequej’aieassezdecranpouraffronterleursréactions.Leursréactions,aupluriel,parcequemonfrèrenevapasêtreleseulànepascautionner,Owennevapasappréciernonplus.Ildevraitêtremoinscoriace,maisilseradifficiledeluifairecomprendrequejeveuxdeluidansmavie,sid’unautrecôtéjeluisignifieque son avis n’a aucune importance. Je ne veux pas qu’il pense que son opinionm’indiffère, ellecomptebeaucoupaucontraire,maissiellevaàl’encontredemesprincipes…Etpirequecela,ilveutprendre une place dans ma vie et aussi dans celle de mon enfant, et je ne le laisse même pass’impliquerdanslesdécisionsleconcernant.

Je suisdansune impasse, le tempsn’ychangera rien, il fautque je fassedeschoixetque je lesmetteenœuvre,maintenant.Plusj’ypenseetplusjemedisqu’Oliveraraison,ilfautquejefassecequebonmesemble,sansmelaisserfreinerparmespeurs.Aprèsjen’auraiqu’àassumer.Aprèstoutjesuisuneadulte,mêmesicen’estpaslasensationquej’aiquandJessieestlà,ilfaitpreuved’untelpaternalismequ’ilmedonnel’impressiond’êtreunegamineenpleinecrised’adolescence,unegossequifaituncaprice.

Etc’estàcetinstantquemevientcequiestsûrementl’idéelaplusdinguequejen’aijamaiseue.Bon,peut-êtrepaslaplusdingue,parcequedurantlapériodeoùj’aipartagémavieavecAnton…Jelesaicumuléeslesidéesdingues,etstupidessurtout.Maisdésormaisj’aiunplan.Merdique,maisunplanquandmême.Jevaissortirdececul-de-sacettoutdesuite.

Ilestminuitpasséaumomentoù jeprendsmadécision,mais jene trouveassezdecouragequeversdeuxheuresdumatinpourmettremonstratagèmeàexécution.J’aimisdutempsàmelancer,mais je ne peux plus m’accorder un petit verre pour me donner la bravoure dont je manquecruellementcesdernierstemps.Mongrandsacfourre-toutsouslebras,jequittemonrefugeàbordde ma voiture. À cette heure tardive, je ne rencontre évidemment aucune difficulté et arrive àdestinationenàpeineunedemi-heure.

Jesuismaintenantaupieddumur,jevaisfairecequ’ilfautpourallerdel’avant.

13

Mavoitureàpeinegarée,jedécidedefoncertantquejelepeuxencore.Ilfautquej’avance,sansréfléchir,parcequesinonjevaismedégonflerenréalisantàquelpointmonidéeestnulle.Jetraverselapasserellepourmeretrouversurlepontdelapénicheetmemetsenquêtedelaclefdesecours.Maisapparemmentlestroisdernièrescachettesquejeconnaissaisnesontplusd’actualitépuisquejenemetspaslamainsurlefameuxsésame.Jenevaispasfrapperàsaporte,pasenpleinmilieudelanuit,etpuisçavaàl’encontredemonplan.Etquelplan…

Au cas où, je tente quandmêmed’ouvrir la porte, et quelle n’est pasma surprise de la trouverouverte !Peut-êtrequ’iln’estpasencorecouché,parcequ’ilneva jamaisdormir sansverrouiller.Pourtant je ne vois pas la moindre lumière à travers les hublots. J’enlève promptement meschaussurespournepasfairedebruitsurleparquet.Jepoussetoutdoucementlaporteetentreleplusdiscrètement possible. Étrangement, une douce musique envahit la pièce. Je reconnais l’une deschansonsdudernieralbumdeHughLaurie,sanspourautantmesouvenirdutitre.C’esttrèsétonnantdevoirqu’enétantséparés,onécoutaitetachetaitlesmêmesalbums.

D’un seul coup une abominable imagem’assaille. Et siAmanda était là ?!Après tout je vais leprendreparsurprise,etiln’aurapasl’occasiondelaplanquer.Finalement,lasurprisepourraitbienêtrepourmoi. Jem’approchedu litetconstate,heureusement,qu’iln’yaqu’unseulcorpssous lacouette,etjesaistrèsbienàquiilappartient,jereconnaislaforced’attractionquis’exercedéjàsurmoi.Jesensqu’iln’yapersonned’autreici,pasbesoindevérifier,sonauraestlaseuleàvibrerdansleslieux.

Jedéposemalonguechemiseàcarreauxrougeetnoirsurlesol,suiviedeprèsparmonlegging,pourme retrouver en sous-vêtements. Conformément àma stratégie initiale, jeme faufile le plusdiscrètementpossiblesouslacouetteetm’allongeàsescôtés,sansletoucher.

Et voilà ! Quoi ?Depuis le début j’ai dit que c’était une idéemerdique.Maintenant que je suisinstallée jevaispouvoirme torturer lacervelleetpoussermes réflexionsaupointoù je réaliseraitoutelabêtisedemongeste.Etjenevaispasdevoirpousserbienloin.

Mais bizarrement, je ne suis pas plus anxieuse que cela. Sont-ce les effluves de sa peau quianesthésientmoncerveau?Jenesaispastrèsbiencequej’espéraismaismaintenantquejesuislà,jeneferaipasmarchearrière.Aprèstoutc’étaitleconseild’Oli,«Faiscequetuveuxsanst’inquiéterdelasuite,tuverrasaufuretàmesure.».Ehbienc’estchosefaite,jesuislàoùjevoulaisêtre,avecOwen.Pourlesconséquences…onaviseraàsonréveil.Ya-t-illamoindrechancequ’enselevantilfasse comme si de rien n’était, comme si je m’étais couchée la veille au soir avec lui, faisantabstractiondecesdeuxdernièressemaines?Jesuisenpleinfantasme!Ilabeauêtrel’hommeleplusadorableetleplusgentilquisoit,j’aiététroploinetj’enaiconscience.

Ilestsurledosetmoisurleflanc,latêtesoutenueparmonbrasreplié,entraindel’observer.Sestraitssonttirésetlasérénitéqu’ilarborehabituellementdurantsonsommeilaquittésonvisage.Sespaupières bougent et me laissent deviner qu’il doit rêver. C’est alors qu’il commence à remuerlégèrement.Jeretiensmonsouffletoutenrestantleplusimmobilepossible.Ilvaforcémentserendrecompte à unmoment ou à un autre demaprésence,mais j’espère avoir encore quelquesminutes,heurespeut-être,derépit.Ils’immobiliseetj’osecroireàunsursis.Ilinspireprofondément,unefois,deuxfois,etbrusquementilpivoteversmoi,m’enlaçantavecl’undesesbras.Pourautantilsembletoujoursdormir.Sijelepouvais,j’arrêteraisderespirerpourlimitermesmouvementsetgagnerunpeude tempsencore. Ilcontinued’inspirerprofondémentmaisétantdonnénotreproximité, jesuiscertaine qu’il doit capter l’odeur de mon shampoing qu’il adore. Instinctivement il resserre sonétreinte,etsousl’effetdelasurprisej’émetsunpetitcouinementquilefaitbondir.Forcément.Quandon ne s’y attend pas, ça fait inévitablement un choc de se coucher seul et de se réveiller avecquelqu’unà sescôtés,danssesbrasdesurcroît.Enypensant, il estclairque jepourrais faireuneattaquesionmefaisaituncouppareil.

Ilpousseuncriettombedulitenreculant.

— C’est moi, Owen, c’est moi, c’est Anouk, dis-je de ma voix la plus douce et la plus calmepossiblepouressayerde le rassureravantqu’ilnedégaineunebattedebaseballou jenesaisquoid’autrequipourraitêtrecachésoussonlit.

—Qu’est-ceque…Quoi?…Qu’est-ceque…?

Ilnecomprendrienàcequisepasseetjevoisquesamaincherchefrénétiquementl’interrupteurdelalampedechevet.

—Owen,c’estmoi.Désolée,jenevoulaispastefairepeur.Jevoulaisjuste…

Jevoulaisquoiaufait,endehorsdeluifairefaireuninfarctus?

—Tueslà!Putain,tueslà!

Ilréussitenfinàallumerlalumièreetjevoissesyeuxécarquillés,ilhallucinecomplètementdemetrouverlà.

—Comment…Enfinpourquoi?Enfinnon,paspourquoimais…

Lepauvre,ilnesaitplusquoidire,ilneveutpasmedemanderpourquoi,ildoitjusteespérerquejesuisde retouretneveutpasm’entendredireautrechose.Oualors ilest tellementpaniquéqueses

pauvressynapsesn’arriventplusàseconnectercorrectement.

Jetented’avancerverslui,maissansréfléchirilfaitunpasenarrière,j’espèreàcauseduchoc.Sarespirationestsaccadée, ilaclairementbesoinderetrouversoncalmeet jedécidedoncdeneplusbouger en attendant sa sentence. Quand il commence à reprendre son souffle, je réalise qu’ilm’examine scrupuleusementmalgré la couette que jemaintiens contremoi, et sans que je n’aie letemps de comprendre, il se jette sur moi pour m’embrasser, me faisant basculer sur l’oreillerderrièremoi,soncorpsàcôtédumien,latêtepenchéeau-dessusdelamienne.Cen’estpasunbaisertendre ou amoureux, c’est passionné et vorace. Il tient mon visage entre ses mains et me dévorelittéralement,ilpossèdecomplètementmaboucheavecsalangueetmelaisseàpeinereprendremonsouffle.Jenesaispassic’estlebesoindes’assurerquejesuisbienderetour,lesoulagement,ouundésirtroplongtempscontenu,maisillaissetoutesapassions’exprimer.L’unedesesmainssemetàmecaresser, làaussiavecvigueur. Ilnefaitpasdedétourpourpasserdemonvisageàmesfessesqu’ilmasse,non,pétrit,mepressantcontresoncorps,mefaisantsentirlapreuvequesesappétenceslibidineusessontplusprésentesquejamais.Lesmiennesétantégalementaurendez-vous,jedécidedeprofiterdel’instantprésentetdemelaisserallerànospulsions.

Jepassemesmainsdanssescheveuxetremontel’unedemesjambesautourdesataille.Ilémetunsonquin’aplusrienàvoiravecleronronnementdegrosmatouquejeconnais,c’estplussourd,plusguttural,plusintense,etilvibrejusqu’auplusprofonddemonêtre.Ilfaitéchoàmespropresenviesetjemelaisseentraînerdansunesortedetourbillon,jeperdspied,toutn’estplusquesensationsetpassion.Sonodeur,sachaleur,sesmainssurmapeau,toutcelam’enveloppedansunebulleoùplusrien ne compte à part lui. C’est tellement libérateur, plus de questions qui me torturent, plusd’hésitations, je laisse justemon instinct parler en commençant à ondulermes hanches contre lessiennes.Samainseredirigeverslebasdemondosetm’agrippefermementavantdebasculersurledos,m’entraînantau-dessusdelui.Maisavantquejenepuisselaisserlibrecourtàmonimagination,pourlecoupassezdébordante,ils’assoitenplaquantsespectorauxcontremapoitrineetnichesonvisagedansmoncou.D’ungesterapideildégrafemonsoutien-gorgeetsedétacheàpeinequelquessecondes de moi, le temps d’expédier hors du lit ce rempart entre nos peaux ardentes qui seréclament.Ilnemelaissepasl’occasiond’esquisserlemoindremouvementpourmedébarrasserdema petite culotte qu’il me l’arrache avec fougue. Je pousse un petit cri, surprise sous cet assautinattendu.

—Laisse-moifaire,tuveux,mechuchote-t-ilàl’oreille.

C’estplusuneaffirmationqu’unequestion.Jesuisdetoutefaçoncomplètementdéconnectéeetjen’aipluslafacultédedirequoiquecesoit,moncerveauaquittélenavirelaissantmeshormonesàlabarre.Etquellebarre!J’adorelesentircontremoi,maispourl’instantc’estsurtoutenmoiquej’aienviedelesentir.Jelerepoussepourqu’ilsoitallongéetattrapel’élastiquedesonboxerafindeluiretirer.Ilsoulèvesonbassinpourm’yaideretjereculeverssespieds,entraînantleboutdetissuavecmoi.Unefoisenlevé,jepeuxdésormaisexplorerchaqueparcelledesonanatomiesanslemoindreencombre.Jedéposedesbaiserslelongdesajambegauchepourremonterjusqu’aupointculminantdesonplaisir.

—No,nobabe.

Ilneme laissepasmerégalerdesonérection, ilm’attirevers lui.Sesgestessont frénétiquesetdésorganisés, ilperdsoncontrôle légendaireet je saisdéjàqueçavaêtre tropbon.Sesmainsme

parcourent de toute part, il inonde mon dos de caresses et ma bouche de baisers alors que je lechevauchefrénétiquement,frottantmonclitoriscontresonmembregonfléparl’excitation.Jenesuispasd’humeurjoueuse,jen’aipasenviedefairedurercetavant-goûtpluslongtempsetjesaisqu’ilestdanslemêmeétatd’esprit.Jemesoulèvedoncsuffisammentpourl’attraper,m’empalerlentementsur lui, savourant chaque centimètre que j’accueille avec délice, et le sentir enfin enmoi, au plusprofonddemonintimité,meremplissantcomplètement,mecomblantàtouslesniveaux.Jepousseunlongsoupirdesoulagementenbasculantmatêteenarrière.C’esttellementbon,tellementjouissif,iln’yaurapasbesoindegrand-chosepourmefairelittéralementdécoller.

Je prends quelques secondes sans bouger pour savourer cette sensation, et parce que, dans cetteposition,ilmepossèded’unefaçonsiprofondequejenesuispassûred’arriveràbouger.Sesmainsquicaressaientjusque-làmescuissesremontentirrémédiablementversmesseins, ilfaitroulermestétonsentresesdoigts,cequidéclencheunevaguedeplaisirimmédiate.Jesuisentraindeprendreunshootd’endorphinesphénoménal.C’estfinalementluiquicommenceàsemouvoir,cequimepousseàprendreuneprofondeinspirationteintéed’unlégertremblement.

Je le ressens tellement intensément que c’en serait presque douloureux si ce n’était pas aussiorgasmique.Ilbasculesonbassin,m’incitantàmepencherversluietj’enprofitepourreplongermalanguedanssabouche,avidedesasaveurquim’enivreunpeuplusàchaqueseconde.Moiquiaimeavoir lecontrôlesur toutconstamment, jesaisquejedoisvraimentêtredopéeauxhormonespourcontinuer ainsi alors que je ne maîtrise plus rien, ni mon corps, ni mes pensées. Il m’enlacefiévreusementetfinitparmefairebasculerpoursepositionnerau-dessusdemoi,et jesaisdéjàcequim’attend.

Ilmepilonneavecune tellevigueurque j’auraispresqueenviede luidemanderderalentirsicen’étaitpasaussibon.Jesaisquejesuisprochedel’extasetotale,etplusriennesembledetoutefaçonpouvoirl’arrêter.Nousensommesensymbiose,l’ascensiondenotreplaisirestaudiapasondecelledel’autreetquandj’arriveenfinaupointculminantdecettepassion,quemesmuscleslesplusintimesse resserrent autour de lui et que mes jambes commencent à trembler, je le sens se raidir et sedéverserenmoi.C’estsimerveilleuxd’êtreenosmoseàcepoint,lesexeavecOwenaquelquechosedemagiquequinerelèvepasqueduphysique,mêmesiçaycontribuesacrément,onestsurlamêmelongueurd’onde.

Ils’allongeàcôtédemoi,encoreessoufflé,etjesensdéjàmespaupièress’alourdir.Celafaitdeuxsemaines que je n’ai pas fait une bonne nuit de sommeil et il m’a vidé l’esprit de toutes mescontrariétés, jeme sens si sereine, si légère, que blottie contre son corps, je n’ai plus la force deresteréveillée.Ilsoulèvedoucementsonbras,m’invitantàlevermatêtepourmereposeràmaplace,danslepetitcreuxdesonépaule,làoùilfaitbonêtre.Adviennequepourra.Lesgrandesdiscussionsserontpourdemain,cettenuitjeveuxjustesavourerl’instantetlebonheurdel’avoirretrouvé.

J’émerge tout juste d’une douce torpeur qui m’avait boudée depuis plusieurs jours quand jeremarquequ’ilm’observe.

—Arrêtedemeregardercommeça.Jedoisressembleràrienenplus.

—Tuesmagnifique.

—Laflatterienetemènera…nonenfaitt’asraison,flatte-moi,çamarche.

J’esquisseunsourirelascif.J’aienviedejouerlesmarmottesetdemerendormir.Jenesaispassic’estlafatigueoul’idéederepousserlemomentdesexplications,maisjerefermemespaupièresenespérantmereplongerdans lesbrasdeMorphée.Maisc’estpeineperduequandjesenssamainseposersurmajoue,mecaressantlapommetteaveclepouce.Moncorpstoutentierestdetoutefaçontropconscientdeceluiquil’irradiedesachaleurpourpouvoirs’abandonnerausommeil.Jefinisparrouvrirlesyeuxetleretrouvetoujoursentraindemescruter.

—Tuessibellep’titcœur.

C’estpresqueunetorturedel’entendremediredesmotsdouxalorsquejesaisqu’ilvafinirparmetomberdessuspourquejeluirendedescomptes.Maisilnemeposeaucunequestion,nemefaitaucuneremarque,aucuneremontrance.J’aipresqueenvied’amorcerledébatpourmettrefinàcetteattente.C’estpeut-êtresastratégie.Sic’estlecas,c’estplutôtmalindesapart.

Samainquiétaitsurmajouecommenceàdescendrelelongdemoncou,demaclavicule,ilsuitlegalbedemesseinsjusqu’àmesflancs.Ilmecaressedoucementjusqu’àeffleurermonventre.

—Ohmerde,Anouk!

Sesyeuxs’écarquillentalorsqu’ilremarqueenfincequiluiaéchappécettenuit.Ilposesamainbienàplatsurmonventre,ilmeregardesansmevoir,sesyeuxsontvoilés,ilestconcentrésurcequ’iltoucheduboutdesdoigts.Jescrutesespupillesetauboutdequelquessecondesilrefaitlamiseaupointsurmonvisage.Jevoistantd’émotionsdéfilerquejenesuispascertainedetouteslescapter.

—Ilestlà,souffle-t-il.

—Oui.Ill’atoujoursété.

—Ouimaislà…

Ilcherchesesmots.

—Çadevientplusconcret.

—Oui,chuchote-t-il,commepourpréservercemomentd’uneintimitétouteparticulière.Maisunpetitairtaquinapparaîtetils’exclamealorsavecuncertainengouement.

—Montre-moi.

—Quoi?

—Montre-moi.

Mais je ne réagis apparemment pas assez rapidement puisqu’il repousse la couette qui ne mecouvredésormaisplusqu’àpartirduhautdescuisses.

—Commentj’aipurateruntrucpareil?T’asunepetitebabybump.C’est…

Çayest, il en reperd sesmots et son français. Il a l’air étonné,dérouté, intrigué, et pour autant

heureux.C’estperturbantpourlui,toutcommesaréactionl’estpourmoi.Sapaumeresteplaquéesurmonventreenattendant… jene saispas tropquoien fait. J’espèrequ’ilne s’attendpasà le sentirbouger, parce qu’il va devoir patienter un sacré bonmoment.Au bout de quelques secondes d’uncalmeabsolu,sanslemoindremouvement,jefinisparbriserlesilence.

—Çava?

—Oui.C’estjusteque…jetrouveçagénialettellementincroyable.

J’aienviede lui répondreque les femmes fontdesbébésdepuis lanuitdes temps,mais il est sitouchantquejelelaisseprofiterdel’instant.

Pour lemoment jemeconcentre surunpointqu’il n’apas relevé etquin’apourtantpaspu luiéchapper.J’aiquelquesbleussurlesbras,peut-êtreparcequej’aiunpeuforcésurlesintraveineusespourmedopercesdernierstemps,etvuqu’iln’estpasévidentdesepiquersoi-même…Maisjusque-là il n’y a fait aucune allusion, je n’ai même pas remarqué ses yeux se poser dessus. De fait, lapression monte d’un cran, parce que je sais que ce sujet va finir par être abordé et que je restesuspendueàseslèvresenattendantqu’ilsedécideàlancerleshostilités.

—Tusaisquetunevaspaslesentirbouger,hein?

Illèvelesyeuxaucielensouriantavantdemerépondre.

—Maisoui.Pourquoiçat’embêtequejetetouchedecettefaçon?dit-ilenmetoisant,légèrementsoucieux.

—Nonpasdutout.Enfin,çafaitunpeubizarremais…disonsquec’estnouveau,maissympa.

—Tantmieux,parcequej’ail’impressionquejenem’enlasseraijamais.

Ilserallongeàmescôtés,maissapaluchenechangepasdeplace.Effectivement,iln’apasl’airpartipours’enlasser.Ilm’observetendrementetçamemetpresquemalàl’aise,jepréfèrefermerlesyeuxpournepasavoiràfairefaceàsonregardquiscrutemonâme.Fait-ilexprèsdecréercesilencepourmepousseràparler? Ilest trèsdoué,voilàuneexcellente techniquepourm’inciteràprendrelaparolesansmeposerdequestion.C’estagaçantdevoiràquelpointilmeconnaîtbienetcombienilarriveàdéjouermesmécanismesdedéfense.Maisjedécided’ignorerlapetitevoixquimeditderépondreàsesattentesetderomprecesilence.Jeneveuxpasrépondreàsesquestions,jeveuxjusteprolongercemomentdelafaçonlaplussereinepossible.

—Tuneveuxpasmelirequelquechose?

Jerestesurmastratégiedebasequijusque-làaplutôtbienfonctionné,fairecequejeveux,arrêterdetropcogiteretcomposeraufuretàmesure.

—J’aimeraisbienprendremonpetit-déjeuneravantcela.

Quel petit malin, il ne me demande pas, à moi, de prendre un petit-déjeuner, il me fait justeremarquerqueluiveutenprendreun,espérantsûrementquejel’accompagne.

Ilcommencetoutjusteàsereleverquandunevoixlehèledepuislequai,oupeut-êtrelapasserelle.

—OWEN!T’eslà?!

OhmonDieu,cettevoix,cen’estpaspossible,jenepeuxpasycroire.C’estunvraicauchemar.

14

—OWEN?!

Je lanceun regard complètement éberlué à celui qui nevapas rester longtempsmonhomme sijamaisj’aibienreconnulavoixderrièrelaporte.Ilal’airtrèsennuyé,sesyeuxalternententremoietlaporte.

—N’ENTREPAS,J’SUISPASTOUTSEUL!J’ARRIVE!

—JETESOUHAITEQUECESOITMASŒUROUUNPOTE,SINONÇAVACHIERPOURTAGUEULE.

—Qu’est-cequec’estquecebordel,Owen?!

Je suis dans la quatrième dimension. C’est Jessie, et il est là, derrière cette putain de porte, etclairementilconnaîtmonhomme.Jeluienavaisparlémaisjenelesavaisjamaisprésentésetj’avaisétéclaire,avecchacund’entreeux,jenevoulaispasqu’ilssecroisent.Pasmoyenquemonfranginpuisseéclaboussermavied’iciaveclesconneriesqu’iltraînederrièrelui.Jenesaisplusoùj’ensuis,prise entre lapaniquede le savoir ici alorsque jepensais avoir fait lenécessairepour l’éviter, lacolèrequ’ilaitfarfouillépourmettrelamainsurmonchérietlapeuràl’idéedelasoufflantequejevaisprendre.Pourl’instantiladûdirecettephrasepourplaisanter,ilnedoitpashonnêtementpenserquejesuisici,maisunefoisqu’illesaura,jenedonnepascherdemapetitecarcasse.

—Jevaist’expliquerp’titcœur,maislaisse-moid’abordmedébarrasserdelui.

—Tuvasluidirequoi?Tuveuxluidirequejesuislà?!

—Peu importe.Tume laissesgérerçaàmafaçon.L’essentielc’estqu’ilnous laisse tranquillespourlemoment.

—Pourlemoment?!Nonmaistudélires.Etnoncen’estpasl’essentiel,cequicomptec’estquetu

ne lui dises pas que je suis là, sinon il ne lâchera rien, il va venirmebotter le train comme je lemérite.

—C’estclairquetuleméritesetrienquepourça,jedevraisl’inviteràentreretprendreunboncafé.Doncpourunefois,etjesaisquec’estbeaucouptedemander,fais-moiconfiance.Jegère.

Son tonest plus sec et agacé, il va falloirque jeprenne surmoi et que j’acceptedenepas toutcontrôler.Pourl’instant.Jehochelatêteavecunairrésignépourqu’ilcomprennequejemerangeàsonavis,contrainteetforcéemaisbon…

Ilenfileprécipitammentsonboxerquitraîneausol,attrapeunpantalondejoggingetuntee-shirtplutôtmoulant.Sijen’étaispasaussistresséejeprendraislapeinedesavourerlepaysage.

Ilfoncevers laporteenpetitesfouléeset laclaquerapidementderrière lui.Je lesentendsparlermaisnedistinguepasclairementlesmots.Legenredechosequimerendtotalementdingue.J’attrapesontee-shirtduHardRockCaféetfileversl’entréepourjouerlesMataHari.Letempsquej’yarrive,jeréalisequeletonal’airdemonter,cequin’estpasbonsigne,sicen’estqu’àprésentjepourraiespionnerplusfacilement.

—Ouijesaismaistuauraisdûmeledire.Maintenantilfautquejem’occuped’elle.

—N’ypensemêmepas.Laisse-moifaire.Tusaiscommentelleest.

—Jem’enfous,çasepasserapascommeça.

— Je veux bien t’aidermais on fait ça àma façon, et pour l’instant tu la laisses tranquille, j’aibesoinqu’elle…

Etmerde,ilssontentraindes’éloigner,jen’entendsplustoutcequ’ilsdisent.

—Putainsijemarchet’as……Sérieux!

—Jete……

C’estfoutu,ilssonttroploin.Oualors…jevaisauniveaudusalonpourouvrirl’undeshublotsafindemieuxentendre,jeseraisûrementplusprèsd’eux.Maisilsrisquentd’entendrelemécanismed’ouvertureets’ilmevoit,plusrienn’arrêteramonfrère.

Me voilà condamnée à attendre en espérant quemon protecteur aura le derniermot. Je ruminealors que l’attente me semble interminable. Mais qu’est-ce qu’ils fabriquent ?! Qu’est-ce qu’ilsmijotentsurtout?Jedétesteça,ilsdoiventcomploterjenesaisquelplandiabolique.Oui,parcequesilemédecin-chefestdanslecoup,çanepeutêtrequediabolique.

Jefulminetouteseulealorsquejesuisàprésentretournéesouslacouette.Lepirec’estqu’Owenme laissait tranquille jusque-là, et que maintenant on va avoir une sérieuse discussion. Parce quemêmes’ildécidaitdemelaisserunrépit,jenepourraisclairementpasenfaireautant.S’ilnelefait,pasc’estmoiquilanceraileshostilités.

Heureusement que j’en ai bien profité cette nuit, parce que je ne suis pas très sûre de pouvoir

remettreçadesitôt.

Au bout de quelques minutes, interminables, la porte s’ouvre. Je me penche pour guetter si lemaîtredeslieuxrevientseulouaccompagné.

Le miracle absolu vient d’être accompli, il revient seul. Comment a-t-il pu réaliser un exploitpareil ?Qu’a-t-ilpromis?Négocié?Pireque tout, cette espècedecrapulevadirectementdans lacuisine pour se préparer son petit-déjeuner, l’air de rien. Il retourne contre moi ma techniquesatanique, celle qui consiste à faire comme si de rien n’était pour éviter une discussion. Ilme faitgoûteràmapropremédecineetjelatrouveindigesteaupossible.

Jebouillonneintérieurement,moncerveaufaitdesbullesettoutmonsystèmenerveuxcrépitealorsquecetortionnaireestentraindesefairegrillerdestartines.Jel’observescrupuleusement,essayantde percevoir la moindre indication dans son attitude, et alors qu’il se retourne pour déposer unebouteilledejusdefruitssurleplandetravail,sonregardcroiserapidementlemienetjelevoisalorsesquisserunpetitsourire…diabolique.

Çayest,ilestcontaminé,Jessiel’aaffranchisurlestechniquesd’emmerdementmaximum.Ilestsortimalàl’aise, ilrevientpresquetriomphant.J’aienviedelefrappertellementçam’agacedelevoirjubilerdelasorte.Ilal’airétonnammentdétendu,doncsoitiljouetrèsbienlacomédie,soitilacomprisqu’ilavaitlamainpourmefairetournerenbourrique.Ilvamefairerameretenplusilvaprendresonpiedenlefaisant.

—Alors?

—Alorsquoip’titcœur?

L’enfoiré ! Il fait semblant de chercher quelque chose dans le frigo pour se détourner etm’empêcherdevoir sonvisage.Çavautmieuxpour luiparcequesi jedistingueunsourire, jenerépondsplusderien.

—Hahaha.Trèsdrôle.Vraimentjesuismortederire.

—Quoi,tuvoulaisqu’onparledemonressentilorsdecesdeuxdernièressemaines?

Pfff,jenel’aipasvoléetjesaisdéjàquecen’estqu’undébut.

—Outupréfèrespeut-êtremeracontercequis’estpassédetoncôté?

Je prends surmoi pour ne pas péter une durite, il vient d’établir la règle du jeu, je vais devoirparlerlapremièresijeveuxdesexplications.

—Trèsbien.Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Jessiem’ajouéunvilaintourdecochon,pourresterpolie.Ilafomentéunplandiabolique,commed’habitude,maispourunefoisj’aiétéledindondelafarce.Ilm’atenduunpiège,aveclemédecin,memettantdevantlefaitaccomplienprofitantdufaitquej’yallaisavectoi.Jemesuissentieacculéecommejamais,priseentraîtreet…ouibahj’aigéré…comme j’ai pu.Mal,mais c’est tout ce que jeme sentais capable de faire à cemoment-là.Qu’est-cequetuveux?!Desexcuses?N’ycomptepastrop.J’avaisledroitd’êtreenrogneaprèstoiaussi.

Il me regarde, interloqué, il semble ahuri que je puisse lui en vouloir. Apparemment il necomprendpascequejeluireproche,parcequejevoisbienqu’ilnepercutepascomplètement.Ilmelancesaminequim’encourageàcontinueretàprécisermapensée.

—T’enveuxplus?!Bieennn.D’une,j’avaisledroitd’êtreenpétardaprèsleplanavecAmanda.Quoiqu’ilsesoitpassé–nonenfait,pasquoiqu’ilsesoitpassé,s’ils’estpasséquoiquecesoitquiimpliqueuncontactphysiqueoudesfringuesenmoins,tupeuxêtresûrquemondépartneserapastemporaire…

—Stop!Jet’arrêtetoutdesuite.Ilnes’estrienpassé,onavaitbienpicolépendantlasoirée,avecOliveretDimitrijeprécise,cen’étaitpasunrencard,justeunesoiréeentreamis.

—Uneamieavecquituasfinilasoiréecheztoi,quandmême!

—Çanes’estpaspassécommeça.Déjà,c’esttoiquejesuisvenuvoiraprèslasoirée.

—Etvuquejen’étaispasdispo,tut’esditquel’autrepoufferaitbienl’affaire!

—N’importequoi!D’abordjelesaiquittéspourvenirtevoiralorsqu’ilscomptaientallerdansunbarpourfinirlasoirée,etfinalementaprèsçaAmandaaeuunegalèreetelleestrestéepourqu’ondiscuteunpeu.

—Discuter?!Discuter?!T’essérieuxquandtumedisça?Ellesavaitquejen’étaispaslà?Ounon,uneautrequestionavantça,ellesaitqu’onestensemble?

Il veut parler, très bien, les vannes sont ouvertes et je vais lui balancer toutes les questions quim’onttorturéedepuisdeuxsemaines.

Iltentedeledissimuler,maisjeremarqueunaffreuxpetitsourireencoin,ilsembleserégalerdemevoirjalouse.Ilestvraiquecen’estpasunaspectdemapersonnalitéquejemontresouvent,ilfautdirequ’Owennem’enjamaisdonnél’occasion,maiscettefois…

—Alorsoui,ellesaitqu’onestensemble,jel’aiévoquédèssonpremiercoupdefil.

—Premier?!Doncilyenaeud’autres.

—Tumelaissesfinirs’ilteplaît,parcequemêmesic’estmignonquandtufaistajalouse,làçadevientunpeun’importequoi.Maispourrépondreàtesquestions,oui,ilyaeuplusieursappels.Onestamis,ons’appellerégulièrement.Doncdèscetappel,jeluienaiparléetellen’adoncriententé.Pourcontinuer,ouiellesavaitquetun’étaispaslà,c’étaitlaraisonpourlaquelleDimitrivoulaitfaireunesoirée,pourquejenerestepasseul.

—Luietsesidéesdemerdeaussi!Enfin,detoutefaçon,jeluienaidéjàtouchéunmot.

— Touché un mot, hein ? C’est moi qui dois te demander si tu es sérieuse, parce que j’ai euquelqueséchosetcen’étaitpasjusteunmot.Apriorituétaisplutôtbienremontée.

—Ouibah,j’étaissurlesnerfset…ilaprispourtoutlemonde.Mêmesiaufondc’étaitméritévulesplansqu’ilafaitsavecAmanda.

—Mouais, j’en suis pas si sûr. Ses intentions n’étaient pas aussi mauvaises que tu sembles lecroire,c’estuneamie,ill’apprécieaussietc’esttout.

—Etmonculc’estdupoulet?!Jel’adore,maisilchercheàfoutrelamerdeetjeveuxêtrecertainequ’ilsaitquej’aicomprissamanœuvre,etsurtoutquejen’appréciepas.

—Haça,poursûr,ilacomprisquetun’avaispasapprécié.Bref,j’essaiedefinir.Quandjesuisrentréellem’attendaitàlapéniche.Aprèsavoirquittélebaroùelleavaitbienarrosélasoirée,elleaétévictimed’unvolàl’arrachéetonluiapiquésonsac.Elleavouluretourneraubarmaislesmecsétaientdéjàpartis,etlapénicheétaitcequ’ilyavaitdeplusprès.Ellen’avaitniportable,niargent,nipapiers.Quandjesuisarrivé,ellem’aracontésagalèreetjeluiaiproposéderesterparcequej’étaistropbourrépourlaraccompagner,etjel’aidéposéeaucommissariatlelendemainmatinpourallerporterplainte.

—Ett’étaistropbourrépourpenseràluiappeleruntaxiquil’auraitramenéeàsonhôtel?

—Alorsàdirevrai,ouiunpeu.Etpuisc’estuneamie,ellevenaitdesefairedépouillerenpleinerue,elleétaitchoquéeetjemevoyaismallaremettresurletrottoir.–ExpressiontrèsappropriéeàmonsensquandonconnaîtAmanda–Onadiscuté,j’aiessayédelarassureretc’esttout.Elleapiquédunezdanslecanapéetyapassélanuit.

—Encoreheureux,sinonilauraitfallubrûlercelitavantquej’acceptederevenirdormircheztoi.Ceciétant,elleavaitl’airdebienrigolerquandjet’aiappelé.

—Oui,elleétaitjusteentraindesefoutredemagueuleparcequ’elleavuquej’étaismalàl’aisedeteprendreautéléphonealorsqu’elleétaitlà.Ilnes’estrienpassé.Tut’esénervéepourrien,etaufonddetoitulesaistrèsbien.

—Nonjesaisriendutout.Vousavezunpassécommunquimedonneledroitdeflipperquandjesaisqu’elletraînecheztoilanuitetquevousêtestouslesdeuxbienimbibésenplus.

Ilsoupireprofondément,ilsembleagacémaisjevoisbienquemonargumentafaitmouche.

—J’enconviens,maisreconnaisdetoncôtéqueçan’excusepastout.

Ilvientdemettreuntermeàmaphaseoffensivequiétaitpourtantmameilleuredéfense.C’estàsontourdejoueretd’exigerdesexcuses,auminimum.

—Jesaisquej’aimerdé,d’accord.Pasbesoind’insister.

—Tucroisquetuvast’ensortiraussifacilement?Turevienscommeunefleuraubeaumilieudelanuit,peut-êtremêmejusteparcequeteshormonestedémangentet…

—Heyhey!N’exagèrepas,c’estpasmoiquit’aisautédessus.Jesuisd’accordpourdirequejen’aipasbiengérémonretour,maisnem’accusepasd’être revenue justepourm’envoyeren l’air.Surtoutquec’esttoiquit’esjetésurmoi.

—Jeteretrouveàmoitiéàpoildansmonlitaprèsdeuxsemainesd’absence…Désolési j’aieuenviedetoi.

C’estpurementrhétorique,iln’estabsolumentpasdésolé.Encoreheureux.

—Bref,passons.Qu’est-cequetuveux?

Ilmelancecepetitregardquichercheàmeperceràjour.Iln’estpassûrdecedontjesuisentraindeluiparler.

— Des tas de choses. Un million d’euros pour commencer, ce serait bien. Une maison decampagne,unefemmesageetraisonnable…

—Pfff,tefouspasdemoi.Detoutefaçon,tuteferaischiersij’étaissageetraisonnable.

—Ouaisbah,yadesfoisoùj’aimeraisbienmefairechier.Neserait-cequ’untoutpetitpeu.

—Bon,vas-y,balance.Qu’est-cequetuveuxpourmeracontercequisepasseavecJessie?

—Yarienàendire.

Jerespireprofondément,essayantdepuiserenmoitouteslesressourcesnécessairespourgardermoncalme,cequirelèvedel’exploit.Jenesaismêmepaspourquoiiljouecepetitjeu,ilsaitqueçanepeutpasbiensepasser. Jemesenscommeun lionencage,prisonnièredemacolèreque jenepeuxpaslaisserexploser.Jerepousserageusementlacouette,melèveetfonceverslasalledebain.Jenepeuxmêmepassortir,aprèstoutjenesaispascequ’ilaconcluavecmonfrangin.Avecunpeude chance il est en train de m’attendre sur le pont. Je claque la porte, histoire de bien lui fairecomprendremonniveaud’agacementsanspourautanthausserleton.J’enlèvelepeudefringuesquej’aisur ledoset filesous les jetsd’eauchaudepouressayerderecouvrermoncalme.Quandmonfrèreestdelapartie,jegèretoutdesuitemoinsbienlasituation.Jedevraisêtrecapabledeprendresur moi, de considérer les choses avec le recul nécessaire, sans me laisser déstabiliser aussifacilement.

Troispetitscoupsretentissentcontrelaporte.

—Anouk,j’peuxentrer?

Savoixestdouceetamadoueuse,ilmeconnaît,ilsaitquelesujetesttouchyetqu’ilestallétroploin.

—Toutdépendàquelpointtutiensàtonintégritéphysique.

Ilfautcroirequ’iln’yestpasvraimentattachévuqu’ilentre.

—Anouk,j’aipasenviequeçasepassedecettefaçon.Onseretrouveetj’aienviequecesoitunebonnejournée,maisilfautqu’onmetteleschosesàplatettrèsfranchement,jedoutequetusoistrèscoopérative,surtoutsidemoncôtéjetedistoutcequetuveuxsavoir.

—Tuveuxmefairechanter?C’esttatechniquepourpasserunebonnejournée?

—C’estmatechniquepourtefaireparler.Écoute,jevaisêtreclair,onnepeutpascontinuerainsi.Tunepeuxpasmenertaviecommetul’entendssansjamaisprendremonavisenconsidération,pas

situveuxquejelapartage.Jeveuxavoirmonmotàdire,etenparticulierencequiconcernetasantéetlebébé.Tudoismeteniraucourant,tunepeuxpasmecacherdestrucsaussiimportantsquetonescapadeàl’hôpitalparcequetonnezpissaitlesang.

—«Pissaitlesang»!C’esttrèsexagéré.

— Pas si l’on en croit Dimitri. Mais là n’est pas le problème. J’ai besoin de pouvoir te faireconfiance,denepasm’inquiéteràchaquefoisquetuesseule…

Ilfermelesyeuxetrespireprofondémentavantdecontinuer.

—J’aibesoinderetrouverlesommeil,deretrouverlafemmequej’aime,pasjustelacachottière.J’ai besoin de te retrouver toi, complètement, qu’on partage cette épreuve ensemble et passéparément.

Sadéclarationmebouleverseetmeterrifie,parcequejesaisqu’ilaraison,etquejenesuispascertained’arriveràêtreàlahauteurdesesattentespourtanttrèslégitimes.

—Jevoudraisbienmais…Jenesuispassûred’enêtrecapable.

—Promets-moid’essayeraumoins.

Plutôtquederépondreetdeluifairedevainespromesses,jedécidedecommencertoutdesuiteàfaire des efforts. Bien qu’il ne s’agisse pas là d’une simple preuve de bonne volonté dema part,j’espèresurtoutentirerdesconfessionssursesrapportsavecJessie.

— J’avais vraiment besoin de prendre du recul. J’ai coupé mon portable parce que je saispertinemmentqueJessiepeutlelocaliser,etiln’étaitmêmepasenvisageablequ’ilmetombedessus.Contrairementàcequevoussemblezpenser,jesaisprendresoindemoietc’estcequej’aifait.J’aidoncétévoirunéchographisteetilaconfirmécequejesavaisdéjà,lebébévatrèsbien.

—Tuasétévoirl’échographiste?

—Toi,tuastropparléavecmonfrèreparcequesitusemblessisurprisc’estquetudoissavoirquejen’aipasétéàmonrendez-vous.Etiln’yenaqu’unpourêtreallésurplacevérifiersijemeprésentais. Je le connais trop bien pour ne pas avoir pris le risque de me pointer là-bas. Etapparemmentj’aibienfait.Jeferaitoutcequ’ilfautpourqueleschosessepassentbienpourcebébé.Jemesuiscontentéed’allerfairemonéchochezunautrepraticien,pasceluirecommandéparcettetraîtressedeParks.J’aifaitdesbilanssanguinspoursurveillerauplusprèsleséventuellescarences,etquandj’enaieubesoinj’aiutilisédes intraveineusesquejemesuisposéesmoi-même.D’oùlesbleus,parcequejenesuispasuneexpertepourcegenredeprocédure,etqu’auboutd’unmomentmespetitesveinesontététropfragilisées.

—Tun’aspasvudemédecin?

—J’aivuunmédecinpourmeprescrirelesperfusionsadéquates,maispasd’obstétricien.Lefaitestque j’aiundossierassezcompliquéetqu’iln’yapasdescentainesdedocteursquipeuventmeprendreenchargeetj’étaispresquesûrequelemédecin-chefétaitdéjàentraindegarderunœilsurlesprincipaux.

Lapetitemouequ’ilfaitmeconfirmequej’aivujuste.Jenesaispascequim’inquièteleplus,lesmesuresdéployéesparleroidescasse-piedspourmeretrouver,oulefaitqu’Owensoitaucourantdesesmanœuvres,cequiprouveàquelpointilssesontrapprochés.

Jefermelesyeuxetpassemonvisagesousl’eaupouressayerdem’apaiser,cequin’estpasgagné.Unpetitbruitmefaitsourireetmerendimmédiatementmabonnehumeur,laportedelacabinededouchequicoulisse.Ilseglissedoucementderrièremoietjen’aipasbesoindemeretournerpourvérifier qu’il n’a plus aucune fringue sur lui. Il a été drôlement rapide. Je sens chaque centimètrecarrédesapeaucontrelamienneetsurtoutlapromessed’unedoucheplusexcitantequerelaxante.

—Monsieur,sivouscroyezvousensortiraussifacilement,vousvoustrompez.Donc,vuquejesuistrèsgentille,jeveuxbienfairedespetitesfoliesavectoi,maisnecroispasquej’auraisoubliéquetumedoisdesinfos.

—Nonmaisc’esttoi,sit’arrêtespasdetefoutreàpoildanstouslescoinsdelapéniche,t’étonnepasquejetesautedessus.Etceciétant,j’aienviedecroirequesijem’yprendsbien,tupourraispeut-êtreenoublierdemeposerdesquestions.

Quand ses petitesmains baladeuses commencent à partir à l’aventure, je neme leurre pas, il agagnécettebataille,peut-êtremêmelaguerre,parcequemêmesansêtreaveugléeparmeshormonesjesaisquejel’aimetroppourpouvoirjamaismepasserànouveaudeluicommejeviensdelefaire.

15

Jenesauraispasexpliquerexactementpourquoi,maisdéfinitivementsesmainsontquelquechosedemagique.Oui,àceniveau,çarelèveforcémentdelamagie,jenepeuxpascroirequedesimplespattounes puissent me procurer autant de plaisir. Est-ce parce que ce sont justement les siennesqu’ellesme font tantd’effet ?Ouparceque leurpropriétaire connaît tropbienmoncorps etqu’iln’hésitepasutilisertouslespetitspointsspéciauxqu’iladécouvertsaufildutempsetdenosfollesséancesdesexeintensif?

Jesuisprisedansunétau trèsexcitant, la fraîcheurde la faïencedansmondos, lachaleurdesapeau contre ma poitrine. Je me retrouve rapidement avec les jambes autour de sa taille quand ilcommenceàétendresescaressesjusqu’àmesfessesqu’ilmalaxeavecferveur.Jenemesuispasposéde question en lui grimpant dessus et le petit sourire qu’il arbore alors qu’il m’embrasse trahitcombien tout cela lui plaît. Sa bouche se promène dansmon cou et je balancema tête en arrière,suspendueàceslèvresdontjeconnaisl’itinéraire.Maisilprendsontempsetjeretiensmonsoufflejusqu’àcequ’ilviennetitillercetendroitprécis,sousmonoreille,quimefaitcomplètementplaner.Ille sait et il en profite, en abuse jusqu’à ce que mes jambes soient en coton. Il pourrait presques’arrêterlà…non,fautpasexagérer,c’estdélicieux,c’estjouissifmaispasorgasmique,j’aibesoindeplus,delui,entièrement.J’aibesoinquel’onfusionne.Maispourl’instantjen’ainilaforcenilavolontédel’interrompre,cequ’ilmefaitestsiagréablequ’ilpeutfairedurerleplaisirtantqu’illeveut, tantque je suis sûred’enavoirplusensuite.Bon, finalement jen’ai riendit, il faitmonter lapression enmoi,mesmuscles se crispent et il est clair que je n’aurai pas le couragede le laissercontinuerainsisanslepousseràaccélérer leschoses.Jusqu’àprésentsesdeuxmainsétaientprisespour me soutenir, chacune sous une fesse, mais il décide de libérer l’une de ses mains pourenvelopper mon sein. Il m’excite furieusement alors que de petits gémissements m’échappentlorsqu’ils’attardesurmontéton.Ilsaityfaireet ilenestconscient.Ilsouritdeplusbellequandilvoitl’effetqu’ilproduitsurmoncorps,etjenepeuxm’empêcherd’enfaireautant,leplaisirqu’ilmedonne, son bonheur évident, cette symbiose parfaite, je me sens trop bien pour ne pas affichercombienjesuisheureuseencetinstant,danssesbras.Ilfautqu’ilpasseàlavitessesupérieure,etvite,car toute la tension accumulée a besoin d’exploser avant que mon corps ne soit victime d’unecombustionspontanée.Jeposemeslèvressurlessiennes,passionnément,frénétiquement,mesongles

s’accrochentdanssondos,luiarrachantungrognement.Ilnevapasassezviteàmongoût,maisdanscette position je ne peux pas me saisir de sa baguette magique pour faire disparaître toute cettepression.

Jeparvienstoutjusteàconnecterquelquesneuronespourpouvoirluichuchotermarequête.

—Owen…

Jen’arrivemêmepasàarticulerlasuite.

—Oui?

Ilestessoufflémaiscelanel’empêchepasd’afficherunemouetaquine,ilsaittrèsbienoùjeveuxenvenirmaisilveutmel’entendredire.Jepeuxcomprendre,certainsmotsdanslabouchedel’autrepeuvent avoir un pouvoir aphrodisiaque démentiel. Je me suis déjà vu jouir en l’entendant mesusurrerdeschosesérotiquesaumeilleurmoment.

Cecidit,j’aibeaucoupdemalàrassemblermesespritspourluisignifiercedontj’aienvie.

—Owen,s’ilteplaît.Vas-y…j’aitropenvie.

Jen’osepasluidirequej’enaimalauventre,tellementmesmusclessontcrispésenl’attendant,jenevoudraispasqu’ilpaniqueetsurtoutluicoupertouteenvie.

Samainsousmesfessesglisselégèrementetsonpoucevientcaressermonintimitépourjaugerdemon degré d’excitation. Je ferme les yeux pour savourer ce contact, qui a tout intérêt à être lesprémices de quelque chose de plus intense. J’attire son visage vers le mien et mords sa lèvreinférieure,jeveuxqu’ilcomprenneàquelpointjesuisàcranetcombienj’aibesoindelesentirenmoi,lui,profondément.Ilricanedoucement,maisilestclairqu’ilacomprisquandjeremarquequ’ilmelaisseglisserlelongdesoncorpspourpressersonsexecontrelemien.Enfin…Ilmecomprimecontre lemur,etcettefoisseshanchesbasculentpourmepénétrer totalement.Jen’aimêmepasdemotpourexprimeràquelpointjesuisbien,c’estavecluiquejemesensmoi,complètement.

Sesmouvementssontdouxetj’ail’impressionqu’ilsecontient,qu’iln’osepasselâcheretlaisserlibre court à ses pulsions, et malheureusement, dans cette position, je n’ai pas la possibilité dereprendrelamain.

Jegriffesondos,paspourluifairemalnipourl’exciter,justepourm’accrocheràcetteboulequigonfledansmonbas-ventreetquirisquedes’évanouirs’ilnesedécidepasàarrêterdememénager.Heureusement, ilcomprendcequemoncorpsluiréclameet ilaccélèrelacadence.Plusmoncœurs’emballe,plussonrythmes’intensifie,etjeréalisequ’ilselaissedeplusenplusporterparsondésiretdemoinsenmoinsparsatête.Ilperddoucementlecontrôleetmoilaraison.Toutmoncorpsseresserreautourdelui,mesjambestremblent,etquandjesensqu’ilcommenceàsecrisperetqu’ilestbord de l’explosion, un orgasmedévastateurm’emporte. Ilme rejoint immédiatement dans ce purmomentd’extase.

Jesuistouteflagada,etheureusementqu’illuirestesuffisammentdeforcespourmesoutenir,carmesjambesnesont,pourl’instant,pluscapablesdelefaire.Satêteestenfouiedansmoncoupendant

qu’ilreprendsonsouffleetilenprofitepourydéposerquelquesbaisers.

Sesmainsme libèrentdoucementet je restecramponnéeà sanuqueenattendantd’être sûrequemespetitesguibolesnevontpasmelaisserenplan.

—Çavap’titcœur?

Vuleregardcoquinqu’ilmelance,ilnes’inquiètepasdesavoirsijesuisenforme,maisplutôtsicettepetiteséanceétaitàmongoût.

—J’enrevienspasquetumeposeslaquestion.Tumeconnaispas,c’estpaspossible!

—C’étaitpourlaforme,jesuisassezsûrdet’avoiremmenéelàoùjevoulais.

—Arrêtedesourirecommeça.

Je lui donne une tape sur le bras et détourne légèrement les yeux parce qu’ilm’embarrasseraitpresqueavecsa façondem’observer, avecce regardd’hommefierd’avoir fait jouir sa femme. Ils’écartelégèrementpourattrapermonéponge,maisquandmesmainssedétachentjesensqu’ils’estsauvétropvite.

—Attends!

Jem’accroche à sonbras parceque je neme senspas tout à fait stable, et ce qui devait arriverarriva,lapaniques’installesursonvisage.

—Qu’est-cequisepasse?Çanevapas?Jet’aifaitmal?

Jelèvelesyeuxaucielpouressayerdeluifairesentirqu’ilestridiculeetdédramatiserlasituation.

—Ducalmecow-boy,yapasdesouci,c’estjusteque…rhaaa,c’estnuldedevoirdireça…

—Quoi?!Qu’est-cequ’ilsepasse?

Çanel’amusepas,ilnevoitpasoùjeveuxenveniretilesttoujoursinquiet.Jevaisdevoirdireleschosesplusclairement.

—C’est justequej’ai les jambesencoton,OK?C’étaitbon, trèsbon,et…enfin, tucomprends,quoi!

Ilsourit,ilacomprismaisçanel’empêchepasd’insister.

—Nonjevoispas,explique-moiça,s’ilteplaît.

Jeluidonneuncoupsurlepectoralgaucheavecmonpetitpoing,cequidéclencheunriresonorequejen’avaispasentendudepuislongtemps…depuis…troisans.Quandj’ypense,jenel’aipasvuhilared’unefaçonaussifrancheetdétenduedepuisquejesuisrevenue.J’espèresincèrementnepasêtrelacausedetouteslesinquiétudesquilepriventdeceriresidélicieux.Bon,disonsquej’espèrenepasêtrelaseulecause,parcequ’ilestévidentquej’ysuisforcémentpourquelquechose.Jechasse

cette idée demon esprit, je ne veux pas gâcher cet instant trop précieux. Il raffermit son étreinteautourdemoietfinitparpasserunbrasdansmondosetl’autresousmesjambespourmesoulever.

—Hé!Qu’est-cequetufais?!

—Çasevoitpas?!Jetecroyaisplusmalignequeça.Jet’emmènetereposer.

—Arrête,ilfautquejemesèche.Jesuistoutemouillée.

—Dispasça,çamedonnedesenviescrapuleusesquejenepeuxpasassouvirtantquetun’aspasreprisdesforces.

—T’esbête.

—Redis-moiçadansdeuxheures,pourvoir!

Ilplaisante,maisunefoisquemonshootd’endorphinesneferapluseffet,iln’estpasditquejenetenteraipasmachance.Sic’estmonsésamepourunenouvelleséancededéfonceorgasmique,jenesuispasprêted’oubliercetteformulemagique.

Ilmeposesurleplaidétendusurlelitalorsquejesuistrempée.

—Nebougepas,jerevienstoutdesuite,j’vaisprendredequoitesécherunminimum.Faudraitpasquetuprennesfroid,quandmême.

Jematesonpetitculfermeetsexys’éloignerenpetitesfouléesverslasalledebaindelaquelleilressort,deuxserviettesàlamain,etpasunseulcarrédetissusurluiquipourraitgâchercettevision.Ilestlavirilitéincarnée,samusculaturemecaptive,maisjedoisreconnaîtrequ’ilad’autresattraitsquineme laissentpasdemarbre,etvusa tenue,cenesontpassesyeuxquioccupent leplusmonesprit.

—Jerêve,oùtuseraisprêtàremettreça?

— Tu t’es vue aussi ?! Si tu restes comme ça, toute nue et toute mouillée… je décline touteresponsabilitéconcernantlesévénementsquivontsuivre.

—Maisbiensûr.Disdonc,quim’adéposéeicisansmelaisserletempsdemesécheroud’enfilerquoiquecesoit?Aufinal,c’esttoileresponsable.

—Tucroism’avoiraveccegenredesophisme?Toncorpssexy,taresponsabilité.

Ilest tropfierdesablagueetducoupjememéfieunpeuquandils’approchedemoi, jenemesenspascapablederemettrelecouvertaussivite.

— C’est bon, détends-toi, je vais pas te sauter dessus. Tiens, mets cette serviette autour de tescheveuxpendantquejetesèche.

—Passûrequejeveuilleprendrelerisquedetelaissermefrictionnerpartout.

Ilrigolemaisçanel’empêchepasdes’atteleràlatâche.Ilmefrotterapidementlesbrasetledos,maisfaitpreuvededouceurquandils’approchedemapoitrineetfinitpars’arrêteravantd’atteindremon ventre. Ses yeux se fixent sur mon nombril et son air songeur m’attendrit instantanément.J’adorerais savoir ce qu’il se passe dans sa petite tête. A-t-il peur ? Est-il inquiet ? Quel avenirimagine-t-il ? Est-ce qu’il préférerait une fille ou un garçon ? Est-il toujours aussi sûr de luimaintenant que les choses se précisent ?Misère ! Il ne fait pas bon être dans ma petite cervelle.Définitivementjecogitetrop.

Il finitparse ressaisiret termined’éliminerchaquepetitegoutteletted’eausurmapeau,et jenemanquepasderemarquerqu’inconsciemment,ilpassesalanguesurseslèvresàplusieursreprises.Ilsoulèveunborddelacouettepourm’indiquerqu’ilveutquejem’installebienauchaud.

—Anouk…

Jen’aimepasquandilditmonprénomsuruntonaussisérieux,çaneprésagejamaisriendebon.

—…jevoulaistedire,sitoutàl’heurejen’aipasmisdepréservatif,c’estquej’aifaitdestests.J’ai vu que tu en avais fait avec ton dernier bilan sanguin etmême si j’étais sûr d’être clean, j’aipréféréenfairepourterassurer.

— Je n’étais pas inquiète, je te connais assez pour savoir que tu nem’aurais pas fait courir lemoindrerisque,maisc’estgentil.

—L’enveloppeestsurmonbureausituveuxyjeterunœil.

—Tuplaisantes,jet’aiditquejen’avaisaucundoute,situmedisquetoutvabien,c’estquetoutvabien.Àceniveau-làjetefaiscomplètementconfiance.

—J’aibiennotélapetiteprécision,«Àceniveau-là».Pourquoi,ilyadessujetssurlesquelstunemefaispasconfiance?

Heureusementquejelevoissourire,sinonjepourraisfacilementcroirequejel’aivexé.Maisc’estlavérité,étantdonnésesnouveauxrapportsavecmonfrère,ilyaunoudeuxpointssurlesquelsjenelecroiraipassursasimplebonneparole.

—Enparlantd’enveloppe,j’enaiuneaussipourtoi.

Jeremarquequej’aipiquésacuriositéetquematechniquedediversionfonctionne.

—Oùtuvascommeça?!

—Jevaischerchermonsac,elleestdedans.

—Bougepas,resteauchaud,j’yvais.

Ilsedirigeverslecanapéoùj’aiabandonnémonfourre-tout.Ilmimelemecquidoits’yreprendreàtroisfoispourréussiràlesoulever.

—Maisqu’est-cequetutrimballeslà-dedans?C’estpaspossible,yadesbriquesoudeslingots

d’or?

—Hahaha.Jesuismortederire.Jesuisunenanaetj’aibesoindequelquespetiteschosesavecmoiquandjebouge.Surtoutquandjeviensici,jenesuisjamaissûredecombiendetempsçavameprendrepourréussiràt’échapperetrentrerchezmoi.

Ilsourit,certainementparcequej’aimisàjoursonplan.

—Bonalors,qu’est-cequetuaspourmoi?

Jesorsunepetiteenveloppesurlaquellesonnomestécrit.J’avaisprévudelaluidonnerdepuisunmoment,mais jene savaispas encore si je la lui remettrais enmainpropreou si je ladéposeraisquelque part pour lui faire une surprise plus tard. Il la prend, la secoue et finit par l’ouvrir. Il sedécomposeendécouvrantlecontenu,ilnes’attendaitpasàcela.

—C’estp’titbout?

—Soitça,soitl’échographisteestunpetitcomiquequim’arefilélesclichésd’uneautrenana.

—Trèsdrôle.Etilvabien?

—Oui, je te l’aidit, toutva trèsbien.Tusaisquoi, tiens,prendscettepochette, tumelarendrasplustard,c’estlecompte-rendudel’écho.T’astouteslesmesures,lerythmecardiaqueettoutcequivabien.Commeça tupourras étudier ça tranquillement, tupourras solliciter l’avis dequi tuveuxpourêtresûrquetoutestbon.

—Mêmedetonfrère?m’interroge-t-iltoutensoulevantunsourcil.

Ilsedoutecertainementdemaréponse.Jetrouvesamanœuvrebienaudacieusequandonconsidèrelesrelationsquel’onentretientencemoment.Etenparticulieraprèslarévélationdecematin.Maiss’ilveutm’entraînersurceterrain-là,pasdeproblème,jen’attendsqueçapourl’interroger.

—Enparlantdeça…

Illèvelesyeuxauciel,ill’avaitvuvenir.Ilad’ailleursdûregrettersesparolesaussivitequ’illesaprononcées.Ilvoulaitmetaquineretilaétéunpeutroprapide.

—…Ilmerestecombiendetemps?Uneheure,deuxpeut-être,avecdelachance?

—Dequoi?

—Avantquemonfrèrenedébarque.

—Femmedepeudefoi!Jet’aiditquejem’enoccupais,doncnet’enpréoccupepas.

—Maisbiensûr!Allez,balance.Tusaisquetumedoisdesexplications.

—Est-cequeçachangequelquechose?Jeleconnaisetvoilà.Sit’aspasenviequejelecôtoie,ehbiend’accord,jeferail’impasseetpuisc’esttout.

—Tucroissérieusementquejevaismecontenterdeça?

Ilfaitunepetitemimiquequiveutbiendirequ’iln’apascruuninstantqueçapourraitfonctionner.Aprèsquelquessecondesdurantlesquellesilgardelesilence,jefinisparcontinuer.

—Fautquejemèneuninterrogatoireoututedécidesàmeraconterdetoi-même?

—C’estpourçaquetut’esmontréeloquace,parcequetuespéraisquejeferaispareil.

—C’étaitunpeuledeal,non?

Illèvelesmainsensignedereddition,soupireetselanceenfin.

—Quandtuespartie, ilaessayédejoindreleDrParkspoursavoircequelerendez-vousavaitdonné, et elle lui a expliqué cequi s’était passé.Quand tu l’as appelépour le voir dans le parc, ilpensaitque tuallaisgrogneruncoupmaisqueça irait.Saufque tu lui asposéun lapin, et il s’estdoutédecequetupréparais,maisilestarrivétroptardàl’hôtel.Tuavaisdéjàtoutembarqué.T’asétésacrémentefficaced’ailleurssurcecoup-là.

InutiledeluiparlerdeMariaetd’avouerquecettesuperefficacitéestlasienne.

—Auboutdedeuxjours,quandtunet’espasprésentéeàtonrendez-vouschezl’échographiste,ilacommencéàvraiments’inquiéteretils’estpointéici.Çan’apasétédifficilepourluidemetrouver,tuluiavaisditquejevivaissurunepénicheducôtédel’îleSaintLouis,etilavaitmonprénom.

—Jesavaisqu’ilpouvaittetrouvertrèsfacilement,j’espéraissimplementqu’ilseconformeraitàmonsouhaitetneleferaitpas.

—Pourquoi?Ilestsympa,qu’est-cequit’embête?

—Disons qu’il a des fréquentations que je tiens à éviter, et si jamais il les entraînait dans sonsillage,jepréféreraisnepasêtredanslesecteur,moi,nipersonnedemonentourage.

—Tusais,jesuisungrandgarçonquisaitsedéfendre.

—C’est pas le problème avec ces gens-là. Il sait qu’il va au-devant de gros emmerdesmais ilpersiste, et un jour ou l’autre il va payer l’addition, et je ne tiens pas àme retrouvermêlée à sesproblèmes.Surtoutmaintenantquejesuisenceinte.Bref,continue.

—Yapasgrand-choseàdire, il s’estprésenté,m’aexpliqué lasituation,mais je laconnaissaisdéjàvuquej’avaisessayédet’appeleràl’hôtel.Ilespéraittetrouverici,bienqueçaluisemblaitunpeutropfacile,teconnaissant.Onaunpeudiscuté,échangénosnumérospourseteniraucourantsil’undenousavaitdesinfosetc’esttout.

—Vousvousêtesappelés?

Je pose la question pour la forme, j’en suis certaine, les quelques mots que je les ai entenduséchangerétaienttropfamilierspourqu’ilsn’aientdiscutéensemblequ’uneseulefois.

—Deuxoutroisfois,quandilpensaitavoirunepiste,ilm’eninformait.

—Tuluiasditquandjet’aiappelé?

—Non.Jel’auraispeut-êtrefaitaujourd’hui,maishierjen’airiendit.

—Pourquoi?

—C’estimportant?

—Non,j’aijusteenviedesavoir.

—J’ensaisrien,j’avaispasforcémentenviedepartagerçaavecquelqu’und’autrequetoi.

Jesensqu’ilestarrivéauboutdecequ’ilvoulaitbienmeraconteretmêmesij’aimeraisluiposerdavantagedequestions,jedécidedel’épargner,commeill’afaitavecmoi.

—Tun’espascensébosseraujourd’hui?

—Si,maisj’aiétéretenuparuneenquêteusedecharmedontj’espéraispouvoirprofiterpendantlerestedelajournée.

—Çadevraitpouvoirs’arranger,lematou.

16

—Décroche.Çafaitdéjàtroisfoisqueçasonne.

—Ons’enfoutp’titcœur.C’estpasagréable?!

Jerefermelesyeuxetesquisseunsourire.Allongéesurleventre,jesavourelemassagequ’ilmeprodigue alors que nous sommes enveloppés dans notre bulle musicale avec l’interprétation deFeelingGoodparMuse,sirévélatricedemonbien-êtreentresesmainsexpertes.J’enprofited’autantplus que je sais que je ne pourrais bientôt plusm’installer dans cette position avecmapetite babybump,commeill’appelle.Ilestassissurlebasdemesfessesencorenues,sanspourautantyreposerdetoutsonpoids,etpétritmespetitsmusclestouttendus.

— C’est trrrrrrrèèèès agréable, ronronné-je. Mais c’est peut-être important, quelqu’un pour lagalerie,ouj’ensaisrien.

—OHMERDE!Ohc’estpasvrai!J’aicomplètementoublié!

—Qu’est-cequ’ilya?

—J’avais rendez-vousavecDimitrietCarlospour finaliser l’achatde lanouvellegalerie. Ilestquelleheure?

Ilbondithorsdulit,enfilantàlahâteunpantalonpendantquej’attrapemonportablequiestsousmonoreillerpourluiannoncerqu’ilestplusdeonzeheures.

—Etmerde,ondevaitseretrouverilyadéjàunedemi-heure.Allezbouge-toi,passeuntrucvitefait,onyva.

—«On?»

Je lui lancemon regardmi-amusé, mi-dubitatif. Nonmais franchement, petit monsieur, il a vujouerçaoùqu’ildécidaitdemonplanning?Maisjenesuispastropenpositiondefairemamaligne.Jenevaispascommenceràlerembarreràchaqueparole,justeparespritdecontradiction.

Jemelèveetenfilemesaffairesdelaveilleetlalingeriederechangequej’avaisemmenéeavec

moi.

—Tuneveuxpasvenir?

—Maissi…

—C’esttout?Çavaêtreaussifacilequeça?Tuvaspasgrogneretargumenter?

—Plains-toi!Maissiçapeuttefaireplaisirj’peuxronchonner.

—Non,non,c’estbon,jevaisprofiterdecetteaccalmie.Jevaislesrappelerpourleurdirequ’onarrive.

Ilattrapesontéléphonesurlatablebasseetpassesonappeltoutencontinuantdes’habiller.

—Ouic’estmoi…Ouijesais…J…j’arrive,jesuislàdansdixminutes.Ouic’estbon…Maisnonc’estbon,saufsivousaviezautrechosedeprévu,danscecas-làonseretrouveplustard…OK,jemedépêche.

Jefileverslasalledebainpourmebrosserlesdentsquandilm’interpelle.

—Anouk!Tunevoulaispasregrignoteruntrucavantd’yaller?

—Non,c’estgentilmaispaspourl’instant.Jemeprendraispeut-êtreuntrucplustard.T’inquiètepaset finisd’attacher lesboutonsde tachemiseavantque jenedécidede temettreencoreplusenretard.

Je lui lance mon petit regard gourmand pour détourner son attention et il semble que celafonctionne.Oupeut-êtrequec’estlesimplefaitqu’ilsoitàlabourre,luiquimetunpointd’honneuràêtreponctuel.Unefoisprêts,nousfilonsverslaporteetj’aiuntempsd’arrêt,unehésitation.

—Qu’est-cequ’ilya?T’aschangéd’avis?

—Non,non,c’estbon,onyva.

—T’inquiètepas,ilestvraimentparti,iln’estpasrestéàt’attendresurlepont.

—Qui?

Jesaistrèsbiendequiilparle,c’estexactementcequej’avaisentêteetjem’étonnetoujoursqu’illiseenmoiaussifacilement.

—Tonfrère.Cen’estpasçaquit’aralenti?!

Cen’estpasunevraiequestion,ilsaittrèsbienquec’esteffectivementcequej’avaisàl’esprit.Jesourisavantdeluirépondreenfaisantmapetitemouechipie.

—Non,pasdutout!

Jefinisparrireetilenfaitautant,ilsait.Ilprendmamainetm’entraînedanssonsillageàl’assautdespavésparisiens.

Ilmarcherapidementmais finitpar ralentirquand ilvoitque jesuisobligéede trottinerpour lesuivre.Ilembrasseledosdemamainqu’iltientdanslasiennesanspourautants’arrêterd’avancer.

Enarrivantauxabordsdelagalerie,jeressensunlégermalaise,jesaisquejevaismeretrouverface à Dimitri alors que notre dernier échange n’a pas été très cordial. Bon OK, j’ai même étéfranchementagressivemaisilnel’avaitpascomplètementvolénonplus.

—Qu’est-cequisepasse?

—Quoi?

—J’ensaisrien,tuasl’airnerveuse.Çava?Sic’estàcausedeJessie,jet’aiditquej’avaisfaitlenécessaire, il ne va pas débarquer comme ça.Tune le verras que quand tu auras décidé que tu esprête.

—J’aidumalàlecroire,maiscen’estpascequimecontrariepourlemoment.Jesaisquetuasraisonquandtuasditquej’yaiétéfortavecDimi…etmaintenant…

—Haça!Oui,ilvafalloirassumerunminimumdechoses,mabelle.Toutlemondenepeutpasêtreaussicoolquemoi.Detoutefaçonautantfairefacetoutdesuite,plustuferastraîner,plusceseracompliqué,alorsmieuxvautcreverl’abcèsauplusvite.

Ses doigts se resserrent autour desmiens alors que les deux pros de l’immobilier entrent dansnotre champ de vision. Quand je croise le regard de notre ami qui s’obscurcit, je réalisequ’effectivement,toutlemonden’estpasaussicoolquemonchéri.Owencommenceimmédiatementpars’excuserdesonretardtoutenserrant lamaindechacun.Petitmomentdesolitudequandvientmon tour d’en faire de même, je fais la bise à Carlos, et quand je me tourne vers Dimi, pleined’hésitation,c’estluiquisepencheversmoipourm’embrasser.Unepetitebisepoliequin’arienàvoiravecnosembrassadeshabituelles,maisbon,toutn’estpeut-êtrepasfichu.

Tout le monde entre et les garçons se dirigent vers le bureau pour étudier toute la paperassependantque je restedans lasalleprincipale.J’enprofitepoursortirmonordinateurdemonsacetm’installerauniveauducomptoirsurlequelj’ail’habitudedemeposer.

J’aiprisbeaucoupderetarddansmontravailetjesuisétonnéedenepasavoirencoreétéharceléedecoupsdetéléphonedelapartd’Enid.Jedécidedoncdejeterunœilàmesmailsetiln’yapasnonplusdenouvellesdesapart.C’enestpresquelouche.Serait-ceunestratégiedesapartpourm’obligeràl’appeler?Sic’estlecas,elleestplusfutéequejenelepensaisetçamarcheraitpresquesijenesavaispasquejerisquedemeprendreunesoufflantedanslafoulée.J’ouvrelefichierdemonromanen cours tout en sachant que je n’arriverais à rien pour l’instant. Je suis enmal de sérénité pourpouvoirécrire,jenefaispaspartiedespersonnesquiontbesoind’êtredesâmestorturéespourcréer,çapolluemacréativité,quandquelquechosemecontrarieçam’obnubilecomplètementetnelaisseplusdeplacepourquoiquecesoitd’autre.Etsij’insistemalgrétout,monhistoiredériveloindesonplan initial,versmespréoccupationsdumoment. Je relismesdernières ligneset tentede réfléchirauxdifférentesdirectionsque je pourrais prendre, jemets quelquesnotespourplus tard, quand je

seraidansdemeilleuresdispositions.Jesuisinterrompuedansmesréflexionsparuncouplequientrepour visiter la galerie. Je les salue poliment, et sentant qu’ils n’ont pour l’instant pas envie decompagnie,jeleslaisseexaminerlesœuvrestranquillement.

J’entendsdespasapprocheret jesoupçonneraispresquemonchéridevenirvoirsi jem’occupeconvenablement de sa clientèle, mais au fond je sais qu’il me fait assez confiance pour ne pasrappliquer aussi vite.Mon impression se confirme rapidement quand je voisDimitri arriver et sedirigerversmoi,l’airunpeuembarrassé.

—Owenvoulaitquejeviennevoirsituavaisbesoind’aideaveclesvisiteurs.

Queltraître,ill’afaitexprèspournouspousseràdiscuter.

—Ilt’abieneu,ilsaittrèsbienquejen’enaipasbesoin,ilvoulaitjustequetuviennes.

—Etpeut-êtrequejelesavaisetquec’estcequejevoulais.Unebonneexcusepourvenirtevoir.

Jememordslalèvre,jemesensbêted’avoirpulesous-estimeretsurtoutdemeretrouveraupieddumur.S’ilestvenu,c’estpouravoiruneexplication,desexcusesaussi,trèscertainement.

—Jenepensaispastetrouverlàcematin.Tuesrevenuequand?

—Cettenuit.Je…cettenuit.

—Tuasfaitquoipendanttoutcetemps?

La discussion prend une drôle de tournure, je ne pensais pas que j’allais devoir lui rendre descomptes,àluiaussi.

—J’airuminémacolère.

Autantmettrelespiedsdansleplatdirectement.Pasbesoindefairedurercetteattente.

—Etyavaitdequoifaire?Deuxsemainesçat’asuffi?

Quellepeaudevache!Jepensaisqu’ilseraitaussiembarrasséquemoi,vutouslesreprochesqueje luiaibalancés,mais ilprendplaisiràmetaquiner,alorsquefranchement je le trouveassezmalplacé.Fautcroirequejenel’aipastantvexéqueçaaufond,etdanscecas-làautantquej’enprofite.

—Pourt’excuser,pasvraiment.Jen’avaispasprévudetevoirtoutdesuite.JesuisrevenuepourOwen.

—Tuveuxparlerdeça?Directement?

Houu!Finalementiln’aplusl’airdeleprendreaussibien.

—Bah,àmoinsquetunesoisprêtàfairecommesicesdeuxdernièressemainesn’avaientjamaiseulieu…

—Çavaêtredur.Tuaseudesmotstrèsdurs.

—Jesais,j’aipeut-êtreététroploin,maisj’étaisvraimentencolère.Pasquecontretoi,maistuaspris pour tout lemonde.Alors je veux bienm’excuser pour la forme,mais pas pour le fond. TucherchesàfoutrelamerdeavecOwenetçanemeconvientpas.

—L’histoireavecAmanda,cen’étaitpasvolontaire,c’étaitjusteunesoiréeentrepotesetj’ypeuxriensielleafinisurlapéniche.

—Tuvois,turecommences,tumetsledoigtlàoùçafaitmal,ouplutôtlàoùçafaitchier.

—Tuveuxqu’onenparle,c’estcequejefais,etc’estcemomentquiamis lefeuauxpoudres,doncjem’enexplique.

—Iln’yapasquecelaettulesais.Ilfautquetuarrêtes…tusais.Tusaistrèsbien.S’il teplaît,passeàautrechose.Soisjustel’amimerveilleuxquetusaisêtre,sansarrière-pensée.EtsurtoutarrêtedepolluermarelationavecOwen,jefaisdéjàçatrèsbientouteseule.

Cettedernièreremarqueluiarracheunsourire.

— Je t’assure que c’est pas volontaire mais je vais faire des efforts. Si tu es bien sûre de tonchoix…

—Tumeposessérieusementlaquestion?

—Oui,parcequemêmesijesaisquevoussemblezfaitsl’unpourl’autre,jeveuxquetusachesquetuasd’autresoptionsetquejeseraitoujourslàpourtoi.Commeami,situneveuxm’offrirqueça,ouplussituenasenvie.

Jesuisestomaquéeparcequej’entends.Iln’avaitjamaisosémefairepartdesessentimentsaussiclairement.Toutn’étaitquesous-entendusetinsinuationsetc’étaitaussibien,jepouvaiscontinueràfairecommesiderienn’était,commesijenesavaispascequ’ilressentaitetéviterainsitoutmalaise.Jevaisdevoirchangerdemodusoperandipourunefoisetfaireface.

—Dimi…Je…

—Pourunefoistunesaispasquoidire.C’estunjouràmarquerd’unepierreblanche.

Ilessaiedegarderlesouriremaisjesuissûrequ’aufonddelui,iln’estpasaussidétenduqu’ilveutlelaisserparaître.Sadernièrerévélationlégitimecomplètementsonmalaiseetjevaisdevoirpeserchaquemot.

—J’ailesmots,jevoudraisjusteêtresûredelesdiredelabonnefaçon.Tuesunamiprécieux,monboulet,etjeneveuxpasteperdre,maisiln’yaurajamaisriend’autrequedel’amitiéentrenous,jeneressenspaspourtoicequetusembleséprouverpourmoi.Çam’ennuiepourtoi,maissituesprêtàtecontenterd’uneamitié…Jenedemandepasmieux.

Mêmesidésormais,jenesuispluscertained’arriveràmesentiraussiàl’aiseensacompagnie.

—Jetel’aidit,sic’estcequetuveux,jeferaiavec,commejel’aitoujoursfait.

J’aimerais leprendredansmesbras, le remercier,mais jen’aipas lecœurà faire semblant.Aumieux,jeluioffreunsourirequin’ariendetrèsspontanéetnaturel.J’espèrequel’ondépasseravitecestadecarsinon…jenevoispascommentonpourraitparlerd’amitiésil’onéprouveconstammentdelagêne.

Ilattrapemamainetydéposeunpetitbisou.Ildoitcomprendrequ’ilesttroptôtpourmeprendredanssesbrasetpourjouerlacartedelagrandecomplicité.

Cetinstantauraitpuvitedevenirembarrassantsijen’avaispasremarquéquelecouplequiestentréquelquesminutesplustôtsembleattendrequel’onviennedésormaiss’occuperd’eux.

—Excuse-moi,ledevoirm’appelle.

—Vas-ymaboulette.

Son sourire me paraît assez naturel pour croire qu’il est sincère quand il dit qu’il pourrait secontenterdemonamitié,cequimerassure.

Jeprendsletempsdediscuteraveclesclients,leurprésentantdanslesgrandesligneslacollectionàlaquelleilss’intéressent.Unechancequ’ils’agissedepiècesquisontlàdepuisunmomentetdontOwenaeul’occasiondemeparleràplusieursreprises.Maisquandlaquestionduprixestabordée,jesuisobligéed’aller chercher lemaîtredes lieuxpour traiterde cepointque jenemaîtrisepas. Jem’excuseletempsd’allerverslebureauchercherdesrenforts.

—Excusez-moilesgarçonsmaisj’aibesoindetoi,j’aidesclientsquisontintéressésparlagrandetoiledetroissurtrois.Ilsveulentconnaîtreleprix.

—OK,j’arrivedansdeuxminutes,onaterminé.

Jem’apprêteàrepartirpourtenircompagnieànosvisiteursquandilm’interpelle.

—Hey!Anouk.Çava?

Jesaisparfaitementàquoiilfaitallusion,ilveutsavoirsisapetitestratégieaportésesfruits.

—Sionveut.Onendiscuteraplustardsituasenvie.

Je file et il ne tardepas àme rejoindrepour finaliser la vente. Il faut avouer que ce tableau estfranchementmagnifique, iln’yaaucuneraisonqu’ilnesoitpasdéjàvendu,sicen’estpeut-êtresatailleassezimposantepournepastrouversaplacedanslesalonden’importequi.Carlosnousayantquittéunefoislespapiersd’achatsignés,nousnoussommesrapidementretrouvéstouslestroisseulsdanslagalerie.

—Ça vous dit d’allermanger un truc ?Owen, c’est un problème si tu fermes une heure pourdéjeunerdehors?Aprèstout,onaquelquechoseàfêter.

Monchérisembleseréjouiràcetteidée,cequinefaitpastropmesaffaires,j’auraisvouludiscuter

avecluidel’échangequej’aieuavecsonami.Jeneveuxpasluicacheretdonnerl’occasionàsondésormais rival, de s’en servir contremoipar la suite endisantque je l’ai caché.Etpuisde toutefaçonj’aibesoind’enparler,mêmes’iln’estpasforcémentlemieuxplacépourentendrecegenredeconfession.Ilplacesamainaucreuxdemesreinsavantdeparlersurunairtaquinetenmelançantunregardentendu.

—T’asraison,onaquelquechoseàfêteraujourd’hui.

Sonpoucecaressedélicieusementlebasdemondosalorsquesesyeuxpétillentdemalicefaceàcesous-entenduàpeinevoilé.Sonpotefinitparpouffersuiteàcetteblaguequineluiapaséchappé.

Ilsm’entraînentversunpetitrestauranttoutprochequiaouvertrécemmentetdanslequelilsontleurshabitudes,cequiestassezévidentvul’accueilqueleurréservelepersonnel.Clairement,cedoitêtreleurcantine.Ilscommandentleburgermaisonetm’encouragentàfairedemême.Maisjesuisassezlucideconcernantmescapacitésstomacalespournepascommettrecetteerreuretmecontented’unepetitesaladedepoulet.

Les discussions vont bon train entre ces messieurs, principalement concernant la nouvelleacquisitiondemonmatou,quandcelui-ci finitpar remarquerque jeneprendspasvraimentpart àleurconversation.Jenementionnemêmepaslefaitquej’aiàpeinetouchéàmonassietteetquejem’attendsàuneréflexion,del’unoudel’autre,assezrapidement.

—Çavap’titcœur?

—Oui,jevousécoute,c’esttout.Jenesuispasobligéedejacasserconstamment.Çaneveutpasdirequ’ilyaunsouci.

Dimitrinemelaissepasletempsdecontinuerqu’ilsedécideàfaireuncoupd’éclatcommeillesaime.

—Elleestcontrariéeparcequejeluiaidittoutàl’heure.

—Qu’est-cequetuasencorefait?

Ce repas prend une tournure qui ne me convient pas du tout. Il n’oserait pas me mettre dansl’embarras à ce point-là ? S’il cherche à savoir combien de temps je peux tenir avant de détalercommeunlapin,qu’ilcontinueainsi,ilpourraitrapidementêtrefixé.

—Jeluiaiditquej’envoulaisplus,plusquedel’amitié,maisjeterassure,elleaétéclairesurlefaitqu’ellenevoyaitenmoiqu’unami.Ceàquoij’aiditquejevoulaisbienm’encontenter.Mêmesi…jeresteàl’affût,sijamaistuvenaisàmerder,jeserailà.

Je manque de m’étouffer avec un bout de poulet en l’entendant débiter toutes ces conneries.Commentpeut-ildireuntrucpareilàsonpote?Commentpeut-iladmettrequ’ilespèresortiravecsachérie?

Pirequetout,jevoisOwenfaireunepetitemoueamusée.C’estofficiel,jesuisdanslaquatrièmedimension.Jesuistentéedeluidécocherunboncoupdepiedsouslatablepourluipasserl’enviedesemarrer.Jetrouveçaparticulièrementgênantmaisjesuisapparemmentlaseule.

Ceciétant,jemeréjouisdevoirqu’ilpassesonbrasdansmondosdansungestequiseveutplutôtpossessif etqu’il enprofitepourcaressermanuque.Est-cepour réaffirmer son territoireou justepourmedétendre…Peuimporte.

—SameoldSameold{5}.

Ilsefoutdemoiendisantcela.D’unautrecôté,s’ilenperdsonfrançais,c’estquelesémotionsprennent le pas sur sa réflexion et qu’il n’est pas si blasé qu’il veut bien le laisser croire.Encoreheureux!

—Bon,jecroisqu’onvachangerdesujetavantquelaveinedufrontdelabouletten’explose.

—Ferme-la,tumesaoules,etoui,tum’agacesetmemetsmalàl’aise.

Iladelachancequel’onsoitdansunlieupubliccarj’étaisprêteàlegratifierd’unvocabulaireunpeumoinschâtiéquej’auraiscouronnéd’ungestepastrèsgracieux.

—Soispas fâchée, jen’agispasdans ledosdemonpoteet je t’épargne le faitde luienparler.Maintenantqueleschosessontclairesonpeutpasseràautrechose.Owen,tusaisque…

Jen’entendsplusrien,jesuisrestéefigéesurlemot«pote»,commentilpeutcontinueràcroirequ’ilsvontresteramis?Cecidit,monchérin’apasl’aircontrariéoutremesure.J’aibienconscienceque ce n’est une révélation pour personnemais le dire de cette façon, çame semble plus être del’irrespectque l’expressiondesa franchise,mêmesimonhommenes’enoffusquepas, j’attendraipourfairemacrise.

C’estmonamoureuxqui,sentantlemalaise,reprendlaconversationenévoquantlesrecrutementsqu’ilvadevoirfairepourl’aideraveclesdeuxgaleries.ApparemmentiladéjàdesCVsouslamainetcomptebienattaquerlesentretienstrèsrapidement.IlsembleenthousiasteetDimitrinemanquepasdefaireremarquerqueceregaind’énergieparaîtcoïncideravecmonretour. Inutiledem’accablerdavantage enme rappelant combienmon départ a perturbé son ami, j’en suis assez consciente ethonteuse.

Àlafindurepas,heureusementrapide,nousnousdisonsaurevoirsur le trottoir,chacundevantretourner travailler, enfin, pour cesmessieurs.Monchéri ne lâchepasmamain,mêmequand son«pote»vientmefairelabise.

—Soispasfâchéemabelle.Leschosessontclairesmaintenantett’inquiètepas,jet’aiditcequ’ilenétait,maisjeneferairiensicen’estpastoiquimeledemandes.

—Ehbien,cequejetedemandesurtout,c’estdebienteteniretdeneplusenparler.S’ilteplaît.

J’espèrequ’ilverraàquelpointjenesuispasbien,parcequejenepourraipascontinueràlevoirs’ilmemetsouspressiondecettefaçon.

17

Nous marchons depuis à peine deux minutes, deux interminables minutes durant lesquelles j’airuminéensilence.Lesdoigtsd’Owenseresserrentautourdesmiensetquandjefinisparportermesyeuxsursonvisage,jelevoisafficherunepetitemoue…jenesauraistropdire…espiègle.Ilsaitquejerongemonfreinetçal’amuse,parcequ’ilsaitquejenevaispasmecontenirtrèslongtemps.

J’expireprofondément,mêmesicen’estpasnécessaire,iladéjàcomprisquej’étaisexaspérée.

Est-cequ’ilvasedécideràdirequelquechose?Ilsaitquelasituationmériteuneréactiondesapart,surtoutquefranchement,sijenesavaisàcombieniltientàmoi,çaseraitvexantdevoiràquelpointiln’enarienàfairequejemefassedraguersoussesyeux,parl’undesesamisdesurcroît.

—Tunevasriendire!Sérieusement?!

Ilsepinceleslèvrespournepasrire.

—Jepensaisquetutiendraisaumoinsjusqu’àcequ’onarriveàlagalerie!

Ilnepeutmêmeplusàseretenirderigoler.

—J’arrivepasàcroireque tupuissesprendre leschosescommeça…T’espas fâché?Tu t’enfous?Tuterendscomptequec’estunpeuvexantquandmême.AmandaferaitlequartdecequeDimivientdefaire,jel’auraisdéjàdépecéesurplace.Auminimum.

—Oohp’titcœur.C’estmignon,maislimite,c’estmoiquidevraisêtrevexédetaréaction.Ilpeutbien dire ce qu’il veut, ça ne change rien entre nous. C’est bien toi qui m’as dit il y a quelquessemainesqu’ilnesepasseraitjamaisrienaveclui,quetunelevoyaispascommeça.Alorsautanttupeux être une cachottière, autant je ne pense pas que tu sois unementeuse, et je suis sûr qu’à ceniveau-làjepeuxtefairecomplètementconfiance.

—«Àceniveau-là?!»

Je relèveavec ironiecette remarqueque je lui aimoi-mêmeservie lorsque l’ondiscutaitde ses

résultatsd’analyses.Ilfautcroirequ’iln’apasoubliécettepetitepique.Iln’argumentepasplusetsecontented’unpetitregardespiègle.Tantmieux,jesaisàquoiilfaitallusionconcernantlessujetssurlesquelsonnepeutpasmefaireconfiance,pasbesoind’endiscuter.

—Maisreconnaisquecen’estpascorrect,c’esthyperdéplacéparrapportàtoi.

—Écoute…C’estpascommesic’étaitlarévélationdusiècle.Çafaitlongtempsquejesaisqu’iltientàtoiplusquederaison.Çam’asouventprislatêtedelevoirjouercepetitjeuavectoi,maisaumoinsilaraisonsurunpoint,leschosessontclairesmaintenant.Ilnefaitpassemblantettoi,tuluiasditclairementcequetuenpensais.Toutlemondesaitàquois’entenir.Etiladitqu’ilneferaitrientantquetuneluidemanderaispas,aumoinsilarrêteradetefairedurentre-dedansoudebalancerdessous-entenduspourtefairepasserlemessage.Doncilneferaplusrien,ilattendratonfeuvertqu’apriorituneluidonnerasjamais,doncpasdesouci.

Jen’enrevienspasqu’ilarriveàrationaliserleschosesdecettefaçon,j’aibeauavoirconfianceenlui,silasituationétaitinverséejeneferaispaspreuvedumêmeself-control.

—Doncpourtoi,pasdeproblème,toutvabien?Pasdesoucidansvotreamitié?

—Bahtusaisquoi, jecroisqu’ilaraison,c’estplusfrancetfinalementje trouvequec’estplusacceptable que ses petites tentatives sournoises dansmon dos. Et puis au fond, je peux pas lui envouloir,àsaplace,quisaitsijeneferaispaspareil.

—Toi?!TucourraisaprèslananaavecquiDimitrisortirait?dis-jesuruntonamusétellementc’estridicule,ilesttropdroitethonnête,jamaisilnesepermettraitcegenredetraîtrise.

—Paspourune«nana»,maispourtoi,oui.Si,quandtuesrevenue,tul’avaischoisiluiplutôtquemoi… J’aurais essayé de te récupérer. Je n’aurais pas lâché prise, je n’aurais pas refait lamêmeerreurqu’ilyatroisansentelaissantmeglisserentrelesdoigts.

Ils’estarrêtédemarcheretmefixe intensémentpours’assurerquej’aibienintégréchaquemotqu’il vient d’énoncer.Ce type de déclarationmemet un peumal à l’aise et jeme sens obligée debaisserlesyeuxpourdissimulermagêne.

—P’titcœur?

—Oui,marmonné-jetoutenesquissantunmouvementpourl’inciteràreprendrenotreroute,maisilnebougepas.

—Çat’embêtequandjedisça?

—Maisnon.Allezviens,ilpourraityavoirdumondequit’attendàlagalerie.

—Ilspeuventattendre.Regarde-moi.

Ilprendmonmentonentresonpouceetsonindexetjemesenstoutebête,embarrassée,alorsquejen’aiaucuneraisondel’êtreavecluiquimeconnaîtsibien.

— Je ne veux pas temettremal à l’aise,mais j’ai besoin que tu entendes ces choses-là, que tu

sachescombienjetiensàtoietquejeseraisprêtàtoutpourtegarderàmescôtés.

Jenevoisqu’unefaçondelefairetaireefficacement,jemepressecontresontorse,accrochemesmainsàsanuqueetmehissesurlapointedespiedspourplaquermeslèvressurlessiennes.L’effetdesurprisenedurepaslongtemps,ilnetardepasàbaladersesmainssurlebasdemondos,àlalimitedemesfessesqu’ilcaresseraitsansdoutesinousn’étionspasenpleinerue.Dommage…Maisjesuisvitepriseàmonproprepiège,etcequin’étaitqu’unetechniquedediversionestentraind’enflammerchaque parcelle de mon corps. C’est finalement lui qui prend mon visage entre ses mains pourinterromprecebaiser.

—T’esunediablesse!Maisjevaisfairepreuved’uncourageextrêmeett’arrêterlàavantquejenepuisseplusrépondredemoi.

—Jenevoudraispastemettredansunesituationembarrassanteenpleineruelematou.

Troptard,jesensdéjàquecebaisern’apaseucommeseuleffetdelefairetaire.Jemordillemalèvre inférieure, parcequ’au fond jedoisbien l’avouer, je suis toute fièredemoi en constatant laréaction quemon corps suscite chez lui. Il reprendmamain dans la sienne et m’entraîne vers lagalerietoutenpoussantunlégergrognementqui,malgrélui,m’excitedavantage.

Misère,entremeshormonesetsonsexappeal,cesprochainsmoiss’annoncentrock&roll.Moiquisuiscenséeéconomisermesquelquesforces,j’aiunefolleenviedebrûlerdescaloriesaveclui.

Noussommespresquearrivésàdestinationquandjepensereconnaîtreunesilhouettefamilièrequiobservelavitrine.Owens’apprêteàouvrirlaporteetellesetourneversnous,c’estbienelle,Karen.Maisqu’est-cequ’elleficheici?!

—Ohçaalors!Anouk,commentçava?Qu’est-cequetufaislà?

—Je…heu…jevaisbienmerci.Ettoi?

Jesuiscomplètementdésarçonnée,c’estunesacréecoïncidencedelatrouverici.Etjen’aimepaslescoïncidences,lehasardn’existepas,c’esttropsimplecommeréponse.

—Ça va. Je faisais un petit tour des galeries, j’ai proposé àmon patron demettre en place unpartenariatpourhabillercertainsappartements,histoiredelesrendreunpeuplussexypourlavente.Mais du coup il m’a demandé de m’en occuper. Ça m’apprendra ! J’espérais rencontrer lepropriétairedeslieux,lesœuvresontl’airsympa,maisc’estfermé.Pasdechance.

Jeneréagispasimmédiatement,jesuisscotchéedelaretrouverici,etpourtantmoncerveaun’estpasrestéanesthésiébien longtemps, ilcarbureà lapuissancedixpoursavoirquoidire,quoi faire.Commentjelesprésente?Quirisquededirequoi?Ya-t-ilunrisquedegaffe?Qu’est-cequechacunsait et que je veux cacher à l’autre ? Cette petite gymnastiquementale est épuisantemais j’y suishabituée,mêmesij’aid’ordinaireplusdetempspourcalculercegenredechoses.LefaitestquejeneconnaispasencoretrèsbienKarenetquejepréfèrenepastropl’impliquerdansmavieprivéepourl’instant.Desoncôté,ma foi, iln’yapasgrand-chosequ’ellepourrait révélerquinesoitungrosproblèmemêmesi…

—Plusmaintenant.OwenHendersen,lepropriétaire.

Devantmonmutisme,ils’estsentiobligédeseprésenterlui-même.

—Heuoui,excuse-moi.Owen,lepropriétairedonc,Karen,uneamie.

Plusconcis,tumeurs.Jen’aipasditqu’ilétaitmonchéri,niquejelaconnaissaisdustanddetir,mais je neme leurre pas, elle est partie pour rester et parler business, et ces infos vont finir partomber. Jecontiens lesoupird’exaspérationque j’aienviedepousser,et intérieurement je lève lesyeuxauciel, jedétesteque leschosesm’échappentdecette façon.Si jecroyaisaudestin, jediraisqu’ilvientdemejouerunsacrétourdecochonenposantKarenjustementici.

—Raviedevousrencontrer.Bonbah,ducoup,pasbesoindevousredirepourquoijesuislà,est-cequec’estquelquechosequipeutvousintéresser?

—Ouibiensûr,j’aidéjàunpartenariatdecegenreavecuneagenceimmobilière.Entrez,onvaendiscutertranquillement.

Ilouvrelaporteetnousinviteàpasserdevantlui.Jedégainemonsouriredefaçadequinedoitpastrop le tromper, etpourtant j’aimerais éviterde luimettre lapuceà l’oreille.Elleneperdpasunesecondepourentreretj’aijusteenviedemependretellementjesuisagacéedevoiràquelpointjeperdslecontrôlesurlasituation.

—Alors,commentvousvousêtesconnuestouteslesdeux?

Ouibon,bahlà…Unsourirem’échappe,jesuisblasée,c’étaittellementprévisible,iln’allaitpaslaisserpasserl’occasiondesoutirerdesinformations.J’encachetellement,etildoitsentirquejenesuispasravieetquec’estlesignequ’ilyaquelquechoseàcreuser.

—Ons’estrencontréesilyaquelquessemainesaustand.Elleafaitdesétincellesetons’estunpeuentraînéesensemble.Etvousdeux?

Allez!C’estparti!Lesdeuxfrustrésdel’informationvontsefaireplaisir,jelesens.

—Oh!Onseconnaîtdepuisquelquesannéesdéjà.Ons’estrencontrésiciet…bahjenediraispasquedepuisonnes’estplusquittés,vuqu’ilyaeuuntroudetroisans,maisnousrevoilàensemble.

Jeconstatequecerenseignementvientdemonteraucerveaudema«copine»etqu’ellevientdecomprendrequellerelationj’entretiensavecOwen.Ellen’enditpasplus.Elleveutsûrementéviterdepasserpour l’idiotequinesavaitpasquiétaitmonhomme.Etdesoncôté il l’imite,probablementgênédepasnonplusconnaîtrelatranchedeviequejepartageavecelle.Finalement,jenem’ensorspassimal.Ilsfinissentparparlerboulotetjeresteenstand-by,prêteàbondiraumoindredérapage.Auboutd’unebonnedemi-heure,Karenfinitparnousquitterenprenantlacartedemonchérietenpromettant de le rappeler la semaine prochaine, une fois qu’elle aura terminé de faire le tour desgaleriesquil’intéressent.Maisellenemanquepasdedirequ’elleaimeraitautanttravailleraveclui,surtoutqu’iladéjàuncontratdugenreetqu’ilenconnaîtdonclefonctionnement.

Jeluiprometsdel’appelerrapidementpourquel’ons’organiseuneviréeentrefilles,mêmesij’ytiensdemoinsenmoins.Jenepeuxm’empêcherd’êtresuspicieusequantàsaprésenceici.C’estpeut-

êtredelaparano,maislavie,mavie,m’aapprisàresterméfiante.

Aprèsl’avoirraccompagnéeàlaporte,monhommerevientversmoiavecunpetitregardespièglequienditlong.

—Lestand,hein?

—Oui,lestand.

Jen’endispasplus.Commesij’avaisunechancedem’ensortir!

Ilsoulèvesessourcilsetmelancesonregardinterrogateurquimefaitsoupireretleverlesyeuxauciel.

—Lestanddetir.Jefréquenteunstanddetir.Satisfait?

—Çadépend, tu faisquoicommegenrede tir?Etsurtoutcomment tuenesvenueàen faire?Non,surtout,pourquoitunem’enaspasparlé?

—Parcequejevoulaispasquetut’inquiètesenspéculantsurmesmotivations.

— J’avouequ’après le teaser la dernière fois, etmaintenant le tir, j’ai le droit demeposer desquestionsquandmême.

—Ouit’asledroit.Maisbon,pourfairebref,c’estJessiequim’amislepiedàl’étrierquandnousétions auxÉtats-Unis. Je suis une petite nana et il était flippé.Aumoment deme laisser seule surParis, il voulait être sûr que je puisse me défendre et il m’a donné les moyens de parfaire mescompétencesdansledomaine.

—Avecunearme?!Jen’auraisjamaiscruçadelui.

—Jenesaispascequetut’imagines,maistuleconnaispas.Iln’enapasl’airmaisilencacheplusquemoi.Forcément,jenedisrien,jepassecertaineschosessoussilencedonctut’enrendscompte,luiilpréfèrementir.Aumoins,çapasseplusfacilementinaperçu.

Montonestunpeuferme,maisjesuisagacéequ’ilaitunehauteopiniondeceluiquipourl’instantestplusunchieurqu’unfrèredévoué.

Ilsembleunpeudépasséparmesproposmaisnes’offusquepas.

—Jesaisquet’esfâchéecontreluimaistebraquepasnonplus.Etmêmesijeneleconnaispascommetoi,jeresteétonnéqu’ilt’aitmisunearmeentrelesmains.

—T’enfaispas,ilm’adonnébiend’autresmoyensdemedéfendre.Maisiln’areculédevantrienpourquejepuissemeprotéger.

Ilresteinterditetn’insistepas,lesujetesttouchyetillesait.

Jem’installeaucomptoiretmeplongedansmonordinateurportable,réglantainsidéfinitivement

lesortdecetteconversation.

—P’titcœur?

—Hummm…

Jenelèvemêmepaslesyeuxdemonécranpourluirépondre,jesuisdéjàentraindem’enfermerdansmabulleprotectrice.

—Pasbesoindebouder,jen’allaispast’embêterplusqueça.J’ailedroitdeteposerdesquestionsetd’espérerdes réponses,et tupeuxmedirequand tuenasmarre,sanspourautant t’énerveret teplanquerderrièredesbarricades.

Ilposeunbaiserdansmescheveuxets’éloigne.

Desvisiteursarriventetl’obligentàfairedemi-tour.Aprèslesavoirsaluéspoliment,jeprendsmesaffairespourm’isolerdanssonbureau,jen’aipasenviededevoirfairebonnefigure.Jeveuxjustemecalerdanssonfauteuilavecmesécouteurs.

Jesuisagacée,maispasparlui,parmoi.Jemesenstellementfrustréedenepaspouvoirpartagertout ce qui faitma vie avec lui. Il lemérite et je devrais pouvoirme sentir sereine avec lui sanscraindre à chaque fois qu’une information m’échappe ou que quelqu’un fasse une gaffe. À peinej’effleurecesidéesquemoncerveauvrombitsurunepenséequej’avaisdécidédemettreenpause:dequoiJessieetOwenont-ilspudiscuter?Quellesinformationsontfiltré?Misère!Jemedéteste.Mapauvrecervelleneveutpascomaterunpeu,justequelquesheures?Surcettedernièrephrase,messatanées synapses se connectent à la vitesse de l’éclair aux souvenirs de mes dernières pausescérébralesorganiséesparAnton.Cemecabiendesdéfautsetdesperversionsmaisaumoins,aveclui,j’avaislesmoyensdesuspendremessempiternellespérégrinationsmentales.Cecalmedansmoncrânememanqueetjem’exaspèred’enavoirenvie.

Lesécouteursvissésdansmesoreilles,j’enclenchelalecturealéatoiredemaplaylist,jen’aienviederiendespécial,justeduson,durythme.

JemelaisseenvoûterparRadioactived’ImagineDragons.J’essaiedenepas tropmeconcentrersur le textemais comment ignorer cet appel à prendre un nouveau départ ? Devrais-je y voir unsigne?

Je sursaute en sentant que l’on touche mon épaule. Owen est là. J’enlève immédiatement mesécouteurs alors que mon esprit est encore embrumé par les ondes sonores qui ont court-circuitécellesdemoncerveau.

—Désolé,jenevoulaispastefairepeur,maisjedoisfairedespapiersdeventeetàdirevraiilyaunpeudemondedanslasalle.

—Heuu,oui,excuse-moi,jetelaissetonbureauetjevaisgarderunœilsurlasalleletempsquetufinisseslapaperasse.

Je ferme mon ordinateur et range mes écouteurs, mais je garde mon téléphone sur moi. Aumomentoùjepassedevantlui,ilm’attrapel’avant-braspourmestopperdansmonélan.

—Tuvasbien?Tun’aspasl’airdanstonassiette.

—C’estrien,unpeudefatigue.Net’inquiètepas.

Ilnemelâchepaspourautantetmescrutepouressayerdejaugermaréponse.

—Promisçava,jesuisfatiguée,etpeut-êtreunpeucontrariée,maisçavaaller.

—Jemedébarrassedetoutcemondeetaprèsondiscutetouslesdeux.Situveux.

Sesdoigtssedesserrentetjefilesansrépondre.Sijeveux,sijeveux,jenesaismêmepascequejeveux.Enfinsi,jevoudraisunevienormale,avecdesparentsnormaux,dansunemaisonnormale,desétudesnormales,unpassénormalquejepourraispartageraveclui.PlanB,jevoudraisjusteuneviequinem’obligepasconstammentàluicacherdeschoses,uneviesimpleetsansquestion.PlanC,jevoudraisavoirlecouragedecroirequejepeuxtoutpartageravecluisansqu’ilneprennelafuite.PasdeplanDàl’horizon…

Jereprendsmesbonnesvieilleshabitudesetgèresaclientèlejusqu’àsonretourvingtminutesplustard. Il me rejoint alors que je renseigne un jeune homme mais il me laisse parler tout enm’observant. Jenemesenspasà l’aise, lemasquede labonnehumeurestdeplusenplus lourdàporter. Je lui lance un petit regard pour l’inciter à prendre le relais mais il n’en fait rien. Moninterlocuteurfinitparpartirenprétextantavoirbesoind’untempsderéflexion.

Ildoitbienyavoiruneheuremaintenantquej’aiquittésonbureauetnoussommesenfinseuls.Ilmeprenddanssesbras,ilneparlepas,ilsortmesécouteursdesapocheetmetendlaprisejack.Jesaiscequ’ilveutfaireetc’est justecedont j’aibesoin.Je lesbranchesurmonmobileet lancemaplaylist,ilglisseuneoreillettedansmonoreille,l’autredanslasienne.IlmeprenddanssesbrasetsebalancedoucementaurythmedeladoucevoixdeNinaSimone.Jepartagemabulleavecluietilenprofitepoursepencheretmechuchoterquelquesmots.

—Anouk,détends-toi,arrêtedestresser,ets’ilteplaîtnefaispasdesecretpourdeschosesfutiles.J’ai l’impressionque tu t’imposesdescontrariétéssupplémentaires.Jepeuxcomprendrequ’ilyaitdes choses que tu ne veuilles pas partager, ça fait longtemps que je l’ai accepté, pour des trucssuperficielscommelestanddetir,tun’espasobligée,ilfautquel’onpuissepartagercequel’onvit,quetupuissesmeprésentertesamissanst’inquiéterdecegenredepetitesrévélations.Jeprésumequelesgrossecretsilsnelesconnaissentpasnonplus.Ilfautquetuapprennesàtedétendre.Plusd’uneheured’affilée,j’entends.

J’absorbechaquemotcommeuneépongeetm’enimprègne.Jesaisqu’ilaraison.

—QuandnoussommesarrivésenFrance,Jessiesavaitqu’ilallaitmelaisserseuleici,ilvoulait…retournerauxÉtats-Unis.Ilvoulaitgéreraumieuxetilm’aprésentéquelqu’un…Éric,quin’estpasvraiment coach sportif, enfin si un peu, mais… Il forme des policiers. Au début il ne devait queparfairemaformationenself-défense,etfinalementilm’aproposéd’alleraustand,ilm’abeaucoupentraînée. J’y avais déjà pris goût aux États-Unis et c’était un pur plaisir de renouer avec ces

sensationsici.Àpartirdecejourjen’aiplusjamaisarrêté,mêmequandjesuisretournéeauxUS.

—Moncœur,t’étaispasobligée,maisc’estgentildepartagerçaavecmoi.

—Jesaisquejenesuispasobligée,maistuasraison,j’enaibesoin,j’aibesoindepartagercespetitsboutsdemoiavectoi,c’esttropoppressantetcen’estpasjustevis-à-visdetoi.Tuméritesquejetemontrecombienjetefaisconfiance.

IldéposeundouxbaiserdansmescheveuxetjelelaissemebercerquandTheFuneraldeBandofHorsesrésonne.Immédiatementmabullesereferme,passurnous,surmoiseule.Cettechansonaunpouvoir étrange sur moi, elle me plonge dans une sorte de léthargie, mon regard se voile et jen’entends plus rien en dehors de cettemusique. J’ai déjà eu cette sensation bizarre lorsque je l’aiécoutéeaustanddetir.

Owenm’interpelleetjeneréagispasdesuite.

—Anouk!Anouk!S’ilteplaît,changedemusique.

Jefroncelessourcils,jenesuispassûred’avoirbiencompriscequ’ilmedemandait.

—S’ilteplaît,changedetitre,jen’aimepascettechanson.

Jemetsunpeudetempsàréagir,jesuisplongéedansunetorpeurétrange,maisils’impatienteetfinitparsaisirmonportablepourpasseraumorceausuivantetquand il remarquemonexpressiondéconfite, il me rendmon écouteur et part s’isoler dans son bureau, non sans que j’aie le tempsd’apercevoirunecertainenervositésursonvisage.

18

Ilnem’apasreparlépendantaumoinsdeuxheuresaprèsl’incidentdeTheFuneral.Jenesaispaspourquoiilaréagiainsi,jeviensdem’ouvriràluietilsemblaitdansdebonnesdispositions.C’esttellement loinde luicegenrede réaction, ilen fautbeaucouppour lui faireperdreson légendaireself-control,etpourlecoupjen’aipasvraimentcompriscequil’atroublédelasorte,jenepeuxpascroirequecenesoitquecettehistoiredechanson.

—Turestesavecmoicesoir?

Ilestréapparusansquejem’enaperçoiveetsaquestionmesurprendunpeu,maisjedécidedenepaslerelancersurcequil’acontrarié,s’ilveutm’enparler,illefera.

—Jenesaispastrop.Tuveux?

—Biensûr,sijetelepropose.

—Danscecas,ilfautquej’aillechercherdequoimechanger.Jevaisfaireunsautchezmoiavantderentrer.

—Tiens, prendsma clef, tu y seras sûrement avantmoi, j’ai pasmal de boulot et je risque derentrerasseztard.

Il essaye de faire bonne figure,mais il semble toujours un peu contrarié et je commence àmedemanders’ilnevapass’éternisericipours’abrutirdetravail.

—Sit’asenvied’êtretranquilleouquetuveuxvraimentbosser,dis-le,j’aipasenvied’allercheztoipourm’yretrouvertouteseule,onpeutremettreçaàplustard.

—Maisnon,soispasbête,j’aienvied’êtreavectoi.J’essaieraidenepastroptraîner.

N’ayantdetoutefaçonpaslecouragedememettresurmonmanuscrit,jedécidedeleverlecamp

immédiatement.

—Aufait,onavaitconcluundealavantquetonfrèredébarque.Tudevaispasserunesemaineavecmoi.Jemesouviensavoirremplimapartdumarchéquandtuasdévorémonpainperdu.Jecomptebienrécupérercequim’estdû.Etavecdesintérêts,jeunefille.

Ilponctuesaphraseparunbaiserdansmescheveuxetuneclaquesurmesfessesaumomentoùjemelève.

Je me retrouve quelques heures plus tard à la péniche après avoir fait une escale par monappartementpourdéposermonlingesaleetprendreungrandsacdevoyageremplidevêtementsetdeproduitsdebeauté.J’aiprisletempsdediscuteravecMaria,histoiredeluidonnerunpetitsignedevie.

Quandj’arrivechezOwen,ilestpresquedix-huitheuresetiln’estévidemmentpaslà.Jerangemesquelquesaffairessanspourautantlesinstallerdanslesplacards,jeneveuxpasdonnerl’impressionque je suis en trainde l’envahir,même si c’est ceque je fais, et sûrement cequ’il espère.Chaquechoseensontemps.

Jem’ennuie,jetourneenrondetfinalementjedécidedefairequelquechosed’inhabituel,j’appelleEnid.Pourunefoisquec’estmoiquil’appelle…Jesourisenmedemandantsij’aimêmesonnumérodansmescontactstellementilestrarequejesoisàl’originedenosappels.

—SalutEnid,c’estAnouk.

—Unerevenante!

—Trèsdrôle.Mais jecommençaisàmedemander si t’étaispasmorte.Pasdenouvellesdepuisplusdedeuxsemaines,alorsquejenet’airienenvoyéenplus!Çarelèvedumiracle.

—Ouibah,j’aibiencomprislemessagequetum’asenvoyé,t’avaisbesoindetemps,jemesuisarrangée.

—Dequelmessagetuparles?

—Tonmail,yadeuxsemaines.

OK,pasbesoind’épiloguer,jecroissavoirdequoiils’agitetjenetienspasàluimettrelapuceàl’oreille.

—Ahoui,ça.Ouieffectivement.Mercidem’avoirlaissédutemps.

—Jemesuisdébrouilléeavectonéditriceetonarepousséladatedesortie,c’étaitlaseuleoption.Maisdetoutefaçonj’aiunautresujetquim’occupeetdontjevoudraisteparler.

—Vas-y,dis-moi.

—Ilyadesrumeursselonlesquellesunemaisondeproductionenvisageraitd’adaptertasaga.Ilsnedevraientpastarderàmecontactersic’estlecas,etjevoudraisavoirtonavissurlaquestion.

Enid ne comprend pas mes réticences, depuis le début de cette aventure je tiens à garder monanonymat,pasquestionquelelaboouquiquecesoitd’autrepuissememettrelamaindessus.Jenepensaispasqueçamarcheraitaussibienetjenem’imaginaispasqu’ildeviendraitsicompliquéderester cachée. Je ne fais que très peu d’interviews, toujours par téléphone ou mail, aucune photoévidemment, ni aucune séance de dédicace. C’est ce qui devenait le plus problématique. Maisj’entretiensdesliensavecmeslecteursviaunepageFacebookmiseenplaceparmatrèschèreagent,etquinemesertquepourmavieprofessionnelle.Jenedonneaucuneinformationpersonnelleetfaisdemonmieuxpourresterdissimuléederrièremonpseudo.Maisaufond,c’estellequigèrelepluslapage.

—Écoute,prendsletempsd’yréfléchir,detoutefaçonpersonnenem’acontactéepourl’instant,mais c’est une opportunité incroyable… – pour sa commission, c’est sûr, c’est une opportunitéincroyable–…sileproblèmec’est lesmédiasjet’assurequejepourraislesgérerpourquetunesoispastropembêtée.

—Enid,tulesais,laquestionn’estpasdenepasêtretropembêtée,c’estdenepasl’êtredutout.Avec un projet de cette envergure il deviendra de plus en plus difficile de ne pas me retrouvertraquée.

—Jesuissûrequ’onpeuttrouverdessolutions.Penses-y.Après,jeneveuxpasteharceler,mais…

—Jevaism’ymettre,net’enfaispas.

Toutenterminantcetteconversation,j’enprofitepourjeteruncoupd’œildansmaboîtemailetjeremarquequ’unpetitmalina jouéavecmesmessages. Iladûchercherdes infosquand jemesuis«absentée»etilaurasaisil’occasionpour,commed’habitude,semêlerdecequineleregardaitpas.

Jeneprendsmêmepaslapeinedechangermonmotdepasse, il lepirateraitenmoinsdetempsqu’iln’en fautpour ledire, etdans lamesureoù jeboude toujours, jene luienvoiemêmepasunmessage pour grogner. Ceci dit,même si je ne le reconnaîtrais jamais, il a fait du bon boulot ens’arrangeantpourqu’Enidmelaisseunrépit.

Enattendantmonchéri,jedécidedefaireunbrindeménage,autantmerendreutileetparticiperàla vie de la péniche. Surtout que j’ai l’impression que mon absence n’a pas aidé mon homme àprendresoindeluietdesonintérieur.

—ANOUK!ANOUK!QU’EST-CEQUETUFABRIQUES?!

Jesursaute,aveclebruitdel’aspirateurjenel’avaispasentenduarriver.

—Heuu,bah,qu’est-cequej’ail’airdefaire?Jepassel’aspirateur.

—Jet’aipasdemandédeveniricipourt’occuperdecegenredechoses.Sijeveuxqueturesteslà,c’estjustementpourquejepuissem’occuperdetoietquetutereposes.Sic’estpourquetutrimesà

faireleménage,autantqueturestescheztoi.

Jemepinceleslèvrespournepassourireàl’ironiedelasituationquiluiéchappecomplètement.

—Qu’est-cequej’aiditdedrôle?

Allez,faireconfiance,nepasfairedecachotteriepourdepetiteschoses,apprendreàpartagerdespetitsboutsdemavie.

—Jenefaisjamaisleménagechezmoi.

Ilfroncelessourcils,ilnevoitpasoùjeveuxenvenir.

—J’ai…

Je lève les yeux au ciel devant le ridicule de la situation, je dois lui dire des choses qui ont étécachéesalorsquec’esttellementinsignifiantqu’ilvas’endoutetrouverridiculequejen’airienditplustôt.

—…J’aiuneemployéedemaisonquis’enoccupe.

Ilme faitunsourireétrange,entre l’amusementet l’étonnement. Jenesais si cequi le surprendc’estquej’emploiequelqu’unpourcegenredecorvéesouquejeluienparle,maisilsemblesatisfaitquej’aieétécapableunefoisdeplusaujourd’huidelâcherprise.

—Tuvoudraispasluiproposerdeveniriciparhasard?

Maisbiensûr!Luiprésenterlaseulepersonne,endehorsdemonavocatetdemoncomptable,àconnaîtremonappartement.

—Nondésolée,tuvasdevoirtecontenterdemoi.

—Çadevraitaller.

Sonœilesttaquin,maisilseborneàneposerqu’unemainsurmahancheavantdem’embrasserdanslescheveuxetdecontinuersoncheminverslacuisine.J’espéraisqu’ilsemontreraitunpeuplusentreprenant.

—Tuveuxmangerquoi,Anouk?

Ilfaittoutpouravoirl’airdétendu,maisjelesenscrispéetjesaisquecettequestion,etsurtoutlaréponsequ’ilattend,lemettentsouspression.

—Commetuveux,untrucpastroplourd.Pourl’instantçavaplutôtbien,alorsjevaisenprofiteretgrignotercequetuvoudrasbienmepréparer.

Je lui dégainemon sourire le plus rassurant,mais il n’arrive pas à y répondre, en tout cas passincèrement.Ilesttracasséetilnesemblepasdisposéàmerévélercequiletourmente.

Jebouquinetranquillementpendantqu’ilcuisine,uneblanquettesijemefieàl’odeur.Ilsedonnebiendumalpourunplatquejerisqueàpeinedetoucher.

Après une esquisse de dîner où j’ai fini par plus le regarder que partager son repas, j’ai viteretrouvésonlitdanslequelj’aiéchouéavecmonlivreaprèsavoirrevêtusontee-shirtduHardRockCafé.Cen’estpasquejen’airienàmemettre,j’aiprisunenuisette,maisaufondj’adoreavoirsonodeursurmoi,etvucommeilestpréoccupé,c’estsûrementlaseulefaçondel’avoircontremapeaucesoir.Jeprendssurmoidenepaslebrusqueretdeluilaisserl’espacedontilsembleavoirbesoin.Ilestencoreàsonbureauquandjesuccombeàl’appeldeMorphée.Jenesaismêmepasl’heurequ’ilestquandjesenslematelass’affaissersoussonpoidsetsontorseseplaquercontremondos.

Cecauchemar,toujourslemême,monpèreetsonregardfroidquimetoiseavecmépris,maisaumomentoùilquittel’embrasuredelaporte,contrairementàd’ordinaireilseretourne.Maiscen’estplusmonpère,c’estAnton!

Panique,angoisse.Fuir,vite,trèsvite,m’échapper,luiéchapper.

—NON!!

—Anouk,toutvabien,c’étaituncauchemar.

Je repousse samainavantde réaliserqu’il s’agitde la sienne.Ma respirationesthaletante,moncœurpalpiteàuneallurefolle,jetrembleetjesensquejesuiscomplètementshootéeàl’adrénaline.Cecauchemar…Celarelèveplusdelaterreurnocturne.

—Est-cequeçava?

Je n’arrivemêmepas à hocher la tête pour lui dire que oui. Je n’ai pas la force dementir, pasmêmepourlerassurer.

—Tuveuxunverred’eau?

Je respire profondément pour essayer de retrouver mon calme, ce qui n’est pas une francheréussite.Ilfautquej’exorcisecetteangoissequimeminenuitaprèsnuit.

—Owen,tusaisquejenedisparaîtraispassansraison?

Surlecoupilsourit,maisc’estfinalementl’inquiétudequiprendplacesursonvisaged’ordinairesiserein.

—PourquoitumedisçaAnouk?

Jen’aimepassafaçondediremonprénom.

—La dernière fois, quand je suis partie, ce n’était pas une surprise, je veux dire tu savais quej’allaispartir,quej’avaisjustebesoindetemps.

Jenesuispassûred’êtretrèsclaire,monespritestencoreàmoitiéembrumédanslesméandresdemonrêve.

—Jeveuxdire,tusaisquejerisquepasdepartirdujouraulendemainsansprévenir?

—Anouk,tum’inquiètes.Pourquoitumedisça?Qu’est-cequisepasse?

Plusilmeparle,plusjeréalisecombienjedoisavoirl’airincohérenteetjedoisessayerdetrouveruneexplicationuntantsoitpeurationnelle.

—Excuse-moi, jedisn’importequoi,c’est justequeçam’aunpeuremuée.Maisn’empêche, tusaisquejenedisparaîtraispascommeça,sansriendire?

—Jenediraispasquejelesais,jel’espèretoutauplus.

—Alorsjeteledis.Jenepartiraijamaissansteprévenir,sijem’enallais,tusauraispourquoi.

—Okayyy…

Ilmescruted’unairdubitatif.

—Etjepeuxt’enparlerparcequemaintenanttuconnaisJessie,etquesijevenaisàm’évaporerdanslanature,c’estluiseulquetudevraiscontacter.Ilestleseulquisauraitdansquelmerdierjemetrouveetcommentm’ensortir.Leseul.Nefaisappelàpersonned’autre.

Etmerde,lafatiguenem’aidepasàgardermonfiltrecerveau/boucheactivé.J’aieuunmomentdepaniqueetj’aicherchéunmoyendemerassurersansvraimentréfléchiràcequecelaimpliquait.Jeveux m’ouvrir à lui mais pas de cette façon, pas en lui donnant des sources d’inquiétudessupplémentaires.

—Maisqu’est-cequeturacontes?Dequelmerdiertuparles?Ilyaunsouciparticulier?Sitonfrèreestaucourant,tupourraispeut-êtremebriefersurlesujet?

—Écoute,c’esthypothétique,maisdisonsqu’ilsaittout,ouquasimenttoutdemavie,etqu’ilestlemieuxplacépourpouvoirmeretrouver.Maisjet’avouequelefaitqu’onsoitfâchésencemomentm’angoisseunpeuaufond,s’ilm’arrivaitquelquechoseilnelesauraitpas.J’aibesoindesavoirquetulepréviendrais.

—D’accord,jelepréviendrais.Maistuvasdevoirm’endireplusmaintenant.

Jen’enaipasenvie,pasdutout.Etjesuisdetoutefaçonsifatiguée.Maintenantqu’ilm’arassurée,l’angoissecommenceàs’éclipserpournepluslaisserplacequ’ausommeil.Jemeblottiscontreluialorsquejesensqu’ilattenduneexplication.Jedéposeundouxbaisersursontorsequejecaressedoucementalorsquemajambes’enrouleautourdelui.Jem’installepourlepaysdessongesetillesait. Il n’insiste pas, même si je sais que je n’éviterai pas éternellement ses questions.Mais pourl’instantjeveuxjustemerendormirenespérantneplusêtreréveilléeaussiviolemment.

Hummm,jesensdespetitsbisoussurmanuque.Voilàunefaçonbienplusagréabled’êtretiréedusommeil.

—Anouk, je dois y aller. J’ai pas mal de boulot et j’ai des entretiens de prévus à la galerieaujourd’hui.Jetelaissetereposeretons’yretrouveplustard.

—Humm.Situveux.

Jem’étirecommeunchatpourdégourdirmesmembresankylosés.

—Bah, à dire vrai, j’y tiensvraiment parceque je compteunpeu sur toi pourgérer la galeriependantquejefaispasserlesentretiens.

—Hummmd’accord.Jedoisyêtrepourquelleheure?

Ma voix est tout ensommeillée et de petits bruits m’échappent alors que je me tortille sous lacouette.

—Etc’estmoiquetuappelleslematou.

Ilsouritetcommenceàs’éloigner.

—Ilfaudraitquetuysoispourdixheurestrente.

—Hey!J’aipasledroitàunpetitbisou?!

—Non,pascematin.Tuneleméritespas.

Je luidégainemapetitemoueboudeusequidevrait le fairecraquermaisquin’obtienten retourqu’unvisagesérieuxetfermé.Houlaaa…çasentmauvais.Desbribesdenotreconversationnocturnemereviennentetellessemblentbienplusprésentesdanssonespritquedans lemien.Etmaintenantquejesuisunpeuplusréveillée,jeremarquequ’ilalestraitstirésetdejoliscernesquiprouventquelesujetadûleturlupinerunebonnepartiedelanuit.

—Owen,vienslà…

J’essaiedel’attendrirmaisiln’apasl’airdisposéàlaissercouler.

—Anouks’ilteplaît,arrêteça!Nefaispascommesiderienn’était.Tupeuxpasmebalancerdesbombescommetul’asfaithieretcroirequejenevaispasvouloirensavoirplus.

—Qu’est-cequetuveux,Owen?!

Jecommenceàêtreunpeuagacée,jesaisquejenevaispastarderàmeretrouveraupieddumuret c’est dema faute. Je suis tiraillée entremon envie departager certaines choses avec lui etmonsuperconditionnementàmetaire.

—Desréponses!Quoid’autre?!Jeveuxsavoircequirisquedetetomberdessusparcequ’ilestclairquec’estpasun truchypothétique, tuparlaisd’unmerdierdont ton franginpourrait te sortir.C’estqu’ilyaquelquechosedeprécisquetucrains.

Ilestnerveux,ilfrottesabarbedetroisjoursavecledosdesesdoigtsenmescrutantintensément.

—Évidemmentqu’ilyauntrucdeprécis.Enfinquoi?Jenepassepasmontempsàtoutcacherdans le but d’éviter un « éventuel » problème, dis-je enmimant les guillemets. Pour faire simple,disonsquejetiensàéviterdespersonnesdemonpassé.

—Quoi?Tuparlesdetonex?Anton?

—Non!Enfinsi, luiaussi,mais ilestpasmonproblèmemajeur.Non, jeparled’unpassébienplus ancien,mon enfance.C’est pour ça que Jessie est au courant.Ce sont des personnes de notreenfancequejeveuxéviter.

—Pourquoi?

Ilserapproche,ilmemetlapressionenmaintenantlerythmedecettediscussionpourquejeneprennepasletempsderéfléchiretmepousseràparler.J’enaiconscience,maisaufonddemoijecroisquej’aienviedejouerlejeu.Jedoislefaire,luiparler.

Mesyeuxpapillonnentdanstouslessensàlarecherchederéponse.

—Je…c’estcompliqué.Disonspour résumerque jesuisaucourantdesactivitéspas trèsnettesmenéesparuneentrepriseetquecespersonnessontprêtesàdéployerbeaucoupdemoyenspourêtresûresqueces informationsne fuiterontpas.Et legrospointnoirdecette situationc’estqueJessiepersisteàfouillerdansleursdossierspourensavoirplusetqu’ilvafinirparattirer l’attentionsurlui,etparricochetsurmoi.

—Commentferaient-ilslelienentrevous?

—Parcequec’estmonfrère!Parcequ’ons’estenfuisensemble,parceque…j’ensaisrienmoi,destasderaison!

—Commentça,enfuis?

OhmonDieu,commentj’aipulâcheruneinformationpareille?!

—Owen,est-cequ’onpeutenreparlerplustard, jesuisencorefatiguéeet ilest troptôtpourcegenredeconversation.

Troptôtcarjesuissicrevéequejenesuispasfichuedefaireattentionàcequejedis.

—Oualorsonévitedesemettrelapressionpourlesprochainesheuresetonclôtledébattoutdesuite.

Jesoupiretrèsprofondément,jen’aipasenvied’abordercesujetplusquecelamaisilaraison,sic’estpourmetorturerlesméningespendantdesheures,autantm’évitercettepeine,surtoutquejesaisqu’ilnelaisserapastomber.

Je suisassisemais je ressens lebesoinde remonter lacouettedevantmoi,presque jusqu’àmoncou.

—J’aidesinformationssureuxparcequej’étaisàl’intérieur.Etpourlesquitter,ilafallufuirsans

laisserdetrace.

Ilal’aircomplètementdéstabilisé,inquiet,etpourautantiln’apasl’aird’enavoirfiniavecmoi.

—C’estdélirant.Maisonparledequoicommegenre«d’entreprise»?

—Unlaboratoire.

—Nonmaisattends,tu…

—Stop!Arrête!S’ilteplaît.

J’aibesoinqu’ilarrêtecetinterrogatoire,jeveuxluidire,jeveuxessayerentoutcas.Maisilfautquej’arriveàcanalisertoutessesémotionsquimebouleversentetmeparalysent.Jefermelesyeuxpouressayerdemefocalisersurcequejepeuxpartageraveclui.Maisimmédiatementdesflashsmereviennent,mon cauchemar est encore tropprésent dansmon esprit. Je rouvre aussitôt les yeux etsecouelatêtepourenchasserlesfantômesdemonpassé.

—Je…jenesaispascommentt’expliquer.Nemedemandepascommentnipourquoi,maisjemesuis retrouvéeàvivredansce laboquand j’étaisenfant.Avec Jessie.Etnousavonsété témoins (siseulement nous n’avions été que témoins) de pratiques… pas très déontologiques. À un momentdonnénousavonsdécidédefuir,parcequ’iln’yavaitplusd’autreschoix.Mais…

Ilm’écouteattentivementetattendquejesoisprêteàluiendireplus.

Si…siun jour ildevaitm’arriverquelquechose ilya fortàparierqu’ilsn’yseraientpaspourrien.Etc’estpourçaqu’ilfaudraitprévenirJessie.Ilsauraitquoifaire.

Les larmesmemontent aux yeux, trop de souvenirs douloureux de cette époque remontent à lasurface. Des années à essayer d’étouffer et d’ignorer cette souffrance, et d’un seul coup tout merevientdepleinfouet.Ils’enrendcompteetaprèsuneseconded’hésitation,ilsemblerenonceràmefaireparler,pourmeprendredanssesbras.Ils’estassisprèsdemoienm’enveloppantdesesbras,jenichematêtecontresontorseetlelaissemeréconforter.Ilchuchotedansmescheveux.

—Est-cequejedoisêtreinquiet?

J’oseàpeinebredouillermaréponse.

—Nonçadevraitaller,j’aiétéprudente,jusque-là.

19

J’aimisunquartd’heureà leconvaincredepartir travaillerenluipromettantdelerejoindreauplusvite.Jesuisassiseaufonddubacdeladouche,adosséecontrelafaïence,mespetitsneuronesenébullition.Ilaouvertunebrèche,enfinnon,ilfautêtrehonnête,j’aifaitçatouteseule,commeuneidiote. Je nepeuxm’empêcher depenser qu’inconsciemment je l’ai fait exprès, au fonddemoi jevoulaisqueleschosesévoluentetsurtoutj’avaisbesoind’allégerlepoidsdetouscessecretsquimepèsent de plus en plus. N’ayant plus la possibilité de discuter avec Jessie pour le moment, sanspersonneàquimeconfier,j’aifiniparenperdrelesommeil.J’avaistropbesoind’êtrecertaineques’ilm’arrivaitquoiquecesoit,ilyauraitquelqu’unpourmechercher,parcequej’aibeauêtretrèsentourée,aufondjesaisquejesuisseulesijen’aipasmonfrèreprèsdemoi.Seuleslespersonnesquipartagentvossecretscomptent,etjeveuxqu’Owencompte,plusquetout.

Je finis deme laver etme prépare pour le rejoindre.Aujourd’hui vamarquer un tournant dansnotrerelation.

Jecommenceàgentimentgaléreraumomentdechoisirdesfringues,monpetitbidon,aussipetitsoit-il,estentrainderestreindreprogressivementmagarde-robe.J’optepourunepetiterobenoireassezprèsducorpsmaisavecsuffisammentd’élasthannepournepasmegêner,etducoupellemetenavantmesnouvelles rondeursque j’adore. J’ai envied’affichermonbonheur,même s’il est unpetitpeutourmentéencemoment.

Je trottine gaiement vers la galerie quand j’ai cette étrange sensation, celle d’être suivie. Jemeretourne à plusieurs reprises en scrutant les alentours mais je ne vois personne qui retient monattention.C’esttoujoursdifficiledanscescas-làdesavoirsic’estunevraieimpressionoujustemaparanoquimejouedestours.Àcroirequ’avoirévoquélaquestiondulaboavecmonchéridoitmeturlupinerplusquejenel’imaginais.

Jefaismalgrétoutundétourpourm’assurerquejenesuispassuivie.Procédurehabituelledanslavied’uneparanoïaque.

Unefoisàpeuprèsrassurée,jefilerejoindremonhomme.Jerécupèresoncourrierquelefacteurs’apprêtaitàdéposerdanssaboîteetaumêmemomentjesuisinterpelléeparKarenquis’approcherapidement. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Je croyais qu’elle ne reviendrait pas vers Owen avant lasemaineprochaine.

—Hey,qu’est-cequetufaislà?

—Salutàtoiaussi.

—Oui,excuse-moi.Salut.C’estjustequejenem’attendaispasàtevoiriciaussitôt.Jecroyaisquetudevaisvoird’autresgaleriesavantdetedécider?

—Oui,etc’estencorelecas,maisjenemaîtrisepasbienlaprocédureetd’autrespersonnesm’ontparlédecertainspointsquejeneconnaissaispasetquejevoudraisévoqueravecOwen.

—Ehbienaprèstoi,alors.

Jeluiouvrelaportepourl’inviteràentreretjenotequ’ellemetoisediscrètement,sonregardseportesurmonpetitbedonmaisellen’oseriendire,pourl’instant.Ilfautavouerquec’est toujoursdélicatdefairecegenrederemarquesivoustombezsurquelqu’unquin’estpasréellementenceinte.Ceseraitamusantdel’embêterunpeumaisjedécidedemettrefinàsesinterrogations,detoutefaçonj’allaisfinirparluidiretôtoutard,entoutcasjel’auraisfaitdanslessixmoisàvenir…

—Ouijelesuis.

—Dequoi?

—Enceinte.Oui,jelesuis.

—Oh!Jenepensaispas…

—Situlepensais,ettuavaisraison,doncpasbesoind’avoirl’airembêtée.

—Ehbientoutesmesfélicitationsalors.C’estprévupourquand?

—Débutnovembre.

—Salutlesfilles!

Owen s’approche avec des yeux plus pétillants que jamais quand il remarque ma petite bumpjolimentmiseenavant.Ilposeunemainaucreuxdemesreinsavantdem’embrassersurlatempeetdemefaireunepetitecaressediscrètesurleventre.C’esttendreetadorablemaisunpeutropchasteàmongoût.Ilfaitlabiseàmonamiesanspourautantdétachersamaindemondos.

—Félicitations.Anoukvientdemedirequevousattendiezunheureuxévénement.

Elle lui lance son plus beau sourire pour accompagner cette phrase qu’elle pense être en traind’adresseraufuturpapa.Lagaffe,commentluidirequ’elleseplantesansmettrequiquecesoitmalàl’aise?

—Merci,c’estgentil,répondOwen.

Jemeretiensd’avoirl’airstupéfaiteparsaréaction,maisiln’enrestepasmoinsquejesuistrèssurprise.

—Alors,qu’est-cequit’amène,Karen?

—Jevoulaisrevoirquelquespointsavectoi.Franchementj’yconnaispasgrand-choseetcertainespersonnesm’ontposédesquestionsquejevoudraisducoupaborderavectoi.

—Jevaisvouslaisserdiscutertranquillement,j’aidutravail,jepeuxm’installerdanstonbureau?

—Biensûr,répond-ilenlevantdiscrètementlesyeuxaucielpourmesignifierqu’ilestridiculedeposerlaquestion.

—Tiensaufait,toncourrier.J’aicroisélefacteurenarrivant.

—Laisse-ledanslebureau,tuveuxbien.

Jelesabandonneàleurdiscussionbarbanteetfilememettreauboulot.Jedéposesoncourriersursonbureaunonsansjeteruncoupd’œilauxdifférentesenveloppes.Finalementjedécided’ouvrirettrier ses plis comme je le faisais quand je venais lui donner un coup de main. Facture, facture,publicité,CV,invitationàl’inaugurationd’uneexposition,uncourrier,bizarre.

Aprèsyavoir jetéunœilendiagonale, je le lisplusattentivement, cenepeutpasêtreceque jecrois.

«Espècedeconnard…tum’astoutpris…tuasbrisémesrêves,jebriserailestiens…veillesurcequi te tient à cœur avant que je l’anéantisse comme tu l’as fait pour moi… tu ne tarderas pas àregrettertesmauvaisesdécisions…»

Maisqu’est-cequec’estquecebordel?!Jen’arrivepasàcroirequequelqu’unaitpuluienvoyerune lettre demenaces. C’est l’homme le plus adorable sur Terre, qui pourrait lui en vouloir ? Etsurtoutqu’est-cequ’ilpourraitbienavoirfaitquisusciteautantderage?

Subitementjelâchelafeuilleenréalisantquej’yaibêtementmismesempreintesdigitalesetqu’ilpourraitvouloirladonneràlapolice.Faischier!Pasmoyenquel’onpuisserelevermesempreinteset les passer dans unebase de données. Je psychote peut-être,mais je ne peuxpasm’empêcher dem’imaginerlespiresscénariosconcernantlelaboetjenesaispasjusqu’oùilsontpuallerpourmeretrouver, nous retrouver. M’auraient-ils déclaré comme personne disparue pour être alertés siquelqu’unentraitmesempreintesoumonADNdanslabasededonnéesdelapolice.Ousesont-ilscontentésd’yinstallerdesspywares?Jefrottenerveusementmonvisageavecmesmains,mespetitessynapsesseconnectentàunevitessefolleenessayantd’analysertoutcequiestentraindesepasser.

—P’titcœurçava?

—Non,pastrop.

Jeluifaisunsignedetêtepourluidésignerlalettrequiestposéedevantmoi.

—N’ytouchepassurtout,nevapasymettretesempreintes,j’aidéjàétéassezbêtepourymettrelesmiennes.

Ilcontournesonbureaupoursepositionneràmescôtésetjetteuncoupd’œilsurletexte.Auboutdequelquessecondesilattrapelafeuille, la litplusattentivement,et jeremarquesesmaxillairessecontracter.

—C’estrienva,uneconnerie,laissetomber.

Ilmeparledelafaçonlaplusdétachéepossibletoutenjetantlepapierdanssapoubelle.Mesyeuxalternentnerveusemententrelacorbeilleetluipouressayerdecomprendrecequiestentraindesejouer.

—Karenvoulaittevoiravantdepartir.

—Owen,attends,tu…

—Valavoir,ondiscuteraaprèssituveux.

Encoreheureuxqu’onvadiscuteraprès,j’aicrupendantuninstantqu’ilpensaits’ensortiravecunsimple«c’estrien».Çac’estMAspécialité,paslasienne.

Je vais saluer rapidementmon amie et décline son invitation à déjeuner. Je n’ai ni le temps nil’enviedeperdreuneheureavecelle.Jedoisparleravecmonhommeavanttouteautrechose.

Ilmerejointetparchanceiln’yaaucunclientpourluioffriruneéchappatoire.

—Vas-y,explique-moi.

—Anouk, ce n’est vraiment rien. Sûrement une personne que j’ai refusé d’exposer ou alors unpropriétairedegalerieàquij’aipiquéunartiste.Vasavoir!Cen’estpaslapremièreetcertainementpasladernièrefoisqueçaarrive.Net’enfaispas,d’accord?

—Est-cequetuasportéplainte?!Tuasprévenulapolice?

— Oui c’est bon, je leur ai filé les deux premières lettres. Maintenant tant que ça reste descourriers…

—Tunedevraispasprendreçaàlalégère,tunesaispasquelgenredetarésecachederrièrecesmenaces,ilpourraitêtrevraimentdangereux.

—Net’inquiètepas,p’titcœur.S’ilavaitvoulumefairedumalceseraitdéjàfait.

Jeneveuxpaspasserpourlanarcissiquedusiècle,maisfranchementquandcedingueluiparledeprotégercequiluitientàcœur,jesuisunpeutentéedecroirequej’enfaispartieetçanemerassure

pastrop.Maissubitement,commesinousétionsconnectés,jeremarqueunelueurdanssesyeux,ilvientd’avoirlamêmeidéequemoi.

—P’titcœur,tusaisquejenelaisseraijamaisrient’arriver?Net’enfaispas,jet’assurequejeferaitoutcequ’ilfautpourquetoutsepassebien.

—Jenevoispascequetupourraisfaire.Tunepeuxpasêtrecolléàmoivingt-quatreheuressurvingt-quatre.Detoutefaçontuescourantmaintenant,jesuistoutàfaitcapabledemedéfendre.Maison ne sait jamais, tu devrais… en fait tu devrais donner cette lettre à Jessie, il pourrait faire desrecherchesdesoncôté.

—Commentest-cequ’il…?Nonlaissetomber.Situveuxoui,jepourraisluifiler.D’ailleursenparlant de lui, il faut que tu sachesqu’ilm’a téléphoné. Il voudrait te voir. Je lui ai dit que je t’enparlerai.

—Ilt’aditpourquoi?

—Jecroisqu’ilabesoinderepartirauxÉtats-Unis.Ilnes’estpastropétendusurlesujet,maisdetoutefaçontusaisbienqu’ilattendpourtevoir.

Jesoupire,exaspérée,jesaisdéjàcequiestentraindesetramer.Iln’yaqu’uneseulechosequipuisse lepousseràm’abandonner icidans l’état actueldeschoses.Çam’énerve toujoursautantdevoirqu’ilpersisteàbrassertoutecettemerde,quitteànousattirerdesennuismonstrueux.

—Jesais.Ilt’aditquandilcomptaitpartir?

—Non,maisj’ail’impressionqu’iln’allaitpastarder.

—OK,detoutefaçonjesaisbienquejevaispasl’évitercommeçatrèslongtemps.Etaufondj’aibesoindeleretrouver.J’appréhendejusteunpeu.

—T’inquiète,onfaitçaàtonrythme.Quandtuserasdécidéetumediraspourquejeleprévienne.

Laportes’ouvreetunjeunehommeencostumeentreensedirigeantdirectementversnous.Ilnefaitaucundoutequ’ilestlàpourunentretien.Owenvaàsarencontreetl’inviteàlesuivredanssonbureau.

Je travaille tranquillement sur mon ordinateur en attendant qu’un éventuel client se décide àfranchirleseuildelagaleriequandjesuisinterrompueparmontéléphoneportablequimesignalequejeviensderecevoirunSMS.Jegrimaceendécouvrantl’auteurdumessage.

*Coucoumaboulette.J’aidesvisitespasloindelagalerie.Ondéjeuneensemblecemidi?

*J’aipastropfaim.Uneprochainefois.

Cen’estpasvraimentunmensongemaiscen’estpascequimotivemonrefus.J’aipeurdenepasêtreàl’aisepourlemoment.Jenemesenspasprêteàluifairefacesuiteàsesdernièresrévélations.

*Entouteamitié.Jesaisquet’espascontentedecequejet’aiditmaisjeveuxpasattendrepourte

revoir.Jeveuxpaslaisserunmalaises’installer.STP;)

Je saisqu’il a raison,plus jevaisattendre,plusce seradurde le retrouver.Commepour Jessied’ailleurs.

*OK.Jevoiscommentjepeuxm’organisercarOwenabesoindemoiici.Jetetiensaucourant.

*Super.Àtoutàl’heuremaboulette.

Je me reconcentre sur mon ordinateur tout en gardant un œil sur la vitrine. Pourquoi ai-je lasensationd’êtreobservée?Lalettredemenacesdoitavoirjetéuntroubleplusimportantquejenelepensaisdansmonesprit.

J’ai enfin pu avancer sur mon manuscrit quand mon chéri réapparaît avec le candidat qu’ilraccompagnejusqu’àlasortie.

Ilmedébrieferapidementsurcepauvrepostulantquinefaitclairementpasl’affaireetj’enprofitepourluifairepartdelapropositiondeDimitri.

—Tudevraisyaller,autantcreverl’abcèstoutdesuite.Çam’embêteraitquevousvousfassiezlatroncheouqu’ilyaitunmalaiseentrevous.Jeveuxqu’onpuissesefairedessoiréestousensemblesansgênepourquiquecesoit.

—Doncpourtoiyapasdesouci.Çatedérangepas?

—Jetel’aidéjàdit,c’estpasunesurprise,ilajusteformulécequ’onsavaittousdéjà.Tum’asditde ne pas m’inquiéter, donc c’est bon. Surtout que j’ai tendance à croire qu’il arrêtera ses sous-entendusousespetitsgestesdéplacés.Ça,çam’emmerdait.

—Çaroule.Detoutefaçon,plusj’attendsetplusceserabizarre.

—C’estaussivalablepourJessie.

Jesourisàl’idéequenoussoyonstellementenphasedansnosréflexions.

—Jesaisbien.Jenetraîneraipasnonplusaveclui.EtpuisilfautquejeparleàDimitridubébé.Jeneveuxpasqu’ilsoitledernieràl’apprendre.

—Mince,j’aioubliédetelediremoncœur,maisilestaucourant,jeluienaiparlé.

—Quoi?!?Quand?Etpourquoi?C’étaitàmoideluidire.

—Oui je sais, je suis vraiment désolé,mais quand tu as disparu, j’étais foud’inquiétude et j’aipenséquetuétaispeut-êtrepartiteplanquerchezluietvuqu’ilnemedisaitrien,jevoulaisêtresûrqu’ilsacheàquois’enteniretsurtoutcombienlasituationétaitsérieuse.

—J’hallucine…

—Écoute,jesuisdésolé,maisj’étaisvraimentinquietet…

—Nonpaspour ça. J’hallucinequ’ilm’ait fait cettepropositionhier tout en sachantque j’étaisenceinte.Jepensaisjustementquec’étaitl’argumentparfaitpourcalmersesardeurs.Jen’enrevienspas…

Cetteinformationmelaissedubitative.

Nous nous organisons pour que mon absence ne soit pas trop problématique même s’il devraassurerunentretiensanspersonneenrenfort,maislajournées’annoncecalmeetilpenses’ensortir.

*C’estréglé.Onseretrouvedanslerestod’hierà13h

*Parfait.Àtoutàl’heure.

**

—Salutmaboulette.

Ilm’accueilleavecunregardpleindetendressemaisquandilmeprenddanssesbras,jenem’ysensplusaussibienqu’avant.

—Salut.

—Oohmaboulette.S’ilteplaît,faispaslatête.

—Jenefaispaslatête,maisc’est…bizarre.

—Yariendebizarre.Tusavaiscequejeressentaisavantquejeneledise,jevoulaisjustequeleschosessoientclaires.Maissi tuveuxque l’oncontinuecommesiderienn’était,onfaitcommetuveux.

—Jen’enrevienspasque tum’aiesproposé…Tusais…bref,que tume l’aiesproposé toutensachantquejesuisenceinte.

—Oh!ça.

—Ouiça.Çamedépasse.

—Pourquoi?Çanet’étonnepasd’Owenmaisdemapartc’estbizarre.

—Carrément!

Je le regarde,amusée.Évidemmentquec’estsurprenantvenantde lui,c’estundragueur, ilaimepapillonner,jenevoispascommentilpourraitavoirenviedesefixeravecquelqu’un,avecmoi,etavecunbébédesurcroît.

Ilargumente,ilplaisante,ildétendl’atmosphèreetj’arriveàretrouvermonami,petitàpetit.

—Disdonc,tucomptesmangerquelquechose?C’estpasqueçamedérangedepayerunrepaspourqu’ilfinisseàlapoubellemaisbon…

—J’aidéjàdeuxcasse-noisettessurledos,tuvaspast’ymettre.

Sonregardculpabilisateurfaitsonœuvreetjefinisparpicorerlecontenudemonassiette,maisçanepassepas,surtoutquej’aibêtementoubliémesanti-nauséeux.Jescrutenerveusementlesalentourspourrepérerlestoilettes.

—C’estparlà-bas.

—Quoi?

—Lestoilettes.C’estpascequetucherchais?Parcequet’aspasl’airtrèsbien.

J’inspire profondément en fermant les yeux mais rien n’y fait, je me retrouve à filer dans ladirectionqu’ilm’aindiquée,sanspourautantcourir,histoired’essayerdeconserverunminimumdedignité.

Penchéeau-dessusde lacuvettedes toilettes,madignitévientdesefaire lamallealorsquemonestomacmefaitsavoirsafaçondepensersurmatentativederepasforcé.

—Anouk?Est-cequeçava?

—Sorsdelà!Ouiçava.Donne-moideuxminutes.

—Pasplus.Situnem’aspasrejointdansdeuxminutes,jerevienspourvérifierquetunet’espasévanouielatêtedanslacuvette.

—Trèsdrôle.Dégage!J’arrive…

Jereprendsmesespritsetmeredresse.Tropvite.J’aidespetitspointsblancsquiflashentdevantmesyeux.Jem’adossecontrelacloisondestoilettesenattendantqueçapasse,maisjenetraînepas,jeneveuxpasquelebouletrappliquedenouveau.

Je rejoins notre table d’un pas peu assuré, et à voir samine inquiète, il faut croire que cela seremarque.

—Tuveuxpartir?

—Non,çavaaller,finistonrepastranquillement.

—T’asfinidemesortircegenredeconneries.Onvapasrestersurplaceàchaquefoisquetun’espasbien,sousprétextequejedoisterminermonrepas.Viens,onyva.Jeteramèneàlapéniche?

—Non, jedoisretournerà lagaleriefileruncoupdemainàOwen.Iladesentretienset il fauts’occuperdesclients.

—Laisse tomber, t’espasenétat.Regarde-toi, ilnevoudrapasde toi là-basquand il t’auravuecommeça.

—Ouibah,çan’empêche,jenevaispasleplanter.

—Tusaisquoi,jel’appelletoutdesuite,onvaréglerlaquestionrapidement.

Surce,ilsaisitsontéléphonedanslapocheintérieuredesavestedecostumeavantmêmequejen’arriveàesquisserunmouvementpourl’empêcherdejouerlescafteurs.

—Ouais,c’estmoi…bahjustement,pasterrible.Elleaquasirienboufféetafiniparlerendre…hummhumm,c’est ceque je lui ai ditmais elleveut revenir à lagaleriepour te filer un coupdemain…Ouietbientuvasluidireparcequesic’estmoi,ellevacroirequej’invente.

Ilmetendsontéléphoneetjelèvelesyeuxaucielavecunemoueboudeuse.

—CommenttutesensAnouk?

—T’inquiètepas,Dimienfaitdestonnespourtroisfoisrien.

—Rentretereposers’il teplaît.Jemedébrouillerai trèsbiensanstoi ici.AupirejepasseraiuncoupdefilàOliverpourvoirs’ilestdispo.

Jesoupireprofondément,jen’aipaslaforced’argumenteretdebatailleraveclui,etàdirevrai,s’il peut se passer de moi, je dois avouer que je préférerais me reposer même si ça me frustreénormémentdemesentirsifaiblarde.Cecidit,pourleprincipe,jevaisgrognerunminimum.

—Vousêtesagaçants.Tusaisquoi,c’estbienparcequej’aienviederentrerquejevaisyaller.

Jesensqu’ilsouritàl’autreboutdufil,iln’estpasdupe.

—Àtoutàl’heurep’titcœur.Jeteretrouveàlapénicheenfindejournée.

Jerendssontéléphoneautraîtrequim’accompagne,nonsansunpetitregardnoir,làencorepourleprincipe,jenesuispasréellementfâchéecontrelui,jesaisqu’ilessaiedefaireaumieux.

—Allezviens,jeteraccompagne.

—C’estbon,jepeuxmedébrouiller,c’estjusteàcôté.

—T’aslaclef?

—Nonmaisjepeuxrepasservitefaitparlagaleriepourprendrecelled’Owen.

—C’estbon,j’enaiune,donconrentredirectementmaintenant.

Àforced’arguments,etsûrementaussiparcequ’ilavaituneurgenceàl’agence,Dimitriafiniparcéderetm’alaisséemereposerseulechezmonchéri.Fautpaspousser,jen’aipasbesoind’ungarde-maladenonplus.

Jeprofited’êtreseulepourappelerMariaetmettreenplacemonplandesecours.

—Bonjour,c’estAnouk.J’aibesoind’unpetitservice.VouspourriezallerchezmoietrécupérerlegrandsacqueCallievousadonnéavant-hier.Lesacetsoncontenubiensûr.Ilmefaudraitaussimagrosse trousse de secours. Je vais vous envoyer un texto avec l’adresse où je me trouve si vouspouvezmel’apporter.

Sondévouementestsansfailleetjesaisqu’ellevarappliqueràlavitessedel’éclair.

—Maria,entrez.Mercid’êtrevenuesivite,c’estvraimentgentil.

—Jevousenprie,iln’yaaucunproblème.C’estbiencequevousvouliez?

Moiquiespéraisrécupérermonstockdepochesdenutrition,jemerendscomptequej’aibienlesacmais pas le stock, il ne reste qu’une seule poche. Je ferme les yeux etme pince les lèvres enréalisantmonerreur.

—Çanevapas?Jen’aipasprislebonsac?

—Si si,nevousen faitespas,c’estdema faute. J’aioubliéque j’avais rangéquasiment toutcequ’ilyavaitàl’intérieur.

—Cen’estpasgrave,dites-moioùvousavez tout rangé, et je faisunpetit aller-retourvite faitpourvousramenertoutcequ’ilvousfaut.

Jeneveuxpasladérangermaiselleinsisteetçam’arrange.Jefinisparluiexpliqueroùellepeuttrouvertoutcedontj’aibesoin.Ellefileetjemeprépareàutiliserlaseulepochedontjedispose.

Tout est prêt, saufmoi. Jen’ai pasune seuleveinepotable sur lebrasgauche, et vuque je suisdroitièrejenevaisrienpouvoirfairesurmonautrebras.JevaisdevoiropterpourleplanB,piquerdanslajambe.Jedétesteça,d’uneparcequeçafaitunmaldechienselonl’endroit,dedeux,parcequec’estbeaucoupmoinspratiquepourbouger.

J’installetoutlenécessaire,etprendsdequoim’occuperunefoiscoincéedanscelit.Jecommenceàdevenirunevraieprodepuisdeuxsemainesquejemedopedelasorte.

Mevoilàbiencaléeavecdesoreillersdansledos,lapattebienétendueenattendantquelasolutionpasse. J’en ai pour un moment et j’en profite pour travailler avec mon ordinateur posé sur mescuisses.

Laported’entrées’ouvreetunepetitevagued’inquiétudemesaisit,cenepeutpasêtreMaria,elleauraitfrappé.

—Anouk?!Qu’est-cequec’estquecebordel?

Hoool’échec,priseenflag!

—C’estrien,justedequoimerequinquerunminimum.

—Maisd’oùtusorsça?Etpourquoitut’espiquéedanslajambe?

—Net’enfaispas,c’estrien.Écoutejenet’attendaispas,sij’avaissuquetuallaisvenir,j’auraisévitédelefaire,histoirequetunet’enfassespas.

—Excuse-moid’êtrepassétevoirentredeuxrendez-vouspourm’assurerquetuallaisbien!

—C’estpascequejevoulaisdire,maissij’avaissujet’auraisprévenupourpasquetumetombesdessusdanscetétatsanst’yattendre.Maisjet’assurequec’estplusimpressionnantqueçanedevrait.C’est justeque…jemesensunpeuàplatet jen’arriveà riengardercommenourriture.J’ai justevoulureprendreunpeudupoildelabête.

—Yapasdesouciavecça,maistun’aspasàfaireçatouteseule,cachéedanstoncoin.Etsurtoutilfautquecesoitencadréparunmédecin.

Jerendslesarmes,jen’aipluslaforce,etilamalheureusementraison.

—Jesais.

—Onfaitquoialors,mabelle?

—Pourl’instantjelaissepassercetteperf’,peut-êtreunedeuxièmeetensuite…–jesoupire,cetteconcessionmecoûte–onverrapourprendrerendez-vousavecParks.

Ilsembleétonné,maisrapidementilesquisseunlégersouriresatisfait.

—Effacecesourirevictorieux,vilainmatou!

— Je suis juste fier de toi, fier de voir que tu sais prendre les bonnes décisions quand elless’imposent.

Ils’assoitàcôtédemoietpassesonbrasau-dessusdematêtepourquejeviennemelovercontresontorse.Ilhumemescheveuxetydéposeunbaiser.Jerelèvemonvisageverslesien,cen’estpasdansma crinière que je veux ses lèvres. Il le comprend etm’embrasse doucement,mais quand jecommenceàm’enflammeretàpressermoncorpscontrelesien,laperfusionmerappelleàl’ordre.Jereprendsmapositioninitiale,frustrée.

—Tudevraisretourneràlagalerie.Tuasduboulotetdesentretiensàfairepasser.Oliestvenut’aider?

—Ouimaissij’yretournejeluidemanderaideveniricipourresteravectoi.

—Owen,jen’aipasbesoind’ungarde-malade.Jesaistrèsbienprendresoindemoiettul’asdittoi-même,quandillefaut,jeprendslesbonnesdécisions.

—Ouimais…

TOC-TOC-TOC

Nous sommes interrompusparquelqu’unqui frappe à laporte.Monhommeme jetteun regardinterrogatiftoutenfronçantlessourcilsetfinitparsedirigerverslaporte.

—Bonjour.

—Oh,excusez-moi,j’aidûmetromperde…

—C’ESTBONMARIA,ENTREZ!

Lemaîtredes lieuxs’écartepour la laisserpasseretellesedirigedirectementversmoiavecunpetitsacdevoyagequ’elledéposeaupieddulit.

Jedécidedefaireunnouveaupasenavantenfaisantlesprésentations.

—Maria,Owen.Owen,Maria.Mariaestlapersonnequis’occupedemonappartement.Owenestl’hommequialecouraged’essayerdepartagermavie.

Touslesdeuxsourientàcequin’estfinalementpastantqueçauneplaisanterie.

Ilséchangentquelquespolitessesetmonchérifinitparnouslaisser,pensantcertainementquemonemployéevametenircompagnie,alorsquejelarenvoiechezelletrèsrapidement.

Enfinseule,jeprendsletempsderéfléchiràlafaçondontjevaispouvoirgérerleretourdemeschersmédecinsdansmonquotidien.

Unefoisdeplus ilvamefalloirassumer lesconséquencesdemoncomportementde trouillardereinedel’évasion.

20

J’entendschuchoteràcôtédemoietçamesortlégèrementdelatorpeurdanslaquellej’aiplongéquelquesminutes plus tôt. J’observe du coin de l’œil Owen en train de tripatouillerma poche deperfusiontoutenmaintenantsontéléphoneavecsonépaule.

—Hummm,ouaisc’estbon.Etaprèsjefaiscomment?……Nonyaunbiduledessusquigêne…Fautforcer?Nonparcequelàças’enclenchepas…Humhum…Ouais…Ouaisçayest,çagoutte…Ouibahmoiaussijepréféreraisquecesoittoiquilefassesmaisbon,pourl’instantonfaitcommeça.

—Hey,saluttoi.Qu’est-cequetufaisdéjàlà?

—Fautquej’telaisse,labelleauboisdormantvientdeseréveiller…Oui,oui,jesais.

Ilraccrocheetposesontéléphonesurlechevet.

—Tusaisquec’est làque j’habite.Etaprèsune longue journéede travail,enrèglegénérale, jerentrechezmoi.Etsij’aidelachance,j’yretrouvemapetitechéried’amour.

Ilfaitsonmalinmaiscepetitsurnommevoleunsourire.

—Attends,maisilestquelleheure,là?

—Bientôtdix-neufheures.

Merde,çanefaitpasquequelquesminutesquejemesuisassoupie.Jedécouvremonordinateursoigneusementreferméetdéposéaupieddulit.Clairementcen’estpasmoiquim’ensuischargée.

—Tuesrentrédepuiscombiendetemps?

—Paslongtemps.Tunemedemandespasavecquij’étaisautéléphone?

—Pasbesoind’êtredevinpoursavoirdequiils’agit,etautantéviterlesujet,j’aimepastropvoussentirsiproches.

—Onn’estpasproches,maisj’avaisbesoind’uncoupdemainetaprioriilétaitlemieuxplacé.Jesuisarrivéetlaperfétaitvide.Çam’ainquiété,ducoupjel’aiappeléetilm’aconseilléd’enpasserunenouvelletantquetutereposais,histoiredenepasperdredetemps.

—Ilétaitfurax?

—Pourquoiveux-tuqu’ilsoitfurax?Ilveutjustequetutesentesmieux.

Jeluilancemonregardquiluiditquejen’ycroispasuneseuleseconde,etqu’ilestentraindem’épargner.

—Iln’apasgrogné,hein?Pasmêmepourlefaitquejemesoispiquéedanslapatte?Àmoinsquetuneluiaiespasdit.

—Oui…bon…peut-êtrequ’ilaémisquelques…réserves,disons.

Ilessayededissimulersonsouriremaisl’ironieesttropgrandepourqu’ilpuissefairecommesiderienn’était.

—Jesaistrèsbiencequ’ilenpensemaisjen’avaispaslechoix.

—Jesais,c’estcequejeluiaiditmaisils’estunpeuemballéenparlantderisquesde…jesaispluslenomdutruc.

—Unethrombose.

—Ouic’estça.Çaveutdirequ’ilyavraimentunrisque?

—Non,c’estbon,j’enlèveraitoutdèsquecettepocheserapassée.

—Detoutefaçontun’aspaslechoix,j’aidesconsignespourlefairemoi-mêmesitut’yrefuses.Aufait,tuestoujoursd’accordpourprendrerendez-vousavecleDocteurParks?

—Mouais.Franchementj’ytienspas,maisalorspasdutout.Maisjesaistrèsbienquejen’aipaslechoix,elleestlamieuxplacéepourmesuivreetjedoisconsulter.

—Pourquoi?Yaunsouci?

—Nonmaisj’aibesoind’unsuivitrèsrégulier,etjesaisqu’ilesttempsquej’yaille.Maisaprèsladernièrefois…Etpuisellem’avraimentgonflée,j’aipasaimésafaçondefaire.

—Quoi?Jouerlacartedel’honnêteté?Tupeuxpasluienvouloir,elleavoulufaireaumieux.

— Je l’avais appelée, je lui avais demandé de la fermer unminimumet j’ai eu l’impression detomberdansuntraquenard.Jenesaispassic’estsonidéeoucelledemonfrèredebalancerdesinfosdevanttoipourmemettreaupieddumur,maisdanstouslescasellen’auraitpasdûlefaire.

—Tul’avaisappelée?!

Ilbalancesatêtedegaucheàdroiteavecunsouriremi-amusé,mi-blasé.Ilestétonnésansvraimentl’être.Ilnes’imaginaitpeut-êtrepasàquelpointjepouvaisétendremonbesoindecontrôle.

—Écoute,demaintuyretournes,tufaiscommesiderienétait,etonverrabien.

—Demain?

—Heuoui,c’estpourçaàlabasequejetedemandaissic’étaittoujoursd’accord.J’enaipeut-êtreunpeuparléàtonfrèrequiaimmédiatementpasséuncoupdefiletaobtenuunrendez-vouspourdemain,enfindematinée.

—Bahvoyons…

—T’aschangéd’avis?

—Non,jesaisquec’estcequ’ilyademieuxàfaire.C’estjustequeçam’embête.C’estnul,fairecegenrederendez-vous,savoirquelebébévabien,fairelesminiéchos,çadevraitêtreunmomentplutôtsympaetj’ail’impressionqueçavaêtreunecorvéeàchaquefoismaintenant.

—Tuveuxchangerdepraticien?Sivraimenttutesenspasàl’aiseavecelle,onpeutessayerd’entrouverunautre.

—Non, je sais qu’elle est lameilleure. J’aimerdé, enfin, elle aussi,mais bon, je dois assumer.Disonsqu’onverralatournurequeçaprendrademain.Enfonction,onavisera.

—J’aimebienquandtudis«on».

—MonsieurHenderson,sachezquej’aibienprisvosdoléancesenconsidérationetquej’aiàcœurd’essayerdevoussatisfaire,dis-jesuruntonquiseveutsolennel.

—Lemot«essayer»estdetropàmongoût,maisj’appréciel’effort,mademoiselleDavis.

Il s’assoitprèsdemoietme faitun toutpetitbisouduboutdes lèvres. Je luidécochemamoueboudeusemaisjen’arrivequ’àlefairesourire.

—Pasbesoindefairecettetête,tun’aurasriendepluspourl’instant.

—Pourquoiiii?

Jedégainemavoixdepetitefillecapricieuse,c’estpasquejesoischaudecommelabraiselàtoutdesuite,maisilyaunminimumsyndicalquandmême.

—Parcequetun’espasenétatetquesij’enfaisplus,j’vaisavoirunefurieuseenviedetesauterdessusetdetefairedeschosescrapuleuses.

OK,maintenantjesuisenchaleur!

—Qu’est-cequiteferaitenviepourledîner?

—Ouaisc’estça,changedesujet.

Ilselèveetsedirigerapidementverslacuisineavantmêmequejenepuisseamorcerlamoindretentativededétournement.Jesoupire,profondément,etbalancematêtesurl’oreiller.Iln’apasbesoindeseretournerpourquejesachequ’ilestentraindesourire.

—T’asunetablettedechocolat?Oumieux!DesM&Ms!

—C’estpasunrepas!

— La docm’avait conseillé de picorer souvent plutôt que de faire des vrais repas trop durs àdigérer.Etpuisc’estpleindebonneschosesetaumoinsjeferaidugras!

—J’aidestablettesdechoconoisette,maispasdeM&Ms.

Attention,miseenplacedemanouvellerusedesalegossepourriegâtée,jeluifaismonregarddechatpottéspécialfemmeenceintequicrèvedefaim.Ilnetientpastroissecondesavantdeleverlesyeuxaucieletjesaisdéjàquej’aigagné.

—Jerêve!Tuvasm’obligeràallerenchercher?!Àcetteheure-ci?

—Non,jet’obligepas.

Jeluifaismapetitevoixdemalheureusequivaluimettrelecoupdegrâce.Ilsaitquejeplaisante,maisilsepiqueaujeu,etpuisaufondilveuttellementquejemangequ’ilestprêtàtout.

—Trèsbien…J’yvais.

Iljouelacartedumecexaspérémaisaufondjesaisqueçaluiplaîtquejelelaisseêtreauxpetitssoinsetrépondreàmescapricesdefemmeenceinte.

**

J’étiremespetitsmusclescourbaturéssuiteàcettenuitagitée.

—Salutp’titcœur.T’asréussiàdormir?

Ilsetortilleetm’enveloppedesesmembrescommes’ils’agissaitdetentacules.

—Pasdesmasses.

—T’aspayéchercepauvrepaquetdeM&Ms.

Poursûr,troisallers-retoursverslasalledebainetplusdedeuxheuresdenausées,j’aipayétrèschermagourmandise.Ceciétant,j’aibeauêtreépuisée,jenepeuxm’empêcherdesavourerleplaisirqueme procure sa peau contre lamienne, sa chaleurm’irradiant profondément. Il ne porte qu’unboxer qui contient à peine son érectionmatinale et je ne peux que sourire à l’idée de tout ce que

j’aimeraisluifaire.

—Arrêtedemeregardercommeça,jeunefille.

—Commequoi?

—Commesij’étaisunpaquetdeM&Ms.

—C’est-à-dire?

—Tuasceregardpétillantetgourmandquimedonneenviedenepasêtreraisonnable.

—Alorsfileprendreunedouche,parcequesit’espasprêtàfairedesfoliesdetoncorps,c’estpaslapeinedemenarguer.

Je tentede lepousserhorsdu lit,cequi l’amusevu lepeudechancesque j’aid’yarriver. Ilmeserreencorepluscontreluietmedéposeunbaiserdanslecou.

— J’en ai très enviemon cœur,mais c’est pas raisonnable, je préfère que tu gardes tes petitesforcespouralleraurendez-vousdetoutàl’heure.

—J’aiassezdeforcespourlesdeux.S’il-te-plaiiiiiiiit,justeunpetitpeu.

Jeluifaismamouequej’appelleraidésormaislamoueM&Msetdéposedespetitsbisoussursontorse touten laissant l’unedemesmainsvagabonderplusausud. Ilgrogne légèrementet jegardel’espoirquejepourraisleconvaincre.

—Siçapeutterassurer,jeneferairien,jefaisl’étoiledemer,ettufaistoutleboulot.

Ilrigolemaiss’extirperapidementdulitavantquejen’arriveàmesfins.

—Owen!Allllllez!Viennnnns!

—Tuesunevraiediablesseetjevaisvitem’éloigneravantquetespouvoirsnefassenteffet.

Ilsesauveverslasalledebainetjen’aiqu’uneenvie,lepoursuivresousladouche.Monespritestdéjàlà-basentraindem’imaginerluigrimpantdessus,maismarêverieestviteinterrompueparlebruitduverrouqu’iltourne.

—ENFOIRÉ!dis-jesurletondelaplaisanterie,mêmesiaufondjesuisfranchementfrustrée,sijenesuispasassezenformepourunmarathondusexe,rienqu’unpetitcâlintorride,çaauraitétéparfait.

—Moiaussijet’aime!répond-ilderrièrelaporte.

J’envisage sérieusement de prendre un couteau pour tourner le verrou de l’extérieur. Pourquoi«envisager»?Àl’attaque,directionlacuisinepourattrapermonsésamepourunedouchecoquine.C’estunsystèmetoutsimpleet ilsuffitdemettre lapointedans lafentedubarilletetde la tournerpourquelaportes’ouvre.Jackpot!

Jemefaufilediscrètementetl’observe.Ilnem’apasentendueaveclebruitdel’eauetjesavourelespectaclequis’offreàmoi. Ilsesavonneet j’aienviederemplacer l’épongequiglissesurchaquecentimètredesapeausidélicieuse.Sesmusclesquidansentàchacundesesmouvementsmedonnentenviedem’accrocherà luipourqu’ilmeporteetmeplaquecontre la faïence. Je fais coulisser laparoietjelevoisjetersatêteenarrière,résigné,ilacomprisquejevenaisdelerejoindre.Jeglissemesbrasautourdesatailleetmeplaquecontresondosimposant.J’ail’impressiond’êtreunepetitechoseridiculementpetiteetmaigreletteencomparaison.

—Anouk…

Savoix recèle unepointe d’agacement et d’exaspération, il a compris que je n’allais pas lâcherprise.

—Ouiiii?

Je fais ma petite voix innocente qui ne dupe personne, surtout que mes mains partent à ladécouvertedemonterraindejeuxpréféréqu’ilneveutpourtantpaspartageravecmoi.

—Anouk,j’aiditquejenevoulaispas.

—Maistuenasenvie.

—Cen’estpascequicompte–maisvoyantquemesdoigtscontinuentleurexplorationilajoute–s’ilteplaît.

Jelecontournepourmeretrouverfaceàlui,jesuisdécidéeàbiencommencercettejournéeetjenelaisseraipassespetitesappréhensionssemettreentraversdemaroute.Maisquandilmeregarde,ilsemblerésigné.J’espéraisqu’ilseraitplutôtexcité,ouaumoinsunpeuchaud,maiscen’estpaslecas. Ilmescruteattentivementetmemetmalà l’aise,car iln’estpasen traindemematerpourserincerl’œil,j’auraispréféré,ilm’examine.

—Putain,qu’est-ceque…

Ilcommenceàsebaisseretj’essaiedel’interrompre,maisilneselaissepasfaireets’accroupitpourregardermajambe.

—C’estàcausedelaperfusion?

—Cen’estqu’unbleu,arrêtedet’inquiéterpourrien.

—Non,cen’estpasqu’unbleu,c’est…j’ensaisrien,unhématome.C’estpasjoli,çameplaîtpas.

Ilseredresseetjeprendssonvisageencoupepourl’embrasserdélicatement,maisjesensquelecœurn’yaitpas.

—Nebougepasdelà.

Jefilehorsdelacabineeninondantlesoletéteinslalumière.Jelerejoinsrapidementetdésespèredelevoirretrouversaformed’ilyaquelquesminutes.Jel’embrassesurletorsealorsquesesmains

commencent à caresser mes cheveux. Il bascule ma tête en arrière pour poser ses lèvres sur lesmiennes.Jeremontemajambeenlafaisantcoulisserlelongdelasiennejusqu’àlafixerauniveaudesonbassin,maisilnes’enemparepascommeilal’habitudedelefairepourquejeluigrimpedessus.Je vais devoir sortir l’artillerie lourde. Je recommence à déposer un chapelet de baisers sur sespectorauxetentameunedescenteversmabasedeloisirspersonnelle.Ilsoufflemonprénomentresesdents,maisilnem’arrêtepas.Ilsaitcequejem’apprêteàfaireetiladéjàrécupérélaformedanslaquellej’espéraisletrouver.Àgenouxdevantlui,j’ail’avantaged’êtrehorsdeportéedesespetitesmiminesquidésormaisnepeuventplussentirmescôtesà fleurdepeauàchacunedesescaresses.J’effleuresonérectionavecmalangue,delabasejusqu’àsongland.Ilestmaintenantàmamerci,ilnemerefuseraplusrien,enfinjel’espère.Jeleprendsenboucheetlesavoure.Plongésdanslenoir,jesuisplusàmêmedemeconcentrersurlessensationsquemeprocuresapeau,jeressenschacundesesmouvements,chaquevibration,chaquecrispationquandmeslèvrescoulissentlelongdesonsexe.Je l’entendssoupirerprofondément, il sepenche légèrementenavantpourprendreappuicontre lemur.

—Tum’énerves,t’esvraimentunediablesse.

Voilàlesignalquej’attendais,commediraitDora,c’estgagné!

Ilsepenche,m’attrapesouslebraspourm’inciteràremonter,etj’aitropenviedelesentirenmoipourm’attardersurcequejesuisentraindefaire.J’embrasseleboutdumontplaisiravantdemerelever en faisant glissermesmains de ses hanches jusqu’à sa nuque.Ma langue vient taquiner lasiennealorsqu’ilmesoulèveenmesoutenantsouslesfesses.Mesjambess’enroulentspontanémentautourdelui.

—Tuterendscomptequejevaisculpabiliseretmesentirmalaprèsça?

Je sais que c’est vrai, et j’aimerais lui épargner cela,maismes hormones ne l’entendent pas decetteoreille.

—Chuuuut.

Jeprendssonvisageentremesmainsetl’embrasse,pourlefairetairemaissurtoutpourdonnerletop départ des festivités. Il s’invite délicatement en moi, j’expire tout le long de la descente.L’obscuritémepermetd’ignorersonvisagesûrementsoucieuxetdesavourer l’instant,mêmesi jesensqu’ilgardelecontrôleetqu’ilneselaisserapasdéborder.Ilamorcequelquesmouvementsavecson bassin mais le cœur n’y est pas, il n’y met pas la ferveur habituelle. J’ai beau le caresser,l’embrasser,l’attirercontremoi,rienn’yfait,l’alchimien’estpaslà.

—Laisse-moidescendre.

—Quoi?!

—Lâche-moi,laisse-moidescendre.

Jegardemoncalmemalgréleniveaudefrustrationgrandissantquisaturemonorganisme.Ilmelibèredélicatementenmereposantausol.

—Tutesenspasbien?Çavapas?

—Si,çavabien justement,et j’auraisvouluenprofitervuque jen’aipaspu le fairecettenuit.Maissic’estpourm’envoyerenl’airtouteseule,c’estpaslapeine.J’vaispasteforcernonplus.

Dansmonempressement,jecafouilleunpeuavecl’ouverturedelacabinededoucheetmanquedetomber.J’attrapeuneservietteàlahâte,appuiesurl’interrupteurdelalumièreetsorsrapidement.Jemesèchegrossièrement,balancetoutsur lecanapéetmejettedansle litenmecamouflantsouslacouette.Jemerecroquevilleenpositionfœtaleaveclafermeintentiondemerendormir,ilestencoretôtetjemériteunegrassematinée.

Ilfinitparsortirdelasalledebainavecjusteunboxer.Jefermelesyeux,ilnecroirajamaisquejedorsmaisilcomprendraquejen’aipasenviedeluiparler.Jesuisfrustrée,maisaussimalàl’aisedeluiavoirforcélamainpourunrésultataussiminable.Jesenslematelass’affaissersoussonpoidsalorsqu’ils’allongederrièremoi,soncorpssepressantcontremondos.

—Tuboudes?

—Hummm…

—Anouk,tusaisquej’airaison.C’estagaçantdevoircombientupeuxtemontrerétonnammentraisonnableparmoments,ettotalementinconscientel’instantd’après.

Jefinisparmeretournerpourluilancermonregardnoirquinesembleavoiraucuneprisesurlui,ilpenseêtredanslavéritépureetriendecequejepourraisdirenepourralefairechangerd’avis.

—Owen,j’aipasenviedeparler,jesuisagacéeetfrustréeau-delàdecequetupeuximaginer.Jesuisdéfoncéeauxhormonesalorsque…

—Quoi?Dis-moi.

—J’aimeraisêtredéfoncéeparautrechosequeleshormones.

Jepincemeslèvrespourravalerl’énormitéquejeviensdeluiserviralorsqu’ilnepeutseretenirde rire aux éclats, ce qui ne fait qu’accroître ma gêne. Encore une défaillance de mon filtrecerveau/bouche.

—Vienslàp’titcœur,dit-ilenm’attirantverslui,etlorsquelacouettemedécouvrelégèrement,ilremarquequejesuisnue.

—Trèsbien,jem’occupedetoi,maistumeprometsdetereposerensuiteetd’essayerdemanger.

Jenepeuxm’empêcherd’étirermeslèvres,tellementravieparleprogrammequis’annoncedansce lit.Sonpetitmuseaudematoumechatouillequand il seblottitdansmoncou, sabarbede troisjoursmeprocure des sensations délicieuses que je suis pressée de retrouver surma chair humidequ’il rejoint très rapidement en parsemant des petits baisers tout le long du chemin. Il goûtedélicatement le haut demes cuisses, ilmemet au supplice. Sa langue,mon salut, s’immisce enfinentre les replis demon intimité.Mes paupières se ferment etmon dos se cambre sous ce contactélectrisant.Ilstimulemerveilleusementmonclitorisetilenprofitepourintroduireundoigtenmoi,

rapidement suivi d’un deuxième. Il fait ce petit mouvementmagique qui prouve qu’il connaît parcœurchaquemillimètrecarrédemoncorps,carilfaittoutdesuitemoucheens’attardantauniveaude mon point G.Mes jambes se crispent et mes orteils se contractent violemment alors que mesongles s’enfoncent dans les draps. Il ne lui faut pas plus de trente secondes pour me fairecomplètementbasculerdansunorgasmeintensequ’ilfaitdureruneéternité.

J’ailatêtedanslebrouillardetlesjambesencoton,ilavraimentassuréetilpeutêtresûrquejen’auraismaintenantplusl’énergiedeluisauterdessus.Maisjenepeuxquandmêmepasmecontenterde ça. Il est allongé près demoi et caressema joue le temps que je recouvremon calme. Aprèsquelquesminutes,jemetourneversluietlaissecourirmesdoigtsjusqu’àsanuquepourl’attirerversmoi. Son regard est légèrement hésitantmais sa petitemoue grivoisem’indique que cette fois, jen’auraispasbesoind’insister. Il sedécideàvenirau-dessusdemoiet j’écarte immédiatementmescuisses pour l’accueillir. Je tire sur sa nuque pour rapprocher son visage du mien et pouvoirl’embrasseravantqu’ilnechanged’avis.Jeglissemesdoigtsdanssatignassependantquelessiensslaloment sur mon corps. Il attrape son sexe et le met au contact de ma chair qui le réclamedésespérément.Ilmarqueunepauseetmedévisagetendrement.Jenesaispascequ’ilattendmaisjenepeuxm’empêcherderemuerpourl’inciteràmepénétrer.

—Tuesbelle.

Jebaisselesyeux,embarrassée.Çasemblesifacilepourlui,d’exprimersessentiments.Ilsouritmais n’argumente pas, lemoment ne s’y prête pas. Ses lèvres chaudes dégustentmon cou et il enprofite pour me pénétrer, doucement, très doucement, me laissant le loisir d’apprécier chaqueprécieuxcentimètre,commeunedroguéequiprendraitsadose.Ilentameunlentmouvementdeva-et-vient qui commence déjà à réchauffer toutes mes petites cellules. Je m’accroche à ses largesépaules,etsousl’effetdelatension,m’yagrippeavecmesongles.J’aibesoin…Ilfautqu’il…plusfort…

—Owen…

Jen’aipasbesoind’endireplus,ilcomprendmasuppliquepuisqu’ilintensifiesesmouvementsetmessensations,c’estdivin.Tousmessenssontexacerbés,exaltésparleshormonesetmondésirdefusionneraveclui.J’enaipresquelevertige,jesuisauborddugouffre,prêteàbasculerdanslevide,mais j’ai besoin de le sentir en symbiose, prêt à partager cette jouissance, à se déverser au plusprofonddemoi.Quandl’unedesesmainsattrapefermementl’unedemesfesses,jesaisqu’onyest,jelâchepriseetmelaissesubmergerparledivinorgasmequ’ilm’offre.

Jen’enpeuxplus,c’étaittropbon,jesuislittéralementshootéeauxendorphines.

— J’y vais p’tit cœur. J’ai programmé ton réveil au cas où, comme ça tu auras le temps de teprépareretdemangeruntrucavantdepasseràlagaleriepourqu’onailleàtonrendez-vous.

Jen’avaismêmepasréaliséqu’ils’étaithabilléetencoremoinsqu’ils’apprêtaitàallertravailler.Ilfileverslasortie,nonsansm’avoirembrasséeaupréalable.

21

—Nerveuse?

—Non,pourquoi?Jedevrais?

Ilsouritetposesonregardsurmesmains.Jeréalisealorsquej’aidenouveaucepetittic,quandjetoucheleboutdechacundemesdoigtsavecmonpouce.Côteàcôte,chacunsurnotrechaisedanslasalled’attenteduDocteurParks,nouséchangeonsunregardcomplice.Ilsaitquejefaismamalignemaisqu’aufondjen’enmènepaslarge.

Lamédecinsortdesoncabinetavecunepatienteenceintejusqu’auxyeuxetquimarche,non,quisebalanced’unpiedsurl’autreaveclagrâced’unebaleineéchouée.Pitié,évitez-moidefinirdanscetétat-là. Elles me considèrent toutes les deux, mais je lis de la pitié et un je ne sais quoi de plusdérangeantencoredansleregarddelafuturemaman,cequimemetextrêmementmalàl’aise.Jesaisquejenesuispasdansuneformeéblouissante,maisétonnamment,sij’aiprisl’habitudedevoirdel’inquiétudedanslesyeuxdemesproches,ledégoûtn’enavaitencorejamaisfaitpartie.Lamimiquerassurantequem’envoiemonchérinelaisseaucundoutesurlefaitqu’ilaégalementremarquésonexpression.

—BonjourAnouk.Onyva?

Nousnouslevonsetelles’interromptdanssonélan.

—MonsieurHenderson,jepeuxvousdemanderdenousaccorderquelquesminutesentête-à-tête?

Ilmejetteuncoupd’œilpours’assurerquejesuisd’accord,etquandilvoitquejenem’yopposepas,acquiesceetserassoit.

Jeprendsplacedevantsonbureau,maisau lieudes’asseoirde l’autrecôté,ellevients’installerprèsdemoi.Elle inspireprofondément, je sensqu’ellene saitpas tropcommentcommencercetteconversation,etjenesaispasplusqu’ellecommentm’yprendre.

—Anouk, je suis… jene saispas tropcommentaborder ce rendez-vous. Jemedoutequevousdevez espérer des excuses pour ce qui s’est passé la dernière fois, mais je n’ai pas l’impressiond’avoirmalagi.J’aivraimentàcœurquevotregrossessesepasselemieuxpossibleetjeveuxfairetoutcequejepeuxpourqueleschosess’améliorent.Maméthoden’étaitpeut-êtrepaslameilleure,mais jevoulaism’assurerquevouspreniez toutcelaausérieux.Vousavez l’impressiond’avoir lecontrôle de la situationmais ce n’est pas le cas, et je veux être certaine que vos proches puissentveillersurvousconvenablement,etqu’euxaussipuissentcomprendrelagravitédevotreétatdesanté.Jesuispersuadéequevousvoulezlesépargnermais ilest tropimportantqu’ilsgardentunœilsurvous. Je veux bien passer certaines choses sous silence, mais je ne veux pas mentir non plus. Jen’évoqueraipaslesoucidutrophoblastesic’estvotresouhait,maisuniquementparcequ’iln’yariend’alarmantetquevotreétatpeuts’améliorerdelui-même.Pourlereste,jeneferaipasdemystère.Sivousdemandezàvotreamidevenir, jeconsidéreraiqu’ilfaitpartiedel’aventureetqu’ilpeutêtreinformé.Àvousdevoir.Delamêmefaçonj’informeraivotrefrère,c’estluiquivousaadresséeàmoi,c’estluiquimecommuniquevotredossiermédical,c’estluiquiconnaîttoutvotrehistorique,c’estdoncluiquirestemonréférentetjenemevoispasfaireautrementquedeleteniraucourant.Jepeux comprendre que vous ne soyez pas d’accord, je sais que ce n’est pas trop votre mode defonctionnement,maissioncontinueensemble,jeveuxqu’onsoitsurlamêmelongueurd’onde.

Ellem’adébitésondiscours,qu’elleadûpréparer,vulatiradequ’ellevientdemesortir.Ellenedevaitpasêtretrèssereineàl’idéedecerendez-vous,maiscettenouvellefranchiseàmonintentionmeconvient.Detoutefaçon, jen’aipas l’impressiond’avoir troplechoix,etsielleestdisposéeàfairedesefforts,autantenprofiter.

—Jesaisquejen’aipaseulabonneattitudenonplus,maisdisonsque…çafaitlongtempsquej’ail’habitudedegérermapetitesantétouteseule,oujusteavecJessie,maislà…Lasituationprenduneampleuràlaquellej’espéraiséchapperetjeneveuxpasquemonfrèresemettesurmondos.Ilpeutêtretrès…disonsqu’ilvavouloirs’occuperdemoisansmelaissermonmotàdire.Çapartd’unbonsentiment,maisquandils’agitdemasanté,sonangoissepeutlerendreunpeuexcessif.

— On en a discuté, mais vu la situation, ce qu’il envisage ne me semble pas si excessif, aucontraire,mais jepeuxcomprendrequevousayezdumalà l’accepter, enparticulierparcequeçavientdelui.Cequejevousproposec’estquecesoitavecmoiquelesnégociationss’organisent.Onnégocie ensemble votre traitement et lamarche à suivre, et je gère ensuite votre frère pour qu’ilacceptecesurquoions’estmisesd’accord.

Je ne peuxm’empêcher de rire, jamais il n’acceptera, elle ne pourra jamais le contraindre à seconformer à ce que nous aurons décidé s’il n’est pas d’accord. Pour autant, elle ne semble pas sedégonfleretsonregardrestedéterminé.J’enviensàmedemandercequileslietouslesdeux,quelleemprisea-t-ellesurlui?

—OK,sivouspensezquevousavezunechanced’yarriver,ontentelecoup.

—Parfait,onfaitcommeça.Sic’estbonpourvous,jevaisdireàvotreamidenousrejoindre.

—Oui,ilestvenupourça.

Ellesortetl’inviteànousrejoindredanssoncabinet.Ilm’interrogeduregardpourvérifierquetout va bien et je fais de mon mieux pour le rassurer silencieusement. Il prend le siège qu’elle

occupaitilyaquelquessecondesalorsqu’ellereprendsaplacederrièresonbureau.Elleouvremondossier qui fait déjà une épaisseur conséquente et entame l’entretien. Elle évoque mes derniersrésultats d’examen, consulte le compte-rendu d’échographie que je lui ai apporté, me fait lesordonnances nécessaires pour les prochains examens, puis me demande de me mettre en sous-vêtements pour passer sur la balance…Moment fatidiqueque l’on semble tous appréhender, vu latension qui envahit brusquement le cabinet. Je m’attends au pire, je sais très bien que ces deuxdernièressemainesn’ontpasétépropicesàuneamélioration,etsilesrésultatssonttropmauvais,jevais prendre cher.À commencer par l’abstinence totale quemon chéri risquedem’imposer.Pitié,faitesquecenesoitpastropcatastrophique,jen’ysurvivraispas.

—Unkilodeuxcent.

—Deplus?

Onpeuttoujoursrêver.Parksmelanceunregardamusé,iln’yaévidemmentaucunechancequej’airéussiàengraisser.

—Pasvraiment,non.Onendiscuteaprès,venezsurlatableonvafaireunepetiteéchodecontrôle.

Lematounousrejointenessayantdefairebonnefiguremaisjenesuispasdupe.Misère,lesexec’estfinipourmoi.J’vaiscrever!

Sonœilpétilletoujoursquandilvoitpetitboutapparaîtresurl’écranetce,malgrésoninquiétude.Ilpressemamain,fort,etdéposeundouxbaiserdansmapaume.

—Est-cequ’onpeutsavoirlesexe?interrogemonchéri.

— Pas avec moi. Je ne fais qu’une écho de contrôle pour vérifier le rythme cardiaque, saposition…pour ce genrede choses c’est l’échographiste qui pourra vous le dire.C’est unpeu tôtmaisilpeutfaireunpronostic.Sic’estunbon,vouspourrezcompterdessus.J’aimeraisquevousyretourniezdansdeuxsemaines,vousluidemanderezàcemoment-là.

—Saufsiongardelasurprise.

—Tuveuxpassavoir,p’titcœur?

Jesuisunpeumalàl’aisequ’ilm’appelleainsidevantlemédecinmaisjenerelèvepas.

—Non, je plaisante. Tu crois vraiment que je pourrais supporter le suspens aussi longtemps ?J’auraisdéjàpudemanderuneidéeladernièrefoismaisbon…quandj’yretourne,sûr,jedemande.

Jen’oseluipréciserquesijen’aipasposélaquestion,c’estparcequ’iln’étaitpasavecmoietquejevoulaispartagercetinstantaveclui.

—Monsieur,jevouslaisseretourneràmonbureauletempsquejel’examine.

Ilretourneàsaplacependantqu’ellepositionneunparavent.Elleprendmatensionpuispasseauxchosessérieuses.Jefixeleplafondsilencieusementenattendantqu’ellefinisse.

—C’estterminé.Jevouslaissevousrhabilleretnousrejoindre.

Jenetraînepas,jeneveuxpasleurlaisserl’occasiondediscutertouslesdeux,onnesaitjamais.On a conclu une sorte d’accordmais simonhomme lance un interrogatoire… J’évite d’y penser,maisaccélèrelacadencemalgrétout.

—Bon,parquoi jecommence…Bon,heu…leproblèmemajeur restevotrepertedepoids.Onpeutessayerdechangerd’anti-nauséeux,mêmesifranchementceluiquevousavezactuellementestsûrementleplusefficace,maisonpeutquandmêmetenterpourvoirsivotreorganismepréfèreautrechose.

—Aupointoùj’ensuis,effectivement,çanecoûterien.D’unautrecôté,lapertedepoidsn’estpassiimportante,surtoutqueçafaitunpeuplusdedeuxsemaines.

—J’aibesoindevousrappeleràcombiendekilosonenestencumulantdepuisledébutdevotregrossesse?

—Plusdehuitetdemi!l’interromptmonhommequitientapparemmentlescomptes.Sontonestsecetiln’apprécieclairementpasquej’essaiededédramatiser.

— Et ce qui m’inquiète, c’est que, même si c’est bon signe pour le bébé, c’est lui qui sembleprofiter.D’aprèslecompte-rendudel’échographiste,toutcequiestautourdubébéprenddupoids,maisauglobalvousenperdez,cequiveutdirequevosréservessontenchutelibre.

—Onparledequellesréserves?!l’interrogeOwen.

Iln’arrivepasàgardersonmasqueimpassible,ilsaitquec’estlemomentoùjamaisdefairepartdesesinquiétudes,etj’espèrequ’ellecomprendraquec’estlemomentoùjamaisdelerassurer.

—Vousvoyezbienqu’ellen’aplusungrammedegras.

Jen’osemêmeplusleregarder,jemesenshonteuse,commesij’avaiscommisunefaute,alorsquejen’ysuispourrien.Malgrémoncaractèrede…bref,monsalecaractère,jesaisquej’aifaittoutcequ’ilfallaitpourpréserverlasantédubébé.Etilfautbienavouerquecelasembleavoirfonctionnépuisqu’ilseportebien.

—Jesais,etc’estpourçaquej’aimeraisquel’onenvisageunesondenaso-gastrique.

Ellemetoisechaleureusement,guettantmaréactionàcetteremarquedontellesaitqu’ellepourraitdéclenchermesfoudres,oupire.

—Jecroisquec’est lemomentoùl’onentamelesnégociations.Jeneveuxpasdesonde,parcequ’endehorsdesrisquesd’infections, jenevoispascequecegavagepourraitm’apporter.Simonestomacnesupporterien,jenevoispaspourquoiilsupporteraitcegenredetraitement.Etpuisilyadesmomentsoùlanourriturearriveàpasser.Ilfautjustequejetrouvelebonrythmeetlesbonnesquantités.

—Oui,maisonnepeutpasvouslaisserdépérirainsienattendantquevoustrouviez.

Dépérir,c’est legenredemotquej’auraispréféréqu’elleévited’utiliserdevantnotrespectateurpaniqué.

— Je le sais bien, et c’est pour ça que j’ai opté pour des perfusions, histoire dem’hydrater etd’apporteràmonorganismecedontilabesoinpourcarburer.

—Justementilfautqu’onenparle.D’une,parcequ’ilvafalloirtrouverunsystèmedeperfusionquinevousobligepasàvouspiquersystématiquementetàabîmervosveinesquisontclairementtrèsfragiles,dedeux,parcequej’aimeraissavoircequevousvousêtesinjecté.

Jeluitendsunpaquetd’étiquettes,cellesdesperfusionsquej’aiprisescesdernierstemps.

—Toutestlà,aveclesdatesd’injection.

—Commentvousvousêtesfourniça?Ilvafalloirquejevérifielesdosagesenfonctiondevosrésultats.

—Nevousenfaitespas,chaquepochedesolutiondenutritionrépondaitàmesbesoinsseloncequi apparaissait dansmes analyses. Pour ce qui est de savoir comment je me les suis fournies…disonsquejesuisunefillepleinederessources.

J’affiche une petitemoue satisfaite, alors qu’il n’y a vraiment pas de quoi être fière.Elle prendplusieursminutes pour étudier scrupuleusement ce que je viens de lui remettre.Elle fait de petitesmimiques,froncelessourcils,puislesrelève,étonnéeparcequ’ellelit…Jesurveillesesréactionstout en notant du coin de l’œil quemon voisin nous observe toutes les deux à tour de rôle pourguetterd’oùviendralaprochaineinformationcapitale.

—D’accord,jedoisreconnaîtrequevousavezplutôtbiengéré.Pourlebébé.Etpourvousaussienquelquesorte,maisçan’apasfonctionnécommeçaauraitdû.Donc…Sionn’optepaspourlasondenaso-gastrique,ilfautaumoinsquel’onvousposeuncathéter.Vousavezdenombreuxhématomes,auboutd’unmomentiln’yauraplusd’endroitoùvouspiqueretonseraobligédevousposerunevoiecentrale,alorsautantessayerdemettreenplacequelquechosequinousévited’enarriverlà.

—OKpourlecathé.

Monchériestentraindes’affoler,illaregardecommesielledevenaitdingue.Ilnecomprendpasqu’ellecèdeàmademande,maisaprèstoutjeviensmoiaussidefaireuneffort,etiln’apasl’airdeleremarquer.

— Très bien, dans ce cas profitez d’être ici pour vous le faire poser, je vais vous faire lesordonnances,etilfaudraqu’uneinfirmièreviennepourpasserlesperfusions.

—Çaira,s’ils’agitjustederaccorderdesperfs,jepeuxlefairemoi-même.

—Sivousvoulez.

—Commentça,«sivousvoulez»?Sivouspensezqu’ilfautqu’uneinfirmièrelefasse,alorsondemandeàune infirmièrede le faire.Demême, s’il fautopterpour la sonde,on le fait, intervientmonchéri.

—Owen,s’ilteplaît.JefaisdeseffortsetsiledocteurParksaccepte,c’estquec’estbon.

—MonsieurHenderson,Anouketmoinoussommesmisesd’accordetjeveuxbienfairequelquesconcessionssicelamesembleacceptable,sielleenfaitégalement.

Il soupire, secoue la tête, se pince l’arête du nez… Il n’est pas satisfait pas la tournure desévénementsmais comprend qu’il n’a pas le choix. Il doit croire que je l’aimanipulée alors qu’aufinal,j’aiplutôtl’impressionquec’estellequim’aeueentrouvantuneméthodepourmepousseràacceptercertainesdesespropositionsplutôtquedetoutrejeterenbloccommejel’aifaitjusque-là.

—Anouk,jeveuxqu’onserevoiedèslasemaineprochaine,etsid’icilàvousavezencoreperdudu poids il faudra envisager une hospitalisation, que je puisse vous garder sous surveillance etessayerd’autrestraitements.

—Onverraçalemomentvenu.

—Non,non.Çafaitpartiedelanégociation,jeveuxbienlâcherpourlasondeetmecontenterducathéter,maissidansunesemaineiln’yapasunmieux…vousaccepterezl’hospitalisation.

Je commence à détester cette histoire de négociation. Si je n’avais pas accepté, j’aurais pu mecontenter de n’en faire qu’àma tête sans avoir à accepter de faire lemoindre effort.Mais je suisconscientequ’ellearaisonetquesiçaempire,j’accepteraidetoutefaçon.

Jefaisleplusgrossoupirqu’ilmesoitpossibled’émettrepourquechacuncomprennebienàquelpointcelamecoûte.

—Très bien. Si vraiment ça a empiré,mais vraiment, pas pour cent grammes de perdus, alorsd’accord.

—Mêmepourcentgrammes,s’ilyaunebaisse,quelquesoitlenombredegrammes.Unebaissec’estunebaisse.Àvousderesteraumoinsstable.

—OKOK.

—Est-cequ’elledoitresteralitée?

—Nonmaisc’estbon,là.Fautpasexagérer!

—Docteur?

Ilm’ignore,seulelagrandeprêtressedesutérussembledétenirlavéritéabsolue.

—Peut-êtrepasalitée…

Ellemelanceunpetitregarddiscretpourmefairecomprendrequ’ellemefaitunefleur.

—…mais effectivement il faut vous montrer raisonnable. Pas d’exercice, évidemment, ou delonguesmarches.Defaçongénérale,rienquinereprésenteunedépenseénergétique.Ilfautquevousvousménagiezaumaximum.

Petitmomentdepanique, jesaisexactementcequ’ilvaendéduireet iln’estpasquestionque jen’éclaircissepascepointtrèsrapidement.

—Cecidit,pasdeproblèmepourlesexe?

Ladoc sourit, contrairement àmonchéri qui ne semblepas forcément très à son aise, ou alorsc’estparcequ’iladéjàprissadécisionsurlesujet.Iln’aaucuneraisond’êtreembarrassé,elledoitavoirl’habitudedecegenredequestions,surtoutqu’ellepassesontempsavecdesnanasquiontleshormonesenébullition.

—Ehbien…

Jeluilancemonregardleplusdésespéré,cequil’obligeàpincerleslèvrespournepascéderaufourirequis’annonce.

—…tantquecen’estpasunmarathon, jen’yvoispasd’inconvénient,çaoffreunebonnedosed’endorphinesàlamamanetçafaitdubienaumoral.Etquandlemoralva…çaaidepourlereste.

Jenerésistepasàbraquermonregardlepluscoquinsurmonmatou.

—Tuvois,c’estbonpourmasanté.Tumerendraisservice.Enplusvasavoir,peut-êtrequeçamemettraenappétit.

Illèvelesyeuxaucielmaismaremarquel’amuse.

Nousfinissonsl’entretienbienplusdétendusqu’àsoncommencement.Nousquittonsleslieuxavecmondossier,déjàbienépais,etunstockd’ordonnance.Nousfaisonsuncrochetpourmefaireposerlefameuxcathéterquin’apasfinidem’exaspérervuqu’ilaétéposéauniveaudemamaindroite,unendroit franchement pas discret mais que j’avais épargné, ne pouvant pas me piquer de la maingauche.

—Pourquoitusouriscommeça,p’titcœur?

—Pourrien.

—Dis-moi.

— Parce qu’on vient de passer devant un local technique et qu’il m’est venu des idées biencrapuleusesentête.Aprèstout,ceseraitbonpourmasanté.

Jeluifaisunepetitemoueinnocentemaisilnejouepaslejeu.Ilneselaissepasentraînersurceterrainglissant, j’espèreparpeurdese laisser tenter,çavoudraitdireque j’auraisunechanceplustard.

—Jevaistedéposeràlapénicheetjeretourneàlagalerie,j’aiduboulotquim’attendetquelquesentretiensàfairepasser.

— Dans ce cas, je n’ai qu’à venir avec toi, histoire que tu sois tranquille pour rencontrer tescandidats.

—C’estgentilmaiscen’estpasnécessaire.Moi,jevaistravailler,toi,tuvastereposer.

—Mefairechiersurtout.

—Yatoutcequ’ilfautpourt’occuperàlamaison.Tonordi,situveuxbosser,desbouquins,desDVDetjenesaisquoid’autreencoresituveuxtedétendre.

Etvoilà,ilvamecouvercommeunemèrepoule.Lesnégociationsrisquentdesemontrerbienplusarduesavecluiqu’avecParks.

—Etàquoij’ailedroitsijesuisunegentillefille?

—Onverracesoir.Unbonp’titplat,situveux.

—Jepensaisàquelquechosedeplusappétissant.

—Jeteprometsrien.

Arrivésauniveaudesavoitureils’avancepourm’ouvrirlaportière,c’estunpeuvieillotcegenredepetiteattention,maisj’aimebien,dugrandOwen,danstoutesasplendeur.Maisalorsqu’ilposesamainsurlapoignéedelaporte,jel’arrêteetpressemoncorpscontrelesien.Jepassemamainsursanuquepourl’attirerversmoimaisilmerésiste.

—Anouk,tuesunediablesse,etsijetelaissefaire,jesaisquejenevaispasréussiràterefuserquoiquecesoit.Montedanscettevoituremaintenant.

Effectivement, les négociations vont être compliquées, principalement parce qu’il connaît mesruses,maisvul’enjeu,jen’hésiteraipasàtricherpourarriveràmesfins.

22

Celafaituneheureàpeinequejesuisrentréeetj’aidéjàmisunedouzainedecookiesdanslefour.Maismaintenantquej’aifinidepâtisser,etquejenecomptepasm’occuperàmangerlefruitdemonlabeur,l’ennuicommenceàpoindreleboutdesonnez,cequin’estjamaistrèsbondansmoncas.

J’aibeauavoirpromisd’êtresage,depuisquandfais-jeautrechosequecequej’aidécidé?Jesuisune petite chose capricieuse qui n’en fait qu’à sa tête et ce n’est pas près de changer,même si jecommenceàaccepterdecomposeraveclesrequêtesdemonchéri.

Je finis par préparer mon grand sac fourre-tout en attendant la fin de la cuisson de ce qui meservirad’excusepourrejoindremonamoureux.D’unautrecôté,cen’estpascommesijeluiavaisdonnél’habituded’avoirdebonnesraisonspourjustifiermeslubiesentoutgenre.

Un quart d’heure plus tard, je trottine gentiment dans la rue de la galerie, en espérant réussir àamadouerlematouquirisqued’appréciertrèsmoyennementmonincursionsursonlieudetravail.Àpeinesuis-jearrivéedevantlavitrinequemesyeuxsontimmédiatementattirésparunescènequinedevraitpasm’étonner, etquipourtantme fige surplace.Deux silhouettes trop familièresdansunesituationinéditepourmoi.Mespiedssontentraindefusionneraveclebitumecommemespupillesavec cette scène.Mon regard doit peser une tonne sur eux car ils pivotent tous les deux dansmadirection,Owend’abord,Jessieensuite.

Lebruitdelaboîtedecookiess’écrasantausolmesortdematorpeur,jemeressaisisetdécidedetournerlestalonsendirectionde…jenesaispastropoùjevais,maisj’yvais.

—ANOUK!!ANOUK!Attendss’ilteplaît.

Jemeretournebrusquementpourfairefaceàmonfrèrequimerejointenquelquesenjambées.

—TOI…Toi,tum’énerves!Tunepouvaispasattendrequejet’appelle?!

Jelefrappeavecmonpetitpoingettoutemacolèreenpleinsursontorse,maismamainrestesur

son pectoral et tout mon corps la rejoint pour se blottir dans ses bras. Comment fait-il pourm’énerverautantalorsquejel’aimetellement?Ilvapenserquejesuiscomplètementbipolaire,oualorsilmettracelasurlecomptedeshormones,maisj’aibeauêtrefâchéecontrelui,deuxsemainessansluiparler,c’étaittroplong.Beaucouptroplong.

Iln’apasmisunedemi-secondeàm’envelopperdesesbras,ilmecaresselatêtepourm’apaiseretuse de son pouvoir magique, celui qui fait s’évaporer mes soucis, qui me fait croire qu’il peutrésoudretousmesproblèmes.

—Pleurepasmapuce,excuse-moi,jenevoulaispasquetutesentesmal.

—Je…c’estpastoi…c’estrien,c’estlesnerfs.

Jesanglote,jerenifle,etjem’enfiche,parcequec’estlui,parcequec’estmoi,parcequ’entrenousiln’yapasdechichi,pasdegêne.

—Tum’asmanquémapuce,jemesuisfaitdusouci,vraiment.

—Jesais,maist’eschiantaussi,jeronchonnealorsquejesuistoujourslovéecontreluietquejelesenssourire,levisagenichédansmescheveux.

—Jessie,t’avaispasledroitdet’incrustercommeça.

—Quis’estincrusté?!Tuétaiscenséeêtreàlapéniche.T’auraispasdûnoussurprendreentraindecomploter,semoque-t-ilouvertement,maisjenesuispassûred’êtred’humeurpourl’instant.

—T’espasdrôle.Tusaisquetuasexagéré,tumecompliqueslaviealorsquej’aibesoind’espaceetdetemps.

—Tu parles ! Tu adores jouer à cache-cache avecmoi etme prouver que tu peux être la plusmaligne.

Il cherche à détourner cette conversation et finalement c’est certainement mieux, je n’ai pas lecouragedeluibalancertouslesreprochesquej’aisurlecœurpourlemoment.

—Yarienàprouver,onsaittouslesdeuxquejesuislaplusmaligne.

Jemedétachedeluipourletoiseravantdecontinuer.

—Surtoutsionconsidèrelaconneriequetut’apprêtesàfaire,encore.

—J’aipasenviedeparlerdeça.Pasmaintenant.Allezviens,allonsretrouvertonmecavantqu’ilnepaniqueàl’idéequetutesoisencorefaitlamalle.

Jeluilancemonregardnoir,lefaux,celuiquinel’inquiètepasuneseconde.

Ilentrelacesesdoigtsdanslesmiensetm’entraînedanssonsillage.Jen’aipasréussiàmemettreenrognecontremonfranginmais iln’estpasditquesonco-conspirateurs’ensorteaussibien.Jen’aipas le tempsdecogiteroudefaireunepausequel’onadéjàfranchi leseuil.Monhommeest

occupéavecdesclientsmaisquandjevoissonregardemplidesoulagement, jesaisdéjàquejenedirairien.Inutiledel’accabler,ilsaitqu’ilamerdé.

C’est finalementmoi qui accompagne Jessie vers le bureau, histoire d’être un peu tranquille, etsurtoutparcequ’onn’apasbesoindespectateurs.Ils’installesurlebureauetjem’yassoisaussi,toutprèsdelui,matêtecontresonépaule.Sonbrasreprendrapidementsaplacepourmepresserunpeupluscontrelui.Nousrestonsainsi,danslecalme,cen’estpaslapeinedediscuter,lesilencenenousmetpasàmalàl’aise,noussavouronschacunlaprésencedel’autre.

—Reste.

Jen’airienbesoind’ajouter,ilsaitquejefaisallusionàsonprochaindépartpourlesÉtats-Unis,ilsait que je suis inquiète, il sait tous les argumentsque jepourrais luidonnerpour changerd’avis,maisjesaisqu’ilestinutiled’endireplusparcequ’iladéjàprissadécisionetqu’ilnemodifierapasses plans. J’ai juste besoin qu’il ressente combien je suis tendue et effrayée par la perspective desennuisverslesquelsilseprécipite.

—Tusaismapuce.

Iln’enditpasdavantage.Onsecomprendtouslesdeux,onestconnectésl’unàl’autre,enphase,pourautantonnepartagepasforcémentlamêmeopinionsurbiendessujets.

—J’espérais…

—…quejeresteraispourtoi.J’aimerais,vraiment.Maistusaisquec’estaussipourtoiquejedoisyaller,etpuisOwenveillerasurtoi.Jesuissûrqu’ilferatoutcequ’ilfaut,presqueaussibienquemoi.

—Jen’auraispascettediscussionavectoi,pasencore,maisnemeserspasceputaind’argumentendisantquetufaisçapourmoi.Çam’énerveàunpointpaspossible,tusaistrèsbienquejeneveuxpasquetuyailles,quejeneveuxpasdecesinformations.Situlefais,c’estpourtoi,etuniquementpourtoi.

—Alorsdisonsquejelefaispourlebébé.C’estencoreplusimportantmaintenantqu’ilestlà.

Son bras qui enveloppaitmes épaules descend le long demon dos, samain longeantmon brasjusqu’àarriverauniveaudemeshanches,sesdoigtseffleurantmonpetitventre.

—C’esttropmignon,mêmesiçamefaitbizarre.

—Nechangepasdesujet.NeteserspasdubébécommeexcusepourallerfoutrelamerdeavecleLabo.S’il y a uneminuscule chancequ’ils puissent nousoublier, ne vapas te rappeler à leur bonsouvenir.

—Sij’aiuneinfimechancedemettrelamainsurleursfichiers,jenelalaisseraipaspasser.Ilfautqu’onrécupèrenosdossiers.

—Çanechangerarien,cequiestfait,estfait!

—Mais on pourrait mieux comprendre certaines choses, pourquoi ton corps est en train de telâcherencemoment,parexemple.

—N’importequoi!!

Je commence à hausser le ton, ilm’exaspère,mais surtout je culpabilise car je sais qu’il le faitprincipalement pourma petite personne, et du coup je suis en colère contre lui,mais aussi contremoi-même.

—J’aijustedesnausées,çan’arienàvoiraveccequiapusepasserlà-bas.Etquandbienmêmetumetslamainsurnosdossiers,onenfaitquoi?Onfaitquoidecesinfos?

—Tantquejen’aipasvucequ’ilscontiennent,jen’ensaisrien.Maisilyadesréponsesquinousattendent!

—MAIS JE N’AI PASDEQUESTIONSQUI ATTENDENTUNE RÉPONSE ! IL N’YAQUETOI!!

—Oui,j’aibesoindesavoir,pasquepourmondossiermédical,MAFAMILLEAUSSI!JEVEUXSAVOIRSIUNEFAMILLEM’ATTEND!

—C’ESTMOITAFAMILLE!!!

Ilmefixe,stupéfait,puis…triste,jecrois.Jenevoulaispasledire,pascommeçaentoutcas.Ilm’apousséeàbout,jesavaisquec’étaitunemauvaiseidéedereparlerdecettehistoirededossiers,enparticulierencemoment,alorsquemeshormonessontenpleineébullition.Jebaisselesyeuxversmesgenouxalorsquej’essaiedecalmermarespirationdevenuesaccadéesousl’effetdelacolère,maisjesenslepoidsdesonregardquinemequittepas.

—Mapuce…

—Toutvabienici?

Jelèvelesyeuxsurmonchériquinousconsidèreàtourderôlepourtenterd’analyserlasituation.

—Oui,c’estrien,unlégerdésaccord,répondJessie.

Fidèle à ses bonnes habitudes, mon frangin préfère mentir pour éviter les questionsembarrassantes.

— Tu m’excuseras, mais vu qu’on vous entend depuis l’autre bout de la galerie, j’ai pas eul’impressionquec’étaitun«petit»désaccord.ÇavaAnouk?

J’esquisseunvaguesourirequineleconvaincpasuninstantetdécollemonderrièredesonbureaupourlerejoindre.

—Ouic’estbon,c’estunemmerdeurmaisj’ail’habitude.Net’inquiètepas.

Jel’embrasse,surlajoue,avecmonfrèredevantnous,jenemesenspasd’êtretropdémonstrative,

etpuisjenesuispasd’humeurdetoutefaçon.Jemefaufilehorsdubureaupourallerm’installerauniveauducomptoird’accueiletfaireminedelireunmagazine.Iln’yaplusdevisiteursetlarueestassezcalmepourquejemerendecomptequequelqu’unvientdemeremplacerpourgrogneraprèsmonfrère.Jejubileraispresquefaceàcedueldecoqs.Auboutdequelquesminuteslesdeuxvolaillesfinissentparsortir,etsil’unsembles’êtredépartidesonflegmelégendaire,l’autreafficheunpetitsouriresatisfaitquimedonneenviedeluicollerdesclaques.Ils’approchedemoipourmeglisserunmotàl’oreille.

—J’étaissûrqu’ilavaittoutcequ’ilfallaitpourbienveillersurtoi.

Ilmeregardeavecsonsouriretaquinquineréussitpasàm’amuserpourl’instant.Ilreprend,plusfortàprésent.

—Bon,jevaisyaller.J’aiquelquescoursesàfaire.Jevousretrouveàlapénicheenfind’après-midi.

—RamèneAnoukavant,s’ilteplaît.Elleabesoindesereposer.

—Oui,situveux.

—Helloooo!Anoukasonmotàdiresurl’endroitoùellevaposersesfesses.

J’hallucinedelesvoirs’organiserdelasortetouslesdeux,commesij’étaisunegaminedontlesparentsarrangentleurplanning.D’icipeuilsirontmedéposerchezlanounou.JesourisenimaginantOlidanscerôle.

—Ila raison, tuasbesoinde repos,et si je t’emmène jepourraisenprofiterpour teposeruneperf’.

—Oualorsjerestetranquillementici,oumêmemieux,j’appelleOliverpouralleraucafé.Onseretrouveratousenfind’après-midi.

—Désolé,j’aioubliédeteprévenir,maisOliverestpartiendéplacementcematin.Songarageatrouvéunacquéreurpourlapetitemerveilleetils’occuped’allerlalivreràuncollectionneurdanslesud.Ilfaitjustel’aller-retour,ilserarentrédemainsoir.

—Labourrique,ilamêmepasprislapeinedemeprévenir.Peuimporte,ilyad’autrespersonnesque je dois voir. Pas question que je reste à attendre patiemment à lamaison pendant que tout lemondevaqueàsesoccupations.

Monhommelanceunregardàsonéquipierpourluidemanderd’interférerensafaveur.

—Ohlà…Débrouille-toitoutseul.C’esttonproblèmemaintenant.

—C’estmoiquetuappellessonproblème?!C’estcharmant.

—Grognepas,lasouris!Regarde-toi,t’esfatiguée,t’aslestraitstiréset…tubailles.

Pasdechance,unbâillementvient effectivementdem’échapper,plusmoyende jouer la fille en

pleineforme.Jesuisépuisée,maisjeneveuxpaslereconnaître,sinonilsvontenprofiterpourmecloueraulit.

—Allezviens,jeteramène,jetefaisunpetittrucàgrignoteretaprèstupourrasfaireunepetitesieste.

Jesoupire,lèvelesyeuxaucieletfinisparcéder.

—Tuveuxdescookiesavantdepartir?

—Non,c’estgentil,jelesavaisfaitspourtoi.Régale-toi.Etrejoins-moivite.

Heureusementquelecheminpourrejoindrelapénicheestcourt,carjeneveuxpaslaisseràmoncasse-pieddefrèrel’occasiondereprendrenotredernièrediscussion.

Ilsurprendmonregardquiscrutelesalentours.

—Qu’est-cequisepasse?

—Rien,c’estbon.

—Non,jevoisbienquetusurveillestesarrières.T’aseuunsouci?SérieusementAnouk,dis-moi.

Ilestinquiet,ilneplaisantepas,c’estlegenredesujetaveclequelonnerigolepascheznous.

—J’ensais rien, tuvas trouverçabête,mais j’aiunedrôled’impressiondepuisquelques jours.J’ailasensation…jenesaispastrop,qu’onm’observe.C’estrien,jesuispeut-êtrejusteparano.

—Toietmoionsaitquecen’estpas lecas.Tuasde l’instinct,unsacré instinctmême,et si tupensesqu’ont’observec’estqu’ildoityavoirquelquechose.Tuasremarquéquelqu’unquitesuivaitouquirodaitprèsdecheztoi?

—Non, c’est pour ça que je te dis que c’est peut-être de la parano. Je n’ai rien vu qui puissem’alerter.Onverrabien.Jesuistoujoursplusméfiantequandtuesdanslesecteur,Dieuseulsaitquelgenred’emmerdestuasramenédanstesbagages.

—Onverrariendutout.Jevaisfairelenécessaireavantdepartir,mapuce.T’inquiètepas,jetelaisseraipassansêtresûrquetuesensécurité.Tusaisquetuauraisdûm’enparleravant.

Jesouris,maisn’endispasdavantage,jesaisqu’ilvafairetoutcequ’ilfaut,etairderien,c’estunsoulagement.Jesuispeut-êtreplusanxieusequejeneveuxbienmel’avouer.

Àpeinemontéàbord,ilessaiedes’incrustermaisjelechasserapidement,pasbesoinqu’ilrestepour cuisiner, je n’ai envie que d’une chose. Des crackers. Ces petites cochonneries apéritivessemblentpasseretjevaisenprofiter.Quitteànemangerplusqueçapendantlesprochainsmois.

—Jerepassetoutàl’heure,jedoisallerchercherdestrucspourtoi.

—Destrucs?

—Pieddeperfusion,pochedenutrition,pansements,transparents…

—Tutefousdemoi.T’asrienàfairedemieux?Etjetepréviens,nemeramènepasdestonnesdematérielici,pasbesoindetransformercetendroitenhôpitaldecampagne.Jesuissérieuse.

—T’enfaispas.Justelestrictminimum.

Inutile d’argumenter, la notion de strict minimum est très relative, surtout avec lui. Au pire, jedégagerailesurplusdèsqu’ilauraledostourné.ÇaluiapprendraàvouloirretournerauxÉtats-Unis.

Jepicoretranquillementdevantuntéléfilmcomplètementniais,maisquiaaumoinsl’avantagedem’occuper l’esprit, quand mes paupières commencent à papillonner avant que je ne sombrecomplètement.

Jesuistiréedemonsommeilparcettehorribleimpressionquis’estsubitementdécuplée,dansmonrêve,non,moncauchemar,quelqu’unm’observait,jesentaissesyeuxpesersurmoi.

Jemeredresserapidement,lesoufflecourt,lamainsurmoncœurpourl’empêcherdesortirdemapoitrinetellementilcognefort.Jamaisjen’avaisautantpaniquésuiteàcegenred’images.Jechercheàmerassurerenregardantautourdemoipourvérifierquetoutvabienmais…

—HAAA!Qu’est-ceque…qu’est-cequetu…Comment?!Je…Je……

J’aipousséunhurlementenréalisantquetoutn’allaitpaspourlemieux,çanevamêmepasdutout.

Cen’estpaspossible,paspossible,çanepeutpasarriver,pasmaintenant,pasici,pascommeça.

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SissieRoy

*Siseulement…

MagaliInguimbert

{1}TwoPrinces,deSpinDoctors,surl'albumPocketFullofKryptonite,Epic,1991.

{2}Bitch,deMeredithBrooks,surl'albumBlurringtheEdges,Capitol,1997.

{3}Peuimportequituestantquetuesàmoi.

{4}TakeMeAway,deLifehouse,surl'albumStanleyClimbfall,Dreamworks,2002

{5}Toujourslamêmehistoire

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