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Sur le sens du mot "révolutionnaire" : 1er juin 1793 ([Reprod.]) [par Condorcet] ; [publ. par A. Condorcet O'Connor,... [...] Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Sur le sens du mot"révolutionnaire" : 1erjuin 1793 ([Reprod.])

[par Condorcet] ; [publ.par A. CondorcetO'Connor,... [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat (1743-1794 ; marquis de). Sur le sens du mot "révolutionnaire" : 1er juin 1793 ([Reprod.]) [par Condorcet] ; [publ. par A. Condorcet

O'Connor,... et M. F. Arago,...]. 1847.

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Headineton Hill Hall. Oxford OX3 OBW. UK

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ŒUVRES

DE

CONDORCET

publiées par

A. CONDORCET O'CONNOR,

Lieutenant- Général

ET M. F. ARAGO,

Secrétaire perpétuel de l'Académie dew Sciences.

TOME DOUZIÈME.

PARIS.

FIRMIN DÏDOT FRÈRES, LIBRAIRES,

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,

AUR JAcnn,

SUR

LE SENS DU MOT

RÉVOLUTIONNAIRE.

JUIN 1793 (i).

De révolution, nous avons fait révolutionnaire;

et ce mot, dans son sens général, exprimetout ce

qui appartientà une révolution.

Mais on l'a créé pourla nôtre, pour

celle qui^

d'un des États soumis depuis plus longtempsau des-

potisme,a fait, en peu d'années, la seule république

où la liberté ait jamaiseu

pourbase une entière

égalitédes droits. Ainsi, le mot révolutionnaire ne

s'applique qu'auxrévolutions qui

ont la liberté

pour objet.

On dit qu'unhomme est révolutionnaire, c'est-à-

dire, qu'ilest attaché aux principes

de la révolution,

qu'il agît pour elle, qu'ilest disposé

à se sacrifier

pourla soutenir.

Un espritrévolutionnaire est un esprit propre

à

produire,à diriger

une révolution faite en faveur de

la liberté.

Une loi révolutionnaire est une loi quia pour

(t) Journal d'Instruction sociale.

61 Cr Suit LE SENS DU MOT

objet de maintenir cetterévolution, et d'en accé-

lérer ourégler la marche.

Une mesure révolutionnaire est cellequi peut en

assurer le succes.

On entend alorsque ces lois, ces

mesures, nesont

pas du nombre de cellesqui conviennent à

une sociétépaisible; mais

que le caractèrequi les

distingue, est d'êtrepropres seulement à un

tempsde

révolution, quoique inutiles ouinjustes dans un

autre.

Parexemple, une loi

qui proscrirait, enFrance, les

noms defamille, de manière

que chacunportât un"

nompersonnel, auquel il

ajouterait, dans lesactes,

celui de sonpère, afin d'éviter une confusion con-

traire au bon ordre, une telle loipourrait s'appeler

révolutionnaire. Eneffet, dans un

pays éclairé, où

lesprincipes de

l'égalité naturelle seraient consacrés

par unelongue habitude, il serait absurde de craindre

laperpétuité des

noms, et dès lors ily aurait une

légère injustice à la défendre.

Mais enFrance, où les

préjugés d'inégalité sont

plutôt comprimés qu'anéantis, où la hainequ'ils

inspirent esttrop violente

pour qu'ils soient encore

tombés dans tout lemépris qu'ils méritent; en

France, cette loipourrait être utile elle ôterait tout

espoir deressusciter, soit la

noblesse, soit même les

distinctions de naissance.

A Rome, oùl'inégalité était consacrée

par la cons-

titution, etpar presque toutes les institutions so-

ciales, on avaitsystématiquement arrangé la

perpé-tuité des noms de famille. On

portait celui de la

KliVOLlJTJOWNAIRE.617

tige, puis de la branche, puis quelquefois d'une se-conde ramification. Mais, dans les pays où l'on jouis-sait d'une liberté égale, dans ceux où l'on gémissait

jsous l'égalité de la servitude, dans la république;d'Athènes, comme en Perse, les noms de famille

étaient inconnus. Il était d'usage, en Grèce, dès les

temps les plus reculés, d'ajouter le nom du père.C'est ainsi que, dans Homère, on distingue les deux

Ajax; et nous ne voyons aucune trace qu'on ait

éprouvé le besoin d'une autre distinction.On aurait tort, au

contraire, d'appeler révolutionnaire la loi qui admettrait les enfants nés hors du

mariage à partager, avec égalité, dans le bien de leurmère et dans celui du père qui les aurait reconnus.Ce n'est pas que cette loi ne fût très-utile pour la ré.

volution mais cette même loi est impérieusementexigée par les premiers principes de la justice natu-

relle, et on ne doit pas la distinguer des autres lois

justes et sages qui conviennent à tous les pays et àtous les temps.

On a trop souvent abusé du mot révolutionnaire.Par exemple, on dit, en général: Il faut faire uneloi

révolutionnaire, ilfaut prendre des mesures révo-

lutionnaires. Entend-on des lois, mesures utiles

la révolution? On n'a rien dit. Entend-on des me-

suresqui ne conviennent

qu'à cette

époque?

On

dit une chose fausse; car, si une mesure était bonne

à la fois, etpour l'état de

calme, etpour celui de

révolution, elle n'en seraitque meilleure.

Entend-on une mesureviolente, extraordinaire,

contraire auxrègles de l'ordre

commun, auxprin-

618 St'fl LE SENS DU MOT

cipes générauxde la

justice? Ce n'estpas une raison

suffisante del'adopter; il faut de

plus prouver

qu'elleest utile, et

que les circonstancesl'exigent et

la justifient.

Ilpeut

être bon de remonter àl'origine de cet

abus du mot révolutionnaire.

Quand il.futquestion d'établir la liberté sur les

ruines dudespotisme, l'égalité sur celles de l'aris-

tocratie, on fittrès-sagement de ne

pas aller cher-

cher nos droits dans lescapitulaires de Charle-

magne, ou dans les loisRipuaires; on les fonda sur

les règles éternelles de la raison et de la nature.

Mais bientôt la résistance despartisans de la

royautéet des abus

obligea àprendre des

moyens

rigoureux que les circonstances rendaient néces-.

saires alors, les anti-révolutionnaires crurent em-

barrasser leursadversaires, en

alléguant ces mêmes

principesde

justice naturelle aveclesquels

on les

avait si souvent battus; onentendait, sans cesse,

invoquerla déclaration des droits

parceux

qui en

avaient trouvé laproposition absurde et

dangereuse.

Comme on nepouvait souvent leur

répondre

qu'avec unelogique

assez fine, etqu'on ne se

croyait

pas toujours sûr du succès, onimagina le mot de

loi de circonstance, qui, devenant bientôt ridicule,

futremplacé par celui de loi révolutionnaire.

Les anciennes lois depresque tous les

peuplesne

sontqu'un recueil d'attentats de la force contre la

justice,et de violations des droits de tous en faveur

des intérêts dequelques-uns; la

politiquede tous

les gouvernements n'offrequ'une

suite deperfidies

RÉVOLUTIONNAIRE.6ig

et de violences; enconséquence, les

philosophes se

contentaientpresque toujours

de combattre cesys.

tèmed'injustice et

d'oppression, en établissant Jes

principes de la morale universelle. Ils lesemployaient

dans leurgénéralité métaphysique. Ils

s'occupaient

d'autant moins desexceptions, qu'ils voyaient sans

cesse lesoppresseurs croire

justifier tous les abus,

tous lescrimes, en les

présentant comme desexcep-

tionsexigées par

uneimpérieuse nécessité.

Ainsi, dans l'embarras dedistinguer ce

que les

circonstances rendaientlégitime, on trouva plus

court d'en tirer une excusevague, et de faire em-

brasser avec chaleur, comme nécessaire, ce dont on

ne savaittrop comment

prouver la justice.

Il estpeut-être temps, aujourd'hui, de substi-

tuer desrègles plus fixes à cette

marche, commode,

maisdangereuse.

Lorsqu'un pays recouvre sa liberté, lorsque cette

révolution estdécidée, mais non

terminée, il existe

nécessairement ungrand nombre d'hommes

qui

cherchent àproduire une révolution en sens con-

traire, unecontre-révolution, et

qui, confondus avec

la masse descitoyens, deviendraient

dangereux, si

onleur permettait d'agir de concert, de réunir à

eux tous ceuxqui, partageant leurs

sentiments, sont

retenuspar

la crainte ou laparesse. Voilà donc un

danger contrelequel il est

juste de se défendre;

ainsi, toute action, mêmeindifférente, qui augmente

cedanger, peut devenir

l'objet d'une loirépressive,

et toute actionqui

tend à leprévenir peut légitime-

ment êtreexigée des

citoyens.

Û20 SUR LE SENS DU MOT

Lepacte

social apour objet la

jouissance égale et

entière des droitsqui appartiennent

àl'homme; il

est fondé sur lagarantie mutuelle de ces droits. Mais

cette garantie cesse àl'égard des individus

qui veu-

lent le dissoudre; ainsi, quand il est constantqu'il

en existe dans une société, on a droit deprendre

lesmoyens

de lesconnaître, et

quand on les con-

naît, on n'estplus restreint à leur

égard que par les

limites du droit de la défense naturelle. De même,

si undroit. plus précieux est

menacé; si, pour le

conserver, il est nécessaire de sacrifier l'exercice

d'un autre droit moinsimportant, exiger ce sacri-

fice n'estpas

violer ce dernier droit; car il cesse

alors d'exister, puisqu'ilne serait

plus, dans celui

qui le réclamerait, quela liberté de violer dans

autrui un droitplus précieux.

Dans l'incendie de Londres, enifô6,

on necoupa

pointle feu, parce que la loi défend d'abattre les

maisons; on laissa brûler les meubles et les mar-

chandises des absents, parce qu'elle défend. d'en-

foncer les portes. N'imitonspas

cetexemple.

Mais enAngleterre, quand on veut violer la loi,

quandon veut

quele roi

puisselibrement exercer

des actes detyrannie, on

suppose uneconspiration.

•C'est cequ'on a vd se

répéterdeux fois dans les der-

nières années de Charles II; ceque George .Ier ne

manqua point de faire; ceque George

III imite

si glorieusement dans ce moment même; et l'on

doitégalement éviter cet

exemple en sens con-

traire.

Plus la loi révolutionnaire s'écarte desprincipes

RÉVOLUTIONNAIRE. 6il

rigoureuxde la

justice commune, pluson doit la

renfermer dans les limites de la sévérité nécessaire-

mentexigée par

la sûretépublique.

EnAngleterre,

on fit un crimecapital

de la seule action de dire la

messe,. Cette loi ne futjamais exécutée, et n'a servi

qu'à légaliserdes

rigueurs arbitraires.

Dans un bonsystème

delégislation, les lois ordi-

naires conservent leur force, tantqu'elles

ne sont

pas révoquées;mais les lois révolutionnaires, au

contraire, doiventporter avec elles le terme.de leur

durée, et cesser d'être envigueur si, à cette

époque,

elles ne sont renouvelées. Dans untemps

où l'on

pouvait regardertout

papiste comme un ennemi, la

nation anglaise put légitimementleur défendre d'a-

voir des armes mais la loi subsistalongtemps après

le moment où, devenue absurde ettyrannique,

elle

n'étaitplus qu'un moyen de viles délations, d'exac-

tions honteuses.

Les lois, les mesures révolutionnaires, sont donc,

comme les autres, asservies auxrègles

sévères de

lajustice;

elles sont des lois de sûreté, et non de

violence. Ainsi, la liberté de changer de lieu, même

sans motif d'utilité, celle del'émigration,

celle de

disposer à son grédes denrées

qu'ona recueillies ou

achetées, quoiquefondées sur le droit naturel, ne

peuventêtre

opposéesà nos lois sur les

passe-ports,

sur les émigrés,sur les subsistances, si la conserva--

tion de la société a rendu ces lois nécessaires; c'est

donc en elles-mêmes qu'ilfaut les examiner.

N'est-ilpas vrai, par exemple, que dans les raison-

nements surlesquels

onappuie

leprincipe

très-vrai

SUR LE SENS DU MOT

de lajustice

et del'avantage d'une liberté illimitée

pourle commerce des

-subsistances, on n'ajamais

examinél'hypothèse où les denrées seraient évaluées

en une monnaie dont les circonstances rendraient

la valeur réelledécroissante, de manière

qu'il pûtexister du

pro6t àgarder une

denrée, quand bien

même l'abondance devrait bientôt en faire baisser le

prix réel? On n'apas examiné

l'hypothèse où la

masse desachats, payés ou avancés

par le trésorpu-

blic, deviendrait assez considérablepour éloigner

les acheteursparticuliers, forcés à

plus d'économie,et

comparé ledanger de fixer un maximum à celui

devoirmultiplier ces

achats, et de faire nourrir une

grande nationpar son

gouvernement. Si on a com-

plètement réfuté la craintechimérique du

monopoleou des

accaparements, on n'apu considérer

l'hypo-thèse où

plusieurs grandes puissances, réunies contre

une seulenation, parce qu'elle veut être

libre, au.

raient avoué leprojet de

l'affamer, parce qu'elles

désespéreraient de lavaincre; où ces

puissancespour-raient

espérer de trouver descomplices dans la nation

même; où cescomplices pourraient, avec un succès

égal, soitemployer des manœuvres de

commerce,soit les

supposer pour amener la terreur et lepillage;

où enfin pour lapremière fois, peut-être, un

pacte

de famine serait devenupossible d'une autre manière

que par des loisprohibitives.

Enfin, lapuissance de la loi, dans

un pays quin'a

point de constitution consacréepar quelques années

d habitude, peuple se calculer comme dans celui oùle

respect pour laloi établWusqtt'à cequ'uneautorité

RÉVOLCTIONNAIftE.

légitimel'ait réformée, est devenu une des

premières

vertus du citoyen ?

Necroyons pas justifier

tous les excès en les re-

jetant

Sur la nécessite, l'excuse des tyrans.

Mais gardons-nousaussi de calomnier les amis de

la liberté, en jugeantles lois

qu'ilsfont adopter,

les

mesures qu'ils proposent, d'aprèsdes règles qui

ne

sont vraies, dans toute leur étendue que pourdes

temps tranquilles.

Si le zèle, mêmepour

laplus juste

des causes,

devient quelquefois coupable, songeonsaussi

quela

modération n'estpas toujours sagesse.

Faisons des lois révolutionnaires, maispdûr

accé-

lérer le moment où nous cesserons d'avoir besoin

d'en faire. Adoptonsdes mesures révolutionnaires,

nonpour prolonger

ou ensanglanter,la révolution,

mais pourla compléter et

en précipiterle terme.

L'altération du sens des mots en^indiqueune dans

les choses mêmes.

Aristocratie signifiele gouvernement

dessages.

Des

vieillards gouvernaient, parl'autorité de leur

expé:

rience, despeuplades pauvres

etpeu

nombreuses. Un

petitnombre de riches gouvernèrent

avec orgueilces

peupladestransformées en vilfes opulentes

etpopu-

leuses dès lors, aristocratie esfdevenue justementle

synonymede tyrannie.

Les vieillardsprésentent

aux dieux les vœux de

leurs familles; unprêtre,

suivant l'étymologiede ce

6a4 SUR LE SENS UU MOT RÉVOLUTIONNAIRE.

mot, était un ancien. Ily

a loin dé là à desgens

qui vendent desprophéties, inventent des

miracles,

volent les biens de la terre enpromettant le ciel, et

assassinent les hommes au nom de Dieu.