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Sur le vol des abeilles butineuses J. LECOMTE, . Station de Recherches Apicoles de Bures/Yvette Avec I Figure Eingegangen a m 4. November 1955 Une ktude du vol des abeilles butineuses permet d’y reconnaitre trois phases: L’envol et l’orientation, le vol en ligne droite vers le lieu de butinage et enfin le vol de rkcolte. En ce qui concerne la premihre, il est remarquable de constater que les butineuses d’une ruche de type classique ne s’envolent que rarement directe- ment dans la direction du lieu de rkcolte: le plus souvent les ouvrikres sortent du trou de vol, par sa partie supkrieure, en marchant; la face dorsale tournke vers le sol, elles remontent ainsi le long de la paroi de la ruche au-dessus du trou de vol puis s’envolent en se jetant en arrikre; elles peuvent alors s’envoler directement en effectuant un virage mais le plus souvent elks effectuent un vol au point fixe ou lhgkrement balanck, A quelques centimktres de la paroi, la tzte tournhe vers la ruche, avant de prendre l’envol dkfinitif. Cette premikre phase peut encore se complkter par de larges circuits effectuks autour de la ruche tout en prenant de la hauteur. Ce comportement d’envol, la t2te tournke vers la ruche, a ktk souvent attribuk aux jeunes butineuses, les butineuses SgCes Ctant dputkes capables de s’envoler directement. I1 semble bien qu’il en soit rien, en effet des comptages effectuCs au mois de juin et au mois d’octobre donnent exactement le meme rksultat: environ 98% des butineuses s’envolent la tete tournke vers la ruche. Ces rksultats ne correspondent certainement pas au pourcentage en jeunes butineuses et ne sont pas influencCs par les variations saisonnikres de ce pourcentage. Des diffkrences de comportement existent entre les ruches et sernblent constantes: en effet dans certaines colonies l’envol a lieu trks prks du trou de vol alors que dans d’autres il est possible de voir les butineuses monter tr?s haut en marchant et ne se decider A prendre leur vol que dans le dernier tiers de la paroi. Enfin des diffCrences de comportement trks sensibles existent en fonction de la forme du trou de vol; en particulier les abeilles de ruches munies de trappes A pollen (et en gknkral quand l’entrke a la forme d’un tunnel d’une certaine longueur) ne s’envolent la t&te tournke vers la ruche que dans une proportion d’environ 50 z. Ce n’est que dans ces conditions que la planchette d’envol de la ruche mkrite le nom qui lui a ktk donnk par les apiculteurs. Aprks le retrait de la trappe, les butineuses reprennent trks vite le comportement normal. Le vol d’orientation des jeunes butineuses a un aspect bien diffkrent en ce sens qu’il a lieu A bien plus grande distance de la ruche; c’est ce vol qui a CtC dkcrit sous le nom de ,,solei1 d’artifice“ quand il est effectuk par un grand nombre de jeunes butineuses. En ce qui concerne les larges circuits signalks tout A l’heure et que les butineuses effectuent assez frkquemment autour de la ruche il est possible de leur assigner une double signification. Ce peut Ctre tout d’abord un vol d’orientation, en effet l’on observe ce vol quand on transporte une ruche dans un nouvel emplacement ou quand on trans-

Sur le vol des abeilles butineuses

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Sur le vol des abeilles butineuses J. LECOMTE, . Station de Recherches Apicoles de Bures/Yvette Avec I Figure

Eingegangen a m 4. November 1955

Une ktude d u vol des abeilles butineuses permet d’y reconnaitre trois phases: L’envol et l’orientation, le vol en ligne droite vers le lieu de butinage et enfin le vol de rkcolte.

En ce qui concerne la premihre, il est remarquable de constater que les butineuses d’une ruche de type classique ne s’envolent que rarement directe- ment dans la direction du lieu de rkcolte: le plus souvent les ouvrikres sortent d u trou de vol, par sa partie supkrieure, en marchant; la face dorsale tournke vers le sol, elles remontent ainsi le long de la paroi de la ruche au-dessus du trou de vol puis s ’ e n v o l e n t e n s e j e t a n t e n a r r i k r e ; elles peuvent alors s’envoler directement en effectuant un virage mais le plus souvent e lks effectuent un vol au point fixe ou lhgkrement balanck, A quelques centimktres de la paroi, la tzte tournhe vers la ruche, avant de prendre l’envol dkfinitif. Cette premikre phase peut encore se complkter par de larges circuits effectuks autour de la ruche tout en prenant de la hauteur.

C e comportement d’envol, la t2te tournke vers la ruche, a ktk souvent attribuk aux jeunes butineuses, les butineuses SgCes Ctant dputkes capables de s’envoler directement.

I1 semble bien qu’il en soit rien, en effet des comptages effectuCs au mois de juin et au mois d’octobre donnent exactement le meme rksultat: environ 98% des butineuses s’envolent la tete tournke vers la ruche. Ces rksultats ne correspondent certainement pas au pourcentage en jeunes butineuses et ne sont pas influencCs par les variations saisonnikres de ce pourcentage.

Des diffkrences de comportement existent entre les ruches et sernblent constantes: en effet dans certaines colonies l’envol a lieu trks prks du trou de vol alors que dans d’autres il est possible de voir les butineuses monter tr?s haut en marchant et ne se decider A prendre leur vol que dans le dernier tiers de la paroi.

Enfin des diffCrences de comportement trks sensibles existent en fonction de la forme du trou de vol; en particulier les abeilles d e ruches munies de trappes A pollen (et en gknkral quand l’entrke a la forme d’un tunnel d’une certaine longueur) ne s’envolent la t&te tournke vers la ruche que dans une proportion d’environ 50 z.

C e n’est que dans ces conditions que la planchette d’envol de la ruche mkrite le nom qui lui a k t k donnk par les apiculteurs. Aprks le retrait de la trappe, les butineuses reprennent trks vite le comportement normal.

Le vol d’orientation des jeunes butineuses a un aspect bien diffkrent en ce sens qu’il a lieu A bien plus grande distance de la ruche; c’est ce vol qui a C t C dkcrit sous le nom de ,,solei1 d’artifice“ quand il est effectuk par un grand nombre de jeunes butineuses. En ce qui concerne les larges circuits signalks tout A l’heure et que les butineuses effectuent assez frkquemment autour de la ruche il est possible de leur assigner une double signification. Ce peut Ctre tout d’abord un vol d’orientation, en effet l’on observe ce vol quand on transporte une ruche dans un nouvel emplacement ou quand on trans-

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forme artificiellement l’aspect des abords immkdiats du rucher. L’importance de ces larges circuits paralt t tre trks grande puisque CHAUVIN (1953) considire que leur Cxkcution correcte est seule capable d’assurer l’orientation correcte de ruches klevkcs en milieu confink. Ce peut t t re aussi une mkthode de gagner de l’altitude quand un obstacle klevk et impossible A contourner se prksente entre la ruche et le lieu de rkcolte. Dans ce cas les orbes dkcrites peuvent ttre d’un rayon d’une dizaine de mktres et les butineuses ne s’klkvent que trks lentement ; ceci est particulitrement remarquable quand l’obstacle est proche, klevC et derritre la ruche.

L e s c h e m i n s d ’ a b e i l l e s Lc trajet vcrs Ic lieu de rkcolte ne se fait pas absolument au hasard; les

butineuses suivent quelques directions privilhgiees, la concentration des buti- neuses volant dans la mtme direction et la permanence de la direction per- mettant de parler de ,,c h e m i n s d ’ a b e i 1 I e s“. Dans le cas le plus gknkral, ces chemins sont au nombre de trois ou quatre au maximum. I1 est facile de voir les abeilles s’envoler, aprhs la prernikre phase, en ligne droite en prenant rapidement de la hauteur; s’il n’y a pas d’obstacles, elles cessent de s’Clever quand elles ont atteint une altitude variant entre 5 et 10 metres. L’observa- tion dcs chemins est grandement facilitke par une particularitk remarquable du comportement des butineuses: elks prhsentent en effet des p h k n o m i - n e s d ’ a g r e s s i v i t k v i s A v i s d e s o b j e t s q u i t r a v e r s e n t c e s c h e m i n s .

Si 1’011 fait passer un objet quelconque le long de ces chemins ct A la mtme altitude, l’on voit aussit6t les abeilles qui vont vers le lieu de rkcolte attaquer l’objet ; s’il prksente certains caractires que j’ai dhfini ailleurs (LE- COMTE 1953), il est possible d’observer un comportement agressif plus com- plct et de vkritables attaques. En particulier les objets les plus mobiles sont les plus attaquks et il m’a k t k possible A plusieurs reprises de voir des passe- reaux attaquks en traversant ces lignes de vol. Le plus souvent les attaques cessent dks que l’objet cesse de se trouver dans le chemin. Un probltme intkr- essant est celui de la r e c o n n a i s s a n c e s p k c i f i q u e ; en effet les abeilles de ruches diffkrentes d’un mtme rucher suivent le mtme chemin et il n’est pas possible cependant d’observer des attaques entre butineuses le long de ces chemins alors que de telles attaques sont trks nombreuses quand une butineuse cherche A rentrer dans une ruche ktrangire. Le facteur ,,Taillecc joue ici un r81e prkpondkrant, un leurre de taille kquivalente A crlle d’une abeille ktant peu attaquk en dehors de la ruche. Quoi qu’il en soit ces attaques d’ob- jets ktrangers sont trks utiles pour ktudier les chemins des abeilles, il suffit en effet de parcourir le terrain situk aux environs d’un rucher en dkplapnt un ballon gonflk d’hydrogkne et supportant A l’altitude convenable un objet adkquat, par exemple un morceau de drap de couleur sepia de 10 X 2,5 cm, pour le voir particulikrement attaque. Les butineuses ne manquent pas de s’intkresser A cet objet et il suffit de marquer sur une carte les points oh l’on a observk des attaques pour avoir un track fidkle des passages de butineuses. I1 est ainsi possible d’observer un comportement agressif A une centaine de mitres du rucher.

Notons que le ballon doit &re de couleur Claire et assez kloignk du chemin pour ne pas t t re attaquk, son volume important attirant spkcialement les butineuses. Nous trouvons donc ici au moins quatre composantes de l’objet attaquk : volume - vitesse de dkplacement - leucie - proximite du chemin. Ces composantes se cumulent en fonction de la loi de sommation hktkrogkne, l’objet optimal ktant dans ce cas d e g r a n d e t a i l l e , e n

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m o u v e m e n t r a p i d e , f o n g . 6 , c o u p a n t l e c h e m i n . De fait, le nombre maximum d’attaques fut obtenu sur un avion-jouet de 40 cm d’enver- gure traversant rapidement le chemin.

Car te des principaux chernins dc butinagc autour d’un rucher de 12 ruches situC sur une terrassc. L’Cpaisseur des ‘chcrnins dessinCs est proportionelle au nornbre d’abeillcs qui les frbquentent. Les chernins aboutissent sur les photographles aux lieux de passage rCels qui se trouvent situCs (de haut en bas sur la figure) A cnviron 80, 120, 20 et 15 metres du rucher

d’ou les vues sont prises. Les trous de vol s’ouvrcnt du cBte indiquC par la flilchc

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C a r a c t k r e s d k t e r m i n a n t u n c h e m i n : Unc analyse de ces chemins permet de diterminer quels sont les facteurs

- La position du trou de vol. - Les obstacles situks aux abords du rucher. - La position des lieux de ricolte. Toutes choses i tant kgales d’ailleurs, les chemins se trouvent surtout d a n s

l a d i r e c t i o n q u i f a i t f a c e a u t r o u d e v o l et A moins d’y Ctre coii- traintes, par un des autrcs facteurs, les abeilles volent de prkftrcncc dans cettc direction: p. ex. dcs ruches plactes cntre deux champs de la m2me plante butinaient de prkfkrence le champ vers lequel ktait dirigk leur ouver- turc. Lcs obstacles situhs aux abords du ruchcr jouent aussi un r d e consi- dkrablc; lcs butineuses ont fortement tendance k v i t c r t o u t e s 1 e s m a s - s c s s o n i b r c s e t A p a s s e r p a r l e s b r c c h e s qui pcuvent se prkscnter d a m la vkgktation ou dans des constructions. I1 ne s’agit pas uniquemelit de rkpugnance A prendre de l’altitude car m2me s’il est possible de passer SOLIS les branches d’un arbre de grande taille elks l’kvitent et font gknkralement un dktour. Dc meme les accidents de terrain ont unc influence certainc; dcs directions privilkgikes se maintiennent d’annkes en annkes quelque soit la saison cc qui exclut l’attraction par un lieu de rkcolte particulier (Fig. I) .

I1 lie faut pas cependant minimiser l ’ i m p o r t a n c c d u l i e u d c r t c o I t e ; on peut voir des abeilles s’envolcr en direction opposke au trou dc vol ct en franchissant uii obstacle (par le point le plus bas ccpcndant) pour rcjoindrc un lieu de rkcolte particulikrement attractif; mais pour que ccci se produisc il faut absolument que le lieu de rtcolte soit le seul de la zone frhqucntke par les abeilles et qu’il n’y en ait pas d’autrcs en concurrence. L’observation suivante nie para?t assez typique; il s’agit d’un rucher qui se trouvait adossC A un rideau de peuplier derrikre lequel se trouvait un champ dc colza fleuri, un autre champ se trouvait en face du ruchcr A une distance de dcux kilomitres sans qu’il y ait d’obstacles importants sur le parcourr. Dans ces conditions la quasi totalith des butineuses se dirigeait vers le champ situt A deux kilomktres et un kpandagc d’insecticides effectuk sur le champ lc plus proche n’amena en conskquence aucune mortalitk dans ce rucher.

I1 est possible d’expkrimenter en faisant varier au moins les deux pre- miers dc ces facteurs et il est trks facile de constater que la mise en place d’un obstacle devant le trou dc vol renforce considkrablemcnt lc nombre d’abcillcs allant butiner dans le secteur opposl.; de meme, en faisant subir A une ruche une rotation de 180’ l’on transforme dans une certaine mesurc la position dcs chcmins. Enfin en effectuant des observations sur les licux de rCcolte on note une grande hktkrogPnkitC dans la densitk en butineuses; ccr- tains sites sont butinks A outrance alors que d’autrcs sont totalement dklaissks; il cst indiscutablc que cctte hktkroghnkith cst en liaison dirccte avec les ,,cheniins“ dkterminks par la position du trou de vol et les obstacles.

I1 existc donc trois phases dans le vol des butineuses. la premikre &ant celle de l’oricntation; dans la seconde se placent de curieux phknomknes d’agrcssivitk et une attraction pour les zones claircs ou dkpourvues d’obstac- lcs. Ccci n’est pas sans rappeler ce qui se passe chez lcs hannetons (Melo- lontha); en effct, SCHNEIDER (1952) montre que ceux-ci commenccnt par effcctucr un vol circulaire et se dirigcnt ensuite vers tous les objets klcvks au-dessus de I’horizon, A l’inverse de I’abeille. Ces phases pcuwnt avoir une importance variable. La premikre est son maximum quand la ruche se trouve d a m un paysage nouveau. La deuxikme ne peut pas exister quand

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qui les rkgissent; ils sont au nombre de trois:

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le lieu de rkcolte se trouve aux environs immkdiats du rucher. I1 est en effet toujours possible de voir alors un certain nombre de butineuses effectuer le vol de rkcolte en zigzag et A trks basse altitude A quelques metres de la ruche.

Enfin, en ce qui concerne la pratique apicole, il n’est pas sans intkr&t en certain cas de savoir que la position du rucher conditionne les secteurs qui seront butinks de prkfCrence, car l’abeille ne parcourt qu’une superficie assez ddui te lors de la troisikme phase: la ricolte, comme l’a montrk en particulier BUTLER (1945).

Rksumk I1 est possible de distinguer trois phases d a m le vol des butineuses:

l’envol, le vol vers le lieu de rCcolte, le vol de rkcolte. Dans la premikre de ces phases a lieu l’orientation. La seconde est sous la dkpendance de trois facteurs: La position du trou de vol, la direction des lieux de rkcolte possible et les accidents de terrain. Durant cette phase et le long des lignes de V O ~ qui forment de vkritables chemins, il est possible d’observer des phknomknes d’agressivitk grande distance de la ruche. La 3eme phase est trks diffkrente, c’est le butinage proprement dit.

Zusammenfassung Beim Ausflug einer Sammlerin lassen sich drei Abschnitte unterschciden.

Im Aufbruch vom Stock (1) orientiert sie sich und fliegt dann ( 2 ) sogleich zum Futterplatz, wobei drei Falitoren ihren Weg beeinflussen; die Richtung des Flugloches, die Lage der Sammelpkitze und die Beschaffenheit des Ge- landes. Nach Moglichkeit fliegen die Bienen auf geraden ,,Straflen“; was hier ihren Weg kreuzt, das greifen sie an, und zwar um so heftiger, je groi3er und dunkler es ist und je rascher es sich bewegt. Am Ziele angelangt, beginnen sie zu sammeln (3).

Bi bliographie J. roy. SOC. arts. 93,

501-11. - CHAUVIN, R. (1953): Le maintien de la ruche en milieu confink est-il possible? L’Apiculteur, section scicnt. 1-5. Okt . - LECOMTE, J. (1954): Essai d’une analyse causale du comportemcnt agressif des ouvrikres d’abeilles (Apis melfifica). Inscctes Sociaux. 1, No. 1, 49-57. - SCHNEIDER, F. (1952): Untersuchungen iiber die optische Onientierung der Mai- k l fe r . Mitt. Schweiz. Entom. Ges. 25, 269-340.

BUTLER, C. G. (1945): T h e behaviour of bees when foraging.