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SUR UN NOUVEAU GISEMENT FOSSILIFERE DU MIOCENE SUPERIEUR

( T O R T O N I E N - T U R O L I E N M O Y E N ) D E C U C U R O N ( V A U C L U S E )

par

Roland BALLESIO*, Gilles CARBONNEL*, Pierre MEIN* et Georges TRUC*

R6sum~

Le gisement (1) fossilif~re est situ6 dans la formation des marnes d'eau douce fi "Helix'" christoli du Tortonien du bassin de la Durance. I1 a livr~ des micromammif~res, des mollusques et des ostracodes. L'analyse de ces faunes permet de le placer dans le Turolien moyen (zone MN 12) et d'attribuer un ~ge Turolien sup~rieur (MN 13) ~ la formation des limons et cailloutis rouges du Luberon. I1 apparaft aussi que l'&ablissement du biotope lacustre ~ Paralim- nocythere bouleigensis dans la vall~e du Rh6ne s'est effectu6 progressivement du Nord vers le Sud, l amer tortonienne ayant persist~ plus longuement dans le bassin de la Durance que dans celui de Valr~as.

Abstract

The fossiliferous layer is located in tortonian fresh water marls with "Helix" christoli within Durance basin. Micromammals, molluscs and ostracodes are yielded. The fauna analysis get to place it in Middle Turolian (MN 12 zone) and to give an Upper Turolian age (MN 13) to the Luberon red limes and gravels formation. It appears clearly that the lacustrine biotop with Paralimnocythere bouleigensis spread more and more late southward in the Rh6ne valley. At the Tortonian, the sea stopped longuer in the Durance basin than in the Valr6as one.

(1) Gisement du "stade de Cucuron", inventori~ dans les Collections du D~partement des Sciences de la Terre de Lyon sous le n ° 5 090 84 042 06.

* "Centre de Paleontologic stratigraphique et Pal~o~cologie" de l'Universit~ Claude Bernard, associ6 au CNRS (LA 11)- D~paxtement des Sciences de la Terre, 15 - 43 bd du 11 novembre 1918 - 69621 Villeurbanne - France.

G6obios n ° 12 - fasc. 3 p. 467 - 4 7 1 , 2 fig. Lyon, juin 1979

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j Quatemaire : alluvions fluViatiles et i coUuvions

Miocene terminal continental : limons et eaillontis rouges du Luberon

Tortonien lacustre marnes et ealeaires

~ Tortonien matin : b : marnes de Cabti~res a : molasse de Cueuron

~ Helv~tien : sables

~ Burdigalien : "molasses"

~ Z ~ Cr~tac6

Gisement fossilif6re d u stade de Cut.on o , 2 k i n

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~ C ~ i i ~ ' ~ i g u e s

I Fig. 1 - Carte g6ologique sch6matique du secteur de Cucuron (Vaucluse). D'apr6s la carte ~ 1/50 000, ReiUanne le 6dition.

I Fig. 2 - Coupe des formations mioc6nes de Cucuron (Vaucluse). (1) Sables helvdtiens - (2) Molasse de Cucuron - (3) Marnes de Cabri~res d'Aigues - (4) Marnes h "Helix" christoli avec (4') intercalations de calcaire lacustre - (5) Limons et cailloutis rouges du Lub6ron.

S S W

400 m

375 ]

350

3 2 5

Cucuron stade colfine de RatavouX Ferme Delestrac N 1"4 E

2 . : . ' . ' . ' . . , 3 - - - _ ~- 4 - - _ . . . . . . .

I - Stratigraphie

Le site fossilif6re est Situ6 dans le bassin de la Durance, sur le bord sud du synclinal h fond plat qui longe le revers mdridional de la chafne du Luberon (fig. 1) et qui montre un remplissage de formations attribu6es au Mioc6ne ("Helv& tien" et Tortonien). L'orientation g6n6rale du synclinal est WNW - ESE, si bien qu'~ Cucuron les couches helv6tiennnes et tortoniennes plongent vers le NNE.

C'est en 1971, lors de l'am6nagement du stade municipal de Cucurou, ~ 400 m au Nord du village, que le gisement a 6t6 d6couvert.

Pour la cartographic d6taill6e de la r6gion nous renvoyons ~ la carte g6ologique ~ 1/50 000, Reillanne, 16re 6dition et pour la stratigraphie des terrains mioc6nes ~ l'6tude de G. Demarcq (1).

La coupe que l'on peut relever du Sud vers le Nord, au droit du village, est la suivante (fig. 2) :

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Helv6tien

1 - Sables jaun~tres fi gris~tres, homog~nes, parfois consolid6s et azoi~lues ; ils forment la butte sur laqueUe est install6 le village de Cucuron, et le soubassement des alluvions quaternaires au Sud du village.

Tortonien

2 - "Molasse de Cucuron" : formation marine gr6seuse, jaun~tre, grossi6re, plus r6sistante h l'6rosion que les sables helv6tiens si bien qu'elle forme une c6ti6re dont l 'abrupt, compte tenu du pendage des couches, regarde vers le Sud. La molasse de Cucuron est zoog~ne et contient des pectinid6s en abondance, des ostreid6set divers autres mollusques [(1), p. 197 ]. Un excellent affleurement tr~s fossilif6re est constitu6 par le talus qui borde le virage en 6pingle h cheveux de la route menant de Cucuron au stade municipal.

3 - "Marnes de Cabri6res d'Aigues" : 6paisseur, 10 m environ. S6diment argileux fin, gris, peu ou pas sableux. Les marnes de Cabri6res ont livr6 dans le secteur une riche faune de mollusques marins littoraux (2) ;mais sur l'emplace- ment m~me de la coupe elles sont malheureusement azoi~lues. Elles forment le replat qui s'6tend au Nord des gr6s en relief de la formation de Cucuron, entre ceux-ci et la limite m6ridionale du stade.

4 - Marnes d'eau douce fi "Helix" christoli : 6paisseur, 40 m environ. Les travaux de terrassement r6alis6s pour la construction de l'esplanade du stade municipal ont largement mis ~ jour cette formation. Tout au long du talus occidental de l'esplanade, les marnes grises, panach6es de rose, sont entrecoup6es par des pass6es lenticulaires d'argile gris-noirfitre, riche en mati6re organique. Les deux lithofaci~s ont livr6 par lavage-tamisage des mollusques continentaux, des ostracodes d'eau douce et des micromammif6res. Les affleurements du stade int6ressent la partie tout ~ fait inf6rieure de la formation ~ "Helix" christoli.

Les niveaux plus r6cents apparaissent progressivement en s'61oignant du stade vers le Nord, ainsi qu'en remontant les pentes de la petite colline de Ratavoux, au pied oriental de laquelle est 6tabli le stade. Dans les niveaux sup6rieurs de la colline, on volt se diff6rencier des lentilles irr6guli~res de calcaire palustre, vacuolaire et rognogneux, blanchfitre, que l 'on retrouve aussi, mais en moins bonne condition d'affleurement, au Nord du stade pros de la ferme Delestrac. La colline de Ratavoux est connue pour avoir fourni autrefois des mollusques d'eau douce et des mammif~res (3).

Mioc6ne continental terminal

5 - "Limons et cailloutis rouges du Luberon" : areas de cailloutis ~ 616ments anguleux ou peu roul6s, emball6s dans une argile sableuse de teinte rougefitre. Le limon rouge alterne avec les caiUoutis, mais il est surtout abondant la base.

Cette derni~re formation s'6tend au Nord du site fossilif6re jusqu'au contact du versant m6ridional de la chafne du Luberon et a 6t6 rendue c61~bre pour avoir livr6 autrefois une faune de grands mammif~res (4) au Nord de Cucuron, pr6s de la ferme l'Aumale. Elle coiffe aussi la colline de Ratavoux.

Les couches "helv6tiennes" et tortoniennes se succ~dent r~guli~rement en concordance et forment, comme cela a ~t~ dit plus haut, une structure synclinale. Au droit de Cucuron, le pendage de la "molasse de Cucuron" atteint 50 ° mais au Nord, l'inclinaison d6croR rapidement pour atteindre une dizaine de degr~s sur l'emplacement du stade. Les limons et cailloutis rouges du Luberon sont discordants sur les terrains mioc~nes ant6rieurs qu'ils surmontent en recouvrant indiff6remment les diverses formations, du Burdigalien au Tortonien sup~rieur lacustre (1).

Le niveau fossilif~re du stade de Cucuron est situ6 stratigraphiquement ~ la base des marnes/l "Helix" christoli les tous premiers bancs fossilif~res se plaqant fi quelques m~tres au-dessus du toit des argfles marines tortoniennes (marnes de Cabri~res). Ces bancs fossilif~res sont imm~diatement sous-jacents aux marnes de la colline de Ratavoux (fig. 2).

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II - F a u n e

Les pr616vements ont 6t6 effectu6s sur toute la longueur du talus occidental du stade, aussi bien dam les marnes grises que dans les pass6es d'argile grise humique, soit 19 pr616vements sur une distance de 110 m. Les points de pr616- vements sont rep6r6s par rapport tt leur distance de l'extr6mit6 sud du stade.

Mammif6res

La faune du stade de Cucuron comprend une quinzaine d'esp6ces (5). Le mat6riel fossile, fiche de 200 dents environ, provient uniquement des pass6es d'argile gfise humique, depuis le point 37,50 m jusqu'au point 103 m, soit 13 pr61~vements diff6rents repr6sentant 1600 kg de s6diment. Les niveaux les plus riches se situent ~ l'extr6mit6 nord du stade, soit les pr616vements 96,100 et 103 m.

Rongeurs : Ruscinomys schaubi VILLALTA &CRUSAFONT, Kowalskia sp., Eliomys sp., Glirid6 ind6t., Parapodemus barbarae VAN DE WEERD, Occitanomys adroveri (THALER), Stephanomys stadii MEIN & MICHAUX, Spermophilinus sp.

Insectivores :Galerix (Parasorex ) sp., Talpa sp., Desmanella crusafonti RUMKE, Desmana aft. pontica SCHREUDER, Soricid6 ind6t.

Lagomorphes : Prolagus crusafonti LOPEZ

Carnivores : Ictitherium sp.

Aucune diff6rence significative n'a 6t6 observ6e dans la faunule r6colt6e entre les divers niveaux. La pr6sence des Muridae Parapodemus barbarae, Occitanomys adroveri ainsi que du Cricetidae Ruscinomys schaubi caract6rise la zone MN 12 du tableau de corr61ation des faunes n6og6nes (6). C'est la premiere fois qu'une telle association est d6couverte en France.

Ostracodes

Ces microfossiles proviennent des marnes gfises panach6es fossilif~res, depuis le point 67,50 m jusqu'~ l'extr6- mit6 nord du stade. La faune, exclusivement lacustre, comprend au moins 17 esp~ces :

Candona gabarui CARBONNEL, Candona kirchbergensis (STRAUB), Candonopsis arida SIEBER, Cyclocypris moyesi CARBONNEL, Cypria sp. (= ? Physocypria suborbicularis SIEBER), Cypris bispinosa LUCAS (= Cypridarum n ° 4 STRAUB), Darwinula sp., Ilyocypris biplicata (KOCH), Iliocypris gibba (RAMDOHR), Lineocypris molassica (STRAUB), Moenocypris ? risgoviensis (STRAUB), Paralimnocythere bouleigensis CARBONNEL, Potamocypris gracilis (SIEBER), Potamocypris fulva fulvoides CARBONNEL, Pseudocandona steinheimensis (S1EBER), Subulacypris parva CARBON- NEL, Typhlocypris ratisbonensis (LUTZ).

On constate l'absence de certaines esp6ces cities dans les calcaires blancs sup6rieurs de la colline de Ratavoux et de la ferme Delestrac [(7), p. 359].

La pr6sence de Paralimnocythere bouleigensis permet de comparer ces niveaux avec ceux de Lobfieu [niv. 3 - 15 ; (7), p. 361] et de Moure-de-Broche [niv. 6 ;(7), p. 362].

Mol lusques

Une fiche malacofaune caract6rise tout l'affieurement dont certains niveaux (42, 50 ; 80 et 96 m) montrent une grande vari6t6 d'esp~ces essentiellement aquatiques.

Tudorella draparnaudi MATH. var. minor DEP. et SAYN, Pseudamnicola sp., Bithynia tentaculata L. forme leberonensis FISCH. et TOURN., Melanopsis narzolina ARCHIAC in Viquesnel, Carychium sp., Stagnicola heriacensis (FONT.), Radix cucuronensis (FONT.), Anisus sp., Gyraulus sp., Armiger sp., Segmentina sp., Planorbarius sp., Acroloxus sp., Vertigo sp., Gastrocopta sp., Leucochroopsis dufrenoyi (MATH.), Megalotachea christoli (MATH.).

L'ensemble des genres permet de proposer une reconstitution du milieu oO dominent les 6tendues d'eau de tr6s faible profondeur (6tangs et marais) aliment6es par des rivi~res temporaires darts lesquelles se plaisent les Melanopsis.

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En outre, il faut souligner l'abondance des genres terrestres qui habitent les prairies humides en bordure des lacs et des 6tangs, comme Vertigo et Gastrocopta. Par contre, les H61icid6s (L. dufrenoyi et M. christoli) sont toujours rares.

M. christoli, consid6r6e jusqu'h ce jour comme un vicariant m6ridional de l'esp6ce vall6sienne M. delphinensis (8), doit ~ la nouveUe datation propos6e d'6tre comprise au contraire comme un descendant direct de cette esp~ce et de repr6senter le seul h61icid6 messinien connu en France. Le phylum des Mega!otachea s'6teint donc, en Europe occidentale, avec M. christoli, except6 en Espagne oh de r6cents travaux (9) viennent de montrer sa persistance durant le Plioc6ne s./.

Enfm, quatre genres nouveaux viennent compl6ter la liste donn6e en 1971 par l'un de nous (10) : Pseudamnicola, Caryehium, Armiger et Gastrocopta.

C o n c l u s i o n

Les assises inf~rieures de la formation d'eau douce ~ "Helix"christoli ont permis de recueiUir une faune de micro- mammif6res attribuable h la zone MN 12, c'est-~-dire au Turolien moyen. Ce niveau repr6sente aussi la limite sup6rieure des faci6s marins tortoniens dans la r6gion, puisque les marnes de Cabri6res sont imm6diatement sous-jacentes aux niveaux fossilif6res du stade de Cucuron. Enfin, si les assises sup6rieures de la formation d'eau douce ~t "Helix" christoli- corres- pondant aux niveaux de Ratavoux - sont peut-6tre ~t rattacher encore h la zone MN 12, les limons et cailloutis du Luberon doivent tr~s probablement ~tre rang6s dans la zone MN 13, done dans le Turolien sup6rieur. Leur discordance sur les terrains ant6rieurs, le changement radical du hthofaci~s laissent supposer que la mise en place de ces limons et cailloutis s'est faite apr6s des 6v6nements tectoniques et peut-6tre climatiques qui ont demand6 un intervalle de temps appr6ciable.

En ce qui concerne l'ostracofaune, on constate qu'au Nord du bassin de la Durance (dans le bassin de Valr6as, par exemple) les gisements de Moure-de-Broche et de Lobrieu livrent Paralimnocythere bouleigensis dans la zone MN 11 de micromammif6res. L'affleurement de Cucuron r6v61e cette m6me esp~ce dans la zone MN 12. I1 faut donc admettre une installation progressive du biotope lacustre ~ P. bouleigensis du Nord vers le Sud dans l'intervalle MN 11 - MN 12. Corr6- lativement, ceci d6montre que la persistance de l amer tortonienne fut plus tardive dans le bassin de la Durance que dans celui de Valr6as.

R 6 f 6 r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s

(1) DEMARCQ G. -M~m. Rech. g~ol. min. Paris, 61, 1970, 257 p. (2) FONTANNES F. - S a v y kdit. Paris, 1878, VII + 101 p. (3) DEYDIER M. - Mem. Acad. Vaucluse, Avignon, 2e s6r., b, II, 1902, p. 297 - 345. (4) GAUDRY A. - Savy &tit., Paris, 1873, 112 p. (5) MEIN P. et alii. - Gkobios, Lyon, 12, 3, 1979, p. 481 - 485. (6) MEIN P. - Report on activity of the R.C.M.N.S. working groups, 6kme Congr.. Bratislava, 1975, p. 77 - 81. (7) CARBONNEL G. - Docum. Lab. G~ol. Fac. Sci. Lyon, 32, 1, 1969, p. 1 - 469. (8) TRUC G. - G~obios, Lyon, 4 ,4 , 1971, p. 273 - 327. (9) MEIN P. et alii - Docum. Lab. G~ol. Fac. Sci. Lyon, 72, 1978, p. 99- 147. (10) TRUC G. -Docum. Lab. Gkol. Fac. Sci. Lyon, H.S. 1971, p. 79 - 129. (11) CLAUZON G. - Et. vauclusiennes, Avignon, XI, 1976, p. 1 - 6.