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38 Revue Marocaine de Rhumatologie Disponible en ligne sur www.smr.ma Le syndrome douloureux chronique est un ensemble de manifestations somatiques, psychologiques et comportementales participant à l’entretien et à l’exacerbation d’une douleur chronique [1]. Le modèle bio psychosocial de la douleur s’applique volontiers au syndrome douloureux régional complexe. La dysrégulation du système nerveux sympathique fait souvent suite à un traumatisme physique et/ou psychique, avec une Résumé La prise en charge d’une algodystrophie ne se résume pas à la prise en charge d’une douleur. Elle peut s’avérer difficile, devant une pathologie dont l’évolution est marquée par la présence de douleurs sévères, invalidantes et le plus souvent réfractaires aux traitements antalgiques usuels. Le retentissement fonctionnel est souvent sévère, la persistance des douleurs est, de plus, fréquemment responsable d’un retentissement psychologique défavorable. En l’absence d’un traitement curatif défini de l’algodystrophie, tout médecin doit envisager d’emblée, devant un traumatisme, une maladie, ou un acte thérapeutique susceptible de se compliquer d’une algodystrophie, une prise en charge aussi précoce que possible et efficace de la douleur, pour mettre le patient dans les meilleures conditions afin de ne pas développer une telle complication. La meilleure approche est dès lors pluridisciplinaire, surtout pour les patients en échec thérapeutique adressés dans les centres de la douleur. Il associe à des degrés divers un traitement médicamenteux et/ou infiltratif, une approche psychologique, une rééducation, et une réévaluation dans l’optique d’une réinsertion professionnelle. Mots clés : Algodystrophie; Traitement médicamenteux ; Prise en charge psychologique; Rééducation. Abstract Management of the algodystrophy is not limited to the management of pain. It can turn out to be difficult, in front of pathology with an evolution which is known by severe pains, incapacitating and most of time refractory to usual analgesic treatments. The functional echo is often severe; the persistence of pains is besides frequently responsible of unfavorable psychological echo. In the absence of a definite curative treatment of the algodystrophy, every doctor has to consider immediately, facing a trauma, an illness or a therapeutic act may become complicate of an algodystrophy, early coverage as soon as possible and efficient of the pain to put the patient in best conditions in order to prevent such a complication. The best approach is then multidisciplinary; especially for patients with treatment failure referred to the pain centers. It associates with different degrees a medicinal and / or infiltrative treatment, a psychological approach, a reeducation, and an irregular reevaluation in a view of a vocational integration. Key words : Algodystrophy; Medicinal treatment ; Psychological coverage; Reeducation. Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités de la prise en charge thérapeutique. Complex regional pain syndrome type I : update on therapeutic coverage. Saloua Khalfaoui, Hafid Arabi, Hassan Mehdaoui, Soraya Alaoui Ismaili, Abderrahmane Jemmouj, Mohamed Tricha, Mustapha Benabbou, El Mustapha El Abbassi Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat - Maroc. Rev Mar Rhum 2014; 27: 38-47 Correspondance à adresser à : Dr S. Khalfaoui Email : [email protected] FMC

Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités

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Revue Marocaine de Rhumatologie

Disponible en ligne sur

www.smr.ma

Le syndrome douloureux chronique est un ensemble de manifestations somatiques, psychologiques et comportementales participant à l’entretien et à l’exacerbation d’une douleur chronique [1]. Le modèle

bio psychosocial de la douleur s’applique volontiers au syndrome douloureux régional complexe. La dysrégulation du système nerveux sympathique fait souvent suite à un traumatisme physique et/ou psychique, avec une

RésuméLa prise en charge d’une algodystrophie ne se résume pas à la prise en charge d’une douleur. Elle peut s’avérer difficile, devant une pathologie dont l’évolution est marquée par la présence de douleurs sévères, invalidantes et le plus souvent réfractaires aux traitements antalgiques usuels. Le retentissement fonctionnel est souvent sévère, la persistance des douleurs est, de plus, fréquemment responsable d’un retentissement psychologique défavorable.

En l’absence d’un traitement curatif défini de l’algodystrophie, tout médecin doit envisager d’emblée, devant un traumatisme, une maladie, ou un acte thérapeutique susceptible de se compliquer d’une algodystrophie, une prise en charge aussi précoce que possible et efficace de la douleur, pour mettre le patient dans les meilleures conditions afin de ne pas développer une telle complication.

La meilleure approche est dès lors pluridisciplinaire, surtout pour les patients en échec thérapeutique adressés dans les centres de la douleur. Il associe à des degrés divers un traitement médicamenteux et/ou infiltratif, une approche psychologique, une rééducation, et une réévaluation dans l’optique d’une réinsertion professionnelle.

Mots clés : Algodystrophie; Traitement médicamenteux ; Prise en charge psychologique; Rééducation.

AbstractManagement of the algodystrophy is not limited

to the management of pain. It can turn out to be

difficult, in front of pathology with an evolution

which is known by severe pains, incapacitating

and most of time refractory to usual analgesic

treatments. The functional echo is often severe;

the persistence of pains is besides frequently

responsible of unfavorable psychological echo.

In the absence of a definite curative treatment of

the algodystrophy, every doctor has to consider

immediately, facing a trauma, an illness or a

therapeutic act may become complicate of

an algodystrophy, early coverage as soon as

possible and efficient of the pain to put the

patient in best conditions in order to prevent

such a complication.

The best approach is then multidisciplinary;

especially for patients with treatment failure

referred to the pain centers. It associates

with different degrees a medicinal and / or

infiltrative treatment, a psychological approach,

a reeducation, and an irregular reevaluation in a

view of a vocational integration.

Key words : Algodystrophy; Medicinal

treatment ; Psychological coverage;

Reeducation.

Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités de la prise en charge thérapeutique.Complex regional pain syndrome type I : update on therapeutic coverage.

Saloua Khalfaoui, Hafid Arabi, Hassan Mehdaoui, Soraya Alaoui Ismaili, Abderrahmane Jemmouj, Mohamed Tricha, Mustapha Benabbou, El Mustapha El AbbassiService de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat - Maroc.

Rev Mar Rhum 2014; 27: 38-47

Correspondance à adresser à : Dr S. KhalfaouiEmail : [email protected]

FMC

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impossibilité à faire face, un déficit des comportements d’adaptation à cet événement stressant.

Ainsi, les facteurs psychologiques participent à l’étiopathogénie même du SDRC [2,3]. Ils vont surtout s’amplifier avec le temps. La douleur, l’impotence fonctionnelle et le handicap qui surviennent entraînent un stress, volontiers associé à une anxiété voire à une dépression. Les stratégies de coping sont généralement passives, notamment du fait de l’augmentation de la douleur par le mouvement et de la peur du mouvement. Les conduites d’évitement sont volontiers renforcées par l’environnement familial voire le contexte socioprofessionnel, surtout lorsqu’il s’agit d’un accident de travail. La survenue fréquente d’une perte existentielle, réelle ou symbolique, avec sentiments d’abandon renforce ces stratégies dysfonctionnelles.

DéFinition

En 1993, l’IASP (International Association for the Study of Pain) a proposé le terme de Syndrome Douloureux Régional Complexe (SDRC), qui exclut toute référence à un mécanisme physiopathologique. La douleur spontanée permanente est la condition obligatoire du diagnostic. Le terme régional reconnaît la possible diffusion de ces douleurs, pouvant ainsi déborder le territoire du traumatisme initial. La nature variée et dynamique de l’expression clinique pour un même patient, ainsi que d’un patient à l’autre est reconnue sur le terme complexe.

La classification et les critères diagnostiques des SDRC ont été établis par l’IASP 1994, on distingue ainsi les SDRC de type I (algodystrophie), qui survient après un événement traumatique nociceptif, et le SDRC de type II (causalgie), qui fait suite à une lésion nerveuse avérée. Les autres caractéristiques cliniques sont communes pour les 2 types [4-6].

HistoRique

Jusqu’au début des années 1990, le diagnostic se basait sur les signes cliniques des 3 stades évolutifs (inflammatoires : chauds, dystrophiques : froid, atrophique : séquellaire), la confirmation étant étayée par la radiographie, la scintigraphie osseuse en 3 temps, et éventuellement l’I.R.M. en mode T2 [7]. La physiopathologie supposée reposait pour l’essentiel sur le rôle délétère du système nerveux sympathique [8, 9] tant du fait de la symptomatologie clinique que celui de l’efficacité, à l’époque indiscutable, des différentes techniques de blocs locorégionaux.

Les similitudes des douleurs de l’algodystrophie avec celle

de la causalgie, syndrome survenant parfois après une lésion nerveuse, ont conduit l’IASP à proposer en1994 une nouvelle terminologie [10]. Depuis lors, on parle de syndrome douloureux régional complexe (SDRC, au RC PS des anglo-saxons) de type I (algodystrophie) et de SDRC de type II (causalgie), le système nerveux sympathique pouvant (douleur dépendante sympathique, DDS ou SMP : sympathetically maintained pain ou non (douleur indépendante du sympathique DIS ou SIP : sympathetically independent pain contribuer à la constellation douloureuse des SDRC. Un SDRC est défini par des douleurs et des troubles fonctionnels extensifs et disproportionnés au regard de l’événement initiateur.

Données épiDéMiologiques

La survenue d’une algodystrophie est possible à tout âge. Les formes des enfants, adolescents, adultes jeunes sont assez fréquentes. Une seule étude épidémiologique concernant l’algodystrophie a été réalisée [11]. Elle a comporté les critères d’inclusion (dystrophie sympathique réflexe), puis (SDRC) quand ce terme a été créé (en excluant les cas d’ostéoporose régionale transitoire ou migratrice). Cette étude a révélé une incidence et une prévalence de l’algodystrophie respectivement de 5,4 % pour 100000 et de 20,5 % pour 100000. Le sexe ratio femme/homme a été, dans cette étude, de 4/1. L’atteinte des membres supérieurs était deux fois plus fréquente que celle des membres inférieurs [11].

Données Cliniques

A- les trois stades classiques de l’algodystrophie [12]

1- Stade I : Stade aigu d’hyper perméabilité locorégionale transitoire

Il dure de quelques semaines à quelques mois. La douleur débute dans la région du traumatisme, augmente volontiers à la mobilisation, à la pression, à la chaleur, aux émotions. Des signes autonomiques sont présents : rougeur, hyperthermie locale, œdème, pousse accrue des phanères. L’ostéoporose commence.

2- Stade II: Stade dystrophique

Il commence à la fin du stade I et dure plusieurs mois, parfois presque une année ou plus.

La douleur s’aggrave en extension, en intensité ; le froid, plutôt que le chaud, augmente la douleur.

En région distale, les signes sont : cyanose, peau froide, trouble des phanères, hypersudation. La fibrose s’installe. L’ostéoporose, quand elle est présente, est nette. L’atrophie commence.

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3- Stade III : Stade atrophique

Il commence à la fin du stade II et dure 2 ans ou plus après le début de la maladie.

La douleur peut rester importante pour ensuite s’atténuer. Le gonflement a disparu. La raideur et la limitation des mouvements prédominent. Aux extrémités, la peau est brillante, fine, pâle, le tissu sous-cutané est atrophique. L’ostéoporose est possiblement présente de façon nette sur le segment de membre ou le membre.

B- CRPS : Critères diagnostiques cliniques modifiés proposés selon Harden et Bruehl [12]

Les quatre critères suivants doivent être validés :

1- Douleur continue, disproportionnée par rapport à n’importe quel élément déclenchant ;

2- Présence signalée par le patient d’au moins un des symptômes dans 3 des 4 catégories suivantes :

- Troubles sensoriels : hyperalgie et/ou allodynie,

- Troubles vasomoteurs : asymétrie thermique et/ou de modification de la couleur de la peau, et/ou asymétrie de la coloration cutanée,

- Troubles sudoromoteurs ou œdème : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique,

- Troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie) et/ou troubles trophiques portant sur les poils, les ongles ou la peau ;

3- Présence constatée à l’examen au moment de l’évaluation d’au moins un signe dans 2 ou plus des catégories suivantes :

- Troubles sensoriels : hyperalgies (à la piqûre) et/ou allodynie (à l’effleurement léger ou à la pression somatique profonde),

- Troubles vasomoteurs : Asymétrie thermique et/ou changement de la coloration cutanée, et/ou asymétrie de la coloration cutanée,

- Troubles sudoromoteurs ou œdèmes : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique,

- Troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie) et/ou troubles trophiques (cheveux, ongles, peau).

4- Les signes et symptômes ne sont pas mieux expliqués par un autre diagnostic.

Le choix des examens d’imagerie est fonction de la période de consultation et des doutes diagnostiques.

C- quelques aspects radiologiques

Les radiographies standards comparatives montrent une hypertransparence osseuse locale puis régionale, après un délai d’au moins 3 à 4 semaines, hétérogène. La déminéralisation hétérogène se traduit par une hypertransparence trabéculaire mouchetée micro ou macropolygéodique.

L’accroissement de la fixation osseuse dans l’algodystrophie en phase chaude dans la zone pathologique est un phénomène scintigraphique attendu, précoce, sensible, durable mais non spécifique.

L’IRM objective sur la même aire pathologique algodystrophique, l’œdème transitoire des tissus superficiels, périarticulaires, synoviaux et l’épanchement synovial transitoire. Les résultats de l’IRM sont fonction des stades de l’algodystrophie.

La densitométrie osseuse offre la possibilité de quantifier la perte minérale osseuse dans l’aire osseuse algodystrophique, plus marquée sur l’os trabéculaire que cortical.

pRévention

Le concept d’analgésie préventive, largement altérée dans les pratiques anesthésiologiques [13], postule que toute action antalgique réduisant aussi précocement que possible et aussi longtemps que nécessaire l’activité des afférences générée au sein d’un dégât tissulaire aura des effets bénéfiques en terme de prévention des éventuelles douleurs chroniques secondaires. Ce concept a fait la preuve de son efficacité pour la prévention des douleurs post-zostériennes et pour la prévention de L’algohallucinose. On pourrait dès lors imaginer qu’une détection précoce d’une algodystrophie post-traumatique, aussi bien par une évaluation de l’activité sympathique au chevet du patient [14] que par des examens complémentaires, puisse faire débuter un traitement spécifique à vertu préventive. Plus simplement, le traitement efficace de toute douleur liée à une circonstance susceptible de donner une algodystrophie devrait faire chuter son incidence de survenue. Les mesures postopératoires préventives ont été suggérées (intervention la moins délabrante possible, traitement de toute surinfection, facilitation du retour veineux, antalgique efficace [15]), mais le rôle exact reste à prouver.

tRAiteMent

A- But

Le traitement a pour but de lutter contre la douleur, les

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Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités de la prise en charge thérapeutique.

anomalies vasomotrices, et de prévenir l’installation d’éventuelle rétraction capsulaire, synoviale, tendineuse, aponévrotique. Mais il n’y a pas de traitement curatif de l’algodystrophie actuellement défini [16-19]. L’algodystrophie n’est parfois pas la seule cause de douleurs. Il faut tenir compte de la maladie sous-jacente, de la lésion initiale, des données psychologiques, d’éventuelles maladies chroniques associées comme le diabète, des problèmes médico-légaux. La prise en charge en kinésithérapie et en psychothérapie est nécessaire, de même qu’un temps suffisant consacré aux informations données au patient algodystrophique.

B- Moyens

Le traitement médicamenteux fait appel à des antalgiques et à des médicaments à visée physiopathologique, voir à des infiltrations (chaîne sympathique, péri-médullaires, plexique). L’approche psychologique vise à identifier des facteurs de commande limitée (dépression, anxiété, névrose post-traumatique, symbolique de l’événement initiateur) est à mettre en route une prise en charge, souvent au long cours (thérapie cognitivocomportementale, biofeedback, hypnose, psychothérapie). Une tendance récente de la littérature algologique voulait que les douloureux chroniques aient été, plus que d’autres, victimes de maltraitance, voire d’abus dans l’enfance : Or, il semble bien qu’il n’en soit rien. La rééducation non douloureuse, vise à restaurer les capacités fonctionnelles par différents moyens : Orthèses, mobilisations et désensibilisations proprioceptives… [9]

1- Médicaments

a- Corticoïdes

Seuls deux études contrôlées concernant l’administration orale ont été publiées [20, 21]. Elles mentionnent un bénéfice mais il faut noter l’absence de suivi à long terme.

Classiquement, les infiltrations articulaires et péri-articulaires de corticoïdes sont recommandées au stade évolué de l’algodystrophie, où elles amènent à une amélioration, sans guérison.

La prednisolone per os, a été proposée sans preuve établie d’un bénéfice spécifique [22].Elle est utilisée en infiltration intra-articulaire dans les formes évoluées.

b- Calcitonine

Traitement classique, son bénéfice est controversé, surtout aux stades avancés [23,24]. Au stade précoce, l’injection sous-cutanée quotidienne de 100 UI est plus efficace que le placebo (60 % versus 25 % de patients soulagés).

c- Bisphosphonates

Effet de leur action anti ostéoclastique et leur action inhibitrice sur la production de cytokines pro-inflammatoires, ils devraient, dans l’hypothèse physiopathologique inflammatoire, avoir un effet favorable. Ceci est confirmé par une étude randomisée récente [25].

Différents produits ont été évalués : Clodronate (300mg IV), Alendronate (7,5 mg IV), Pamidronate (60 mg IV), Neridronate (100 mg IV), en particulier dans une phase relativement évoluée, avec des bénéfices sur la douleur et l’œdème à court et à moyen terme, ainsi que sur les capacités fonctionnelles. En fait, ils constituent actuellement une des rares indications validées selon certains auteurs [22, 26-28].

d- Antalgiques

Ils sont et restent la base du traitement. Au stade précoce, les antalgiques mineurs, (dont les AINS) et majeurs atténuent la douleur spontanée, mais ont peu d’effet sur l’hyperalgésie mécanique. C’est au stade tardif que l’emploi des antalgiques majeurs pose problème [29].

Ils sont le plus souvent proposés par voie orale sous forme de traitement de fond sur 24 heures, avec la possibilité de gérer les éventuels accès douloureux, par des interdoses. Ainsi, au-delà d’une prise en charge adaptée quotidienne, il est parfois nécessaire de savoir utiliser certains antalgiques de palier 2 ou opiacés, avant rééducation ou selon les activités quotidiennes [30].

Les morphiniques ou palier 3 sont utilisés si la douleur est très intense, après échec ou intolérance des autres paliers, rarement d’emblée, et avec des informations de précaution car même si utiles pour atténuer la douleur, ils ont l’inconvénient d’entraîner des effets secondaires cognitifs.

La prescription dans le SDRC doit être limitée dans le temps, et elle serait plus efficace associée à un antagoniste du récepteur NMDA [30].

Le seul opioïde qui pourrait, peut-être, présenter un intérêt du fait de son action antagoniste NMDA est la méthadone, réservée pour l’instant aux traitements de substitution.

Les anticonvulsivants, dont actuellement et essentiellement la Gabapentine et Prégabaline, sont proposés si une composante de douleur neuropathique est présente ou prédominante (questionnaire DN4) [30].

Les benzodiazépines sont aussi parfois prescrites pour leur action anxiolytique et myorelaxante, en tenant compte des recommandations récentes concernant le clonazépam.

Le bénéfice de certains morphiniques à action courte doit

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inciter à savoir les utiliser avant les séances de rééducation.

De même, certains analgésiques locaux (de type compresse de lidocaine) peuvent être utilisés comme complément, plutôt dans les formes associant des douleurs neuropathiques et éventuellement avant certains soins.

e- Autres médicaments actuels et potentiels

Les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées, mais les séries publiées, non contrôlées, font état d’un bénéfice. Ceci ne signifie pas que ces produits ne sont pas supérieurs au placebo, mais cela reste à prouver.

Dans le même ordre d’idées, les anesthésiques locaux qui, par voie intraveineuse sont antalgiques sans effet net sur l’hyperalgésie mécanique [31], ont été prescrits par voie orale (mexilétine, flécaïne) sans que des études contrôlées ne puissent venir attester du bien fondé de cette attitude.

Les sympatholytiques (phentolamine, prazocine…) ont un effet bénéfique, supérieur au placebo, dans les DDS, avec cependant des effets secondaires contraignants.

2- Sympathectomie, blocs régionaux, épiduraux

La sympathectomie L2-L4 ou tiers inférieur du ganglion stellaire jusque T3 selon les localisations respectivement aux membres inférieurs et supérieurs a été proposée, mais elle est assez rarement pratiquée dans l’algodystrophie. Une grande controverse demeure sur l’intérêt et la place des blocs moteurs, des anesthésiques périduraux, des blocs régionaux [32, 33]. De nombreux produits [16, 34] ont été testés dans des blocs régionaux, intraveineux : clonidine, phentolamine, labétalol, réserpine, guanéthidine, dropéridol, kétansérine, méthylprednisolone, brétylium, lydocaïne.

Une des difficultés provient de la reconnaissance des mécanismes en jeu, qui sont variables selon les patients et pour un même patient en fonction du temps [12].

En phase chaude d’algodystrophie, les données actuelles sont en faveur d’une double réponse du système sympathique : en premier lieu un défaut locorégional de réponse, mais auquel s’oppose une hypersensibilité locorégionale des récepteurs adrénergiques aux monoamines circulantes, dont la sécrétion est fonction du stress, de la douleur et de l’état général du patient.

Des blocs ayant pour but de bloquer le système sympathique à cette phase ne pourraient être efficaces sur cette deuxième anomalie (en aggravant même la première composante) [12].

Les dystonies en flexion du membre supérieur, ou en extension au membre inférieur font l’objet d’essai de

traitement par injections intrathécales de baclofène ou bien d’injections locales de toxine botulinique [12].

3- Neurostimulation

La neurostimulation est largement proposée pour son action antalgique. Le plus souvent sous la forme de neurostimulation transcutanée, elle est intéressante en particulier dans les formes essentiellement neuropathiques, sur des zones bien localisées. Elle est souvent proposée précocement, mais nécessite une éducation du patient. L’autocontrôle de la douleur contribue psychologiquement à la gestion de la douleur et de la fonction par le patient. Cependant, la validité de son usage dans le contexte du SRDC n’a pas été bien déterminée [35].

La stimulation médullaire, dont l’efficacité antalgique a été confirmée dans les douleurs neuropathiques périphériques, a été utilisée pour le traitement des SDRC de type II (causalgie) dès 1982 par Broseta [36] mais aussi de type I par Barolat dès 1987 [37], avec des résultats encourageants.

Depuis, un certain nombre de complications a confirmé l’intérêt de l’utilisation de cette technique analgésique. Les différentes études montrent des résultats favorables au traitement des SDRC par la stimulation médullaire pour le soulagement de la douleur et l’amélioration de la qualité de vie.

L’efficacité sur l’amélioration fonctionnelle n’est pas clairement démontrée [6].

La stimulation médullaire est envisagée par certains dans les algodystrophies rebelles avec pour Sears et al., un bénéfice certain pour les patients [38], et pour le Kumar et al. un bénéfice à long terme selon certains critères prédictifs [39], et même un bénéfice économique. C’est une technique présentant certains risques, coûteuse, à ne proposer que pour des formes rebelles, mais plusieurs auteurs la considèrent actuellement comme une des propositions thérapeutiques bénéficiant d’une bonne validité d’efficience clinique [27, 40].

La stimulation cérébrale a parfois été proposée dans les formes excessivement rebelles de SRDC, en particulier vis-à-vis de certains symptômes moteur ou sensitif [41,42].

Enfin quelques données sur l’usage de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) haute fréquence sont rapportées par Picarelli et al. [43] sur 23 patients SRDC type I du membre supérieur avec des effets positifs sur la douleur durant la période de stimulation de dix sessions offrant des perspectives pour des formes réfractaires.

S. Khalfaoui et al.FMC

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Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités de la prise en charge thérapeutique.

4- Autres traitements

a- La Kétamine

Anesthésique général de type NMDA (N-methyl-Daspartate) antagoniste, est de plus en plus utilisée dans le traitement de la douleur, avec un effet analgésique et antihyperalgésique à dose subanesthésique. Elle a bénéficié de deux études mettant en évidence son efficacité dans le SRDC, en particulier lorsqu’il existe une composante neurologique [44-46].

Dans une revue récente, Azarie et al. rapportent que la Kétamine constitue un traitement qui reste prometteur pour les SDRC, mais dont les procédures d’usage restent à préciser ainsi que l’efficacité par des études mieux conduites pour préciser son effet à long terme et son innocuité [47].

b- La toxine botulinique (TB)

Quelques données récentes font usage de la TB dans la prise en charge des SRDC en injection intramusculaire. L’usage de la TB intradermique a été rapporté pour son action dans les douleurs neuropathiques chroniques. Dans le contexte du SRDC, l’effet antalgique de la TB peut s’associer à l’effet myorelaxant. Une étude rétrospective, assez limitée de Karkar et al. [48], semble mettre en évidence un bénéfice sur la douleur, à court terme, prenant en compte certaines formes de SDRC avec signes de dystonie ou spasmes localisés au niveau du cou et de la ceinture scapulaire. Cet auteur rapporte 5 autres petites études ou analyses de cas réalisés antérieurement avec les résultats limités et non concordants [48].

5- Prise en charge psychologique

La prescription de tranquillisants, ou d’antidépresseurs à action antalgique antidépressive est à adapter selon les patients. Les interférences état psychique- algodystrophie sont complexes, mais la douleur prolongée a, par définition, toujours un retentissement psychologique, il ne faut pas prendre pour la maladie initiale. Le malade, une fois la douleur disparue, retrouve une personnalité normale [12].

Les patients continuant malheureusement de souffrir d’une algodystrophie sont réellement handicapés. Une psychothérapie peut réaliser un soutien pour le patient algodystrophique qui continue à souffrir, d’autant que l’entourage proche, amis, collègues de travail, employeur, et parfois les médecins peuvent considérer, à tort, le patient algodystrophique comme une personne qui se plaint de façon exagérée. Dans un même ordre d’idée, des associations de malades existent dans différents

pays ainsi que plusieurs sites Internet d’informations et d’échanges sur l’algodystrophie, mais qui regroupent souvent des patients avec des formes chroniques et graves [12].

6- Thérapie cognitivo-comportementale

La grande fréquence des comportements inappropriés et des croyances erronées associées justifient l’utilisation des thérapies cognitivocomportementales au sein de la prise en charge thérapeutique. Il existe cependant certaines particularités dans le SDRC par rapport aux autres douleurs chroniques. L’histoire naturelle des SDRC évolue en général vers la guérison avec, parfois, des séquelles modérées (en particulier rétractions capsulaires). Les récidives existent et justifient que les patients en soient avertis et adoptent une attitude préventive.

A la différence d’autres pathologies douloureuses, on retrouve en général un début brutal avec un accident inaugural.

L’efficacité d’une prise en charge de type TCC dans les douleurs chroniques est bien établie [49, 50].

Il existe quelques études soulignant l’efficacité d’une telle prise en charge dans les SDRC. Elles sont le plus souvent le fait de cas cliniques isolés [51] et concernent souvent des enfants et des adolescents. Les techniques utilisées sont en général la relaxation [52], le biofeedback et parfois l’hypnose. Ces techniques peuvent conduire à la régression complète des symptômes ou à une amélioration de la douleur, de la motricité voire de la température cutanée.

7- Rééducation et réadaptation

la rééducation et la réadaptation sont toujours considérées essentielles dans la prise en charge des SDRC, associées à celle de la douleur, avec, le plus souvent, une égale importance tant la crainte des pertes fonctionnelles est présente : survenue de raideur, de rétraction, de «pseudo-négligence segmentaire ou neglect-like syndrom», de troubles du schéma corporel, liés à la douleur et l’immobilisation [53].

Pourtant, la place et le type des techniques de rééducation (kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, etc.), dans une prise en charge pluridisciplinaire si souvent encensée, reste bien mal codifiée et peu évaluée [22, 30, 35, 54]. Il n’y a en effet que peu ou pas de données scientifiques sur l’efficacité de la prise en charge rééducative.

La rééducation vise à prévenir, limiter ou réduire le handicap qui peut survenir dans l’évolution des SDRC. Elle doit donc être adaptée à l’évolution, aux symptômes

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et aux formes cliniques, raisonnée et prudente pour ne pas constituer un facteur d’agression et d’exacerbation douloureuse, prolongée, et doit s’inscrire dans une stratégie thérapeutique interne et pluridisciplinaire coordonnée.

Les objectifs sont les suivants :

- Le maintien d’une mobilisation volontaire, permettant un entretien des amplitudes articulaires et de la trophicité musculaire ;

- La contribution à l’antalgie et à la réduction de l’œdème ;

- Le maintien d’une capacité fonctionnelle.

Cette prise en charge rééducative est essentielle pour limiter le risque d’une évolution chronique invalidante, avec un fort retentissement fonctionnel en s’assurant de diminuer la peur des mouvements ou d’activités potentiellement douloureuses pour le patient [55].

La kinésithérapie et l’ergothérapie doivent pouvoir associer essentiellement :

- des techniques d’antalgie : massages, physiothérapie, balnéothérapie avec bénéfice à court terme mais pouvant faciliter mobilisation et rééducation actives progressives ;

- des modalités de décharge et/ou de mise au repos : à la phase précoce, phase dite chaude l’immobilisation/décharge est souvent nécessaire (décharge d’appui pour le membre inférieur avec cannes, attelle de repos pour le pied, le genou, le membre supérieur, mobilisation en balnéothérapie permettant une décharge segmentaire), mais celle-ci doit être limitée dans le temps avec évaluation très régulière de son indication, expliquée au patient, car elle peut contribuer à la perte de mobilité probablement au risque de « pseudo-négligence segmentaire » ;

- des techniques de réduction de l’œdème : à la phase chaude la réduction de l’œdème doit être recherchée par des techniques de posture, de drainage par effleurement, par les contractions musculaires qui favorisent le retour veineux et lymphatique. Cette étape est importante car facilitatrice des mobilisations. Elle peut être temporairement aidée par une contention, notamment aux membres inférieurs ;

- des techniques de mobilisation active (voir passive et de posture) : La mobilisation active est indispensable pour le maintien de la trophicité musculaire et des amplitudes articulaires, au retour veineux, à la lutte contre les phénomènes de pseudo-négligence segmentaire. Active, et moins douloureuse, mais elle doit être contrôlée pour être exercée dans toute l’amplitude possible et pour tous les segments articulaires, dans ceux sus et sous-jacents à

la zone atteinte. Selon l’évolution, les techniques passives et de posture doivent être associées pour limiter les rétractions tendino-musculaires et retrouver les amplitudes articulaires. L’usage de certaines orthèses dynamiques peut-être nécessaire, mais avec l’exigence d’être correctement réalisées, surveillées et adaptées ;

- des exercices fonctionnels, plus globaux d’ergothérapie vont permettre de poursuivre l’usage du membre et ainsi d’éviter les comportements d’appréhension des mouvements. Cette approche fonctionnelle globale est fondamentale.

L’ensemble de cette prise en charge doit s’accompagner d’une éducation du patient, afin que certains exercices puissent être effectués en dehors des séances de soins par le patient lui-même, et pour une information du patient et de sa famille sur l’adaptation comportementale et psychologique à la douleur et les effets négatifs de la non utilisation de la zone douloureuse par peur des mouvements [56].

Cette rééducation peut être effectuée en cabinet libéral de kinésithérapie pour les formes simples avec une bonne évolution. Elle sera réalisée en unité de médecine physique et de réadaptation, souvent selon un mode ambulatoire (hospitalisation à temps partiel), dès qu’une prise en charge pluridisciplinaire avec suivi spécifique sera nécessaire. Cette modalité permet en effet une plus grande intensité de soin (séances plus longues autorisant un travail fractionné et varié), une approche plus globale, en particulier psychologique et socioprofessionnelle est souvent nécessaire.

Dans ce contexte de maintien de mobilité, selon de nouveaux concepts intégrant la dimension neurocomportementale du SDRC (perturbation de l’intégration corticale des informations motrices sensorielles, réorganisation somesthésique, troubles cognitifs et du schéma corporel), d’autres approches techniques rééducatives peuvent être évoquées :

• La rééducation avec miroir qui est proposée dans la prise en charge des SRDC, comme dans l’AVC et les syndromes du membre fantôme [35]. Une analyse récente de la littérature [57] rapporte cependant un faible niveau de preuve pour cette technique dans ce contexte clinique, sans doute à modérer selon le stade évolutif ;

• L’imagerie mentale, développée par Moseley, qui permet, par des exercices de reconnaissance de latéralité et de mouvements virtuels, d’avoir un effet sur l’intensité de la douleur [58]; un programme spécifique séquentiel associant des exercices en miroir a pu être ainsi proposé [59, 60];

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Syndrome douloureux régional complexe type I : actualités de la prise en charge thérapeutique.

• L’adaptation visuo-motrice prismatique a été proposée, en parallèle à ces effets dans la négligence après lésions cérébrales, sur les symptômes apparentés à la négligence que l’on retrouve dans les SDRC [61] par action de modification de l’attention visuo-spatiale. Il s’agit dans ce cadre d’une technique offrant de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Au-delà de cette rééducation motrice, la prise en charge doit associer des techniques d’ordre psychothérapique (psychothérapie, relaxation, hypnose, sophrologie…), et prendre en compte l’ensemble du contexte social, en particulier socioprofessionnel notamment dans certains SDRC post-traumatiques.

Des données récentes sur des programmes de rééducation plus spécifiques, considérant que la douleur entraîne des effets néfastes par non-utilisation sont proposées visant à « forcer » l’utilisation, sans prendre spécifiquement en compte la douleur, pour privilégier une restauration fonctionnelle et instaurer une inversion du cercle vicieux-douleurs-non-utilisation, avec des résultats faisant état d’une bonne faisabilité de ces programmes [62].

La rééducation doit être envisagée d’emblée, précocement pour éviter la non-utilisation du membre, l’atrophie, la raideur et elle doit être évaluée régulièrement. Elle est de mise en place facile à la phase de début, mais peut devenir plus complexe dans les formes rebelles et parfois diffuses. L’évaluation régulière du patient doit permettre de savoir proposer une prise en charge pluridisciplinaire associant centre de la douleur et unité de médecine physique et de réadaptation.

C- stratégie thérapeutique et indications [63]

En l’absence de recommandations, de standards thérapeutiques, compte tenu de l’évolution souvent imprévisible, du manque de donnée d’efficience reconnues de certaines thérapeutiques dans l’arsenal proposé, et de la nécessité de ne pas nuire dans ce contexte clinique complexe, il est cependant utile de proposer une stratégie graduée est non « l’essai de tout et tout en même temps ».

Cette stratégie s’inscrit dans la caractérisation de la phase évolutive (phase chaude, froide, trophique…), du type I ou du type II, des conséquences globales du SDRC et d’une progression des thérapeutiques proposées évaluées.

On peut ainsi proposer :

1- Dans un premier temps : Il s’agit le plus souvent de la phase dite « chaude » justifiant une antalgie (traitement médicamenteux antalgique de fond pallier I ou II-perfusion de bisphosphonates-neurostimulation transcutanée), une

mise au repos (décharge et immobilisation contrôlée discutée), une rééducation centrée au moins sur une mobilisation active et une éducation (au minimum kinésithérapie, parfois ergothérapie associée) avec un objectif plutôt « cognitif » visant à dédramatiser et à rassurer le patient ; il est important de ne pas négliger la souffrance psychologique éventuelle (traitement antidépresseur et/ou psychothérapique) et une composante neuropathique (anticonvulsivants) ;

2- Dans un deuxième temps, si l’évolution est plus sévère, avec douleurs intenses et retentissement fonctionnel : prise en charge pluridisciplinaire associant une thérapie antalgique plus importante (antalgiques palliers II et III, antidépresseurs, anti-épileptiques, kétamine, bloc nerveux…). La rééducation doit être, à ce moment-là, plus intensive, plus globale et s’adapter avec les différentes techniques antalgiques qui ont été proposées, pluridisciplinaire, avec approche fonctionnelle (kinésithérapie et ergothérapie-technique analytique et globale-remobilisation/place des techniques en miroir ou d’imagerie motrice), psychologique et social ;

3- Dans un troisième temps : Les techniques d’analgésie peuvent être plus invasives (stimulations) et la prise en charge rééducative vise plutôt à la compensation du handicap.

La prise en charge nécessite certaines attentions. Il est nécessaire d’établir précocement le diagnostic pour traiter précocement la douleur, lutter contre l’œdème et restaurer la fonction. Il faut se méfier de toute mobilisation douloureuse (la kinésithérapie ne doit pas être délétère), de l’immobilisation non contrôlée et non expliquée, des techniques agressives non expliquées, d’une escalade thérapeutique sans évaluation et sans avis concertés de plusieurs spécialistes.

Il est important de garder en mémoire que l’évolution d’un SDRC peut être spontanément et naturellement favorable, avec une évolution parfois longue, d’où le caractère graduel et adapté des différentes approches thérapeutiques.

ConClusion

La prise en charge des SDRC reste difficile, malgré une évolution souvent favorable, en l’absence de modalités thérapeutiques vraiment validées. Pour la plupart des auteurs, la gestion de la douleur (évaluation et adaptation thérapeutique) et la rééducation (limitation, voire proscription de l’immobilisation) constituent les deux piliers du traitement qui doit être initié au plus tôt.

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La composante neurologique doit être évaluée même en l’absence de lésion neurologique compte tenu des risques de retentissements cognitifs et sur le schéma corporel. Enfin, l’approche psychosociale doit toujours être associée dans la prise en charge.

Actuellement, sur un plan purement d’Evidence Based Medicine, les thérapeutiques spécifiques apparaissant les plus validées sont l’usage des bisphosphonates et la neurostimulation médullaire [63], et prometteuse, l’usage de la kétamine.

DéClARAtion D’intéRêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.

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