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Douleurs, 2006, 7, 3 163 L’année 2006 va-t-elle être marquée par une nouvelle évolu- tion ? C’est en tout cas le souhait des auteurs d’une lettre d’actualité clinique éditée par l’I.A.S.P. En effet plusieurs reproches sont adressés aux recommandations actuelles : • D’une part la notion même de « palier » a trop souvent limité la prescription d’opioïdes en première intention, lais- sant penser qu’il faut en toute situation débuter un traite- ment au premier niveau. L’expérience clinique démontre pourtant qu’il est inadapté de débuter un traitement du palier 1 pour une douleur cancéreuse sévère. • D’autre part l’utilisation des antalgiques de l’actuel palier 2 pose un certain nombre de problèmes : effets secondaires fréquents, effet plafond, efficacité faible, pas de synergie démontrée avec les AINS. Les auteurs suggèrent donc de ne pas avoir recours à ces molécules, mais plutôt de débuter des doses faibles d’opioïdes en association aux antalgiques non opioïdes. • Enfin le recours aux techniques invasives (blocs nerveux, pharmacothérapies intrathécales) mérite d’être discuté pré- cocement, en fonction du mécanisme de la douleur. Elles ne doivent pas être considérées comme un dernier recours, à réserver aux échecs des traitements médicamenteux. En ce basant sur ce triple constat, les auteurs de cette lettre proposent de remplacer les 3 paliers actuels par un nouvel algorithme, qui bannit l’usage des opioïdes faibles : – douleur faible : antalgiques non opioïdes +/– techniques invasives +/– (si nécessaire) opioïdes forts à débuter à faible dose ; – douleur modérée : opioïdes forts à débuter à faible dose +/– antalgiques non opioïdes +/– techniques invasives ; – douleur sévère : opioïdes forts à débuter à dose classique +/– antalgiques non opioïdes +/– techniques invasives. S’ils se sont appuyés sur la littérature pour bâtir cet algo- rithme, les auteurs conviennent de la nécessité d’études prospectives complémentaires pour le valider. F. Clère Caractéristiques chronobiologiques de la neuro- pathie diabétique douloureuse et de la névral- gie post-zostérienne : variation diurne de la douleur et effets des traitements analgésiques Chronobiological characteristics of painful dia- betic neuropathy and postherpetic neuralgia: diurnal pain varionation and effects of analgesic therapy Odrcich M, Bailey JM, Cahill CM, Gilron I. Pain 2006;120:207-12. Si l’impression clinique suggère que les douleurs neuropa- thiques sont souvent plus intenses la nuit et insomniantes, leur variation d’intensité au cours de la journée n’a pas été clairement caractérisée. Utilisant les données d’un essai cli- nique précédent, les auteurs ont évalué la variation diurne (8 h-20 h) de l’intensité de la douleur avant et pendant un traitement analgésique (gabapentine, morphine, association des deux) chez 85 patients présentant soit une neuropathie diabétique (ND ; N = 55) soit une névralgie post-zostérienne (NPZ, N = 30). Chez les 34 patients présentant une ND et les 26 patients présentant une NPZ qui ne recevaient pas de traitement antalgique, les résultats montrent une progres- sion significative de l’intensité de la douleur au cours de la journée, l’absence de modification significative au cours d’un cycle de 7 jours et d’interaction entre ces variables. Au cours des différents traitements, les résultats sur l’ensemble des patients et par sous-groupe (ND, NPZ) retrouvent un effet significatif les traitements mais ceux-ci, donnés à heure fixe n’affectent pas l’augmentation significative de l’intensité de la douleur au cours de la journée. Il n’y a pas de modification significative au cours d’un cycle de 7 jours ni d’interaction entre les variables. Les auteurs discutent dif- férentes hypothèses pour expliquer leurs résultats : modu- lations de la nociception et de la douleur par des facteurs qui varient au cours du cycle circadien comme les fluctua- tions endogènes des neurotransmetteurs et hormones endo- crines (béta endorphine, peptides analgésiques endogènes, mélatonine, sérotonine, cortisol); déterminants extrinsèques qui affectent la douleur évoquée par le toucher (sommation temporelle de l’allodynie) et les niveaux d’activités physi- ques (activités cumulatives). La morphine et la gabapentine ont pas d’effet important sur les mécanismes de la douleur qui contribuent à l’augmentation progressive de la douleur au cours de la journée. Mai Luu Synergisme entre le paracétamol et les anti- inflammatoires non stéroïdiens sur une douleur aiguë expérimentale Synergism between paracetamol and non- steroidal anti-inflammatory drugs in experi- mental acute pain Miranda HF, Puig MM, Prieto JC, Pinardi G. Pain 2006;121:22-28. Les auteurs ont étudié les effets anti-nociceptifs de plusieurs combinaisons de paracétamol avec différents AINS d’utilisa- tion courante (diclofénac, ibuprofen, kétoprofen, méloxicam, métamizol, naproxen, nimésulide, parécoxib et piroxicam) sur un modèle de douleur viscérale chez la souris (test de contractions abdominales dues à l’administration intrapérito- néal d’acide acétique). La dose efficace produisant un effet

Synergisme entre le paracétamol et les antiinflammatoires non stéroïdiens sur une douleur aiguë expérimentale

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L’année 2006 va-t-elle être marquée par une nouvelle évolu-tion ? C’est en tout cas le souhait des auteurs d’une lettred’actualité clinique éditée par l’I.A.S.P. En effet plusieursreproches sont adressés aux recommandations actuelles :• D’une part la notion même de « palier » a trop souventlimité la prescription d’opioïdes en première intention, lais-sant penser qu’il faut en toute situation débuter un traite-ment au premier niveau. L’expérience clinique démontrepourtant qu’il est inadapté de débuter un traitement dupalier 1 pour une douleur cancéreuse sévère.• D’autre part l’utilisation des antalgiques de l’actuel palier 2pose un certain nombre de problèmes : effets secondairesfréquents, effet plafond, efficacité faible, pas de synergiedémontrée avec les AINS. Les auteurs suggèrent donc de nepas avoir recours à ces molécules, mais plutôt de débuterdes doses faibles d’opioïdes en association aux antalgiquesnon opioïdes.• Enfin le recours aux techniques invasives (blocs nerveux,pharmacothérapies intrathécales) mérite d’être discuté pré-cocement, en fonction du mécanisme de la douleur. Ellesne doivent pas être considérées comme un dernier recours,à réserver aux échecs des traitements médicamenteux.En ce basant sur ce triple constat, les auteurs de cette lettreproposent de remplacer les 3 paliers actuels par un

nouvelalgorithme

, qui bannit l’usage des opioïdes faibles :– douleur faible : antalgiques non opioïdes +/– techniquesinvasives +/– (si nécessaire) opioïdes forts à débuter à faibledose ;– douleur modérée : opioïdes forts à débuter à faible dose+/– antalgiques non opioïdes +/– techniques invasives ;– douleur sévère : opioïdes forts à débuter à dose classique+/– antalgiques non opioïdes +/– techniques invasives.S’ils se sont appuyés sur la littérature pour bâtir cet algo-rithme, les auteurs conviennent de la nécessité d’étudesprospectives complémentaires pour le valider.

F. Clère

Caractéristiques chronobiologiques de la neuro-pathie diabétique douloureuse et de la névral-gie post-zostérienne : variation diurne de ladouleur et effets des traitements analgésiquesChronobiological characteristics of painful dia-betic neuropathy and postherpetic neuralgia:diurnal pain varionation and effects of analgesictherapy

Odrcich M, Bailey JM, Cahill CM, Gilron I. Pain 2006;120:207-12.

Si l’impression clinique suggère que les douleurs neuropa-thiques sont souvent plus intenses la nuit et insomniantes,leur variation d’intensité au cours de la journée n’a pas été

clairement caractérisée. Utilisant les données d’un essai cli-nique précédent, les auteurs ont évalué la variation diurne(8 h-20 h) de l’intensité de la douleur avant et pendant untraitement analgésique (gabapentine, morphine, associationdes deux) chez 85 patients présentant soit une neuropathiediabétique (ND ; N = 55) soit une névralgie post-zostérienne(NPZ, N = 30). Chez les 34 patients présentant une ND etles 26 patients présentant une NPZ qui ne recevaient pas detraitement antalgique, les résultats montrent une progres-sion significative de l’intensité de la douleur au cours de lajournée, l’absence de modification significative au coursd’un cycle de 7 jours et d’interaction entre ces variables. Aucours des différents traitements, les résultats sur l’ensembledes patients et par sous-groupe (ND, NPZ) retrouvent uneffet significatif les traitements mais ceux-ci, donnés àheure fixe n’affectent pas l’augmentation significative del’intensité de la douleur au cours de la journée. Il n’y a pasde modification significative au cours d’un cycle de 7 joursni d’interaction entre les variables. Les auteurs discutent dif-férentes hypothèses pour expliquer leurs résultats : modu-lations de la nociception et de la douleur par des facteursqui varient au cours du cycle circadien comme les fluctua-tions endogènes des neurotransmetteurs et hormones endo-crines (béta endorphine, peptides analgésiques endogènes,mélatonine, sérotonine, cortisol); déterminants extrinsèquesqui affectent la douleur évoquée par le toucher (sommationtemporelle de l’allodynie) et les niveaux d’activités physi-ques (activités cumulatives). La morphine et la gabapentineont pas d’effet important sur les mécanismes de la douleurqui contribuent à l’augmentation progressive de la douleurau cours de la journée.

Mai Luu

Synergisme entre le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sur une douleuraiguë expérimentaleSynergism between paracetamol and non-steroidal anti-inflammatory drugs in experi-mental acute pain

Miranda HF, Puig MM, Prieto JC, Pinardi G. Pain 2006;121:22-28.

Les auteurs ont étudié les effets anti-nociceptifs de plusieurscombinaisons de paracétamol avec différents AINS d’utilisa-tion courante (diclofénac, ibuprofen, kétoprofen, méloxicam,métamizol, naproxen, nimésulide, parécoxib et piroxicam)sur un modèle de douleur viscérale chez la souris (test decontractions abdominales dues à l’administration intrapérito-néal d’acide acétique). La dose efficace produisant un effet

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anti-nociceptif de 50 % (ED50) a été calculée pour des combi-naisons de rapport fixe de paracétamol avec chaque AINS.Cet indice a été comparé avec l’indice théorique calculé àpartir du l’ED50 du paracétamol additionné à l’ED50 de cha-cun des différents AINS. Les résultats montrent un effet anti-nociceptif dose dépendant pour les différents antalgiquesadministrés seuls en intra-péritonéal et également per ospour le diclofénac et le paracétamol. Les courbes effet-dosesont parallèles, indiquant pour les auteurs un mécanismed’action commun. Chaque combinaison testée a montré uneffet synergique, l’ED50 expérimental étant significative-ment plus petit que l’ED50 théorique calculé. Cet effetsynergique est retrouvé pour l’administration intra-périto-néale mais également

per os

. Les importantes interactionsretrouvées entre paracétamol et AINS valident l’utilisationclinique de leur combinaison pour le traitement des dou-leurs. Elles permettent l’utilisation de doses moindre dechaque composant, diminuant ainsi l’incidence des effetssecondaires.

Mai Luu

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