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Images en Ophtalmologie Vol. VII n o 5 septembre-octobre 2013 114 Cas clinique Choriorétinite placoïde postérieure syphilitique aiguë Acute syphilitic posterior placoid chorioretinitis H. Rouhette, F. Guillemot, M. Conte (Centre ophtalmologique de Mougins, Collectif P1,5) U n homme de 35 ans se présente pour une sensation de baisse visuelle de l’œil gauche depuis quelques jours. Examen L’acuité visuelle avec correction d’un astigmatisme myopique est de 6/10 P4 avec scotome central. L’examen à la lampe à fente retrouve de fins précipités rétrodescemétiques peu nom- breux. Le fond d’œil révèle une lésion placoïde jaunâtre étendue au pôle postérieur et dépassant l’arcade vasculaire temporale supérieure associée à une vascularite temporale (figure 1). L’examen de l’œil droit est normal. Les clichés en autofluorescence retrouvent une large plage d’hyperautofluorescence bien limitée, touchant la fovéa et correspondant à la surface de la lésion jaunâtre associée à des lésions focales temporales hyperautofluorescentes (figure 2). En tomographie en cohérence optique spectral domain (OCT-SD), l’atteinte rétinienne est externe avec disparition de l’interface SI/SE (segment interne/segment externe) des photorécepteurs et de la membrane limitante externe associée à de fins dépôts hyperréflectifs mais sans “fluide” intra- ou sous-rétinien (figure 3a). Au niveau macu- laire (figure 3b), il y a également une désorganisation de l’architecture rétinienne externe, mais moins marquée qu’à la partie centrale de la lésion. En angiographie à la fluorescéine, la lésion centrale, discrètement hypofluorescente aux temps précoces, devient progressivement hyperfluorescente. Des lésions de vas- cularite en moyenne périphérie temporale sont également retrouvées, ainsi qu’une hyperfluorescence papillaire (figures 4a et 4b). Au vert d’indocyanine, la lésion reste hypofluorescente tout au long de la séquence (figure 5). À l’interrogatoire, le patient s’est souvenu avoir présenté, quelques mois auparavant, une éruption cutanée. Un bilan sérologique a été demandé, et le sérodiagnostic de la tréponématose (syphilis) est revenu fortement positif (VDRL [Venereal Disease Research Laboratory] charbon à 1/64 et TPHA [Treponema Pallidum Hemagglutinations Assay] à 1/10 240). Le patient était séronégatif vis-à-vis du virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Évolution Le patient a été adressé dans un service de maladies infectieuses, et un traitement antibiotique intraveineux par pénicilline a été instauré et poursuivi pendant 15 jours. Le patient a été revu 2 mois après le diagnostic : l’acuité visuelle corrigée était à 10/10 P2, l’aspect du fond d’œil et en autofluorescence était normal (figure 6) et les couches rétiniennes étaient restituées intégralement en OCT-SD (figure 7). Syphilis • Choriorétinite • Uvéite • Tomographie en cohérence optique. Syphilis • Chorioretinitis • Uveitis • Optical coherence tomography. Légendes Figure 1. Photographie du fond d’œil gauche retrouvant une lésion rétinienne en plaque jaunâtre étendue à tout le pôle postérieur (flèches blanches). Figure 2. Hyperautofluorescence bien limitée, touchant la fovéa et correspondant à la surface de la lésion jaunâtre associée à des lésions focales temporales également hyperautofluorescentes (flèche blanche). Figure 3. Tomographie en cohérence optique spectral domain (OCT-SD). a. Coupe horizontale passant au-dessus de la macula et au centre de la lésion retrouvant la dispa- rition de l’interface SI/SE des photorécepteurs et de la membrane limitante externe (ovale jaune) et de fins dépôts hyperréflectifs (flèches blanches). b. Coupe maculaire retrouvant une atteinte anatomique de la rétine externe moins marquée qu’au centre de la lésion.

syphilitique aiguë cohérence optique.la normalisation de l’aspect anatomique en OCT-SD semble en faveur d’un processus pathogénique immunologique au niveau des couches externes

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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 5 • septembre-octobre 2013114

Cas clinique

Choriorétinite placoïde postérieure syphilitique aiguëAcute syphilitic posterior placoid chorioretinitisH. Rouhette, F. Guillemot, M. Conte(Centre ophtalmologique de Mougins, Collectif P1,5)

U n homme de 35 ans se présente pour une sensation de baisse visuelle de l’œil gauche depuis quelques jours.

ExamenL’acuité visuelle avec correction d’un astigmatisme myopique est de 6/10 P4 avec scotome central.

L’examen à la lampe à fente retrouve de fi ns précipités rétrodescemétiques peu nom-breux. Le fond d’œil révèle une lésion placoïde jaunâtre étendue au pôle postérieur et dépassant l’arcade vasculaire temporale supérieure associée à une vascularite temporale (fi gure 1). L’examen de l’œil droit est normal.

Les clichés en autofl uorescence retrouvent une large plage d’hyperautofl uorescence bien limitée, touchant la fovéa et correspondant à la surface de la lésion jaunâtre associée à des lésions focales temporales hyperautofl uorescentes (fi gure 2).

En tomographie en cohérence optique spectral domain (OCT-SD), l’atteinte rétinienne est externe avec disparition de l’interface SI/SE (segment interne/segment externe) des photorécepteurs et de la membrane limitante externe associée à de fi ns dépôts hyperréfl ectifs mais sans “fl uide” intra- ou sous-rétinien (fi gure 3a). Au niveau macu-laire (fi gure 3b), il y a également une désorganisation de l’architecture rétinienne externe, mais moins marquée qu’à la partie centrale de la lésion.

En angiographie à la fl uorescéine, la lésion centrale, discrètement hypofl uorescente aux temps précoces, devient progressivement hyperfl uorescente. Des lésions de vas-cularite en moyenne périphérie temporale sont également retrouvées, ainsi qu’une hyperfl uorescence papillaire (fi gures 4a et 4b). Au vert d’indocyanine, la lésion reste hypofl uorescente tout au long de la séquence (fi gure 5).

À l’interrogatoire, le patient s’est souvenu avoir présenté, quelques mois auparavant, une éruption cutanée.

Un bilan sérologique a été demandé, et le sérodiagnostic de la tréponématose (syphilis) est revenu fortement positif (VDRL [Venereal Disease Research Laboratory] charbon à 1/64 et TPHA [Treponema Pallidum Hemagglutinations Assay] à 1/10 240). Le patient était séronégatif vis-à-vis du virus de l'immunodéfi cience humaine (VIH).

ÉvolutionLe patient a été adressé dans un service de maladies infectieuses, et un traitement antibiotique intra veineux par pénicilline a été instauré et poursuivi pendant 15 jours.

Le patient a été revu 2 mois après le diagnostic : l’acuité visuelle corrigée était à 10/10 P2, l’aspect du fond d’œil et en autofl uorescence était normal (fi gure 6) et les couches rétiniennes étaient restituées intégralement en OCT-SD (fi gure 7).

Syphilis • Choriorétinite • Uvéite • Tomographie en cohérence optique.

Syphilis • Chorioretinitis • Uveitis • Optical coherence tomography.

Légendes

Figure 1. Photographie du fond d’œil gauche retrouvant une lésion rétinienne en plaque jaunâtre étendue à tout le pôle postérieur (fl èches blanches).

Figure 2. Hyperautofluorescence bien limitée, touchant la fovéa et correspondant à la surface de la lésion jaunâtre associée à des lésions focales temporales également hyperautofl uorescentes (fl èche blanche).

Figure 3. Tomographie en cohérence optique spectral domain (OCT-SD). a. Coupe horizontale passant au-dessus de la macula et au centre de la lésion retrouvant la dispa-rition de l’interface SI/SE des photo récepteurs et de la membrane limitante externe (ovale jaune) et de fins dépôts hyperréflectifs (flèches blanches). b. Coupe maculaire retrouvant une atteinte anatomique de la rétine externe moins marquée qu’au centre de la lésion.

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Cours intensif d’OCT – Premier congrès international d’OCT en faceVendredi 13 décembre (14 h-19 h) et samedi 14 décembre (8 h-18 h) 2013Rome, Roma NH Hotel Vittorio Veneto - Corso d’Italia, 1

Organisateurs : Bruno Lumbroso (Rome), Philip J. Rosenfeld (Miami), Gabriel Coscas (Paris)

Secrétariat scientifi que : Bruno Lumbroso Tél. : +39 06 37518008E-mail : [email protected]

Secrétariat du congrès : Tél. : +39 031 461938 – Fax : +39 031 4890516E-mail : [email protected]

INFORMATIONS ET INSCRIPTIONS EN LIGNEAge

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Cas clinique

DiscussionLa syphilis est une maladie infectieuse causée par un spirochète : Treponema pal-lidum, qui peut atteindre toutes les structures de l’œil aux stades secondaires et tertiaires. Parmi les manifestations ophtalmologiques variées, la chorio rétinite pla-coïde postérieure syphilitique aiguë (Acute Syphilitic Posterior Placoid Chorioretinitis [ASPPC]) représente un tableau clinique rare, dont la description princeps remonte à 1990 par J.D. Gass (1) et dont seulement une soixantaine de cas ont été décrits dans la littérature (2).

La ou les lésions rétiniennes placoïdes jaunâtres sont bilatérales dans plus de la moitié des cas, associées à une hyalite dans quasiment 9 cas sur 10 (2). La présen-tation clinique et paraclinique est ainsi relativement typique, associant la plupart des éléments retrouvés dans notre cas.

L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement antibiotique intraveineux, et la normalisation de l’aspect anatomique en OCT-SD semble en faveur d’un processus pathogénique immunologique au niveau des couches externes de la rétine (3).

Avec l’augmentation de la prévalence de la syphilis, associée ou non au VIH, l’ophtalmo logiste peut être en première ligne dans le diagnostic de la maladie et permettre un traitement précoce, évitant ainsi de graves complications. IIII

Références bibliographiques1. Gass JD, Braunstein RA, Chenoweth RG. Acute syphilitic posterior placoid chorioretinitis. Ophthal-mology 1990;97(10):1288-97.2. Eandi CM, Neri P, Adelman RA, Yannuzzi LA, Cunningham ET Jr; International Syphilis Study Group. Acute syphilitic posterior placoid chorioretinitis: report of a case series and comprehensive review of the literature. Retina 2012;32(9):1915-41.3. Brito P, Penas S, Carneiro A, Palmares J, Reis FF. SD-Spectral-domain optical coherence tomo-graphy features of acute syphilitic posterior placoid chorioretinitis: the role of autoimmune response in pathogenesis. Case Rep Ophthalmol 2011;2(1):39-44.

Légendes

Figure 4. Angiographie en fluorescéine. a. Hyperfl uorescence progressive de la lésion associée à une hyperfl uorescence papillaire (flèche blanche). b. Cliché périphérique retrouvant des diff usions périvasculaires en temporal (fl èches jaunes).

Figure 5. Hypofluorescence de la lésion chorio rétinienne tout au long de la séquence au vert d’indocyanine.

Figure 6. Normalisation de l’autofl uores-cence du fond d’œil 2 mois après le début du traitement antibiotique.

Figure 7. Tomographie en cohérence optique spectral domain (OCT-SD). Coupe horizontale passant au-dessus de la macula, après la guérison, retrouvant une restitution ad integrum de toutes les couches de l’ana-tomie rétinienne (ovale jaune).

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