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66 Balla Diarra : Système d’Information Géographique (SIG) et mobilisation des ressources fiscales... Système d’Information Géographique (SIG) et mobilisation des ressources fiscales dans les communes maliennes. L’exemple de la Commune III du District de Bamako. BaLLa DIaRRa, Géographe, ISFRA – Université de Bamako Résumé Le processus de décentralisation en cours depuis 1993 au Mali a impliqué la création et la mise en place progressive des instruments juridiques et institutionnels nécessaires à son fonctionnement. Les compétences des communes ont ainsi été définies par la loi N° 95-034 en son article 14 (Section II) : elles sont chargées de la gestion de l’environnement, mais aussi des secteurs sociaux de base, tels que l’enseignement fondamental, la santé de base, l’hydraulique villageoise et urbaine, etc. Ces compétences ont en pratique été très difficiles à mettre en œuvre dans un pays où le revenu des ménages est très faible et où la croissance démographique est encore très élevée, principalement dans les villes telles que Ba- mako 1 la capitale du Mali (5,4 % pour la période intercensitaire 1998-2009). Pour leur permettre de remplir les prérogatives qui leur ont été confiées, l’État a transféré aux communes une liste apparemment importante de sources fiscales, notamment celles concernant les lieux d’activités lucratives. Mais pour lever des impôts sur ces ressources, il faut avoir une connaissance rigou- reuse de leur emplacement et de leurs principaux descriptifs. L’utilisation de plans cartographiques et de GPS pour recenser ces données localisées puis leur intégration dans un SIG et ce à travers l’exemple de la Commune III de Bamako, se sont révélés utiles pour atteindre cet objectif majeur des communes maliennes. mots-clés : Commune III de Bamako, Mali, décentralisation, ressources fiscales, Système d’information géographique. 1 Ou Sikasso, la deuxième ville du Mali : 3,6 % de croissance entre 1998 et 2009 contre 2,3 % pour l’ensemble du pays. aBstRaCt The decentralization process implemented in Mali since 1993, implied to gradually create and implement the legal and institutional instruments necessary to its operation. Powers of the communes were thus defined by the law N° 95-034 in its Article 14 (Section II). Those are in charge of the management of the environment, but more specifically they have to contribute to the basic social sectors: first level schools, basic health services, village and urban utilities etc. These powers, as one can suspect, are very difficult to implement in a country where the income of households is very low and the demographic growth still very high, particularly in the cities, and notably in Bamako, the capi- tal city of Mali. Indeed, while the country’s demographic growth was 3,6 % per year between the last censuses (1998 and 2009), in Bamako, because of the importance of the rural migration, it was definitely stronger : 5,4 %. To help the communes performing their new duties which were entrusted to them, the Government transferred to the communes a significant list from tax sources, specially what concern the lucrative activities. But in order to raise taxes on these resources, an exact knowledge of their location and their principal descriptions. The use of cartographic plan and GPS to collect those localised data and their integration in a GIS and all this throw the example of the Commune III of Bamako, proved to be key element making it possible to achieve this major achievement of the Malians communes. Key words: Commune III of Bamako, Mali, decentralization, tax resources, geographical Information system.

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66 Balla Diarra : Système d’Information Géographique (SIG) et mobilisation des ressources fiscales...

Système d’Information Géographique (SIG) et mobilisation des ressources fiscales dans les communes maliennes. L’exemple de la Commune III du

District de Bamako.

BaLLa DIaRRa, Géographe,

ISFRA – Université de Bamako

Résumé

Le processus de décentralisation en cours depuis 1993 au Mali a impliqué la création et la mise en place progressive des instruments juridiques et institutionnels nécessaires à son fonctionnement. Les compétences des communes ont ainsi été définies par la loi N° 95-034 en son article 14 (Section II) : elles sont chargées de la gestion de l’environnement, mais aussi des secteurs sociaux de base, tels que l’enseignement fondamental, la santé de base, l’hydraulique villageoise et urbaine, etc.

Ces compétences ont en pratique été très difficiles à mettre en œuvre dans un pays où le revenu des ménages est très faible et où la croissance démographique est encore très élevée, principalement dans les villes telles que Ba-mako1 la capitale du Mali (5,4 % pour la période intercensitaire 1998-2009). Pour leur permettre de remplir les prérogatives qui leur ont été confiées, l’État a transféré aux communes une liste apparemment importante de sources fiscales, notamment celles concernant les lieux d’activités lucratives. Mais pour lever des impôts sur ces ressources, il faut avoir une connaissance rigou-reuse de leur emplacement et de leurs principaux descriptifs.

L’utilisation de plans cartographiques et de GPS pour recenser ces données localisées puis leur intégration dans un SIG et ce à travers l’exemple de la Commune III de Bamako, se sont révélés utiles pour atteindre cet objectif majeur des communes maliennes.

mots-c lés : Commune I I I de Bamako, Ma l i , décentralisation, ressources fiscales, Système d’information géographique.

1 Ou Sikasso, la deuxième ville du Mali : 3,6 % de croissance entre 1998 et 2009 contre 2,3 % pour l’ensemble du pays.

aBstRaCt

The decentralization process implemented in Mali since 1993, implied to gradually create and implement the legal and institutional instruments necessary to its operation. Powers of the communes were thus defined by the law N° 95-034 in its Article 14 (Section II). Those are in charge of the management of the environment, but more specifically they have to contribute to the basic social sectors: first level schools, basic health services, village and urban utilities etc.

These powers, as one can suspect, are very difficult to implement in a country where the income of households is very low and the demographic growth still very high, particularly in the cities, and notably in Bamako, the capi-tal city of Mali. Indeed, while the country’s demographic growth was 3,6 % per year between the last censuses (1998 and 2009), in Bamako, because of the importance of the rural migration, it was definitely stronger : 5,4 %. To help the communes performing their new duties which were entrusted to them, the Government transferred to the communes a significant list from tax sources, specially what concern the lucrative activities. But in order to raise taxes on these resources, an exact knowledge of their location and their principal descriptions.

The use of cartographic plan and GPS to collect those localised data and their integration in a GIS and all this throw the example of the Commune III of Bamako, proved to be key element making it possible to achieve this major achievement of the Malians communes.Key words: Commune III of Bamako, Mali, decentralization, tax resources, geographical Information system.

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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°1, 2013

© (EDUCI), 201367

IntRoDuCtIon

Au Mali, la décentralisation avait connu un début de réalisation dès 1978 quand dix neuf communes urbaines ont été créées, dont six à Bamako. À la différence de celle des années 80 cependant, la décentralisation pensée et mise en œuvre à partir de 1993 (loi N°93-0082, déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales) a concerné l’ensemble du territoire national3 et surtout s’est accompagnée de la création et la mise en place des instruments juridiques et institutionnels nécessaires à son fonctionnement.

Les compétences des communes ont ainsi été définies par la loi N° 95-034 en son article 14 :

- la protection de l’environnement ;

- les plans d’occupat ion, les schémas et les opérations d’aménagement de l’espace communal ;

- la gestion domaniale et foncière et l’acquisition du patrimoine ;

- la création et la gestion des équipements collectifs, notamment dans les domaines suivants :

enseignement préscolaire et alphabétisation ;

premier et second cycles de l’enseignement fondamental ;

dispensaires, maternités, hygiène publique, assai-nissement, centres de santé communautaire ;

infrastructures routières et de communication classées dans le domaine communal ;

transports publics et plans de circulation ;

hydraulique rurale ou urbaine ;

foires et marchés ;

sports, culture et arts.

- l’organisation des différents secteurs économi-ques de la commune ;

- la réglementation en matière de police administrative.

2 Pour tous les textes de loi ayant trait à la décentralisation au Mali cités dans cet article, voir MDRI, 2000 dans la bibliographie.

3 703 communes se partagent aujourd’hui l’ensemble du territoire malien.

Les communes sont donc chargées de l’entretien du capital immobilier public et privé communal, mais aussi de leur amélioration et de leur multiplication. Les compétences qui leur sont transférées ne sont donc pas minces. Au contraire, il s’agit des plus complexes et des plus difficiles à mettre en œuvre au Mali. Par exemple, les secteurs de l’enseignement primaire et de la santé communautaire sont les plus difficiles à satisfaire dans un pays où la croissance démographique est encore très élevée (2,3 % pour l’ensemble du Mali entre les derniers recensements de 1998 et 2009 (INSTAT, 2011) et le revenu des ménages très bas (DNSI, 2001). Il manque encore en effet de nombreuses écoles primaires et de nombreux centres de santé communautaires pour atteindre les objectifs fixés par l’État dans les différents domaines (DNSI, 2001). Les efforts à fournir sont encore plus importants pour les grandes villes comme Bamako où, à cause de l’importance de l’exode rural, l’accroissement démographique est nettement plus fort, 5,4 % pour la même période intercensitaire 1998 à 2009 (INSTAT, 2011).

Pour remplir toutes ces prérogatives, l’État a transféré aux communes certaines ressources financières. Ces dernières ont été définies, en ce qui concerne les communes du district de Bamako, par la loi N° 96-058.

Pour les impôts et taxes prévus par le code général des impôts :

au moins 40 % du montant des contributions des patentes et licences4 ;

au moins 80 % du montant de la taxe de développement régional et local (TDRL) ;

le montant intégral de l’impôt sur les traitements et salaires des personnels payés sur le budget communal ;

le montant intégral de la taxe sur les armes à feu.

Pour les impôts et taxes pouvant être levés par les communes elles-mêmes dans les limites imposées par la loi il y a :

les autorisations des spectacles et divertisse-ments occasionnels : maximum de 10 % sur les

4 Les taux varient selon qu’il s’agit des communes de l’intérieur ou de celles du district de Bamako qui partagent leurs impôts avec le district.

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recettes brutes ;

les appareils de jeux installés dans les lieux publics ;

appareils automatiques de jeu : maximum de 15 000 francs par an et par appareil ;

les établissements de nuit, dancing, discothèques et restaurants avec orchestre : maximum de 100 000 francs par an ;

les débits de boissons et gargotes : de 30 000 à 75 000 francs maximum par an ;

la publicité dans les lieux publics : maximum de 2 000 francs par semaine ;

la taxe sur l’autorisation de construire : de 7 500 à 50 000 francs par an maximum ;

la taxe sur les moulins : maximum de 3 000 francs par mois ;

la taxe sur les carrières et l’extraction de sable calculée à partir des volumes extraits ;

la taxe sur les autres activités lucratives non soumises à la patente.

Mais, dans le contexte urbain malien, un grand nombre des sources de recettes énumérées dans cette loi sont difficiles à collecter par les municipalités (Diakité D., 2007).

Pour les patentes et licences par exemple, elles sont recouvrées par le district qui ne restitue à cha-cune des six communes de la capitale qu’il regroupe que 40 % du montant recouvré sur son territoire. Les communes ne peuvent donc, pour l’élaboration de leur budget, que supputer le montant probable de ce poste d’autant qu’elles ignorent le nombre des établissements imposables.

La taxe de développement régional et local (TDRL)5, de l’ordre de 2 000 FCFA (environ 3,1 euros) par an à Bamako, aurait pu constituer un apport appréciable de recettes fiscales. Elle est en effet prélevée directement par les communes elles-mêmes. Mais au Mali, et singuliè-rement dans les villes, les populations ne paient presque jamais la TDRL de leur propre chef et les élus municipaux se gardent bien de les y contraindre à cause de considéra-

5 Taxe de développement régional et local a été instituée en 2000, en remplacement de l’impôt per capita, et concerne toute personne âgée de 14 ans et plus.

tions électoralistes (Diakité D6, op. cit.).

Dans la liste des ressources financières trans-férées, il reste donc à explorer deux sources im-portantes de recettes : la vente de terrains et les lieux d’activités économiques ne relevant pas de la patente. Effectivement, les municipalités urbaines se sont focalisées sur la vente de terrain à bâtir, puisque tout ou partie des frais d’édilité7 et des autorisations de construire leur reviennent. Mais, aujourd’hui, presque toutes les communes de la capitale malienne ont atteint leurs limites d’extension et donc leurs recettes sur la vente de terrain se sont notoirement rétrécies faute de parcelles à vendre. Il reste8, dans ces conditions, les sources sur lesquelles les com-munes elles-mêmes peuvent lever des impôts : les différents lieux d’activités économiques existants sur leur territoire. C’est effectivement sur ces sour-ces de recettes que les communes se rabattent de plus en plus pour renflouer au plus vite leur caisse. Mais ces sources également posent un problème majeur : celui de leur recensement précis dans un pays où l’on s’installe, très souvent, sciemment ou inconsciemment, sans autorisation.

Par exemple, pour collecter les impôts des lieux d’activités sur son territoire, la mairie de la Commune III de Bamako (et toutes les autres mairies d’ailleurs) procèdent à un recouvrement périodique, en général mensuel, opéré par des agents à raison de montants connus par type d’activité et/ou d’installation. Mais le nombre des marchands concernés n’étant pas défini ni catégorisé parce que leur emplacement n’est pas rigoureusement connu, les agents ne sont limités dans le recel de ces deniers que par leur seule conscience. La conséquence est une situation budgétaire inconfortable dans toutes les communes urbaines maliennes (MATCL, 2001). Cette situation réduit ou supprime toute possibilité d’action de dé-veloppement sur le terrain.

La nécessité d’arriver à un recouvrement fiscal

6 Il est peut-être important de signaler ici que Diakité D., en plus d’être un scientifique, est aussi un élu municipal en Commune III de Bamako depuis 2002.

7 80 % de ces frais, soit 101 000 FCFA (environ 154 euros) par parcelle, reviennent aux communes urbaines.

8 Rappelons qu’au Mali, dans les communes urbaines comme dans les communes rurales, il n’y a pas de taxe foncière (ni sur le bâti, ni sur le non bâti, ni sur l’habitation) qui représente ailleurs près de 50 % des recettes directes des municipalités (cf. Conseil des prélèvements obligatoires, 2010).

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plus important et durable passe donc d’abord et principalement par la mise en œuvre d’une métho-dologie de recensement et d’archivage rigoureuse et durable des données concernant les sources de recettes fiscales localisées de la commune.

Cependant, malgré l’importance, voire l’urgence de la question – la décentralisation ne sera jamais effective tant que les communes ne parviendront pas à résoudre le problème de la mobilisation des ressources financières – les recherches sur ce sujet sont rares. Des initiatives de constitution de bases de données géographiques existent aujourd’hui dans les communes de Bamako. Mais elles sont « étonnam-ment » passées à côté de la problématique de l’iden-tification et de l’archivage géoréférencé des sources d’impôts des communes. Parmi elles cependant, la Commune V a tenté l’expérience grâce au soutien de la commune d’Aix-en-Provence à travers l’Université d’Aix-Marseille (Coulibaly Y. K., 2004). Mais, on ne retrouve aujourd’hui aucune trace des données, faisant ainsi passer l’expérience comme une simple enquête à laquelle la mairie de la Commune V a participé. Le mémoire de Diakité D. (2007) reste la seule tentative scientifique de problématisation de cette question majeure du recensement fiable des sources de recettes fiscales localisées des com-munes maliennes ainsi que de leur informatisation géoréférencée. Mais son extension géographique (le seul quartier de Ouolofobougou Bolibana dans la Commune III) ainsi que les difficultés techniques et méthodologiques rencontrées9, ont limité la portée de cette étude.

9 Le recensement a, par exemple, été fait uniquement par GPS. Celui-ci n’ayant pas été testé avant, il s’est avéré d’une mauvaise précision à la lecture des données collectées.

Il a donc paru nécessaire de réfléchir aux bases méthodologiques, techniques et organisationnelles d’un système de collecte durable et d’informatisation géoréférencée des sources de recettes fiscales lo-calisées pour aider le recouvrement fiscal municipal et ce à partir de l’exemple de la commune III de Bamako10.

La commune III est l’une des six de Bamako. Dans le contexte malien, il s’agit d’une vieille com-mune, puisqu’elle fait partie des dix neuf communes urbaines créées en 1978 par l’ordonnance numéro 78-34/CMLN du 18 août. Sa situation géographique par rapport aux autres communes (cf. carte ci-des-sous) montre que c’est la commune centrale de la capitale malienne. C’est là que l’on rencontre la partie coloniale de la ville, mais aussi certains des tout premiers quartiers de Bamako (Darsalam, Dravéla, Ouolofobougou, etc.) à partir desquels la ville s’est progressivement étendue.

Cette position centrale explique qu’elle concen-tre à présent la plupart des services centraux et les premiers centres d’affaires. De ce fait, elle est la commune bamakoise potentiellement la plus riche.

10 Cette opportunité a été obtenue grâce à l’appel d’offres de recherche AIRES-SUD (Appuis Intégrés pour le Renforcement des Équipes Scientifiques du Sud) qui est un programme d’appels d’offres de recherche du Fond de Solidarité Prioritaire (FSP) du Ministère français des Affaires étrangères.

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Figure 1 : Emplacement de la commune III dans le District de Bamako11

Quel est donc aujourd’hui l’éventail des sources de recettes fiscales localisées propres à la commune III de Bamako ? De quelle manière ces données sont-elles collectées et sous quels supports sont-elles

11 Tous les fonds de carte, sauf indication contraire, sont de l’Institut géographique du Mali (IGM).

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archivées ? La mise en œuvre d’une technique cartographique de collecte des données et d’un système informatique géoréférencé d’archivage et d’analyse de ces données sous la forme d’un SIG municipal permet-elle d’améliorer sensiblement la précision de la collecte et l’archivage de ces données, l’obtention rapide de certaines métadonnées entrant dans la collecte des taxes comme par exemple la typologie des activités et/ou des installations par quartier ?

L’étude postule que certes des efforts sont faits par la commune III de Bamako pour connaître l’éventail de ses sources de recettes fiscales loca-lisées. Mais l’adoption d’une technique de collecte matérialisant à chaque fois sur plan cartographique (ou par GPS le cas échéant) les données collectées aux fins d’intégration dans une base de données géoréférencée, permet d’améliorer la connaissance des lieux ainsi que l’obtention des métadonnées ci-dessus évoquées.

2. oBjeCtIfs

L’objectif général de cette recherche est de mettre à la disposition de la Commune III de Bamako une méthode de collecte cartographique, d’archivage et de gestion géoré-férencée de ses sources localisées de recettes fiscales afin de lui permettre de les recenser de façon fiable12.

Plus spécifiquement, il s’agit :

d’identifier et d’analyser les supports actuels de collecte et d’archivage des sources localisées de recettes fiscales dans la commune ainsi que le niveau de connaissance et de maîtrise que ces supports procurent à la commune ;

d’initier une méthodologie de collecte cartogra-phique et d’organisation informatique géoréférencée de ces données ;

d’éprouver cette méthode en faisant un inventaire et une description précis des sources imposables de la commune III de Bamako ;

d’intégrer l’ensemble de ces données dans un SIG communal qui permettra non seulement un archivage informatique des données, un repérage précis dans

12 Durant toute la recherche et surtout au moment des séances de restitution des résultats, les élus ne cessaient de nous dire : « tout notre problème, c’est le recensement », c’est-à-dire comment arriver à un recensement fiable.

l’espace de chaque entité, le suivi des évolutions de chaque entité pour les mises à jour nécessaires mais aussi l’obtention rapide des métadonnées nécessai-res à la collecte des recettes fiscales.

3. méthoDoLogIe

Pour atteindre ces objectifs, la démarche métho-dologique suivante a été adoptée :

- La rencontre avec les responsables municipaux et essentiellement ceux qui, à commencer par le maire, peuvent facilement influer sur les pratiques communales. La démarche visait à leur faire com-prendre les objectifs de la recherche afin d’obtenir leur implication dans la mise en œuvre de la méthode de collecte proposée. Par exemple, du fait de leur connaissance du terrain et de leur mode d’imposi-tion, les responsables municipaux sont les seuls à même de valider la pertinence des attributs relevés sur les différentes entités recensées et les typologies d’activités et/ou d’installation retenues ;

- la conduite d’enquêtes auprès de la commune III afin d’obtenir les informations sur les techniques actuelles de collecte et d’archivage des données re-latives aux sources localisées de recettes fiscales ;

- l’implication, pour faciliter la collecte sur le ter-rain, des chefs de quartiers afin qu’ils sensibilisent les populations aux objectifs de l’enquête ;

- l’acquisition de la version numérique du plan cartographique de la commune III. Ceci permettait de faire les impressions papier à l’échelle voulue ;

- la réflexion autour des échelles appropriées et des formats d’impression des plans cartographiques à utiliser pour la collecte ;

- l’acquisition d’un GPS de qualité, dont la préci-sion spatiale aura été testée à différents moments de la journée ;

- l’élaboration d’outils de collecte adéquats c’est-à-dire permettant d’obtenir toutes les données iden-tifiées et surtout permettant de favoriser leur suivi grâce à la prise en compte d’éléments de localisation géographique précise ;

- l’identification, la formation et le recrutement d’enquêteurs de haut niveau capables d’utiliser cor-rectement tous les outils nécessaires à la collecte notamment les plans cartographiques et le GPS

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- Enfin, l’ensemble des données collectées a été intégré dans un SIG pour créer une base de données géoréférencées. Ceci a permis les traitements pour l’obtention des métadonnées nécessaires à la mise en œuvre du recouvrement des recettes fiscales en commune III.

4. RésuLtats et DIsCussIon

Une base de données est, en général, une mine d’informations riche. Plusieurs analyses, pouvant aboutir à d’intéressants résultats, peuvent donc en être faites13. En plus des techniques de collecte propres à la commune III, de la méthode de collecte cartographi-que proposée, les résultats présentés ici, notamment ceux issus de traitements de la base de données, sont ceux dont ont aujourd’hui besoin les responsables municipaux de ladite commune dans la collecte de leurs recettes fiscales, essentiellement les typologies d’activités et d’installation par quartier.

4.1. LES TEChNIQUES ET SUPPORTS DE COLLECTE DES SOURCES fISCALES LOCALISÉES EN COMMUNE III

En commune III, ce sont les différents centres secondaires14 qui sont chargés de faire l’inventaire des sources fiscales localisables. Chaque centre couvre un nombre déterminé de quartiers.

Dans chaque centre, des agents recenseurs sont chargés d’effectuer annuellement l’inventaire des sources localisées de recettes fiscales. Les inventai-res des différents centres sont ensuite centralisés au niveau du centre principal de la mairie. Des agents de recouvrement, différents des premiers, sont alors envoyés sur le terrain pour recueillir les impôts cor-respondants.

Pour faire l’inventaire des sources fiscales locali-

13 Par exemple Togora H., 2011, a fait une analyse de la distribution spatiale des activités économiques à partir de la base de données de la ville de Sikasso (constituée dans le cadre de cette même recherche). L’objectif était de savoir si les activités avaient « une préférence spatiale » et si celle-ci pouvait aider les autorités municipales à organiser les contribuables en vue d’améliorer le recouvrement fiscal.

14 Les mairies de proximité.

sées c’est l’outil « recensement des contribuables » qui est utilisé. C’est un tableau sur support papier dont une réplique exacte est le tableau 1. Celui-ci re-groupe, pour l’année 2009, les résultats d’inventaire des différents centres secondaires de la commune. Selon les fiches de recensement obtenues pour l’en-semble des centres secondaires au titre de l’année 2009, la Commune III comptait un total de 1 439 sources fiscales localisables (cf. tableau 1).

Tableau 1: Typologie des activités et installations recensées par les centres secondaires de la commune III en 2009.

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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°1, 2013

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Désignations Nombre montant mensuel montant annuelKiosques 892 2 500 26 760 000Vulcanisateurs 26 3 000 936 000Soudeurs 23 3 000 828 000Studio photo 15 2 000 360 000studio Labo Photo 8 4 000 384 000Pressing 3 5 000 180 000Aires de lavage 18 3 000 648 000Cabines téléphoniques 24 2 000 576 000Blanchisseurs 7 1 500 126 000Batteurs de tissus 38 1 500 684 000Garagistes 20 3 000 720 000Salons de coiffure 11 3 000 396 000Bouchers 11 2 000 264 000Boucheries 5 4 000 240 000Parking 37 10 000 4 440 000Etalagistes 11 1 500 198 000Rôtisseries 20 3 000 720 000Containers 24 5 000 1 440 000Vidéo Clubs 0 0occupation domaine 8 3 000 288 000moulins 8 2 000 192 000hôtels 10 10 000 1 200 000Bars restaurant 14 7 500 1 260 000Bars dancing 2 5 000 120 000Pâtisseries 3 7 500 270 000Bars 6 5 000 360 000Restaurants 5 2 500 150 000Gargotes 22 1 500 396 000Buvettes 8 3 000 288 000Dépôts de boisson 6 5 000 360 000Cantines 1 5 000 60 000Bornes fontaines 30 1 500 540 000Stations d’essence 8 30 000 2 880 000W C 1 10 000 120 000magasins 63 10 000 7 560 000magasins délégués 41 12 500 6 150 000antennes maLIteL 2 250 000 6 000 000Centre alkaya touRe 1 25 000 300 000Alimentations 5 3 000 180 000Fabrique de boisson IGB 1 10 000 120 000Cafeteria 1 2 500 30 000totauX 1439 470 500 68 724 000

Source : Mairie de la Commune III de Bamako, 2009

L’outil « recensement des contribuables » utilisé par la Commune III pour recenser les sources d’impôts est donc un tableau comptant quatre colonnes. La plus importante est la colonne « désignations » qui

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donne la répartition en types d’activités ou plus exactement en « bases de taxation » des 1 439 lieux d’activités recensés par le service de recouvrement de la commune. Il ressort en effet de la lecture du tableau que la base matérielle de l’imposition n’est pas seulement le type d’activité, mais aussi celui de l’installation de l’activité. Ainsi, si l’activité de soudure a son barème de taxation propre, le kiosque ou le container ont aussi leur barème. Or ce sont plutôt des types d’installation qui, comme tels, peuvent contenir un commerce de quincaillerie, de friandises, etc. Les postes de taxation listés dans le tableau sont donc difficilement compréhensibles dans une logique scientifique. Sont en effet mis ensemble, fonction, type d’affectation de locaux parfois de surface et autres, parfois avec des barèmes identiques ou non. En fait les décideurs municipaux sont ici dans une logique purement opérationnelle. Il leur faut trouver forcément un moyen de créer une typologie pour la taxation mais qui ne soit pas fondé sur une évaluation de l’assiette imposable de chaque activité recensée (Diakité D., 2007.). Ce choix est certainement imposé par la petite taille des commerces15 et/ou de la forte variété des produits vendus au même lieu, caractéristiques importantes du secteur informel (AfRISTAT, 1997). Dans ces conditions l’apparence de l’activité semble être le critère de typage facile à adopter. Ainsi par exemple on distinguera la vente de viande sur étal (dénommé « Boucher ») de la vente de viande en local (appelé « Boucherie ») dans le listing. Le soin est donc laissé à l’agent recenseur, en fonction de ce qu’il voit, de classer l’activité dans un type qui définira son barème de taxation. Ce qui peut ouvrir la voie à des arrangements, notamment dans l’impossibilité de contrôle due une absence de localisation géographique précise des activités recensées (Diakité D., 2007).

4.3. DESCRIPTION DE LA MÉThODE DE C O L L E C T E E T D ’ A R C h I VA G E PROPOSÉE

Elle propose, à la différence de la méthode utilisée jusqu’ici par la commune, d’utiliser un outil qui permette, en même temps, de recenser les lieux d’activités et de les localiser géographiquement. Cet outil c’est le plan, c’est-à-dire une carte à très grande échelle. Celle-ci doit permettre au moins d’aller à

15 L’enquête a permis de constater qu’il s’agit essentiellement d’activités commerciales.

l’échelle des îlots. Pour les besoins de l’enquête de terrain (manipulation des outils cartes, zoom), il y a lieu de procéder à une segmentation de l’espace d’étude, ici le territoire de la commune III, en de petites entités spatiales, le quartier par exemple. Dans cette étude, ces plans étaient imprimés au format A3. Afin de pouvoir gérer les éventuelles difficultés d’orientation pouvant naître de cette segmentation spatiale, une carte à grande échelle de l’ensemble de la commune, comportant noms de rue, infrastructures caractéristiques, est prévue.

Dans les endroits non couverts par un plan, le recensement s’effectue à partir d’un GPS de type professionnel. Il doit néanmoins être testé au préa-lable afin de s’assurer de sa précision.

En plus du plan et du GPS, les outils suivants doivent être confectionnés pour la collecte des données :

une nomenclature des types d’activités et de leurs installations. Il s’agit d’une recension a priori des ty-pes d’activités susceptibles d’être rencontrés sur le terrain. Cette nomenclature est élaborée par domaine d’activités à partir de la nomenclature du budget de la commune, du vécu des agents recenseurs et de celui des chercheurs ;

un questionnaire permettant de relever les attri-buts pertinents de chaque source recensée : globa-lement, les attributs de propriété et de localisation, et ceux des typologies diverses des activités. Les attributs ont été définis et/ou validés par les agents municipaux en charge de la gestion des finances.

Après l’obtention de ces différents outils, la col-lecte sur le terrain peut commencer. Elle consiste à matérialiser l’emplacement de chaque lieu d’activité sur le plan (le cas échéant par GPS) et à l’identifier par un numéro d’ordre de recensement. Ensuite un questionnaire de relevé des attributs du lieu d’activité est renseigné. Il y a donc une fiche de relevé d’attributs par lieu d’activité recensé. Cette fiche doit donc porter forcément le numéro d’identification du lieu qu’elle ren-seigne. La collecte des données sur le terrain doit être effectuée par des enquêteurs capables de s’orienter à partir d’un plan et de manipuler un GPS.

Les données collectées sont ensuite intégrées dans un SIG pour l’archivage, l’extraction et la car-tographie des informations utiles au recouvrement à partir de divers traitements et analyses.

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La méthode présente donc des exigences de mise en œuvre importantes.

Elle exige la disponibilité d’un plan à jour, dans tous les cas pas trop ancien, notamment quand il s’agit des communes urbaines qui ont, au Mali, une croissance spatiale assez souvent très rapide (Diarra B., et al, 2003). La disponibilité de plans des villes à jour n’est pas toujours le cas, loin s’en faut, au Mali (Diarra B. et al, op. cit.). Or, dans la ville de Bamako, l’étude a révélé que les installations économiques sont, en certains endroits, très rapprochées16. Leur collecte à partir d’un GPS peut donc prendre un long temps et même peut être source de confusions dans la localisation des lieux d’activité si le GPS utilisé n’est pas d’une très grande précision17. La méthode nécessite également l’identification et la formation d’enquêteurs capables d’utiliser correctement les instruments utilisés à savoir les plans et le GPS. Ceci nécessite que les communes, notamment cel-les rurales où le personnel élu comme fonctionnaire n’est pas toujours d’un niveau élevé, recrutent des étudiants terminalistes en géographie ou fassent re-cours aux services de bureaux d’études. Ce qui peut leur revenir cher. De plus, la densité d’occupation, la minutie de la méthode utilisée (il faut bien localiser sur plan ou GPS chaque lieu d’activité) et surtout la nécessité de repasser en certains endroits à cause par exemple des absences éventuelles des proprié-taires font que l’enquête peut nécessiter beaucoup de temps et donc d’argent.

Cependant, appliquée en prévenant ces différents facteurs limitants possibles, la méthode peut apporter les avantages suivants :

- la matérialisation des sources recensées. Ceci permet d’obtenir une plus grande traçabilité de ces lieux d’activités, d’autant que la recherche a relevé qu’ils changent de main environ tous les trois ans18 ;

- la possibilité de contrôle du travail des agents de recouvrement par les responsables municipaux. La

16 Cf. figure 2 : les objets sont parfois si rapprochés qu’ils donnent l’impression d’être représentés par des lignes et des points.

17 La localisation des données collectées par Diakité D., op. cit., ont ainsi beaucoup souffert de telles imprécisions. En réalité le GPS n’intervient dans la méthode que pour compléter le plan, par la saisie des coordonnées des lieux d’activités dans les nouvelles zones d’extension, et non s’y substituer.

18 Un attribut portait sur la durée dans l’activité au même lieu.

localisation géographique permet des contrôles, par exemple par échantillonnage de quelques lieux sur la carte, du travail de recensement des agents.

- Elle permet d’éviter de refaire la totalité du recensement chaque année. Elle est effet interactive, ce qui permet de mettre à jour, au fur et à mesure qu’ils sont signalés par les agents de recouvrement, les attributs qui ont changé (nouveaux propriétaires par exemple) ;

- l’intégration dans une base de données géo-référencée permet de regrouper rapidement les données par quartier, activité et/ou installation ; tout détail dont ont besoin les responsables des finances municipales pour la mise en route des opérations de recouvrement.

4.4. Présentation succincte du contenu de la base de données obtenue

La base de données est constituée par l’ensemble des points-activités (matérialisation graphique de l’activité) et des descriptifs retenus19 pour l’enquête. Ces descriptifs ou attributs peuvent être groupés de la façon suivante :

l’identification de l’activité ;

la localisation du l’activité ;

la nature de l’activité ;

l’installation de l’activité ;

le type de propriété sur le local abritant l’activité ; enfin,

l’exploitation de l’activité.

Chaque groupe d’attributs comporte un certain nombre de points de questionnements. Par exemple l’identification de l’activité concerne : le numéro d’en-quête qui est le numéro affecté au point-activité recensé sur le plan cartographique, le propriétaire de l’activité, le nom commercial de l’activité (par exemple « Excellence couture ») ; la localisation comprend : le quartier, la rue et la porte, le type d’espace occupé ; etc.

Chacun des points de questionnement est un des descriptifs des activités recensées, comme on peut le remarquer sur l’extrait ci-après de la base de données.

19 On se rappelle (cf. supra) qu’ils ont été arrêtés à la suite de concertations avec les responsables et agents municipaux.

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tableau 2 : extrait de la base données géographique de la Commune III

Source : Enquête AIRES-SUD n° 7009.

La base compte au total dix huit champs. Elle est archivée dans un logiciel de système d’information

géographique capable de faire les traitements carto-graphiques nécessaires à la collecte des taxes par les agents de recouvrement de la commune.

4.5. Le potentiel fiscal de la commune III selon la recherche

6 133 lieux d’activités ont pu être recensés di-rectement sur le plan et quelques fois par GPS. Ils sont répartis inégalement sur l’ensemble du territoire communal (cf. figure 2). Ainsi les quartiers de Kou-louba, Sogonafin, Point G, Centre commercial n’en ont presque pas. Cette situation illogique de prime abord, s’explique simplement par le fait que les deux premiers quartiers contiennent le palais présidentiel et ses services rattachés ; le quartier du Point G n’est en fait que la zone de l’hôpital national du même nom qui était, jusqu’en 2010, le plus grand du pays. Le quartier le Centre commercial abrite certes le grand marché de Bamako, mais celui-ci relève d’une gé-rance propre. Le reste de ce quartier est occupé par

les Etats majors des différents corps de l’armée et de la sécurité maliennes. D’autres quartiers par contre, ceux du centre notamment comme Bamako coura, comptent beaucoup de lieux d’activités. Ceux-ci sont parfois si rapprochés qu’ils donnent l’impression d’une représentation linéaire et non ponctuelle.

de lieux d’activités. Ceux-ci sont parfois si rappro-chés qu’ils donnent l’impression d’une représentation linéaire et non ponctuelle.

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figure 2 : la Commune III : quartiers, îlots et lieux d’activités recensés.

Ces 6 133 lieux ne comprennent pas les activités établis sur les marchés et les activités et services de nuit. Le potentiel taxable directement par la commune III est donc encore certainement supérieur.

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L’importance de la différence entre le recense-ment fait par cette recherche (6 133 lieux d’activités) et celle de la commune III elle-même en 2009 (1439 lieux d’activités) est difficile à expliquer. Elle ne s’ex-plique pas par la technique utilisée par la commune III puisque la même technique est utilisée ailleurs et semble aboutir à un dénombrement satisfaisant (Chambas G. et Duret E., 2000). De plus, le fait que les agents de recouvrement soient différents de ceux en charge du recensement vise à obtenir une sorte de relevé contradictoire qui doit favoriser la rigueur dans le recensement. La faiblesse du dénombrement, dans ces conditions, suspecte des arrangements non avouables sur le terrain (Diakité D., 2007). On a pu ainsi constater (cf. infra, « typologie ») que certaines activités, pourtant largement présentes sur le terrain, n’ont eu aucune occurrence dans le recensement communal de 2009. Dans tous les cas, si de tels arrangements existent, une des raisons expliquant qu’ils perdurent pourrait être l’impossibilité qu’offre l’outil « recensement des contribuables » utilisé par

la Commune III de procéder à des vérifications, ne serait-ce que sur des espaces échantillonnés, par exemple un segment de route. Le manque de géo-localisation apparaît alors comme l’une des faibles-ses les plus importantes de cet outil de recensement de la commune III. La méthode de recensement géographique permet de corriger largement cette insuffisance.

4 .6 . LA TYPOLOGIE DES ACTIVITÉS COLLECTÉES

La typologie concerne la diversité des activités et/ou des installations, mais aussi leur répartition spatiale.

En ce qui concerne les activités, 70 types ont été rencontrés sur le territoire de la commune III de Bamako. Le graphique ci-dessous représente les activités qui ont eu une occurrence d’au moins 30. On recense ainsi une trentaine d’activités qui représente 89,2 % des 6133 point-activités recensés.

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100

200

300

400

500

600

700

800

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Types d'activités

No

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figure 3 : Répartition des types d’activités de la commune III

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Malgré le choix de ne retenir pour la construction de la figure 3 que les activités apparaissant au moins trente fois dans la collecte, on note une plus grande diversité d’activités que ne le font les résultats de recensement de la commune. Cela peut cependant dépendre du fait que la nomenclature utilisée soit plus ou moins détaillée. Mais il peut dépendre aussi de la rigueur dans l’enquête. Ainsi, par exemple,

l’activité « vidéo club » créditée de zéro présence dans le dénombrement de la commune, est apparu pourtant plus de 60 fois dans la collecte effectuée lors de cette recherche. On ne rencontre pas non plus l’activité « couture » dans le listing de la Commune III (cf. tableau 1). Alors que cette activité apparaît ici comme la deuxième en nombre après les boutiques de proximité.

0

200

400

600

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1000

1200

1400

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1800

2000

Magasin Kiosque Boutique Atelier Etal Supermarché Plaquepublicitaire

Aire de lavage fermé Autres

Types d'installation

Nom

bre

par i

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figure 4 : Répartition des types d’installation d’activités en Commune III

Quant aux types d’installation des commerces, ils sont représentés par la figure 4. Le kiosque est le plus fréquent. Ceci s’explique par le fait que le centre commercial a été vite débordé par le nombre d’agents économiques qui ne trouvaient plus de local pour leur activité. Il n’y avait plus aussi aucune possibilité d’ex-tension car cerné de toutes parts par des maisons d’habitation. La seule alternative qui restait était de construire des kiosques le long des voies .

On rencontre également (cf. figure 4) beaucoup d’activités hors local : les étals, les paillotes (signi-fiées par l’appellation « autres » sur la figure 4). Ce

constat dénote du règne de l’informel, de l’importance des activités de survie et donc de la pauvreté. En effet à Bamako, comme ailleurs dans les grandes villes d’Afrique au sud du Sahara, le secteur informel absorbe le plus grand nombre d’actifs : de 60 à 95 % (Charmes J., 2006).

Ces types d’installation se répartissent entre les quartiers différemment (cf. figure 5).

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Bko C

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Ouolof

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Etal Kiosque Boutique Magasin Atelier Supermarché Aires lavage Plaque pub. Autres

Figure 5 : répartition par quartier des types d’installation d’activités

Les quartiers de Bamako Coura et le quartier du fleuve comptent le plus grand nombre d’activités tandis que les quartiers de Kodabougou et Niomiyiramboubou comptent les plus petits nombres. Cette situation est plus liée à la fonction urbaine de ces quartiers. Les deux premiers quartiers sont des quartiers centraux, jouxtant les centres d’affaires de la ville de Bamako. Beaucoup de propriétaires ont ainsi prévu des locaux commerciaux en construisant leur maison, s’ils ne l’ont tout simplement pas entièrement mise en bail et partir vivre ailleurs. La position en centre ville de ces quartiers a aussi encouragé la mairie a loué l’espace public pour des fins commerciales. Des kiosques métalliques ont ainsi poussé le long de toutes les voies. Les deux derniers par contre sont des quartiers qui se sont développés à la périphérie de la Commune III et de la ville de Bamako. Ce sont des quartiers spontanés anciens, constitués de constructions médiocres destinées quasi uniquement à abriter la maisonnée. La population est plutôt pauvre. Seules

sont rencontrées quelques boutiques destinées à servir à la population les produits de consommation courante (sucre, savon …).

Plusieurs autres constats se dégagent à la lecture du graphique. Par exemple le fait que le Quartier du fleuve ait le plus grand nombre d’activités ne signifie pas que chaque activité y est le plus grandement représentée. Les deux figures ci-après, donnant la répartition des types d’activités pour ce quartier et celui de N’Tominkorobougou, expliquent mieux cet aspect.

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20%

43%1%

14%

1%

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0%7%

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Etal Kiosque Boutique Magasin AtelierSupermarché Aires lavage Plaque pub. Autres

figure 6 : Répartition types d’installation dans le Quartier du fleuve

1%

27%

16%2%21%

0%

22%

9%

2%

Etal Kiosque Boutique Magasin AtelierSupermarché Aires lavage Plaque pub. Autres

figure 7 : Répartition type d’installation dans le quartier de n’tomikorobougou

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On constate ainsi, par exemple que si 21 % des installations sont des ateliers de couture, de coiffure et autres à N’Tominkorobougou, ce pourcentage n’est que de 1 au Quartier du fleuve. Ces exemples peuvent être multipliés (cf. figures 6 et 7). Ces différences sont en rapport avec la situation géographique de chaque quartier dans la ville de Bamako qui détermine en partie sa fonction urbaine.

Les données de typologie ont été traitées et analysées parce qu’il est apparu plus haut (cf. supra) que la commune III fondait ses barèmes de taxation à la fois sur les types d’activités et/ou les types d’installation de ces activités. Les pratiques communales en matière de répartition des tâches entre les agents de recouvrement exigent aussi que ces typologies soient exploitées pour chaque quartier. En effet, un ensemble de quartiers est confié à chaque équipe de recouvrement et les agents doivent recouvrer et faire le point par type d’activité et/ou d’installation. En l’absence de base de données informatisée et géoréférencée, les agents communaux ont des sessions budgétaires très longues à cause de ces calculs détaillés qu’ils sont obligés de faire manuellement . Or, n’importe lequel logiciel de SIG peut faire une requête « compter et grouper » sur une ou plusieurs colonnes en quelques secondes (Bouet E., 1998). Les autres types de traitements et d’analyses nécessaires pour construire graphiques et cartes ne prennent guère plus d’une matinée. Le gain de temps est important et a été très apprécié par les agents communaux.

5. ConCLusIon

La décentral isation est formellement et juridiquement réalisée aujourd’hui au Mali. Mais l’un des défis majeurs qu’elle présente reste la mobilisation des ressources fiscales qui permettraient aux collectivités décentralisées de faire face aux responsabilités qui leur ont été confiées et de se rendre ainsi effectivement autonomes, dans ces domaines, de l’État. Dans cette perspective, une alternative pertinente pour aider à relever ce défi de la mobilisation des ressources fiscales pourrait être l’utilisation de la collecte à partir d’outils permettant une matérialisation géographique des lieux recensés et d’un archivage géoréférencé à partir du système d’information géographique. L’objectif principal de cette recherche était justement de mettre en œuvre

et de tester les bases méthodologiques et techniques d’une telle démarche et ce à partir de l’exemple de la commune III de Bamako. Les méthodes actuelles de recensement et d’archivage utilisés par la commune III constituent certes des efforts appréciables pour la mobilisation de ses ressources fiscales. Mais, en l’absence d’éléments de géo-localisation, elles n’offrent pas aux responsables communaux de réelles possibilités de contrôle sans être obligés de refaire l’ensemble du dénombrement. En plus, l’archivage informatique des données collectées sous la forme d’un SIG municipal permet d’obtenir plus rapidement des informations dont le calcul jusqu’ici manuel prenait un long temps et donc beaucoup d’argent. C’est le cas des regroupements sur différentes variables nécessaires au partage du travail de recouvrement entre les différents agents qui en sont chargés. Plusieurs autres analyses pouvant faciliter le recouvrement et la gestion des recettes fiscales sont également possibles (Togora h., 2011).

La base de données fiscales et sa méthode de constitution exigent cependant un savoir et un savoir-faire que les communes maliennes n’ont pas très souvent. Elle nécessite également la disponibilité d’une couverture cartographique à très grande échelle et à jour qui n’existe pas pour toutes les localités maliennes. Ceci peut être un facteur limitant l’utilisation à court terme de la méthode dans beaucoup de communes du Mali (il y en a 703 en tout). Cependant, à moyen terme, les perspectives offertes par les images satellites à très haute résolution spatiale (de l’ordre du mètre pour les images IKONOS) permettront d’alléger cet obstacle d’accès à des documents cartographiques à très grande échelle. La méthode pourra alors être techniquement généralisable.

BIBLIogRaPhIe

• AfRISTAT, 1997. Actes du Séminaire « Le secteur informel et la politique économique en Afrique Sub-Saharienne », 10-&’ mars 1997, Bamako, 3 volumes.

• Bouet E., 1998. La communication directe avec le SIG : l’expérience d’Issy-les-Moulineaux. In ESRI 98 : diffusion, expériences, données, cartographie, méthodologie, Paris, hermès, pp. 31-35

• Chambas G. et Duret E., 2000. La mobilisation des ressources locales au niveau des municipalités d’Afrique subsaharienne, Sépia-MAE, Paris, 167 pages.

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