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Tabac et grossesse : la France toujours mauvaise élève ?

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Page 1: Tabac et grossesse : la France toujours mauvaise élève ?

Journal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction (2010) 39, 1—2

ÉDITORIAL

Tabac et grossesse : la France toujours mauvaise

élève ?

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Tobacco and pregnancy: France alwa

Le plan cancer 2009—2013 accorde, à partir du 1er janvier2010, une augmentation du remboursement des traitementspar substituts nicotiniques pour les femmes enceintes quifument. Le forfait remboursement passe de 50 à 150D . Est-ce une bonne mesure ?

Le tabagisme au cours de la grossesse esttoujours important en France

Il faut d’abord souligner que le tabagisme au cours de lagrossesse est la violence la plus grave et la plus fréquentefaite au fœtus [1]. Il entraîne une hypoxie profonde et pro-longée, liée à la fixation du monoxyde de carbone (CO)sur une hémoglobine fœtale immature. En France, 22 % desfemmes enceintes fument pendant leur grossesse, ce quiconstitue un record en Europe [2] qui retentit très défavo-rablement sur les indicateurs de périnatalité, en particulier,la prématurité : le retard de croissance est 2,5 fois plus fré-quent quand une femme fume plus de dix cigarettes parjour [3]. On connaît les conséquences médicales et socialesà long terme de ces deux problèmes [4]. En outre, l’étudeEuroNatal a démontré qu’en France la prise en charge dutabagisme en période périnatale est le plus souvent inadap-tée et corrélée à la morbidité [5].

Cette mesure de remboursement est tardiveet inadaptée !

Depuis la conférence de consensus de 2004, nous réclamonsle remboursement des substituts nicotiniques. Nous avonsrenouvelé cette demande en 2006, et, à l’automne 2009,nous avons de nouveau insisté sur l’absence de réponse

[6]. Pourtant, l’aide à l’arrêt du tabac au cours de la gros-sesse est l’une des actions de santé publique où le rapportcoût/efficacité est le plus élevé. Enfin, à Montpellier, en2009, M. Patrick de Fontbressin a insisté sur le droit à lasanté et le lien entre « grossesse sans tabac » et droits de

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0368-2315/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits rdoi:10.1016/j.jgyn.2010.01.003

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’homme pour la reconnaissance du droit à l’environnementain. Les enfants nés prématurés pourraient entamer desrocédures à la Cour européenne des droits de l’homme sure fondement de l’obligation positive de l’État à un environ-ement sain.

Une mesure de remboursement limitée à 150D restenadaptée car le tabagisme est une addiction, donc unealadie chronique ; les rechutes sont précoces et fré-uentes. Qui imaginerait un remboursement de l’insulineendant deux mois pour les diabétiques ?

Qui plus est, le dispositif est complexe : il faut rédi-er une ordonnance spécifique pour le remboursement et,ontrairement aux autres traitements, il n’y a pas de tiersayant alors que l’on ne peut ignorer la fréquence de cetteddiction dans les milieux les plus en difficulté.

Tout semble donc être fait pour rendre ce traitementnaccessible et le dévaloriser par rapport aux autres trai-ements médicaux. À partir des données de l’Observatoirerancais des drogues et des toxicomanies (OFDT), on peutstimer qu’au mieux 3 % des fumeurs bénéficient du rem-oursement forfaitaire de 50D au titre de la prise en chargees médicaments d’aide à l’arrêt du tabac. À partir desonnées de l’Urcam Picardie (2007—2009), seulement 6 %es femmes enceintes qui fument bénéficient du forfait deemboursement des substituts nicotiniques de 50D . La pres-ription est plutôt l’exception que la règle chez les femmesortement dépendantes, et cette prescription est souventrop tardive : dans 40 % des cas, la prescription se fait à partiru sixième mois de grossesse. Et, comme si cela ne suffi-ait pas, la situation des consultations de tabacologie n’estas, non plus, ce qu’elle devrait être : nombre insuffisantt, donc, délai de rendez-vous non conformes [7].

t le partenaire ?

ur un plan clinique, pourquoi le partenaire est-il ignoré ?’enquête Coquelicot a pourtant rappelé la place essentielleu partenaire dans les trajectoires de consommations de

éservés.

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d Association nationale des sages-femmes tabacologues,France

rogues (http://www.sante.gouv.fr/drees/santefemmes/ches/fiche57.pdf). Les Belges l’ont bien compris depuis005 : le programme de prise en charge est offert tant àa femme enceinte qu’à son partenaire. L’aide financièreomporte huit séances auprès d’un tabacologue agréé et unemboursement pour les frais de médicaments.

ue faut-il faire ?

es professionnels de santé des maternités et leurs direc-eurs ne demandent qu’à améliorer la prise en chargee la femme enceinte qui fume [6]. Toutes les régionsoivent, dans le cadre de leur réseau périnatal, disposer’un minimum de moyens pour les formations de sages-emmes tabacologues et l’achat d’analyseurs de CO.

our mieux traiter

our mieux traiter, il faut :

diagnostiquer l’intoxication tabagique, comme toutemaladie : c’est un diagnostic positif et c’est aussi un diag-nostic du stade de gravité qui nécessite de mesurer le COexpiré chez toutes les femmes enceintes ;informer et motiver : là encore, le résultat du CO expiréest un apport important.

Les thérapies cognitivocomportementales (TCC) sont laase du traitement : très souvent, elles doivent être com-létées par des substituts.

La forme de substitution nicotinique doit être personnali-ée : les substituts nicotiniques sont un traitement efficaceui a une AMM pour les femmes enceintes depuis octobre997. Il n’a pas été mis en évidence de complications liées àeur usage au cours de la grossesse [8,9]. Ce qui est toxique,’est le CO et les 4000 autres toxiques présents dans laumée et non la nicotine. L’utilisation de substituts nico-iniques par des fumeuses enceintes aboutit à un passagee nicotine (mesuré par la cotininurie) sensiblement infé-ieur à celui consécutif à la consommation de dix cigarettesu plus par jour [10]. Le rapport bénéfice/risque est incon-establement positif même s’il est habituel de ne pas laissern place les patchs en période nocturne.

L’Afssaps a édité une fiche d’information très claire [11],télécharger, imprimer et mettre dans votre salle de consul-

ation. Il ne faut pas hésiter à tracer dans les dossiers lesas où des conditions insuffisantes de remboursement d’unraitement efficace obèrent la prise en charge. Les respon-abilités seront plus claires à établir.

onclusion

n France, il y a trop de naissances prématurées et de retarde croissance dont la première cause évitable est le taba-isme au cours de la grossesse. Il est possible d’éviter cesathologies si nous mesurons le CO de toutes les femmes,umeuses ou non, évaluons leur dépendance, informons les

ouples des dangers du tabagisme, aidons à l’arrêt par larescription adaptée de substituts nicotiniques et prévenonses rechutes en organisant le suivi en lien avec les consulta-ions prénatales, la sage-femme tabacologue et les séancese préparation à la naissance et à l’allaitement.

A

Éditorial

emerciements

ous adressons nos remerciements à Olivier Zielinski (Urcame Picardie) et au Conseil Régional de Picardie (Préventiont éducation à la santé).

éférences

[1] Braillon A. Violence during pregnancy. What about smoking?Acta Obstet Gynecol Scand 2009:17.

[2] Euro-peristat. European Perinatal Health Report 2008.http://www.europeristat.com/bm.doc/european-perinatal-health-report.pdf.

[3] Nabet C, Lelong N, Ancel PY, Saurel-Cubizolles MJ, Kaminski M.Smoking during pregnancy according to obstetric complicationsand parity: results of the EUROPOP study. Eur J Epidemiol2007;22:715—21.

[4] Moster D, Lie RT, Markestad T. Long-term medical and socialconsequences of preterm birth. N Engl J Med 2008;359:262—73.

[5] Richardus JH, Graafmans WC, Verloove-Vanhorick SP, Mac-kenbach JP, EuroNatal International Audit Panel, EuroNatalWorking Group. Differences in perinatal mortality and subop-timal care between 10 European regions: results of aninternational audit. BJOG 2003;110:97—105.

[6] Braillon A, Robillart H, Delcroix M, Gomez C, Delmas-Lanta S,Dubois G. Grossesse sans tabac. Une mobilisation régionale desprofessionnels des maternités de Picardie. J Gynecol ObstetBiol Reprod (Paris) 2009;38:488—92.

[7] Braillon A, Dubois G, Bernardy-Prud’homme A. Tabac, gros-sesse et consultations de tabacologie. Gynecol Obstet Fertil[in press].

[8] Stead LF, Perera R, Bullen C, Mant D, Lancaster T. Nicotinereplacement therapy for smoking cessation (Review). CochraneDatabase Syst Rev. 2008;CD000146.

[9] Pollak KI, Oncken CA, Lipkus IM. Nicotine replacement andbehavioral therapy for smoking cessation in pregnancy. Am JPrev Med 2007;33:297—305.

10] Wright LN, Thorp Jr JM, Kuller JA, Shrewsbury RP, AnanthCKH. Transdermal nicotine replacement in pregnancy: mater-nal pharmacokinetics and fetal effects. Am J Obstet Gynecol1997;176:1090—4.

11] Afssaps. Traitements de substitution nicotinique pendantla grossesse : Afssaps, 2006. La fiche d’information élabo-rée par l’Afssaps peut être téléchargée à : http://www.afssaps.fr/var/afssaps site/storage/original/application/f437790c249beb646b101e76bb0127eb.pdf.

A. Braillona,∗,b

J. Lansacc

M. Delcroixb

C. Gomezd

G. Duboisa

a Département de santé publique, hôpital Nord, placeVictor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 01, Franceb Association périnatalité prévention recherche

information, Francec Collège national des gynécologues-obstétriciens francais,

France

∗ Auteur correspondant.dresse e-mail : [email protected] (A. Braillon).