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Ordre Ecossais des Chevaliers du Saint Temple de Jérusalem Les origines des tableaux des grades de Maître et de Maître Ecossais (ou Ecossais Vert) de la Maçonnerie Rectifiée de Dresde Nous nous sommes déjà interrogé sur l'origine des tableaux des quatre premiers grades de la Maçonnerie Rectifiée de Dresde, autre appellation de la Stricte Observance templière; tableaux qui furent repris ultérieurement par le Rite Ecossais Rectifié sans modification aucune. Mais les drapeaux régimentaires de Hanovre et de Hesse-Cassel du XVIII ème siècle semblent ouvrir une autre voie de recherches. Antérieurs à 1751, date à laquelle le baron de Hund et ses associés entreprirent de rédiger les rituels de la Stricte Observance 1 , leurs emblèmes purent avoir influencé les tableaux des grades, qui sont une spécificité de La Maçonnerie Rectifiée. Les Tapisseries des Eléments et des Saisons Les Tapisseries des Eléments et des Saisons, devaient être réalisées par la manufacture des Gobelins pour les appartements de Louis XIV à Versailles. Le dessin en fut reproduit par le miniaturiste Jacques Bailly (1629 - 1679) sur demande de Colbert et le recueil de gouaches, sur vélin, destiné à la bibliothèque royale, est aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France. Le tableau du grade de Maître aurait pu être inspiré par la devise de la« pièce de l'élément de l'eau », accompagnant la troisième tapisserie des quatre éléments, qui représente deux vaisseaux sur une mer calme, mais non démâtés, aux voilures déployées. Toutefois, la devise n'a pas été reprise puisqu'elle s'applique au roi : « Nusquarn data littora transit» (En aucun lieu il ne franchit les rivages qui lui ont été fixés [par l'Eternel]). Le dessin du tableau du grade d'Ecossais Vert (Lyon) ou Maître Ecossais (Dresde), un lion, «emblème de l'Ecossais », «sous un surplomb rocheux, jouant avec toutes sortes d’instruments mathématiques», est à rapprocher de la devise de la «pièce de l'élément de la terre», accompagnant la quatrième tapisserie des quatre éléments: «Un Lion qui se repose, & ce mot QUIS HUNC IMPUNE LACESSET » (Qui le provoquera impunément ?). Même si aucun instrument de mathématiques n'est figuré ici, la similitude des deux dessins est si frappante qu'on ne peut y voir quune même source d'inspiration. Si de telles similitudes ne peuvent être le fruit du hasard, comment les expliquer? Est-il téméraire d’imaginer que le baron de Hund ait pu voir ces tapisseries lorsqu' il se rendit à Versailles en 1743; ou que certains de leurs thèmes qui pouvaient avoir quelque rapport avec la symbolique maçonnique de l'époque aient été repris pour décorer le local de la loge qu'il visita alors - et qu' il s'en soit inspiré pour illustrer les devises des grades de Maître et d'Ecossais Vert. Hypothèse d'autant plus séduisante quand on sait que le tableau du grade de Compagnon, une « pierre cube sur laquelle est posée une équerre», a été visiblement repris de la devise et du dessin de La« pièce de La saison de l'été», accompagnant la deuxième

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Ordre Ecossais des Chevaliers du Saint Temple de Jérusalem

Les origines des tableaux des grades de Maître et de Maître Ecossais

(ou Ecossais Vert) de la Maçonnerie Rectifiée de Dresde

Nous nous sommes déjà interrogé sur l'origine des tableaux des quatre premiers grades de la

Maçonnerie Rectifiée de Dresde, autre appellation de la Stricte Observance templière;

tableaux qui furent repris ultérieurement par le Rite Ecossais Rectifié sans modification

aucune. Mais les drapeaux régimentaires de Hanovre et de Hesse-Cassel du XVIIIème

siècle

semblent ouvrir une autre voie de recherches. Antérieurs à 1751, date à laquelle le baron de

Hund et ses associés entreprirent de rédiger les rituels de la Stricte Observance1, leurs

emblèmes purent avoir influencé les tableaux des grades, qui sont une spécificité de La

Maçonnerie Rectifiée.

Les Tapisseries des Eléments et des Saisons

Les Tapisseries des Eléments et des Saisons, devaient être réalisées par la manufacture des

Gobelins pour les appartements de Louis XIV à Versailles. Le dessin en fut reproduit par le

miniaturiste Jacques Bailly (1629 - 1679) sur demande de Colbert et le recueil de gouaches,

sur vélin, destiné à la bibliothèque royale, est aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale

de France. Le tableau du grade de Maître aurait pu être inspiré par la devise de la« pièce de

l'élément de l'eau », accompagnant la troisième tapisserie des quatre éléments, qui représente

deux vaisseaux sur une mer calme, mais non démâtés, aux voilures déployées. Toutefois, la

devise n'a pas été reprise puisqu'elle s'applique au roi : « Nusquarn data littora transit» (En

aucun lieu il ne franchit les rivages qui lui ont été fixés [par l'Eternel]).

Le dessin du tableau du grade d'Ecossais Vert (Lyon) ou Maître Ecossais (Dresde), un lion,

«emblème de l'Ecossais », «sous un surplomb rocheux, jouant avec toutes sortes

d’instruments mathématiques», est à rapprocher de la devise de la «pièce de l'élément de la

terre», accompagnant la quatrième tapisserie des quatre éléments: «Un Lion qui se repose, &

ce mot QUIS HUNC IMPUNE LACESSET » (Qui le provoquera impunément ?). Même si

aucun instrument de mathématiques n'est figuré ici, la similitude des deux dessins est si

frappante qu'on ne peut y voir qu’une même source d'inspiration.

Si de telles similitudes ne peuvent être le fruit du hasard, comment les expliquer? Est-il

téméraire d’imaginer que le baron de Hund ait pu voir ces tapisseries lorsqu' il se rendit à

Versailles en 1743; ou que certains de leurs thèmes qui pouvaient avoir quelque rapport avec

la symbolique maçonnique de l'époque aient été repris pour décorer le local de la loge qu'il

visita alors - et qu' il s'en soit inspiré pour illustrer les devises des grades de Maître et

d'Ecossais Vert. Hypothèse d'autant plus séduisante quand on sait que le tableau du grade de

Compagnon, une « pierre cube sur laquelle est posée une équerre», a été visiblement repris de

la devise et du dessin de La« pièce de La saison de l'été», accompagnant la deuxième

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tapisserie des quatre saisons: « Une Equaire [posée sur un mur aux pierres apparentes,

disposées régulièrement] ayant pour mot Dirigit obliqua. Pour marquer le soin & l'application

de sa Majesté à reformer les abus de son Estat, & et à redresser (c'est nous qui soulignons) les

mauvaises coustumes qui s'y estaient introduittes. »

Les drapeaux des régiments de Hanovre et de Besse-Cassel

Une autre source d’inspiration pourrait être les drapeaux des régiments de Hanovre et de

Hesse-Cassel.

Deux drapeaux des régiments du Hanovre Electoral, au XVIIIème

siècle, portent, l'un un rocher

entouré d'eau, l'autre, un navire aux voiles déployées devant une falaise. Le premier régiment

fut créé en 1741 sous le nom de von Bourdon. Il prit ensuite les noms de von Brunck en 1745,

puis de von Esstorf en 1759 jusqu'en 1776 où il est amalgamé avec le régiment 12-A (von

Scharhorst) dont il devient le second bataillon.

Le drapeau régimentaire, à fond vert, porte au centre un motif représentant un rocher

émergeant de l'eau, battu par les flots, sous un ciel nuageux, assailli par le vent et la foudre.

La devise: «Tu ne cede malis » (Tu ne cèdes pas à l’infortune) est extraite de I'Enéide (6, 95)

de Virgile. Le tout est couronné d'une couronne royale.

Le second régiment fut créé en 1702 pour le prince Adolph von Mecklcmburg-Strelitz. Il prit

successivement les noms de ses colonels : Knobel en 1708, von Rhoeden en 17 17, von

Sporken en 1741, von Wrangel en 1742, de Cheusses en 1746, von Dreves en 1757, puis von

Goldacker en 1761. En 1768, il incorpora le régiment de La Chevalerie qui devient son

second bataillon.

Le drapeau régimentaire est à fond jaune, avec un motif central peint au naturel qui représente

un navire, toutes voiles dehors, devant une falaise, et avec un ciel étoilé. La devise est : « ln

Deo conservatio mea » (En Dieu est ma conservation).

Pour reconstituer le tableau du 3ème

grade, celui de Maître, il suffit de superposer les deux

dessins, de supprimer rocher et fa laise, et de démâter le navire après avoir essuyé une forte

tempête, signifiée, sur le premier drapeau, par les nuages, le vent et la foudre.

Une source d’inspiration du tableau 4ème

grade, celui de Maître Ecossais (version de Dresde)

ou d'Ecossais Vert (version de Lyon), repris tel quel par Je Rite Ecossais Rectifié, serait à

rechercher du côté du régiment de Hanovre créé en 1665 sous le nom de Cellische

Liebregiment (Libregiment du duc de Celle). Après avoir intégré l'armée de Hanovre, il prend

successivement les noms de ses colonels : von Bemstorf en 1693, von Diepenbroick en 1709,

von Zastrow (ai t), von Ottel en 1761. En 1770, il est incorporé au régiment l-A dont il

devient le second bataillon 1-B.

Le drapeau régimentaire, à fond rouge, porte, comme motif central peint au naturel, un lion

couché sur un tertre. Dans le haut une banderole avec ces mots : « Vigilantia vincit » (La

vigilance vainc).

Quant aux drapeaux des régiments de Hesse-Cassel, vers 1770, ils reprenaient le blason de

cette principauté de la Confédération germanique : D’azur, au lion burelé d'argent et de

gueules, armé, lampassé et couronné d’or.

Certes, la position du lion, «sous un abri rocheux» du grade de Maître Ecossais regarde à

senestre et non à dextre, mais sa représentation peut être considérée comme identique.

Trois familles « régimentaires » membres de la Stricte Observance

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Faute de posséder la liste complète des membres de la Stricte Observance à partir de 1751,

trois noms ressortent. Celui du ministre d'Etat von Bernstorf dont on sait seulement que sa

veuve accueillit à Weimar, près d'elle, Christophe Bode, Eques a Lilio Convallium, Procurator

Generalis OEconomicus, reçu dans l'Ordre en 1764.

De la famille princière de Mecklemburg-Strelitz, Charles, duc de Mecklemburg-Strelitz, avait

été reçu, en 1767, Socius Amicus Ordinis sous le nom de Eques a Pallio Purpureo. Il fut

nommé, lors du Convent de Kohlo (4-24 juin 1772), Superior Ordinis et Protector pour le

Hanovre Electoral et le Mecklemburg. Le 13 décembre 1780, il devait être reconnu comme

Protecteur des Loges Unies de l'Electorat de Hanovre et du duché de Mecklemburg, des

principautés de Munster, Waldeck et Hildesheim. C'est lui qui, lieutenant-général de Grande-

Bretagne et gouverneur de Hanovre, avait juré de faire subir à l’imposteur Gugomos le même

sort qu'à Johnson. Il devait passer au système des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte

(C.B.C.S.) du Convent de Wilhelmsbad en 1 782.

Au Couvent de Berlin (9-19 octobre 1773), convoqué par le duc Charles, la Stricte

Observance était représentée par Georges de Mecklemburg-Strelitz, Eques a Leone

Quiescente. En Autriche, le major-général Georges, duc de Mecklemburg-Strelitz, fut reconnu

comme Grand Commandeur du Chapitre Saint-Poelten. Il était également Maître en Chaire

des Trois aigles.

Quant à La famille de Hesse-Cassel, on connaît au moins deux membres influents au sein de

1'Ordre. Le prince Charles, Eques a Leone Resurgente, fut nommé, en 1777, Maître

Provincial du Grand Prieuré d'Allemagne de la VIIIe Province ; et, le 3 septembre 1 779,

coadjuteur et successeur éventuel à la grande maîtrise de la VIIe Province. Il échangea avec

Jean-Baptiste Willermoz une abondante correspondance et rejoignit, lui aussi, le régime des

C.B.C.S.

Le landgrave Frédéric de Hesse Cassel, Eques a Septem Sagittis, Préfet honoraire de Templin,

détermina, en 1779, le Grand Maître de la Grande loge des Pays-Bas, le baron de Botzelaer, à

entrer dans l'Ordre Intérieur. Il prit le nom de Eques a Sole et conclut, la même année, au nom

des Templiers hollandais, une alliance avec le Directoire de Brunswick.2

En guise de conclusion (provisoire)

Avec les Tapisseries du Roi et les drapeaux des régiments de Hanovre ct de Hesse-Cassel,

nous avons deux sources possibles d'inspiration, qui peuvent apparaître complémentaires. Est-

ce à dire qu'elles furent bien à l'origine des tableaux des 3ème

et 4ème

grades de la Maçonnerie

Rectifiée de Dresde, puis du Rite Ecossais Rectifié ? Nul ne pourra, sans doute, jamais

l'affirmer. Mais les coincidences sont plus que troublantes. Surtout quand on sait le rôle des

familles princières d'Allemagne dans le développement de la Stricte Observance. Les

«inventeurs » des grades allégoriques de l'Ordre, tout en gardant le fonds traditionnel de la

Maçonnerie de métier anglo-saxonne et de la Maçonnerie « écossaise » dont le grade de

Maître Ecossais est le haut grade le plus anciennement connu, ne purent que s'inspirer

d'emblèmes et symboles figurés ici ou Là.

Sachant que la Stricte Observance a deux sources : la Franc-Maçonnerie anglaise des trois

premiers grades, dont Wilhelm Marschall von Biebers tein, maréchal héréditaire de Thuringe,

fut Grand Maître Provincial anglais pour le cercle de la Haute-Saxe, et la branche écossaise de

l'Ordre du Temple, dont la patente fut signée par l'Eques a Sole Aureo - or nous savons qu' il

fut le Prétendant Charles-Edouard Stuart - à l'origine des grades chevaleresques, il n'est pas

étonnant qu'il faille rechercher du côté des régiments des Etats de l'ancienne Confédération

germanique une source d'inspiration. De plus, le rôle des familles princières et des militaires

dans le développement de 1 'Ordre est assez connu pour comprendre une interpénétration

ayant donné à la Stricte Observance les caractéristiques que nous lui connaissons.

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Mais la discussion reste ouverte. Souhaitons que d'autres historiens puissent affiner ce que

nous avons écrit ct découvrent, à leur tour, d'autres sources d'inspiration !

P. G-A

1 La Franc-Maçonnerie templière el ses grades allégoriques (du XV!II' siècle à nos jours),

éditions Opéra, Nantes,

1999, p. 83-90.

2 Cf. René Le Forestier, La Franc-Maçonnerie templière et occultiste, Aubier-Montaigne,

Paris, 1970.